Language of document : ECLI:EU:C:2019:573

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 juillet 2019 (*)

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit – Directive 2014/61/UE – Absence de transposition et/ou de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une astreinte journalière – Calcul du montant de l’astreinte »

Dans l’affaire C‑543/17,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 et de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, introduit le 15 septembre 2017,

Commission européenne, représentée par Mmes J. Hottiaux, C. Cattabriga et L. Nicolae ainsi que par MM. G. von Rintelen et R. Troosters, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté initialement par M. P. Cottin ainsi que par Mmes C. Pochet, J. Van Holm et L. Cornelis, puis par M. P. Cottin et Mme C. Pochet, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Vernet, S. Depré et M. Lambert de Rouvroit, avocats, ainsi que de Mme A. Van Acker et de M. N. Lollo, experts,

partie défenderesse,

soutenu par :

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par M. T. Henze et Mme S. Eisenberg, puis par Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

République d’Estonie, représentée par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

Irlande, représentée par Mmes M. Browne et G. Hodge ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de Mme G. Gilmore, BL, et M. P. McGarry, SC,

Royaume d’Espagne, représenté initialement par Mme A. Gavela Llopis et M. A. Rubio González, puis par M. A. Rubio González, en qualité d’agents,

République française, représentée par Mmes E. de Moustier, C. David, A.-L. Desjonquères et I. Cohen ainsi que par MM. B. Fodda et D. Colas, en qualité d’agents,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

République de Lituanie, représentée initialement par Mmes G. Taluntytė et L. Bendoraitytė ainsi que par M. D. Kriaučiūnas, puis par Mme L. Bendoraitytė, en qualité d’agents,

Hongrie, représentée par MM. M. Z. Fehér et G. Koós ainsi que par Mme Z. Wagner, en qualité d’agents,

République d’Autriche, représentée par MM. G. Hesse et G. Eberhard ainsi que par Mme C. Drexel, en qualité d’agents,

Roumanie, représentée par M. C.-R. Canţăr ainsi que par Mmes R. I. Haţieganu et L. Liţu, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, MM. J.-C. Bonichot, M. Vilaras, E. Regan, Mme C. Toader, M. F. Biltgen (rapporteur), Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, D. Šváby et S. Rodin, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. M.-A. Gaudissart, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2019,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour, d’une part, de constater que, en n’ayant pas adopté, au plus tard le 1er janvier 2016, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit (JO 2014, L 155, p. 1) ou, en tout état de cause, en n’ayant pas communiqué ces dispositions à la Commission, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 13 de cette directive, et, d’autre part, de condamner cet État membre au paiement d’une astreinte journalière d’un montant initialement fixé à 54 639,36 euros, réduit finalement à 6 071,04 euros, à compter du prononcé de l’arrêt pour manquement à l’obligation de communiquer les mesures de transposition de ladite directive.

 Le cadre juridique

2        Aux termes de l’article 1er de la directive 2014/61 :

« 1.      La présente directive vise à faciliter et à encourager le déploiement des réseaux de communications électroniques à haut débit en promouvant l’utilisation conjointe des infrastructures physiques existantes et en permettant un déploiement plus efficace de nouvelles infrastructures physiques afin de réduire les coûts liés à la mise en place de ces réseaux.

2.      La présente directive établit des exigences minimales relatives aux travaux de génie civil et aux infrastructures physiques, en vue de rapprocher certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres dans ces domaines.

3.      Les États membres peuvent maintenir ou introduire des mesures conformes au droit de l’Union qui vont au-delà des exigences minimales établies par la présente directive en vue de mieux atteindre l’objectif visé au paragraphe 1.

[...] »

3        L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », se lit comme suit :

« Aux fins de la présente directive, les définitions figurant dans la directive 2002/21/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive “cadre”) (JO 2002, L 108, p. 33),] s’appliquent.

Les définitions suivantes s’appliquent également. On entend par :

[...]

7.      “infrastructure physique à l’intérieur d’un immeuble”, l’infrastructure physique ou les installations situées au niveau des locaux de l’utilisateur final, y compris dans les éléments en copropriété, destinées à accueillir des réseaux d’accès filaires ou sans fil, lorsque ces réseaux permettent de fournir des services de communications électroniques et de raccorder le point d’accès de l’immeuble au point de terminaison du réseau ;

8.      “infrastructure physique adaptée au haut débit située à l’intérieur d’un immeuble”, une infrastructure physique située à l’intérieur d’un immeuble destiné à accueillir des éléments de réseaux de communications électroniques à haut débit ou à permettre leur fourniture ;

9.      “travaux de rénovation de grande ampleur”, des travaux de construction ou de génie civil dans l’immeuble où se situent les locaux de l’utilisateur final, qui impliquent des modifications structurelles de l’intégralité de l’infrastructure physique située à l’intérieur d’un immeuble ou d’une partie importante de celle-ci, et nécessitent un permis de construire ;

[...]

