Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE Nº 8/97

11 MARS 1997

Arrêt de la Cour dans l'affaire C-13/95
Ayse Süzen c/ Zehnacker Gebäudereinigung GmbH Krankenhausservice
Soutenu par : Lefahrt GmbH


Pour des compléments d'informations ou pour obtenir copie de l'arrêt, veuillez contacter Mme Marie-Françoise Contet au (352) 4303 2497.


Demande préjudicielle du Tribunal du travail de Bonn concernant l'interprétation de la directive communautaire visant à la protection des travailleurs lors du transfert d'entreprises.

Une femme de ménage licenciée à la suite de la perte par son entreprise d'un contrat de nettoyage ne peut obligatoirement prétendre intégrer la nouvelle société en charge de cette activité.

En effet, la seule circonstance que le service effectué par un ancien et un nouvel attributaire d'un marché est similaire, ne permet pas de conclure automatiquement au transfert d'une entité économique.

En l'espèce, la Cour estime qu'en l'absence d'une cession d'actifs ou d'une reprise d'une partie essentielle des effectifs, la directive ne saurait s'appliquer.

I. Cadre factuel et juridique

Les faits

Mme Ayse Süzen était employée par la Société Zehnacker. Cette entreprise avait pris en charge le nettoyage d'une école à Bonn-Bad Godesberg et y avait affecté Mme Süzen. L'école résilia le contrat avec la Société Zehnacker avec effet au 30 juin 1994; cette dernière licencia alors tous les employés qu'elle avait affectés dans l'école. Cette école a ensuite confié, par un nouveau contrat, le nettoyage de ses locaux à la Société Lefarth, qui apparemment n'a pas offert aux salariés licenciés de les réengager.

Mme Süzen a alors saisi le tribunal du travail de Bonn afin de faire constater que la notification de son congé par la Société Zehnacker n'avait pas mis fin à la relation de travail qui la liait à cette dernière.

Le cadre juridique

La législation communautaire en cause est la directive 77/187/CEE "concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements".

Le but de cette directive communautaire est d'introduire dans tous les Etats membres des dispositions qui protègent les travailleurs en cas de changement de chef d'entreprise en vue d'assurer le maintien de leurs droits.

L'article 1 paragraphe 1 de la directive est libellé comme suit : "La présente directive est applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion".

La demande préjudicielle

Le tribunal du travail de Bonn a estimé que la solution du litige dépendait de l'interprétation de la directive.Il a estimé qu'il était important de savoir si la résiliation du contrat de nettoyage et la cession de ce contrat à une entreprise tierce devait être considérée comme un transfert d'établissement, de sorte que la relation de travail de Mme Suzen avec la nouvelle entreprise de nettoyage serait maintenue telle quelle. Il a donc décidé de surseoir à statuer et de poser des questions générales sur ce texte communautaire, auxquelles la Cour donne aujourd'hui une réponse générale.

Celle-ci est obligatoire pour le tribunal national et a pour but de l'aider à maintenant trancher le litige individuel pendant.

II. Motivation de l'arrêt de la Cour

La Cour expose que la juridiction de renvoi cherche à savoir si la directive s'applique à une situation dans laquelle un donneur d'ouvrage, qui avait confié le nettoyage de ses locaux à un premier entrepreneur, résilie le contrat qui le liait à celui-ci et conclut, en vue de l'exécution de travaux similaires, un nouveau contrat avec un second entrepreneur sans que l'opération s'accompagne d'une cession d'éléments d'actifs corporels ou incorporels entre l'un et l'autre entrepreneur.

Or, la directive vise à assurer la continuité des relations de travail existant dans le cadre d'une "entité économique", indépendamment d'un changement du propriétaire et quelles que soient les modalités de ce changement.Cette notion d'entité renvoie à un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.Selon la Cour un "transfert" au sens de cette directive existe, si l'entité économique garde son identité. Pour déterminer si les conditions d'un "transfert d'une entité" sont remplies, la Cour cite toute une série d'indices et d' éléments qui peuvent s'inscrire comme aspects partiels dans l'évaluation d'ensemble que le tribunal national doit faire. Sont notamment cités entre autres le transfert significatif d'éléments corporels (tels que les bâtiments et les biens mobiliers) ou incorporels, ainsi que la reprise ou non de l'essentiel des effectifs en nombre et en compétence par le nouveau chef d'entreprise.

Dans ce cadre, la Cour met au clair que la simple perte d'un marché de service au profit d'un concurrent ne saurait donc, par elle-même, révéler l'existence d'un transfert au sens de la directive. Dans cette situation, l'entreprise de service antérieurement titulaire du marché, si elle perd un client, n'en subsiste pas moins intégralement sans que l'on puisse considérer qu'un de ses établissements ou parties d'établissements ait été cédé au nouvel attributaire du marché.

Il appartient donc à la juridiction de renvoi d'établir, à la lumière de l'ensemble des éléments d'interprétation, si un transfert a eu lieu en l'espèce.

III. Décision de la Cour

La Cour répond au tribunal allemand, que l'article 1er, paragraphe 1 de la directive communautaire ne s'applique pas à la situation décrite dans les questions préjudicielles si cette opération ne s'accompagne ni d'une cession, entre l'un et l'autre entrepreneur, d'éléments d'actif, corporels ou incorporels, significatifs, ni d'une reprise, par le nouvel entrepreneur, d'une partie essentielle des effectifs, en termes de nombre et de compétence, que son prédécesseur affectait à l'exécution de son contrat.

Exclusivement à l'usage des médias - Document non officiel qui n'engage pas la Cour, disponible dans toutes les langues officielles