Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE nº 63/99

14 septembre 1999

Arrêt de la Cour dans l'affaire C-391/97

F. Gschwind/Finanzamt Aachen-Außenstadt

LA COUR CONSTATE LA COMPATIBILITE DE LA REGLEMENTATION ALLEMANDE RELATIVE A L'IMPOT SUR LE REVENU AVEC LE PRINCIPE COMMUNAUTAIRE DE LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS


Un travailleur marié, habitant aux Pays-Bas et gagnant un certain pourcentage du revenu commun du couple en Allemagne, n'a pas automatiquement droit à l'avantage fiscal du "splitting" prévu par le droit allemand.

Les contribuables, intégralement assujettis à l'impôt sur le revenu, mariés et non durablement séparés, bénéficient, en vertu de la réglementation allemande, d'un régime d'imposition conjointe. L'Einkommensteuergesetz (loi relative à l'impôt sur le revenu,"EStG") prévoit en effet que les revenus perçus par les conjoints sont additionnés et leur sont imputés conjointement, les conjoints étant alors traités, sauf disposition contraire, comme un seul contribuable. Leurs revenus sont donc imposés comme s'ils étaient perçus pour moitié par chacun des époux. Les effets combinés de la procédure dite de «splitting» et de la progressivité de l'impôt procurent un allégement fiscal au couple concerné, d'autant plus important, en principe, que la disparité entre les revenus respectifs des époux est grande.

L'EStG reconnaît aux couples mariés résidant en Allemagne, le bénéfice de l'avantage fiscal du régime du «splitting», et subordonne l'octroi du même avantage fiscal aux couples mariés non-résidents, à la condition que 90 % au moins de leur revenu mondial soient soumis à l'impôt en Allemagne ou, si ce pourcentage n'est pas atteint, que leurs revenus de source étrangère non soumis à l'impôt dans cet État ne dépassent pas un certain plafond.

M. Gschwind, de nationalité néerlandaise, réside avec sa famille aux Pays-Bas, près de la frontière allemande. En 1991 et 1992, il exerçait une activité salariée à Aix-la-Chapelle (Allemagne), tandis que son épouse exerçait une activité salariée aux Pays-Bas.

M. Gschwind a perçu, au cours de chacune de ces années, des revenus salariaux imposables de l'ordre de 74 000 DM, représentant près de 58 % des revenus cumulés du ménage. Conformément à la convention entre la République fédérale d'Allemagne et le royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition sur le revenu, les revenus de M. Gschwind étaient imposables en Allemagne tandis que ceux de son épouse l'étaient aux Pays-Bas.

En vertu des modifications intervenues en 1995 et applicables aux impôts non encore liquidés, l'administration fiscale allemande a imposé, en 1997, les revenus de 1991 et de 1992 de M. Gschwind en tant que contribuable intégralement assujetti, mais l'a considéré comme célibataire, au motif que, selon l'EStG, les revenus perçus par son épouse aux Pays-Bas excédaient à la fois le seuil absolu de non-incidence de 24 000 DM par an et le seuil relatif de 10 % des revenus cumulés du ménage. Cette liquidation a entraîné pour M. Gschwind une charge fiscale supplémentaire de 1 012 DM pour 1991 et de 724 DM pour 1992 par rapport à l'impôt qu'il aurait payé en application de la procédure du "splitting".

Sa réclamation contre les décisions de liquidation de l'impôt pour les années 1991 et 1992 ayant été rejetée, M. Gschwind a saisi le Finanzgericht Köln. Il avance que le refus d'appliquer le barème résultant de l'application du «splitting» à des ressortissants communautaires mariés, travaillant en Allemagne et résidant dans un autre État membre, est contraire au principe communautaire de la libre circulation des travailleurs.

Le Finanzgericht Köln a décidé de surseoir à statuer et de poser le problème de principe à la Cour de justice.

La Cour juge une telle réglementation conforme au droit communautaire.

La Cour rappelle tout d'abord que, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, il n'en reste pas moins que ces derniers doivent exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire et, par conséquent, s'abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité.

En matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents dans un État ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d'un État par un non-résident ne constitue le plus souvent qu'une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l'ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s'apprécier le plus aisément à l'endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, qui correspond, en général, à sa résidence habituelle.

La Cour estime que le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu'il accorde aux résidents n'est pas, en règle générale, discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents, tant du point de vue de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale.

Selon la jurisprudence de la Cour (arrêt Schumacker), il n'y a discrimination pour non prise en compte de la situation personnelle et familiale, que si le non-résident ne perçoit pas de revenu significatif dans l'État de sa résidence et tire l'essentiel de ses ressources imposables d'une activité exercée dans l'État d'emploi. Il n'existe en effet entre un tel non-résident et un résident exerçant une activité salariée comparable, aucune différence de situation objective de nature à fonder une différence de traitement en ce qui concerne la prise en considération, pour son imposition, de la situation personnelle et familiale du contribuable.

La Cour estime donc que la réglementation allemande qui permet justement la prise en compte de la situation personnelle et familiale des salariés non-résidents, lorsque ces derniers perçoivent la très grande majorité des revenus du couple dans cet État, est conforme au principe de libre circulation des travailleurs.

En l'occurrence, près de 42 % du revenu mondial du couple Gschwind étant perçus dans son État de résidence (les Pays-Bas), la Cour juge que ce dernier peut prendre en compte la situation personnelle et familiale de M. Gschwind, selon les modalités prévues par la législation de cet État, la base imposable y étant suffisante pour permettre cette prise en compte.

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