11.      “point d’accès”, un point physique, situé à l’intérieur ou à l’extérieur de l’immeuble, accessible aux entreprises fournissant ou autorisées à fournir des réseaux de communications publics, qui permet le raccordement à l’infrastructure physique adaptée au haut débit à l’intérieur de l’immeuble. »

4        L’article 4, paragraphe 5, de la directive 2014/61 dispose :

« En réponse à la demande écrite spécifique formulée par une entreprise fournissant ou autorisée à fournir des réseaux de communications publics, les États membres font obligation aux opérateurs de réseau de faire droit aux demandes raisonnables d’enquête sur place sur des éléments spécifiques de leurs infrastructures physiques. Cette demande précise les éléments de réseau concernés par le déploiement d’éléments de réseaux de communications électroniques à haut débit. L’autorisation d’effectuer des enquêtes sur place sur des éléments spécifiés de réseau est accordée, selon des modalités proportionnées, non discriminatoires et transparentes, dans un délai d’un mois à partir de la date de réception de la demande écrite et sans préjudice des restrictions prévues en vertu du paragraphe 1. »

5        Aux termes de l’article 8 de cette directive :

« 1.      Les États membres veillent à ce que tous les immeubles neufs au niveau des locaux de l’utilisateur final, y compris les éléments de ceux-ci en copropriété, pour lesquels des demandes de permis de construire ont été introduites après le 31 décembre 2016, soient équipés d’une infrastructure physique adaptée au haut débit située à l’intérieur de l’immeuble, jusqu’aux points de terminaison du réseau. Cette obligation s’applique également aux travaux de rénovation de grande ampleur pour lesquels des demandes de permis de construire ont été introduites après le 31 décembre 2016.

2.      Les États membres veillent à ce que tous les immeubles collectifs neufs pour lesquels des demandes de permis de construire ont été introduites après le 31 décembre 2016 soient équipés d’un point d’accès. Cette obligation s’applique également aux travaux de rénovation de grande ampleur concernant des immeubles collectifs pour lesquels des demandes de permis de construire ont été introduites après le 31 décembre 2016.

3.      Les immeubles équipés conformément au présent article peuvent obtenir le label volontaire “adapté au haut débit” dans les États membres qui ont décidé d’introduire un tel label.

4.      Les États membres peuvent prévoir des dérogations aux obligations prévues aux paragraphes 1 et 2 pour certaines catégories d’immeubles, en particulier les habitations individuelles, ou les travaux de rénovation de grande ampleur, lorsque le respect de ces obligations est disproportionné, notamment en termes de coûts pour les propriétaires individuels ou les copropriétaires ou en raison du type d’immeubles, tels que certaines catégories de monuments, les bâtiments historiques, les maisons de vacances, les bâtiments militaires ou les autres bâtiments utilisés à des fins de sécurité nationale. Ces dérogations sont dûment motivées. Les parties intéressées ont la possibilité de formuler des commentaires sur le projet de dérogations dans un délai raisonnable. Toute dérogation de cette nature est notifiée à la Commission. »

6        L’article 13 de ladite directive, intitulé « Transposition », prévoit :

« Les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 1er janvier 2016. Ils en informent la Commission.

Ils appliquent ces dispositions à partir du 1er juillet 2016.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres. »

 La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

7        N’ayant reçu du Royaume de Belgique aucune information concernant l’adoption et la publication des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2014/61 à l’échéance du délai de transposition prévu à l’article 13 de cette directive, soit le 1er janvier 2016, la Commission a adressé à cet État membre, le 23 mars 2016, une lettre de mise en demeure.

8        La réponse du Royaume de Belgique, datant du 11 juillet 2016, a fait apparaître que, à cette date, les mesures de transposition étaient seulement en préparation. La Commission a dès lors, le 30 septembre 2016, adressé un avis motivé audit État membre, l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux exigences de la directive 2014/61 dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

9        Une prolongation du délai de réponse ayant été accordée, à la demande des autorités belges, par la Commission jusqu’au 28 février 2017, le Royaume de Belgique a répondu à l’avis motivé par courriers des 21 février et 28 mars 2017, informant la Commission que la transposition de la directive 2014/61 était en cours. Le Royaume de Belgique avait joint auxdits courriers des projets de mesures de transposition ainsi que la version consolidée de l’ordonnance du 3 juillet 2008 relative aux chantiers de voirie de la Région de Bruxelles-Capitale.

10      Considérant que le Royaume de Belgique n’avait pas transposé de manière complète la directive 2014/61 ni communiqué les mesures nationales de transposition y afférentes, la Commission a introduit le présent recours.

