Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE N° 55/1996

26 novembre 1996

Arrêt de la Cour dans l'affaire C-68/95
T. Port GmbH & Co. KG / Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung

LA COUR SE PRONONCE SUR LES COMPETENCES ET DEVOIRS DES JURIDICTIONS NATIONALES ET LE TRAITEMENT D'UN CAS DE RIGUEUR POUR UN IMPORTATEUR DE BANANES


REMARQUE IMPORTANTE: Ce communiqué sans valeur officielle est préparé par le service d'information de la Cour de justice à l'intention de la presse. Les extraits cités ci-dessous doivent être lus dans le contexte du texte intégral de l'arrêt. Pour des compléments d'information ou pour obtenir copie d'un arrêt, veuillez contacter Marie-Françoise CONTET (tél : 352- 4301 2497)

La Cour a décidé, dans un cas de rigueur pour un importateur de bananes pays tiers, qu'il appartient à la juridiction communautaire, et non aux juridictions nationales, d'accorder aux opérateurs économiques une protection juridictionnelle provisoire si, en vertu d'un règlement communautaire, l'existence et l'étendue des droits des opérateurs économiques doivent être constatées par un acte de la Commission que celle-ci n'a pas encore adopté.

L'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (règlement (CEE) nº 404/93 du Conseil, du 13 février 1993) a mis en place, à partir du 1er juillet 1993, un régime commun d'importation de bananes qui s'est substitué aux différents régimes nationaux. Conformément à la réglementation communautaire, Port, importateur traditionnel de bananes pays tiers, a obtenu du Bundesanstalt des certificats pour l'importation de bananes pays tiers pour le second semestre de l'année 1993 et pour les années 1994 et 1995, sur la base des quantités vendues au cours des années de référence 1989, 1990 et 1991. >

Dès 1994, Port a demandé au Bundesanstalt des certificats supplémentaires, en invoquant l'existence d'un cas de rigueur. Cette société a en effet fait valoir qu'elle n'avait pu importer qu'une quantité de bananes inhabituellement faible pendant les années de référence, en raison de la rupture du contrat par un fournisseur colombien. L'autorité nationale lui a refusé les certificats supplémentaires sur la base du règlement actuel des bananes.

Selon la Cour, la Commission est obligée de prendre toutes les mesures transitoires jugées nécessaires pour faire face à la perturbation du marché intérieur que risque d'entraîner la substitution de l'organisation commune des marchés aux différents régimes nationaux. A cet égard, la Commission doit également prendre en considération la situation d'opérateurs économiques qui ont adopté, dans le cadre d'une réglementation nationale antérieure au règlement, un certain comportement sans avoir pu prévoir les conséquences que ce comportement aurait après l'instauration de l'organisation commune des marchés. Une intervention des institutions communautaires s'impose, en particulier, si le passage à l'organisation commune des marchés porte atteinte aux droits fondamentaux protégés par le droit communautaire de certains opérateurs économiques, tels que le droit de propriété et le droit au libre exercice des activités professionnelles. De même, la Commission est autorisée à déroger, en cas de nécessité, au respect de la période de référence, y compris au profit d'opérateurs individuels.

Toutefois, si la Commission n'agit pas, une juridiction nationale n'est pas autorisée à accorder aux opérateurs économiques concernés une protection juridictionnelle provisoire. Le contrôle de la carence de la Commission relève en effet de la compétence exclusive de la juridiction communautaire. Dans une situation comme celle de l'espèce au principal, la protection juridictionnelle des intéressés ne saurait ainsi être assurée que par la Cour de justice et, le cas échéant, par le Tribunal de première instance.

A cet égard, il convient de noter que, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, il incombe à l'État membre intéressé — saisi au besoin par l'opérateur concerné — de demander la mise en oeuvre de la procédure nécessaire pour aboutir à l'adoption par la Communauté des mesures spécifiques exigées par la situation de l'opérateur.

En outre, dans un tel cas de rigueur menaçant la survie économique de l'opérateur concerné, celui-ci peut également s'adresser directement à la Commission en vue de l'adoption des mesures particulières.

Au cas où l'institution communautaire omet d'agir, l'État membre ainsi que l'opérateur intéressé peuvent intenter un recours en carence devant la Cour ou le Tribunal. Dans le cadre de ce recours en carence, la juridiction communautaire peut, à la demande des requérants, prendre des mesures provisoires (article 186 du traité).