1. Privilèges et immunités des Communautés européennes - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Immunité pendant la durée des sessions - Demande de défense de l'immunité d'un membre du Parlement visant à obtenir la suspension des poursuites engagées contre lui - Pouvoir d'appréciation du Parlement - Portée et limites

Si les privilèges et immunités reconnus aux Communautés européennes par le protocole y relatif annexé au traité revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’ils visent à éviter qu’une entrave soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance des Communautés, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été expressément accordés aux membres du Parlement ainsi qu’aux fonctionnaires et autres agents des institutions de la Communauté. Le fait que les privilèges et immunités sont prévus dans l’intérêt public communautaire justifie le pouvoir donné aux institutions de lever, le cas échéant, l’immunité, mais ne signifie pas que ces privilèges et immunités soient accordés à la Communauté exclusivement et non pas également à ses fonctionnaires, à ses autres agents et aux membres du Parlement. Le protocole crée donc un droit subjectif au profit des personnes visées, dont le respect est garanti par le système des voies de recours établi par le traité.

À cet égard, il y a lieu de reconnaître au Parlement un large pouvoir d’appréciation quant à l’orientation qu’il entend donner à une décision faisant suite à une demande visant à obtenir du Parlement que celui-ci requière la suspension des poursuites au titre de l'article 10, premier alinéa, sous a), dudit protocole. Toutefois, la question de savoir si la décision doit être prise sur le fondement de l’article 9 ou sur celui de l’article 10, premier alinéa, sous a), du protocole ne relève pas du pouvoir d’appréciation du Parlement.

Arrêt du 19 mars 2010, Gollnisch / Parlement (T-42/06, Rec._p._II-1135) (cf. points 94, 96, 101-102)

2. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Indemnité d'assistance parlementaire - Tiers payant chargé de la gestion des montants versés - Absence de pièces justifiant d'une utilisation conforme - Obligation de remboursement



Arrêt du 16 décembre 2010, Martin / Parlement (T-276/07, Rec._p._II-277*) (cf. points 100, 108)

3. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Recouvrement de sommes indûment versées - Obligation inconditionnelle



Arrêt du 16 décembre 2010, Martin / Parlement (T-276/07, Rec._p._II-277*) (cf. point 114)

4. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Indemnité d'assistance parlementaire - Responsabilité du membre du Parlement auteur de la demande vis-à-vis de cette institution - Tiers payant chargé de la gestion des montants versés - Absence d'incidence



Arrêt du 16 décembre 2010, Martin / Parlement (T-276/07, Rec._p._II-277*) (cf. points 95-96)

5. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Actes du Parlement destinés à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers - Décision portant levée de l'immunité d'un député - Inclusion



Ordonnance du 17 décembre 2010, Uspaskich / Parlement (T-507/10 R, Rec._p._II-301*) (cf. point 24)

Ordonnance du 4 juillet 2014, Uspaskich / Parlement (T-84/12) (cf. point 39)

6. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Indemnité d'assistance parlementaire - Absence de pièces justifiant d'une utilisation conforme - Obligation de remboursement - Conditions d'octroi de ladite indemnité réunies au moment de la demande - Absence d'incidence



Arrêt du 24 mars 2011, Dover / Parlement (T-149/09, Rec._p._II-69*) (cf. points 122-124)

7. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Indemnité d'assistance parlementaire - Prestataire de services d'assistance parlementaire n'ayant pas honoré ses obligations fiscales découlant des honoraires s'y rapportant - Responsabilité du membre du Parlement européen auteur de la demande vis-à-vis de cette institution - Absence



Arrêt du 24 mars 2011, Dover / Parlement (T-149/09, Rec._p._II-69*) (cf. points 150-155)

8. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Notion d'opinion exprimée dans l'exercice de fonctions - Application dans le cadre d'une procédure judiciaire engagée contre un membre du Parlement - Compétence de la juridiction nationale saisie

L’article 8 du protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu’une déclaration effectuée par un député européen en dehors du Parlement européen ayant donné lieu à des poursuites pénales dans son État membre d’origine au titre du délit de dénonciation calomnieuse ne constitue une opinion exprimée dans l’exercice des fonctions parlementaires relevant de l’immunité prévue à cette disposition que lorsque cette déclaration correspond à une appréciation subjective qui présente un lien direct et évident avec l’exercice de telles fonctions. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer si ces conditions sont remplies dans un cas d'espèce.

Arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello (C-163/10, Rec._p._I-7565) (cf. point 41 et disp.)



Ordonnance du 19 janvier 2012, Patriciello (C‑496/10) (cf. points 15-17, 19 et disp.)

9. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Obligation de consulter le secrétaire général du Parlement et le collège des questeurs avant l'adoption de ladite décision - Violation - Absence

Un député au Parlement européen ne saurait se prévaloir d'une violation de l'article 29 de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, selon lequel les questeurs et le secrétaire général veillent, selon les instructions du président, à l'interprétation et à la stricte application de ladite réglementation, pour contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital, dès lors que cette disposition ne vise que l'interprétation et l'application de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés et non sa modification et que le Bureau avait la compétence pour modifier cette réglementation. De surcroît, la décision modificative a été prise sur proposition dudit secrétaire général et, en vertu de l'article 21, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement, les questeurs participent aux réunions du Bureau avec voix consultative.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. points 121-123)

10. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Principe de bonne foi dans l'exécution des contrats - Violation - Absence

Un député au Parlement européen ne saurait se prévaloir d'une violation du principe de bonne foi dans l'exécution des contrats pour contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital, dès lors que les relations entre ledit député et le Parlement s'inscrivent dans le cadre du lien statutaire les unissant et relèvent donc des prérogatives de puissance publique dont le Parlement est investi afin de pouvoir accomplir la mission qui lui est confiée par les traités.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. points 124-126)

11. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Droits acquis - Violation - Absence

Un député au Parlement européen ne saurait se prévaloir d'une violation de ses droits acquis pour contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital, dès lors que le fait générateur du droit à une pension complémentaire est défini par l'article 1er, paragraphe 1, de la réglementation concernant le régime de pension complémentaire comme étant le jour de la cessation des fonctions de député et que, n'ayant pas encore cessé ses fonctions lors de l'entrée en vigueur de cette décision, il n'avait pas encore acquis son droit à ladite pension.

En effet, le principe selon lequel un requérant ne saurait se prévaloir d'un droit acquis que si le fait générateur de son droit s'est produit sous l'empire d'une réglementation antérieure à la modification qui a été apportée à ce régime et qu'il conteste par son recours, s'il a été énoncé dans la jurisprudence ayant trait aux fonctionnaires européens, a vocation à s'appliquer de manière générale et, en particulier, aux députés du Parlement européen dont le régime de pension complémentaire partage un élément clé caractéristique avec le régime de pension des fonctionnaires européens, puisque les deux systèmes définissent un calcul actuariel dans le cadre duquel la cotisation annuelle doit correspondre à un tiers des droits à la pension acquis dans la même année.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. points 44-46)

12. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Principe de sécurité juridique - Principe de continuité des contrats - Violation - Absence

Un député au Parlement européen ne saurait se prévaloir d'une violation du principe de sécurité juridique "attachée au contrat de pension complémentaire" et du principe de continuité des contrats pour contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital.

En effet, la création du régime de pension complémentaire des députés au Parlement européen ainsi que sa modification en cas de besoin doivent être considérées comme des mesures d'organisation interne destinées à assurer le bon fonctionnement du Parlement européen et relèvent, à ce titre, des prérogatives de puissance publique dont le Parlement est investi afin de pouvoir accomplir la mission qui lui est confiée par les traités. Effectivement, dans tout système parlementaire, l'un des soucis essentiels est celui de garantir l'indépendance, y compris l'indépendance financière, des députés en tant que représentants du peuple, lesquels sont censés servir l'intérêt général de ce dernier. À cet égard, la garantie d'une indemnité financière appropriée, assurant l'indépendance du député, ne saurait être limitée à la seule durée du mandat mais doit également couvrir, dans une mesure appropriée, une période transitoire après la fin de ce mandat et prévoir une pension, en fonction de la durée pendant laquelle le député a fait partie du Parlement.

Il s'ensuit que le régime de pension complémentaire litigieux fait partie des dispositions légales ayant pour objet, dans l'intérêt général, d'assurer l'indépendance financière des députés.

Dès lors, les droits et obligations qui découlent de ce régime pour le Parlement et pour les députés s'inscrivent dans le cadre du lien statutaire les unissant et ne sont donc pas contractuels mais relèvent du droit public. À cet égard, le fait que ledit député ait adhéré volontairement audit régime ne change pas la nature de sa relation avec le Parlement, qui reste régie par le droit public.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. points 59-62)

13. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Compétence du Bureau pour adopter la modification de la réglementation servant de base à ladite décision

Un député au Parlement européen ne saurait contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital en se fondant sur l'absence de compétence du Bureau pour l'adopter.

En effet, lorsqu'une réglementation entre dans le cadre des mesures d'organisation interne du Parlement, elle relève du champ de sa compétence et des mesures qu'il lui appartient de prendre en vertu de l'article 199, premier alinéa, CE. Or, l'institution et, le cas échéant, la modification du régime de pension complémentaire des députés doivent être considérées comme de telles mesures.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. point 64)

14. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Non-rétroactivité - Principe de sécurité juridique - Violation - Absence

Un député au Parlement européen ne saurait se prévaloir d'une violation du principe de sécurité juridique pour contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital, dès lors que l'abrogation de cette possibilité ne s'est appliquée qu'à partir de la date de la notification de ladite décision à tous les députés et que ceux ayant cessé leurs fonctions avant cette date, et ayant donc acquis des droits à la pension complémentaire, n'ont pas été affectés par cette décision qui n'était pas assortie d'éléments rétroactifs.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. points 65-66)

15. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Principe de protection de la confiance légitime - Violation - Absence

Un député au Parlement européen ne saurait se prévaloir d'une violation du principe de protection de la confiance légitime pour contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital, dès lors que les renseignements dont il se prévaut pour établir une telle violation ne sont pas précis, inconditionnels et concordants.

À cet égard, le simple fait que la possibilité de percevoir une pension complémentaire en partie sous forme de capital existait lors de l'adhésion dudit député au régime de pension complémentaire ne saurait être considéré comme une assurance, de la part du Parlement, que les conditions de ce régime n'allaient pas être modifiées dans le futur. De même, ne peuvent être considérés comme des renseignements de nature à fonder la confiance légitime de l'intéressé ni des calculs prévisionnels de sa pension établis par l'administration du Parlement, ni des calculs effectués à cet égard à titre d'exemple par l'association sans but lucratif "Fonds de pension - députés au Parlement européen", ni la reconnaissance, par le Bureau du Parlement, d'un devoir de garantir le respect des engagements pris à l'égard des adhérents au régime de pension complémentaire indépendamment de la situation du fonds.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. points 70-75)

16. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Principe d'égalité de traitement - Violation - Absence

Un député au Parlement européen ne saurait se prévaloir d'une violation du principe d'égalité de traitement pour contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital en se fondant sur une comparaison de la modification du régime de pension complémentaire des députés intervenue à la suite de l'entrée en vigueur de cette décision avec la modification du régime de pension des membres de la Commission européenne et des membres des juridictions de l'Union intervenue à la suite de l'entrée en vigueur du règlement nº 1292/2004, modifiant le règlement nº 422/67/CEE, nº 5/67/Euratom portant fixation du régime pécuniaire du président et des membres de la Commission, du président, des juges, des avocats généraux et du greffier de la Cour de justice, ainsi que du président, des membres et du greffier du Tribunal de première instance.

En effet, contrairement aux modifications du régime de pension des membres de la Commission et des juridictions de l'Union introduites par le règlement nº 1292/2004, les modifications du régime de pension complémentaire des députés intervenues à la suite de l'entrée en vigueur de la décision du Bureau du 1er avril 2009 n'affectaient pas la valeur actuarielle de la pension à laquelle les affiliés de ce dernier régime pouvaient s'attendre.

Par conséquent, les députés au Parlement européen, d'une part, et les membres de la Commission et des juridictions de l'Union, d'autre part, se trouvant dans des situations factuelle et juridique présentant des différences essentielles en ce qui concerne l'incidence des modifications de leur régime de pension intervenues, à la suite de l'entrée en vigueur, respectivement, de ladite décision du Bureau du Parlement et du règlement nº 1292/2004, ils ont pu se voir appliquer un traitement différent en ce qui concerne l'adoption de mesures transitoires à cet égard.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. points 86-87, 89)

17. Parlement - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Décision du Bureau du Parlement modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital - Principe de proportionnalité - Violation - Absence

Un député au Parlement européen ne saurait se prévaloir d'une violation du principe de proportionnalité pour contester la légalité d'une décision du Bureau de cette institution modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant à l'annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, et supprimant la possibilité de verser cette pension en partie sous forme de capital, dès lors que, dans le cadre de l'exercice de sa compétence pour réglementer le régime de pension complémentaire des députés, le Parlement pouvait légitimement poursuivre les objectifs énoncés dans cette décision, que les mesures prises dans le cadre de celle-ci pour réaliser ces objectifs étaient aptes à les atteindre et que la suppression de la possibilité de verser une partie de la pension sous forme de capital était la mesure la moins contraignante pour les affiliés au régime de pension complémentaire.

Arrêt du 18 octobre 2011, Purvis / Parlement (T-439/09, Rec._p._II-7231) (cf. points 93-94, 114, 116-117)

18. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Décision sur la défense de l'immunité adoptée par le Parlement à la suite de la demande du député concerné - Décision ne produisant pas d'effets contraignants à l'égard des juridictions nationales - Irrecevabilité du recours



Ordonnance du 5 septembre 2012, Farage / Parlement et Buzek (T-564/11) (cf. points 27-28)

19. Union européenne - Siège des institutions - Protocoles sur les sièges des institutions fixant à Strasbourg le siège du Parlement - Portée - Obligation d'y tenir régulièrement douze périodes de sessions plénières ordinaires

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 13 décembre 2012, France / Parlement (C-237/11 et C-238/11) (cf. points 37-42)

20. Parlement européen - Session - Délibération fixant le calendrier des périodes de sessions plénières - Délibération fixant les deux périodes de sessions plénières du mois d'octobre au cours d'une seule semaine de ce mois - Violation des protocoles sur les sièges des institutions fixant à Strasbourg le siège du Parlement

Le Parlement européen, en fixant, dans les délibérations relatives au calendrier des sessions pour les années 2012 et 2013, outre les dix périodes de sessions plénières mensuelles, ayant lieu chaque mois sauf les mois d’août et d’octobre, deux périodes de sessions plénières s’étendant sur deux jours chacune au cours d’une même semaine du mois d’octobre, a méconnu le protocole nº 6 annexé aux traités UE et FUE ainsi que le protocole nº 3 annexé au traité CEEA, relatifs à la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et services de l’Union européenne, selon lesquels le Parlement doit tenir à Strasbourg douze périodes de sessions plénières ordinaires par an.

En effet, dans la mesure où, pour le mois d'octobre de ces années, les périodes de sessions ordinaires, qui s'étendent, selon la pratique habituelle du Parlement, sur quatre jours, sont fixées au cours d'une seule semaine, ces sessions ne répondent pas aux exigences résultant desdits protocoles sur les sièges des institutions. Le temps effectif disponible pour les sessions du mois d'octobre est réduit de plus de la moitié de sorte que les périodes de ces sessions ne sont pas équivalentes aux autres périodes des sessions mensuelles ordinaires fixées par les mêmes délibérations.

Arrêt du 13 décembre 2012, France / Parlement (C-237/11 et C-238/11) (cf. points 40, 43, 46, 48, 56, 59)

21. Budget de l'Union européenne - Procédure budgétaire - Compétence du Parlement européen - Exigence de délibération en séance plénière

Ainsi qu'il ressort du protocole nº 6 annexé aux traités UE et FUE ainsi que du protocole nº 3 annexé au traité CEEA, relatifs à la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et services de l'Union européenne, le Parlement doit tenir, chaque année, douze périodes de sessions plénières ordinaires, y compris celle au cours de laquelle il doit exercer les pouvoirs budgétaires que lui confère le traité.

L’exercice par le Parlement de sa compétence budgétaire en séance plénière constitue un moment fondamental de la vie démocratique de l’Union européenne et doit donc être accompli avec toute l’attention, la rigueur et tout l’engagement qu’une telle responsabilité exige. L’exercice de cette compétence nécessite notamment un débat public, en séance plénière, permettant aux citoyens de l’Union de prendre connaissance des diverses orientations politiques exprimées et, de ce fait, de se former une opinion politique sur l’action de l’Union.

Arrêt du 13 décembre 2012, France / Parlement (C-237/11 et C-238/11) (cf. points 40, 68)

22. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Notion d'opinion exprimée dans l'exercice de fonctions - Nécessité d'un lien direct et évident entre l'opinion exprimée et les fonctions parlementaires - Opinions exprimées en qualité de politicien national - Absence de lien - Inapplicabilité de l'immunité

Il ressort du libellé de l’article 8 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne que, pour être couverte par l’immunité, une opinion d'un député au Parlement européen doit avoir été émise "dans l’exercice de [ses] fonctions", impliquant ainsi l’exigence d’un lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires. Tel n'est pas le cas des opinions exprimées par un député européen, en dehors de l'enceinte parlementaire, dans le cadre de fonctions exercées par ce député en tant que membre d'un organe régional d'un État membre et en tant que président d'un groupe politique au sein de ce même organe.

Arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch / Parlement (T-346/11 et T-347/11) (cf. points 40, 77-78)



Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-26/17) (cf. points 42-44)

Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-27/17) (cf. points 42-44)

23. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Étendue - Impossibilité de la levée de cette immunité - Vérification par le Parlement des conditions pour la reconnaissance de celle-ci

L’inviolabilité parlementaire établie à l’article 9 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne peut être levée par le Parlement européen, conformément au troisième alinéa dudit article 9, alors que l’immunité prévue à l’article 8 du protocole ne le peut pas. Ainsi, lorsqu’une demande de levée de l’immunité lui est transmise par une autorité nationale, il appartient tout d’abord au Parlement de vérifier si les faits à l’origine de la demande de levée sont susceptibles d’être couverts par cet article 8, auquel cas une levée de l’immunité est impossible. Si le Parlement aboutit à la conclusion que cette disposition ne s’applique pas, il lui incombe ensuite de vérifier si le député concerné bénéficie de l’immunité prévue par l’article 9 du protocole pour les faits qui lui sont reprochés et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité.

Arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch / Parlement (T-346/11 et T-347/11) (cf. points 45-47)



Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-26/17) (cf. points 24-27)

Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-27/17) (cf. points 24-27)

Arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski / Parlement (T-550/17) (cf. points 33, 34, 37)

Arrêt du 30 avril 2019, Briois / Parlement (T-214/18) (cf. points 20-23)

Ordonnance du 12 novembre 2020, Jalkh / Parlement (C-792/18 P et C-793/18 P) (cf. points 31-33)

24. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de défense de l'immunité - Portée de la décision du Parlement - Demande présentée parallèlement à la demande de levée de l'immunité

Dès lors que l’inviolabilité du député européen prévue à l’article 9 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne est de droit et que celui-ci ne peut en être privé que si le Parlement européen l’a levée, la défense de cette immunité ne se conçoit que dans l’hypothèse où, en l’absence de demande de levée de l’immunité d’un député transmise par les autorités nationales compétentes au Parlement, l’inviolabilité dudit député, telle qu’elle résulte des dispositions du droit national de l’État membre d’origine de celui-ci, est compromise, notamment, par l’action des autorités de police ou des autorités juridictionnelles de cet État membre. Dans de telles circonstances, le député peut demander au Parlement de défendre son immunité, ainsi que le prévoit l’article 6, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement. La défense de l’immunité constitue ainsi une manière pour le Parlement de s’interposer, à la demande d’un député au Parlement, lorsque les autorités nationales violent ou s’apprêtent à violer l’immunité de l’un de ses membres.

En revanche, si une demande de levée de l’immunité est formée par les autorités nationales, le Parlement doit prendre la décision de lever ou de ne pas lever l’immunité. Dans un tel cas, la défense de l’immunité n’a plus de raison d’être, puisque soit le Parlement lève l’immunité et la défense de celle-ci ne se conçoit plus, soit il refuse de lever cette immunité et la défense de celle-ci est inutile, puisque les autorités nationales sont avisées que leur demande de levée a été rejetée par le Parlement et que l’immunité fait donc obstacle aux mesures que pourraient ou voudraient prendre ces dernières.

Arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch / Parlement (T-346/11 et T-347/11) (cf. points 52-56)

25. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de levée de l'immunité - Acte accompli par le membre sur le territoire national - Reconnaissance de l'immunité sur la base des règles de l'État membre

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch / Parlement (T-346/11 et T-347/11) (cf. points 82-90)

26. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Modification - Obligation de consultation préalable du secrétaire général du Parlement et du collège des questeurs - Absence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a. / Parlement (T-229/11 et T-276/11) (cf. points 137-138)

27. Actes des institutions - Décision modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés du Parlement européen - Publication - Communication par le biais du site Intranet de l'institution - Inaccessibilité aux anciens députés - Opposabilité de la décision subordonnée à une publication sur Internet

En tant qu’acte de portée générale non adressé à un destinataire, une décision du bureau du Parlement européen portant modification de la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés, figurant en annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, ne nécessite pas de notification individuelle, mais doit être publiée pour entrer en vigueur. En effet, un principe fondamental dans l’ordre juridique de l’Union européenne exige qu’un acte émanant des pouvoirs publics ne soit pas opposable aux justiciables avant que n’existe pour ceux-ci la possibilité d’en prendre connaissance.

Puisqu’il ne s’agit pas d’un acte pour lequel l’article 254 CE prévoyait une publication au Journal officiel, toute autre forme utile de publication doit être considérée comme suffisante. Ainsi, dans la mesure où ladite décision constitue un acte d’organisation interne, il doit être admis qu’elle soit portée à la connaissance des intéressés en application des règles établies au sein de l’institution en ce qui concerne de telles mesures. À cet égard, une publication sur l’intranet du Parlement, conformément aux usages pratiqués par le Parlement, est suffisante s’agissant des députés en fonction. En revanche, les anciens députés n’ayant plus accès à l’intranet du Parlement, une publication sur Internet est nécessaire à leur égard.

Or, en tant qu’acte de portée générale, cette décision devait entrer en vigueur au même moment pour tous les justiciables dont elle affecte la situation juridique, tant pour des raisons de sécurité juridique que pour des raisons tenant au principe d’égalité de traitement. En outre, l’existence de la possibilité, pour le justiciable, de prendre connaissance d’un acte étant une condition de son opposabilité, c’est la date à laquelle cette possibilité existait pour le dernier des justiciables concernés qu’il convient de retenir à ce titre.

Arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a. / Parlement (T-229/11 et T-276/11) (cf. points 32-34, 37)

28. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Conditions d'octroi - Caractère cumulatif

Il découle clairement de l’article 1er, paragraphe 1, de la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés au Parlement européen, figurant en annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, que, pour acquérir le droit à la pension complémentaire, un député doit remplir, de manière cumulative, toutes les conditions y mentionnées, à savoir, premièrement, avoir cotisé pendant au moins deux ans au régime de pension complémentaire, deuxièmement, avoir cessé ses fonctions et, troisièmement, avoir l’âge de la pension (60 ans avant le 14 juillet 2009, 63 ans après cette date). C’est donc le fait, pour un député ou un ancien député, de remplir la dernière de ces conditions, quelle qu’elle soit, qui constitue le fait générateur de son droit à la pension complémentaire.

Arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a. / Parlement (T-229/11 et T-276/11) (cf. points 40, 56)

29. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Caractère non contractuel

Le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés au Parlement européen, figurant en annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, relève exclusivement des prérogatives de puissance publique dont le Parlement est investi afin de pouvoir accomplir la mission qui lui est confiée par les traités. Par conséquent, les droits et obligations qui découlent de ce régime pour le Parlement et les députés affiliés s’inscrivent dans le cadre du lien statutaire les unissant et ne sont donc pas contractuels, mais relèvent du droit public, constat qui n’est pas remis en cause par le fait que l’intéressé ait adhéré volontairement audit régime.

Arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a. / Parlement (T-229/11 et T-276/11) (cf. points 61, 148)

30. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Suppression de la possibilité de versement d'une partie de la pension sous forme de capital - Violation du principe de protection de la confiance légitime - Absence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a. / Parlement (T-229/11 et T-276/11) (cf. point 66)

31. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Suppression de la possibilité de versement d'une partie de la pension sous forme de capital et de la possibilité de retraite anticipée - Violation du principe de proportionnalité - Absence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a. / Parlement (T-229/11 et T-276/11) (cf. points 70-72, 93-95, 107, 132)

32. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Introduction de modifications visant à remettre le régime en équilibre financier - Admissibilité

Dans le cadre de l’exercice de sa compétence pour réglementer le régime de pension complémentaire des députés figurant en annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés, le Parlement européen peut légitimement prévoir des modifications visant notamment à éviter autant que faire se peut tout impact financier sur les contribuables européens, à s’assurer que tous les coûts soient répartis de manière équitable et en tenant dûment compte de la nécessité d’expliquer les décisions au public, et à préserver autant que faire se peut la liquidité du fonds de pension. En effet, s’il s’avère, dans ce régime de pension reposant sur un calcul actuariel dans le cadre duquel le total des contributions annuelles des affiliés et du Parlement doit, en principe, couvrir la totalité des droits à la pension acquis dans la même année, que les prévisions de rendement des actifs du fonds, en fonction duquel le montant des cotisations a été déterminé, étaient trop optimistes, il doit en être conclu que les cotisations des affiliés et du Parlement dans le passé étaient en réalité trop basses pour financer les droits à la pension correspondants. Pour remettre le régime en équilibre, il est donc par principe justifié de mettre à contribution tant les affiliés que le Parlement.

À cet égard, la décision d’augmenter l’âge de la retraite dans le cadre du régime de pension complémentaire ayant été essentiellement motivée par la situation financière difficile du fonds de pension complémentaire, l’argument selon lequel l’âge aurait été fixé selon des considérations applicables aux régimes de pension obligatoires est dépourvu de pertinence.

Arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a. / Parlement (T-229/11 et T-276/11) (cf. points 73-75, 98, 145)

33. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Recouvrement de sommes indûment versées - Obligation inconditionnelle



Arrêt du 4 juin 2013, Nencini / Parlement (T-431/10 et T-560/10) (cf. point 109)

34. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Indemnité de secrétariat - Conditions d'attribution - Non-respect - Conséquences



Arrêt du 4 juin 2013, Nencini / Parlement (T-431/10 et T-560/10) (cf. points 92-94)

35. Budget de l'Union européenne - Procédure budgétaire - Constatation par le président du Parlement de l'arrêt définitif du budget - Nécessité de cosignature par le Conseil - Absence

La procédure budgétaire prévue à l'article 314 TFUE se clôture par l'adoption d'un acte fondé sur son paragraphe 9, par lequel le président du Parlement, en tant qu'organe de cette institution, constate, après vérification de la régularité de la procédure, que le budget est définitivement adopté. Cet acte constitue la phase ultime de la procédure d'adoption du budget de l'Union et confère force obligatoire à celui-ci. À cet égard, s'il est vrai que l'article 314, premier alinéa, TFUE, rappelle que, conformément aux articles 14, paragraphe 1, TUE et 16, paragraphe 1, TUE, les fonctions budgétaires sont exercées conjointement par le Parlement et le Conseil, aucune disposition de l'article 314 TFUE ne prévoit l'adoption, à la fin de la procédure budgétaire, d'un acte qui serait cosigné par les présidents du Parlement et du Conseil.

En outre, l'article 296, premier alinéa, TFUE n'est pas applicable dans le cadre de la procédure budgétaire prévue à l'article 314 TFUE. En effet, même si l'acte fondé sur l'article 314, paragraphe 9, TFUE résulte d'une procédure législative spéciale, celui-ci ne prend pas, en raison de la nature du budget, la forme d'un acte législatif proprement dit, au sens des articles 288 TFUE et 289, paragraphe 2, TFUE, mais constitue, en tout état de cause, un acte attaquable au sens de l'article 263 TFUE, dans la mesure où il confère force obligatoire au budget de l'Union.

Arrêt du 17 septembre 2013, Conseil / Parlement (C-77/11) (cf. points 50, 54-56, 60, 63)

36. Recours en annulation - Moyens - Violation des formes substantielles - Décision concernant la signature et la conclusion de l'accord UE-Maurice relatif aux conditions de transfert des personnes suspectées d'actes de piraterie et des biens associés saisis - Accord portant exclusivement sur la politique étrangère et de sécurité commune - Obligation d'informer immédiatement et pleinement le Parlement à toutes les étapes de la procédure - Méconnaissance de l'exigence d'information - Annulation de la décision attaquée

La règle procédurale prévue à l’article 218, paragraphe 10, TFUE constitue une forme substantielle, au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, dont la violation entraîne la nullité de l’acte qui en est entaché. En effet, cette règle est l’expression des principes démocratiques sur lesquels l’Union se fonde. En particulier, l’implication du Parlement dans le processus décisionnel est le reflet, au niveau de l’Union, d’un principe démocratique fondamental selon lequel les peuples participent à l’exercice du pouvoir par l’intermédiaire d’une assemblée représentative.

Dans cette perspective, le traité de Lisbonne a même valorisé, sur le plan systématique, l’importance de ladite règle en l’insérant dans une disposition autonome, applicable à tous les types de procédure prévus à l’article 218 TFUE. Certes, le rôle que le traité de Lisbonne a conféré au Parlement en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) demeure limité. Toutefois, il ne saurait être déduit de ce constat que le Parlement, tout en étant exclu de la procédure de négociation et de conclusion d’un accord portant exclusivement sur la PESC, soit dépourvu de tout droit de regard sur cette politique de l’Union. Au contraire, c’est précisément à cet effet que l’exigence d’information prévue à l’article 218, paragraphe 10, TFUE s’applique à toute procédure de conclusion d’un accord international, y inclus les accords portant exclusivement sur la PESC. Or, dans la mesure où le Parlement n’est pas immédiatement et pleinement informé à toutes les étapes de la procédure conformément à l’article 218, paragraphe 10, TFUE, y compris celle précédant la conclusion de l’accord, il n’est pas en mesure d’exercer le droit de regard que les traités lui ont conféré en matière de PESC et, le cas échéant, de faire valoir son point de vue en ce qui concerne, en particulier, la base juridique correcte sur laquelle l’acte en cause doit se fonder. La méconnaissance de cette exigence d’information porte, dans ces conditions, atteinte aux conditions d’exercice, par le Parlement, de ses fonctions dans le domaine de la PESC et constitue en conséquence une violation d’une forme substantielle.

Arrêt du 24 juin 2014, Parlement / Conseil (C-658/11) (cf. points 80-86)

37. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Indemnités parlementaires - Application des dispositions du règlement nº 966/2012 en tant que lex specialis par rapport à la procédure prévue par la réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement



Arrêt du 10 octobre 2014, Marchiani / Parlement (T-479/13) (cf. points 27-31)

38. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Indemnité d'assistance parlementaire - Absence de pièces justifiant d'une utilisation conforme - Obligation de remboursement - Conditions d'octroi de ladite indemnité réunies au moment de la demande - Absence d'incidence



Arrêt du 10 octobre 2014, Marchiani / Parlement (T-479/13) (cf. points 45, 46, 49, 54)

Arrêt du 18 mai 2017, Panzeri / Parlement (T-166/16) (cf. point 85)

Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. point 133)

Arrêt du 20 septembre 2019, LL / Parlement (T-615/15 RENV) (cf. points 64, 65)

39. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Demande de remboursement sous forme d'une note de débit - Respect d'un délai raisonnable - Critères d'appréciation



Arrêt du 10 octobre 2014, Marchiani / Parlement (T-479/13) (cf. points 81-84, 88)

Arrêt du 20 septembre 2019, LL / Parlement (T-615/15 RENV) (cf. points 94-97, 103-105)

40. Parlement européen - Compétences - Adoption de décisions exécutoires comportant une obligation pécuniaire à la charge des personnes destinataires - Exclusion - Conséquences



Ordonnance du 19 mai 2015, Costa / Parlement (T-197/15 R) (cf. point 26)

Ordonnance du 16 février 2017, Gollnisch / Parlement (T-624/16 R) (cf. points 51, 52)



Ordonnance du 28 juillet 2021, SN / Parlement (T-249/21 R) (cf. point 38)

41. Parlement européen - Membres - Conflit d'intérêts - Notion

La notion de conflit d’intérêts ne renvoie pas uniquement à une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à avoir influé effectivement sur l’exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles, mais également à celle dans laquelle l’intérêt identifié peut, aux yeux du public, paraître influer sur un exercice impartial et objectif des fonctions officielles. D’ailleurs, la divulgation de conflits d’intérêts potentiels ne vise pas seulement à révéler les cas dans lesquels l’agent public a exercé ses fonctions en ayant pour objectif de satisfaire ses intérêts personnels, mais aussi à informer le public des risques de conflits d’intérêts pesant sur les agents publics, afin que, dans l’exercice de leurs fonctions officielles, ceux-ci agissent de manière impartiale, après avoir, eu égard aux circonstances dans lesquelles ils se trouvent, déclaré la situation de conflit d’intérêt potentiel les touchant et pris ou proposé des mesures pour résoudre ou éviter ledit conflit.

Arrêt du 15 juillet 2015, Dennekamp / Parlement (T-115/13) (cf. points 106, 109)

42. Coopération policière - Coopération judiciaire en matière pénale - Office européen de police (Europol) - Établissement de relations avec des États tiers - Modification de la liste des États et organisations tiers pouvant être parties à un accord avec Europol - Obligation de consultation du Parlement - Portée

La consultation régulière du Parlement dans les cas prévus par les règles applicables du droit de l’Union constitue une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de l’acte concerné.

S’agissant de la liste des États et organisations tiers avec lesquels l’Office européen de police (Europol) conclut des accords, telle qu’annexée à la décision 2009/935, établissant ladite liste, il découle de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision 2009/371, portant création d’Europol, que le Conseil est tenu de consulter le Parlement avant de modifier ladite liste. À cet égard, l’abrogation de l’article 39, paragraphe 1, UE par le traité de Lisbonne ne saurait remettre en cause cette obligation de consulter le Parlement, celle-ci étant expressément prévue par l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision 2009/371. De même, le fait que l’article 291 TFUE ne prévoit pas d’obligation de consulter le Parlement est dénué de pertinence, dans la mesure où l’obligation de consulter le Parlement constitue l’un des effets juridiques de la décision 2009/371 qui est maintenu après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en vertu de l’article 9 du protocole (nº 36) sur les dispositions transitoires annexé au traité sur l’Union européenne.

Arrêt du 10 septembre 2015, Parlement / Conseil (C-363/14) (cf. points 82, 84-86)

43. Actes des institutions - Procédure d'élaboration - Consultation du Parlement - Utilisation erronée d'une procédure de consultation facultative - Légalité - Conditions

Une erreur commise par le Conseil, dans l’interprétation de la base juridique applicable, sur le caractère obligatoire d’une consultation du Parlement ne constitue pas, en tant que telle, la violation d’une forme substantielle, dès lors qu’il n’est pas démontré que cette erreur aurait conduit, en pratique, à limiter la place accordée au Parlement dans la procédure d’adoption de l’acte en cause ou à affecter le contenu de cet acte. Il en est notamment ainsi lorsque le Parlement a pu faire connaître au Conseil sa position avant l’adoption de l’acte. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l’erreur commise par le Conseil a fait obstacle à la participation effective du Parlement à la procédure en cause ou a entraîné une atteinte aux conditions d’exercice par le Parlement de ses fonctions.

Par ailleurs, la substitution erronée d’une base juridique imposant la consultation du Parlement à une base juridique ne prévoyant pas une telle consultation constituant un vice purement formel, la circonstance que le Conseil se méprenne sur le cadre juridique dans lequel il consulte le Parlement n’est pas de nature à produire un effet sur le contenu de la décision intervenue au terme de la procédure concernée.

Arrêt du 10 septembre 2015, Parlement / Conseil (C-363/14) (cf. points 89-91, 94, 96)

44. Parlement européen - Élections - Droit de vote et d'éligibilité - Bénéficiaires - Compétence des États membres - Limites

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 octobre 2015, Delvigne (C-650/13) (cf. points 31, 32)

45. Accords internationaux - Accords de l'Union - Négociation et conclusion - Droit d'information du Parlement - Portée - Accords en matière de politique étrangère et de sécurité commune

L’obligation impartie par l’article 218, paragraphe 10, TFUE, aux termes duquel le Parlement est immédiatement et pleinement informé à toutes les étapes de la procédure de négociation et de conclusion des accords internationaux, s’applique à toute procédure de négociation et de conclusion d’un accord international, y compris les accords portant exclusivement sur la politique étrangère de sécurité commune (PESC). L’article 218 TFUE, pour satisfaire à des exigences de clarté, de cohérence et de rationalisation, prévoit une procédure unifiée et de portée générale concernant la négociation et la conclusion des accords internationaux par l’Union dans tous les domaines d’action de celle-ci, y compris la PESC qui, contrairement à d’autres domaines, n’est soumise à aucune procédure spéciale.

Si, certes, le rôle conféré au Parlement en matière de PESC demeure limité, cette institution étant exclue de la procédure de négociation et de conclusion des accords portant exclusivement sur la PESC, il n’en demeure pas moins que celui-ci n’est pas dépourvu de tout droit de regard sur cette politique de l’Union. À cet égard, l’implication du Parlement dans le processus décisionnel est le reflet, au niveau de l’Union, d’un principe démocratique fondamental selon lequel les peuples participent à l’exercice du pouvoir par l’intermédiaire d’une assemblée représentative. S’agissant de la procédure de négociation et de conclusion des accords internationaux, l’exigence d’information prévue à l’article 218, paragraphe 10, TFUE est l’expression de ce principe démocratique sur lequel l’Union se fonde.

Cette exigence d’information vise à assurer, notamment, que le Parlement soit mis à même d’exercer un contrôle démocratique sur l’action extérieure de l’Union et, plus spécifiquement, de vérifier que le choix de la base juridique d’une décision portant conclusion d’un accord a été opéré dans le respect de ses attributions. À cet égard, si l’exigence d’informer le Parlement de manière pleine et immédiate n’a pas pour objet de permettre à ce dernier de participer à la négociation et à la conclusion des accords en matière de PESC, elle lui permet, en plus de procéder à la vérification de la base juridique appropriée des mesures adoptées dans le cadre de cette politique, d’exercer ses propres compétences en pleine connaissance de l’ensemble de l’action extérieure de l’Union. En effet, l’Union devant veiller, conformément à l’article 21, paragraphe 3, TUE, à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure, l’obligation d’information dont sont débitrices les autres institutions à l’égard du Parlement en vertu de l’article 218, paragraphe 10, TFUE contribue à garantir l’unité et la cohérence de cette action.

Arrêt du 14 juin 2016, Parlement / Conseil (C-263/14) (cf. points 68-72)

46. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Applicabilité aux procédures de recouvrement des créances auprès des membres du Parlement européen

La seule circonstance que les articles 78 à 80 du règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, ne comportent pas de modalités concernant spécifiquement la procédure relative au recouvrement de créances auprès de députés européens, mais portent sur la constatation des créances de l’Union et l’ordonnancement des recouvrements, ne saurait rendre applicable la décision du bureau du Parlement européen, portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen, y compris la procédure de recouvrement prévue à son article 68, en méconnaissance de sa portée matérielle.

Arrêt du 14 juin 2016, Marchiani / Parlement (C-566/14 P) (cf. point 44)

47. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Réclamation - Saisine concomitante du juge de l'Union d'un recours en annulation - Admissibilité



Ordonnance du 24 octobre 2016, Le Pen / Parlement (T-140/16) (cf. points 26-33, 35-39)

Ordonnance du 23 mars 2017, Gollnisch/Parlement (T-624/16) (cf. points 53, 55-67)

Ordonnance du 23 mars 2017, Trosczynski/Parlement (T-626/16) (cf. points 35, 37-48)

Arrêt du 11 juillet 2019, Gollnisch / Parlement (T-95/18) (cf. point 38)

48. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Pension d'ancienneté - Suspension du versement en cas d'exercice des fonctions électives ou gouvernementales auprès des collectivités locales - Champ d'application - Interprétation au regard du droit national applicable à la fonction exercée - Fonction de président d'une autorité portuaire italienne - Inclusion



Arrêt du 12 mai 2017, Costa / Parlement (T-15/15 et T-197/15) (cf. points 49-57)

49. Parlement européen - Membres - Régime disciplinaire - Sanctions - Perte du droit à l'indemnité de séjour - Décision du bureau du Parlement rejetant le recours interne du membre concerné et confirmant la sanction - Inapplicabilité à la procédure d'adoption de la décision de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux



Arrêt du 15 juin 2017, Bay / Parlement (T-302/16) (cf. point 71)

50. Parlement européen - Membres - Régime disciplinaire - Preuve de la faute reprochée - Appréciation de la valeur probante des différents éléments de preuve - Témoignages



Arrêt du 15 juin 2017, Bay / Parlement (T-302/16) (cf. points 82, 86, 88)

51. Parlement européen - Compétences - Organisation interne - Compétence pour refuser l'accès aux locaux du Parlement aux membres d'un parti politique d'un pays tiers

L’article 22 du règlement intérieur du Parlement européen confère au président de l’institution la compétence nécessaire pour assurer la sécurité générale dans les locaux du Parlement, pour prévenir et faire cesser toute perturbation du bon déroulement des activités parlementaires ainsi que pour protéger la dignité de l’institution. Par ailleurs, le Parlement n’est pas tenu de favoriser dans ses infrastructures les activités politiques d’un parti d’un pays tiers.

Partant, le Parlement n’est pas obligé de recevoir des membres ou sympathisants d’un tel parti afin qu’ils puissent s’exprimer dans ses locaux. Plus généralement, il ressort de l’article 14 TUE que le droit de prendre part aux fonctions législative, budgétaire, de contrôle politique et consultative dans l’enceinte du Parlement est réservé aux représentants des citoyens de l’Union élus au suffrage universel, direct, libre et secret, tandis que des dispositions particulières, telles que l’article 15, paragraphe 6, sous d), TUE et l’article 230, premier alinéa, TFUE, ont, de manière spécifique, garanti un droit d’y être entendus au président du Conseil européen et à la Commission. De plus, si l’article 115 du règlement intérieur du Parlement dispose que les débats sont publics et que les réunions des commissions sont elles aussi normalement publiques, l’article 157 dudit règlement précise que le public admis dans les tribunes se tient assis et observe le silence. Aussi, l’économie des traités et des textes pris pour leur exécution ainsi que la nécessité de garantir le libre exercice des pouvoirs conférés au Parlement ont pour conséquence que celui-ci n’est pas le lieu où tout public aurait de plein droit la faculté de s’exprimer.

Arrêt du 20 novembre 2017, Petrov e.a. / Parlement et Präsident des Europäischen Parlaments (T-452/15) (cf. point 67)

Arrêt du 20 novembre 2017, Voigt / Parlement (T-618/15) (cf. point 112)

52. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Indemnité d'assistance parlementaire - Contrôle ayant trait à l'utilisation des frais d'assistance parlementaire - Charge de la preuve



Arrêt du 29 novembre 2017, Bilde / Parlement (T-633/16) (cf. points 115, 116)

Arrêt du 29 novembre 2017, Montel / Parlement (T-634/16) (cf. points 119, 120)

Arrêt du 7 mars 2018, Le Pen / Parlement (T-140/16) (cf. points 64, 65)

Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. points 108, 109)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-170/20) (cf. points 43-47, 57, 58, 94)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-171/20) (cf. points 41-50, 60, 61)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-172/20) (cf. points 39-47, 59, 60, 96)



Arrêt du 3 mai 2023, SN / Parlement (T-249/21) (cf. points 28-30, 36, 37, 95)

53. Parlement européen - Procédure administrative - Décision du Parlement ordonnant le recouvrement d'une somme indûment versée au titre de l'assistance parlementaire - Violation du principe electa una via - Violation du principe ne bis in idem - Absence



Arrêt du 29 novembre 2017, Bilde / Parlement (T-633/16) (cf. points 76, 77, 79)

Arrêt du 29 novembre 2017, Montel / Parlement (T-634/16) (cf. points 80, 81, 83)

54. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Décision du Parlement refusant la demande d'un député réclamant la défense de son immunité et de ses privilèges - Exclusion



Ordonnance du 1er février 2018, Collins / Parlement (T-919/16) (cf. points 19, 21)

55. Parlement européen - Compétences - Possibilité d'instituer de nouvelles compétences sur la base d'un acte d'organisation interne - Exclusion



Ordonnance du 1er février 2018, Collins / Parlement (T-919/16) (cf. point 25)

56. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Suspension d'une subvention en cas d'irrégularités commises par le bénéficiaire - Droit du bénéficiaire de présenter des observations avant l'adoption de la décision - Délai - Respect d'un délai raisonnable



Arrêt du 8 février 2018, IDDE / Parlement (T-118/17) (cf. points 37, 39)

57. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Suspension d'une subvention en cas d'irrégularités commises par le bénéficiaire - Obligation d'entendre le bénéficiaire lors de la réunion du bureau du Parlement menant à l'adoption de la décision - Absence



Arrêt du 8 février 2018, IDDE / Parlement (T-118/17) (cf. point 45)

58. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Suspension d'une subvention en cas d'irrégularités commises par le bénéficiaire - Application de la suspension pour des irrégularités se rapportant à un exercice financier antérieur à celui en cours - Admissibilité - Violation du principe de proportionnalité - Absence



Arrêt du 8 février 2018, IDDE / Parlement (T-118/17) (cf. points 52, 54, 55, 65, 67, 69)

59. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Suspension d'une subvention en cas d'irrégularités commises par le bénéficiaire - Application de la suspension pendant le déroulement d'une enquête visant à établir l'utilisation des fonds pour des dépenses non autorisées - Admissibilité



Arrêt du 8 février 2018, IDDE / Parlement (T-118/17) (cf. point 58)

60. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Réclamation - Caractère facultatif - Saisine du juge de l'Union - Admissibilité - Point de départ du délai de recours en annulation

La procédure de réclamation visée à l’article 72 de la décision du bureau du Parlement européen portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen revêt un caractère facultatif. À cet égard, une voie de recours administrative, qu’elle soit facultative ou non, a pour objet de permettre et de favoriser un règlement amiable du différend surgi entre l’intéressé et l’administration afin d’éviter un contentieux. Il en résulte, notamment, que le caractère facultatif ou obligatoire d’une voie de recours administrative est sans incidence sur le fait qu’une procédure administrative préalable constitue une voie précontentieuse. Dès lors, il ne peut être considéré, notamment au regard du droit à un recours juridictionnel effectif, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que l’introduction d’une procédure de réclamation au sens de l’article 72 de ladite décision porte atteinte au droit à un recours juridictionnel contre la décision litigieuse.