11      Par lettres du 10 et du 25 août ainsi que du 12 septembre 2017, le Royaume de Belgique a communiqué à la Commission diverses mesures législatives visant à transposer la directive 2014/61 au niveau fédéral et dans la Région flamande.

12      Dans son mémoire en réplique, la Commission a précisé que, en dépit des progrès importants enregistrés au niveau de la transposition de la directive 2014/61 en Belgique depuis le dépôt de la requête, l’adoption de mesures supplémentaires demeurait nécessaire afin de transposer complètement ladite directive. Cette nécessité aurait d’ailleurs été reconnue par les autorités belges elles-mêmes. En conséquence, et tout en ayant réduit, à ce stade de la procédure, à 12 142,08 euros le montant de l’astreinte journalière au paiement de laquelle elle entendait voir condamner le Royaume de Belgique, la Commission a maintenu ses conclusions.

13      Lors de l’audience, et eu égard aux progrès supplémentaires accomplis par le Royaume de Belgique en matière de transposition de la directive 2014/61 depuis le dépôt du mémoire en réplique, la Commission a précisé que des lacunes subsistaient uniquement au niveau de la Région de Bruxelles-Capitale et a réduit à 6 071,04 euros le montant de l’astreinte journalière sollicitée. Cette institution a, en revanche, maintenu ses autres conclusions.

14      Par décisions du président de la Cour du 5 février 2018 et du 21 novembre 2018, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Lituanie, la Hongrie et la République d’Autriche, d’une part, ainsi que la Roumanie, d’autre part, ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Royaume de Belgique.

 Sur le recours

 Sur le manquement fondé sur l’article 258 TFUE

 Argumentation des parties

15      Selon la Commission, en n’ayant pas adopté, au plus tard le 1er janvier 2016, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2014/61 ou, en tout état de cause, en n’ayant pas communiqué ces dispositions à la Commission, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 13 de cette directive.

16      La Commission rappelle, notamment, que les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique, et que les États membres ne sauraient exciper de situations internes ou de difficultés pratiques pour justifier la non-transposition d’une directive dans le délai imparti par le législateur de l’Union. Il reviendrait par conséquent à chaque État membre de prendre en compte les étapes nécessaires à l’adoption de la législation requise résultant de son ordre juridique interne afin d’assurer que la transposition puisse être effectuée dans le délai imparti.

17      En l’espèce, en vertu de l’article 13 de la directive 2014/61, les États membres étaient tenus d’adopter les mesures nationales requises pour transposer les dispositions de cette directive au plus tard le 1er janvier 2016 et d’en informer la Commission. Or, il ressortirait des diverses communications du Royaume de Belgique que, plus d’un an et demi après l’expiration du délai de transposition fixé par ladite directive, cet État membre n’avait pas adopté toutes les mesures requises en vue de la transposition complète de celle-ci. Ainsi, à l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé du 30 septembre 2016, et même à la date à laquelle la Commission a pris la décision d’introduire le présent recours, à savoir le 13 juillet 2017, les articles 2 à 11 de la directive 2014/61 n’auraient pas fait l’objet d’une transposition complète en Belgique, seuls les articles 5 et 6 ayant été transposés et ce uniquement pour la Région de Bruxelles-Capitale.

18      Certes, dans son mémoire en réplique, la Commission a indiqué avoir reçu notification de la part du Royaume de Belgique d’un certain nombre de mesures de transposition adoptées depuis l’introduction du recours. Toutefois, il ressortirait de ces notifications que ledit État membre n’avait toujours pas procédé à la transposition complète des dispositions des articles 2 à 4, de l’article 7, paragraphe 1, ainsi que des articles 8 et 10 de la directive 2014/61.

19      Lors de l’audience, la Commission a précisé que, à ce stade de la procédure, en dépit des nouveaux progrès réalisés, une transposition complète de l’article 2, paragraphes 7 à 9 et 11, de l’article 4, paragraphe 5, ainsi que de l’article 8 de la directive 2014/61 ne pouvait toujours pas être constatée.

20      Le Royaume de Belgique souligne que, depuis le début de la procédure précontentieuse, et en vue de respecter le principe de coopération loyale, il n’a pas cherché à éluder le fait que certaines dispositions nationales devaient encore être adoptées afin d’assurer l’intégrale transposition de la directive 2014/61. Toutefois, cet État membre fait observer que les différentes autorités compétentes à cet égard, à savoir l’État fédéral, la Région de Bruxelles-Capitale, la Région Wallonne, la Communauté française, la Région et la Communauté flamandes ainsi que la Communauté germanophone (Belgique), ont adopté, chacune dans leur domaine de compétence, des dispositions en vue de transposer cette directive ou, à tout le moins, ont pris les mesures nécessaires en vue de l’adoption de telles dispositions. Du reste, au cours de la procédure, la Commission elle-même aurait reconnu la réalité de ces efforts en diminuant le montant de l’astreinte journalière demandée.

