Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE nº 36/2000

16 mai 2000

Arrêt de la Cour dans l'affaire C-388/95

Belgique/Espagne

LE RECOURS INTRODUIT PAR LA BELGIQUE CONTRE L'ESPAGNE CONCERNANT LE VIN DE RIOJA EST REJETE


Le maintien de la qualité et de la renommée du vin de Rioja justifient l'obligation d'embouteillage dans la région de production

Une réglementation espagnole régit la mise en bouteilles des vins portant l'appellation d'origine "Rioja". La Belgique estimait que cette réglementation, qui impose notamment l'obligation de mise en bouteilles dans les caves situées dans la région d'origine pour bénéficier de l'appellation d'origine qualifiée ("denominación de origen calificada"), était contraire à la libre circulation des marchandises.

La Belgique a ainsi saisi la Cour de Justice d'un recours en manquement1 contre l'Espagne. Le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande et le Royaume-Uni intervenaient au soutien des conclusions de la Belgique; la République italienne, la République portugaise et la Commission au soutien de celles de l'Espagne.

La Belgique considérait que cette incompatibilité a déjà été constatée par la Cour dans son arrêt du 9 juin 1992, "Delhaize". Dans cet arrêt, la Cour de justice a déclaré, en réponse à une question préjudicielle posée par un tribunal belge, qu'une réglementation nationale applicable aux vins portant une appellation d'origine (en l'occurrence les vins de Rioja), qui limitait la quantité de vin susceptible d'être exportée en vrac et qui, par ailleurs, autorisait les ventes de vin en vrac à l'intérieur de la région de production, constituait une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'exportation.

L'Espagne soutenait que sa réglementation était conforme au droit communautaire. Elle estimait que l'arrêt Delhaize ne la visait pas spécifiquement et que d'autres Etats membres producteurs de vin avaient arrêté des dispositions analogues. En outre, sa réglementation serait justifiée par des raisons relatives à la protection de l'appellation d'origine et de la qualité des vins.

La Cour examine la condition imposée par la réglementation espagnole, qui prévoit que l'embouteillage du vin protégé par l'appellation d'origine qualifiée doit être exclusivement effectué dans les caves autorisées de la région d'origine pour bénéficier de l'appellation 'Rioja'.

Selon la Cour, cette condition permet à un vin transporté en vrac à l'intérieur de la région de conserver son droit à l'appellation d'origine qualifiée, lorsqu'il y est mis en bouteilles dans des caves autorisées. La Cour considère donc qu'il s'agit d'une mesure établissant une différence de traitement entre le commerce intérieur d'un Etat membre et son commerce d'exportation. En conséquence, elle constitue une entrave à la libre circulation des marchandises.

La Cour examine ensuite si cette condition est justifiée par un but d'intérêt général. Le gouvernement espagnol soulignait la spécificité du produit et la nécessité de protéger la renommée de l'appellation d'origine qualifiée "Rioja", en préservant les caractéristiques particulières, la qualité et la garantie d'origine de ce vin. La condition d'embouteillage serait, de ce point de vue, justifiée au titre de la protection de la propriété industrielle et commerciale.

La Cour constate que la législation communautaire manifeste une tendance générale à la mise en valeur de la qualité des produits dans le cadre de la politique agricole commune, grâce, notamment, à l'emploi d'appellations d'origine. En effet, ces appellations sont susceptibles de jouir d'une grande réputation auprès des consommateurs et de constituer pour les producteurs un moyen essentiel de s'attacher une clientèle.

La Cour constate qu'un vin de qualité est un produit d'une grande spécificité (ce qui n'est pas contesté s'agissant du vin de Rioja), dont les qualités et caractéristiques particulières nécessitent vigilance et efforts pour être maintenues.

En assurant aux opérateurs du secteur vitivinicole de la région de La Rioja également la maîtrise de l'embouteillage, la réglementation espagnole a pour but de sauvegarder la qualité du produit et la réputation de l'appellation dont ils assument pleinement et collectivement la responsabilité.

Dans ce contexte, elle est donc, selon la Cour, conforme au droit communautaire, malgré ses effets restrictifs sur les échanges, pourvu qu'elle constitue un moyen nécessaire et proportionné pour préserver la qualité et la réputation dont jouit l'appellation d'origine qualifiée "Rioja".

Pour vérifier si tel est le cas, la Cour constate notamment que:

La Cour déduit de ces constatations que le risque pour la qualité du produit finalement offert à la consommation est plus important lorsqu'il a été transporté et mis en bouteilles en dehors de la région de production que lorsqu'il l'a été à l'intérieur de celle-ci.

Dès lors, la Cour conclut que la réglementation espagnole, qui a pour but de préserver la grande réputation du vin de Rioja est justifiée en tant que mesure protégeant l'appellation d'origine qualifiée dont bénéficie la collectivité des producteurs concernés et qui revêt pour ceux-ci une importance déterminante.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice. Langues disponibles : toutes les langues officielles.

Pour le texte intégral de l'arrêt veuillez consulter notre page Internet www.curia.eu.int aux alentours de 15 heures ce jour.

Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme. Milagros Gallego, tél. (352) 43 03 3442 fax (352) 43 03 2668.

1 La Commission prend habituellement l'initiative des recours en manquement. Cependant, le traité CE prévoit la possibilité aussi pour les Etats membres de saisir la Cour de Justice, lorsqu'ils estiment qu'un autre Etat membre a manqué à ses obligations.