À cet égard, l’absence d’un délai de réponse imparti à l’administration du Parlement pour les réclamations introduites au titre de l’article 72 de la décision du Bureau du Parlement dans le cadre d’une procédure administrative revêtant un caractère facultatif ne saurait limiter l’accès au juge, dans la mesure où l’intéressé peut, à tout moment, renoncer à poursuivre la procédure administrative préalable et introduire un recours juridictionnel. Dès lors, le juge de l’Union ne saurait constater la tardiveté du recours sans tenir compte de la procédure de réclamation introduite conformément audit article 72.

Arrêt du 21 février 2018, LL / Parlement (C-326/16 P) (cf. points 24-26, 28, 35)

61. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Indemnité d'assistance parlementaire - Tiers payant chargé de la gestion des montants versés - Fourniture par un assistant parlementaire de prestations rémunérées à un tiers payant - Inadmissibilité



Arrêt du 7 mars 2018, Le Pen / Parlement (T-140/16) (cf. point 55)

62. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Indemnité d'assistance parlementaire - Prise en charge des frais ne se rattachant pas à l'exercice du mandat parlementaire - Exclusion



Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. point 176)

63. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Montant à recouvrer - Absence de marge d'appréciation du Parlement - Invocation par le député concerné d'une violation du principe de proportionnalité - Rejet



Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. points 218, 219, 221)

Arrêt du 27 juin 2019, Szegedi / Parlement (T-135/18) (cf. points 87-90)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-170/20) (cf. points 74, 75)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-171/20) (cf. points 77, 78)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-172/20) (cf. points 76, 77)

64. Parlement européen - Membres - Indépendance - Portée



Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. points 44, 45)

Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. points 175-177)



Arrêt du 3 mai 2023, SN / Parlement (T-249/21) (cf. points 48, 49)

65. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Atteinte à l'indépendance du député concerné - Absence



Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. points 49-52, 54)

66. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Violation des principes electa una via et ne bis in idem - Absence



Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. points 65-67, 70, 71)

67. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Caractère administratif de la procédure - Inapplicabilité du principe de la présomption d'innocence



Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. point 78)

68. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Obligation d'auditionner le député concerné avant l'adoption d'une décision - Absence - Obligation d'entendre les tiers à la procédure de recouvrement - Absence



Arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch / Parlement (T-624/16) (cf. points 89-95, 100)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-170/20) (cf. points 64-66, 69)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-171/20) (cf. points 67-69, 72)



Arrêt du 14 juillet 2021, Rochefort / Parlement (T-172/20) (cf. points 66-68, 71)

69. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Indemnité d'assistance parlementaire - Prise en charge des frais ne se rattachant pas à l'exercice du mandat parlementaire - Exclusion



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. point 110)



Arrêt du 24 mars 2021, Bennahmias / Parlement (T-798/19) (cf. point 66)



Arrêt du 24 mars 2021, Bennahmias / Parlement (T-799/19) (cf. point 48)



Arrêt du 30 juin 2021, Mélin / Parlement (T-51/20) (cf. point 46)



Arrêt du 14 juillet 2021, Arnautu / Parlement (T-740/20) (cf. points 40, 41)



Arrêt du 8 septembre 2021, Griesbeck / Parlement (T-10/21) (cf. point 88)

70. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Incidence de l'absence de décisions de recouvrement visant des députés d'autres formations politiques - Absence - Respect du principe d'égalité de traitement devant se concilier avec celui du principe de légalité



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. points 152, 154-156)

Arrêt du 28 novembre 2018, Le Pen / Parlement (T-161/17) (cf. points 147, 149-151)

71. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Atteinte à l'indépendance du député concerné - Absence



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. points 179-181, 183)



Arrêt du 3 mai 2023, SN / Parlement (T-249/21) (cf. points 52, 53, 55)

72. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Montant à recouvrer - Absence de marge d'appréciation du Parlement - Invocation par le député concerné d'une violation du principe de proportionnalité - Rejet



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. points 197-200)

Ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch / Parlement (C-330/18 P) (cf. points 78, 122)



Arrêt du 24 mars 2021, Bennahmias / Parlement (T-798/19) (cf. points 80-83)



Arrêt du 24 mars 2021, Bennahmias / Parlement (T-799/19) (cf. points 64-67)



Arrêt du 8 septembre 2021, Griesbeck / Parlement (T-10/21) (cf. points 97-100)

73. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Compétence du secrétaire général du Parlement



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. points 59, 60, 62)

Arrêt du 28 novembre 2018, Le Pen / Parlement (T-161/17) (cf. points 37, 38, 41, 42, 44)

74. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Renvoi par la décision du Parlement à un avis du service juridique - Possibilité pour le député concerné d'y avoir accès subordonnée à l'introduction d'une demande au titre du règlement nº 1049/2001



Arrêt du 11 juillet 2019, Gollnisch / Parlement (T-95/18) (cf. point 73)

75. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Obligation d'auditionner le député concerné avant l'adoption d'une décision - Absence



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. points 95-100)

Arrêt du 28 novembre 2018, Le Pen / Parlement (T-161/17) (cf. points 77-82)

76. Parlement européen - Membres - Droits - Liberté d'expression - Limites

La liberté d’expression des parlementaires doit se voir accorder une protection accrue eu égard à l’importance fondamentale que le Parlement joue dans une société démocratique. Cependant, s’il est vrai que tout propos tenu dans l’enceinte parlementaire appelle un haut degré de protection, vu le lien étroit existant entre le caractère véritablement démocratique d’un régime politique et le fonctionnement du Parlement, l’exercice de la liberté d’expression au sein du Parlement doit parfois s’effacer devant les intérêts légitimes que sont la protection du bon ordre des activités parlementaires et la protection des droits des parlementaires.

Il s’ensuit que, d’une part, un règlement interne du Parlement ne pourrait prévoir la possibilité de sanctionner des propos tenus par les parlementaires que dans l’hypothèse où ceux-ci porteraient atteinte au bon fonctionnement du Parlement ou représenteraient un danger sérieux pour la société tel que des appels à la violence ou à la haine raciale. D’autre part, le pouvoir, reconnu aux parlements, d’infliger des sanctions disciplinaires afin d’assurer la bonne conduite de leurs activités ou la protection de certains droits, principes ou libertés fondamentaux devrait se concilier avec la nécessité d’assurer le respect de la liberté d’expression des parlementaires.

Arrêt du 31 mai 2018, Korwin-Mikke / Parlement (T-770/16) (cf. points 46, 47, 49, 50)

Arrêt du 31 mai 2018, Korwin-Mikke / Parlement (T-352/17) (cf. points 47, 48, 50, 51)

77. Parlement européen - Membres - Régime disciplinaire - Sanctions - Propos portant atteinte à la dignité du Parlement et au bon déroulement des travaux parlementaires - Nécessité d'un trouble grave de la séance ou d'une perturbation grave des travaux du Parlement

Eu égard à l’importance particulière que revêt la liberté d’expression des parlementaires et des limites strictes dans lesquelles des restrictions peuvent lui être apportées, les articles 11 et 166 du règlement intérieur du Parlement doivent être interprétés comme ne permettant pas de sanctionner un député en raison de propos tenus dans le cadre de ses fonctions parlementaires en l’absence de trouble de la séance exceptionnellement grave ou de perturbation des travaux du Parlement. De surcroît, tant l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement intérieur que l’article 166, paragraphe 2, dudit règlement visent le "comportement" des députés qui doit respecter certaines obligations et ne pas compromettre le bon déroulement des travaux ni la tranquillité dans les bâtiments du Parlement. En revanche, les propos, les paroles ou les discours ne sont pas mentionnés et ne sont, dès lors, pas susceptibles de faire, en tant que tels, l’objet d’une mesure de sanction. Enfin, une violation des principes définis à l’article 11 du règlement intérieur, auxquels renvoie l’article 166 dudit règlement, à la supposer établie, ne peut, à elle seule, être sanctionnée en tant que telle, mais uniquement si elle s’accompagne d’une perturbation des travaux du Parlement d'une manière grave. Il en découle que, à supposer même que des propos tenus dans le cadre des fonctions parlementaires puissent être assimilés à un comportement et que lesdits propos aient pu, à ce titre, constituer une violation des principes et des valeurs définis à l’article 11 du règlement intérieur, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une sanction en l’absence de constatation de trouble exceptionnellement grave ou de perturbation des travaux du Parlement.

Arrêt du 31 mai 2018, Korwin-Mikke / Parlement (T-770/16) (cf. points 63, 65, 66, 68)

Eu égard à l’importance particulière que revêt la liberté d’expression des parlementaires et des limites strictes dans lesquelles des restrictions peuvent lui être apportées, les articles 11 et 166 du règlement intérieur du Parlement doivent être interprétés comme ne permettant pas de sanctionner un député en raison de propos tenus dans le cadre de ses fonctions parlementaires en l’absence de trouble grave de la séance ou de perturbation grave des travaux du Parlement. De surcroît, l’article 166, paragraphe 2, dudit règlement vise le comportement des députés. En revanche, les propos, les paroles ou les discours ne sont pas mentionnés et ne sont, dès lors, pas susceptibles de faire, en tant que tels, l’objet d’une mesure de sanction. La circonstance que l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur comporte, dans son deuxième alinéa, une référence aux "propos ou [au] comportement diffamatoire, raciste ou xénophobe" ne saurait infirmer cette conclusion. En effet, une violation des principes définis à l’article 11 dudit règlement, auxquels renvoie l’article 166 du même règlement, à la supposer établie, ne peut, à elle seule, être sanctionnée en tant que telle, mais uniquement si elle s’accompagne d’un trouble ou d’une perturbation des travaux du Parlement d’une manière grave.

Arrêt du 31 mai 2018, Korwin-Mikke / Parlement (T-352/17) (cf. points 65, 67, 70)

78. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Indemnité d'assistance parlementaire - Contrôle ayant trait à l'utilisation des frais d'assistance parlementaire - Charge de la preuve

Par un arrêt du 7 mars 2019, L/Parlement{1}, le Tribunal avait annulé la décision du Parlement européen de résilier le contrat d’assistant parlementaire accrédité de L (ci-après l’« APA »), accrédité aux fins de l’assistance de TC, le requérant, député européen, pour rupture du lien de confiance au motif qu’il n’avait pas respecté les règles relatives aux autorisations d’exercice d’activités extérieures. Le Tribunal avait en effet constaté qu’il ressortait des éléments du dossier que non seulement le requérant avait connaissance des activités extérieures de l’APA, mais que, en outre, il en était à l’initiative directe.

À la suite de cet arrêt, le secrétaire général du Parlement a informé le requérant de l’ouverture d’une procédure de recouvrement de sommes indûment versées{2}, concernant l’assistance parlementaire apportée au requérant par l’APA. Il a invité par la même occasion le requérant à présenter, dans un délai de deux mois, des observations et des éléments de preuve visant à réfuter les conclusions préliminaires du Parlement sur les activités extérieures que l’APA avait exercées et à prouver que ce dernier avait effectivement exercé des fonctions d’assistant parlementaire accrédité. En réponse, le requérant a adressé au Parlement des observations et des éléments de preuve complémentaires, tout en demandant un certain nombre de documents et d’informations relatifs au dossier personnel de l’APA au Parlement, les copies des correspondances échangées par l’APA avec les représentants du Parlement concernant son travail et le dossier complet de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2019. Le Parlement a partiellement fait droit aux demandes de documents et d’informations du requérant.

Par décision du 16 mars 2021 (ci-après la « décision attaquée »), le secrétaire général du Parlement a considéré qu’une somme d’argent avait été indûment prise en charge par cette institution dans le cadre de l’emploi de l’APA et qu’elle devait être recouvrée auprès du requérant{3}. Consécutivement, le directeur général des finances du Parlement a émis, le 31 mars 2021, une note de débit ordonnant le recouvrement de ladite somme.

Saisi d’un recours en annulation contre la décision attaquée, qu’il accueille, le Tribunal se prononce sur le droit d’un débiteur d’invoquer une violation du principe du délai raisonnable lorsque l’institution lui envoie une note de débit dans le délai de cinq ans, fixé par le règlement financier, réaffirme l’importance du respect du principe du droit d’être entendu dans les procédures de recouvrement de frais d’assistance parlementaire ouvertes par le Parlement à l’encontre de ses membres et, enfin, tranche la question inédite du droit de se prévaloir, au titre de la garantie du droit d’être entendu, de motifs d’intérêt public pour obtenir la transmission de données à caractère personnel.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation du principe du respect du délai raisonnable, au motif que le Parlement aurait fondé la décision attaquée sur des données de l’affaire L/Parlement, pour lequel la requête avait été introduite en avril 2017.

À ce titre, il rappelle que l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union énonce le principe du respect du délai raisonnable, qui fait partie intégrante du droit à une bonne administration et que le respect d’un délai raisonnable est requis dans tous les cas où, dans le silence des textes, les principes de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime font obstacle à ce que les institutions de l’Union et les personnes physiques ou morales agissent sans aucune limite de temps. En revanche, lorsque l’administration agit dans le délai qui lui est spécifiquement prescrit par un texte, il ne saurait être valablement allégué que les exigences découlant du droit à voir ses affaires traitées dans un délai raisonnable sont méconnues.

Or, contrairement à la réglementation antérieure{4} celle applicable en l’espèce{5} prévoit désormais que l’ordonnateur envoie la note de débit immédiatement après la constatation de la créance et au plus tard dans un délai de cinq ans à compter du moment où l’institution de l’Union est en mesure de faire valoir sa créance.

Il n’y a donc pas lieu, en l’espèce, d’avoir recours au principe du respect du délai raisonnable pour apprécier le délai dans lequel la note de débit a été envoyée. En outre, le Tribunal relève que, d’une part, la note de débit a été adressée au requérant immédiatement après la constatation de la créance, dans la décision attaquée, et que, d’autre part, le moment auquel le Parlement a été en mesure de faire valoir sa créance coïncide avec le dépôt de la requête dans l’affaire L/Parlement ou avec le prononcé de l’arrêt dans cette dernière affaire, de sorte que le délai de cinq ans prévu par le règlement financier en vigueur a été respecté par le Parlement.

En second lieu, le Tribunal accueille le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu. À titre liminaire, il rappelle que le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard est garanti, de manière particulière, par les MAS{6}, en vertu desquelles le député concerné est entendu préalablement à l’adoption de toute décision dans cette matière. Ce droit garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts.

En l’espèce, le Tribunal constate que plusieurs demandes de documents et d’informations du requérant au Parlement ont été rejetées, sous réserve des documents concernant la fin du contrat de l’APA.

Il rappelle que, en cas de doute sur le caractère régulier de l’utilisation des frais d’assistance parlementaire versés au profit d’un APA, c’est au parlementaire qu’il incombe d’établir que cet APA a travaillé pour lui, en relation avec son mandat parlementaire, pendant toute la période au cours de laquelle ces frais ont été versés. En outre, lorsqu’il est invité à fournir cette preuve, le parlementaire doit communiquer au Parlement, dans le délai imparti, les éléments qui se trouvent en sa possession. Si d’autres éléments paraissent pertinents, il peut en demander la communication aux institutions, aux organismes et aux agences de l’Union qui en disposent, sur le fondement du droit d’être entendu, dès lors qu’ils concernent des données nécessaires pour lui permettre de formuler ses observations d’une manière utile et effective sur la mesure de recouvrement envisagée. Le Parlement qui reçoit une telle demande ne peut refuser de fournir les données réclamées sans violer le droit d’être entendu, sauf à invoquer, au soutien de ce refus, des motifs pouvant être considérés comme étant justifiés au regard, d’une part, des circonstances de l’espèce et, d’autre part, des règles applicables.

Le Tribunal examine donc si les motifs invoqués par le Parlement pour ne pas communiquer les données demandées par le requérant présentent un caractère justifié.

Premièrement, le Tribunal écarte les motifs invoqués par le Parlement pour rejeter la demande du requérant concernant la communication de « tous les courriels des années 2015, 2016 et 2019 » et la correspondance échangée par celui-ci avec les services compétents du Parlement concernant le travail de l’APA. Il rappelle que chaque institution organise ses travaux dans le respect des règles qui lui sont applicables et qu’elle peut édicter et considère que, en l’espèce, le Parlement pouvait limiter la période de conservation des courriels des députés, en leur permettant de les sauvegarder dans des dossiers personnels. Toutefois, il détermine si, en l’espèce, cette politique a été mise en œuvre d’une manière assurant le respect du droit d’être entendu.

Or, il constate que, dès le début de l’année 2016, le Parlement a eu connaissance d’une situation conflictuelle entre le requérant et l’APA quant au fait que celui-ci exerçait ou non ses activités pour le requérant dans le respect des règles régissant l’assistance parlementaire. Par conséquent, dès ce moment, il convenait que le Parlement assure la conservation des courriels susceptibles d’établir la nature exacte des activités de l’APA durant le déroulement de la procédure de licenciement et, si celle-ci donnait lieu à d’autres procédures, juridictionnelles ou administratives, telles qu’une procédure de recouvrement, aussi longtemps que ces autres procédures restaient ouvertes.

Par ailleurs, la possibilité d’effectuer un archivage personnel ne saurait avoir pour effet d’affranchir le Parlement de l’obligation d’assurer la conservation de tout courriel pertinent pour établir que, conformément aux règles que s’est données l’institution, un APA a exercé ses activités, de manière effective et exclusive, pour le parlementaire auquel il était affecté, en lien direct avec le mandat de ce dernier. Il ajoute que cette possibilité ne saurait affranchir le Parlement de l’obligation de communiquer les courriels ainsi conservés, lorsque, en application du droit d’être entendu, lequel présente un caractère fondamental dans l’ordre juridique de l’Union, il est sollicité en ce sens par le parlementaire concerné qui, comme en l’espèce, fait l’objet d’une procédure de recouvrement pour utilisation irrégulière des frais d’assistance parlementaire.

Deuxièmement, le Tribunal écarte les motifs invoqués par le Parlement pour rejeter la demande concernant le « dossier personnel » de l’APA (tous les documents liés à son recrutement et à son travail), y compris les informations relatives au nombre de fois où la protection du Parlement a été sollicitée pour cet APA, et les données relatives à sa présence pouvant être extraites de sa carte d’accès au Parlement.

S’agissant du motif pris de ce que la transmission de ces données était contraire au règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données{7}, certes, le Tribunal convient que, dès lors qu’elles devaient servir à sa défense dans le cadre de la procédure de recouvrement, les données réclamées par le requérant ne pouvaient être considérées comme étant « nécessaires à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le destinataire »{8}. Pour la même raison, il ne saurait être considéré que la transmission desdites données au requérant répondait à un « but spécifique d’intérêt public »{9}.

Toutefois, le Tribunal relève que la demande d’observations adressée par le Parlement au requérant afin de lui permettre d’exercer son droit d’être entendu est fondée, en l’espèce, sur des éléments détenus par cette institution sans être connus, le cas échéant, du requérant ou sur des éléments dont le requérant avait connaissance lorsqu’il était le supérieur hiérarchique de l’APA, mais dont il ne dispose plus.

Partant, au regard de l’importance reconnue au droit d’être entendu, la circonstance que de tels éléments puissent se trouver dans le « dossier personnel » de l’APA ne saurait, en tant que telle, faire obstacle à ce que ces éléments soient communiqués au requérant afin de lui permettre de formuler ses observations d’une manière utile et effective, dans le cadre de l’exercice dudit droit.

En effet, le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu, mais doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance, à ce titre, avec d’autres droits fondamentaux, dans le cadre d’une démarche accordant à chacun des droits impliqués la place qui lui revient, au regard des faits de l’espèce, dans l’ordre juridique de l’Union, conformément au principe de proportionnalité. La nécessité d’assurer une telle mise en balance entre le droit à la protection des données personnelles et les autres droits fondamentaux reconnus dans cet ordre juridique est soulignée par le législateur de l’Union dans le règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données{10}, dont le règlement sur la protection de données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union est l’équivalent.

Le Tribunal en conclut qu’il ne saurait être admis que le Parlement puisse inviter le requérant à se prononcer de manière utile et effective sur des éléments figurant, le cas échéant, dans le dossier de l’APA, sans, comme en l’espèce, lui donner accès à ces éléments, après avoir mis en balance, d’une part, l’intérêt de cet APA à ce que les données le concernant ne soient pas transmises à des tiers et, d’autre part, l’intérêt du requérant à présenter ses observations de manière utile et effective dans le cadre de la procédure en recouvrement ouverte contre lui.

S’agissant du motif pris de ce que la transmission de ces données était contraire aux dispositions du statut des fonctionnaires de l’Union européenne sur les dossiers individuels des fonctionnaires et agents{11}, applicable aux assistants parlementaires, le Tribunal constate que la confidentialité des pièces en cause ne saurait être opposée au requérant, qui est au demeurant l’auteur de certains des documents concernés en tant que supérieur hiérarchique de l’APA, dans la mesure nécessaire à l’exercice par le requérant de son droit d’être entendu.

Enfin, troisièmement, le Tribunal écarte les motifs invoqués par le Parlement pour rejeter la demande du requérant concernant le dossier relatif à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2019. En effet, quant au fait que le Tribunal a accordé l’anonymat à l’APA dans la procédure ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal rappelle que l’anonymat vise à omettre le nom d’une partie au litige ou celui d’autres personnes mentionnées dans le cadre de la procédure concernée, ou encore d’autres données dans les documents afférents à l’affaire auxquels le public a accès. En revanche, l’anonymat octroyé par le Tribunal ne concerne pas la confidentialité des éléments versés au dossier de ladite procédure en dehors de celle-ci, dans le cadre des relations entre les parties et des tiers. Par conséquent, la décision du Tribunal relative à l’anonymat n’interdisait pas au Parlement de communiquer au requérant les pièces échangées dans l’arrêt du 7 mars 2019, qui étaient susceptibles d’être pertinentes aux fins de l’exercice par le requérant de son droit d’être entendu.

{1} Arrêt du 7 mars 2019, L/Parlement (T-59/17, EU:T:2019:140).

{2} En vertu de l’article 68 de la décision du bureau du Parlement des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « MAS »).

{3} En application de l’article 68, paragraphe 1, des MAS.

{4} Règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), et le règlement délégué (UE) nº 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement nº 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1).

{5} Article 98, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) nº 1296/2013, (UE) nº 1301/2013, (UE) nº 1303/2013, (UE) nº 1304/2013, (UE) nº 1309/2013, (UE) nº 1316/2013, (UE) nº 223/2014, (UE) nº 283/2014 et la décision nº 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).

{6} Article 68, paragraphe 2, des MAS.

{7} Règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) nº 45/2001 et la décision nº 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).

{8} Au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement 2018/1725.

{9} Au sens l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725.

{10} Considérant 4 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1).

{11} Article 26 du règlement nº 31 (C.E.E) 11 (C.E.E.A.) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, tel que modifié.

Arrêt du 7 juin 2023, TC / Parlement (T-309/21) (cf. points 49-53, 89)



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. points 125, 126)

Ordonnance du 28 novembre 2018, Le Pen / Parlement (C-303/18 P) (cf. point 67)

Ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch / Parlement (C-330/18 P) (cf. points 63, 88, 90, 97, 102)

Ordonnance du 21 mars 2019, Troszczynski / Parlement (C-462/18 P) (cf. point 35)

Ordonnance du 21 mai 2019, Le Pen / Parlement (C-525/18 P) (cf. points 37, 98)

Arrêt du 27 juin 2019, Szegedi / Parlement (T-135/18) (cf. points 68-73)

Ordonnance du 7 novembre 2019, Le Pen / Parlement (C-38/19 P) (cf. points 49-52)

Ordonnance du 6 mai 2020, Szegedi / Parlement (C-628/19 P) (cf. points 36, 45, 46)



Arrêt du 24 mars 2021, Bennahmias / Parlement (T-798/19) (cf. points 67-70)



Arrêt du 24 mars 2021, Bennahmias / Parlement (T-799/19) (cf. points 51-54)



Arrêt du 30 juin 2021, Mélin / Parlement (T-51/20) (cf. points 41, 42)



Arrêt du 14 juillet 2021, Arnautu / Parlement (T-740/20) (cf. points 37, 38)



Arrêt du 8 septembre 2021, Griesbeck / Parlement (T-10/21) (cf. points 40-42)

79. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Atteinte à l'interdiction pour le député concerné d'être lié par des instructions de tiers - Absence



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. point 186)

80. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Inapplicabilité de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux à la procédure d'adoption de la décision



Arrêt du 19 juin 2018, Le Pen / Parlement (T-86/17) (cf. point 92)

Arrêt du 28 novembre 2018, Le Pen / Parlement (T-161/17) (cf. point 75)



Arrêt du 8 septembre 2021, Griesbeck / Parlement (T-10/21) (cf. point 50)

81. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Refus d'une demande de subvention - Violation des droits à la liberté d'expression et à la liberté d'association - Absence



Arrêt du 11 juillet 2018, Europa Terra Nostra / Parlement (T-13/17) (cf. point 115)

Arrêt du 11 juillet 2018, APF / Parlement (T-16/17) (cf. point 109)

Arrêt du 11 juillet 2018, CLF / Parlement (T-54/17) (cf. point 128)

Arrêt du 11 juillet 2018, Pegasus / Parlement (T-57/17) (cf. point 129)

82. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des préfinancements de subvention - Procédure de vérification - Conditions d'engagement de la procédure - Nécessité de produire des éléments de preuve à l'appui - Absence - Nécessité de démontrer la probabilité de l'exclusion effective d'un préfinancement du financement de l'Union - Absence



Arrêt du 11 juillet 2018, Europa Terra Nostra / Parlement (T-13/17) (cf. points 44-46, 52)

Arrêt du 11 juillet 2018, APF / Parlement (T-16/17) (cf. points 41-43, 49)

83. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des subventions - Conditions - Traitement différencié des partis politiques nouvellement créés par rapport à ceux plus anciens - Admissibilité



Arrêt du 11 juillet 2018, CLF / Parlement (T-54/17) (cf. points 116, 120, 121)

84. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des subventions - Évaluation du risque pour le budget et les intérêts financiers de l'Union - Critères - Prise en compte de la difficulté d'évaluer la viabilité administrative et financière d'un parti politique nouvellement créé - Admissibilité



Arrêt du 11 juillet 2018, CLF / Parlement (T-54/17) (cf. points 49-51, 53, 55, 56)

85. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des subventions - Conditions - Obligation de satisfaction à la date d'introduction de la demande de financement - Portée



Arrêt du 11 juillet 2018, CLF / Parlement (T-54/17) (cf. points 63, 64, 66, 67)

Arrêt du 11 juillet 2018, Pegasus / Parlement (T-57/17) (cf. points 62-64, 66, 67)

86. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des subventions - Conditions - Respect des principes fondateurs de l'Union - Prise en compte de l'absence d'éléments relatifs à un parti nouvellement créé pour apprécier la satisfaction de la condition - Admissibilité



Arrêt du 11 juillet 2018, CLF / Parlement (T-54/17) (cf. points 78, 79, 82, 83, 87, 88)

87. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des subventions - Conditions - Traitement différencié des fondations politiques nouvellement créées par rapport à celles plus anciennes - Admissibilité



Arrêt du 11 juillet 2018, Pegasus / Parlement (T-57/17) (cf. points 117, 121, 122)

88. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des subventions - Évaluation du risque pour le budget et les intérêts financiers de l'Union - Critères - Prise en compte de la difficulté d'évaluer la viabilité administrative et financière d'une fondation politique nouvellement créée - Admissibilité



Arrêt du 11 juillet 2018, Pegasus / Parlement (T-57/17) (cf. points 48-50, 52, 54, 55)

89. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des subventions - Conditions - Respect des principes fondateurs de l'Union - Prise en compte de l'absence d'éléments relatifs à une fondation politique nouvellement créée pour apprécier la satisfaction de la condition - Admissibilité



Arrêt du 11 juillet 2018, Pegasus / Parlement (T-57/17) (cf. points 78, 79, 82, 83, 87, 88)

90. Parlement européen - Membres - Régime disciplinaire - Sanctions - Décision du président du Parlement - Réclamation - Caractère facultatif - Saisine du juge de l'Union - Admissibilité - Point de départ du délai de recours en annulation



Arrêt du 19 septembre 2018, Selimovic / Parlement (T-61/17) (cf. points 42, 43, 45-48)

91. Parlement européen - Membres - Régime disciplinaire - Sanctions - Harcèlement moral - Adoption de la décision de sanction sans accorder au député un accès complet au dossier du comité traitant des plaintes en matière de harcèlement - Violation du droit à une bonne administration - Absence



Arrêt du 19 septembre 2018, Selimovic / Parlement (T-61/17) (cf. points 78-80, 83)

92. Parlement européen - Membres - Régime disciplinaire - Engagement de la procédure - Délai imparti au député pour préparer la défense - Respect d'un délai raisonnable - Critères d'appréciation



Arrêt du 19 septembre 2018, Selimovic / Parlement (T-61/17) (cf. points 85, 88, 89)

93. Union européenne - Siège des institutions - Protocoles sur les sièges des institutions fixant à Strasbourg le siège du Parlement - Portée - Obligation d'y tenir la session budgétaire - Notion de session budgétaire

Les termes "la session budgétaire", figurant à l’article unique, sous a), du protocole sur la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et services de l’Union européenne annexé aux traités UE, FUE et CEEA, couvrent non pas seulement la période de session plénière ordinaire consacrée à l’examen par le Parlement européen du projet de budget en première lecture, mais également la deuxième lecture, en vertu de l’article 314, paragraphe 6, TFUE, assurant un débat et un vote publics, en séance plénière, sur le projet commun de budget annuel issu de la procédure de conciliation.

En effet, l’exercice par le Parlement de sa compétence budgétaire en séance plénière revêt une importance particulière pour la transparence et la légitimité démocratique de l’action de l’Union fondée sur le budget annuel de celle-ci. Ces dernières ne peuvent pas être assurées par la seule première lecture du projet de budget dans le cadre de la procédure budgétaire établie à l’article 314 TFUE lorsque le Parlement, conformément à l’article 314, paragraphe 4, sous c), TFUE, adopte des amendements audit projet. À cet égard, l’exercice par le Parlement de sa compétence budgétaire en séance plénière constitue un moment fondamental de la vie démocratique de l’Union et nécessite notamment un débat public, en séance plénière, permettant aux citoyens de l’Union de prendre connaissance des diverses orientations politiques exprimées et, de ce fait, de se former une opinion politique sur l’action de l’Union. En outre, la transparence du débat parlementaire en séance plénière est susceptible de renforcer la légitimité démocratique de la procédure budgétaire à l’égard des citoyens de l’Union et la crédibilité de l’action de celle-ci.

Or, la procédure de conciliation prévue au paragraphe 4, sous c), et au paragraphe 5 de l’article 314 TFUE peut conduire à des modifications importantes du projet de budget qui n’ont pas été examinées en première lecture par le Parlement, ni fait l’objet d’un débat public au sein du comité de conciliation. Les séances de ce comité ne sont pas publiques et impliquent la participation de 28 membres du Parlement, reflétant les rapports de majorité en son sein sans toutefois représenter pleinement les intérêts politiques de tous les membres de cette institution.

Arrêt du 2 octobre 2018, France / Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire) (C-73/17) (cf. points 34-37)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 25 juin 2020, France / Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire II) (C-92/18) (cf. point 19)

94. Budget de l'Union européenne - Procédure budgétaire - Adoption du projet commun de budget annuel issu de la procédure de conciliation - Obligations du Parlement à l'égard du débat et du vote

En l’absence d’un débat et d’un vote au Parlement européen sur le projet commun de budget annuel dans le délai de quatorze jours établi à l’article 314, paragraphe 6, TFUE, ce projet peut être adopté par le Conseil seul, dans les conditions prévues au paragraphe 7, sous a), de cet article. Or, il est d’une importance particulière pour la transparence et la légitimité démocratique de l’action de l’Union, lesquelles se manifestent au travers de la procédure d’adoption du budget annuel, que le Parlement exerce la compétence lui incombant au titre de l’article 314, paragraphe 6, TFUE et se prononce en séance plénière sur ce projet commun.

Dès lors, le Parlement est tenu d’agir en la matière avec toute l’attention, la rigueur et tout l’engagement qu’une telle responsabilité exige, ce qui implique que le débat et le vote parlementaires soient fondés sur un texte transmis aux députés en temps utile et traduit dans toutes les langues officielles de l’Union. En effet, l’Union est attachée au multilinguisme, dont l’importance est rappelée à l’article 3, paragraphe 3, quatrième alinéa, TUE.

Arrêt du 2 octobre 2018, France / Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire) (C-73/17) (cf. points 40, 41)

95. Union européenne - Siège des institutions - Protocoles sur les sièges des institutions fixant à Strasbourg le siège du Parlement - Portée - Compétence des États membres - Pouvoir d'organisation interne du Parlement - Conditions d'exercice - Obligation réciproque de respect des compétences respectives

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 2 octobre 2018, France / Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire) (C-73/17) (cf. point 43)

96. Union européenne - Siège des institutions - Protocoles sur les sièges des institutions fixant à Strasbourg le siège du Parlement - Portée - Obligation d'y tenir la session budgétaire - Portée - Limites - Exercice du pouvoir budgétaire au cours d'une période de session plénière additionnelle à Bruxelles afin de permettre au Parlement de voter sur un projet commun de budget annuel de l'Union dans le délai applicable - Admissibilité

Le Parlement européen est tenu d’exercer ses pouvoirs budgétaires au cours d’une période de session plénière ordinaire à Strasbourg, sans que, toutefois, cette obligation résultant de l’article unique, sous a), du protocole sur la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et services de l’Union européenne annexé aux traités UE, FUE et CEEA fasse obstacle à ce que le budget annuel soit, si des impératifs liés au bon déroulement de la procédure budgétaire telle que prévue à l’article 314 TFUE l’exigent, débattu et voté lors d’une période de session plénière additionnelle à Bruxelles. Un déroulement de cette procédure faisant prévaloir, de manière absolue, le respect de l’article unique, sous a), de ce protocole au détriment de la pleine participation du Parlement à ladite procédure serait incompatible avec la conciliation nécessaire des exigences résultant de ces dispositions. Le Parlement dispose, lorsqu’il procède à une telle conciliation, d’un pouvoir d’appréciation découlant des impératifs liés au bon déroulement de la procédure budgétaire.

Partant, dans le cas où le projet de budget annuel de l’Union fait l’objet d’une procédure de conciliation entre le Parlement et le Conseil, le Parlement ne commet pas d’erreur d’appréciation en inscrivant le débat et le vote sur le projet commun de budget annuel issu de ladite procédure à l’ordre du jour de la prochaine période de session plénière additionnelle à Bruxelles, et en approuvant ce projet par résolution législative lors de cette même période de session plénière. À cet égard, il ne saurait être valablement soutenu que le Parlement aurait pu statuer sur le projet commun de budget annuel au cours de la période de session plénière ordinaire à Strasbourg ayant commencé quatre jours après la transmission au Parlement dudit projet commun par le Conseil. Or, la pleine utilisation par le Parlement du délai prévu à l’article 314, paragraphe 6, TFUE ne saurait mettre en cause la légalité dudit ordre du jour ainsi que la résolution législative au regard du protocole sur les sièges des institutions. Le Parlement est en droit d’épuiser pleinement les délais qui lui sont impartis par les dispositions de cet article 314 TFUE. En outre, les débats internes au sein des différents groupes politiques et de la commission des budgets prennent un temps considérable, temps particulièrement important pour préparer le débat et le vote budgétaires en séance plénière et, notamment, pour parvenir à une majorité.

Arrêt du 2 octobre 2018, France / Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire) (C-73/17) (cf. points 44, 45, 56, 61)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 25 juin 2020, France / Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire II) (C-92/18) (cf. points 24, 25, 32, 37)

97. Budget de l'Union européenne - Procédure budgétaire - Constatation par le président du Parlement de l'arrêt définitif du budget - Délai d'adoption - Absence - Obligation pour le président du Parlement d'attendre la prochaine période de séance plénière ordinaire à Strasbourg avant de constater la clôture de la procédure budgétaire - Absence

Le traité FUE n’accorde aucun délai au président du Parlement européen pour adopter l’acte constatant l’adoption définitive du budget annuel de l’Union, cette adoption devant intervenir, selon les termes de l’article 314, paragraphe 9, TFUE, lorsque la procédure prévue à cet article est achevée.

En effet, ledit acte est étroitement lié au vote, en deuxième lecture, sur le projet commun de budget annuel. L’acte du président constatant formellement, après vérification de la régularité de la procédure, que le budget annuel de l’Union est définitivement adopté constitue la phase ultime de la procédure d’adoption de ce budget et confère force obligatoire à celui-ci. Ainsi, lorsque le Parlement, eu égard à la conciliation nécessaire des exigences résultant de l’article unique, sous a), du protocole sur la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et services de l’Union européenne annexé aux traités UE, FUE et CEEA et de l’article 314 TFUE, est en droit de débattre et de voter sur le projet commun de budget annuel au cours d’une période de session plénière additionnelle à Bruxelles, le président de cette institution procède à ce constat au cours de la même période de session plénière.

Par ailleurs, eu égard à l’importance de l’adoption du budget annuel pour l’action de l’Union, il ne saurait être exigé que le président du Parlement soit tenu d’attendre la prochaine période de session plénière ordinaire à Strasbourg aux fins de constater la clôture définitive de la procédure budgétaire et de conférer force obligatoire au budget annuel de l’Union.

Arrêt du 2 octobre 2018, France / Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire) (C-73/17) (cf. points 62-64)

98. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Notion d'opinion exprimée dans l'exercice de fonctions - Application dans le cadre de poursuites pénales ouvertes à l'encontre d'un membre du Parlement - Nécessité d'un lien direct et évident entre l'opinion exprimée et les fonctions parlementaires



Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-26/17) (cf. points 16-22)

Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-27/17) (cf. points 16-22)

Ordonnance du 12 novembre 2020, Jalkh / Parlement (C-792/18 P et C-793/18 P) (cf. points 29, 30)

99. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de levée de l'immunité - Pouvoir d'appréciation du Parlement - Contrôle juridictionnel - Portée

Les trois requérants ont présenté leur candidature aux élections au Parlement européen tenues en Espagne le 26 mai 2019, à l’issue desquelles, le 13 juin 2019, le premier et le deuxième requérants ont été proclamés élus. Le 20 juin 2019, la Junta Electoral Central (commission électorale centrale, Espagne) a communiqué au Parlement une décision dans laquelle elle constatait que ces derniers n’avaient pas prêté le serment de respecter la Constitution espagnole exigé par la loi électorale espagnole{1} et, par conséquent, a déclaré la vacance de leurs sièges au Parlement. Le 27 juin 2019, le président du Parlement alors en fonction a informé les premier et deuxième requérants qu’il n’était pas en mesure de les traiter comme de futurs membres du Parlement.

Les 14 octobre et 4 novembre 2019, le juge d’instruction de la chambre pénale du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a émis un mandat d’arrêt national, un mandat d’arrêt européen et un mandat d’arrêt international contre chaque requérant, afin qu’ils puissent être jugés dans le cadre de la procédure pénale engagée à leur encontre pour des faits relevant entre autres, selon les personnes concernées, d’infractions de rébellion, de sédition et de détournement de fonds publics.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le Parlement a pris acte, à la suite de l’arrêt Junqueras Vies{2}, de l’élection au Parlement des premier et deuxième requérants avec effet au 2 juillet 2019. Le 16 janvier 2020, le vice-président du Parlement a communiqué en séance plénière les demandes transmises par le président de la Cour suprême le 13 janvier précédent, tendant à la levée d’immunité des premier et deuxième requérants, et les a renvoyées à la commission des affaires juridiques du Parlement.

Le 10 février 2020, le Parlement a, à la suite du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne, intervenu le 31 janvier 2020, pris acte de l’élection de la troisième requérante en tant que députée avec effet au 1er février 2020. Le 13 février 2020, le vice-président du Parlement a communiqué en séance plénière la demande transmise par le président de la Cour suprême le 10 février 2020 tendant à la levée d’immunité de la troisième requérante et a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques du Parlement.

Par trois décisions du 9 mars 2021{3}, le Parlement a levé l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole nº 7{4} des trois requérants, qui ont alors introduit, devant le Tribunal, un recours en annulation dirigé contre ces trois décisions.

Statuant en chambre élargie, le Tribunal rejette le recours des requérants, ce qui le conduit, en particulier, à se prononcer sur l’applicabilité du principe d’impartialité à une décision statuant sur une demande de levée de l’immunité d’un député européen et sur la portée de ce principe ainsi que sur l’examen à mener par le Parlement lorsqu’il est saisi d’une telle demande.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, s’agissant de l’exigence d’impartialité, consacrée à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui s’impose aux institutions dans l’accomplissement de leurs missions, le Tribunal rappelle qu’elle tend à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de l’Union. Elle vise, notamment, à éviter des situations de conflits d’intérêts éventuels s’agissant de fonctionnaires et d’agents agissant pour le compte de ces institutions. Elle s’impose également aux membres du Parlement lorsqu’ils interviennent dans le cadre de l’adoption de décisions relevant des fonctions administratives du Parlement. Le Tribunal juge qu’elle s’impose de même aux membres du Parlement qui, en tant que membres de la commission des affaires juridiques, participent à la phase d’instruction d’une demande de levée d’immunité, et ce, en dépit du caractère politique de la décision statuant sur une telle demande. Il précise que cette exigence doit toutefois nécessairement tenir compte du fait que ces membres ne sont pas, par définition, politiquement neutres, ce qui les distingue des fonctionnaires et des agents agissant pour le compte des institutions, organes et organismes de l’Union.

Le Tribunal relève également que la commission des affaires juridiques est un organe politique, dont la composition vise à refléter la pluralité existant au sein du Parlement. Cette commission désigne, en son sein, le rapporteur selon un système de rotation égalitaire entre les groupes politiques. Il s’ensuit que, si la mission de rapporteur est confiée à un député relevant d’un groupe politique donné, ce député agit dans le cadre d’une commission dont la composition reflète l’équilibre des groupes politiques au sein du Parlement.

Le Tribunal considère que, dans ce contexte, l’impartialité d’un député qui intervient au cours de cette phase d’instruction, tel le rapporteur, ne saurait, en principe, être appréciée à l’aune de son idéologie politique ni à l’aune d’une comparaison entre son idéologie politique et celle du député visé par la demande de levée d’immunité. En particulier, l’appartenance du rapporteur à un parti politique national ou à un groupe politique constitué au sein du Parlement, quelles que soient les valeurs et les idées portées par ces derniers, et à supposer même que celles-ci seraient susceptibles de révéler des sensibilités a priori défavorables à la situation du député visé par la demande de levée d’immunité, est, en principe, sans incidence sur l’appréciation de l’impartialité du rapporteur.

Le Tribunal en tire la conséquence que, en l’espèce, l’appartenance du rapporteur au groupe politique européen des conservateurs et réformistes européens, qui comprend également les députés, membres du parti politique VOX, à l’origine de la procédure pénale visant les requérants, est, en principe, sans incidence sur l’appréciation de son impartialité. À cet égard, le Tribunal considère que la situation particulière des députés membres dudit parti ne saurait s’étendre, par principe, à l’ensemble des membres du groupe politique des conservateurs et réformistes européens au seul motif qu’ils partagent, dès lors qu’ils relèvent d’un même groupe, des affinités politiques. Dans ce contexte, le fait que le député, futur rapporteur des affaires de levée d’immunité des requérants, ait manifesté son soutien aux idées portées par le parti politique VOX concernant, en particulier, la situation politique de la Catalogne ainsi que son opposition aux idées politiques défendues par les requérants, ne saurait suffire à caractériser une atteinte au principe d’impartialité.

Après avoir relevé l’absence d’invocation, par les requérants, d’un intérêt personnel du rapporteur aux affaires en cause ou d’un préjugé d’ordre personnel de ce dernier, dissociable de son idéologie politique, le Tribunal écarte le grief tiré du défaut d’impartialité du rapporteur.