21      Par ailleurs, tout en ne contestant pas le constat de la Commission selon lequel certaines mesures devaient encore être adoptées, le Royaume de Belgique a exprimé, dans son mémoire en duplique, son désaccord avec la Commission quant au détail des mesures restant encore à prendre.

22      Enfin, au cours de l’audience, et eu égard à la circonstance que la Commission ne maintenait ses griefs qu’en ce qui concerne l’absence de transposition de certaines dispositions de la directive 2014/61 pour la seule Région de Bruxelles-Capitale, le Royaume de Belgique a reconnu que la transposition de telles dispositions ainsi que la communication des mesures de transposition faisaient encore défaut.

 Appréciation de la Cour

23      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêts du 30 janvier 2002, Commission/Grèce, C‑103/00, EU:C:2002:60, point 23, et du 21 mars 2019, Commission/Italie, C‑498/17, EU:C:2019:243, point 29).

24      En l’espèce, la Commission a transmis son avis motivé au Royaume de Belgique le 30 septembre 2016, de sorte que le délai de deux mois qui y était fixé venait à échéance le 30 novembre 2016. Il est toutefois constant que ce délai, qui a été prolongé par la Commission à la demande des autorités belges, est finalement venu à expiration le 28 février 2017. C’est donc au vu de l’état de la législation interne en vigueur à cette date qu’il convient d’apprécier l’existence ou non du manquement allégué (voir, par analogie, arrêt du 9 décembre 2004, Commission/France, C‑177/03, EU:C:2004:784, point 25).

25      Or, outre qu’il ressort de la réponse du Royaume de Belgique du 21 février 2017 que, à cette date, une transposition complète dans le droit national de la directive 2014/61 n’avait pas été réalisée, il est constant que cette situation n’avait pas évolué au 28 février 2017, aucune mesure de transposition supplémentaire de ladite directive n’ayant été entretemps communiquée à la Commission.

26      Il convient, partant, de conclure que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, tel que prorogé par la Commission, le Royaume de Belgique n’avait ni adopté les mesures nécessaires pour assurer la transposition de la directive 2014/61 ni communiqué les mesures de transposition de celle-ci.

27      Dès lors, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas, à l’échéance du délai imparti dans l’avis motivé du 30 septembre 2016, tel que prorogé par la Commission, adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2014/61 et, a fortiori, en n’ayant pas communiqué à la Commission de telles mesures de transposition, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de cette directive.

 Sur le manquement fondé sur l’article 260, paragraphe 3, TFUE

 Sur le champ d’application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE

–       Argumentation des parties

28      Selon la Commission, l’article 260, paragraphe 3, TFUE a été introduit par le traité de Lisbonne dans le but de renforcer le dispositif de sanction préalablement institué par le traité de Maastricht. Compte tenu du caractère novateur de cette disposition et de la nécessité de préserver la transparence et la sécurité juridique, cette institution a adopté la communication sur la mise en œuvre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE (JO 2011, C 12, p. 1).

29      Cette disposition aurait pour objectif d’inciter plus fortement les États membres à transposer les directives dans les délais fixés par le législateur de l’Union et de garantir l’application de la législation de l’Union.

30      La Commission considère que l’article 260, paragraphe 3, TFUE s’applique tant en cas d’absence totale de communication des mesures de transposition d’une directive qu’en cas de communication partielle de ces mesures.

31      Cette institution estime par ailleurs que, dès lors que l’article 260, paragraphe 3, TFUE évoque le manquement d’un État membre à son obligation de communiquer des « mesures de transposition d’une directive », cette disposition ne s’applique pas uniquement en cas d’absence de notification des mesures nationales de transposition d’une directive, mais a vocation à s’appliquer dès qu’un État membre n’a pas adopté de telles mesures. Une interprétation purement formaliste de cette disposition, selon laquelle cette dernière viserait uniquement à assurer la notification effective de mesures nationales, ne garantirait pas une transposition pertinente de toutes les obligations découlant de la directive en question et priverait l’obligation de transposition des directives dans le droit national de tout effet utile.

32      En l’espèce, il s’agirait précisément de sanctionner le défaut d’adoption et de publication ainsi que, partant, la non-communication à la Commission, par le Royaume de Belgique, de toutes les dispositions juridiques nécessaires pour assurer la transposition de la directive 2014/61 dans le droit national.

33      En réponse aux arguments avancés par le Royaume de Belgique pour contester l’applicabilité de l’article 260, paragraphe 3, TFUE au cas d’espèce, la Commission fait valoir, notamment, que, contrairement à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, l’article 260, paragraphe 3, TFUE ne constitue pas une dérogation à une règle générale et ne doit donc pas être interprété de manière stricte. En effet, cette disposition aurait un champ d’application spécifique.

