Le refus de verser une telle prime est discriminatoire, au sens du droit communautaire applicable, si elle est une rémunération du travail accompli au cours de l'année
Mme Lewen est employée à plein-temps, depuis le 1er septembre 1990, par l'entreprise Denda Zahntechnik. Enceinte depuis le début de l'année 1996, elle a alterné les périodes d'activité et de congé jusqu'au dèbut de son congé de maternité (selon le droit allemand six semaines avant et huit semaines après la naisance de sa fille le 12 juillet 1996), suivi d'un congé d'éducation, congé également prévu par la législation allemande, et dont le terme a été fixé au 12 juillet 1999.
Avant 1996, Mme Lewen percevait le 1er décembre, comme les autres employés de l'entreprise, une prime de Noël représentant un mois de salaire. M. Denda a refusé de lui verser la prime de Noël correspondant à l'année 1996. Le 10 janvier 1997, Mme Lewen a demandé à l'Arbeitsgericht Gelsenkirchen de condamner M. Denda à lui verser la prime de Noël pour l'année 1996.
Le tribunal allemand a posé des questions à la Cour de justice sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (rémunération identique pour un même travail) et plus spécialement sur sa compatibilité avec une distinction opérée, pour le versement d'une prime, entre les travailleurs actifs et ceux qui se trouvent en congé d'éducation.
La Cour de justice constate, tout d'abord, qu'une prime de Noël, telle que celle en cause, constitue une "rémunération" au sens du droit communautaire, même si cette prime est versée à titre volontaire par l'employeur et même si elle est versée principalement ou exclusivement comme un encouragement pour le travail futur et/ou pour la fidélité à l'entreprise. Le motif ayant conduit l'employeur à verser la prestation importe peu, à condition que cette prestation soit octroyée en relation avec l'emploi.
La Cour rappelle que la prohibition de la discrimination entre travailleurs masculins et travailleurs féminins s'impose non seulement aux autorités publiques, mais également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu'aux contrats entre particuliers. Cette prohibition s'impose aussi à l'action unilatérale d'un employeur à l'égard du personnel qu'il emploie.
La constatation qu'un avantage (tel que la prime de Noël en question) relève de la notion de rémunération au sens de l'article 119 du traité CE, n'implique pas nécessairement, pour la Cour, qu'il doive être considéré comme une rémunération rétroactive du travail accompli au cours de l'année d'octroi de la prime, comme semble cependant le supposer la juridiction de renvoi. Il est également possible que l'employeur, en versant la prime de Noël de l'année 1996, ait eu pour objectif d'encourager les salariés «actifs» afin qu'ils effectuent un bon travail et récompenser ainsi leur fidélité future à l'employeur. La Cour souligne qu'il s'agit là d'une question de fait qui relève de l'appréciation du juge national.
La possibilité d'une double qualification de la prime en vertu du droit national amène la Cour à envisager deux hypothèses.
Versement d'une prime en tant qu'allocation exceptionnelle octroyée volontairement par un employeur à l'occasion de Noël et ne constituant pas une rémunération rétroactive du travail accompli.
Dans cette hypothèse, le versement de la prime n'est subordonné qu'à la seule condition que le travailleur se trouve en activité au moment de son octroi. Pour la Cour, une telle pratique de l'employeur ne constitue pas une discrimination directe: elle s'applique indistinctement aux travailleurs masculins et aux travailleurs féminins. L'examen de la possibilité d'une discrimination indirecte par la juridiction de renvoi, indique que les femmes ont bien plus souvent recours au congé d'éducation que les hommes. La Cour constate cependant que le travailleur qui exerce le droit au congé d'éducation se trouve dans une situation spécifique qui ne peut être assimilée à celle d'un homme ou d'une femme qui travaille, puisque ce congé se caractérise par la suspension du contrat de travail.
Le refus de verser à une femme en congé d'éducation une prime en tant qu'allocation exceptionnelle octroyée volontairement par l'employeur à l'occasion de Noël ne constitue donc pas une discrimination au sens de l'article 119 du traité CE, lorsque l'octroi de cette allocation n'est subordonné qu'à la seule condition que le travailleur se trouve en situation d'activité au moment de son octroi.
Qualification par le juge national de la prime comme une rémunération rétroactive du travail accompli au cours de l'année d'octroi de la prime.
Dans une telle situation, le refus d'un employeur d'accorder une prime aux travailleurs en congé d'éducation ayant accompli un travail au cours de l'année d'octroi de la prime, en raison du seul fait que leur contrat de travail est suspendu au moment de l'octroi de la prime, les désavantage par rapport à ceux dont le contrat n'est pas suspendu lors de cet octroi et qui reçoivent effectivement la prime comme une rémunération du travail accompli au cours de cette année.
Un tel refus constitue donc une discrimination au sens de l'article 119 du traité CE, les travailleurs féminins se trouvant bien plus souvent en congé d'éducation lors de l'octroi de la prime que les travailleurs masculins.
Les périodes de protection de la mère (interdictions de travail) doivent être assimilées aux périodes travaillées: l'article 119 du traité CE s'oppose à ce qu'un employeur, lors de l'octroi d'une prime de Noël, tienne compte, de façon à réduire proportionnellement la prestation, des périodes de protection de la mère. En revanche, les périodes de congé d'éducation peuvent être prises en compte, la situation des travailleurs se trouvant en congé d'éducation ne pouvant être assimilée à celle d'un homme ou d'une femme qui travaille.
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