En second lieu, s’agissant de l’examen à mener par le Parlement lorsqu’il est saisi d’une demande de levée d’immunité, le Tribunal rappelle que le Parlement doit, dans un premier temps, vérifier si les faits qui sont à l’origine de cette demande sont susceptibles d’être couverts par l’article 8 du protocole nº 7, en tant que disposition spéciale. Dans l’affirmative, le Parlement doit constater qu’une levée de l’immunité est impossible. Ce n’est que si cette institution conclut par la négative qu’il lui appartient de vérifier, dans un second temps, si le député concerné bénéficie de l’immunité prévue à l’article 9 dudit protocole pour les faits en cause et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, de ce protocole.

À cet égard, le Tribunal constate que, dans les décisions attaquées, le Parlement a relevé que les faits à l’origine des demandes de levée d’immunité ne relevaient pas de l’article 8 du protocole nº 7.

Ensuite, s’agissant de la question de savoir si les requérants bénéficiaient de l’immunité prévue à l’article 9 au titre des faits en cause, le Tribunal considère que, dès lors que, dans le cadre de ses pouvoirs relatifs aux immunités, le Parlement doit en assurer l’effectivité, celui-ci a implicitement mais nécessairement considéré que, dans les circonstances de l’espèce, seule l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole nº 7 constituait un obstacle à l’arrestation des requérants et à leur remise aux autorités espagnoles en application des mandats d’arrêt européens litigieux.

À cet égard, le Tribunal relève que, dans les décisions attaquées, le Parlement a pris acte du fait que le droit espagnol, tel qu’interprété par les juridictions nationales, ne conférait pas d’immunité aux requérants au titre des faits en cause. Le Tribunal considère que, dès lors que l’étendue et la portée de l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous a), du protocole nº 7 sont déterminées par le droit national, c’est à bon droit que le Parlement s’est référé au droit national tel qu’interprété par les juridictions nationales. Le Tribunal estime également que les requérants n’ont pas établi que ce constat était erroné.

Le Tribunal juge, en outre, que le silence des décisions attaquées concernant l’immunité prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole nº 7, qui concerne l’immunité des membres du Parlement lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement ou en reviennent, n’est pas de nature à leur conférer un caractère ambigu car l’immunité prévue à cette disposition ne conférait pas aux requérants de protection autonome par rapport à celle dont ils bénéficiaient au titre de l’article 9, premier alinéa.

Enfin, le Tribunal précise qu’il n’appartient pas au Parlement, lors de son examen de la question de savoir s’il y a lieu de lever l’immunité de l’un de ses membres, d’apprécier la légalité des actes adoptés par les autorités judiciaires au cours de la procédure nationale en cause, tels que, en l’espèce, les mandats d’arrêt nationaux et européens. Cette question relève en effet de la seule compétence des autorités nationales.

{1} Article 224, paragraphe 2, de la Ley orgánica 5/1985 de régimen electoral general (loi organique 5/1985, portant régime électoral général), du 19 juin 1985 (BOE nº 147, du 20 juin 1985, p. 19110).

{2} Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115).

{3} Décisions P9_TA(2021)0059, P9_TA(2021)0060 et P9_TA(2021)0061 du Parlement européen, du 9 mars 2021.

{4} Cet article du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266) dispose que, pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient sur le territoire de tout autre État membre de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

Arrêt du 5 juillet 2023, Puigdemont i Casamajó e.a. / Parlement (T-272/21) (cf. point 116)



Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-26/17) (cf. points 28, 29)

Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-27/17) (cf. points 28, 29)

Arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski / Parlement (T-550/17) (cf. points 43, 44)

Arrêt du 30 avril 2019, Briois / Parlement (T-214/18) (cf. points 24, 25)



Arrêt du 1er décembre 2021, Jalkh / Parlement (T-230/21) (cf. points 23, 24)

100. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Décision de levée de l'immunité - Respect du principe d'égalité de traitement devant se concilier avec celui du principe de légalité



Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-26/17) (cf. points 66, 67)

Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-27/17) (cf. points 66, 67)

101. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de levée de l'immunité - Conditions - Vérification par le Parlement - Examen du caractère justifié des poursuites nationales et de la culpabilité du député concerné - Exclusion - Compétence des autorités nationales

Les trois requérants ont présenté leur candidature aux élections au Parlement européen tenues en Espagne le 26 mai 2019, à l’issue desquelles, le 13 juin 2019, le premier et le deuxième requérants ont été proclamés élus. Le 20 juin 2019, la Junta Electoral Central (commission électorale centrale, Espagne) a communiqué au Parlement une décision dans laquelle elle constatait que ces derniers n’avaient pas prêté le serment de respecter la Constitution espagnole exigé par la loi électorale espagnole{1} et, par conséquent, a déclaré la vacance de leurs sièges au Parlement. Le 27 juin 2019, le président du Parlement alors en fonction a informé les premier et deuxième requérants qu’il n’était pas en mesure de les traiter comme de futurs membres du Parlement.

Les 14 octobre et 4 novembre 2019, le juge d’instruction de la chambre pénale du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a émis un mandat d’arrêt national, un mandat d’arrêt européen et un mandat d’arrêt international contre chaque requérant, afin qu’ils puissent être jugés dans le cadre de la procédure pénale engagée à leur encontre pour des faits relevant entre autres, selon les personnes concernées, d’infractions de rébellion, de sédition et de détournement de fonds publics.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le Parlement a pris acte, à la suite de l’arrêt Junqueras Vies{2}, de l’élection au Parlement des premier et deuxième requérants avec effet au 2 juillet 2019. Le 16 janvier 2020, le vice-président du Parlement a communiqué en séance plénière les demandes transmises par le président de la Cour suprême le 13 janvier précédent, tendant à la levée d’immunité des premier et deuxième requérants, et les a renvoyées à la commission des affaires juridiques du Parlement.

Le 10 février 2020, le Parlement a, à la suite du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne, intervenu le 31 janvier 2020, pris acte de l’élection de la troisième requérante en tant que députée avec effet au 1er février 2020. Le 13 février 2020, le vice-président du Parlement a communiqué en séance plénière la demande transmise par le président de la Cour suprême le 10 février 2020 tendant à la levée d’immunité de la troisième requérante et a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques du Parlement.

Par trois décisions du 9 mars 2021{3}, le Parlement a levé l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole nº 7{4} des trois requérants, qui ont alors introduit, devant le Tribunal, un recours en annulation dirigé contre ces trois décisions.

Statuant en chambre élargie, le Tribunal rejette le recours des requérants, ce qui le conduit, en particulier, à se prononcer sur l’applicabilité du principe d’impartialité à une décision statuant sur une demande de levée de l’immunité d’un député européen et sur la portée de ce principe ainsi que sur l’examen à mener par le Parlement lorsqu’il est saisi d’une telle demande.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, s’agissant de l’exigence d’impartialité, consacrée à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui s’impose aux institutions dans l’accomplissement de leurs missions, le Tribunal rappelle qu’elle tend à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de l’Union. Elle vise, notamment, à éviter des situations de conflits d’intérêts éventuels s’agissant de fonctionnaires et d’agents agissant pour le compte de ces institutions. Elle s’impose également aux membres du Parlement lorsqu’ils interviennent dans le cadre de l’adoption de décisions relevant des fonctions administratives du Parlement. Le Tribunal juge qu’elle s’impose de même aux membres du Parlement qui, en tant que membres de la commission des affaires juridiques, participent à la phase d’instruction d’une demande de levée d’immunité, et ce, en dépit du caractère politique de la décision statuant sur une telle demande. Il précise que cette exigence doit toutefois nécessairement tenir compte du fait que ces membres ne sont pas, par définition, politiquement neutres, ce qui les distingue des fonctionnaires et des agents agissant pour le compte des institutions, organes et organismes de l’Union.

Le Tribunal relève également que la commission des affaires juridiques est un organe politique, dont la composition vise à refléter la pluralité existant au sein du Parlement. Cette commission désigne, en son sein, le rapporteur selon un système de rotation égalitaire entre les groupes politiques. Il s’ensuit que, si la mission de rapporteur est confiée à un député relevant d’un groupe politique donné, ce député agit dans le cadre d’une commission dont la composition reflète l’équilibre des groupes politiques au sein du Parlement.

Le Tribunal considère que, dans ce contexte, l’impartialité d’un député qui intervient au cours de cette phase d’instruction, tel le rapporteur, ne saurait, en principe, être appréciée à l’aune de son idéologie politique ni à l’aune d’une comparaison entre son idéologie politique et celle du député visé par la demande de levée d’immunité. En particulier, l’appartenance du rapporteur à un parti politique national ou à un groupe politique constitué au sein du Parlement, quelles que soient les valeurs et les idées portées par ces derniers, et à supposer même que celles-ci seraient susceptibles de révéler des sensibilités a priori défavorables à la situation du député visé par la demande de levée d’immunité, est, en principe, sans incidence sur l’appréciation de l’impartialité du rapporteur.

Le Tribunal en tire la conséquence que, en l’espèce, l’appartenance du rapporteur au groupe politique européen des conservateurs et réformistes européens, qui comprend également les députés, membres du parti politique VOX, à l’origine de la procédure pénale visant les requérants, est, en principe, sans incidence sur l’appréciation de son impartialité. À cet égard, le Tribunal considère que la situation particulière des députés membres dudit parti ne saurait s’étendre, par principe, à l’ensemble des membres du groupe politique des conservateurs et réformistes européens au seul motif qu’ils partagent, dès lors qu’ils relèvent d’un même groupe, des affinités politiques. Dans ce contexte, le fait que le député, futur rapporteur des affaires de levée d’immunité des requérants, ait manifesté son soutien aux idées portées par le parti politique VOX concernant, en particulier, la situation politique de la Catalogne ainsi que son opposition aux idées politiques défendues par les requérants, ne saurait suffire à caractériser une atteinte au principe d’impartialité.

Après avoir relevé l’absence d’invocation, par les requérants, d’un intérêt personnel du rapporteur aux affaires en cause ou d’un préjugé d’ordre personnel de ce dernier, dissociable de son idéologie politique, le Tribunal écarte le grief tiré du défaut d’impartialité du rapporteur.

En second lieu, s’agissant de l’examen à mener par le Parlement lorsqu’il est saisi d’une demande de levée d’immunité, le Tribunal rappelle que le Parlement doit, dans un premier temps, vérifier si les faits qui sont à l’origine de cette demande sont susceptibles d’être couverts par l’article 8 du protocole nº 7, en tant que disposition spéciale. Dans l’affirmative, le Parlement doit constater qu’une levée de l’immunité est impossible. Ce n’est que si cette institution conclut par la négative qu’il lui appartient de vérifier, dans un second temps, si le député concerné bénéficie de l’immunité prévue à l’article 9 dudit protocole pour les faits en cause et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, de ce protocole.

À cet égard, le Tribunal constate que, dans les décisions attaquées, le Parlement a relevé que les faits à l’origine des demandes de levée d’immunité ne relevaient pas de l’article 8 du protocole nº 7.

Ensuite, s’agissant de la question de savoir si les requérants bénéficiaient de l’immunité prévue à l’article 9 au titre des faits en cause, le Tribunal considère que, dès lors que, dans le cadre de ses pouvoirs relatifs aux immunités, le Parlement doit en assurer l’effectivité, celui-ci a implicitement mais nécessairement considéré que, dans les circonstances de l’espèce, seule l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole nº 7 constituait un obstacle à l’arrestation des requérants et à leur remise aux autorités espagnoles en application des mandats d’arrêt européens litigieux.

À cet égard, le Tribunal relève que, dans les décisions attaquées, le Parlement a pris acte du fait que le droit espagnol, tel qu’interprété par les juridictions nationales, ne conférait pas d’immunité aux requérants au titre des faits en cause. Le Tribunal considère que, dès lors que l’étendue et la portée de l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous a), du protocole nº 7 sont déterminées par le droit national, c’est à bon droit que le Parlement s’est référé au droit national tel qu’interprété par les juridictions nationales. Le Tribunal estime également que les requérants n’ont pas établi que ce constat était erroné.

Le Tribunal juge, en outre, que le silence des décisions attaquées concernant l’immunité prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole nº 7, qui concerne l’immunité des membres du Parlement lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement ou en reviennent, n’est pas de nature à leur conférer un caractère ambigu car l’immunité prévue à cette disposition ne conférait pas aux requérants de protection autonome par rapport à celle dont ils bénéficiaient au titre de l’article 9, premier alinéa.

Enfin, le Tribunal précise qu’il n’appartient pas au Parlement, lors de son examen de la question de savoir s’il y a lieu de lever l’immunité de l’un de ses membres, d’apprécier la légalité des actes adoptés par les autorités judiciaires au cours de la procédure nationale en cause, tels que, en l’espèce, les mandats d’arrêt nationaux et européens. Cette question relève en effet de la seule compétence des autorités nationales.

{1} Article 224, paragraphe 2, de la Ley orgánica 5/1985 de régimen electoral general (loi organique 5/1985, portant régime électoral général), du 19 juin 1985 (BOE nº 147, du 20 juin 1985, p. 19110).

{2} Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115).

{3} Décisions P9_TA(2021)0059, P9_TA(2021)0060 et P9_TA(2021)0061 du Parlement européen, du 9 mars 2021.

{4} Cet article du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266) dispose que, pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient sur le territoire de tout autre État membre de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

Arrêt du 5 juillet 2023, Puigdemont i Casamajó e.a. / Parlement (T-272/21) (cf. points 141, 180)



Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-26/17) (cf. point 83)

Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-27/17) (cf. point 83)



Ordonnance du 22 décembre 2022, Jalkh / Parlement (C-82/22 P) (cf. point 47)

102. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Déchéance du mandat parlementaire - Procédure judiciaire nationale pouvant aboutir à cette déchéance - Obligation pour les États membres d'informer le Parlement - Absence



Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-26/17) (cf. points 93, 94)

Arrêt du 17 octobre 2018, Jalkh / Parlement (T-27/17) (cf. points 93, 94)

103. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Décision de levée de l'immunité - Décision adoptée sans débat en séance plénière - Présentation des observations du député concerné devant la commission parlementaire - Absence de possibilité de s'exprimer en assemblée plénière - Violation du droit d'être entendu - Absence



Arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski / Parlement (T-550/17) (cf. points 105-109, 118, 119)

104. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Notion d'opinion exprimée dans l'exercice de fonctions - Application dans le cadre d'une procédure judiciaire ouverte à l'encontre d'un membre du Parlement - Nécessité d'un lien direct et évident entre l'opinion exprimée et les fonctions parlementaires



Arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski / Parlement (T-550/17) (cf. points 46, 47)

105. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Notion d'opinion exprimée dans l'exercice de fonctions - Nécessité d'un lien direct et évident entre l'opinion exprimée et les fonctions parlementaires - Envoi d'un tweet apparaissant comme la volonté de mettre l'accent sur un comportement contraire au droit national et non pas comme une prise de position sur des sujets d'actualité générale - Absence de lien - Inapplicabilité de l'immunité



Arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski / Parlement (T-550/17) (cf. points 53, 54)

106. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Objet



Arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski / Parlement (T-550/17) (cf. points 57, 58)



Arrêt du 1er décembre 2021, Jalkh / Parlement (T-230/21) (cf. point 59)

107. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de levée de l'immunité - Conditions - Vérification par le Parlement - Examen distinct de celui visant à établir la réalité des faits reprochés



Arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski / Parlement (T-550/17) (cf. points 61, 62, 96)

108. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Communication d'une commission du Parlement concernant la pratique en matière de privilèges et immunités des membres - Caractère contraignant - Absence



Arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski / Parlement (T-550/17) (cf. point 76)

109. Recours en annulation - Qualité de partie défenderesse - Bureau du Parlement européen - Absence de qualité d'organe ou d'organisme de l'Union - Décisions adoptées par le bureau - Imputabilité au Parlement

Le juge de l’Union est compétent pour connaître des recours introduits, au titre de l’article 263 TFUE, à l’encontre des seuls actes des institutions, des organes ou des organismes de l’Union européenne. À cet égard, une demande d’annulation d’une décision adoptée par le bureau du Parlement européen est nécessairement dirigée contre le Parlement, auteur de l’acte.

Arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés / Parlement (T-829/16) (cf. points 24, 25)

110. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Interdiction du financement indirect d'un parti politique national - Violation du principe de sécurité juridique - Absence

L’interdiction du financement direct ou indirect des partis politiques nationaux, contenue dans l’article 7 du règlement nº 2004/2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen, est claire. L’interdiction du financement indirect est en effet le corollaire de l’interdiction du financement direct, car autrement cette interdiction pourrait être facilement contournée. En ce qui concerne le contenu de l’interdiction du financement indirect, force est de constater qu’il s’agit d’une notion juridique indéterminée et que la disposition en cause ne contient pas une définition exhaustive de la notion ou une liste des comportements susceptibles de rentrer dans le champ d’application de l’interdiction. Cependant, un opérateur diligent doit être en mesure de prévoir qu’il existe un financement indirect lorsqu’un parti politique national obtient un avantage financier en évitant des dépenses qu’il aurait dû supporter, même si aucun transfert direct de fonds n’est effectué. En d’autres termes, il ne saurait être accepté qu’un parti politique au niveau européen diligent ne soit pas en mesure de prévoir que l’octroi d’un avantage quelconque à un parti politique national, sans que celui-ci en supporte le coût, constitue un financement indirect des activités de ce dernier. Par conséquent, l’article 7 du règlement nº 2004/2003 n’est pas contraire au principe de sécurité juridique.

Arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés / Parlement (T-829/16) (cf. point 72)

111. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Interdiction du financement indirect d'un parti politique national - Conditions - Existence d'un avantage financier indirect en faveur du parti politique national - Critères d'appréciation

Aux fins de déterminer si un parti politique national a reçu un avantage financier indirect contraire à l’interdiction prévue par l’article 7 du règlement nº 2004/2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen, résultant de la réalisation d’une campagne électorale conjointement avec un parti politique au niveau européen, il convient de prendre en compte un faisceau d’indices relatifs au contenu de ladite campagne, à la perception du public, ainsi que des indices géographiques et temporels.

Arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés / Parlement (T-829/16) (cf. point 83)

Dans l’arrêt ADDE/Parlement (T-48/17), rendu le 7 novembre 2019, en chambre élargie, le Tribunal a fait droit à la demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 21 novembre 2016, ayant déclaré certaines dépenses du parti politique européen Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ci-après « la requérante ») comme étant inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015. En revanche, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, ayant soumis à certaines conditions l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017.

En décembre 2014, la requérante a fait l’objet d’une décision du bureau du Parlement lui accordant une subvention maximale de 1 241 725 euros pour l’exercice financier 2015. Des contrôles ont été effectués postérieurement et un rapport d’audit externe a conclu que certaines dépenses étaient inéligibles au titre de l’exercice financier 2015. En novembre 2016, le Parlement a déclaré inéligible la somme de 500 615,55 euros et a demandé à la requérante de rembourser la somme de 172 654,92 euros.

En décembre 2016, le bureau du Parlement a adopté une décision accordant une subvention maximale de 1 102 642,71 euros à la requérante pour l’exercice financier 2017 et prévoyant que le préfinancement serait limité à 33 % du montant maximal de la subvention, sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire, compte tenu de la remise en cause de la viabilité financière de la requérante par les auditeurs externes, en l’absence de ressources propres.

Saisi d’un recours en annulation à l’encontre des deux décisions du Parlement de novembre et de décembre 2016, le Tribunal a tout d’abord rappelé que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union européenne est un principe général du droit de l’Union et que, selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce avant de prendre une décision. De plus, l’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.

Or, le Tribunal a relevé que, dans le cas d’espèce, un des membres du bureau du Parlement, responsable du suivi des dossiers relatifs au financement des partis politiques européens, a tenu des propos publics au contenu catégorique et non équivoque qui, du point de vue d’un observateur externe, permettaient de considérer que ledit membre avait préjugé la question avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015. Compte tenu du fait que le membre en question avait participé à la réunion du bureau et avait joué un rôle actif dans les débats ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, le Tribunal a considéré que les apparences d’impartialité ont été sérieusement compromises.

Le Tribunal a souligné que le Parlement doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute concernant l’impartialité de ses membres lors de la prise de décisions de nature administrative, ce qui implique, notamment, que les membres doivent s’abstenir de tenir des propos publics se rapportant à la bonne ou mauvaise gestion par les partis politiques au niveau européen des fonds octroyés lorsque les dossiers sont en cours d’étude.

Ensuite, le Tribunal s’est attaché à l’examen de la question de l’inéligibilité de certaines dépenses liées au financement d’un sondage effectué dans sept États membres en décembre 2015. Le Tribunal a rappelé, d’une part, l’interdiction de l’utilisation des fonds des partis politiques au niveau européen issus du budget général de l’Union pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques, et notamment des partis ou candidats nationaux{1}, et, d’autre part, l’interdiction de l’usage de ces fonds pour le financement de campagnes référendaires{2}.

En l’espèce, le Tribunal a souligné que le sondage en cause a été effectué dans sept États membres différents (Belgique, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Suède et Royaume-Uni), sur un échantillon d’environ 1 000 personnes dans chaque État, que les questions posées étaient identiques et qu’elles portaient notamment sur l’appartenance de ces États membres à l’Union, le vote des participants lors d’un éventuel référendum d’appartenance à l’Union et la réforme des conditions d’appartenance à l’Union. Le Tribunal a ensuite constaté que seule la partie du sondage relative au Royaume-Uni était concernée par l’interdiction de financement des campagnes référendaires étant donné que la législation relative à la tenue d’un référendum au Royaume-Uni avait été définitivement approuvée au moment dudit sondage. En revanche, le cas ne se posant pas pour les six autres États membres concernés par le sondage, le Tribunal a considéré que la déclaration d’inéligibilité de l’ensemble des dépenses du sondage n’était pas justifiée. Au vu des exigences d’impartialité et des caractéristiques du sondage en cause, le Tribunal a annulé la décision du Parlement du 21 novembre 2016, relative à l’exercice financier 2015.

S’agissant de la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017, celle-ci a été rejetée par le Tribunal qui a considéré les moyens tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 134 du règlement financier{3} et de l’article 206 des règles d’application du règlement financier{4} (relatifs aux garanties de préfinancement des subventions) et, le troisième, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement comme non étant fondés.

{1 En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).}

{2 En vertu de l’article 8, quatrième alinéa, du règlement no 2004/2003.}

{3 Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).}

{4 Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1).}

Arrêt du 7 novembre 2019, ADDE / Parlement (T-48/17) (cf. point 71)



Arrêt du 25 novembre 2020, ACRE / Parlement (T-107/19) (cf. points 53, 61)

112. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Interdiction du financement indirect d'un parti politique national - Portée - Organisation d'une campagne électorale conjointement avec un parti politique national - Obligation pour le parti politique national de contribuer au financement de la campagne

S’il est loisible à un parti politique au niveau européen d’organiser une campagne conjointement avec un parti politique national, il n’en demeure pas moins qu’il appartient alors au parti politique national de contribuer adéquatement au financement de ladite campagne, afin d’éviter la violation de l’interdiction du financement indirect, prévue par l’article 7 du règlement nº 2004/2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen.

Arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés / Parlement (T-829/16) (cf. point 89)

113. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Indemnité d'assistance parlementaire - Absence de pièces justifiant d'une utilisation conforme - Obligation de remboursement - Conditions d'octroi de ladite indemnité réunies au moment de la demande - Absence d'incidence



Arrêt du 28 novembre 2018, Le Pen / Parlement (T-161/17) (cf. point 96)

114. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Constatation du versement indu - Recouvrement de sommes indûment versées - Compétence du secrétaire général du Parlement



Ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch / Parlement (C-330/18 P) (cf. points 41, 42)

115. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité pour les opinions exprimées et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions - Notion d'opinion exprimée dans l'exercice de fonctions - Application dans le cadre d'une procédure judiciaire engagée contre un membre du Parlement



Arrêt du 30 avril 2019, Briois / Parlement (T-214/18) (cf. points 13-18)

116. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Décision de levée de l'immunité - Respect du principe d'égalité de traitement devant se concilier avec celui du principe de légalité - Respect du principe de bonne administration



Arrêt du 30 avril 2019, Briois / Parlement (T-214/18) (cf. points 57, 64, 66)

117. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Montant à recouvrer - Absence de marge d'appréciation du Parlement - Moyen tiré d'un détournement de pouvoir - Moyen non fondé



Ordonnance du 21 mai 2019, Le Pen / Parlement (C-525/18 P) (cf. points 111, 112)

118. Parlement européen - Membres - Décision de cessation anticipée du mandat et des fonctions de vice-président - Décision adoptée sans débat en séance plénière - Garanties procédurales - Présentation d'observations par le vice-président concerné devant la conférence des présidents - Violation du droit d'être entendu - Absence



Ordonnance du 6 juin 2019, Czarnecki / Parlement (T-230/18) (cf. points 35-38)

119. Parlement européen - Membres - Décision de cessation anticipée du mandat et des fonctions de vice-président - Absence d'indices concernant l'existence de la poursuite d'autres fins par ladite décision que celles excipées - Détournement de pouvoir - Absence



Ordonnance du 6 juin 2019, Czarnecki / Parlement (T-230/18) (cf. point 55)

120. Parlement européen - Fumus persecutionis - Champ d'application - Procédure de cessation anticipée du mandat et des fonctions de vice-président - Exclusion



Ordonnance du 6 juin 2019, Czarnecki / Parlement (T-230/18) (cf. point 56)

121. Parlement européen - Membres - Décision de cessation anticipée du mandat et des fonctions de vice-président - Principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique - Violation - Absence



Ordonnance du 6 juin 2019, Czarnecki / Parlement (T-230/18) (cf. points 67-73)

122. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Frais de voyage - Contrôle ayant trait au remboursement des frais de voyage - Absence de communication au requérant des éléments de preuve relatifs aux frais de voyage - Droits de la défense - Violation



Arrêt du 27 juin 2019, Szegedi / Parlement (T-135/18) (cf. points 52-54)

123. Parlement européen - Vérification des pouvoirs des membres - Limites - Exercice consistant à prendre acte des résultats proclamés officiellement par les États membres - Compétence pour trancher les contestations soulevées à l'occasion de la vérification des pouvoirs - Limitation aux seules contestations susceptibles d'être soulevées sur la base des dispositions de l'acte de 1976 - Absence de compétence du Parlement pour se prononcer sur la légalité des procédures électorales nationales au regard du droit de l'Union



Ordonnance du 1er juillet 2019, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres / Parlement (T-388/19 R) (cf. points 29-34, 47, 48)

124. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Réclamation - Caractère facultatif - Saisine du juge de l'Union - Conséquences - Renonciation à la procédure de réclamation



Arrêt du 11 juillet 2019, Gollnisch / Parlement (T-95/18) (cf. points 39-43)

125. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Obligation d'auditionner le député concerné avant l'adoption d'une décision - Absence



Arrêt du 11 juillet 2019, Gollnisch / Parlement (T-95/18) (cf. point 77)

126. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du secrétaire général du Parlement - Respect d'un délai raisonnable - Violation des droits de la défense - Absence



Arrêt du 20 septembre 2019, LL / Parlement (T-615/15 RENV) (cf. points 106, 108)

127. Fonctionnaires - Principes - Protection de la confiance légitime - Conditions - Assurances inconditionnelles fournies par l'administration



Arrêt du 20 septembre 2019, LL / Parlement (T-615/15 RENV) (cf. points 109, 110)

128. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Indemnité d'assistance parlementaire - Contrôle ayant trait à l'utilisation des frais d'assistance parlementaire - Charge de la preuve - Obligation de conserver les pièces justifiant l'utilisation de cette indemnité



Arrêt du 20 septembre 2019, LL / Parlement (T-615/15 RENV) (cf. points 66-71, 73, 83)

129. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Octroi des préfinancements de subvention - Exigence d'une garantie financière et limitation du montant du préfinancement - Marge d'appréciation - Portée - Violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement - Absence

Dans l’arrêt ADDE/Parlement (T-48/17), rendu le 7 novembre 2019, en chambre élargie, le Tribunal a fait droit à la demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 21 novembre 2016, ayant déclaré certaines dépenses du parti politique européen Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ci-après « la requérante ») comme étant inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015. En revanche, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, ayant soumis à certaines conditions l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017.

En décembre 2014, la requérante a fait l’objet d’une décision du bureau du Parlement lui accordant une subvention maximale de 1 241 725 euros pour l’exercice financier 2015. Des contrôles ont été effectués postérieurement et un rapport d’audit externe a conclu que certaines dépenses étaient inéligibles au titre de l’exercice financier 2015. En novembre 2016, le Parlement a déclaré inéligible la somme de 500 615,55 euros et a demandé à la requérante de rembourser la somme de 172 654,92 euros.

En décembre 2016, le bureau du Parlement a adopté une décision accordant une subvention maximale de 1 102 642,71 euros à la requérante pour l’exercice financier 2017 et prévoyant que le préfinancement serait limité à 33 % du montant maximal de la subvention, sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire, compte tenu de la remise en cause de la viabilité financière de la requérante par les auditeurs externes, en l’absence de ressources propres.

Saisi d’un recours en annulation à l’encontre des deux décisions du Parlement de novembre et de décembre 2016, le Tribunal a tout d’abord rappelé que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union européenne est un principe général du droit de l’Union et que, selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce avant de prendre une décision. De plus, l’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.

Or, le Tribunal a relevé que, dans le cas d’espèce, un des membres du bureau du Parlement, responsable du suivi des dossiers relatifs au financement des partis politiques européens, a tenu des propos publics au contenu catégorique et non équivoque qui, du point de vue d’un observateur externe, permettaient de considérer que ledit membre avait préjugé la question avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015. Compte tenu du fait que le membre en question avait participé à la réunion du bureau et avait joué un rôle actif dans les débats ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, le Tribunal a considéré que les apparences d’impartialité ont été sérieusement compromises.

Le Tribunal a souligné que le Parlement doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute concernant l’impartialité de ses membres lors de la prise de décisions de nature administrative, ce qui implique, notamment, que les membres doivent s’abstenir de tenir des propos publics se rapportant à la bonne ou mauvaise gestion par les partis politiques au niveau européen des fonds octroyés lorsque les dossiers sont en cours d’étude.

Ensuite, le Tribunal s’est attaché à l’examen de la question de l’inéligibilité de certaines dépenses liées au financement d’un sondage effectué dans sept États membres en décembre 2015. Le Tribunal a rappelé, d’une part, l’interdiction de l’utilisation des fonds des partis politiques au niveau européen issus du budget général de l’Union pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques, et notamment des partis ou candidats nationaux{1}, et, d’autre part, l’interdiction de l’usage de ces fonds pour le financement de campagnes référendaires{2}.

En l’espèce, le Tribunal a souligné que le sondage en cause a été effectué dans sept États membres différents (Belgique, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Suède et Royaume-Uni), sur un échantillon d’environ 1 000 personnes dans chaque État, que les questions posées étaient identiques et qu’elles portaient notamment sur l’appartenance de ces États membres à l’Union, le vote des participants lors d’un éventuel référendum d’appartenance à l’Union et la réforme des conditions d’appartenance à l’Union. Le Tribunal a ensuite constaté que seule la partie du sondage relative au Royaume-Uni était concernée par l’interdiction de financement des campagnes référendaires étant donné que la législation relative à la tenue d’un référendum au Royaume-Uni avait été définitivement approuvée au moment dudit sondage. En revanche, le cas ne se posant pas pour les six autres États membres concernés par le sondage, le Tribunal a considéré que la déclaration d’inéligibilité de l’ensemble des dépenses du sondage n’était pas justifiée. Au vu des exigences d’impartialité et des caractéristiques du sondage en cause, le Tribunal a annulé la décision du Parlement du 21 novembre 2016, relative à l’exercice financier 2015.

S’agissant de la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017, celle-ci a été rejetée par le Tribunal qui a considéré les moyens tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 134 du règlement financier{3} et de l’article 206 des règles d’application du règlement financier{4} (relatifs aux garanties de préfinancement des subventions) et, le troisième, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement comme non étant fondés.

{1 En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).}

{2 En vertu de l’article 8, quatrième alinéa, du règlement no 2004/2003.}

{3 Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).}

{4 Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1).}

Arrêt du 7 novembre 2019, ADDE / Parlement (T-48/17) (cf. points 107, 108, 113, 120, 121, 124, 125, 128)

130. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Décision déclarant inéligibles certaines dépenses d'un parti politique aux fins d'une subvention - Respect des droits de la défense - Droit du parti à être entendu - Portée - Droit à une audition formelle - Absence

Dans l’arrêt ADDE/Parlement (T-48/17), rendu le 7 novembre 2019, en chambre élargie, le Tribunal a fait droit à la demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 21 novembre 2016, ayant déclaré certaines dépenses du parti politique européen Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ci-après « la requérante ») comme étant inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015. En revanche, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, ayant soumis à certaines conditions l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017.

En décembre 2014, la requérante a fait l’objet d’une décision du bureau du Parlement lui accordant une subvention maximale de 1 241 725 euros pour l’exercice financier 2015. Des contrôles ont été effectués postérieurement et un rapport d’audit externe a conclu que certaines dépenses étaient inéligibles au titre de l’exercice financier 2015. En novembre 2016, le Parlement a déclaré inéligible la somme de 500 615,55 euros et a demandé à la requérante de rembourser la somme de 172 654,92 euros.

En décembre 2016, le bureau du Parlement a adopté une décision accordant une subvention maximale de 1 102 642,71 euros à la requérante pour l’exercice financier 2017 et prévoyant que le préfinancement serait limité à 33 % du montant maximal de la subvention, sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire, compte tenu de la remise en cause de la viabilité financière de la requérante par les auditeurs externes, en l’absence de ressources propres.

Saisi d’un recours en annulation à l’encontre des deux décisions du Parlement de novembre et de décembre 2016, le Tribunal a tout d’abord rappelé que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union européenne est un principe général du droit de l’Union et que, selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce avant de prendre une décision. De plus, l’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.

Or, le Tribunal a relevé que, dans le cas d’espèce, un des membres du bureau du Parlement, responsable du suivi des dossiers relatifs au financement des partis politiques européens, a tenu des propos publics au contenu catégorique et non équivoque qui, du point de vue d’un observateur externe, permettaient de considérer que ledit membre avait préjugé la question avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015. Compte tenu du fait que le membre en question avait participé à la réunion du bureau et avait joué un rôle actif dans les débats ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, le Tribunal a considéré que les apparences d’impartialité ont été sérieusement compromises.

Le Tribunal a souligné que le Parlement doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute concernant l’impartialité de ses membres lors de la prise de décisions de nature administrative, ce qui implique, notamment, que les membres doivent s’abstenir de tenir des propos publics se rapportant à la bonne ou mauvaise gestion par les partis politiques au niveau européen des fonds octroyés lorsque les dossiers sont en cours d’étude.

Ensuite, le Tribunal s’est attaché à l’examen de la question de l’inéligibilité de certaines dépenses liées au financement d’un sondage effectué dans sept États membres en décembre 2015. Le Tribunal a rappelé, d’une part, l’interdiction de l’utilisation des fonds des partis politiques au niveau européen issus du budget général de l’Union pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques, et notamment des partis ou candidats nationaux{1}, et, d’autre part, l’interdiction de l’usage de ces fonds pour le financement de campagnes référendaires{2}.

En l’espèce, le Tribunal a souligné que le sondage en cause a été effectué dans sept États membres différents (Belgique, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Suède et Royaume-Uni), sur un échantillon d’environ 1 000 personnes dans chaque État, que les questions posées étaient identiques et qu’elles portaient notamment sur l’appartenance de ces États membres à l’Union, le vote des participants lors d’un éventuel référendum d’appartenance à l’Union et la réforme des conditions d’appartenance à l’Union. Le Tribunal a ensuite constaté que seule la partie du sondage relative au Royaume-Uni était concernée par l’interdiction de financement des campagnes référendaires étant donné que la législation relative à la tenue d’un référendum au Royaume-Uni avait été définitivement approuvée au moment dudit sondage. En revanche, le cas ne se posant pas pour les six autres États membres concernés par le sondage, le Tribunal a considéré que la déclaration d’inéligibilité de l’ensemble des dépenses du sondage n’était pas justifiée. Au vu des exigences d’impartialité et des caractéristiques du sondage en cause, le Tribunal a annulé la décision du Parlement du 21 novembre 2016, relative à l’exercice financier 2015.

S’agissant de la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017, celle-ci a été rejetée par le Tribunal qui a considéré les moyens tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 134 du règlement financier{3} et de l’article 206 des règles d’application du règlement financier{4} (relatifs aux garanties de préfinancement des subventions) et, le troisième, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement comme non étant fondés.

{1 En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).}

{2 En vertu de l’article 8, quatrième alinéa, du règlement no 2004/2003.}

{3 Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).}

{4 Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1).}

Arrêt du 7 novembre 2019, ADDE / Parlement (T-48/17) (cf. points 35, 88)

131. Droits fondamentaux - Charte des droits fondamentaux - Droit à une bonne administration - Exigence d'impartialité - Notion - Pouvoir d'appréciation du Parlement - Contrôle juridictionnel - Limites

Dans l’arrêt ADDE/Parlement (T-48/17), rendu le 7 novembre 2019, en chambre élargie, le Tribunal a fait droit à la demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 21 novembre 2016, ayant déclaré certaines dépenses du parti politique européen Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ci-après « la requérante ») comme étant inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015. En revanche, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, ayant soumis à certaines conditions l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017.

En décembre 2014, la requérante a fait l’objet d’une décision du bureau du Parlement lui accordant une subvention maximale de 1 241 725 euros pour l’exercice financier 2015. Des contrôles ont été effectués postérieurement et un rapport d’audit externe a conclu que certaines dépenses étaient inéligibles au titre de l’exercice financier 2015. En novembre 2016, le Parlement a déclaré inéligible la somme de 500 615,55 euros et a demandé à la requérante de rembourser la somme de 172 654,92 euros.

En décembre 2016, le bureau du Parlement a adopté une décision accordant une subvention maximale de 1 102 642,71 euros à la requérante pour l’exercice financier 2017 et prévoyant que le préfinancement serait limité à 33 % du montant maximal de la subvention, sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire, compte tenu de la remise en cause de la viabilité financière de la requérante par les auditeurs externes, en l’absence de ressources propres.

Saisi d’un recours en annulation à l’encontre des deux décisions du Parlement de novembre et de décembre 2016, le Tribunal a tout d’abord rappelé que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union européenne est un principe général du droit de l’Union et que, selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce avant de prendre une décision. De plus, l’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.

Or, le Tribunal a relevé que, dans le cas d’espèce, un des membres du bureau du Parlement, responsable du suivi des dossiers relatifs au financement des partis politiques européens, a tenu des propos publics au contenu catégorique et non équivoque qui, du point de vue d’un observateur externe, permettaient de considérer que ledit membre avait préjugé la question avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015. Compte tenu du fait que le membre en question avait participé à la réunion du bureau et avait joué un rôle actif dans les débats ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, le Tribunal a considéré que les apparences d’impartialité ont été sérieusement compromises.

Le Tribunal a souligné que le Parlement doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute concernant l’impartialité de ses membres lors de la prise de décisions de nature administrative, ce qui implique, notamment, que les membres doivent s’abstenir de tenir des propos publics se rapportant à la bonne ou mauvaise gestion par les partis politiques au niveau européen des fonds octroyés lorsque les dossiers sont en cours d’étude.

Ensuite, le Tribunal s’est attaché à l’examen de la question de l’inéligibilité de certaines dépenses liées au financement d’un sondage effectué dans sept États membres en décembre 2015. Le Tribunal a rappelé, d’une part, l’interdiction de l’utilisation des fonds des partis politiques au niveau européen issus du budget général de l’Union pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques, et notamment des partis ou candidats nationaux{1}, et, d’autre part, l’interdiction de l’usage de ces fonds pour le financement de campagnes référendaires{2}.

En l’espèce, le Tribunal a souligné que le sondage en cause a été effectué dans sept États membres différents (Belgique, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Suède et Royaume-Uni), sur un échantillon d’environ 1 000 personnes dans chaque État, que les questions posées étaient identiques et qu’elles portaient notamment sur l’appartenance de ces États membres à l’Union, le vote des participants lors d’un éventuel référendum d’appartenance à l’Union et la réforme des conditions d’appartenance à l’Union. Le Tribunal a ensuite constaté que seule la partie du sondage relative au Royaume-Uni était concernée par l’interdiction de financement des campagnes référendaires étant donné que la législation relative à la tenue d’un référendum au Royaume-Uni avait été définitivement approuvée au moment dudit sondage. En revanche, le cas ne se posant pas pour les six autres États membres concernés par le sondage, le Tribunal a considéré que la déclaration d’inéligibilité de l’ensemble des dépenses du sondage n’était pas justifiée. Au vu des exigences d’impartialité et des caractéristiques du sondage en cause, le Tribunal a annulé la décision du Parlement du 21 novembre 2016, relative à l’exercice financier 2015.

S’agissant de la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017, celle-ci a été rejetée par le Tribunal qui a considéré les moyens tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 134 du règlement financier{3} et de l’article 206 des règles d’application du règlement financier{4} (relatifs aux garanties de préfinancement des subventions) et, le troisième, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement comme non étant fondés.

{1 En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).}

{2 En vertu de l’article 8, quatrième alinéa, du règlement no 2004/2003.}

{3 Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).}

{4 Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1).}

Arrêt du 7 novembre 2019, ADDE / Parlement (T-48/17) (cf. points 41-45)

132. Droits fondamentaux - Charte des droits fondamentaux - Droit à une bonne administration - Exigence d'impartialité - Notion - Propos publics catégoriques et non équivoques d'un membre du Parlement européen sur une affaire en cours d'étude - Exclusion

Dans l’arrêt ADDE/Parlement (T-48/17), rendu le 7 novembre 2019, en chambre élargie, le Tribunal a fait droit à la demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 21 novembre 2016, ayant déclaré certaines dépenses du parti politique européen Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ci-après « la requérante ») comme étant inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015. En revanche, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, ayant soumis à certaines conditions l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017.

En décembre 2014, la requérante a fait l’objet d’une décision du bureau du Parlement lui accordant une subvention maximale de 1 241 725 euros pour l’exercice financier 2015. Des contrôles ont été effectués postérieurement et un rapport d’audit externe a conclu que certaines dépenses étaient inéligibles au titre de l’exercice financier 2015. En novembre 2016, le Parlement a déclaré inéligible la somme de 500 615,55 euros et a demandé à la requérante de rembourser la somme de 172 654,92 euros.

En décembre 2016, le bureau du Parlement a adopté une décision accordant une subvention maximale de 1 102 642,71 euros à la requérante pour l’exercice financier 2017 et prévoyant que le préfinancement serait limité à 33 % du montant maximal de la subvention, sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire, compte tenu de la remise en cause de la viabilité financière de la requérante par les auditeurs externes, en l’absence de ressources propres.

Saisi d’un recours en annulation à l’encontre des deux décisions du Parlement de novembre et de décembre 2016, le Tribunal a tout d’abord rappelé que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union européenne est un principe général du droit de l’Union et que, selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce avant de prendre une décision. De plus, l’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.

Or, le Tribunal a relevé que, dans le cas d’espèce, un des membres du bureau du Parlement, responsable du suivi des dossiers relatifs au financement des partis politiques européens, a tenu des propos publics au contenu catégorique et non équivoque qui, du point de vue d’un observateur externe, permettaient de considérer que ledit membre avait préjugé la question avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015. Compte tenu du fait que le membre en question avait participé à la réunion du bureau et avait joué un rôle actif dans les débats ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, le Tribunal a considéré que les apparences d’impartialité ont été sérieusement compromises.

Le Tribunal a souligné que le Parlement doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute concernant l’impartialité de ses membres lors de la prise de décisions de nature administrative, ce qui implique, notamment, que les membres doivent s’abstenir de tenir des propos publics se rapportant à la bonne ou mauvaise gestion par les partis politiques au niveau européen des fonds octroyés lorsque les dossiers sont en cours d’étude.

Ensuite, le Tribunal s’est attaché à l’examen de la question de l’inéligibilité de certaines dépenses liées au financement d’un sondage effectué dans sept États membres en décembre 2015. Le Tribunal a rappelé, d’une part, l’interdiction de l’utilisation des fonds des partis politiques au niveau européen issus du budget général de l’Union pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques, et notamment des partis ou candidats nationaux{1}, et, d’autre part, l’interdiction de l’usage de ces fonds pour le financement de campagnes référendaires{2}.

En l’espèce, le Tribunal a souligné que le sondage en cause a été effectué dans sept États membres différents (Belgique, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Suède et Royaume-Uni), sur un échantillon d’environ 1 000 personnes dans chaque État, que les questions posées étaient identiques et qu’elles portaient notamment sur l’appartenance de ces États membres à l’Union, le vote des participants lors d’un éventuel référendum d’appartenance à l’Union et la réforme des conditions d’appartenance à l’Union. Le Tribunal a ensuite constaté que seule la partie du sondage relative au Royaume-Uni était concernée par l’interdiction de financement des campagnes référendaires étant donné que la législation relative à la tenue d’un référendum au Royaume-Uni avait été définitivement approuvée au moment dudit sondage. En revanche, le cas ne se posant pas pour les six autres États membres concernés par le sondage, le Tribunal a considéré que la déclaration d’inéligibilité de l’ensemble des dépenses du sondage n’était pas justifiée. Au vu des exigences d’impartialité et des caractéristiques du sondage en cause, le Tribunal a annulé la décision du Parlement du 21 novembre 2016, relative à l’exercice financier 2015.