34      Il ressortirait des travaux préparatoires du traité établissant une Constitution pour l’Europe qu’il conviendrait d’opérer une distinction entre une transposition complète d’une directive et une transposition conforme d’une directive. En effet, à la lumière de la note de transmission du Praesidium de la Convention européenne, du 12 mai 2003 (CONV 734/03), il serait constant que, pour les auteurs du texte, le contrôle de la conformité ne doit porter que sur les mesures de transposition effectivement adoptées par l’État membre, étant entendu que, en toute logique, un tel contrôle de la conformité ne pourrait pas porter sur des mesures qui n’ont pas encore été adoptées et communiquées à la Commission.

35      La notion de « transposition intégrale », d’une part, et la notion de « transposition correcte », d’autre part, devraient donc être clairement distinguées. La constatation, par la Commission, de l’existence de lacunes dans la transposition d’une directive dans le droit national ne signifierait nullement que la Commission a effectué un contrôle portant sur la conformité des dispositions nationales existantes à cette directive. Cela serait d’autant plus vrai lorsque, comme en l’espèce, l’État membre défaillant admet lui-même que la transposition de la directive dans son droit national fait encore partiellement défaut. D’ailleurs, cette différence serait parfaitement illustrée par les conséquences découlant de l’arrêt en constatation de manquement. En effet, en cas de constatation de la non-conformité d’une mesure législative nationale au droit de l’Union, les autorités nationales compétentes seraient empêchées d’appliquer la mesure nationale en question même si le législateur national n’a pas encore tiré les conséquences de l’arrêt en cause. En revanche, l’interdiction d’appliquer une mesure nationale existante ne saurait découler d’un arrêt identifiant une lacune de transposition, puisqu’un tel arrêt ne ferait que constater l’absence, dans le droit national, des mesures requises par le droit de l’Union.

36      Eu égard à l’objectif de l’article 260, paragraphe 3, TFUE d’inciter plus fortement les États membres à transposer les directives dans les délais impartis et d’en assurer ainsi l’efficacité réelle, une limitation de l’application de cette disposition aux seuls cas d’absence totale de transposition comporterait un risque fâcheux. En effet, pour échapper à cette application, les États membres pourraient être tentés de commencer par transposer des dispositions marginales d’une directive, agissant ainsi en contradiction avec l’objectif de l’article 260, paragraphe 3, TFUE. La transposition des dispositions essentielles de la directive risquerait alors, en l’absence de menace de sanction financière, d’être reléguée au second plan.

37      Selon la Commission, l’interprétation de l’article 260, paragraphe 3, TFUE qu’elle préconise est corroborée par le libellé même de cette disposition, qui vise le manquement de l’État membre « à son obligation de communiquer des mesures de transposition » d’une directive. Un tel libellé ne contiendrait donc pas de restrictions ou de conditions telles que celles invoquées par le Royaume de Belgique.

38      Par ailleurs, il ne saurait être valablement soutenu que les sanctions prévues par le traité FUE sont contraires au principe de proportionnalité alors que, en l’absence desdites sanctions, le respect de l’obligation de transposer une directive dans le droit national ne pourrait être assuré.

39      Le Royaume de Belgique soutient que l’article 260, paragraphe 3, TFUE ne trouve à s’appliquer, contrairement à l’interprétation préconisée par la Commission et à celle suggérée par l’avocat général Wathelet dans ses conclusions dans l’affaire Commission/Pologne (C‑320/13, non publiées, EU:C:2014:2441), que dans l’hypothèse où un État membre n’a communiqué aucune mesure destinée à transposer une directive donnée. Or, en l’espèce, le Royaume de Belgique aurait, de l’aveu même de la Commission, procédé à la communication de certaines des mesures de transposition, de sorte qu’il échapperait à l’application de cette disposition.

40      À l’appui de sa position, le Royaume de Belgique fait valoir, notamment, qu’une interprétation extensive de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, telle que celle préconisée par la Commission, est susceptible d’entraîner des problèmes de sécurité juridique. En effet, si cette disposition devait concerner à la fois les cas de non-communication et les cas de non-transposition, il pourrait être difficile de savoir si l’on se trouve dans le cadre d’une procédure visée par ladite disposition ou dans le cadre d’une procédure prévue à l’article 258 TFUE. En outre, dans le cadre d’une même procédure, il pourrait s’avérer difficile de savoir quelles dispositions d’une directive doivent être transposées sans que la procédure de l’article 260, paragraphe 3, TFUE soit entamée, et quelles dispositions non transposées relèvent du champ d’application de la procédure prévue à l’article 258 TFUE. 