S’agissant de la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017, celle-ci a été rejetée par le Tribunal qui a considéré les moyens tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 134 du règlement financier{3} et de l’article 206 des règles d’application du règlement financier{4} (relatifs aux garanties de préfinancement des subventions) et, le troisième, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement comme non étant fondés.

{1 En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).}

{2 En vertu de l’article 8, quatrième alinéa, du règlement no 2004/2003.}

{3 Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).}

{4 Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1).}

Arrêt du 7 novembre 2019, ADDE / Parlement (T-48/17) (cf. points 55-61)

133. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Interdiction du financement des campagnes référendaires - Conditions - Activité en lien avec une campagne référendaire - Critères d'appréciation

Dans l’arrêt ADDE/Parlement (T-48/17), rendu le 7 novembre 2019, en chambre élargie, le Tribunal a fait droit à la demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 21 novembre 2016, ayant déclaré certaines dépenses du parti politique européen Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ci-après « la requérante ») comme étant inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015. En revanche, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, ayant soumis à certaines conditions l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017.

En décembre 2014, la requérante a fait l’objet d’une décision du bureau du Parlement lui accordant une subvention maximale de 1 241 725 euros pour l’exercice financier 2015. Des contrôles ont été effectués postérieurement et un rapport d’audit externe a conclu que certaines dépenses étaient inéligibles au titre de l’exercice financier 2015. En novembre 2016, le Parlement a déclaré inéligible la somme de 500 615,55 euros et a demandé à la requérante de rembourser la somme de 172 654,92 euros.

En décembre 2016, le bureau du Parlement a adopté une décision accordant une subvention maximale de 1 102 642,71 euros à la requérante pour l’exercice financier 2017 et prévoyant que le préfinancement serait limité à 33 % du montant maximal de la subvention, sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire, compte tenu de la remise en cause de la viabilité financière de la requérante par les auditeurs externes, en l’absence de ressources propres.

Saisi d’un recours en annulation à l’encontre des deux décisions du Parlement de novembre et de décembre 2016, le Tribunal a tout d’abord rappelé que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union européenne est un principe général du droit de l’Union et que, selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce avant de prendre une décision. De plus, l’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.

Or, le Tribunal a relevé que, dans le cas d’espèce, un des membres du bureau du Parlement, responsable du suivi des dossiers relatifs au financement des partis politiques européens, a tenu des propos publics au contenu catégorique et non équivoque qui, du point de vue d’un observateur externe, permettaient de considérer que ledit membre avait préjugé la question avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015. Compte tenu du fait que le membre en question avait participé à la réunion du bureau et avait joué un rôle actif dans les débats ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, le Tribunal a considéré que les apparences d’impartialité ont été sérieusement compromises.

Le Tribunal a souligné que le Parlement doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute concernant l’impartialité de ses membres lors de la prise de décisions de nature administrative, ce qui implique, notamment, que les membres doivent s’abstenir de tenir des propos publics se rapportant à la bonne ou mauvaise gestion par les partis politiques au niveau européen des fonds octroyés lorsque les dossiers sont en cours d’étude.

Ensuite, le Tribunal s’est attaché à l’examen de la question de l’inéligibilité de certaines dépenses liées au financement d’un sondage effectué dans sept États membres en décembre 2015. Le Tribunal a rappelé, d’une part, l’interdiction de l’utilisation des fonds des partis politiques au niveau européen issus du budget général de l’Union pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques, et notamment des partis ou candidats nationaux{1}, et, d’autre part, l’interdiction de l’usage de ces fonds pour le financement de campagnes référendaires{2}.

En l’espèce, le Tribunal a souligné que le sondage en cause a été effectué dans sept États membres différents (Belgique, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Suède et Royaume-Uni), sur un échantillon d’environ 1 000 personnes dans chaque État, que les questions posées étaient identiques et qu’elles portaient notamment sur l’appartenance de ces États membres à l’Union, le vote des participants lors d’un éventuel référendum d’appartenance à l’Union et la réforme des conditions d’appartenance à l’Union. Le Tribunal a ensuite constaté que seule la partie du sondage relative au Royaume-Uni était concernée par l’interdiction de financement des campagnes référendaires étant donné que la législation relative à la tenue d’un référendum au Royaume-Uni avait été définitivement approuvée au moment dudit sondage. En revanche, le cas ne se posant pas pour les six autres États membres concernés par le sondage, le Tribunal a considéré que la déclaration d’inéligibilité de l’ensemble des dépenses du sondage n’était pas justifiée. Au vu des exigences d’impartialité et des caractéristiques du sondage en cause, le Tribunal a annulé la décision du Parlement du 21 novembre 2016, relative à l’exercice financier 2015.

S’agissant de la demande d’annulation de la décision du Parlement du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017, celle-ci a été rejetée par le Tribunal qui a considéré les moyens tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 134 du règlement financier{3} et de l’article 206 des règles d’application du règlement financier{4} (relatifs aux garanties de préfinancement des subventions) et, le troisième, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement comme non étant fondés.

{1 En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).}

{2 En vertu de l’article 8, quatrième alinéa, du règlement no 2004/2003.}

{3 Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).}

{4 Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1).}

Arrêt du 7 novembre 2019, ADDE / Parlement (T-48/17) (cf. point 73)

134. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Indemnité d'assistance parlementaire - Décision ordonnant le recouvrement de sommes indûment versées - Obligation de motivation - Absence de communication de l'annexe de ladite décision - Annulation de la décision



Arrêt du 28 novembre 2019, Mélin / Parlement (T-726/18) (cf. points 25, 37-41, 44)



Arrêt du 30 juin 2021, Mélin / Parlement (T-51/20) (cf. point 73)

135. Actes des institutions - Décision modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés du Parlement européen - Acte de portée générale - Procédure de réclamation - Inapplicabilité - Préservation du délai de recours contentieux - Absence - Tardiveté du recours - Irrecevabilité



Ordonnance du 10 décembre 2019, Gollnisch / Parlement (T-319/19) (cf. points 24-32)

136. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Notion - Qualité acquise du fait et au moment de la proclamation officielle des résultats

Dans l’arrêt préjudiciel Junqueras Vies (C-502/19), rendu le 19 décembre 2019, la Cour, réunie en grande chambre, a précisé la portée personnelle, temporelle et matérielle des immunités accordées aux membres du Parlement européen{1}.

Dans cette affaire, la Cour a été saisie de plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 9 du protocole par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne). Ces questions ont été formulées dans le cadre d’un recours introduit par un homme politique élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019, contre une ordonnance portant refus de lui accorder une autorisation extraordinaire de sortie de prison. L’intéressé avait été placé en détention provisoire avant ces élections dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination qui s’est tenu le 1er octobre 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Il a sollicité l’autorisation visée ci-dessus pour pouvoir accomplir une formalité requise par le droit espagnol à la suite de la proclamation des résultats, formalité consistant à prononcer le serment ou la promesse de respecter la Constitution espagnole devant une commission électorale centrale, et se rendre ultérieurement au Parlement européen en vue de prendre part à la session constitutive de la nouvelle législature. Suite à la saisine de la Cour, le Tribunal Supremo a, le 14 octobre 2019, condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges ou fonctions publiques.

La Cour a jugé, en premier lieu, qu’une personne qui est élue au Parlement européen acquiert la qualité de membre du Parlement du fait et au moment de la proclamation des résultats électoraux, de sorte qu’elle bénéficie des immunités garanties par l’article 9 du protocole.

À cet égard, la Cour a relevé que, si la procédure électorale et la proclamation des résultats sont en principe régis par la législation des États membres, conformément aux articles 8 et 12 de l’acte électoral de 1976{2}, l’élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, libre et secret {3} constitue l’expression du principe constitutionnel de démocratie représentative, dont la portée est définie par le droit de l’Union lui-même. Or, il découle des traités et de l’acte électoral de 1976 que la qualité de membre du Parlement européen résulte de la seule élection de l’intéressé et lui est acquise du fait de la proclamation officielle des résultats effectuée par les États membres. En outre, il résulte de l’article 343 TFUE que l’Union, et donc ses institutions ainsi que leurs membres, doivent bénéficier des immunités nécessaires à leurs missions.

En deuxième lieu, la Cour a jugé que les personnes qui, comme M. Junqueras Vies, sont élues membres du Parlement européen bénéficient, dès la proclamation des résultats, de l’immunité de trajet attachée à leur qualité de membre et prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole. Or, cette immunité a pour objet de leur permettre, notamment, de se rendre et de prendre part à la session constitutive de la nouvelle législature du Parlement européen. En effet, à la différence de l’immunité de session prévue au premier alinéa, qui ne leur bénéficie qu’à compter de l’ouverture de cette session constitutive et pendant toute la durée des sessions du Parlement européen, l’immunité de trajet couvre les déplacements des membres à destination du lieu de réunion du Parlement européen, en ce compris sa première réunion.

La Cour a rappelé, à cet égard, que les objectifs poursuivis par les immunités prévues par le protocole consistent à assurer la protection du bon fonctionnement et de l’indépendance des institutions. Dans ce cadre, l’immunité de trajet visée à l’article 9, deuxième alinéa, de ce protocole donne effet au droit d’éligibilité garanti par l’article 39, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en permettant à tout membre, dès qu’il a été proclamé élu et indépendamment du point de savoir s’il a ou non accompli d’éventuelles formalités prévues par le droit interne, de participer à la session constitutive du Parlement européen sans pouvoir être entravé dans son déplacement.

La Cour a jugé, en troisième et dernier lieu, que le bénéfice de l’immunité de trajet garantie à tout membre du Parlement européen implique de lever toute mesure de placement en détention provisoire qui aurait été imposée antérieurement à la proclamation de son élection, afin de lui permettre de se rendre et de prendre part à la session constitutive du Parlement européen. En conséquence, si la juridiction nationale compétente jugeait nécessaire de maintenir une telle mesure, il lui incomberait de demander dans les plus brefs délais la levée de cette immunité au Parlement européen, sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, du protocole.

{1} Immunités prévues à l’article 343 TFUE et à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266) (ci-après le « protocole »).

{2} Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), modifié, en dernier lieu, par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin et du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1).

{3} Article 14, paragraphe 3, TUE.

Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19) (cf. points 62, 71, 75-77)



Ordonnance du 20 janvier 2021, Junqueras i Vies / Parlement (T-734/19) (cf. points 54, 55)

137. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité de session - Immunité attachée à la qualité de membre - Portée temporelle - Immunité applicable pendant la durée des sessions du Parlement européen et du mandat des membres de la législature

Dans l’arrêt préjudiciel Junqueras Vies (C-502/19), rendu le 19 décembre 2019, la Cour, réunie en grande chambre, a précisé la portée personnelle, temporelle et matérielle des immunités accordées aux membres du Parlement européen{1}.

Dans cette affaire, la Cour a été saisie de plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 9 du protocole par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne). Ces questions ont été formulées dans le cadre d’un recours introduit par un homme politique élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019, contre une ordonnance portant refus de lui accorder une autorisation extraordinaire de sortie de prison. L’intéressé avait été placé en détention provisoire avant ces élections dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination qui s’est tenu le 1er octobre 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Il a sollicité l’autorisation visée ci-dessus pour pouvoir accomplir une formalité requise par le droit espagnol à la suite de la proclamation des résultats, formalité consistant à prononcer le serment ou la promesse de respecter la Constitution espagnole devant une commission électorale centrale, et se rendre ultérieurement au Parlement européen en vue de prendre part à la session constitutive de la nouvelle législature. Suite à la saisine de la Cour, le Tribunal Supremo a, le 14 octobre 2019, condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges ou fonctions publiques.

La Cour a jugé, en premier lieu, qu’une personne qui est élue au Parlement européen acquiert la qualité de membre du Parlement du fait et au moment de la proclamation des résultats électoraux, de sorte qu’elle bénéficie des immunités garanties par l’article 9 du protocole.

À cet égard, la Cour a relevé que, si la procédure électorale et la proclamation des résultats sont en principe régis par la législation des États membres, conformément aux articles 8 et 12 de l’acte électoral de 1976{2}, l’élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, libre et secret {3} constitue l’expression du principe constitutionnel de démocratie représentative, dont la portée est définie par le droit de l’Union lui-même. Or, il découle des traités et de l’acte électoral de 1976 que la qualité de membre du Parlement européen résulte de la seule élection de l’intéressé et lui est acquise du fait de la proclamation officielle des résultats effectuée par les États membres. En outre, il résulte de l’article 343 TFUE que l’Union, et donc ses institutions ainsi que leurs membres, doivent bénéficier des immunités nécessaires à leurs missions.

En deuxième lieu, la Cour a jugé que les personnes qui, comme M. Junqueras Vies, sont élues membres du Parlement européen bénéficient, dès la proclamation des résultats, de l’immunité de trajet attachée à leur qualité de membre et prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole. Or, cette immunité a pour objet de leur permettre, notamment, de se rendre et de prendre part à la session constitutive de la nouvelle législature du Parlement européen. En effet, à la différence de l’immunité de session prévue au premier alinéa, qui ne leur bénéficie qu’à compter de l’ouverture de cette session constitutive et pendant toute la durée des sessions du Parlement européen, l’immunité de trajet couvre les déplacements des membres à destination du lieu de réunion du Parlement européen, en ce compris sa première réunion.

La Cour a rappelé, à cet égard, que les objectifs poursuivis par les immunités prévues par le protocole consistent à assurer la protection du bon fonctionnement et de l’indépendance des institutions. Dans ce cadre, l’immunité de trajet visée à l’article 9, deuxième alinéa, de ce protocole donne effet au droit d’éligibilité garanti par l’article 39, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en permettant à tout membre, dès qu’il a été proclamé élu et indépendamment du point de savoir s’il a ou non accompli d’éventuelles formalités prévues par le droit interne, de participer à la session constitutive du Parlement européen sans pouvoir être entravé dans son déplacement.

La Cour a jugé, en troisième et dernier lieu, que le bénéfice de l’immunité de trajet garantie à tout membre du Parlement européen implique de lever toute mesure de placement en détention provisoire qui aurait été imposée antérieurement à la proclamation de son élection, afin de lui permettre de se rendre et de prendre part à la session constitutive du Parlement européen. En conséquence, si la juridiction nationale compétente jugeait nécessaire de maintenir une telle mesure, il lui incomberait de demander dans les plus brefs délais la levée de cette immunité au Parlement européen, sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, du protocole.

{1} Immunités prévues à l’article 343 TFUE et à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266) (ci-après le « protocole »).

{2} Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), modifié, en dernier lieu, par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin et du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1).

{3} Article 14, paragraphe 3, TUE.

Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19) (cf. points 74,77,78)

138. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité de trajet - Immunité attachée à la qualité de membre - Portée temporelle - Immunité applicable dès le moment de la proclamation des résultats électoraux

Dans l’arrêt préjudiciel Junqueras Vies (C-502/19), rendu le 19 décembre 2019, la Cour, réunie en grande chambre, a précisé la portée personnelle, temporelle et matérielle des immunités accordées aux membres du Parlement européen{1}.

Dans cette affaire, la Cour a été saisie de plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 9 du protocole par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne). Ces questions ont été formulées dans le cadre d’un recours introduit par un homme politique élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019, contre une ordonnance portant refus de lui accorder une autorisation extraordinaire de sortie de prison. L’intéressé avait été placé en détention provisoire avant ces élections dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination qui s’est tenu le 1er octobre 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Il a sollicité l’autorisation visée ci-dessus pour pouvoir accomplir une formalité requise par le droit espagnol à la suite de la proclamation des résultats, formalité consistant à prononcer le serment ou la promesse de respecter la Constitution espagnole devant une commission électorale centrale, et se rendre ultérieurement au Parlement européen en vue de prendre part à la session constitutive de la nouvelle législature. Suite à la saisine de la Cour, le Tribunal Supremo a, le 14 octobre 2019, condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges ou fonctions publiques.

La Cour a jugé, en premier lieu, qu’une personne qui est élue au Parlement européen acquiert la qualité de membre du Parlement du fait et au moment de la proclamation des résultats électoraux, de sorte qu’elle bénéficie des immunités garanties par l’article 9 du protocole.

À cet égard, la Cour a relevé que, si la procédure électorale et la proclamation des résultats sont en principe régis par la législation des États membres, conformément aux articles 8 et 12 de l’acte électoral de 1976{2}, l’élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, libre et secret {3} constitue l’expression du principe constitutionnel de démocratie représentative, dont la portée est définie par le droit de l’Union lui-même. Or, il découle des traités et de l’acte électoral de 1976 que la qualité de membre du Parlement européen résulte de la seule élection de l’intéressé et lui est acquise du fait de la proclamation officielle des résultats effectuée par les États membres. En outre, il résulte de l’article 343 TFUE que l’Union, et donc ses institutions ainsi que leurs membres, doivent bénéficier des immunités nécessaires à leurs missions.

En deuxième lieu, la Cour a jugé que les personnes qui, comme M. Junqueras Vies, sont élues membres du Parlement européen bénéficient, dès la proclamation des résultats, de l’immunité de trajet attachée à leur qualité de membre et prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole. Or, cette immunité a pour objet de leur permettre, notamment, de se rendre et de prendre part à la session constitutive de la nouvelle législature du Parlement européen. En effet, à la différence de l’immunité de session prévue au premier alinéa, qui ne leur bénéficie qu’à compter de l’ouverture de cette session constitutive et pendant toute la durée des sessions du Parlement européen, l’immunité de trajet couvre les déplacements des membres à destination du lieu de réunion du Parlement européen, en ce compris sa première réunion.

La Cour a rappelé, à cet égard, que les objectifs poursuivis par les immunités prévues par le protocole consistent à assurer la protection du bon fonctionnement et de l’indépendance des institutions. Dans ce cadre, l’immunité de trajet visée à l’article 9, deuxième alinéa, de ce protocole donne effet au droit d’éligibilité garanti par l’article 39, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en permettant à tout membre, dès qu’il a été proclamé élu et indépendamment du point de savoir s’il a ou non accompli d’éventuelles formalités prévues par le droit interne, de participer à la session constitutive du Parlement européen sans pouvoir être entravé dans son déplacement.

La Cour a jugé, en troisième et dernier lieu, que le bénéfice de l’immunité de trajet garantie à tout membre du Parlement européen implique de lever toute mesure de placement en détention provisoire qui aurait été imposée antérieurement à la proclamation de son élection, afin de lui permettre de se rendre et de prendre part à la session constitutive du Parlement européen. En conséquence, si la juridiction nationale compétente jugeait nécessaire de maintenir une telle mesure, il lui incomberait de demander dans les plus brefs délais la levée de cette immunité au Parlement européen, sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, du protocole.

{1} Immunités prévues à l’article 343 TFUE et à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266) (ci-après le « protocole »).

{2} Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), modifié, en dernier lieu, par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin et du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1).

{3} Article 14, paragraphe 3, TUE.

Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19) (cf. points 79-81, 85-87)

139. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité de trajet - Portée matérielle - Participation à la session constitutive du Parlement européen - Inclusion - Mesure de placement en détention provisoire adoptée antérieurement à la proclamation officielle des résultats électoraux - Maintien subordonné à une demande de levée d'immunité

Dans l’arrêt préjudiciel Junqueras Vies (C-502/19), rendu le 19 décembre 2019, la Cour, réunie en grande chambre, a précisé la portée personnelle, temporelle et matérielle des immunités accordées aux membres du Parlement européen{1}.

Dans cette affaire, la Cour a été saisie de plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 9 du protocole par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne). Ces questions ont été formulées dans le cadre d’un recours introduit par un homme politique élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019, contre une ordonnance portant refus de lui accorder une autorisation extraordinaire de sortie de prison. L’intéressé avait été placé en détention provisoire avant ces élections dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination qui s’est tenu le 1er octobre 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Il a sollicité l’autorisation visée ci-dessus pour pouvoir accomplir une formalité requise par le droit espagnol à la suite de la proclamation des résultats, formalité consistant à prononcer le serment ou la promesse de respecter la Constitution espagnole devant une commission électorale centrale, et se rendre ultérieurement au Parlement européen en vue de prendre part à la session constitutive de la nouvelle législature. Suite à la saisine de la Cour, le Tribunal Supremo a, le 14 octobre 2019, condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges ou fonctions publiques.

La Cour a jugé, en premier lieu, qu’une personne qui est élue au Parlement européen acquiert la qualité de membre du Parlement du fait et au moment de la proclamation des résultats électoraux, de sorte qu’elle bénéficie des immunités garanties par l’article 9 du protocole.

À cet égard, la Cour a relevé que, si la procédure électorale et la proclamation des résultats sont en principe régis par la législation des États membres, conformément aux articles 8 et 12 de l’acte électoral de 1976{2}, l’élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, libre et secret {3} constitue l’expression du principe constitutionnel de démocratie représentative, dont la portée est définie par le droit de l’Union lui-même. Or, il découle des traités et de l’acte électoral de 1976 que la qualité de membre du Parlement européen résulte de la seule élection de l’intéressé et lui est acquise du fait de la proclamation officielle des résultats effectuée par les États membres. En outre, il résulte de l’article 343 TFUE que l’Union, et donc ses institutions ainsi que leurs membres, doivent bénéficier des immunités nécessaires à leurs missions.

En deuxième lieu, la Cour a jugé que les personnes qui, comme M. Junqueras Vies, sont élues membres du Parlement européen bénéficient, dès la proclamation des résultats, de l’immunité de trajet attachée à leur qualité de membre et prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole. Or, cette immunité a pour objet de leur permettre, notamment, de se rendre et de prendre part à la session constitutive de la nouvelle législature du Parlement européen. En effet, à la différence de l’immunité de session prévue au premier alinéa, qui ne leur bénéficie qu’à compter de l’ouverture de cette session constitutive et pendant toute la durée des sessions du Parlement européen, l’immunité de trajet couvre les déplacements des membres à destination du lieu de réunion du Parlement européen, en ce compris sa première réunion.

La Cour a rappelé, à cet égard, que les objectifs poursuivis par les immunités prévues par le protocole consistent à assurer la protection du bon fonctionnement et de l’indépendance des institutions. Dans ce cadre, l’immunité de trajet visée à l’article 9, deuxième alinéa, de ce protocole donne effet au droit d’éligibilité garanti par l’article 39, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en permettant à tout membre, dès qu’il a été proclamé élu et indépendamment du point de savoir s’il a ou non accompli d’éventuelles formalités prévues par le droit interne, de participer à la session constitutive du Parlement européen sans pouvoir être entravé dans son déplacement.

La Cour a jugé, en troisième et dernier lieu, que le bénéfice de l’immunité de trajet garantie à tout membre du Parlement européen implique de lever toute mesure de placement en détention provisoire qui aurait été imposée antérieurement à la proclamation de son élection, afin de lui permettre de se rendre et de prendre part à la session constitutive du Parlement européen. En conséquence, si la juridiction nationale compétente jugeait nécessaire de maintenir une telle mesure, il lui incomberait de demander dans les plus brefs délais la levée de cette immunité au Parlement européen, sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, du protocole.

{1} Immunités prévues à l’article 343 TFUE et à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266) (ci-après le « protocole »).

{2} Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), modifié, en dernier lieu, par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin et du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1).

{3} Article 14, paragraphe 3, TUE.

Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19) (cf. points 87-92)

140. Parlement européen - Vérification des pouvoirs des membres - Limites - Exercice consistant à prendre acte des résultats proclamés officiellement par les États membres - Absence de compétence du Parlement pour se prononcer sur la légalité des procédures électorales nationales



Ordonnance du 20 décembre 2019, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres / Parlement (C-646/19 P(R)) (cf. point 62)

141. Parlement européen - Élections - Compétence des États membres - Procédure électorale et proclamation officielle des résultats électoraux



Ordonnance du 20 décembre 2019, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres / Parlement (C-646/19 P(R)) (cf. points 73, 74)



Ordonnance du 8 octobre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (C-201/20 P(R)) (cf. points 81, 82)

142. Parlement européen - Vérification des pouvoirs des membres - Limites - Exercice consistant à prendre acte de la déchéance du mandat d'un membre du Parlement résultant de l'application du droit national - Absence de compétence du Parlement pour se prononcer sur la légalité des procédures électorales nationales au regard du droit de l'Union



Ordonnance du 8 octobre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (C-201/20 P(R)) (cf. points 57-66)

143. Parlement européen - Vérification des pouvoirs des membres - Limites - Exercice consistant à prendre acte de la déchéance du mandat d'un membre du Parlement résultant de l'application du droit national - Compétence du Parlement - Contrôle de l'inexactitude matérielle de la vacance du siège et du consentement du député démissionnaire - Notion - Contrôle d'une irrégularité résultant du non-respect du droit national ou du droit de l'Union - Exclusion



Ordonnance du 8 octobre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (C-201/20 P(R)) (cf. points 71-77, 119)

144. Parlement européen - Vérification des pouvoirs des membres - Limites - Exercice consistant à prendre acte de la déchéance du mandat d'un membre du Parlement résultant de l'application du droit national - Droits de la défense - Obligation d'entendre l'intéressé avant la constatation de la vacance du siège - Absence



Ordonnance du 8 octobre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (C-201/20 P(R)) (cf. points 91-95)

145. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 101, 109-112, 117, 118)

146. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens - Modification effectuée en application de la règle de pension identique - Absence de marge d'appréciation quant au mode de calcul de ces pensions - Droits à pension acquis avant l'entrée en vigueur dudit statut - Absence de garantie quant à l'immuabilité du montant des pensions

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 126, 129-133, 138-145, 150-158, 160-163)



Arrêt du 10 février 2021, Santini / Parlement (T-345/19, T-346/19, T-364/19 à T-366/19, T-372/19 à T-375/19 et T-385/19) (cf. points 127, 130-134, 139-146, 151-159, 161-164)



Arrêt du 5 mai 2021, Falqui / Parlement (T-695/19) (cf. points 49, 50, 52, 54-62, 65-67)

147. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens - Obligation de respecter les droits fondamentaux et principes généraux du droit de l'Union

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 180-182)

148. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens - Règle de pension identique - Non-rétroactivité - Principe de sécurité juridique - Violation - Absence

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 194-204)



Arrêt du 10 février 2021, Santini / Parlement (T-345/19, T-346/19, T-364/19 à T-366/19, T-372/19 à T-375/19 et T-385/19) (cf. points 198-208)

149. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens - Principe de protection de la confiance légitime - Violation - Absence

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 205, 208-211)



Arrêt du 10 février 2021, Santini / Parlement (T-345/19, T-346/19, T-364/19 à T-366/19, T-372/19 à T-375/19 et T-385/19) (cf. points 209, 211-214)

150. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens - Restriction du droit de propriété - Violation du principe de proportionnalité - Absence

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 212-216, 219, 222-224, 227-235)

151. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens - Principe d'égalité de traitement - Violation - Absence

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 244, 251-254, 257, 258)



Arrêt du 10 février 2021, Santini / Parlement (T-345/19, T-346/19, T-364/19 à T-366/19, T-372/19 à T-375/19 et T-385/19) (cf. points 156-160, 163, 166-168, 171-179)



Arrêt du 10 février 2021, Santini / Parlement (T-345/19, T-346/19, T-364/19 à T-366/19, T-372/19 à T-375/19 et T-385/19) (cf. points 133, 138-141)

152. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Décision nationale d'une Chambre des députés portant modification du montant des pensions des anciens députés nationaux - Exclusion - Notes et décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens, en application de cette décision nationale - Inclusion

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 62, 63, 65)



Arrêt du 10 février 2021, Santini / Parlement (T-345/19, T-346/19, T-364/19 à T-366/19, T-372/19 à T-375/19 et T-385/19) (cf. points 53, 56, 58)

153. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Compétence générale du bureau du Parlement en matière de questions financières concernant les députés - Compétence de l'administration du Parlement pour adopter des décisions individuelles fixant les droits à pension des députés - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions des anciens députés européens - Inclusion

Mme Maria Teresa Coppo Gavazzi ainsi que plusieurs autres personnes physiques, anciens membres du Parlement européen élus en Italie ou leurs conjoints survivants (ci-après les « requérants), bénéficient respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie. En application de la décision nationale nº 14/2018{1}, le Parlement européen a décidé de réduire le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés européens élus en Italie (ou celle de leurs conjoints survivants) avec effet au 1er janvier 2019.

En effet, en janvier 2019, le Parlement a informé les requérants qu’il serait tenu d’appliquer la décision nº 14/2008 et partant, de recalculer les montants de leur pension, notamment en application des dispositions de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») instaurant la règle de « pension identique »{2}. En vertu de cette règle, le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. Ainsi, par plusieurs notes du 11 avril 2019 et la décision finale du 11 juin 2019{3} (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») de la direction générale des finances du Parlement (ci-après l’« auteur des décisions attaquées »), les requérants ont été informés de la modification du montant de leur pension, en application de la règle de « pension identique » prévue par la réglementation FID et de la décision nº 14/20018, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés. Les décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 et aurait un effet rétroactif au 1er janvier 2019.

Les requérants ont introduit des recours tendant à l’annulation de ces décisions, en invoquant des moyens tirés, notamment, de l’incompétence de leur auteur, d’une absence de base juridique, d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision nº 14/2018 ainsi que d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union.

Dans son arrêt du 15 octobre 2020, rendu en chambre élargie, le Tribunal rejette ces recours.

Se prononçant, en premier lieu, sur les limites de sa compétence dans le cadre d’un recours en annulation{4}, le Tribunal précise qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision nº 14/2018 dans la mesure où il s’agit d’un acte adopté par une autorité nationale. En revanche, il relève qu’il est compétent pour examiner si l’article 75 des mesures d’application du statut des députés, relatif notamment aux pensions de retraite{5}, (ci-après les « mesures d’application ») ainsi que les dispositions de la réglementation FID instaurant la règle de « pension identique »{6} ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal ajoute qu’il peut examiner la conformité au droit de l’Union tant des décisions attaquées que de l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision nº 14/2018.

Se penchant, en deuxième lieu, sur le moyen pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, le Tribunal rappelle que le bureau du Parlement possède une compétence générale en matière de questions financières concernant les députés{7}. Ainsi, l’administration du Parlement peut se voir confier la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice. Eu égard à cette répartition des compétences, le Tribunal souligne que le Parlement peut attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles dans le domaine des droits à pension et de la fixation du montant des pensions. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’auteur des décisions attaquées était compétent, en sa qualité d’ordonnateur subdélégué pour les questions budgétaires relatives aux pensions d’ancienneté, pour adopter les décisions attaquées.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’application erronée de l’article 75 des mesures d’application, en jugeant que le Parlement s’est valablement fondé sur cette disposition ainsi que sur la règle de « pension identique » afin d’adopter les décisions attaquées. Ainsi, il note, tout d’abord, que la règle de « pension identique » reste applicable aux requérants, par dérogation aux règles prévues par les mesures d’application, selon lesquelles la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009{8}. Ensuite, le Tribunal met en exergue que si les deux paragraphes composant l’article 75 des mesures d’application visent le droit à pension de retraite des anciens députés européens, leurs champs d’application respectifs sont différents.

En effet, d’une part, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à bénéficier de leur pension de retraite avant la date de l’entrée en vigueur du statut des députés, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2009, et qui continuent, après cette date, de relever du régime de pension mis en place par l’annexe III de la réglementation FID (ci-après l’« annexe III »). Se prononçant sur la situation de ces députés, le Tribunal note que, en vertu de la règle de « pension identique », le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision nº 14/2018. Cette obligation s’impose au Parlement, qui ne dispose d’aucune marge pour un mode de calcul autonome, pendant toute la période de versement des pensions de retraite, sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Par ailleurs, le Tribunal conclut que la réduction du montant des pensions, en application de ces règles, ne porte pas atteinte aux droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires étant donné que ni l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ni l’annexe III ne garantissent l’immuabilité du montant de ces pensions. En effet, selon le Tribunal, les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

D’autre part, l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux anciens députés qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite après la date de l’entrée en vigueur du statut des députés et garantit que les droits à pension de retraite acquis jusqu’à cette date demeurent acquis{9}. Toutefois, le Tribunal note que cette disposition{10}, qui distingue clairement les « droits à pension de retraite acquis » des « pensions », ne garantit pas l’immuabilité du montant de cette pension, en ce sens que ce montant ne pourrait pas être révisé. Par ailleurs, le Tribunal souligne que les deux exigences auxquelles les anciens députés doivent répondre afin de pouvoir bénéficier de leur pension de retraite{11} ont pour seul objet de conditionner le bénéfice effectif de ces pensions sans pour autant garantir l’immuabilité de leur montant. Au surplus, ces deux exigences ont pour uniques débiteurs les requérants, et non le Parlement.

En quatrième et dernier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et de la Charte. Ainsi, le Tribunal souligne, tout d’abord, que le Parlement est tenu de calculer et, le cas échéant, d’actualiser les pensions des anciens députés européens italiens, en tirant les conséquences de la décision nº 14/2018, sauf si l’application de cette décision aboutissait à une violation de la Charte{12} ou de ces principes généraux. Ensuite, se prononçant sur la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal admet que les décisions attaquées ont produit des effets rétroactifs, notamment antérieurs à leur date d’adoption, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, il souligne que cela s’explique par l’obligation du Parlement d’appliquer la règle de « pension identique »{13}. En effet, en application de cette règle et, par conséquent, des dispositions de la décision no 14/2018, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir de cette date, au bénéfice de leur pension, telle qu’elle était calculée avant cette date. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal note que le Parlement ne s’est pas écarté de l’assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants lorsqu’ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III, consistant à leur garantir le bénéfice d’une « pension identique » à celle des députés nationaux.

En outre, s’agissant du grief tiré de la violation du droit de propriété{14}, le Tribunal observe que, en réduisant le montant des pensions des requérants, le Parlement n’a ni privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, ni modifié le contenu de ces droits. Ensuite, le Tribunal conclut que cette restriction du droit de propriété des requérants est justifiée, notamment au regard des exigences prévues par la Charte. En ce sens, il note, d’une part, que le droit de propriété ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé. D’autre part, il souligne que cette restriction, prévue par la loi, peut être justifiée, premièrement, par l’objectif d’intérêt général poursuivi par la décision nº 14/2018, qui est celui de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire, objectif déjà reconnu par la jurisprudence comme justifiant une atteinte aux droits fondamentaux, et, deuxièmement, par l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

Enfin, se prononçant sur la violation du principe d’égalité, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait, en violation de ce principe, assimilé les requérants aux anciens membres de la Chambre des députés. En ce sens, il retient que les requérants n’ont pas prouvé que leur situation est fondamentalement différente de celle des anciens membres de la Chambre des députés. En outre, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle le Parlement aurait traité les requérants différemment d’autres anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui relèveraient également du régime de pension organisé par l’annexe III{15}. Ainsi, il juge que les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que celle des autres anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg, puisque, notamment, les pensions de ces derniers n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

{1} Décision du 12 juillet 2018, adoptée par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « décision nº 14/2018 »). La légalité de cette décision est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

{2} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de cette réglementation.

{3} La décision finale concerne uniquement M. Florio, le requérant dans l’affaire T-465/19.

{4} Article 263 TFUE.

{5} Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C-159, p. 1).

{6} Article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{7} En vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{8} Article 74, lu en combinaison avec l’article 75, des mesures d’application.

{9} Article 75, paragraphe 2, 1ère phrase, des mesures d’application.

{10} Article 75, paragraphe 2, 2ème phrase, des mesures d’application.

{11} À savoir, respecter les dispositions pertinentes du droit national applicable en matière d’octroi de la pension de retraite et avoir déposé la demande de liquidation de cette pension.

{12} Article 51, paragraphe 1.

{13} Prévue par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

{14} Article 17, paragraphe 1, de la Charte.

{15} Prévu par l’annexe III de la réglementation FID.

Arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi / Parlement (T-389/19 à T-394/19, T-397/19, T-398/19, T-403/19, T-404/19, T-406/19, T-407/19, T-409/19 à T-414/19, T-416/19 à T-418/19, T-420/19 à T-422/19, T-425/19 à T-427/19, T-429/19 à T-432/19, T-435/19, T-436/19, T-438/19 à T-442/19, T-444/19 à T-446/19, T-448/19, T-450/19 à T-454/19, T-463/19 et T-465/19) (cf. points 83-88, 90-92)



Arrêt du 10 février 2021, Santini / Parlement (T-345/19, T-346/19, T-364/19 à T-366/19, T-372/19 à T-375/19 et T-385/19) (cf. points 64-69, 71-73)

154. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Recouvrement de sommes indûment versées - Décision du bureau du Parlement - Caractère de sanction pénale ou de sanction administrative - Absence



Arrêt du 12 novembre 2020, Gollnisch / Parlement (C-676/19 P) (cf. point 52)

155. Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Notion d'acte réglementaire - Tout acte de portée générale à l'exception des actes législatifs - Décision du Parlement européen prenant acte de l'élection de deux personnes identifiées nommément en qualité de députés européens - Exclusion



Ordonnance du 19 novembre 2020, Buxadé Villalba e.a. / Parlement (T-32/20) (cf. points 24-30)

156. Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Déclaration du président du Parlement européen effectuée en séance plénière et diffusée sur le site internet de l'institution - Absence d'affectation individuelle des requérants - Irrecevabilité



Ordonnance du 19 novembre 2020, Buxadé Villalba e.a. / Parlement (T-32/20) (cf. point 39)

157. Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Affectation directe - Critères - Décision du Parlement européen prenant acte de l'élection de deux personnes identifiées nommément en qualité de députés européens - Affectation directe des autres élus espagnols - Absence



Ordonnance du 19 novembre 2020, Buxadé Villalba e.a. / Parlement (T-32/20) (cf. points 41, 42, 47-51)

158. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Non-admissibilité de certaines dépenses d'un parti politique européen aux fins d'une subvention et interdiction du don excédant un certain montant - Violation des droits à la liberté d'expression et à la liberté d'association - Absence



Arrêt du 25 novembre 2020, ACRE / Parlement (T-107/19) (cf. point 114)

159. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Obligations liées au financement - Interdiction du don excédant un certain montant et provenant d'un parti politique national non membre d'un parti politique au niveau européen - Notion de parti politique - Critères d'appréciation



Arrêt du 25 novembre 2020, ACRE / Parlement (T-107/19) (cf. points 157-161)

160. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits de la défense - Droit d'être entendu - Portée - Adoption d'une décision du Parlement européen accordant une contribution à un parti politique européen et subordonnant un préfinancement équivalent au montant total de la contribution à certains remboursements préalables - Impossibilité dudit parti politique de faire connaître sa position sur la pertinence des faits ou des documents retenus lors de l'adoption de ladite décision - Violation du droit d'être entendu



Arrêt du 25 novembre 2020, ACRE / Parlement (T-107/19) (cf. points 182-184, 186, 189, 190)

161. Parlement européen - Financement des partis politiques au niveau européen - Non-admissibilité de certaines dépenses d'un parti politique européen aux fins d'une subvention et interdiction du don excédant un certain montant - Droit du bénéficiaire de la subvention de présenter des observations avant l'adoption de la décision - Délai - Respect d'un délai raisonnable



Arrêt du 25 novembre 2020, ACRE / Parlement (T-107/19) (cf. points 31, 32)

162. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Obligation des autorités nationales de respecter les immunités des députés européens découlant directement de l'acquisition de cette qualité - Initiative du président du Parlement pour confirmer l'immunité d'un député européen - Absence d'incidence sur cette obligation

Le requérant, M. Oriol Junqueras i Vies, un homme politique catalan, avait été placé en détention provisoire en Espagne dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination en 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Pendant la phase de jugement de cette procédure, il a été élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019.

À la suite de l’arrêt du 14 octobre 2019, par lequel le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges et fonctions publiques, la commission électorale centrale a, par sa décision du 3 janvier 2020, déclaré l’inéligibilité du requérant. De plus, par son ordonnance du 9 janvier 2020, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a constaté que, compte tenu de l’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies{1}, il n’y avait pas lieu d’adresser au Parlement une demande de levée de l’immunité dont aurait bénéficié le requérant en sa qualité de député européen au motif, notamment, que, lorsque le requérant avait été proclamé élu, la procédure pénale le concernant était arrivée à son terme et le délibéré avait débuté. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a précisé que, dans la mesure où le requérant avait obtenu la qualité de député européen au moment où la procédure pénale se trouvait déjà dans la phase de jugement, il ne pouvait pas invoquer une immunité pour faire obstacle à la poursuite de ce procès. En outre, une députée européenne a, entre-temps, au nom du requérant, demandé au président du Parlement de prendre d’urgence une initiative, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur du Parlement, visant à confirmer l’immunité du requérant, et de refuser de déclarer son siège vacant.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement a annoncé, à la suite de la décision de la commission électorale centrale et de l’ordonnance du Tribunal Supremo (Cour suprême) susmentionnés, le constat de la vacance du siège du requérant.

Par son recours introduit devant le Tribunal, le requérant a demandé d’annuler tant ladite annonce, par le président du Parlement, du constat de la vacance de son siège, que le prétendu rejet, par celui-ci, de la demande d’une députée européenne de prendre une initiative visant à confirmer son immunité.

Le Tribunal constate qu’aucun de ces deux actes ne peut être considéré comme un acte attaquable et, par conséquent, rejette le recours du requérant comme irrecevable.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, en ce qui concerne le constat, annoncé par le président du Parlement, de la vacance du siège du requérant, le Tribunal observe que le Parlement ne dispose d’aucune compétence pour contrôler la décision des autorités d’un État membre déclarant la déchéance du mandat d’un député européen en application du droit national et la décision de vacance du siège qui en résulte, l’institution étant simplement informée de cette vacance par les autorités nationales. Le Tribunal ajoute que le Parlement ne dispose pas non plus du pouvoir de refuser de tenir compte de la décision des autorités nationales constatant ladite vacance.

Ainsi, lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement n’a fait qu’informer l’institution d’une situation juridique préexistante et résultant exclusivement des décisions des autorités espagnoles. Compte tenu de son caractère purement informatif, ce constat n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que la vérification du respect, par les autorités nationales, des procédures prévues par le droit national et du droit de l’Union ne relève pas de la compétence du Parlement, mais de celle des juridictions espagnoles et, le cas échéant, de la Cour de justice lorsque celle-ci est saisie d’un recours en manquement contre l’État membre dont relèvent ces autorités.

En second lieu, quant au prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant, le Tribunal relève qu’il s’agit en réalité d’un acte inexistant, si bien que les conclusions en annulation dirigées contre lui doivent être rejetées comme étant irrecevables. En effet, ladite demande n’a été ni expressément ni implicitement rejetée par le président du Parlement. Selon le Tribunal, l’absence de réponse expresse à cette demande n’est pas constitutive d’une décision implicite de rejet de cette demande, car, en l’espèce, il n’existe ni délai à l’expiration duquel une décision implicite serait réputée être intervenue, ni circonstances exceptionnelles qui permettraient de considérer qu’une telle décision existe.

Le Tribunal ajoute que, en tout état de cause, les initiatives que le président du Parlement peut prendre sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur de cette institution constituent des avis dépourvus de caractère contraignant à l’égard des autorités nationales à qui ils sont adressés. En outre, il découle de ce même article que le président du Parlement n’est nullement contraint de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, même lorsque ce député serait arrêté ou privé de sa liberté de déplacement, en violation apparente de ses privilèges et immunités. Ce pouvoir discrétionnaire exclut le droit du requérant d’exiger du président du Parlement qu’il prenne, de manière urgente, une initiative visant à confirmer son immunité. Ainsi, le prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant ne saurait être considéré comme un acte attaquable susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

{1} L’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115) a été rendu en réponse à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Supremo (Cour suprême), introduite dans le cadre d’un recours formé par M. Junqueras i Vies devant cette dernière juridiction, par lequel il se prévalait des immunités prévues à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266).

Ordonnance du 15 décembre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (T-24/20) (cf. points 120, 121)

163. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Initiative du président du Parlement pour confirmer l'immunité d'un député européen - Caractère contraignant à l'égard des autorités nationales - Absence

Le requérant, M. Oriol Junqueras i Vies, un homme politique catalan, avait été placé en détention provisoire en Espagne dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination en 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Pendant la phase de jugement de cette procédure, il a été élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019.

À la suite de l’arrêt du 14 octobre 2019, par lequel le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges et fonctions publiques, la commission électorale centrale a, par sa décision du 3 janvier 2020, déclaré l’inéligibilité du requérant. De plus, par son ordonnance du 9 janvier 2020, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a constaté que, compte tenu de l’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies{1}, il n’y avait pas lieu d’adresser au Parlement une demande de levée de l’immunité dont aurait bénéficié le requérant en sa qualité de député européen au motif, notamment, que, lorsque le requérant avait été proclamé élu, la procédure pénale le concernant était arrivée à son terme et le délibéré avait débuté. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a précisé que, dans la mesure où le requérant avait obtenu la qualité de député européen au moment où la procédure pénale se trouvait déjà dans la phase de jugement, il ne pouvait pas invoquer une immunité pour faire obstacle à la poursuite de ce procès. En outre, une députée européenne a, entre-temps, au nom du requérant, demandé au président du Parlement de prendre d’urgence une initiative, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur du Parlement, visant à confirmer l’immunité du requérant, et de refuser de déclarer son siège vacant.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement a annoncé, à la suite de la décision de la commission électorale centrale et de l’ordonnance du Tribunal Supremo (Cour suprême) susmentionnés, le constat de la vacance du siège du requérant.