41      Par ailleurs, l’interprétation de l’article 260, paragraphe 3, TFUE préconisée par la Commission serait susceptible de contrevenir au principe de proportionnalité visé à l’article 5, paragraphe 4, TUE. En effet, d’une part, les manquements concernant la transposition des directives ne constitueraient pas nécessairement les infractions les plus dommageables pour les intérêts publics et privés protégés par les règles de l’Union. D’autre part, sanctionner tout défaut de transposition reviendrait à assimiler, en ce qui concerne leur gravité, deux types d’infractions différentes, à savoir la non-exécution d’un jugement (manquement sur manquement) et la non-transposition de directives (premier manquement), ce qui serait disproportionné.

42      Selon le Royaume de Belgique, il n’y aurait pas de risque de contournement de l’article 260, paragraphe 3, TFUE dès lors que la Commission peut introduire une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE ou de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

43      Cet État membre ajoute que l’interprétation stricte de l’article 260, paragraphe 3, TFUE qu’il convient de retenir s’appuierait sur une interprétation téléologique fondée sur les travaux préparatoires relatifs à cette disposition et serait corroborée par le libellé de ladite disposition, qui vise expressément les cas où l’État membre concerné a manqué à son obligation de « communiquer des mesures de transposition » d’une directive adoptée conformément à une procédure législative. Ce serait donc uniquement la violation de l’obligation de « communiquer » des mesures de transposition qui pourrait être sanctionnée par le biais de cette disposition et non la violation de l’obligation de transposition. En outre, cette obligation de communication ne porterait que sur la communication de certaines mesures de transposition d’une directive et non sur la communication de l’ensemble des mesures de transposition de cette directive, puisque les auteurs du traité FUE n’ont pas visé « les » mesures de transposition, mais « des » mesures de transposition. Cette lecture serait d’ailleurs corroborée par les versions en langues allemande, anglaise et néerlandaise de l’article 260, paragraphe 3, TFUE.

44      La République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Lituanie, la Hongrie, la République d’Autriche et la Roumanie, admis à intervenir au soutien des conclusions du Royaume de Belgique, font également valoir, en substance, que l’article 260, paragraphe 3, TFUE ne trouve à s’appliquer que lorsqu’un État membre est resté totalement inactif en ce qui concerne la transposition d’une directive dans le droit national et qu’il a donc omis, dans le délai imparti, de prendre des mesures pour transposer cette directive et de les communiquer à la Commission. Toutefois, la République de Lituanie, la République italienne et la Hongrie admettent que, lorsqu’il est manifeste que les actes de transposition d’une directive ne permettent pas d’atteindre les objectifs essentiels de celle-ci ou en cas d’abus de droit, la Commission peut recourir à l’article 260, paragraphe 3, TFUE. En revanche, en aucun cas le champ d’application de cette disposition ne couvrirait l’hypothèse où un État membre a communiqué à la Commission des mesures de transposition, mais où cette dernière lui reproche une transposition incorrecte ou une transposition partielle de la directive en question.

45      À l’appui de leur position, les États membres qui sont intervenus au présent litige avancent, notamment, que cette interprétation de l’article 260, paragraphe 3, TFUE découle du libellé de cette disposition, s’appuie sur la genèse de celle-ci et est conforme à son objectif, ladite disposition n’étant supposée s’appliquer que dans les cas les plus graves et manifestes de violation de l’obligation de transposition et de communication. En outre, elle serait corroborée par l’économie interne de l’article 260 TFUE et serait la seule qui ne mette pas les États membres dans une situation extrêmement difficile, étant donné que, à suivre l’approche préconisée par la Commission, les États membres ne pourraient jamais être certains que cette institution n’envisage pas de leur infliger une astreinte.

46      S’ajouterait à cela le fait que l’interprétation exposée au point 44 du présent arrêt permet d’assurer que le champ d’application de l’article 258 TFUE soit pleinement respecté et qu’elle est la seule qui soit compatible avec les principes de sécurité juridique et de proportionnalité. Elle aurait en effet pour conséquence que, dans le cas où, en cours de procédure devant la Cour, un État membre a transposé une directive et communiqué à la Commission l’ensemble des mesures de transposition, la Commission devrait renoncer à solliciter la condamnation dudit État membre au paiement d’une astreinte. De surcroît, elle n’entraînerait qu’un risque marginal que les États membres tentent d’éviter l’application de cette disposition en procédant à la communication de mesures de transposition ne correspondant pas à la réalité. 

–       Appréciation de la Cour

47      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 260, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE prévoit que, lorsque la Commission saisit la Cour d’un recours en vertu de l’article 258 TFUE, en estimant que l’État membre a manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu’elle le considère approprié, indiquer le montant d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à payer par cet État membre, qu’elle estime adapté aux circonstances. Conformément à l’article 260, paragraphe 3, second alinéa, TFUE, si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission, l’obligation de paiement prenant effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt.