Par son recours introduit devant le Tribunal, le requérant a demandé d’annuler tant ladite annonce, par le président du Parlement, du constat de la vacance de son siège, que le prétendu rejet, par celui-ci, de la demande d’une députée européenne de prendre une initiative visant à confirmer son immunité.

Le Tribunal constate qu’aucun de ces deux actes ne peut être considéré comme un acte attaquable et, par conséquent, rejette le recours du requérant comme irrecevable.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, en ce qui concerne le constat, annoncé par le président du Parlement, de la vacance du siège du requérant, le Tribunal observe que le Parlement ne dispose d’aucune compétence pour contrôler la décision des autorités d’un État membre déclarant la déchéance du mandat d’un député européen en application du droit national et la décision de vacance du siège qui en résulte, l’institution étant simplement informée de cette vacance par les autorités nationales. Le Tribunal ajoute que le Parlement ne dispose pas non plus du pouvoir de refuser de tenir compte de la décision des autorités nationales constatant ladite vacance.

Ainsi, lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement n’a fait qu’informer l’institution d’une situation juridique préexistante et résultant exclusivement des décisions des autorités espagnoles. Compte tenu de son caractère purement informatif, ce constat n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que la vérification du respect, par les autorités nationales, des procédures prévues par le droit national et du droit de l’Union ne relève pas de la compétence du Parlement, mais de celle des juridictions espagnoles et, le cas échéant, de la Cour de justice lorsque celle-ci est saisie d’un recours en manquement contre l’État membre dont relèvent ces autorités.

En second lieu, quant au prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant, le Tribunal relève qu’il s’agit en réalité d’un acte inexistant, si bien que les conclusions en annulation dirigées contre lui doivent être rejetées comme étant irrecevables. En effet, ladite demande n’a été ni expressément ni implicitement rejetée par le président du Parlement. Selon le Tribunal, l’absence de réponse expresse à cette demande n’est pas constitutive d’une décision implicite de rejet de cette demande, car, en l’espèce, il n’existe ni délai à l’expiration duquel une décision implicite serait réputée être intervenue, ni circonstances exceptionnelles qui permettraient de considérer qu’une telle décision existe.

Le Tribunal ajoute que, en tout état de cause, les initiatives que le président du Parlement peut prendre sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur de cette institution constituent des avis dépourvus de caractère contraignant à l’égard des autorités nationales à qui ils sont adressés. En outre, il découle de ce même article que le président du Parlement n’est nullement contraint de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, même lorsque ce député serait arrêté ou privé de sa liberté de déplacement, en violation apparente de ses privilèges et immunités. Ce pouvoir discrétionnaire exclut le droit du requérant d’exiger du président du Parlement qu’il prenne, de manière urgente, une initiative visant à confirmer son immunité. Ainsi, le prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant ne saurait être considéré comme un acte attaquable susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

{1} L’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115) a été rendu en réponse à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Supremo (Cour suprême), introduite dans le cadre d’un recours formé par M. Junqueras i Vies devant cette dernière juridiction, par lequel il se prévalait des immunités prévues à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266).

Ordonnance du 15 décembre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (T-24/20) (cf. points 120-122, 124, 125)

164. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques - Annonce par le président du Parlement européen du constat de la vacance du siège d'un député européen - Acte à caractère purement informatif - Exclusion

Le requérant, M. Oriol Junqueras i Vies, un homme politique catalan, avait été placé en détention provisoire en Espagne dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination en 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Pendant la phase de jugement de cette procédure, il a été élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019.

À la suite de l’arrêt du 14 octobre 2019, par lequel le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges et fonctions publiques, la commission électorale centrale a, par sa décision du 3 janvier 2020, déclaré l’inéligibilité du requérant. De plus, par son ordonnance du 9 janvier 2020, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a constaté que, compte tenu de l’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies{1}, il n’y avait pas lieu d’adresser au Parlement une demande de levée de l’immunité dont aurait bénéficié le requérant en sa qualité de député européen au motif, notamment, que, lorsque le requérant avait été proclamé élu, la procédure pénale le concernant était arrivée à son terme et le délibéré avait débuté. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a précisé que, dans la mesure où le requérant avait obtenu la qualité de député européen au moment où la procédure pénale se trouvait déjà dans la phase de jugement, il ne pouvait pas invoquer une immunité pour faire obstacle à la poursuite de ce procès. En outre, une députée européenne a, entre-temps, au nom du requérant, demandé au président du Parlement de prendre d’urgence une initiative, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur du Parlement, visant à confirmer l’immunité du requérant, et de refuser de déclarer son siège vacant.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement a annoncé, à la suite de la décision de la commission électorale centrale et de l’ordonnance du Tribunal Supremo (Cour suprême) susmentionnés, le constat de la vacance du siège du requérant.

Par son recours introduit devant le Tribunal, le requérant a demandé d’annuler tant ladite annonce, par le président du Parlement, du constat de la vacance de son siège, que le prétendu rejet, par celui-ci, de la demande d’une députée européenne de prendre une initiative visant à confirmer son immunité.

Le Tribunal constate qu’aucun de ces deux actes ne peut être considéré comme un acte attaquable et, par conséquent, rejette le recours du requérant comme irrecevable.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, en ce qui concerne le constat, annoncé par le président du Parlement, de la vacance du siège du requérant, le Tribunal observe que le Parlement ne dispose d’aucune compétence pour contrôler la décision des autorités d’un État membre déclarant la déchéance du mandat d’un député européen en application du droit national et la décision de vacance du siège qui en résulte, l’institution étant simplement informée de cette vacance par les autorités nationales. Le Tribunal ajoute que le Parlement ne dispose pas non plus du pouvoir de refuser de tenir compte de la décision des autorités nationales constatant ladite vacance.

Ainsi, lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement n’a fait qu’informer l’institution d’une situation juridique préexistante et résultant exclusivement des décisions des autorités espagnoles. Compte tenu de son caractère purement informatif, ce constat n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que la vérification du respect, par les autorités nationales, des procédures prévues par le droit national et du droit de l’Union ne relève pas de la compétence du Parlement, mais de celle des juridictions espagnoles et, le cas échéant, de la Cour de justice lorsque celle-ci est saisie d’un recours en manquement contre l’État membre dont relèvent ces autorités.

En second lieu, quant au prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant, le Tribunal relève qu’il s’agit en réalité d’un acte inexistant, si bien que les conclusions en annulation dirigées contre lui doivent être rejetées comme étant irrecevables. En effet, ladite demande n’a été ni expressément ni implicitement rejetée par le président du Parlement. Selon le Tribunal, l’absence de réponse expresse à cette demande n’est pas constitutive d’une décision implicite de rejet de cette demande, car, en l’espèce, il n’existe ni délai à l’expiration duquel une décision implicite serait réputée être intervenue, ni circonstances exceptionnelles qui permettraient de considérer qu’une telle décision existe.

Le Tribunal ajoute que, en tout état de cause, les initiatives que le président du Parlement peut prendre sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur de cette institution constituent des avis dépourvus de caractère contraignant à l’égard des autorités nationales à qui ils sont adressés. En outre, il découle de ce même article que le président du Parlement n’est nullement contraint de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, même lorsque ce député serait arrêté ou privé de sa liberté de déplacement, en violation apparente de ses privilèges et immunités. Ce pouvoir discrétionnaire exclut le droit du requérant d’exiger du président du Parlement qu’il prenne, de manière urgente, une initiative visant à confirmer son immunité. Ainsi, le prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant ne saurait être considéré comme un acte attaquable susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

{1} L’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115) a été rendu en réponse à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Supremo (Cour suprême), introduite dans le cadre d’un recours formé par M. Junqueras i Vies devant cette dernière juridiction, par lequel il se prévalait des immunités prévues à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266).

Ordonnance du 15 décembre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (T-24/20) (cf. points 48-50, 68, 71-73, 90)

165. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Prétendu rejet par le président du Parlement européen d'une demande de prendre d'urgence une initiative pour confirmer l'immunité d'un député européen - Exclusion

Le requérant, M. Oriol Junqueras i Vies, un homme politique catalan, avait été placé en détention provisoire en Espagne dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination en 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Pendant la phase de jugement de cette procédure, il a été élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019.

À la suite de l’arrêt du 14 octobre 2019, par lequel le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges et fonctions publiques, la commission électorale centrale a, par sa décision du 3 janvier 2020, déclaré l’inéligibilité du requérant. De plus, par son ordonnance du 9 janvier 2020, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a constaté que, compte tenu de l’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies{1}, il n’y avait pas lieu d’adresser au Parlement une demande de levée de l’immunité dont aurait bénéficié le requérant en sa qualité de député européen au motif, notamment, que, lorsque le requérant avait été proclamé élu, la procédure pénale le concernant était arrivée à son terme et le délibéré avait débuté. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a précisé que, dans la mesure où le requérant avait obtenu la qualité de député européen au moment où la procédure pénale se trouvait déjà dans la phase de jugement, il ne pouvait pas invoquer une immunité pour faire obstacle à la poursuite de ce procès. En outre, une députée européenne a, entre-temps, au nom du requérant, demandé au président du Parlement de prendre d’urgence une initiative, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur du Parlement, visant à confirmer l’immunité du requérant, et de refuser de déclarer son siège vacant.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement a annoncé, à la suite de la décision de la commission électorale centrale et de l’ordonnance du Tribunal Supremo (Cour suprême) susmentionnés, le constat de la vacance du siège du requérant.

Par son recours introduit devant le Tribunal, le requérant a demandé d’annuler tant ladite annonce, par le président du Parlement, du constat de la vacance de son siège, que le prétendu rejet, par celui-ci, de la demande d’une députée européenne de prendre une initiative visant à confirmer son immunité.

Le Tribunal constate qu’aucun de ces deux actes ne peut être considéré comme un acte attaquable et, par conséquent, rejette le recours du requérant comme irrecevable.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, en ce qui concerne le constat, annoncé par le président du Parlement, de la vacance du siège du requérant, le Tribunal observe que le Parlement ne dispose d’aucune compétence pour contrôler la décision des autorités d’un État membre déclarant la déchéance du mandat d’un député européen en application du droit national et la décision de vacance du siège qui en résulte, l’institution étant simplement informée de cette vacance par les autorités nationales. Le Tribunal ajoute que le Parlement ne dispose pas non plus du pouvoir de refuser de tenir compte de la décision des autorités nationales constatant ladite vacance.

Ainsi, lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement n’a fait qu’informer l’institution d’une situation juridique préexistante et résultant exclusivement des décisions des autorités espagnoles. Compte tenu de son caractère purement informatif, ce constat n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que la vérification du respect, par les autorités nationales, des procédures prévues par le droit national et du droit de l’Union ne relève pas de la compétence du Parlement, mais de celle des juridictions espagnoles et, le cas échéant, de la Cour de justice lorsque celle-ci est saisie d’un recours en manquement contre l’État membre dont relèvent ces autorités.

En second lieu, quant au prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant, le Tribunal relève qu’il s’agit en réalité d’un acte inexistant, si bien que les conclusions en annulation dirigées contre lui doivent être rejetées comme étant irrecevables. En effet, ladite demande n’a été ni expressément ni implicitement rejetée par le président du Parlement. Selon le Tribunal, l’absence de réponse expresse à cette demande n’est pas constitutive d’une décision implicite de rejet de cette demande, car, en l’espèce, il n’existe ni délai à l’expiration duquel une décision implicite serait réputée être intervenue, ni circonstances exceptionnelles qui permettraient de considérer qu’une telle décision existe.

Le Tribunal ajoute que, en tout état de cause, les initiatives que le président du Parlement peut prendre sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur de cette institution constituent des avis dépourvus de caractère contraignant à l’égard des autorités nationales à qui ils sont adressés. En outre, il découle de ce même article que le président du Parlement n’est nullement contraint de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, même lorsque ce député serait arrêté ou privé de sa liberté de déplacement, en violation apparente de ses privilèges et immunités. Ce pouvoir discrétionnaire exclut le droit du requérant d’exiger du président du Parlement qu’il prenne, de manière urgente, une initiative visant à confirmer son immunité. Ainsi, le prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant ne saurait être considéré comme un acte attaquable susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

{1} L’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115) a été rendu en réponse à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Supremo (Cour suprême), introduite dans le cadre d’un recours formé par M. Junqueras i Vies devant cette dernière juridiction, par lequel il se prévalait des immunités prévues à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266).

Ordonnance du 15 décembre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (T-24/20) (cf. points 52, 107, 108, 110, 111, 113-115, 137)

166. Parlement européen - Élections - Compétence des États membres - Procédure électorale - Décision des autorités nationales constatant la vacance du siège d'un député européen, sur le fondement des dispositions nationales - Absence de compétence du Parlement pour contrôler cette décision

Le requérant, M. Oriol Junqueras i Vies, un homme politique catalan, avait été placé en détention provisoire en Espagne dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination en 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Pendant la phase de jugement de cette procédure, il a été élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019.

À la suite de l’arrêt du 14 octobre 2019, par lequel le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges et fonctions publiques, la commission électorale centrale a, par sa décision du 3 janvier 2020, déclaré l’inéligibilité du requérant. De plus, par son ordonnance du 9 janvier 2020, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a constaté que, compte tenu de l’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies{1}, il n’y avait pas lieu d’adresser au Parlement une demande de levée de l’immunité dont aurait bénéficié le requérant en sa qualité de député européen au motif, notamment, que, lorsque le requérant avait été proclamé élu, la procédure pénale le concernant était arrivée à son terme et le délibéré avait débuté. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a précisé que, dans la mesure où le requérant avait obtenu la qualité de député européen au moment où la procédure pénale se trouvait déjà dans la phase de jugement, il ne pouvait pas invoquer une immunité pour faire obstacle à la poursuite de ce procès. En outre, une députée européenne a, entre-temps, au nom du requérant, demandé au président du Parlement de prendre d’urgence une initiative, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur du Parlement, visant à confirmer l’immunité du requérant, et de refuser de déclarer son siège vacant.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement a annoncé, à la suite de la décision de la commission électorale centrale et de l’ordonnance du Tribunal Supremo (Cour suprême) susmentionnés, le constat de la vacance du siège du requérant.

Par son recours introduit devant le Tribunal, le requérant a demandé d’annuler tant ladite annonce, par le président du Parlement, du constat de la vacance de son siège, que le prétendu rejet, par celui-ci, de la demande d’une députée européenne de prendre une initiative visant à confirmer son immunité.

Le Tribunal constate qu’aucun de ces deux actes ne peut être considéré comme un acte attaquable et, par conséquent, rejette le recours du requérant comme irrecevable.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, en ce qui concerne le constat, annoncé par le président du Parlement, de la vacance du siège du requérant, le Tribunal observe que le Parlement ne dispose d’aucune compétence pour contrôler la décision des autorités d’un État membre déclarant la déchéance du mandat d’un député européen en application du droit national et la décision de vacance du siège qui en résulte, l’institution étant simplement informée de cette vacance par les autorités nationales. Le Tribunal ajoute que le Parlement ne dispose pas non plus du pouvoir de refuser de tenir compte de la décision des autorités nationales constatant ladite vacance.

Ainsi, lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement n’a fait qu’informer l’institution d’une situation juridique préexistante et résultant exclusivement des décisions des autorités espagnoles. Compte tenu de son caractère purement informatif, ce constat n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que la vérification du respect, par les autorités nationales, des procédures prévues par le droit national et du droit de l’Union ne relève pas de la compétence du Parlement, mais de celle des juridictions espagnoles et, le cas échéant, de la Cour de justice lorsque celle-ci est saisie d’un recours en manquement contre l’État membre dont relèvent ces autorités.

En second lieu, quant au prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant, le Tribunal relève qu’il s’agit en réalité d’un acte inexistant, si bien que les conclusions en annulation dirigées contre lui doivent être rejetées comme étant irrecevables. En effet, ladite demande n’a été ni expressément ni implicitement rejetée par le président du Parlement. Selon le Tribunal, l’absence de réponse expresse à cette demande n’est pas constitutive d’une décision implicite de rejet de cette demande, car, en l’espèce, il n’existe ni délai à l’expiration duquel une décision implicite serait réputée être intervenue, ni circonstances exceptionnelles qui permettraient de considérer qu’une telle décision existe.

Le Tribunal ajoute que, en tout état de cause, les initiatives que le président du Parlement peut prendre sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur de cette institution constituent des avis dépourvus de caractère contraignant à l’égard des autorités nationales à qui ils sont adressés. En outre, il découle de ce même article que le président du Parlement n’est nullement contraint de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, même lorsque ce député serait arrêté ou privé de sa liberté de déplacement, en violation apparente de ses privilèges et immunités. Ce pouvoir discrétionnaire exclut le droit du requérant d’exiger du président du Parlement qu’il prenne, de manière urgente, une initiative visant à confirmer son immunité. Ainsi, le prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant ne saurait être considéré comme un acte attaquable susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

{1} L’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115) a été rendu en réponse à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Supremo (Cour suprême), introduite dans le cadre d’un recours formé par M. Junqueras i Vies devant cette dernière juridiction, par lequel il se prévalait des immunités prévues à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266).

Ordonnance du 15 décembre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (T-24/20) (cf. points 59, 60, 63-67)

167. Parlement européen - Compétences - Principe de hiérarchie des normes - Interprétation du règlement intérieur du Parlement consistant à reconnaître à l'institution des compétences non reconnues par l'acte électoral - Exclusion

Le requérant, M. Oriol Junqueras i Vies, un homme politique catalan, avait été placé en détention provisoire en Espagne dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination en 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Pendant la phase de jugement de cette procédure, il a été élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019.

À la suite de l’arrêt du 14 octobre 2019, par lequel le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges et fonctions publiques, la commission électorale centrale a, par sa décision du 3 janvier 2020, déclaré l’inéligibilité du requérant. De plus, par son ordonnance du 9 janvier 2020, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a constaté que, compte tenu de l’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies{1}, il n’y avait pas lieu d’adresser au Parlement une demande de levée de l’immunité dont aurait bénéficié le requérant en sa qualité de député européen au motif, notamment, que, lorsque le requérant avait été proclamé élu, la procédure pénale le concernant était arrivée à son terme et le délibéré avait débuté. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a précisé que, dans la mesure où le requérant avait obtenu la qualité de député européen au moment où la procédure pénale se trouvait déjà dans la phase de jugement, il ne pouvait pas invoquer une immunité pour faire obstacle à la poursuite de ce procès. En outre, une députée européenne a, entre-temps, au nom du requérant, demandé au président du Parlement de prendre d’urgence une initiative, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur du Parlement, visant à confirmer l’immunité du requérant, et de refuser de déclarer son siège vacant.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement a annoncé, à la suite de la décision de la commission électorale centrale et de l’ordonnance du Tribunal Supremo (Cour suprême) susmentionnés, le constat de la vacance du siège du requérant.

Par son recours introduit devant le Tribunal, le requérant a demandé d’annuler tant ladite annonce, par le président du Parlement, du constat de la vacance de son siège, que le prétendu rejet, par celui-ci, de la demande d’une députée européenne de prendre une initiative visant à confirmer son immunité.

Le Tribunal constate qu’aucun de ces deux actes ne peut être considéré comme un acte attaquable et, par conséquent, rejette le recours du requérant comme irrecevable.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, en ce qui concerne le constat, annoncé par le président du Parlement, de la vacance du siège du requérant, le Tribunal observe que le Parlement ne dispose d’aucune compétence pour contrôler la décision des autorités d’un État membre déclarant la déchéance du mandat d’un député européen en application du droit national et la décision de vacance du siège qui en résulte, l’institution étant simplement informée de cette vacance par les autorités nationales. Le Tribunal ajoute que le Parlement ne dispose pas non plus du pouvoir de refuser de tenir compte de la décision des autorités nationales constatant ladite vacance.

Ainsi, lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement n’a fait qu’informer l’institution d’une situation juridique préexistante et résultant exclusivement des décisions des autorités espagnoles. Compte tenu de son caractère purement informatif, ce constat n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que la vérification du respect, par les autorités nationales, des procédures prévues par le droit national et du droit de l’Union ne relève pas de la compétence du Parlement, mais de celle des juridictions espagnoles et, le cas échéant, de la Cour de justice lorsque celle-ci est saisie d’un recours en manquement contre l’État membre dont relèvent ces autorités.

En second lieu, quant au prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant, le Tribunal relève qu’il s’agit en réalité d’un acte inexistant, si bien que les conclusions en annulation dirigées contre lui doivent être rejetées comme étant irrecevables. En effet, ladite demande n’a été ni expressément ni implicitement rejetée par le président du Parlement. Selon le Tribunal, l’absence de réponse expresse à cette demande n’est pas constitutive d’une décision implicite de rejet de cette demande, car, en l’espèce, il n’existe ni délai à l’expiration duquel une décision implicite serait réputée être intervenue, ni circonstances exceptionnelles qui permettraient de considérer qu’une telle décision existe.

Le Tribunal ajoute que, en tout état de cause, les initiatives que le président du Parlement peut prendre sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur de cette institution constituent des avis dépourvus de caractère contraignant à l’égard des autorités nationales à qui ils sont adressés. En outre, il découle de ce même article que le président du Parlement n’est nullement contraint de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, même lorsque ce député serait arrêté ou privé de sa liberté de déplacement, en violation apparente de ses privilèges et immunités. Ce pouvoir discrétionnaire exclut le droit du requérant d’exiger du président du Parlement qu’il prenne, de manière urgente, une initiative visant à confirmer son immunité. Ainsi, le prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant ne saurait être considéré comme un acte attaquable susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

{1} L’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115) a été rendu en réponse à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Supremo (Cour suprême), introduite dans le cadre d’un recours formé par M. Junqueras i Vies devant cette dernière juridiction, par lequel il se prévalait des immunités prévues à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266).

Ordonnance du 15 décembre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (T-24/20) (cf. points 77-79)

168. Parlement européen - Compétences - Décision des autorités nationales constatant la vacance du siège d'un député européen sur le fondement des dispositions nationales - Compétence du Parlement pour se prononcer sur l'inexactitude matérielle de la vacance du siège - Absence

Le requérant, M. Oriol Junqueras i Vies, un homme politique catalan, avait été placé en détention provisoire en Espagne dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre lui en raison de sa participation à l’organisation du référendum d’autodétermination en 2017 dans la communauté autonome de Catalogne. Pendant la phase de jugement de cette procédure, il a été élu au Parlement européen lors des élections du 26 mai 2019.

À la suite de l’arrêt du 14 octobre 2019, par lequel le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a condamné l’intéressé à une peine de treize années de prison ainsi que, pour la même période, à une peine d’incapacité absolue d’exercer des charges et fonctions publiques, la commission électorale centrale a, par sa décision du 3 janvier 2020, déclaré l’inéligibilité du requérant. De plus, par son ordonnance du 9 janvier 2020, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a constaté que, compte tenu de l’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies{1}, il n’y avait pas lieu d’adresser au Parlement une demande de levée de l’immunité dont aurait bénéficié le requérant en sa qualité de député européen au motif, notamment, que, lorsque le requérant avait été proclamé élu, la procédure pénale le concernant était arrivée à son terme et le délibéré avait débuté. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a précisé que, dans la mesure où le requérant avait obtenu la qualité de député européen au moment où la procédure pénale se trouvait déjà dans la phase de jugement, il ne pouvait pas invoquer une immunité pour faire obstacle à la poursuite de ce procès. En outre, une députée européenne a, entre-temps, au nom du requérant, demandé au président du Parlement de prendre d’urgence une initiative, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur du Parlement, visant à confirmer l’immunité du requérant, et de refuser de déclarer son siège vacant.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement a annoncé, à la suite de la décision de la commission électorale centrale et de l’ordonnance du Tribunal Supremo (Cour suprême) susmentionnés, le constat de la vacance du siège du requérant.

Par son recours introduit devant le Tribunal, le requérant a demandé d’annuler tant ladite annonce, par le président du Parlement, du constat de la vacance de son siège, que le prétendu rejet, par celui-ci, de la demande d’une députée européenne de prendre une initiative visant à confirmer son immunité.

Le Tribunal constate qu’aucun de ces deux actes ne peut être considéré comme un acte attaquable et, par conséquent, rejette le recours du requérant comme irrecevable.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, en ce qui concerne le constat, annoncé par le président du Parlement, de la vacance du siège du requérant, le Tribunal observe que le Parlement ne dispose d’aucune compétence pour contrôler la décision des autorités d’un État membre déclarant la déchéance du mandat d’un député européen en application du droit national et la décision de vacance du siège qui en résulte, l’institution étant simplement informée de cette vacance par les autorités nationales. Le Tribunal ajoute que le Parlement ne dispose pas non plus du pouvoir de refuser de tenir compte de la décision des autorités nationales constatant ladite vacance.

Ainsi, lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement n’a fait qu’informer l’institution d’une situation juridique préexistante et résultant exclusivement des décisions des autorités espagnoles. Compte tenu de son caractère purement informatif, ce constat n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que la vérification du respect, par les autorités nationales, des procédures prévues par le droit national et du droit de l’Union ne relève pas de la compétence du Parlement, mais de celle des juridictions espagnoles et, le cas échéant, de la Cour de justice lorsque celle-ci est saisie d’un recours en manquement contre l’État membre dont relèvent ces autorités.

En second lieu, quant au prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant, le Tribunal relève qu’il s’agit en réalité d’un acte inexistant, si bien que les conclusions en annulation dirigées contre lui doivent être rejetées comme étant irrecevables. En effet, ladite demande n’a été ni expressément ni implicitement rejetée par le président du Parlement. Selon le Tribunal, l’absence de réponse expresse à cette demande n’est pas constitutive d’une décision implicite de rejet de cette demande, car, en l’espèce, il n’existe ni délai à l’expiration duquel une décision implicite serait réputée être intervenue, ni circonstances exceptionnelles qui permettraient de considérer qu’une telle décision existe.

Le Tribunal ajoute que, en tout état de cause, les initiatives que le président du Parlement peut prendre sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur de cette institution constituent des avis dépourvus de caractère contraignant à l’égard des autorités nationales à qui ils sont adressés. En outre, il découle de ce même article que le président du Parlement n’est nullement contraint de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, même lorsque ce député serait arrêté ou privé de sa liberté de déplacement, en violation apparente de ses privilèges et immunités. Ce pouvoir discrétionnaire exclut le droit du requérant d’exiger du président du Parlement qu’il prenne, de manière urgente, une initiative visant à confirmer son immunité. Ainsi, le prétendu rejet, par le président du Parlement, de la demande de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant ne saurait être considéré comme un acte attaquable susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

{1} L’arrêt de la Cour du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115) a été rendu en réponse à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Supremo (Cour suprême), introduite dans le cadre d’un recours formé par M. Junqueras i Vies devant cette dernière juridiction, par lequel il se prévalait des immunités prévues à l’article 9 du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 266).

Ordonnance du 15 décembre 2020, Junqueras i Vies / Parlement (T-24/20) (cf. points 81-84)

169. Parlement européen - Membres - Régime disciplinaire - Sanctions - Décision du président du Parlement - Réclamation - Caractère facultatif - Saisine du juge de l'Union - Admissibilité - Point de départ du délai de recours en annulation - Caractère indissociable de la décision sur la situation de harcèlement et de celle sur la sanction

La requérante a été députée au Parlement européen entre 2014 et 2019. En novembre 2017, après avoir introduit une demande d’assistance{1}, en invoquant une situation de travail difficile, deux de ses assistants parlementaires accrédités ont déposé une plainte pour harcèlement auprès du comité consultatif du Parlement chargé de cette problématique{2}.

Par deux courriers distincts du 2 octobre 2018, le président du Parlement a, après avoir examiné l’avis du comité consultatif et les observations de la requérante, adopté, d’une part, la décision concluant à l’existence d’une situation de harcèlement moral subi par les deux plaignants et, d’autre part, la décision prononçant à l’égard de la requérante, à titre de sanction pour son comportement à l’égard des deux plaignants, la perte du droit à son indemnité de séjour pour une période de douze jours.

Le 16 octobre 2018, la requérante a introduit auprès du bureau du Parlement un recours interne{3} contre la décision du président sur la sanction. Par décision du 12 novembre 2018, prononcée le 14 novembre suivant en séance plénière et notifiée le même jour, le bureau du Parlement a confirmé la décision du président sur la sanction. La requérante a alors introduit, le 11 janvier 2019, un recours en annulation à l’encontre des décisions du président tant sur la situation de harcèlement que sur la sanction et de la décision du bureau du Parlement, ainsi qu’un recours en indemnité.

Par son arrêt, le Tribunal, statuant en chambre élargie, annule les trois décisions susmentionnées et rejette le recours de la requérante pour le surplus, notamment son recours en indemnité. Il clarifie ainsi la jurisprudence en ce qui concerne, d’une part, les relations entre le droit d’être entendu et les droits de la défense, et d’autre part, les éléments devant être établis en vue d’obtenir une annulation à la suite de la constatation d’une violation des droits de la défense. Par ailleurs, le Tribunal apporte des précisions sur les limites de l’application de la règle dite « de concordance »{4} entre la réclamation et la requête.

Appréciation du Tribunal

Examinant, en premier lieu, la recevabilité de la demande en annulation, en tant qu’elle vise la décision du président sur la sanction, le Tribunal estime que l’adoption de la décision du bureau du Parlement n’empêche pas la requérante d’exercer son recours contre la décision du président sur la sanction, quand bien même cette dernière décision aurait fait l’objet d’un recours interne fondé sur l’article 167 du règlement intérieur{5}. En outre, le Tribunal considère que la requérante pouvait demander l’annulation de la décision du président sur la sanction, au plus tard, le jour de l’expiration du délai de recours calculé à compter de la notification de la décision du bureau du Parlement. En l’espèce, le Tribunal estime que la demande ne saurait être considérée comme tardive et est donc recevable.

Examinant, en second lieu, la recevabilité de la demande en annulation, en tant qu’elle vise la décision du président sur la situation de harcèlement, le Tribunal considère que le droit au recours effectif et le principe de la bonne administration de la justice exigent, d’une façon combinée, que le juge de l’Union soit saisi, en même temps, de la légalité des décisions constituant un seul et même litige, à savoir, en l’espèce, la décision constatant l’existence de faits de harcèlement et celle, qui en dépend, se prononçant sur la sanction qu’appellent de tels faits. Ainsi, la décision du président sur la situation de harcèlement étant indissociablement liée à celle sur la sanction, le délai du recours en annulation contre la première n’a commencé à courir, comme pour la seconde, qu’à partir de la notification de la décision du bureau du Parlement adoptée à la suite du recours interne. De même, le Tribunal estime que cette demande ne peut être regardée comme tardive et est donc, elle aussi, recevable.

En ce qui concerne la recevabilité du premier moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense, le Tribunal prend, au préalable, le soin de rappeler que le recours de la requérante est fondé sur l’article 263 TFUE et non pas sur l’article 270 TFUE qui vise tout litige entre l’Union et ses agents. Or, c’est dans le cadre des litiges introduits sur le fondement de cette dernière disposition et à propos de la réclamation préalable obligatoire instituée par le statut qu’a été dégagée la règle de concordance, sans qu’elle ait été étendue, à ce stade, par la Cour ou le Tribunal, aux recours qui, étant introduits sur la base de l’article 263 TFUE, sont précédés d’une phase administrative. Dès lors, le Tribunal considère que la règle de concordance n’est pas applicable à un litige tel que celui porté devant lui par la requérante et, par conséquent, que le premier moyen ne saurait être déclaré comme étant irrecevable au motif que la violation du principe du respect des droits de la défense n’aurait pas été invoquée devant le bureau du Parlement dans le cadre du recours interne.

S’agissant du bien-fondé du premier moyen, le Tribunal prend le soin de rappeler que les droits de la défense comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier et figurent au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ainsi, le Tribunal souligne que le principe général du respect des droits de la défense s’applique en l’espèce, dès lors que la procédure ouverte à l’encontre de la requérante est susceptible d’aboutir, et a abouti, à une sanction à l’encontre d’un membre du Parlement pour harcèlement. Dans une procédure visant à établir l’existence d’un harcèlement, ce principe implique que, dans le respect d’éventuelles exigences de confidentialité, la personne mise en cause se voie, préalablement à l’adoption de la décision lui faisant grief, communiquer toutes les pièces du dossier, à charge et à décharge, concernant ledit harcèlement et qu’elle soit entendue sur celles-ci. En l’espèce, le Tribunal relève que, durant la procédure ayant conduit à la constatation de la situation de harcèlement et à l’imposition de la sanction, si la requérante a été informée du contenu des plaintes des deux assistants parlementaires accrédités, elle n’a eu accès ni aux déclarations faites par ceux-ci devant le comité consultatif ni aux pièces du dossier, en particulier au contenu intégral des courriels et des textos, alors que ces différentes informations ont été prises en considération pour conclure à l’existence d’un harcèlement et sanctionner la requérante. Par conséquent, le Tribunal estime que le principe général du respect des droits de la défense de la requérante a été violé en l’espèce.

Se penchant sur les conséquences de la violation de ce principe, le Tribunal rappelle qu’une violation des droits de la défense n’entraîne l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent{6}. Cette exigence est satisfaite lorsque, n’ayant pas eu accès aux pièces qui devaient lui être communiquées en application du respect dû aux droits de la défense, une requérante n’a pu utilement faire valoir ses observations et s’est ainsi vue privée d’une chance, même réduite, de mieux assurer sa défense. Dans un tel cas, un défaut de communication de pièces du dossier sur lesquelles s’est fondée l’administration affecte, en effet, de manière inévitable, au regard de la protection due aux droits de la défense, la régularité des actes pris au terme d’une procédure susceptible d’affecter la requérante défavorablement. En l’occurrence, le Tribunal considère que, en n’ayant pas eu accès au contenu intégral du dossier, la requérante a été privée d’une chance de mieux assurer sa défense et que cette irrégularité a affecté, de manière inévitable, le contenu des décisions prises sur l’existence du harcèlement et sur la sanction.

Par conséquent, le Tribunal considère que les trois décisions en cause doivent être annulées pour violation du principe général du respect des droits de la défense.

{1} Sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

{2} Le comité sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des députés au Parlement a été institué par l’article 1er, paragraphe 1, de la réglementation interne en la matière du Parlement du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015.

{3} Sur le fondement de l’article 167 du règlement intérieur du Parlement européen.

{4} Cette règle exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen ou un chef de contestation présenté devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse ou qu’il se rattache étroitement à une critique soulevée dans le même cadre.

{5} Arrêts du 21 février 2018, LL/Parlement (C-326/16 P, EU:C:2018:83, points 34 à 37), et du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement (T-61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 45).

{6} Arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI (C-558/17 P, EU:C:2019:289, points 76 à 78) et du 25 juin 2020, HF/Parlement (C-570/18 P, EU:C:2020:490, point 73).

Arrêt du 3 février 2021, Moi / Parlement (T-17/19) (cf. points 43-47, 49-52, 77)

170. Recours des fonctionnaires - Réclamation administrative préalable - Concordance entre la réclamation et le recours - Inapplicabilité à un litige entre un député et le Parlement dans le cadre d'un recours en annulation

La requérante a été députée au Parlement européen entre 2014 et 2019. En novembre 2017, après avoir introduit une demande d’assistance{1}, en invoquant une situation de travail difficile, deux de ses assistants parlementaires accrédités ont déposé une plainte pour harcèlement auprès du comité consultatif du Parlement chargé de cette problématique{2}.

Par deux courriers distincts du 2 octobre 2018, le président du Parlement a, après avoir examiné l’avis du comité consultatif et les observations de la requérante, adopté, d’une part, la décision concluant à l’existence d’une situation de harcèlement moral subi par les deux plaignants et, d’autre part, la décision prononçant à l’égard de la requérante, à titre de sanction pour son comportement à l’égard des deux plaignants, la perte du droit à son indemnité de séjour pour une période de douze jours.

Le 16 octobre 2018, la requérante a introduit auprès du bureau du Parlement un recours interne{3} contre la décision du président sur la sanction. Par décision du 12 novembre 2018, prononcée le 14 novembre suivant en séance plénière et notifiée le même jour, le bureau du Parlement a confirmé la décision du président sur la sanction. La requérante a alors introduit, le 11 janvier 2019, un recours en annulation à l’encontre des décisions du président tant sur la situation de harcèlement que sur la sanction et de la décision du bureau du Parlement, ainsi qu’un recours en indemnité.

Par son arrêt, le Tribunal, statuant en chambre élargie, annule les trois décisions susmentionnées et rejette le recours de la requérante pour le surplus, notamment son recours en indemnité. Il clarifie ainsi la jurisprudence en ce qui concerne, d’une part, les relations entre le droit d’être entendu et les droits de la défense, et d’autre part, les éléments devant être établis en vue d’obtenir une annulation à la suite de la constatation d’une violation des droits de la défense. Par ailleurs, le Tribunal apporte des précisions sur les limites de l’application de la règle dite « de concordance »{4} entre la réclamation et la requête.

Appréciation du Tribunal

Examinant, en premier lieu, la recevabilité de la demande en annulation, en tant qu’elle vise la décision du président sur la sanction, le Tribunal estime que l’adoption de la décision du bureau du Parlement n’empêche pas la requérante d’exercer son recours contre la décision du président sur la sanction, quand bien même cette dernière décision aurait fait l’objet d’un recours interne fondé sur l’article 167 du règlement intérieur{5}. En outre, le Tribunal considère que la requérante pouvait demander l’annulation de la décision du président sur la sanction, au plus tard, le jour de l’expiration du délai de recours calculé à compter de la notification de la décision du bureau du Parlement. En l’espèce, le Tribunal estime que la demande ne saurait être considérée comme tardive et est donc recevable.

Examinant, en second lieu, la recevabilité de la demande en annulation, en tant qu’elle vise la décision du président sur la situation de harcèlement, le Tribunal considère que le droit au recours effectif et le principe de la bonne administration de la justice exigent, d’une façon combinée, que le juge de l’Union soit saisi, en même temps, de la légalité des décisions constituant un seul et même litige, à savoir, en l’espèce, la décision constatant l’existence de faits de harcèlement et celle, qui en dépend, se prononçant sur la sanction qu’appellent de tels faits. Ainsi, la décision du président sur la situation de harcèlement étant indissociablement liée à celle sur la sanction, le délai du recours en annulation contre la première n’a commencé à courir, comme pour la seconde, qu’à partir de la notification de la décision du bureau du Parlement adoptée à la suite du recours interne. De même, le Tribunal estime que cette demande ne peut être regardée comme tardive et est donc, elle aussi, recevable.

En ce qui concerne la recevabilité du premier moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense, le Tribunal prend, au préalable, le soin de rappeler que le recours de la requérante est fondé sur l’article 263 TFUE et non pas sur l’article 270 TFUE qui vise tout litige entre l’Union et ses agents. Or, c’est dans le cadre des litiges introduits sur le fondement de cette dernière disposition et à propos de la réclamation préalable obligatoire instituée par le statut qu’a été dégagée la règle de concordance, sans qu’elle ait été étendue, à ce stade, par la Cour ou le Tribunal, aux recours qui, étant introduits sur la base de l’article 263 TFUE, sont précédés d’une phase administrative. Dès lors, le Tribunal considère que la règle de concordance n’est pas applicable à un litige tel que celui porté devant lui par la requérante et, par conséquent, que le premier moyen ne saurait être déclaré comme étant irrecevable au motif que la violation du principe du respect des droits de la défense n’aurait pas été invoquée devant le bureau du Parlement dans le cadre du recours interne.

S’agissant du bien-fondé du premier moyen, le Tribunal prend le soin de rappeler que les droits de la défense comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier et figurent au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ainsi, le Tribunal souligne que le principe général du respect des droits de la défense s’applique en l’espèce, dès lors que la procédure ouverte à l’encontre de la requérante est susceptible d’aboutir, et a abouti, à une sanction à l’encontre d’un membre du Parlement pour harcèlement. Dans une procédure visant à établir l’existence d’un harcèlement, ce principe implique que, dans le respect d’éventuelles exigences de confidentialité, la personne mise en cause se voie, préalablement à l’adoption de la décision lui faisant grief, communiquer toutes les pièces du dossier, à charge et à décharge, concernant ledit harcèlement et qu’elle soit entendue sur celles-ci. En l’espèce, le Tribunal relève que, durant la procédure ayant conduit à la constatation de la situation de harcèlement et à l’imposition de la sanction, si la requérante a été informée du contenu des plaintes des deux assistants parlementaires accrédités, elle n’a eu accès ni aux déclarations faites par ceux-ci devant le comité consultatif ni aux pièces du dossier, en particulier au contenu intégral des courriels et des textos, alors que ces différentes informations ont été prises en considération pour conclure à l’existence d’un harcèlement et sanctionner la requérante. Par conséquent, le Tribunal estime que le principe général du respect des droits de la défense de la requérante a été violé en l’espèce.

Se penchant sur les conséquences de la violation de ce principe, le Tribunal rappelle qu’une violation des droits de la défense n’entraîne l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent{6}. Cette exigence est satisfaite lorsque, n’ayant pas eu accès aux pièces qui devaient lui être communiquées en application du respect dû aux droits de la défense, une requérante n’a pu utilement faire valoir ses observations et s’est ainsi vue privée d’une chance, même réduite, de mieux assurer sa défense. Dans un tel cas, un défaut de communication de pièces du dossier sur lesquelles s’est fondée l’administration affecte, en effet, de manière inévitable, au regard de la protection due aux droits de la défense, la régularité des actes pris au terme d’une procédure susceptible d’affecter la requérante défavorablement. En l’occurrence, le Tribunal considère que, en n’ayant pas eu accès au contenu intégral du dossier, la requérante a été privée d’une chance de mieux assurer sa défense et que cette irrégularité a affecté, de manière inévitable, le contenu des décisions prises sur l’existence du harcèlement et sur la sanction.

Par conséquent, le Tribunal considère que les trois décisions en cause doivent être annulées pour violation du principe général du respect des droits de la défense.

{1} Sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

{2} Le comité sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des députés au Parlement a été institué par l’article 1er, paragraphe 1, de la réglementation interne en la matière du Parlement du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015.

{3} Sur le fondement de l’article 167 du règlement intérieur du Parlement européen.

{4} Cette règle exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen ou un chef de contestation présenté devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse ou qu’il se rattache étroitement à une critique soulevée dans le même cadre.

{5} Arrêts du 21 février 2018, LL/Parlement (C-326/16 P, EU:C:2018:83, points 34 à 37), et du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement (T-61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 45).

{6} Arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI (C-558/17 P, EU:C:2019:289, points 76 à 78) et du 25 juin 2020, HF/Parlement (C-570/18 P, EU:C:2020:490, point 73).

Arrêt du 3 février 2021, Moi / Parlement (T-17/19) (cf. points 84-90)

171. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits de la défense - Application à toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci - Principe devant être assuré même en l'absence de toute réglementation régissant la procédure en cause - Portée - Procédure visant à établir l'existence d'un harcèlement par un membre du Parlement européen - Communication obligatoire à la personne accusée de harcèlement de toutes les pièces du dossier concernant celui-ci - Violation du principe du respect des droits de la défense - Conséquences

La requérante a été députée au Parlement européen entre 2014 et 2019. En novembre 2017, après avoir introduit une demande d’assistance{1}, en invoquant une situation de travail difficile, deux de ses assistants parlementaires accrédités ont déposé une plainte pour harcèlement auprès du comité consultatif du Parlement chargé de cette problématique{2}.

Par deux courriers distincts du 2 octobre 2018, le président du Parlement a, après avoir examiné l’avis du comité consultatif et les observations de la requérante, adopté, d’une part, la décision concluant à l’existence d’une situation de harcèlement moral subi par les deux plaignants et, d’autre part, la décision prononçant à l’égard de la requérante, à titre de sanction pour son comportement à l’égard des deux plaignants, la perte du droit à son indemnité de séjour pour une période de douze jours.

Le 16 octobre 2018, la requérante a introduit auprès du bureau du Parlement un recours interne{3} contre la décision du président sur la sanction. Par décision du 12 novembre 2018, prononcée le 14 novembre suivant en séance plénière et notifiée le même jour, le bureau du Parlement a confirmé la décision du président sur la sanction. La requérante a alors introduit, le 11 janvier 2019, un recours en annulation à l’encontre des décisions du président tant sur la situation de harcèlement que sur la sanction et de la décision du bureau du Parlement, ainsi qu’un recours en indemnité.

Par son arrêt, le Tribunal, statuant en chambre élargie, annule les trois décisions susmentionnées et rejette le recours de la requérante pour le surplus, notamment son recours en indemnité. Il clarifie ainsi la jurisprudence en ce qui concerne, d’une part, les relations entre le droit d’être entendu et les droits de la défense, et d’autre part, les éléments devant être établis en vue d’obtenir une annulation à la suite de la constatation d’une violation des droits de la défense. Par ailleurs, le Tribunal apporte des précisions sur les limites de l’application de la règle dite « de concordance »{4} entre la réclamation et la requête.

Appréciation du Tribunal

Examinant, en premier lieu, la recevabilité de la demande en annulation, en tant qu’elle vise la décision du président sur la sanction, le Tribunal estime que l’adoption de la décision du bureau du Parlement n’empêche pas la requérante d’exercer son recours contre la décision du président sur la sanction, quand bien même cette dernière décision aurait fait l’objet d’un recours interne fondé sur l’article 167 du règlement intérieur{5}. En outre, le Tribunal considère que la requérante pouvait demander l’annulation de la décision du président sur la sanction, au plus tard, le jour de l’expiration du délai de recours calculé à compter de la notification de la décision du bureau du Parlement. En l’espèce, le Tribunal estime que la demande ne saurait être considérée comme tardive et est donc recevable.

Examinant, en second lieu, la recevabilité de la demande en annulation, en tant qu’elle vise la décision du président sur la situation de harcèlement, le Tribunal considère que le droit au recours effectif et le principe de la bonne administration de la justice exigent, d’une façon combinée, que le juge de l’Union soit saisi, en même temps, de la légalité des décisions constituant un seul et même litige, à savoir, en l’espèce, la décision constatant l’existence de faits de harcèlement et celle, qui en dépend, se prononçant sur la sanction qu’appellent de tels faits. Ainsi, la décision du président sur la situation de harcèlement étant indissociablement liée à celle sur la sanction, le délai du recours en annulation contre la première n’a commencé à courir, comme pour la seconde, qu’à partir de la notification de la décision du bureau du Parlement adoptée à la suite du recours interne. De même, le Tribunal estime que cette demande ne peut être regardée comme tardive et est donc, elle aussi, recevable.

En ce qui concerne la recevabilité du premier moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense, le Tribunal prend, au préalable, le soin de rappeler que le recours de la requérante est fondé sur l’article 263 TFUE et non pas sur l’article 270 TFUE qui vise tout litige entre l’Union et ses agents. Or, c’est dans le cadre des litiges introduits sur le fondement de cette dernière disposition et à propos de la réclamation préalable obligatoire instituée par le statut qu’a été dégagée la règle de concordance, sans qu’elle ait été étendue, à ce stade, par la Cour ou le Tribunal, aux recours qui, étant introduits sur la base de l’article 263 TFUE, sont précédés d’une phase administrative. Dès lors, le Tribunal considère que la règle de concordance n’est pas applicable à un litige tel que celui porté devant lui par la requérante et, par conséquent, que le premier moyen ne saurait être déclaré comme étant irrecevable au motif que la violation du principe du respect des droits de la défense n’aurait pas été invoquée devant le bureau du Parlement dans le cadre du recours interne.

S’agissant du bien-fondé du premier moyen, le Tribunal prend le soin de rappeler que les droits de la défense comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier et figurent au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ainsi, le Tribunal souligne que le principe général du respect des droits de la défense s’applique en l’espèce, dès lors que la procédure ouverte à l’encontre de la requérante est susceptible d’aboutir, et a abouti, à une sanction à l’encontre d’un membre du Parlement pour harcèlement. Dans une procédure visant à établir l’existence d’un harcèlement, ce principe implique que, dans le respect d’éventuelles exigences de confidentialité, la personne mise en cause se voie, préalablement à l’adoption de la décision lui faisant grief, communiquer toutes les pièces du dossier, à charge et à décharge, concernant ledit harcèlement et qu’elle soit entendue sur celles-ci. En l’espèce, le Tribunal relève que, durant la procédure ayant conduit à la constatation de la situation de harcèlement et à l’imposition de la sanction, si la requérante a été informée du contenu des plaintes des deux assistants parlementaires accrédités, elle n’a eu accès ni aux déclarations faites par ceux-ci devant le comité consultatif ni aux pièces du dossier, en particulier au contenu intégral des courriels et des textos, alors que ces différentes informations ont été prises en considération pour conclure à l’existence d’un harcèlement et sanctionner la requérante. Par conséquent, le Tribunal estime que le principe général du respect des droits de la défense de la requérante a été violé en l’espèce.

Se penchant sur les conséquences de la violation de ce principe, le Tribunal rappelle qu’une violation des droits de la défense n’entraîne l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent{6}. Cette exigence est satisfaite lorsque, n’ayant pas eu accès aux pièces qui devaient lui être communiquées en application du respect dû aux droits de la défense, une requérante n’a pu utilement faire valoir ses observations et s’est ainsi vue privée d’une chance, même réduite, de mieux assurer sa défense. Dans un tel cas, un défaut de communication de pièces du dossier sur lesquelles s’est fondée l’administration affecte, en effet, de manière inévitable, au regard de la protection due aux droits de la défense, la régularité des actes pris au terme d’une procédure susceptible d’affecter la requérante défavorablement. En l’occurrence, le Tribunal considère que, en n’ayant pas eu accès au contenu intégral du dossier, la requérante a été privée d’une chance de mieux assurer sa défense et que cette irrégularité a affecté, de manière inévitable, le contenu des décisions prises sur l’existence du harcèlement et sur la sanction.

Par conséquent, le Tribunal considère que les trois décisions en cause doivent être annulées pour violation du principe général du respect des droits de la défense.

{1} Sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

{2} Le comité sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des députés au Parlement a été institué par l’article 1er, paragraphe 1, de la réglementation interne en la matière du Parlement du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015.

{3} Sur le fondement de l’article 167 du règlement intérieur du Parlement européen.

{4} Cette règle exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen ou un chef de contestation présenté devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse ou qu’il se rattache étroitement à une critique soulevée dans le même cadre.

{5} Arrêts du 21 février 2018, LL/Parlement (C-326/16 P, EU:C:2018:83, points 34 à 37), et du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement (T-61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 45).

{6} Arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI (C-558/17 P, EU:C:2019:289, points 76 à 78) et du 25 juin 2020, HF/Parlement (C-570/18 P, EU:C:2020:490, point 73).

Arrêt du 3 février 2021, Moi / Parlement (T-17/19) (cf. points 91-105, 107-110, 112, 114-120, 122-125, 127, 132-134)

172. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant d'une pension d'un ancien député européen - Principe de protection de la confiance légitime - Violation - Absence



Arrêt du 10 février 2021, Forte / Parlement (T-519/19) (cf. points 109-113)



Arrêt du 5 mai 2021, Falqui / Parlement (T-695/19) (cf. points 94-98)

173. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant d'une pension d'un ancien député européen - Restriction du droit de propriété - Violation du principe de proportionnalité - Absence



Arrêt du 10 février 2021, Forte / Parlement (T-519/19) (cf. points 119-123, 126, 128-130, 133-141)

174. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Décision nationale d'une Chambre des députés portant modification du montant des pensions des anciens députés nationaux - Exclusion - Note et décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant d'une pension d'un ancien député européen, en application de cette décision nationale - Inclusion



Arrêt du 10 février 2021, Forte / Parlement (T-519/19) (cf. points 50, 51, 53)



Arrêt du 5 mai 2021, Falqui / Parlement (T-695/19) (cf. points 41-43, 45)

175. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant d'une pension d'un ancien député européen - Modification effectuée en application de la règle de pension identique et des règles nationales y relatives - Absence de marge d'appréciation quant au mode de calcul de cette pension - Absence d'obligation de procéder à une vérification approfondie de la compatibilité des règles nationales correspondantes aux principes généraux et à d'autres dispositions du droit de l'Union



Arrêt du 10 février 2021, Forte / Parlement (T-519/19) (cf. points 59, 60, 66-70)

176. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant d'une pension d'un ancien député européen - Droits à pension acquis avant l'entrée en vigueur dudit statut - Absence de garantie quant à l'immuabilité du montant des pensions



Arrêt du 10 février 2021, Forte / Parlement (T-519/19) (cf. points 78-82, 84-86)

177. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant d'une pension d'un ancien député européen - Règle de pension identique - Non-rétroactivité - Principe de sécurité juridique - Violation - Absence



Arrêt du 10 février 2021, Forte / Parlement (T-519/19) (cf. points 95-103)



Arrêt du 5 mai 2021, Falqui / Parlement (T-695/19) (cf. points 81, 82, 84-88, 90-92)

178. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Statut unique des députés européens - Décision de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant d'une pension d'un ancien député européen - Justification tirée de la poursuite d'un objectif légitime - Violation du principe de proportionnalité - Absence



Arrêt du 5 mai 2021, Falqui / Parlement (T-695/19) (cf. points 100-110)

179. Actes des institutions - Décision modifiant la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés au Parlement européen - Acte de portée générale - Procédure de réclamation - Inapplicabilité - Préservation du délai de recours contentieux - Absence - Tardiveté du recours - Irrecevabilité



Arrêt du 6 mai 2021, Gollnisch / Parlement (C-122/20 P) (cf. points 65-67)

180. Recours en annulation - Compétence de la Cour - Actes adoptés au titre de l'article 7, paragraphe 1, TUE - Résolution du Parlement européen relative à une proposition invitant le Conseil de l'Union européenne à constater l'existence d'un risque clair de violation grave, par un État membre, des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée - Compétence générale pour contrôler la légalité des actes des institutions de l'Union - Portée

Le 12 septembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution{1} relative à une proposition invitant le Conseil de l’Union européenne à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, TUE{2}, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette déclaration a déclenché la procédure prévue à l’article 7 TUE, susceptible d’aboutir à la suspension de certains droits résultant de l’appartenance de l’État membre concerné à l’Union.

En vertu de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE qui fixe les modalités de vote aux fins de l’application de l’article 7 TUE, l’adoption par le Parlement de la résolution en cause requérait la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des membres qui le composent. Faisant une application de son règlement intérieur qui prévoit que, pour l’adoption ou le rejet d’un texte, seules les voix « pour » et « contre » sont prises en compte, sauf dans les cas où les traités prévoient une majorité spécifique{3}, le Parlement n’a pris en considération, dans le cadre du calcul des votes sur la résolution en cause, que les votes favorables et défavorables de ses membres et a exclu les abstentions{4}.

Considérant que, lors du calcul des suffrages exprimés, le Parlement aurait dû tenir compte des abstentions, la Hongrie a introduit, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours tendant à l’annulation de cette résolution.

La Cour, réunie en grande chambre, rejette ce recours. Elle constate, en premier lieu, que la résolution attaquée peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel au titre de l’article 263 TFUE. En second lieu, elle considère que les abstentions des parlementaires ne doivent pas être comptabilisées afin de déterminer si la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, visée à l’article 354 TFUE, est atteinte.

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour se prononce d’abord sur sa compétence afin de statuer sur le présent recours, puis sur la recevabilité de ce dernier.

Tout d’abord, elle constate que l’article 269 TFUE, qui prévoit une possibilité limitée d’introduire un recours en annulation contre les actes adoptés par le Conseil européen ou le Conseil dans le cadre de la procédure visée à l’article 7 TUE, n’est pas de nature à exclure la compétence de la Cour pour connaître du présent recours. En effet, en soumettant ce droit de recours à des conditions plus strictes que celles imposées par l’article 263 TFUE, l’article 269 TFUE comporte une limitation à la compétence générale de la Cour de justice de l’Union européenne pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union et doit, partant, être interprété de manière restrictive. En outre, les résolutions du Parlement, adoptées au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE, ne sont pas mentionnées à l’article 269 TFUE. Ainsi, les auteurs des traités n’ont pas entendu exclure un acte tel que la résolution attaquée de la compétence générale reconnue à la Cour de justice de l’Union européenne par l’article 263 TFUE. Une telle interprétation est d’ailleurs de nature à contribuer au respect du principe selon lequel l’Union européenne est une Union de droit ayant établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour de justice de l’Union européenne le contrôle de la légalité des actes des institutions de l’Union.

Ensuite, la Cour considère que la résolution attaquée constitue un acte attaquable. En effet, elle produit des effets de droit obligatoires dès son adoption dans la mesure où, tant que le Conseil ne s’est pas prononcé sur les suites à y donner, cette résolution a pour effet immédiat de lever l’interdiction pesant sur les États membres de prendre en considération ou de déclarer admissible pour instruction une demande d’asile introduite par un ressortissant hongrois{5}.

En outre, la résolution attaquée ne constitue pas un acte intermédiaire dont la légalité ne pourrait être contestée qu’à l’occasion d’un litige portant sur l’acte définitif dont il constitue une étape d’élaboration. En effet, d’une part, en adoptant cette résolution, le Parlement n’a pas exprimé une position provisoire, même si la constatation ultérieure par le Conseil de l’existence d’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs de l’Union est encore subordonnée à l’approbation préalable du Parlement. D’autre part, la résolution en cause produit des effets juridiques autonomes dans la mesure où, même si l’État membre concerné peut invoquer l’illégalité de cette résolution à l’appui de son éventuel recours en annulation contre la constatation ultérieure du Conseil, le succès éventuel de ce dernier recours ne permettrait pas, en tout état de cause, d’effacer l’intégralité des effets obligatoires de ladite résolution.

La Cour souligne toutefois que certaines conditions spécifiques, prévues à l’article 269 TFUE, auxquelles est soumise l’introduction d’un recours en annulation dirigé contre la constatation du Conseil, susceptible d’être adoptée à la suite d’une proposition motivée du Parlement telle que la résolution attaquée, doivent également s’appliquer à un recours en annulation, dirigé, en vertu de l’article 263 TFUE, contre une telle proposition motivée et ce, sous peine de priver l’article 269 TFUE de son effet utile. Ainsi, ce dernier recours ne peut être introduit que par l’État membre faisant l’objet de la proposition motivée et les moyens d’annulation invoqués à l’appui d’un tel recours ne peuvent être pris que de la violation des règles procédurales visées à l’article 7 TUE.

En second lieu, se prononçant sur le fond, la Cour observe que la notion de « suffrages exprimés », figurant à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est pas définie dans les traités et que cette notion autonome du droit de l’Union doit être interprétée conformément à son sens habituel dans le langage courant. Or, cette notion, dans son sens habituel, n’englobe que la manifestation d’un vote positif ou négatif sur une proposition donnée tandis que l’abstention, comprise comme le fait de refuser de prendre position, ne saurait être assimilée à un « suffrage exprimé ». Partant, la règle visée à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, imposant un vote à la majorité des suffrages exprimés, doit être interprétée comme excluant la prise en compte des abstentions.

Cela étant, après avoir rappelé que l’article 354, quatrième alinéa, TFUE comporte une double exigence de majorité, à savoir que les actes adoptés par le Parlement au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE doivent recueillir, d’une part, l’accord des deux tiers des suffrages exprimés et, d’autre part, l’accord de la majorité des membres du Parlement, la Cour relève que, en tout état de cause, les abstentions sont prises en compte pour vérifier que les suffrages favorables représentent la majorité des membres du Parlement.

Enfin, la Cour considère que l’exclusion des abstentions du décompte des suffrages exprimés, au sens de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est contraire ni au principe de démocratie ni à celui d’égalité de traitement au vu, notamment, du fait que les parlementaires qui se sont abstenus à l’occasion du vote ont agi en connaissance de cause, car ils avaient été préalablement informés de la non-prise en compte des abstentions dans le calcul des suffrages exprimés.

{1} Résolution [2017/2131(INL)] (JO 2019, C 433, p. 66).

{2} L’article 7, paragraphe 1, TUE prévoit : « Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables. »

{3} Article 178, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{4} La résolution a été adoptée par 448 voix pour et 197 voix contre, 48 membres présents s’étant abstenus.

{5} En vertu de l’article unique, sous b), du protocole (nº 24) sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 305).

Arrêt du 3 juin 2021, Hongrie / Parlement (C-650/18) (cf. points 31-36)

181. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Résolution du Parlement européen relative à la proposition invitant le Conseil de l'Union européenne à constater l'existence d'un risque clair de violation grave, par un État membre, des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée - Résolution modifiant la situation de l'État membre faisant l'objet de cette résolution, dans le domaine du droit d'asile - Inclusion

Le 12 septembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution{1} relative à une proposition invitant le Conseil de l’Union européenne à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, TUE{2}, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette déclaration a déclenché la procédure prévue à l’article 7 TUE, susceptible d’aboutir à la suspension de certains droits résultant de l’appartenance de l’État membre concerné à l’Union.

En vertu de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE qui fixe les modalités de vote aux fins de l’application de l’article 7 TUE, l’adoption par le Parlement de la résolution en cause requérait la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des membres qui le composent. Faisant une application de son règlement intérieur qui prévoit que, pour l’adoption ou le rejet d’un texte, seules les voix « pour » et « contre » sont prises en compte, sauf dans les cas où les traités prévoient une majorité spécifique{3}, le Parlement n’a pris en considération, dans le cadre du calcul des votes sur la résolution en cause, que les votes favorables et défavorables de ses membres et a exclu les abstentions{4}.

Considérant que, lors du calcul des suffrages exprimés, le Parlement aurait dû tenir compte des abstentions, la Hongrie a introduit, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours tendant à l’annulation de cette résolution.

La Cour, réunie en grande chambre, rejette ce recours. Elle constate, en premier lieu, que la résolution attaquée peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel au titre de l’article 263 TFUE. En second lieu, elle considère que les abstentions des parlementaires ne doivent pas être comptabilisées afin de déterminer si la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, visée à l’article 354 TFUE, est atteinte.

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour se prononce d’abord sur sa compétence afin de statuer sur le présent recours, puis sur la recevabilité de ce dernier.

Tout d’abord, elle constate que l’article 269 TFUE, qui prévoit une possibilité limitée d’introduire un recours en annulation contre les actes adoptés par le Conseil européen ou le Conseil dans le cadre de la procédure visée à l’article 7 TUE, n’est pas de nature à exclure la compétence de la Cour pour connaître du présent recours. En effet, en soumettant ce droit de recours à des conditions plus strictes que celles imposées par l’article 263 TFUE, l’article 269 TFUE comporte une limitation à la compétence générale de la Cour de justice de l’Union européenne pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union et doit, partant, être interprété de manière restrictive. En outre, les résolutions du Parlement, adoptées au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE, ne sont pas mentionnées à l’article 269 TFUE. Ainsi, les auteurs des traités n’ont pas entendu exclure un acte tel que la résolution attaquée de la compétence générale reconnue à la Cour de justice de l’Union européenne par l’article 263 TFUE. Une telle interprétation est d’ailleurs de nature à contribuer au respect du principe selon lequel l’Union européenne est une Union de droit ayant établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour de justice de l’Union européenne le contrôle de la légalité des actes des institutions de l’Union.

Ensuite, la Cour considère que la résolution attaquée constitue un acte attaquable. En effet, elle produit des effets de droit obligatoires dès son adoption dans la mesure où, tant que le Conseil ne s’est pas prononcé sur les suites à y donner, cette résolution a pour effet immédiat de lever l’interdiction pesant sur les États membres de prendre en considération ou de déclarer admissible pour instruction une demande d’asile introduite par un ressortissant hongrois{5}.

En outre, la résolution attaquée ne constitue pas un acte intermédiaire dont la légalité ne pourrait être contestée qu’à l’occasion d’un litige portant sur l’acte définitif dont il constitue une étape d’élaboration. En effet, d’une part, en adoptant cette résolution, le Parlement n’a pas exprimé une position provisoire, même si la constatation ultérieure par le Conseil de l’existence d’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs de l’Union est encore subordonnée à l’approbation préalable du Parlement. D’autre part, la résolution en cause produit des effets juridiques autonomes dans la mesure où, même si l’État membre concerné peut invoquer l’illégalité de cette résolution à l’appui de son éventuel recours en annulation contre la constatation ultérieure du Conseil, le succès éventuel de ce dernier recours ne permettrait pas, en tout état de cause, d’effacer l’intégralité des effets obligatoires de ladite résolution.

La Cour souligne toutefois que certaines conditions spécifiques, prévues à l’article 269 TFUE, auxquelles est soumise l’introduction d’un recours en annulation dirigé contre la constatation du Conseil, susceptible d’être adoptée à la suite d’une proposition motivée du Parlement telle que la résolution attaquée, doivent également s’appliquer à un recours en annulation, dirigé, en vertu de l’article 263 TFUE, contre une telle proposition motivée et ce, sous peine de priver l’article 269 TFUE de son effet utile. Ainsi, ce dernier recours ne peut être introduit que par l’État membre faisant l’objet de la proposition motivée et les moyens d’annulation invoqués à l’appui d’un tel recours ne peuvent être pris que de la violation des règles procédurales visées à l’article 7 TUE.

En second lieu, se prononçant sur le fond, la Cour observe que la notion de « suffrages exprimés », figurant à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est pas définie dans les traités et que cette notion autonome du droit de l’Union doit être interprétée conformément à son sens habituel dans le langage courant. Or, cette notion, dans son sens habituel, n’englobe que la manifestation d’un vote positif ou négatif sur une proposition donnée tandis que l’abstention, comprise comme le fait de refuser de prendre position, ne saurait être assimilée à un « suffrage exprimé ». Partant, la règle visée à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, imposant un vote à la majorité des suffrages exprimés, doit être interprétée comme excluant la prise en compte des abstentions.

Cela étant, après avoir rappelé que l’article 354, quatrième alinéa, TFUE comporte une double exigence de majorité, à savoir que les actes adoptés par le Parlement au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE doivent recueillir, d’une part, l’accord des deux tiers des suffrages exprimés et, d’autre part, l’accord de la majorité des membres du Parlement, la Cour relève que, en tout état de cause, les abstentions sont prises en compte pour vérifier que les suffrages favorables représentent la majorité des membres du Parlement.

Enfin, la Cour considère que l’exclusion des abstentions du décompte des suffrages exprimés, au sens de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est contraire ni au principe de démocratie ni à celui d’égalité de traitement au vu, notamment, du fait que les parlementaires qui se sont abstenus à l’occasion du vote ont agi en connaissance de cause, car ils avaient été préalablement informés de la non-prise en compte des abstentions dans le calcul des suffrages exprimés.

{1} Résolution [2017/2131(INL)] (JO 2019, C 433, p. 66).

{2} L’article 7, paragraphe 1, TUE prévoit : « Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables. »

{3} Article 178, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{4} La résolution a été adoptée par 448 voix pour et 197 voix contre, 48 membres présents s’étant abstenus.

{5} En vertu de l’article unique, sous b), du protocole (nº 24) sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 305).

Arrêt du 3 juin 2021, Hongrie / Parlement (C-650/18) (cf. points 37-41, 49)

182. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Actes préparatoires - Exclusion - Résolution du Parlement européen relative à une proposition invitant le Conseil de l'Union européenne à constater l'existence d'un risque clair de violation grave, par un État membre, des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée - Acte n'exprimant pas une opinion provisoire - Acte produisant des effets juridiques autonomes - Inclusion

Le 12 septembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution{1} relative à une proposition invitant le Conseil de l’Union européenne à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, TUE{2}, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette déclaration a déclenché la procédure prévue à l’article 7 TUE, susceptible d’aboutir à la suspension de certains droits résultant de l’appartenance de l’État membre concerné à l’Union.

En vertu de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE qui fixe les modalités de vote aux fins de l’application de l’article 7 TUE, l’adoption par le Parlement de la résolution en cause requérait la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des membres qui le composent. Faisant une application de son règlement intérieur qui prévoit que, pour l’adoption ou le rejet d’un texte, seules les voix « pour » et « contre » sont prises en compte, sauf dans les cas où les traités prévoient une majorité spécifique{3}, le Parlement n’a pris en considération, dans le cadre du calcul des votes sur la résolution en cause, que les votes favorables et défavorables de ses membres et a exclu les abstentions{4}.

Considérant que, lors du calcul des suffrages exprimés, le Parlement aurait dû tenir compte des abstentions, la Hongrie a introduit, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours tendant à l’annulation de cette résolution.

La Cour, réunie en grande chambre, rejette ce recours. Elle constate, en premier lieu, que la résolution attaquée peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel au titre de l’article 263 TFUE. En second lieu, elle considère que les abstentions des parlementaires ne doivent pas être comptabilisées afin de déterminer si la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, visée à l’article 354 TFUE, est atteinte.

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour se prononce d’abord sur sa compétence afin de statuer sur le présent recours, puis sur la recevabilité de ce dernier.

Tout d’abord, elle constate que l’article 269 TFUE, qui prévoit une possibilité limitée d’introduire un recours en annulation contre les actes adoptés par le Conseil européen ou le Conseil dans le cadre de la procédure visée à l’article 7 TUE, n’est pas de nature à exclure la compétence de la Cour pour connaître du présent recours. En effet, en soumettant ce droit de recours à des conditions plus strictes que celles imposées par l’article 263 TFUE, l’article 269 TFUE comporte une limitation à la compétence générale de la Cour de justice de l’Union européenne pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union et doit, partant, être interprété de manière restrictive. En outre, les résolutions du Parlement, adoptées au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE, ne sont pas mentionnées à l’article 269 TFUE. Ainsi, les auteurs des traités n’ont pas entendu exclure un acte tel que la résolution attaquée de la compétence générale reconnue à la Cour de justice de l’Union européenne par l’article 263 TFUE. Une telle interprétation est d’ailleurs de nature à contribuer au respect du principe selon lequel l’Union européenne est une Union de droit ayant établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour de justice de l’Union européenne le contrôle de la légalité des actes des institutions de l’Union.

Ensuite, la Cour considère que la résolution attaquée constitue un acte attaquable. En effet, elle produit des effets de droit obligatoires dès son adoption dans la mesure où, tant que le Conseil ne s’est pas prononcé sur les suites à y donner, cette résolution a pour effet immédiat de lever l’interdiction pesant sur les États membres de prendre en considération ou de déclarer admissible pour instruction une demande d’asile introduite par un ressortissant hongrois{5}.

En outre, la résolution attaquée ne constitue pas un acte intermédiaire dont la légalité ne pourrait être contestée qu’à l’occasion d’un litige portant sur l’acte définitif dont il constitue une étape d’élaboration. En effet, d’une part, en adoptant cette résolution, le Parlement n’a pas exprimé une position provisoire, même si la constatation ultérieure par le Conseil de l’existence d’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs de l’Union est encore subordonnée à l’approbation préalable du Parlement. D’autre part, la résolution en cause produit des effets juridiques autonomes dans la mesure où, même si l’État membre concerné peut invoquer l’illégalité de cette résolution à l’appui de son éventuel recours en annulation contre la constatation ultérieure du Conseil, le succès éventuel de ce dernier recours ne permettrait pas, en tout état de cause, d’effacer l’intégralité des effets obligatoires de ladite résolution.

La Cour souligne toutefois que certaines conditions spécifiques, prévues à l’article 269 TFUE, auxquelles est soumise l’introduction d’un recours en annulation dirigé contre la constatation du Conseil, susceptible d’être adoptée à la suite d’une proposition motivée du Parlement telle que la résolution attaquée, doivent également s’appliquer à un recours en annulation, dirigé, en vertu de l’article 263 TFUE, contre une telle proposition motivée et ce, sous peine de priver l’article 269 TFUE de son effet utile. Ainsi, ce dernier recours ne peut être introduit que par l’État membre faisant l’objet de la proposition motivée et les moyens d’annulation invoqués à l’appui d’un tel recours ne peuvent être pris que de la violation des règles procédurales visées à l’article 7 TUE.

En second lieu, se prononçant sur le fond, la Cour observe que la notion de « suffrages exprimés », figurant à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est pas définie dans les traités et que cette notion autonome du droit de l’Union doit être interprétée conformément à son sens habituel dans le langage courant. Or, cette notion, dans son sens habituel, n’englobe que la manifestation d’un vote positif ou négatif sur une proposition donnée tandis que l’abstention, comprise comme le fait de refuser de prendre position, ne saurait être assimilée à un « suffrage exprimé ». Partant, la règle visée à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, imposant un vote à la majorité des suffrages exprimés, doit être interprétée comme excluant la prise en compte des abstentions.

Cela étant, après avoir rappelé que l’article 354, quatrième alinéa, TFUE comporte une double exigence de majorité, à savoir que les actes adoptés par le Parlement au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE doivent recueillir, d’une part, l’accord des deux tiers des suffrages exprimés et, d’autre part, l’accord de la majorité des membres du Parlement, la Cour relève que, en tout état de cause, les abstentions sont prises en compte pour vérifier que les suffrages favorables représentent la majorité des membres du Parlement.

Enfin, la Cour considère que l’exclusion des abstentions du décompte des suffrages exprimés, au sens de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est contraire ni au principe de démocratie ni à celui d’égalité de traitement au vu, notamment, du fait que les parlementaires qui se sont abstenus à l’occasion du vote ont agi en connaissance de cause, car ils avaient été préalablement informés de la non-prise en compte des abstentions dans le calcul des suffrages exprimés.

{1} Résolution [2017/2131(INL)] (JO 2019, C 433, p. 66).

{2} L’article 7, paragraphe 1, TUE prévoit : « Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables. »

{3} Article 178, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{4} La résolution a été adoptée par 448 voix pour et 197 voix contre, 48 membres présents s’étant abstenus.

{5} En vertu de l’article unique, sous b), du protocole (nº 24) sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 305).

Arrêt du 3 juin 2021, Hongrie / Parlement (C-650/18) (cf. points 43-48)

183. Recours en annulation - Compétence de la Cour - Actes adoptés au titre de l'article 7, paragraphe 1, TUE - Résolution du Parlement européen relative à une proposition invitant le Conseil de l'Union européenne à constater l'existence d'un risque clair de violation grave, par un État membre, des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée - Compétence générale pour contrôler la légalité des actes des institutions de l'Union - Limitation de la compétence générale par l'article 269 TFUE - Conditions spécifiques - Application à un recours introduit en vertu de l'article 263 TFUE - Effet utile

Le 12 septembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution{1} relative à une proposition invitant le Conseil de l’Union européenne à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, TUE{2}, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette déclaration a déclenché la procédure prévue à l’article 7 TUE, susceptible d’aboutir à la suspension de certains droits résultant de l’appartenance de l’État membre concerné à l’Union.

En vertu de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE qui fixe les modalités de vote aux fins de l’application de l’article 7 TUE, l’adoption par le Parlement de la résolution en cause requérait la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des membres qui le composent. Faisant une application de son règlement intérieur qui prévoit que, pour l’adoption ou le rejet d’un texte, seules les voix « pour » et « contre » sont prises en compte, sauf dans les cas où les traités prévoient une majorité spécifique{3}, le Parlement n’a pris en considération, dans le cadre du calcul des votes sur la résolution en cause, que les votes favorables et défavorables de ses membres et a exclu les abstentions{4}.

Considérant que, lors du calcul des suffrages exprimés, le Parlement aurait dû tenir compte des abstentions, la Hongrie a introduit, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours tendant à l’annulation de cette résolution.

La Cour, réunie en grande chambre, rejette ce recours. Elle constate, en premier lieu, que la résolution attaquée peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel au titre de l’article 263 TFUE. En second lieu, elle considère que les abstentions des parlementaires ne doivent pas être comptabilisées afin de déterminer si la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, visée à l’article 354 TFUE, est atteinte.

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour se prononce d’abord sur sa compétence afin de statuer sur le présent recours, puis sur la recevabilité de ce dernier.

Tout d’abord, elle constate que l’article 269 TFUE, qui prévoit une possibilité limitée d’introduire un recours en annulation contre les actes adoptés par le Conseil européen ou le Conseil dans le cadre de la procédure visée à l’article 7 TUE, n’est pas de nature à exclure la compétence de la Cour pour connaître du présent recours. En effet, en soumettant ce droit de recours à des conditions plus strictes que celles imposées par l’article 263 TFUE, l’article 269 TFUE comporte une limitation à la compétence générale de la Cour de justice de l’Union européenne pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union et doit, partant, être interprété de manière restrictive. En outre, les résolutions du Parlement, adoptées au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE, ne sont pas mentionnées à l’article 269 TFUE. Ainsi, les auteurs des traités n’ont pas entendu exclure un acte tel que la résolution attaquée de la compétence générale reconnue à la Cour de justice de l’Union européenne par l’article 263 TFUE. Une telle interprétation est d’ailleurs de nature à contribuer au respect du principe selon lequel l’Union européenne est une Union de droit ayant établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour de justice de l’Union européenne le contrôle de la légalité des actes des institutions de l’Union.

Ensuite, la Cour considère que la résolution attaquée constitue un acte attaquable. En effet, elle produit des effets de droit obligatoires dès son adoption dans la mesure où, tant que le Conseil ne s’est pas prononcé sur les suites à y donner, cette résolution a pour effet immédiat de lever l’interdiction pesant sur les États membres de prendre en considération ou de déclarer admissible pour instruction une demande d’asile introduite par un ressortissant hongrois{5}.

En outre, la résolution attaquée ne constitue pas un acte intermédiaire dont la légalité ne pourrait être contestée qu’à l’occasion d’un litige portant sur l’acte définitif dont il constitue une étape d’élaboration. En effet, d’une part, en adoptant cette résolution, le Parlement n’a pas exprimé une position provisoire, même si la constatation ultérieure par le Conseil de l’existence d’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs de l’Union est encore subordonnée à l’approbation préalable du Parlement. D’autre part, la résolution en cause produit des effets juridiques autonomes dans la mesure où, même si l’État membre concerné peut invoquer l’illégalité de cette résolution à l’appui de son éventuel recours en annulation contre la constatation ultérieure du Conseil, le succès éventuel de ce dernier recours ne permettrait pas, en tout état de cause, d’effacer l’intégralité des effets obligatoires de ladite résolution.

La Cour souligne toutefois que certaines conditions spécifiques, prévues à l’article 269 TFUE, auxquelles est soumise l’introduction d’un recours en annulation dirigé contre la constatation du Conseil, susceptible d’être adoptée à la suite d’une proposition motivée du Parlement telle que la résolution attaquée, doivent également s’appliquer à un recours en annulation, dirigé, en vertu de l’article 263 TFUE, contre une telle proposition motivée et ce, sous peine de priver l’article 269 TFUE de son effet utile. Ainsi, ce dernier recours ne peut être introduit que par l’État membre faisant l’objet de la proposition motivée et les moyens d’annulation invoqués à l’appui d’un tel recours ne peuvent être pris que de la violation des règles procédurales visées à l’article 7 TUE.

En second lieu, se prononçant sur le fond, la Cour observe que la notion de « suffrages exprimés », figurant à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est pas définie dans les traités et que cette notion autonome du droit de l’Union doit être interprétée conformément à son sens habituel dans le langage courant. Or, cette notion, dans son sens habituel, n’englobe que la manifestation d’un vote positif ou négatif sur une proposition donnée tandis que l’abstention, comprise comme le fait de refuser de prendre position, ne saurait être assimilée à un « suffrage exprimé ». Partant, la règle visée à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, imposant un vote à la majorité des suffrages exprimés, doit être interprétée comme excluant la prise en compte des abstentions.

Cela étant, après avoir rappelé que l’article 354, quatrième alinéa, TFUE comporte une double exigence de majorité, à savoir que les actes adoptés par le Parlement au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE doivent recueillir, d’une part, l’accord des deux tiers des suffrages exprimés et, d’autre part, l’accord de la majorité des membres du Parlement, la Cour relève que, en tout état de cause, les abstentions sont prises en compte pour vérifier que les suffrages favorables représentent la majorité des membres du Parlement.

Enfin, la Cour considère que l’exclusion des abstentions du décompte des suffrages exprimés, au sens de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est contraire ni au principe de démocratie ni à celui d’égalité de traitement au vu, notamment, du fait que les parlementaires qui se sont abstenus à l’occasion du vote ont agi en connaissance de cause, car ils avaient été préalablement informés de la non-prise en compte des abstentions dans le calcul des suffrages exprimés.

{1} Résolution [2017/2131(INL)] (JO 2019, C 433, p. 66).

{2} L’article 7, paragraphe 1, TUE prévoit : « Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables. »

{3} Article 178, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{4} La résolution a été adoptée par 448 voix pour et 197 voix contre, 48 membres présents s’étant abstenus.

{5} En vertu de l’article unique, sous b), du protocole (nº 24) sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 305).

Arrêt du 3 juin 2021, Hongrie / Parlement (C-650/18) (cf. points 51-59)

184. Droit de l'Union européenne - Traité FUE - Dispositions générales et finales - Résolution du Parlement européen relative à la proposition invitant le Conseil de l'Union européenne à constater l'existence d'un risque clair de violation grave, par un État membre, des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée - Règle relative au calcul des votes des membres du Parlement - Règle exigeant à la fois l'accord des deux tiers des suffrages exprimés et la majorité des membres du Parlement - Notion de suffrages exprimés - Abstentions - Exclusion - Inclusion pour le calcul de la majorité des membres du Parlement

Le 12 septembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution{1} relative à une proposition invitant le Conseil de l’Union européenne à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, TUE{2}, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette déclaration a déclenché la procédure prévue à l’article 7 TUE, susceptible d’aboutir à la suspension de certains droits résultant de l’appartenance de l’État membre concerné à l’Union.

En vertu de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE qui fixe les modalités de vote aux fins de l’application de l’article 7 TUE, l’adoption par le Parlement de la résolution en cause requérait la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des membres qui le composent. Faisant une application de son règlement intérieur qui prévoit que, pour l’adoption ou le rejet d’un texte, seules les voix « pour » et « contre » sont prises en compte, sauf dans les cas où les traités prévoient une majorité spécifique{3}, le Parlement n’a pris en considération, dans le cadre du calcul des votes sur la résolution en cause, que les votes favorables et défavorables de ses membres et a exclu les abstentions{4}.

Considérant que, lors du calcul des suffrages exprimés, le Parlement aurait dû tenir compte des abstentions, la Hongrie a introduit, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours tendant à l’annulation de cette résolution.

La Cour, réunie en grande chambre, rejette ce recours. Elle constate, en premier lieu, que la résolution attaquée peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel au titre de l’article 263 TFUE. En second lieu, elle considère que les abstentions des parlementaires ne doivent pas être comptabilisées afin de déterminer si la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, visée à l’article 354 TFUE, est atteinte.

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour se prononce d’abord sur sa compétence afin de statuer sur le présent recours, puis sur la recevabilité de ce dernier.

Tout d’abord, elle constate que l’article 269 TFUE, qui prévoit une possibilité limitée d’introduire un recours en annulation contre les actes adoptés par le Conseil européen ou le Conseil dans le cadre de la procédure visée à l’article 7 TUE, n’est pas de nature à exclure la compétence de la Cour pour connaître du présent recours. En effet, en soumettant ce droit de recours à des conditions plus strictes que celles imposées par l’article 263 TFUE, l’article 269 TFUE comporte une limitation à la compétence générale de la Cour de justice de l’Union européenne pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union et doit, partant, être interprété de manière restrictive. En outre, les résolutions du Parlement, adoptées au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE, ne sont pas mentionnées à l’article 269 TFUE. Ainsi, les auteurs des traités n’ont pas entendu exclure un acte tel que la résolution attaquée de la compétence générale reconnue à la Cour de justice de l’Union européenne par l’article 263 TFUE. Une telle interprétation est d’ailleurs de nature à contribuer au respect du principe selon lequel l’Union européenne est une Union de droit ayant établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour de justice de l’Union européenne le contrôle de la légalité des actes des institutions de l’Union.

Ensuite, la Cour considère que la résolution attaquée constitue un acte attaquable. En effet, elle produit des effets de droit obligatoires dès son adoption dans la mesure où, tant que le Conseil ne s’est pas prononcé sur les suites à y donner, cette résolution a pour effet immédiat de lever l’interdiction pesant sur les États membres de prendre en considération ou de déclarer admissible pour instruction une demande d’asile introduite par un ressortissant hongrois{5}.

En outre, la résolution attaquée ne constitue pas un acte intermédiaire dont la légalité ne pourrait être contestée qu’à l’occasion d’un litige portant sur l’acte définitif dont il constitue une étape d’élaboration. En effet, d’une part, en adoptant cette résolution, le Parlement n’a pas exprimé une position provisoire, même si la constatation ultérieure par le Conseil de l’existence d’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs de l’Union est encore subordonnée à l’approbation préalable du Parlement. D’autre part, la résolution en cause produit des effets juridiques autonomes dans la mesure où, même si l’État membre concerné peut invoquer l’illégalité de cette résolution à l’appui de son éventuel recours en annulation contre la constatation ultérieure du Conseil, le succès éventuel de ce dernier recours ne permettrait pas, en tout état de cause, d’effacer l’intégralité des effets obligatoires de ladite résolution.

La Cour souligne toutefois que certaines conditions spécifiques, prévues à l’article 269 TFUE, auxquelles est soumise l’introduction d’un recours en annulation dirigé contre la constatation du Conseil, susceptible d’être adoptée à la suite d’une proposition motivée du Parlement telle que la résolution attaquée, doivent également s’appliquer à un recours en annulation, dirigé, en vertu de l’article 263 TFUE, contre une telle proposition motivée et ce, sous peine de priver l’article 269 TFUE de son effet utile. Ainsi, ce dernier recours ne peut être introduit que par l’État membre faisant l’objet de la proposition motivée et les moyens d’annulation invoqués à l’appui d’un tel recours ne peuvent être pris que de la violation des règles procédurales visées à l’article 7 TUE.

En second lieu, se prononçant sur le fond, la Cour observe que la notion de « suffrages exprimés », figurant à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est pas définie dans les traités et que cette notion autonome du droit de l’Union doit être interprétée conformément à son sens habituel dans le langage courant. Or, cette notion, dans son sens habituel, n’englobe que la manifestation d’un vote positif ou négatif sur une proposition donnée tandis que l’abstention, comprise comme le fait de refuser de prendre position, ne saurait être assimilée à un « suffrage exprimé ». Partant, la règle visée à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, imposant un vote à la majorité des suffrages exprimés, doit être interprétée comme excluant la prise en compte des abstentions.

Cela étant, après avoir rappelé que l’article 354, quatrième alinéa, TFUE comporte une double exigence de majorité, à savoir que les actes adoptés par le Parlement au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE doivent recueillir, d’une part, l’accord des deux tiers des suffrages exprimés et, d’autre part, l’accord de la majorité des membres du Parlement, la Cour relève que, en tout état de cause, les abstentions sont prises en compte pour vérifier que les suffrages favorables représentent la majorité des membres du Parlement.

Enfin, la Cour considère que l’exclusion des abstentions du décompte des suffrages exprimés, au sens de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est contraire ni au principe de démocratie ni à celui d’égalité de traitement au vu, notamment, du fait que les parlementaires qui se sont abstenus à l’occasion du vote ont agi en connaissance de cause, car ils avaient été préalablement informés de la non-prise en compte des abstentions dans le calcul des suffrages exprimés.

{1} Résolution [2017/2131(INL)] (JO 2019, C 433, p. 66).

{2} L’article 7, paragraphe 1, TUE prévoit : « Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables. »

{3} Article 178, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{4} La résolution a été adoptée par 448 voix pour et 197 voix contre, 48 membres présents s’étant abstenus.

{5} En vertu de l’article unique, sous b), du protocole (nº 24) sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 305).

Arrêt du 3 juin 2021, Hongrie / Parlement (C-650/18) (cf. points 82-88)

185. Droit de l'Union européenne - Traité FUE - Dispositions générales et finales - Résolution du Parlement européen relative à la proposition invitant le Conseil de l'Union européenne à constater l'existence d'un risque clair de violation grave, par un État membre, des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée - Règle relative au calcul des votes des membres du Parlement - Non-prise en compte des abstentions dans le calcul des suffrages exprimés - Principe de démocratie - Principe d'égalité de traitement - Absence de violation

Le 12 septembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution{1} relative à une proposition invitant le Conseil de l’Union européenne à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, TUE{2}, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette déclaration a déclenché la procédure prévue à l’article 7 TUE, susceptible d’aboutir à la suspension de certains droits résultant de l’appartenance de l’État membre concerné à l’Union.

En vertu de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE qui fixe les modalités de vote aux fins de l’application de l’article 7 TUE, l’adoption par le Parlement de la résolution en cause requérait la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des membres qui le composent. Faisant une application de son règlement intérieur qui prévoit que, pour l’adoption ou le rejet d’un texte, seules les voix « pour » et « contre » sont prises en compte, sauf dans les cas où les traités prévoient une majorité spécifique{3}, le Parlement n’a pris en considération, dans le cadre du calcul des votes sur la résolution en cause, que les votes favorables et défavorables de ses membres et a exclu les abstentions{4}.

Considérant que, lors du calcul des suffrages exprimés, le Parlement aurait dû tenir compte des abstentions, la Hongrie a introduit, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours tendant à l’annulation de cette résolution.

La Cour, réunie en grande chambre, rejette ce recours. Elle constate, en premier lieu, que la résolution attaquée peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel au titre de l’article 263 TFUE. En second lieu, elle considère que les abstentions des parlementaires ne doivent pas être comptabilisées afin de déterminer si la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, visée à l’article 354 TFUE, est atteinte.

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour se prononce d’abord sur sa compétence afin de statuer sur le présent recours, puis sur la recevabilité de ce dernier.

Tout d’abord, elle constate que l’article 269 TFUE, qui prévoit une possibilité limitée d’introduire un recours en annulation contre les actes adoptés par le Conseil européen ou le Conseil dans le cadre de la procédure visée à l’article 7 TUE, n’est pas de nature à exclure la compétence de la Cour pour connaître du présent recours. En effet, en soumettant ce droit de recours à des conditions plus strictes que celles imposées par l’article 263 TFUE, l’article 269 TFUE comporte une limitation à la compétence générale de la Cour de justice de l’Union européenne pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union et doit, partant, être interprété de manière restrictive. En outre, les résolutions du Parlement, adoptées au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE, ne sont pas mentionnées à l’article 269 TFUE. Ainsi, les auteurs des traités n’ont pas entendu exclure un acte tel que la résolution attaquée de la compétence générale reconnue à la Cour de justice de l’Union européenne par l’article 263 TFUE. Une telle interprétation est d’ailleurs de nature à contribuer au respect du principe selon lequel l’Union européenne est une Union de droit ayant établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour de justice de l’Union européenne le contrôle de la légalité des actes des institutions de l’Union.