48      En vue de déterminer la portée de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, il convient de définir dans quelles circonstances un État membre peut être considéré comme ayant manqué à son « obligation de communiquer des mesures de transposition », au sens de cette disposition.

49      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également revêtir des éléments pertinents pour son interprétation (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

50      En ce qui concerne, tout d’abord, le libellé de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, il convient d’examiner la portée du manquement à « l’obligation de communiquer des mesures de transposition d’une directive » qui est au cœur de cette disposition.

51      La Cour a itérativement jugé à ce sujet, dans le cadre de procédures relatives à l’article 258 TFUE, que la communication à laquelle les États membres doivent procéder, conformément au principe de coopération loyale édicté à l’article 4, paragraphe 3, TUE, vise à faciliter l’accomplissement de la mission de la Commission consistant, notamment, selon l’article 17 TUE, à veiller à l’application des dispositions des traités ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de ceux-ci. Cette communication doit donc contenir des informations suffisamment claires et précises quant au contenu des normes nationales qui transposent une directive. Ainsi, cette communication, qui peut être accompagnée d’un tableau de correspondance, doit indiquer sans ambiguïté quelles sont les mesures législatives, réglementaires et administratives au moyen desquelles l’État membre considère avoir rempli les différentes obligations que lui impose cette directive. Or, en l’absence d’une telle information, la Commission n’est pas en mesure de vérifier si l’État membre a réellement et complètement mis la directive en application. Le manquement d’un État membre à cette obligation, que ce soit par une absence totale ou partielle d’information ou par une information insuffisamment claire et précise, peut justifier, à lui seul, l’ouverture de la procédure de l’article 258 TFUE visant à la constatation de ce manquement (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2005, Commission/Italie, C‑456/03, EU:C:2005:388, point 27, et du 27 octobre 2011, Commission/Pologne, C‑311/10, non publié, EU:C:2011:702, points 30 à 32).

52      En ce qui concerne, ensuite, la finalité de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, il y a lieu de rappeler que cette disposition correspond, dans une large mesure, au projet d’article 228, paragraphe 3, du traité établissant une Constitution pour l’Europe, tel que figurant à la page 15 de la note de transmission du Praesidium à la Convention, du 12 mai 2003 (CONV 734/03), projet dont les termes concordent eux-mêmes avec le texte proposé par le Cercle de discussion sur la Cour de justice dans son rapport final du 25 mars 2003 (CONV 636/03, pages 10 et 11). Il ressort de ce rapport final que l’objectif poursuivi par l’introduction du mécanisme figurant à l’article 260, paragraphe 3, TFUE est non seulement d’inciter les États membres à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle mesure, aurait tendance à persister, mais également d’alléger et d’accélérer la procédure pour l’imposition de sanctions pécuniaires concernant les manquements à l’obligation de communication d’une mesure nationale de transposition d’une directive adoptée conformément à la procédure législative, étant précisé que, antérieurement à l’introduction d’un tel mécanisme, l’infliction d’une sanction financière aux États membres ne s’étant pas conformés dans les délais à un arrêt antérieur de la Cour et n’ayant pas respecté leur obligation de transposition pouvait n’intervenir que plusieurs années après ce dernier arrêt.

53      Or, cet objectif serait compromis si, ainsi que le soutiennent le Royaume de Belgique et les autres États membres qui sont intervenus à la présente procédure, la Commission n’était en mesure de solliciter l’infliction à un État membre d’une sanction pécuniaire au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, que lorsque ledit État membre s’est abstenu de lui communiquer toute mesure de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative.

54      En effet, une telle interprétation comporterait le risque qu’un État membre communique à la Commission, soit des mesures assurant la transposition d’un nombre insignifiant de dispositions de la directive en question, soit des mesures n’ayant manifestement pas pour objectif d’assurer la transposition de cette directive, et permettrait ainsi aux États membres d’empêcher la Commission de faire application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE.

55      Pour autant, ne saurait non plus être retenue l’interprétation selon laquelle seuls les États membres qui transposent correctement, du point de vue de la Commission, les dispositions d’une directive et en informent cette institution peuvent être considérés comme satisfaisant à l’obligation de communication visée à l’article 260, paragraphe 3, TFUE.