Ensuite, la Cour considère que la résolution attaquée constitue un acte attaquable. En effet, elle produit des effets de droit obligatoires dès son adoption dans la mesure où, tant que le Conseil ne s’est pas prononcé sur les suites à y donner, cette résolution a pour effet immédiat de lever l’interdiction pesant sur les États membres de prendre en considération ou de déclarer admissible pour instruction une demande d’asile introduite par un ressortissant hongrois{5}.

En outre, la résolution attaquée ne constitue pas un acte intermédiaire dont la légalité ne pourrait être contestée qu’à l’occasion d’un litige portant sur l’acte définitif dont il constitue une étape d’élaboration. En effet, d’une part, en adoptant cette résolution, le Parlement n’a pas exprimé une position provisoire, même si la constatation ultérieure par le Conseil de l’existence d’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs de l’Union est encore subordonnée à l’approbation préalable du Parlement. D’autre part, la résolution en cause produit des effets juridiques autonomes dans la mesure où, même si l’État membre concerné peut invoquer l’illégalité de cette résolution à l’appui de son éventuel recours en annulation contre la constatation ultérieure du Conseil, le succès éventuel de ce dernier recours ne permettrait pas, en tout état de cause, d’effacer l’intégralité des effets obligatoires de ladite résolution.

La Cour souligne toutefois que certaines conditions spécifiques, prévues à l’article 269 TFUE, auxquelles est soumise l’introduction d’un recours en annulation dirigé contre la constatation du Conseil, susceptible d’être adoptée à la suite d’une proposition motivée du Parlement telle que la résolution attaquée, doivent également s’appliquer à un recours en annulation, dirigé, en vertu de l’article 263 TFUE, contre une telle proposition motivée et ce, sous peine de priver l’article 269 TFUE de son effet utile. Ainsi, ce dernier recours ne peut être introduit que par l’État membre faisant l’objet de la proposition motivée et les moyens d’annulation invoqués à l’appui d’un tel recours ne peuvent être pris que de la violation des règles procédurales visées à l’article 7 TUE.

En second lieu, se prononçant sur le fond, la Cour observe que la notion de « suffrages exprimés », figurant à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est pas définie dans les traités et que cette notion autonome du droit de l’Union doit être interprétée conformément à son sens habituel dans le langage courant. Or, cette notion, dans son sens habituel, n’englobe que la manifestation d’un vote positif ou négatif sur une proposition donnée tandis que l’abstention, comprise comme le fait de refuser de prendre position, ne saurait être assimilée à un « suffrage exprimé ». Partant, la règle visée à l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, imposant un vote à la majorité des suffrages exprimés, doit être interprétée comme excluant la prise en compte des abstentions.

Cela étant, après avoir rappelé que l’article 354, quatrième alinéa, TFUE comporte une double exigence de majorité, à savoir que les actes adoptés par le Parlement au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE doivent recueillir, d’une part, l’accord des deux tiers des suffrages exprimés et, d’autre part, l’accord de la majorité des membres du Parlement, la Cour relève que, en tout état de cause, les abstentions sont prises en compte pour vérifier que les suffrages favorables représentent la majorité des membres du Parlement.

Enfin, la Cour considère que l’exclusion des abstentions du décompte des suffrages exprimés, au sens de l’article 354, quatrième alinéa, TFUE, n’est contraire ni au principe de démocratie ni à celui d’égalité de traitement au vu, notamment, du fait que les parlementaires qui se sont abstenus à l’occasion du vote ont agi en connaissance de cause, car ils avaient été préalablement informés de la non-prise en compte des abstentions dans le calcul des suffrages exprimés.

{1} Résolution [2017/2131(INL)] (JO 2019, C 433, p. 66).

{2} L’article 7, paragraphe 1, TUE prévoit : « Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables. »

{3} Article 178, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

{4} La résolution a été adoptée par 448 voix pour et 197 voix contre, 48 membres présents s’étant abstenus.

{5} En vertu de l’article unique, sous b), du protocole (nº 24) sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 305).

Arrêt du 3 juin 2021, Hongrie / Parlement (C-650/18) (cf. points 94-100)

186. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Indemnité d'assistance parlementaire - Décision ordonnant le recouvrement de sommes indûment versées - Contrôle juridictionnel - Limites - Erreur manifeste ou détournement de pouvoir



Arrêt du 30 juin 2021, Mélin / Parlement (T-51/20) (cf. points 106-109)

187. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement européen - Indemnité d'assistance parlementaire - Tiers payant chargé de la gestion des montants versés - Absence de pièces justifiant d'une utilisation conforme - Obligation de remboursement - Charge de la preuve en cas de contestation devant le juge de l'Union



Arrêt du 30 juin 2021, Mélin / Parlement (T-51/20) (cf. points 52, 53)

188. Parlement européen - Membres - Frais et indemnités - Constatation du versement indu - Recouvrement de sommes indûment versées - Compétence du secrétaire général du Parlement - Absence de l'obligation de reprendre toute la procédure ayant conduit à l'adoption de la décision



Arrêt du 30 juin 2021, Mélin / Parlement (T-51/20) (cf. points 74, 75, 95)

189. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Décision du bureau du Parlement européen modifiant les mesures d'application du statut des députés concernant certaines conditions du régime de pension complémentaire - Principe d'égalité de traitement - Violation - Absence



Arrêt du 15 septembre 2021, Ashworth / Parlement (T-720/19 À T-725/19) (cf. points 110-118)



Arrêt du 15 septembre 2021, Arnaoutakis / Parlement (T-240/20 À T-245/20) (cf. points 100-108)



Arrêt du 9 mars 2023, Grossetête / Parlement (C-714/21 P) (cf. points 102-106)



Arrêt du 9 mars 2023, Galeote / Parlement (C-715/21 P et C-716/21 P) (cf. points 97-100)

190. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Décision du bureau du Parlement européen modifiant les mesures d'application du statut des députés concernant certaines conditions du régime de pension complémentaire - Principe de sécurité juridique - Violation - Absence



Arrêt du 15 septembre 2021, Ashworth / Parlement (T-720/19 À T-725/19) (cf. points 122-127, 129-134)



Arrêt du 15 septembre 2021, Arnaoutakis / Parlement (T-240/20 À T-245/20) (cf. points 112-117, 119-124)



Arrêt du 9 mars 2023, Grossetête / Parlement (C-714/21 P) (cf. points 120-122)



Arrêt du 9 mars 2023, Galeote / Parlement (C-715/21 P et C-716/21 P) (cf. points 113-115)

191. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Décision du bureau du Parlement européen modifiant les mesures d'application du statut des députés concernant certaines conditions du régime de pension complémentaire - Compétence du bureau du Parlement pour adopter ladite décision



Arrêt du 15 septembre 2021, Ashworth / Parlement (T-720/19 À T-725/19) (cf. points 33-38)



Arrêt du 15 septembre 2021, Arnaoutakis / Parlement (T-240/20 À T-245/20) (cf. points 35-40)



Arrêt du 9 mars 2023, Grossetête / Parlement (C-714/21 P) (cf. points 71-74)



Arrêt du 9 mars 2023, Galeote / Parlement (C-715/21 P et C-716/21 P) (cf. points 66-69)

192. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Décision du bureau du Parlement européen modifiant les mesures d'application du statut des députés concernant certaines conditions du régime de pension complémentaire - Instauration d'un prélèvement spécial sur les pensions des députés affiliés au régime de pension complémentaire - Qualification fiscale dudit prélèvement - Critères - Prélèvement ne pouvant pas être considéré comme un impôt ou une mesure relative au régime fiscal des députés



Arrêt du 15 septembre 2021, Ashworth / Parlement (T-720/19 À T-725/19) (cf. points 43-51)

193. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision du bureau du Parlement européen modifiant les mesures d'application du statut des députés concernant certaines conditions du régime de pension complémentaire - Acte de nature réglementaire et de portée générale - Admissibilité d'une motivation se contentant d'indiquer la situation d'ensemble ayant conduit à l'adoption de l'acte et les objectifs généraux poursuivis par celui-ci - Décision s'inscrivant dans un contexte connu des destinataires



Arrêt du 15 septembre 2021, Ashworth / Parlement (T-720/19 À T-725/19) (cf. points 56-60)



Arrêt du 15 septembre 2021, Arnaoutakis / Parlement (T-240/20 À T-245/20) (cf. points 46-50)

194. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Décision du bureau du Parlement européen modifiant les mesures d'application du statut des députés concernant certaines conditions du régime de pension complémentaire - Droits acquis et en cours d'acquisition - Violation - Absence



Arrêt du 15 septembre 2021, Ashworth / Parlement (T-720/19 À T-725/19) (cf. points 68-73, 76-85)



Arrêt du 15 septembre 2021, Arnaoutakis / Parlement (T-240/20 À T-245/20) (cf. points 58-63, 66-75)



Arrêt du 9 mars 2023, Grossetête / Parlement (C-714/21 P) (cf. points 84-94)



Arrêt du 9 mars 2023, Galeote / Parlement (C-715/21 P et C-716/21 P) (cf. points 79-89)

195. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Décision du bureau du Parlement européen modifiant les mesures d'application du statut des députés concernant certaines conditions du régime de pension complémentaire - Principe de protection de la confiance légitime - Violation - Absence



Arrêt du 15 septembre 2021, Ashworth / Parlement (T-720/19 À T-725/19) (cf. points 90, 91)



Arrêt du 15 septembre 2021, Arnaoutakis / Parlement (T-240/20 À T-245/20) (cf. points 80, 81)

196. Parlement européen - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés - Régime de pension complémentaire volontaire - Décision du bureau du Parlement européen modifiant les mesures d'application du statut des députés concernant certaines conditions du régime de pension complémentaire - Relèvement de l'âge de la retraite - Instauration d'un prélèvement spécial sur les pensions des députés affiliés au régime de pension complémentaire - Principe de proportionnalité - Violation - Absence



Arrêt du 15 septembre 2021, Ashworth / Parlement (T-720/19 À T-725/19) (cf. points 96-105)



Arrêt du 15 septembre 2021, Arnaoutakis / Parlement (T-240/20 À T-245/20) (cf. points 86-95)



Arrêt du 9 mars 2023, Grossetête / Parlement (C-714/21 P) (cf. points 108-113)



Arrêt du 9 mars 2023, Galeote / Parlement (C-715/21 P et C-716/21 P) (cf. points 102-106)

197. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Actes préparatoires - Exclusion - Notes de la direction générale des finances du Parlement européen concernant l'adaptation du montant des pensions d'anciens membres de cette institution ou de leur conjoint survivant - Acte produisant des effets juridiques autonomes - Inclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 octobre 2021, Poggiolini / Parlement (C-408/20 P) (cf. points 33, 34, 38-40, 42, 47, 54)

198. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Actes préparatoires - Exclusion - Note de la direction générale des finances du Parlement européen concernant la modification du montant des pensions du député européen - Acte produisant des effets juridiques autonomes - Inclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 octobre 2021, Tognoli e.a. / Parlement (C-431/20 P) (cf. points 35, 36, 41-43, 45, 51, 57)

199. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Acte adopté par le président du Parlement européen interdisant les drapeaux nationaux sur les pupitres des députés - Acte n'affectant que l'organisation interne du Parlement - Exclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 octobre 2021, Rivière e.a. / Parlement (T-88/20) (cf. points 31-36, 52)



Arrêt du 14 décembre 2023, Rivière e.a. / Parlement (C-767/21 P) (cf. points 43-45, 57-59)

200. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de levée de l'immunité - Conditions



Arrêt du 1er décembre 2021, Jalkh / Parlement (T-230/21) (cf. points 42-44, 65, 68, 72)

201. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Portée

Le 27 octobre 2021, le bureau du Parlement européen a introduit des règles exceptionnelles en matière de santé et de sécurité pour l’accès aux bâtiments du Parlement sur ses trois lieux de travail (Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg). En substance, cette décision a pour objet de conditionner l’accès auxdits bâtiments à la présentation d’un certificat COVID 19 numérique de vaccination, de test ou de rétablissement{1}, ou d’un certificat équivalent{2}, pour une période s’étendant initialement jusqu’au 31 janvier 2022. Les requérants, tous députés européens, ont saisi le Tribunal de l’Union européenne afin d’en obtenir l’annulation.

Le Tribunal, statuant en chambre élargie, examine pour la première fois la légalité de certaines restrictions imposées par les institutions de l’UE en vue de protéger la santé notamment de leur personnel, dans le contexte de pandémie de COVID 19. Il rejette les recours des députés européens et juge que le Parlement peut leur imposer de présenter un certificat COVID valide pour accéder à ses bâtiments.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal juge que le Parlement n’avait pas besoin d’une autorisation expresse du législateur de l’Union pour adopter la décision attaquée. En effet, en ce qu’elle vise à limiter l’accès aux bâtiments du Parlement aux seules personnes disposant d’un certificat COVID valide, cette décision relève du pouvoir d’organisation interne du Parlement{3} et n’a vocation à s’appliquer que dans ses locaux. En outre, elle peut déterminer des éléments du traitement des données à caractère personnel, car elle constitue une « loi »{4}, cette notion n’étant pas limitée aux textes législatifs adoptés à la suite d’un débat parlementaire.

En deuxième lieu, le Tribunal souligne que la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée ou déraisonnable à l’exercice libre et indépendant du mandat de député. Il reconnait que, certes, en ce qu’elle leur impose une condition supplémentaire pour accéder aux bâtiments du Parlement, cette décision constitue une ingérence dans l’exercice libre et indépendant du mandat des députés. Néanmoins, ladite décision poursuit un but légitime, visant à équilibrer deux intérêts concurrents dans un contexte de pandémie, à savoir, la continuité des activités du Parlement et la santé des personnes présentes dans ses bâtiments.

Concernant une prétendue violation des immunités conférées aux députés, le Tribunal relève qu’il ne ressort ni du Protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne{5} ni du règlement intérieur du Parlement que ce dernier ne pouvait pas adopter les mesures d’organisation interne en cause. Au contraire, ledit règlement prévoit expressément que le droit des députés de participer activement aux travaux du Parlement s’exerce conformément à ses dispositions{6}.

En troisième lieu, le Tribunal juge que le traitement des données à caractère personnel effectué par le Parlement en vertu de la décision attaquée n’est pas illicite ou déloyal. D’une part, la décision attaquée, adoptée sur le fondement du pouvoir d’organisation interne découlant du traité FUE, constitue une base juridique pour le traitement des données contenues dans les certificats COVID{7}. À ce titre, le Tribunal relève que ledit traitement poursuit un objectif d’intérêt public général de l’Union, à savoir la protection de la santé publique. D’autre part, le traitement des données est transparent et loyal, car le Parlement a préalablement fourni aux personnes concernées des informations au sujet du traitement ultérieur des données pour une finalité autre que celle pour laquelle elles avaient été initialement obtenues{8}.

En quatrième lieu, le Tribunal considère que la décision attaquée ne porte pas atteinte ou ne porte pas une atteinte démesurée au droit à l’intégrité physique, aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, au droit au consentement libre et éclairé pour toute intervention d’ordre médical sur le corps, au droit à la liberté, et, enfin, au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles. En outre, il juge que, au vu de la situation épidémiologique et des connaissances scientifiques existant au moment où elles ont été adoptées, les mesures en cause étaient nécessaires et appropriées. En effet, s’il est vrai que ni la vaccination, ni les tests, ni le rétablissement ne permettent d’exclure totalement la transmission de la COVID 19, l’obligation de présenter un certificat COVID valide permet, de manière objective et non discriminatoire, de réduire ce risque et donc d’atteindre l’objectif de protection de la santé.

Le Tribunal constate par ailleurs que les mesures en cause sont également proportionnées par rapport à l’objectif poursuivi. En effet, les requérants n’ont pas établi l’existence de mesures moins contraignantes mais tout aussi efficaces. Ainsi, en l’absence des mesures en cause, une personne qui ne serait ni vaccinée ni guérie, potentiellement porteuse du virus, aurait pu accéder librement aux bâtiments du Parlement, tout en risquant, de ce fait, de contaminer d’autres personnes. En outre, la décision attaquée tient compte de la situation épidémiologique générale en Europe mais aussi des particularités du Parlement, notamment les voyages internationaux fréquents des personnes accédant à ses bâtiments. Par ailleurs, les mesures en cause sont limitées dans le temps et sont régulièrement réexaminées.

Enfin, le Tribunal estime que les inconvénients pratiques générés par la présentation d’un certificat valide ne sauraient l’emporter sur la protection de la santé humaine d’autrui ni être assimilés à des atteintes disproportionnées aux droits fondamentaux des requérants.

Cependant, il rappelle que ces mesures doivent être réévaluées périodiquement à la lumière de la situation sanitaire dans l’Union et dans les trois lieux de travail du Parlement et qu’elles ne doivent s’appliquer que pour autant que les circonstances exceptionnelles qui les justifient perdurent.

{1} Règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2021, relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID 19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID 19 (JO 2021, L 211, p. 1).

{2} Au sens de l’article 8 du règlement 2021/953 (« Certificats COVID 19 et autres documents délivrés par un pays tiers »).

{3} Au sens de l’article 25, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement européen, lui-même fondé sur l’article 232 TFUE.

{4} Au sens de l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

{5} Protocole nº 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 1).

{6} Article 5 du règlement intérieur du Parlement européen.

{7} Dans le respect du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) nº 45/2001 et la décision nº 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).

{8} Conformément à l’article 16, paragraphe 4, du règlement 2018/1725.

Arrêt du 27 avril 2022, Roos e.a. / Parlement (T-710/21, T-722/21 et T-723/21) (cf. points 128-133)

202. Parlement européen - Pouvoir d'organisation interne - Portée - Détermination des règles de santé et de sécurité régissant l'accès aux bâtiments du Parlement - Obligation de disposer d'un certificat COVID valide

Le 27 octobre 2021, le bureau du Parlement européen a introduit des règles exceptionnelles en matière de santé et de sécurité pour l’accès aux bâtiments du Parlement sur ses trois lieux de travail (Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg). En substance, cette décision a pour objet de conditionner l’accès auxdits bâtiments à la présentation d’un certificat COVID 19 numérique de vaccination, de test ou de rétablissement{1}, ou d’un certificat équivalent{2}, pour une période s’étendant initialement jusqu’au 31 janvier 2022. Les requérants, tous députés européens, ont saisi le Tribunal de l’Union européenne afin d’en obtenir l’annulation.

Le Tribunal, statuant en chambre élargie, examine pour la première fois la légalité de certaines restrictions imposées par les institutions de l’UE en vue de protéger la santé notamment de leur personnel, dans le contexte de pandémie de COVID 19. Il rejette les recours des députés européens et juge que le Parlement peut leur imposer de présenter un certificat COVID valide pour accéder à ses bâtiments.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal juge que le Parlement n’avait pas besoin d’une autorisation expresse du législateur de l’Union pour adopter la décision attaquée. En effet, en ce qu’elle vise à limiter l’accès aux bâtiments du Parlement aux seules personnes disposant d’un certificat COVID valide, cette décision relève du pouvoir d’organisation interne du Parlement{3} et n’a vocation à s’appliquer que dans ses locaux. En outre, elle peut déterminer des éléments du traitement des données à caractère personnel, car elle constitue une « loi »{4}, cette notion n’étant pas limitée aux textes législatifs adoptés à la suite d’un débat parlementaire.

En deuxième lieu, le Tribunal souligne que la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée ou déraisonnable à l’exercice libre et indépendant du mandat de député. Il reconnait que, certes, en ce qu’elle leur impose une condition supplémentaire pour accéder aux bâtiments du Parlement, cette décision constitue une ingérence dans l’exercice libre et indépendant du mandat des députés. Néanmoins, ladite décision poursuit un but légitime, visant à équilibrer deux intérêts concurrents dans un contexte de pandémie, à savoir, la continuité des activités du Parlement et la santé des personnes présentes dans ses bâtiments.

Concernant une prétendue violation des immunités conférées aux députés, le Tribunal relève qu’il ne ressort ni du Protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne{5} ni du règlement intérieur du Parlement que ce dernier ne pouvait pas adopter les mesures d’organisation interne en cause. Au contraire, ledit règlement prévoit expressément que le droit des députés de participer activement aux travaux du Parlement s’exerce conformément à ses dispositions{6}.

En troisième lieu, le Tribunal juge que le traitement des données à caractère personnel effectué par le Parlement en vertu de la décision attaquée n’est pas illicite ou déloyal. D’une part, la décision attaquée, adoptée sur le fondement du pouvoir d’organisation interne découlant du traité FUE, constitue une base juridique pour le traitement des données contenues dans les certificats COVID{7}. À ce titre, le Tribunal relève que ledit traitement poursuit un objectif d’intérêt public général de l’Union, à savoir la protection de la santé publique. D’autre part, le traitement des données est transparent et loyal, car le Parlement a préalablement fourni aux personnes concernées des informations au sujet du traitement ultérieur des données pour une finalité autre que celle pour laquelle elles avaient été initialement obtenues{8}.

En quatrième lieu, le Tribunal considère que la décision attaquée ne porte pas atteinte ou ne porte pas une atteinte démesurée au droit à l’intégrité physique, aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, au droit au consentement libre et éclairé pour toute intervention d’ordre médical sur le corps, au droit à la liberté, et, enfin, au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles. En outre, il juge que, au vu de la situation épidémiologique et des connaissances scientifiques existant au moment où elles ont été adoptées, les mesures en cause étaient nécessaires et appropriées. En effet, s’il est vrai que ni la vaccination, ni les tests, ni le rétablissement ne permettent d’exclure totalement la transmission de la COVID 19, l’obligation de présenter un certificat COVID valide permet, de manière objective et non discriminatoire, de réduire ce risque et donc d’atteindre l’objectif de protection de la santé.

Le Tribunal constate par ailleurs que les mesures en cause sont également proportionnées par rapport à l’objectif poursuivi. En effet, les requérants n’ont pas établi l’existence de mesures moins contraignantes mais tout aussi efficaces. Ainsi, en l’absence des mesures en cause, une personne qui ne serait ni vaccinée ni guérie, potentiellement porteuse du virus, aurait pu accéder librement aux bâtiments du Parlement, tout en risquant, de ce fait, de contaminer d’autres personnes. En outre, la décision attaquée tient compte de la situation épidémiologique générale en Europe mais aussi des particularités du Parlement, notamment les voyages internationaux fréquents des personnes accédant à ses bâtiments. Par ailleurs, les mesures en cause sont limitées dans le temps et sont régulièrement réexaminées.

Enfin, le Tribunal estime que les inconvénients pratiques générés par la présentation d’un certificat valide ne sauraient l’emporter sur la protection de la santé humaine d’autrui ni être assimilés à des atteintes disproportionnées aux droits fondamentaux des requérants.

Cependant, il rappelle que ces mesures doivent être réévaluées périodiquement à la lumière de la situation sanitaire dans l’Union et dans les trois lieux de travail du Parlement et qu’elles ne doivent s’appliquer que pour autant que les circonstances exceptionnelles qui les justifient perdurent.

{1} Règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2021, relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID 19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID 19 (JO 2021, L 211, p. 1).

{2} Au sens de l’article 8 du règlement 2021/953 (« Certificats COVID 19 et autres documents délivrés par un pays tiers »).

{3} Au sens de l’article 25, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement européen, lui-même fondé sur l’article 232 TFUE.

{4} Au sens de l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

{5} Protocole nº 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 1).

{6} Article 5 du règlement intérieur du Parlement européen.

{7} Dans le respect du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) nº 45/2001 et la décision nº 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).

{8} Conformément à l’article 16, paragraphe 4, du règlement 2018/1725.

Arrêt du 27 avril 2022, Roos e.a. / Parlement (T-710/21, T-722/21 et T-723/21) (cf. points 70-74)

Voir texte de la décision.

Arrêt du 16 novembre 2023, Roos e.a. / Parlement (C-458/22 P) (cf. points 42, 43, 47-50)

203. Parlement européen - Membres - Indépendance - Portée - Limitations - Décision du bureau du Parlement sur les règles exceptionnelles en matière de santé et de sécurité régissant l'accès aux bâtiments du Parlement sur ses trois lieux de travail - Violation du principe de proportionnalité - Absence

Le 27 octobre 2021, le bureau du Parlement européen a introduit des règles exceptionnelles en matière de santé et de sécurité pour l’accès aux bâtiments du Parlement sur ses trois lieux de travail (Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg). En substance, cette décision a pour objet de conditionner l’accès auxdits bâtiments à la présentation d’un certificat COVID 19 numérique de vaccination, de test ou de rétablissement{1}, ou d’un certificat équivalent{2}, pour une période s’étendant initialement jusqu’au 31 janvier 2022. Les requérants, tous députés européens, ont saisi le Tribunal de l’Union européenne afin d’en obtenir l’annulation.

Le Tribunal, statuant en chambre élargie, examine pour la première fois la légalité de certaines restrictions imposées par les institutions de l’UE en vue de protéger la santé notamment de leur personnel, dans le contexte de pandémie de COVID 19. Il rejette les recours des députés européens et juge que le Parlement peut leur imposer de présenter un certificat COVID valide pour accéder à ses bâtiments.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal juge que le Parlement n’avait pas besoin d’une autorisation expresse du législateur de l’Union pour adopter la décision attaquée. En effet, en ce qu’elle vise à limiter l’accès aux bâtiments du Parlement aux seules personnes disposant d’un certificat COVID valide, cette décision relève du pouvoir d’organisation interne du Parlement{3} et n’a vocation à s’appliquer que dans ses locaux. En outre, elle peut déterminer des éléments du traitement des données à caractère personnel, car elle constitue une « loi »{4}, cette notion n’étant pas limitée aux textes législatifs adoptés à la suite d’un débat parlementaire.

En deuxième lieu, le Tribunal souligne que la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée ou déraisonnable à l’exercice libre et indépendant du mandat de député. Il reconnait que, certes, en ce qu’elle leur impose une condition supplémentaire pour accéder aux bâtiments du Parlement, cette décision constitue une ingérence dans l’exercice libre et indépendant du mandat des députés. Néanmoins, ladite décision poursuit un but légitime, visant à équilibrer deux intérêts concurrents dans un contexte de pandémie, à savoir, la continuité des activités du Parlement et la santé des personnes présentes dans ses bâtiments.

Concernant une prétendue violation des immunités conférées aux députés, le Tribunal relève qu’il ne ressort ni du Protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne{5} ni du règlement intérieur du Parlement que ce dernier ne pouvait pas adopter les mesures d’organisation interne en cause. Au contraire, ledit règlement prévoit expressément que le droit des députés de participer activement aux travaux du Parlement s’exerce conformément à ses dispositions{6}.

En troisième lieu, le Tribunal juge que le traitement des données à caractère personnel effectué par le Parlement en vertu de la décision attaquée n’est pas illicite ou déloyal. D’une part, la décision attaquée, adoptée sur le fondement du pouvoir d’organisation interne découlant du traité FUE, constitue une base juridique pour le traitement des données contenues dans les certificats COVID{7}. À ce titre, le Tribunal relève que ledit traitement poursuit un objectif d’intérêt public général de l’Union, à savoir la protection de la santé publique. D’autre part, le traitement des données est transparent et loyal, car le Parlement a préalablement fourni aux personnes concernées des informations au sujet du traitement ultérieur des données pour une finalité autre que celle pour laquelle elles avaient été initialement obtenues{8}.

En quatrième lieu, le Tribunal considère que la décision attaquée ne porte pas atteinte ou ne porte pas une atteinte démesurée au droit à l’intégrité physique, aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, au droit au consentement libre et éclairé pour toute intervention d’ordre médical sur le corps, au droit à la liberté, et, enfin, au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles. En outre, il juge que, au vu de la situation épidémiologique et des connaissances scientifiques existant au moment où elles ont été adoptées, les mesures en cause étaient nécessaires et appropriées. En effet, s’il est vrai que ni la vaccination, ni les tests, ni le rétablissement ne permettent d’exclure totalement la transmission de la COVID 19, l’obligation de présenter un certificat COVID valide permet, de manière objective et non discriminatoire, de réduire ce risque et donc d’atteindre l’objectif de protection de la santé.

Le Tribunal constate par ailleurs que les mesures en cause sont également proportionnées par rapport à l’objectif poursuivi. En effet, les requérants n’ont pas établi l’existence de mesures moins contraignantes mais tout aussi efficaces. Ainsi, en l’absence des mesures en cause, une personne qui ne serait ni vaccinée ni guérie, potentiellement porteuse du virus, aurait pu accéder librement aux bâtiments du Parlement, tout en risquant, de ce fait, de contaminer d’autres personnes. En outre, la décision attaquée tient compte de la situation épidémiologique générale en Europe mais aussi des particularités du Parlement, notamment les voyages internationaux fréquents des personnes accédant à ses bâtiments. Par ailleurs, les mesures en cause sont limitées dans le temps et sont régulièrement réexaminées.

Enfin, le Tribunal estime que les inconvénients pratiques générés par la présentation d’un certificat valide ne sauraient l’emporter sur la protection de la santé humaine d’autrui ni être assimilés à des atteintes disproportionnées aux droits fondamentaux des requérants.

Cependant, il rappelle que ces mesures doivent être réévaluées périodiquement à la lumière de la situation sanitaire dans l’Union et dans les trois lieux de travail du Parlement et qu’elles ne doivent s’appliquer que pour autant que les circonstances exceptionnelles qui les justifient perdurent.

{1} Règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2021, relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID 19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID 19 (JO 2021, L 211, p. 1).

{2} Au sens de l’article 8 du règlement 2021/953 (« Certificats COVID 19 et autres documents délivrés par un pays tiers »).

{3} Au sens de l’article 25, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement européen, lui-même fondé sur l’article 232 TFUE.

{4} Au sens de l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

{5} Protocole nº 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2012, C 326, p. 1).

{6} Article 5 du règlement intérieur du Parlement européen.

{7} Dans le respect du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) nº 45/2001 et la décision nº 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).

{8} Conformément à l’article 16, paragraphe 4, du règlement 2018/1725.

Arrêt du 27 avril 2022, Roos e.a. / Parlement (T-710/21, T-722/21 et T-723/21) (cf. points 95-101, 104, 121)

204. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Appréciation à la lumière du contenu de l'acte, de son contexte d'adoption et des compétences de son auteur - Vérification des pouvoirs des membres du Parlement - Exigences préalables à l'exercice du mandat de député européen établies par le droit national - Contestations trouvant leur origine dans les dispositions du droit national - Incompétence du Parlement - Refus du président du Parlement de reconnaître la qualité de député européen et les droits associés à des candidats élus - Exclusion - Irrecevabilité

Les requérants, MM. Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres, se sont présentés comme candidats aux élections au Parlement européen qui se sont tenues en Espagne le 26 mai 2019. À l’issue de ces élections, la liste conduite par les requérants a recueilli 1 018 435 voix et a obtenu deux sièges au Parlement.

Le 29 mai 2019, le président du Parlement en fonction à cette date a donné une instruction interne au secrétaire général de l’institution visant, d’une part, à refuser à tous les candidats élus en Espagne l’accès au « welcome village » ainsi que l’assistance fournie par l’institution aux candidats nouvellement élus au Parlement et, d’autre part, à surseoir à leur accréditation jusqu’à ce que le Parlement ait officiellement reçu confirmation de leur élection, conformément à l’article 12 de l’acte électoral{1}.

Le 13 juin 2019, la Junta Electoral Central (commission électorale centrale, Espagne) a adopté une décision portant proclamation des députés élus au Parlement aux élections organisées le 26 mai 2019{2}. Cette décision indiquait que, conformément à l’article 224, paragraphe 1, de la loi électorale espagnole{3}, la commission électorale centrale avait procédé à la proclamation des candidats élus mentionnés nominativement, parmi lesquels figuraient les requérants. Elle précisait également que la session lors de laquelle les candidats élus prêteraient le serment de respecter la Constitution espagnole, exigé par l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole, aurait lieu le 17 juin 2019.

Le 15 juin 2019, le juge d’instruction du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a rejeté une demande des requérants visant au retrait des mandats d’arrêt nationaux délivrés à leur encontre par les juridictions pénales espagnoles afin qu’ils puissent être jugés dans le cadre de la procédure pénale dont ils faisaient l’objet{4}, engagée par le ministère public espagnol, l’avocat de l’État et le parti politique VOX.

Le 17 juin 2019, la commission électorale centrale a notifié au Parlement la liste des candidats élus en Espagne, dans laquelle ne figuraient pas les noms des requérants. Le 20 juin, elle a, en substance, refusé aux requérants la possibilité de prêter le serment requis de respecter la Constitution espagnole par la voie d’une déclaration écrite faite devant un notaire ou par l’intermédiaire de mandataires désignés par acte notarié, au motif que ce serment ou cette promesse est un acte devant être effectué en personne devant la commission électorale centrale. Le même jour, la commission électorale centrale a communiqué au Parlement une décision dans laquelle elle constatait que les requérants n’avaient pas prêté le serment susmentionné et déclarait la vacance des sièges qui leur étaient attribués au Parlement ainsi que la suspension de toutes les prérogatives qui pourraient leur revenir du fait de leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient prêté ce serment.

Le 27 juin 2019, l’ancien président du Parlement a envoyé une lettre aux requérants, leur indiquant, en substance, qu’il ne pouvait pas les considérer comme de futurs membres du Parlement, car leurs noms ne figuraient pas sur la liste des candidats élus communiquée officiellement par les autorités espagnoles.

À la suite de cette lettre, les requérants ont introduit un recours en annulation devant le Tribunal dirigé, en substance contre, d’une part, l’instruction du 29 mai 2019 de l’ancien président du Parlement européen leur refusant le bénéfice du service d’accueil et d’assistance offert aux députés européens entrants ainsi que l’octroi d’une accréditation temporaire et contre, d’autre part, le refus de l’ancien président du Parlement de leur reconnaître la qualité de député européen, contenu dans la lettre du 27 juin 2019.

Le Parlement, soutenu par le Royaume d’Espagne, a invoqué, à titre principal, l’irrecevabilité du recours, aux motifs du manque de clarté de la requête quant à certains actes dont l’annulation est sollicitée et de l’absence d’actes attaquables.

Statuant en chambre élargie, le Tribunal rejette le recours comme étant irrecevable en ce qu’il n’est pas dirigé contre des actes attaquables au titre de l’article 263 TFUE.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal commence par un rappel de la jurisprudence constante en vertu de laquelle sont considérés comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE tous les actes pris par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de cette dernière{5}. En revanche, échappe au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires, tel que les actes préparatoires, les actes confirmatifs et les actes de pure exécution, les simples recommandations et avis ainsi que, en principe, les instructions internes{6}. Enfin, l’aptitude d’un acte à produire des effets de droit et, partant, à faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE implique d’examiner sa substance et d’apprécier lesdits effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu de ce même acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution de l’Union qui en est l’auteur{7}.

En premier lieu, examinant le caractère d’acte attaquable du refus de l’ancien président du Parlement de reconnaître aux requérants la qualité de député européen, contenu dans la lettre du 27 juin 2019, le Tribunal considère que ce refus n’est pas un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants, au sens de la jurisprudence constante de la Cour{8}. Dès lors, le recours en annulation contre ledit refus est irrecevable.

Premièrement, le Tribunal relève qu’il ressort des termes de la lettre du 27 juin 2019 que l’ancien président du Parlement n’a fait que prendre acte de la situation juridique des requérants dont il avait été informé officiellement par les autorités espagnoles par leurs communications des 17 et 20 juin 2019. En outre, cette lettre indiquait expressément que la position exprimée par l’ancien président du Parlement aurait pu évoluer en fonction de nouvelles informations reçues de la part des autorités espagnoles. Dès lors, selon le Tribunal, cette lettre excluait expressément tout caractère décisionnel et définitif de la position de l’ancien président du Parlement qui y était exprimée.

Deuxièmement, le Tribunal examine si le refus de l’ancien président du Parlement de reconnaître aux requérants la qualité de député européen avait été à l’origine des effets juridiques allégués par ces derniers, dont l’impossibilité de prendre leurs fonctions, d’exercer leur mandat et de siéger au Parlement. À cette fin, le Tribunal apprécie si l’ancien président du Parlement était compétent pour remettre en cause la communication du 17 juin 2019, par laquelle les autorités espagnoles lui ont officiellement communiqué la liste des candidats élus lors des élections du 26 mai 2019, laquelle ne mentionnait pas les noms des requérants, alors même que leurs noms figuraient dans la proclamation officielle du 13 juin 2019.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, s’agissant de l’élection des députés européens, l’acte électoral institue un partage de compétence entre le Parlement et les États membres. D’une part, sous réserve des dispositions de l’acte électoral, la procédure électorale est régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales{9}. D’autre part, après avoir rappelé le libellé de l’article 12 de l’acte électoral{10}, le Tribunal indique que cet article exclut expressément la compétence du Parlement pour se prononcer sur les contestations trouvant leur origine dans les dispositions du droit national, même lorsqu’un renvoi à ce droit est opéré par l’acte électoral, telles que l’exigence prévue à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole. Il s’ensuit que, aux fins de la vérification des pouvoirs de ses membres, le Parlement doit se fonder sur la liste des candidats élus communiquée officiellement par les autorités nationales, laquelle, par hypothèse, est établie au vu des résultats proclamés officiellement et après que d’éventuelles contestations fondées sur l’application du droit national ont été réglées par ces autorités. Dès lors, l’ancien président du Parlement n’était pas compétent pour contrôler le bien-fondé de l’exclusion de certains candidats élus de la liste communiquée officiellement par les autorités espagnoles le 17 juin 2019, celle-ci reflétant les résultats officiels des élections du 26 mai 2019, tels qu’établis, le cas échéant, après résolution des éventuelles contestations soulevées sur la base du droit national.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’impossibilité pour les requérants de prendre leurs fonctions, d’exercer leur mandat et de siéger au Parlement ne découle pas du refus de l’ancien président du Parlement de leur reconnaître la qualité de député européen, contenu dans la lettre du 27 juin 2019, mais de l’application du droit espagnol, telle que reflétée dans les communications de la commission électorale centrale des 17 et 20 juin 2019, à l’égard desquelles l’ancien président du Parlement et, plus généralement, le Parlement ne disposaient d’aucune marge d’appréciation.

En second lieu, examinant le caractère d’acte attaquable de l’instruction du 29 mai 2019, le Tribunal considère que, eu égard à son contenu, à son caractère provisoire et au contexte de son adoption, cette instruction n’a pas produit d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants au sens de la jurisprudence constante de la Cour{11}. Dès lors, le recours en annulation contre ladite instruction est irrecevable.

En effet, selon le Tribunal, cette instruction n’a pas eu pour effet d’empêcher les requérants d’effectuer les démarches administratives nécessaires à leur entrée en fonction et à l’exercice de leur mandat et, partant, n’a pas été à l’origine de l’impossibilité pour les requérants d’exercer les droits afférents à leur qualité de député européen à compter de l’ouverture de la première session après les élections, soit à compter du 2 juillet 2019.

{1} Acte portant élection des membres du Parlement au suffrage universel direct (JO 1976, L 278, p. 5), annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), tel que modifié par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1) (ci-après l’« acte électoral »). L’article 12 de l’acte électoral prévoit ce qui suit : « Le Parlement […] vérifie les pouvoirs des membres du Parlement […]. À cet effet, il prend acte des résultats proclamés officiellement par les États membres et statue sur les contestations qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base des dispositions du présent acte, à l’exclusion des dispositions nationales auxquelles celui-ci renvoie. »

{2} Boletín Oficial del Estado nº142, du 14 juin 2019, p. 62477 (ci-après la « proclamation du 13 juin 2019 »).

{3} Ley orgánica 5/1985 de Régimen Electoral General (loi organique 5/1985, portant régime électoral général), du 19 juin 1985 (Boletín Oficial del Estado nº 147, du 20 juin 1985, p. 19110) (ci-après la « loi électorale espagnole »).

{4} Cette procédure pénale avait été engagée devant les juridictions pénales espagnoles pour des faits relevant notamment des infractions de « sédition » et de « détournement de fonds publics ».

{5} Arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 9) et du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission (C-362/08 P, EU:C:2010:40, point 51).

{6} Voir arrêt du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission (C-131/03 P, EU:C:2006:541, point 55 et jurisprudence citée) et ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission (C-477/11 P, non publiée, EU:C:2012:292, point 52 et jurisprudence citée) ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 novembre 1995, Nutral/Commission (C-476/93 P, EU:C:1995:401, point 30).

{7} Voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission (C-16/16 P, EU:C:2018:79, point 32 et jurisprudence citée).

{8} Voir supra, note 5.

{9} En application de l’article 8, premier alinéa, de l’acte électoral.

{10} Voir supra, note 1.

{11} Voir supra, note 5.

Arrêt du 6 juillet 2022, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres / Parlement (T-388/19) (cf. points 74-77, 82-84, 96-106, 114, 118, 121, 129, 146, 147, 179-181, 185-188)

205. Parlement européen - Compétences - Contrôle de l'utilisation des fonds publics - Marge d'appréciation - Portée

Le requérant, KN, est membre du Comité économique et social européen (CESE) et a occupé la fonction de président du groupe des employeurs entre avril 2013 et octobre 2020.

Après avoir été informé d’allégations concernant le comportement du requérant à l’égard d’autres membres du CESE et de membres de son personnel, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête. Le 16 janvier 2020, l’OLAF a recommandé au CESE de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir tout nouveau cas de harcèlement de la part du requérant sur le lieu de travail. À la suite de ces recommandations, le 9 juin 2020, le bureau du CESE a invité le requérant à démissionner de ses fonctions de président du groupe des employeurs ainsi qu’à retirer sa candidature à la présidence du CESE. Il l’a, en outre, déchargé de toute activité d’encadrement et de gestion du personnel.

Le 20 octobre 2020, le Parlement européen a refusé d’accorder au CESE la décharge sur l’exécution de son budget pour l’exercice 2018, en exprimant sa préoccupation par rapport aux suites données aux recommandations de l’OLAF.

Le Parlement a ensuite accordé, par décision du 28 avril 2021, la décharge au CESE sur l’exécution de son budget pour l’exercice 2019{1}. Le lendemain, le Parlement a adopté une résolution dans laquelle il a rappelé que le refus d’accorder la décharge sur l’exécution du budget du CESE pour l’année 2018 était notamment fondé sur l’insuffisance des mesures prises par celui-ci à la suite des actes de harcèlement moral constatés dans le chef du requérant{2}.

Ce dernier a alors introduit un recours devant le Tribunal visant, d’une part, à annuler les deux actes du Parlement précités et, d’autre part, à condamner celui-ci à la réparation du préjudice prétendument subi.

Le Tribunal, statuant en chambre élargie, rejette le recours du requérant dans son intégralité. Dans son arrêt, d’une part, il apporte des précisions concernant le caractère attaquable des actes adoptés par le Parlement dans le cadre de la procédure annuelle de décharge sur l’exécution du budget des institutions, organes et organismes de l’Union. D’autre part, il se prononce sur des questions inédites relatives au traitement de données à caractère personnel et au respect du principe de la présomption d’innocence par le Parlement à l’occasion de l’adoption de la résolution contenant les observations qui font partie intégrante de la décision sur la décharge.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal conclut à l’irrecevabilité des conclusions en annulation. À cet égard, il rappelle que seul le dispositif d’un acte est susceptible de produire des effets juridiques et que les appréciations formulées dans les motifs d’un acte ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation. Ces appréciations ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge de l’Union que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte. Or, les observations figurant dans la résolution attaquée, qui font partie intégrante de la décision et permettent d’identifier le requérant comme étant l’auteur de comportements de harcèlement moral, ne constituent pas le support nécessaire du dispositif de cette décision relatif à la décharge sur l’exécution du budget du CESE pour l’exercice 2019. Les conclusions en annulation sont donc irrecevables pour défaut d’acte attaquable par le requérant. Toutefois, le requérant n’est pas privé d’un accès au juge car le recours en responsabilité non contractuelle{3} reste ouvert si le comportement du Parlement en cause est de nature à engager la responsabilité de l’Union.

En second lieu, le Tribunal constate que, en l’occurrence, le requérant n’a pas démontré l’existence d’un comportement illégal de la part du Parlement et, par conséquent, rejette les conclusions en indemnité.

Dans ce contexte, en se prononçant sur la violation alléguée par le requérant de son droit à la protection des données à caractère personnel, le Tribunal indique que le Parlement dispose d’une large marge d’appréciation s’agissant des observations qu’il formule sur la manière dont les institutions et organismes de l’Union ont exécuté la section du budget qui les concerne. En l’espèce, le Parlement a considéré que les mesures prises par le CESE pour mettre en œuvre les observations figurant dans la résolution relative à l’exercice 2018 étaient insuffisantes. Ainsi, le traitement des données à caractère personnel du requérant apparaissait nécessaire à l’exécution de la mission de contrôle de l’exécution du budget du CESE pour l’exercice 2019. Le traitement de ces données par le Parlement était également nécessaire en raison du fait que le comportement de harcèlement moral imputé au requérant était à l’origine de dysfonctionnements graves au sein du CESE qui se sont traduits par des dépenses qui auraient pu être évitées. De plus, dans le cadre de la procédure de décharge, la publication des actes attaqués, dans le respect du principe de transparence, vise à renforcer le contrôle public de l’exécution du budget et à contribuer à l’utilisation appropriée des fonds publics par l’administration de l’Union. Par conséquent, le Parlement n’a pas outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation en considérant qu’il était nécessaire de traiter les données à caractère personnel du requérant afin d’exécuter sa mission de contrôle de l’exécution du budget par le CESE.

En statuant sur la violation prétendue du principe de la présomption d’innocence, le Tribunal rappelle, tout d’abord, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle, aussi longtemps que la personne accusée d’une infraction n’a pas fait l’objet d’une condamnation définitive par un tribunal, une assemblée parlementaire est tenue de respecter ce principe et, partant, de faire preuve de discrétion et de réserve lorsqu’elle s’exprime, dans une résolution, à propos des faits pour lesquels cette personne fait l’objet d’une procédure pénale{4}.

Pour ce qui est, plus concrètement, des déclarations effectuées par une autorité publique après la clôture d’une enquête de l’OLAF, le Tribunal souligne également que le respect du principe de la présomption d’innocence ne s’oppose pas à ce que, dans le souci d’informer le public des actions mises en œuvre dans le contexte d’éventuels dysfonctionnements ou fraudes, une institution de l’Union fasse état, dans des termes équilibrés et mesurés, ainsi que de manière essentiellement factuelle, des principales conclusions du rapport de l’OLAF concernant un membre d’une institution{5}. Ainsi, le seul fait que, dans la résolution attaquée, le Parlement ait permis d’identifier le requérant comme étant l’auteur de comportements de harcèlement moral, ce qui correspond à la conclusion principale du rapport de l’OLAF, ne constitue pas en soi une méconnaissance de ce principe. En effet, les circonstances particulières du cas d’espèce permettent de comprendre que l’indication, dans la version française de la résolution attaquée, selon laquelle le requérant a été « jugé » responsable de harcèlement ne vise qu’à rappeler les conclusions de l’OLAF quant à l’existence d’un harcèlement moral de la part du requérant. Cette conclusion est en outre corroborée par d’autres versions linguistiques de la résolution attaquée, dans lesquelles les termes employés par le Parlement ne font aucune allusion à un jugement au sens judiciaire.

{1} Décision (UE, Euratom) 2021/1552 du Parlement européen, du 28 avril 2021, concernant la décharge sur l’exécution du budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2019, section VI - Comité économique et social européen (JO 2021, L 340, p. 140).

{2} Résolution (UE) 2021/1553 du Parlement européen, du 29 avril 2021, contenant les observations qui font partie intégrante de la décision concernant la décharge sur l’exécution du budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2019, section VI - Comité économique et social européen (JO 2021, L 340, p. 141).

{3} En vertu de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

{4} Voir notamment, à ce sujet, Cour EDH, 18 février 2016, Rywin c. Pologne, CE :ECHR :2016 :0218JUD 000609106, points 207 et 208.

{5} Voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2019, Dalli/Commission (T 399/17, non publié, EU:T:2019:384, points 175 à 178).

Arrêt du 30 novembre 2022, KN / Parlement (T-401/21) (cf. point 40)

206. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits fondamentaux - Présomption d'innocence - Portée - Résolution du Parlement européen désignant un membre du Comité économique et social européen (CESE) comme étant l'auteur de comportements de harcèlement moral - Reprise des conclusions du rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Absence de violation du principe de la présomption d'innocence - Respect de la confidentialité du rapport de l'OLAF

Le requérant, KN, est membre du Comité économique et social européen (CESE) et a occupé la fonction de président du groupe des employeurs entre avril 2013 et octobre 2020.

Après avoir été informé d’allégations concernant le comportement du requérant à l’égard d’autres membres du CESE et de membres de son personnel, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête. Le 16 janvier 2020, l’OLAF a recommandé au CESE de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir tout nouveau cas de harcèlement de la part du requérant sur le lieu de travail. À la suite de ces recommandations, le 9 juin 2020, le bureau du CESE a invité le requérant à démissionner de ses fonctions de président du groupe des employeurs ainsi qu’à retirer sa candidature à la présidence du CESE. Il l’a, en outre, déchargé de toute activité d’encadrement et de gestion du personnel.

Le 20 octobre 2020, le Parlement européen a refusé d’accorder au CESE la décharge sur l’exécution de son budget pour l’exercice 2018, en exprimant sa préoccupation par rapport aux suites données aux recommandations de l’OLAF.

Le Parlement a ensuite accordé, par décision du 28 avril 2021, la décharge au CESE sur l’exécution de son budget pour l’exercice 2019{1}. Le lendemain, le Parlement a adopté une résolution dans laquelle il a rappelé que le refus d’accorder la décharge sur l’exécution du budget du CESE pour l’année 2018 était notamment fondé sur l’insuffisance des mesures prises par celui-ci à la suite des actes de harcèlement moral constatés dans le chef du requérant{2}.

Ce dernier a alors introduit un recours devant le Tribunal visant, d’une part, à annuler les deux actes du Parlement précités et, d’autre part, à condamner celui-ci à la réparation du préjudice prétendument subi.

Le Tribunal, statuant en chambre élargie, rejette le recours du requérant dans son intégralité. Dans son arrêt, d’une part, il apporte des précisions concernant le caractère attaquable des actes adoptés par le Parlement dans le cadre de la procédure annuelle de décharge sur l’exécution du budget des institutions, organes et organismes de l’Union. D’autre part, il se prononce sur des questions inédites relatives au traitement de données à caractère personnel et au respect du principe de la présomption d’innocence par le Parlement à l’occasion de l’adoption de la résolution contenant les observations qui font partie intégrante de la décision sur la décharge.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal conclut à l’irrecevabilité des conclusions en annulation. À cet égard, il rappelle que seul le dispositif d’un acte est susceptible de produire des effets juridiques et que les appréciations formulées dans les motifs d’un acte ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation. Ces appréciations ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge de l’Union que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte. Or, les observations figurant dans la résolution attaquée, qui font partie intégrante de la décision et permettent d’identifier le requérant comme étant l’auteur de comportements de harcèlement moral, ne constituent pas le support nécessaire du dispositif de cette décision relatif à la décharge sur l’exécution du budget du CESE pour l’exercice 2019. Les conclusions en annulation sont donc irrecevables pour défaut d’acte attaquable par le requérant. Toutefois, le requérant n’est pas privé d’un accès au juge car le recours en responsabilité non contractuelle{3} reste ouvert si le comportement du Parlement en cause est de nature à engager la responsabilité de l’Union.

En second lieu, le Tribunal constate que, en l’occurrence, le requérant n’a pas démontré l’existence d’un comportement illégal de la part du Parlement et, par conséquent, rejette les conclusions en indemnité.

Dans ce contexte, en se prononçant sur la violation alléguée par le requérant de son droit à la protection des données à caractère personnel, le Tribunal indique que le Parlement dispose d’une large marge d’appréciation s’agissant des observations qu’il formule sur la manière dont les institutions et organismes de l’Union ont exécuté la section du budget qui les concerne. En l’espèce, le Parlement a considéré que les mesures prises par le CESE pour mettre en œuvre les observations figurant dans la résolution relative à l’exercice 2018 étaient insuffisantes. Ainsi, le traitement des données à caractère personnel du requérant apparaissait nécessaire à l’exécution de la mission de contrôle de l’exécution du budget du CESE pour l’exercice 2019. Le traitement de ces données par le Parlement était également nécessaire en raison du fait que le comportement de harcèlement moral imputé au requérant était à l’origine de dysfonctionnements graves au sein du CESE qui se sont traduits par des dépenses qui auraient pu être évitées. De plus, dans le cadre de la procédure de décharge, la publication des actes attaqués, dans le respect du principe de transparence, vise à renforcer le contrôle public de l’exécution du budget et à contribuer à l’utilisation appropriée des fonds publics par l’administration de l’Union. Par conséquent, le Parlement n’a pas outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation en considérant qu’il était nécessaire de traiter les données à caractère personnel du requérant afin d’exécuter sa mission de contrôle de l’exécution du budget par le CESE.

En statuant sur la violation prétendue du principe de la présomption d’innocence, le Tribunal rappelle, tout d’abord, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle, aussi longtemps que la personne accusée d’une infraction n’a pas fait l’objet d’une condamnation définitive par un tribunal, une assemblée parlementaire est tenue de respecter ce principe et, partant, de faire preuve de discrétion et de réserve lorsqu’elle s’exprime, dans une résolution, à propos des faits pour lesquels cette personne fait l’objet d’une procédure pénale{4}.

Pour ce qui est, plus concrètement, des déclarations effectuées par une autorité publique après la clôture d’une enquête de l’OLAF, le Tribunal souligne également que le respect du principe de la présomption d’innocence ne s’oppose pas à ce que, dans le souci d’informer le public des actions mises en œuvre dans le contexte d’éventuels dysfonctionnements ou fraudes, une institution de l’Union fasse état, dans des termes équilibrés et mesurés, ainsi que de manière essentiellement factuelle, des principales conclusions du rapport de l’OLAF concernant un membre d’une institution{5}. Ainsi, le seul fait que, dans la résolution attaquée, le Parlement ait permis d’identifier le requérant comme étant l’auteur de comportements de harcèlement moral, ce qui correspond à la conclusion principale du rapport de l’OLAF, ne constitue pas en soi une méconnaissance de ce principe. En effet, les circonstances particulières du cas d’espèce permettent de comprendre que l’indication, dans la version française de la résolution attaquée, selon laquelle le requérant a été « jugé » responsable de harcèlement ne vise qu’à rappeler les conclusions de l’OLAF quant à l’existence d’un harcèlement moral de la part du requérant. Cette conclusion est en outre corroborée par d’autres versions linguistiques de la résolution attaquée, dans lesquelles les termes employés par le Parlement ne font aucune allusion à un jugement au sens judiciaire.

{1} Décision (UE, Euratom) 2021/1552 du Parlement européen, du 28 avril 2021, concernant la décharge sur l’exécution du budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2019, section VI - Comité économique et social européen (JO 2021, L 340, p. 140).

{2} Résolution (UE) 2021/1553 du Parlement européen, du 29 avril 2021, contenant les observations qui font partie intégrante de la décision concernant la décharge sur l’exécution du budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2019, section VI - Comité économique et social européen (JO 2021, L 340, p. 141).

{3} En vertu de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

{4} Voir notamment, à ce sujet, Cour EDH, 18 février 2016, Rywin c. Pologne, CE :ECHR :2016 :0218JUD 000609106, points 207 et 208.

{5} Voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2019, Dalli/Commission (T 399/17, non publié, EU:T:2019:384, points 175 à 178).

Arrêt du 30 novembre 2022, KN / Parlement (T-401/21) (cf. points 61-64, 67, 68, 74, 75, 84, 85)

207. Parlement européen - Membres - Mandat - Déchéance de mandat - Notion - Expiration du mandat du fait d'une condamnation pénale - Inclusion

Voir texte de la décision.

Arrêt du 22 décembre 2022, Junqueras i Vies / Parlement (C-115/21 P) (cf. point 57)

208. Parlement européen - Vérification des pouvoirs des membres - Limites - Exercice consistant à prendre acte de la déchéance du mandat d'un membre du Parlement résultant de l'application du droit national - Compétence du Parlement - Marge d'appréciation pour déclarer la vacance de siège résultant du droit national - Absence

Voir texte de la décision.

Arrêt du 22 décembre 2022, Junqueras i Vies / Parlement (C-115/21 P) (cf. points 59-62)

209. Parlement européen - Vérification des pouvoirs des membres - Limites - Faculté de refuser de constater la vacance du siège d'un membre en cas d'inexactitude matérielle ou de vice de consentement - Conditions - Existence d'un pouvoir de constater une telle vacance

Voir texte de la décision.

Arrêt du 22 décembre 2022, Junqueras i Vies / Parlement (C-115/21 P) (cf. points 65, 66)

210. Parlement européen - Élections - Procédure électorale - Notion - Règles de vote et d'attribution des mandats - Inclusion - Règles d'éligibilité des membres du Parlement - Inclusion

Voir texte de la décision.

Arrêt du 22 décembre 2022, Junqueras i Vies / Parlement (C-115/21 P) (cf. point 70)

211. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de levée de l'immunité - Objet - Existence de poursuites pénales pour les mêmes faits - Impossibilité - Suspension de la procédure de levée d'immunité - Exclusion



Ordonnance du 22 décembre 2022, Jalkh / Parlement (C-82/22 P) (cf. points 29, 30, 32)

212. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Communication d'une commission du Parlement concernant la pratique en matière de privilèges et immunités des membres - Acte abrogé - Caractère contraignant - Absence



Ordonnance du 22 décembre 2022, Jalkh / Parlement (C-82/22 P) (cf. points 38, 39)

213. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Décision d'exclusion d'un député de la participation aux délégations d'observation des élections du Parlement jusqu'à la fin de son mandat - Acte n'affectant que l'organisation interne du Parlement - Exclusion



Ordonnance du 14 mars 2023, Mariani / Parlement (T-196/22) (cf. points 31-38, 41-44)



Ordonnance du 14 mars 2023, Lacapelle / Parlement (T-240/22) (cf. points 31-38, 41-44)



Ordonnance du 14 mars 2023, Juvin / Parlement (T-241/22) (cf. points 31-38, 41-44)

214. Parlement européen - Compétences - Organisation interne - Pouvoir du secrétaire général du Parlement de diriger le Secrétariat - Portée - Compétence d'adopter une directive interne dérogeant aux dispositions du statut des fonctionnaires - Exclusion

Au mois de mars 2020, compte tenu de l’évolution rapide de la pandémie de COVID-19, le secrétaire général du Parlement européen (ci-après le « secrétaire général ») a adopté plusieurs décisions internes relatives aux conditions de travail de ses fonctionnaires et agents. Les membres du personnel dont la présence physique dans les locaux n’était pas absolument indispensable ont été soumis à un régime de télétravail obligatoire à concurrence de 70 %, porté, par la suite, à 100 %.

Dans ce contexte, le 31 mars 2020, le secrétaire général a adopté une décision relative au travail à temps partiel temporaire effectué en dehors du lieu d’affectation pour des raisons familiales en réaction à la pandémie de COVID-19 (ci-après la « décision du secrétaire général »). Il en ressortait que, pour la période couverte par l’autorisation d’exercer son travail à temps partiel en vertu de cette décision, un membre concerné du personnel du Parlement ne percevrait pas l’indemnité de dépaysement, prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), à laquelle il avait normalement droit.

Plusieurs fonctionnaires du Parlement, qui avaient demandé et obtenu l’autorisation de travailler à temps partiel en dehors de leur lieu d’affectation sur la base de la décision du secrétaire général mais qui s’estimaient y avoir été contraints, ont introduit un recours visant, en substance, à l’annulation des décisions leur accordant cette autorisation ainsi que des décisions ayant suspendu le versement de l’indemnité de dépaysement pendant la période concernée.

Le Tribunal, statuant en chambre élargie, accueille partiellement le recours et annule les décisions de suspension de l’indemnité de dépaysement au motif qu’elles sont dépourvues de base légale. Dans son arrêt, le Tribunal se prononce pour la première fois sur la possibilité de suspendre l’indemnité de dépaysement de fonctionnaires et d’agents qui ne résideraient temporairement plus au lieu de leur affectation dans des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de COVID-19 et interprète pour la première fois, dans ce contexte, l’article 20 du statut, prévoyant l’obligation d’une telle résidence.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, s’agissant de la recevabilité des conclusions en annulation des décisions autorisant le travail à temps partiel, le Tribunal examine l’intérêt à agir des requérants à la lumière de sa jurisprudence selon laquelle l’annulation de l’acte attaqué doit être susceptible de procurer un avantage à la personne qui intente le recours.

En l’espèce, les décisions en question ont été adoptées à la demande des requérants afin qu’ils puissent rejoindre leurs proches en dehors de leur lieu d’affectation. Dès lors que le Parlement a donné satisfaction aux requérants concernés, ceux-ci n’avaient pas d’intérêt à demander l’annulation des décisions autorisant le travail à temps partiel, de sorte que leurs conclusions à cette fin doivent être rejetées comme irrecevables.

À cet égard, s’il est vrai qu’il n’existait aucune décision du secrétaire général du Parlement offrant la possibilité aux fonctionnaires d’introduire une demande visant à pouvoir travailler à temps complet en dehors de leur lieu d’affectation, il n’en demeure pas moins que les requérants disposaient de la possibilité de saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) d’une demande explicite en ce sens, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tout en exposant les motifs particuliers de leur demande.

Si les requérants entendent reprocher au Parlement d’avoir exercé une pression psychologique à leur égard pour qu’ils demandent l’application de la décision du secrétaire général du 31 mars 2020, une telle pression serait constitutive d’un comportement dépourvu de caractère décisionnel du Parlement, qu’il serait loisible aux requérants de contester dans le cadre d’un recours indemnitaire, moyennant le respect de la procédure précontentieuse prévue à l’article 90 du statut.

En second lieu, pour ce qui est des conclusions en annulation des décisions de suspension de l’indemnité de dépaysement, le Tribunal conclut que la suspension de cette indemnité prévue par la décision du secrétaire général est contraire à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.

En effet, l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 69 du statut, dont les modalités d’octroi sont précisées à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII dudit statut, a pour objet de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès de l’Union pour les fonctionnaires qui sont, de ce fait, obligés de transférer leur résidence de l’État de leur domicile à l’État d’affectation et de s’intégrer dans un nouveau milieu. Elle est attribuée à titre de compensation des dépenses matérielles et des inconvénients d’ordre moral résultant du fait que le fonctionnaire est éloigné de son lieu d’origine et qu’il maintient généralement des relations familiales avec sa région d’origine. À cet égard, le versement de l’indemnité de dépaysement ne perd nullement sa raison d’être lorsque, dans des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de COVID-19, le fonctionnaire travaille en dehors de son lieu d’affectation pendant une brève période, au cours de laquelle il continue à supporter des frais liés à sa résidence audit lieu d’affectation, tels le loyer ou le remboursement d’un crédit, les factures d’énergie, d’eau ou d’entretien de la copropriété. Dans de telles circonstances, ces frais restent à sa charge en raison du caractère temporaire de l’autorisation exceptionnelle du travail en dehors du lieu d’affectation dont nul ne peut prévoir la durée.

Certes, l’octroi de l’indemnité de dépaysement conformément à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut est intrinsèquement lié à l’obligation de résidence des fonctionnaires de l’Union, prévue à l’article 20 du statut, aux termes duquel, d’une part, tout fonctionnaire est tenu de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions et, d’autre part, le fonctionnaire informe l’AIPN de son adresse et l’avise immédiatement de tout changement de celle-ci.

Toutefois, l’article 20 du statut doit être lu conjointement avec l’article 55, paragraphe 1, du statut, aux termes duquel les fonctionnaires en activité sont à tout moment à la disposition de leur institution. Il en résulte que le fonctionnaire qui ne réside pas au lieu de son affectation doit néanmoins être en mesure de se rendre sur son lieu de son travail à tout moment, conformément aux règles en matière d’organisation du travail qui lui sont applicables, afin d’y exercer les tâches qui lui sont dévolues dans l’intérêt du service. Or, dans des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de COVID-19, où les règles internes relatives au télétravail et à la présence physique des membres du personnel dans les locaux de l’institution concernée ne trouvent temporairement plus à s’appliquer, et où l’ensemble du personnel dont la présence n’est pas considérée comme indispensable est obligatoirement en télétravail à temps complet, un non-respect de l’obligation de résidence au lieu de son affectation ne peut justifier la suspension l’indemnité de dépaysement.

Par ailleurs, le statut ne contient aucune disposition prévoyant la possibilité pour une institution, un organe ou un organisme de l’Union de suspendre le versement de l’indemnité de dépaysement, même dans des circonstances exceptionnelles telles que celles liées à la pandémie de COVID-19. Par ces motifs, le Tribunal déclare une telle suspension, prévue par la décision du secrétaire général, illégale.

Arrêt du 19 avril 2023, PP e.a. / Parlement (T-39/21) (cf. point 93)

215. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Appréciation à la lumière du contenu de l'acte, de son contexte d'adoption et des compétences de son auteur - Refus du président du Parlement de donner suite à une demande visant à défendre des privilèges et immunités de membres du Parlement - Acte ne visant pas à produire des effets juridiques obligatoires - Irrecevabilité

Les requérants se sont présentés comme candidats aux élections au Parlement européen tenues en Espagne le 26 mai 2019, à l’issue desquelles ils ont été proclamés élus{1}. Le 15 juin 2019, le juge d’instruction du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a refusé de retirer les mandats d’arrêt nationaux délivrés contre eux par les juridictions pénales espagnoles dans le cadre de la procédure pénale dont ils faisaient l’objet pour des faits relevant notamment d’infractions de rébellion, de sédition et de détournement de fonds publics.

Le 17 juin 2019, la Junta Electoral Central (commission électorale centrale, Espagne) a notifié au Parlement la liste des candidats élus en Espagne, sur laquelle ne figuraient pas les noms des requérants. Le 20 juin, elle a communiqué au Parlement une décision dans laquelle elle constatait que les requérants n’avaient pas prêté le serment de respecter la Constitution espagnole exigé par la loi électorale espagnole{2} et, par conséquent, a déclaré la vacance de leurs sièges au Parlement ainsi que la suspension de toutes les prérogatives qui pourraient leur revenir du fait de leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient prêté ce serment. La première session du Parlement nouvellement élu après les élections du 26 mai 2019 a été ouverte le 2 juillet 2019, hors la présence des requérants.

Par courriel du 10 octobre 2019, une députée européenne, agissant au nom des requérants, a adressé au président du Parlement nouvellement élu une demande émanant de 38 députés européens, dont elle-même, visant à ce que le Parlement défende l’immunité parlementaire des requérants visée par le protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne{3}. Le 10 décembre 2019, le président du Parlement a rejeté cette demande en indiquant notamment que le Parlement ne pouvait considérer les requérants comme membres du Parlement, en l’absence de communication officielle de leur élection par les autorités espagnoles, au sens de l’acte électoral{4}.

Les requérants ont introduit, devant le Tribunal, un recours en annulation dirigé contre cette décision.

Le Parlement, soutenu par le Royaume d’Espagne, a soulevé une exception d’irrecevabilité du recours, tirée de l’absence d’acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

Statuant en chambre élargie, le Tribunal accueille cette exception et, partant, rejette le recours comme étant irrecevable en ce qu’il n’est pas dirigé contre un acte susceptible d’être contesté par la voie du recours en annulation prévu à l’article 263 TFUE.

Appréciation du Tribunal

À titre liminaire, le Tribunal rappelle la jurisprudence constante en vertu de laquelle sont considérés comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE tous les actes pris par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de cette dernière.

Le Tribunal précise également que la réponse d’une institution de l’Union à une demande qui lui a été adressée ne constitue pas nécessairement une décision, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ouvrant ainsi au destinataire de cette réponse la voie du recours en annulation. Par ailleurs, lorsqu’une décision d’une institution de l’Union revêt un caractère négatif, cette décision doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse. Ainsi, le rejet, par une institution, d’une demande qui lui a été adressée ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation lorsque cette demande ne tend pas à l’adoption, par cette institution, d’une mesure produisant des effets juridiques obligatoires.

En l’espèce, afin de déterminer si le refus opposé par le président du Parlement à la suite de la demande de défense de l’immunité parlementaire des requérants est un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, le Tribunal examine si la décision de défense sollicitée était susceptible de produire des effets juridiques.

À cet égard, en premier lieu, le Tribunal écarte l’argumentation des requérants selon laquelle la compétence exclusive du Parlement pour lever l’immunité de l’un de ses membres{5} lui confèrerait une compétence exclusive pour décider de manière contraignante si celui-ci bénéficie ou non de l’immunité dans une affaire donnée.

En deuxième lieu, le Tribunal indique que, en vertu du protocole nº 7{6}, sur leur territoire national, les membres du Parlement bénéficient des immunités reconnues, par le droit national, aux membres du parlement de leur pays. Ainsi, l’étendue et la portée de l’immunité dont jouissent les députés européens sur leur territoire national, ou, en d’autres termes, le contenu matériel de cette immunité, sont déterminées par les différents droits nationaux. Le Tribunal en déduit que, dans le cas où le droit d’un État membre prévoit une procédure de défense de l’immunité des membres du parlement national, permettant à celui-ci d’intervenir auprès des autorités judiciaires ou de police, notamment en requérant la suspension des poursuites dont l’un de ses membres fait l’objet, les mêmes pouvoirs sont reconnus au Parlement à l’égard des députés européens élus au titre de cet État.

En troisième lieu, le Tribunal constate que les dispositions de droit national{7}, telles qu’elles sont interprétées par les juridictions nationales{8}, ne confèrent pas au parlement espagnol le pouvoir de défendre l’immunité de l’un de ses membres lorsque la juridiction nationale ne reconnaît pas cette immunité, notamment en requérant la suspension d’une procédure judiciaire engagée à son égard. Ainsi, le Parlement ne dispose pas, sur le fondement du droit national auquel le protocole nº 7 renvoie, d’un tel pouvoir à l’égard des députés élus au titre du Royaume d’Espagne.

Il en résulte que le Parlement ne dispose pas d’une compétence trouvant sa source dans un acte normatif pour adopter une décision de défense de l’immunité des requérants qui produirait des effets juridiques contraignants à l’égard des autorités judiciaires espagnoles. Partant, le Parlement ne pouvait adopter, en réponse à la demande de défense de l’immunité parlementaire des requérants, une décision produisant des effets juridiques obligatoires.

Par conséquent, le refus du président du Parlement de donner suite à cette demande n’est pas un acte susceptible de recours au titre de l’article 263 TFUE.

{1} Décision du 13 juin 2019 de la Commission électorale centrale portant « [p]roclamation des députés élus au Parlement européen aux élections organisées le 26 mai 2019 » (BOE no 142, du 14 juin 2019, p. 62477).

{2} Article 224, paragraphe 2, de la Ley orgánica 5/1985 de régimen electoral general (loi organique 5/1985, portant régime électoral général), du 19 juin 1985 (BOE no 147, du 20 juin 1985, p. 19110).

{3} L’immunité parlementaire est visée à l’article 9, premier et deuxième alinéas, du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266).

{4} Acte portant élection des membres du Parlement au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), tel que modifié par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1).

{5} En vertu de l’article 9, troisième alinéa, du protocole nº 7.

{6} En vertu de l’article 9, premier alinéa, sous a), du protocole nº 7.

{7} Article 71 de la Constitution espagnole, article 751, paragraphe 2, et article 753 de la Ley de Enjuiciamiento Criminal (code de procédure pénale) ainsi que article 12 du Reglamento del Congreso de los Diputados (règlement de la Chambre des députés).

{8} En particulier, par le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne) dans son arrêt 70/2021, du 18 mars 2021, dont la solution a été reprise par des arrêts ultérieurs.

Arrêt du 5 juillet 2023, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres / Parlement (T-115/20) (cf. points 36-38, 54-56, 74-77, 82, 83, 87, 89)

216. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de levée de l'immunité - Procédure d'examen de cette demande - Décision statuant sur ladite demande - Principe d'impartialité - Applicabilité de ce principe à une telle décision - Portée dudit principe

Les trois requérants ont présenté leur candidature aux élections au Parlement européen tenues en Espagne le 26 mai 2019, à l’issue desquelles, le 13 juin 2019, le premier et le deuxième requérants ont été proclamés élus. Le 20 juin 2019, la Junta Electoral Central (commission électorale centrale, Espagne) a communiqué au Parlement une décision dans laquelle elle constatait que ces derniers n’avaient pas prêté le serment de respecter la Constitution espagnole exigé par la loi électorale espagnole{1} et, par conséquent, a déclaré la vacance de leurs sièges au Parlement. Le 27 juin 2019, le président du Parlement alors en fonction a informé les premier et deuxième requérants qu’il n’était pas en mesure de les traiter comme de futurs membres du Parlement.

Les 14 octobre et 4 novembre 2019, le juge d’instruction de la chambre pénale du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a émis un mandat d’arrêt national, un mandat d’arrêt européen et un mandat d’arrêt international contre chaque requérant, afin qu’ils puissent être jugés dans le cadre de la procédure pénale engagée à leur encontre pour des faits relevant entre autres, selon les personnes concernées, d’infractions de rébellion, de sédition et de détournement de fonds publics.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le Parlement a pris acte, à la suite de l’arrêt Junqueras Vies{2}, de l’élection au Parlement des premier et deuxième requérants avec effet au 2 juillet 2019. Le 16 janvier 2020, le vice-président du Parlement a communiqué en séance plénière les demandes transmises par le président de la Cour suprême le 13 janvier précédent, tendant à la levée d’immunité des premier et deuxième requérants, et les a renvoyées à la commission des affaires juridiques du Parlement.

Le 10 février 2020, le Parlement a, à la suite du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne, intervenu le 31 janvier 2020, pris acte de l’élection de la troisième requérante en tant que députée avec effet au 1er février 2020. Le 13 février 2020, le vice-président du Parlement a communiqué en séance plénière la demande transmise par le président de la Cour suprême le 10 février 2020 tendant à la levée d’immunité de la troisième requérante et a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques du Parlement.

Par trois décisions du 9 mars 2021{3}, le Parlement a levé l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole nº 7{4} des trois requérants, qui ont alors introduit, devant le Tribunal, un recours en annulation dirigé contre ces trois décisions.

Statuant en chambre élargie, le Tribunal rejette le recours des requérants, ce qui le conduit, en particulier, à se prononcer sur l’applicabilité du principe d’impartialité à une décision statuant sur une demande de levée de l’immunité d’un député européen et sur la portée de ce principe ainsi que sur l’examen à mener par le Parlement lorsqu’il est saisi d’une telle demande.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, s’agissant de l’exigence d’impartialité, consacrée à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui s’impose aux institutions dans l’accomplissement de leurs missions, le Tribunal rappelle qu’elle tend à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de l’Union. Elle vise, notamment, à éviter des situations de conflits d’intérêts éventuels s’agissant de fonctionnaires et d’agents agissant pour le compte de ces institutions. Elle s’impose également aux membres du Parlement lorsqu’ils interviennent dans le cadre de l’adoption de décisions relevant des fonctions administratives du Parlement. Le Tribunal juge qu’elle s’impose de même aux membres du Parlement qui, en tant que membres de la commission des affaires juridiques, participent à la phase d’instruction d’une demande de levée d’immunité, et ce, en dépit du caractère politique de la décision statuant sur une telle demande. Il précise que cette exigence doit toutefois nécessairement tenir compte du fait que ces membres ne sont pas, par définition, politiquement neutres, ce qui les distingue des fonctionnaires et des agents agissant pour le compte des institutions, organes et organismes de l’Union.

Le Tribunal relève également que la commission des affaires juridiques est un organe politique, dont la composition vise à refléter la pluralité existant au sein du Parlement. Cette commission désigne, en son sein, le rapporteur selon un système de rotation égalitaire entre les groupes politiques. Il s’ensuit que, si la mission de rapporteur est confiée à un député relevant d’un groupe politique donné, ce député agit dans le cadre d’une commission dont la composition reflète l’équilibre des groupes politiques au sein du Parlement.

Le Tribunal considère que, dans ce contexte, l’impartialité d’un député qui intervient au cours de cette phase d’instruction, tel le rapporteur, ne saurait, en principe, être appréciée à l’aune de son idéologie politique ni à l’aune d’une comparaison entre son idéologie politique et celle du député visé par la demande de levée d’immunité. En particulier, l’appartenance du rapporteur à un parti politique national ou à un groupe politique constitué au sein du Parlement, quelles que soient les valeurs et les idées portées par ces derniers, et à supposer même que celles-ci seraient susceptibles de révéler des sensibilités a priori défavorables à la situation du député visé par la demande de levée d’immunité, est, en principe, sans incidence sur l’appréciation de l’impartialité du rapporteur.

Le Tribunal en tire la conséquence que, en l’espèce, l’appartenance du rapporteur au groupe politique européen des conservateurs et réformistes européens, qui comprend également les députés, membres du parti politique VOX, à l’origine de la procédure pénale visant les requérants, est, en principe, sans incidence sur l’appréciation de son impartialité. À cet égard, le Tribunal considère que la situation particulière des députés membres dudit parti ne saurait s’étendre, par principe, à l’ensemble des membres du groupe politique des conservateurs et réformistes européens au seul motif qu’ils partagent, dès lors qu’ils relèvent d’un même groupe, des affinités politiques. Dans ce contexte, le fait que le député, futur rapporteur des affaires de levée d’immunité des requérants, ait manifesté son soutien aux idées portées par le parti politique VOX concernant, en particulier, la situation politique de la Catalogne ainsi que son opposition aux idées politiques défendues par les requérants, ne saurait suffire à caractériser une atteinte au principe d’impartialité.

Après avoir relevé l’absence d’invocation, par les requérants, d’un intérêt personnel du rapporteur aux affaires en cause ou d’un préjugé d’ordre personnel de ce dernier, dissociable de son idéologie politique, le Tribunal écarte le grief tiré du défaut d’impartialité du rapporteur.

En second lieu, s’agissant de l’examen à mener par le Parlement lorsqu’il est saisi d’une demande de levée d’immunité, le Tribunal rappelle que le Parlement doit, dans un premier temps, vérifier si les faits qui sont à l’origine de cette demande sont susceptibles d’être couverts par l’article 8 du protocole nº 7, en tant que disposition spéciale. Dans l’affirmative, le Parlement doit constater qu’une levée de l’immunité est impossible. Ce n’est que si cette institution conclut par la négative qu’il lui appartient de vérifier, dans un second temps, si le député concerné bénéficie de l’immunité prévue à l’article 9 dudit protocole pour les faits en cause et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, de ce protocole.

À cet égard, le Tribunal constate que, dans les décisions attaquées, le Parlement a relevé que les faits à l’origine des demandes de levée d’immunité ne relevaient pas de l’article 8 du protocole nº 7.

Ensuite, s’agissant de la question de savoir si les requérants bénéficiaient de l’immunité prévue à l’article 9 au titre des faits en cause, le Tribunal considère que, dès lors que, dans le cadre de ses pouvoirs relatifs aux immunités, le Parlement doit en assurer l’effectivité, celui-ci a implicitement mais nécessairement considéré que, dans les circonstances de l’espèce, seule l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole nº 7 constituait un obstacle à l’arrestation des requérants et à leur remise aux autorités espagnoles en application des mandats d’arrêt européens litigieux.

À cet égard, le Tribunal relève que, dans les décisions attaquées, le Parlement a pris acte du fait que le droit espagnol, tel qu’interprété par les juridictions nationales, ne conférait pas d’immunité aux requérants au titre des faits en cause. Le Tribunal considère que, dès lors que l’étendue et la portée de l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous a), du protocole nº 7 sont déterminées par le droit national, c’est à bon droit que le Parlement s’est référé au droit national tel qu’interprété par les juridictions nationales. Le Tribunal estime également que les requérants n’ont pas établi que ce constat était erroné.

Le Tribunal juge, en outre, que le silence des décisions attaquées concernant l’immunité prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole nº 7, qui concerne l’immunité des membres du Parlement lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement ou en reviennent, n’est pas de nature à leur conférer un caractère ambigu car l’immunité prévue à cette disposition ne conférait pas aux requérants de protection autonome par rapport à celle dont ils bénéficiaient au titre de l’article 9, premier alinéa.

Enfin, le Tribunal précise qu’il n’appartient pas au Parlement, lors de son examen de la question de savoir s’il y a lieu de lever l’immunité de l’un de ses membres, d’apprécier la légalité des actes adoptés par les autorités judiciaires au cours de la procédure nationale en cause, tels que, en l’espèce, les mandats d’arrêt nationaux et européens. Cette question relève en effet de la seule compétence des autorités nationales.

{1} Article 224, paragraphe 2, de la Ley orgánica 5/1985 de régimen electoral general (loi organique 5/1985, portant régime électoral général), du 19 juin 1985 (BOE nº 147, du 20 juin 1985, p. 19110).

{2} Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115).

{3} Décisions P9_TA(2021)0059, P9_TA(2021)0060 et P9_TA(2021)0061 du Parlement européen, du 9 mars 2021.

{4} Cet article du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266) dispose que, pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient sur le territoire de tout autre État membre de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

Arrêt du 5 juillet 2023, Puigdemont i Casamajó e.a. / Parlement (T-272/21) (cf. points 221-227, 241-256)

217. Privilèges et immunités de l'Union européenne - Membres du Parlement européen - Immunité - Demande de levée de l'immunité - Conditions - Vérification par le Parlement - Portée

Les trois requérants ont présenté leur candidature aux élections au Parlement européen tenues en Espagne le 26 mai 2019, à l’issue desquelles, le 13 juin 2019, le premier et le deuxième requérants ont été proclamés élus. Le 20 juin 2019, la Junta Electoral Central (commission électorale centrale, Espagne) a communiqué au Parlement une décision dans laquelle elle constatait que ces derniers n’avaient pas prêté le serment de respecter la Constitution espagnole exigé par la loi électorale espagnole{1} et, par conséquent, a déclaré la vacance de leurs sièges au Parlement. Le 27 juin 2019, le président du Parlement alors en fonction a informé les premier et deuxième requérants qu’il n’était pas en mesure de les traiter comme de futurs membres du Parlement.

Les 14 octobre et 4 novembre 2019, le juge d’instruction de la chambre pénale du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a émis un mandat d’arrêt national, un mandat d’arrêt européen et un mandat d’arrêt international contre chaque requérant, afin qu’ils puissent être jugés dans le cadre de la procédure pénale engagée à leur encontre pour des faits relevant entre autres, selon les personnes concernées, d’infractions de rébellion, de sédition et de détournement de fonds publics.

Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le Parlement a pris acte, à la suite de l’arrêt Junqueras Vies{2}, de l’élection au Parlement des premier et deuxième requérants avec effet au 2 juillet 2019. Le 16 janvier 2020, le vice-président du Parlement a communiqué en séance plénière les demandes transmises par le président de la Cour suprême le 13 janvier précédent, tendant à la levée d’immunité des premier et deuxième requérants, et les a renvoyées à la commission des affaires juridiques du Parlement.

Le 10 février 2020, le Parlement a, à la suite du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne, intervenu le 31 janvier 2020, pris acte de l’élection de la troisième requérante en tant que députée avec effet au 1er février 2020. Le 13 février 2020, le vice-président du Parlement a communiqué en séance plénière la demande transmise par le président de la Cour suprême le 10 février 2020 tendant à la levée d’immunité de la troisième requérante et a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques du Parlement.

Par trois décisions du 9 mars 2021{3}, le Parlement a levé l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole nº 7{4} des trois requérants, qui ont alors introduit, devant le Tribunal, un recours en annulation dirigé contre ces trois décisions.

Statuant en chambre élargie, le Tribunal rejette le recours des requérants, ce qui le conduit, en particulier, à se prononcer sur l’applicabilité du principe d’impartialité à une décision statuant sur une demande de levée de l’immunité d’un député européen et sur la portée de ce principe ainsi que sur l’examen à mener par le Parlement lorsqu’il est saisi d’une telle demande.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, s’agissant de l’exigence d’impartialité, consacrée à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui s’impose aux institutions dans l’accomplissement de leurs missions, le Tribunal rappelle qu’elle tend à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de l’Union. Elle vise, notamment, à éviter des situations de conflits d’intérêts éventuels s’agissant de fonctionnaires et d’agents agissant pour le compte de ces institutions. Elle s’impose également aux membres du Parlement lorsqu’ils interviennent dans le cadre de l’adoption de décisions relevant des fonctions administratives du Parlement. Le Tribunal juge qu’elle s’impose de même aux membres du Parlement qui, en tant que membres de la commission des affaires juridiques, participent à la phase d’instruction d’une demande de levée d’immunité, et ce, en dépit du caractère politique de la décision statuant sur une telle demande. Il précise que cette exigence doit toutefois nécessairement tenir compte du fait que ces membres ne sont pas, par définition, politiquement neutres, ce qui les distingue des fonctionnaires et des agents agissant pour le compte des institutions, organes et organismes de l’Union.

Le Tribunal relève également que la commission des affaires juridiques est un organe politique, dont la composition vise à refléter la pluralité existant au sein du Parlement. Cette commission désigne, en son sein, le rapporteur selon un système de rotation égalitaire entre les groupes politiques. Il s’ensuit que, si la mission de rapporteur est confiée à un député relevant d’un groupe politique donné, ce député agit dans le cadre d’une commission dont la composition reflète l’équilibre des groupes politiques au sein du Parlement.

Le Tribunal considère que, dans ce contexte, l’impartialité d’un député qui intervient au cours de cette phase d’instruction, tel le rapporteur, ne saurait, en principe, être appréciée à l’aune de son idéologie politique ni à l’aune d’une comparaison entre son idéologie politique et celle du député visé par la demande de levée d’immunité. En particulier, l’appartenance du rapporteur à un parti politique national ou à un groupe politique constitué au sein du Parlement, quelles que soient les valeurs et les idées portées par ces derniers, et à supposer même que celles-ci seraient susceptibles de révéler des sensibilités a priori défavorables à la situation du député visé par la demande de levée d’immunité, est, en principe, sans incidence sur l’appréciation de l’impartialité du rapporteur.

Le Tribunal en tire la conséquence que, en l’espèce, l’appartenance du rapporteur au groupe politique européen des conservateurs et réformistes européens, qui comprend également les députés, membres du parti politique VOX, à l’origine de la procédure pénale visant les requérants, est, en principe, sans incidence sur l’appréciation de son impartialité. À cet égard, le Tribunal considère que la situation particulière des députés membres dudit parti ne saurait s’étendre, par principe, à l’ensemble des membres du groupe politique des conservateurs et réformistes européens au seul motif qu’ils partagent, dès lors qu’ils relèvent d’un même groupe, des affinités politiques. Dans ce contexte, le fait que le député, futur rapporteur des affaires de levée d’immunité des requérants, ait manifesté son soutien aux idées portées par le parti politique VOX concernant, en particulier, la situation politique de la Catalogne ainsi que son opposition aux idées politiques défendues par les requérants, ne saurait suffire à caractériser une atteinte au principe d’impartialité.

Après avoir relevé l’absence d’invocation, par les requérants, d’un intérêt personnel du rapporteur aux affaires en cause ou d’un préjugé d’ordre personnel de ce dernier, dissociable de son idéologie politique, le Tribunal écarte le grief tiré du défaut d’impartialité du rapporteur.

En second lieu, s’agissant de l’examen à mener par le Parlement lorsqu’il est saisi d’une demande de levée d’immunité, le Tribunal rappelle que le Parlement doit, dans un premier temps, vérifier si les faits qui sont à l’origine de cette demande sont susceptibles d’être couverts par l’article 8 du protocole nº 7, en tant que disposition spéciale. Dans l’affirmative, le Parlement doit constater qu’une levée de l’immunité est impossible. Ce n’est que si cette institution conclut par la négative qu’il lui appartient de vérifier, dans un second temps, si le député concerné bénéficie de l’immunité prévue à l’article 9 dudit protocole pour les faits en cause et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, de ce protocole.

À cet égard, le Tribunal constate que, dans les décisions attaquées, le Parlement a relevé que les faits à l’origine des demandes de levée d’immunité ne relevaient pas de l’article 8 du protocole nº 7.

Ensuite, s’agissant de la question de savoir si les requérants bénéficiaient de l’immunité prévue à l’article 9 au titre des faits en cause, le Tribunal considère que, dès lors que, dans le cadre de ses pouvoirs relatifs aux immunités, le Parlement doit en assurer l’effectivité, celui-ci a implicitement mais nécessairement considéré que, dans les circonstances de l’espèce, seule l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole nº 7 constituait un obstacle à l’arrestation des requérants et à leur remise aux autorités espagnoles en application des mandats d’arrêt européens litigieux.

À cet égard, le Tribunal relève que, dans les décisions attaquées, le Parlement a pris acte du fait que le droit espagnol, tel qu’interprété par les juridictions nationales, ne conférait pas d’immunité aux requérants au titre des faits en cause. Le Tribunal considère que, dès lors que l’étendue et la portée de l’immunité prévue à l’article 9, premier alinéa, sous a), du protocole nº 7 sont déterminées par le droit national, c’est à bon droit que le Parlement s’est référé au droit national tel qu’interprété par les juridictions nationales. Le Tribunal estime également que les requérants n’ont pas établi que ce constat était erroné.

Le Tribunal juge, en outre, que le silence des décisions attaquées concernant l’immunité prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole nº 7, qui concerne l’immunité des membres du Parlement lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement ou en reviennent, n’est pas de nature à leur conférer un caractère ambigu car l’immunité prévue à cette disposition ne conférait pas aux requérants de protection autonome par rapport à celle dont ils bénéficiaient au titre de l’article 9, premier alinéa.

Enfin, le Tribunal précise qu’il n’appartient pas au Parlement, lors de son examen de la question de savoir s’il y a lieu de lever l’immunité de l’un de ses membres, d’apprécier la légalité des actes adoptés par les autorités judiciaires au cours de la procédure nationale en cause, tels que, en l’espèce, les mandats d’arrêt nationaux et européens. Cette question relève en effet de la seule compétence des autorités nationales.

{1} Article 224, paragraphe 2, de la Ley orgánica 5/1985 de régimen electoral general (loi organique 5/1985, portant régime électoral général), du 19 juin 1985 (BOE nº 147, du 20 juin 1985, p. 19110).

{2} Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C-502/19, EU:C:2019:1115).

{3} Décisions P9_TA(2021)0059, P9_TA(2021)0060 et P9_TA(2021)0061 du Parlement européen, du 9 mars 2021.

{4} Cet article du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266) dispose que, pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient sur le territoire de tout autre État membre de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

Arrêt du 5 juillet 2023, Puigdemont i Casamajó e.a. / Parlement (T-272/21) (cf. points 99, 100-106, 129, 130)