56      En effet, cette interprétation serait inconciliable avec la genèse de l’article 260, paragraphe 3, TFUE. Il ressort ainsi du rapport final visé au point 52 du présent arrêt que les membres du Cercle de discussion sur la Cour de justice ont distingué les cas de non-communication et de non-transposition des cas de transposition incorrecte, et ont estimé que la disposition proposée ne devait pas s’appliquer aux seconds, une sanction pécuniaire ne pouvant être infligée dans ce dernier cas qu’au terme d’un recours en manquement introduit sur le fondement de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

57      Cette interprétation ne serait pas conciliable non plus avec le contexte dans lequel s’inscrit l’article 260, paragraphe 3, TFUE, dont relève la procédure en manquement visée à l’article 258 TFUE. À cet égard, il importe de souligner que la procédure prévue à cette dernière disposition donne aux États membres la possibilité de contester la position adoptée par la Commission dans un cas de figure déterminé, s’agissant des mesures permettant d’assurer une transposition correcte de la directive concernée, sans pour autant être exposés d’emblée au risque de se voir imposer une sanction pécuniaire, une telle sanction ne pouvant en effet être infligée, en vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, que si l’État membre en cause n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution d’un premier arrêt de constatation de manquement.

58      Dans ces conditions, il convient de retenir une interprétation de l’article 260, paragraphe 3, TFUE qui, d’une part, permet à la fois de garantir les prérogatives détenues par la Commission en vue d’assurer l’application effective du droit de l’Union et de protéger les droits de la défense ainsi que la position procédurale dont bénéficient les États membres au titre de l’application combinée de l’article 258 TFUE et de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, et, d’autre part, met la Cour en position de pouvoir exercer sa fonction juridictionnelle consistant à apprécier, dans le cadre d’une seule procédure, si l’État membre concerné a rempli ses obligations en matière de communication et, le cas échéant, à évaluer la gravité du manquement ainsi constaté et à imposer la sanction pécuniaire qu’elle juge la plus adaptée aux circonstances de l’espèce.

59      Eu égard à l’ensemble de ces éléments, les termes « obligation de communiquer des mesures de transposition », figurant à l’article 260, paragraphe 3, TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils visent l’obligation des États membres de transmettre des informations suffisamment claires et précises quant aux mesures de transposition d’une directive. Afin de satisfaire à l’obligation de sécurité juridique et d’assurer la transposition de l’intégralité des dispositions de cette directive sur l’ensemble du territoire concerné, les États membres sont tenus d’indiquer, pour chaque disposition de ladite directive, la ou les dispositions nationales assurant sa transposition. Une fois cette communication intervenue, le cas échéant accompagnée de la présentation d’un tableau de correspondance, il incombe à la Commission d’établir, en vue de solliciter l’infliction à l’État membre concerné d’une sanction pécuniaire prévue à cette disposition, que certaines mesures de transposition font manifestement défaut ou ne couvrent pas l’ensemble du territoire de l’État membre concerné, étant entendu qu’il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre de la procédure juridictionnelle engagée en application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, d’examiner si les mesures nationales communiquées à la Commission assurent une transposition correcte des dispositions de la directive en cause.

 Sur l’existence du manquement au jour de l’examen des faits

60      Selon la jurisprudence de la Cour, l’infliction d’une astreinte ne se justifie en principe que pour autant que perdure le manquement que cette astreinte vise à sanctionner jusqu’à l’examen des faits par la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2005, Commission/France, C‑304/02, EU:C:2005:444, point 31 ; du 18 juillet 2006, Commission/Italie, C‑119/04, EU:C:2006:489, point 33, et du 7 septembre 2016, Commission/Grèce, C‑584/14, EU:C:2016:636, point 70).

61      Cette jurisprudence, relative à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, doit être appliquée par analogie à l’article 260, paragraphe 3, TFUE, dès lors que les astreintes au titre de ces deux dispositions poursuivent le même objectif, à savoir inciter un État membre à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle mesure, aurait tendance à persister (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, C‑304/02, EU:C:2005:444, point 81).

62      Il convient dès lors de déterminer si le manquement reproché au Royaume de Belgique au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE par la Commission, à savoir l’absence d’adoption de mesures nécessaires pour se conformer à la directive 2014/61 et, a fortiori, de communication de la part de cet État membre des mesures de transposition y afférentes, tel que constaté au point 27 du présent arrêt, a perduré jusqu’à l’examen des faits par la Cour.

63      Ainsi qu’il ressort des points 12 et 13 du présent arrêt, la Commission a, en cours de procédure, adapté le montant de l’astreinte à laquelle elle entend voir condamner le Royaume de Belgique, afin de tenir compte de la circonstance que le manquement reproché à cet État membre est désormais limité à la non-transposition, pour ce qui est de la seule Région de Bruxelles-Capitale, de l’article 2, paragraphes 7 à 9 et 11, de l’article 4, paragraphe 5, ainsi que de l’article 8 de la directive 2014/61, de même qu’à l’absence de communication de mesures visant à transposer ces dispositions dans ladite Région.

64      S’agissant, en premier lieu, de l’article 2, paragraphes 7 à 9 et 11, de cette directive, il importe de relever que ces dispositions contiennent les définitions des notions d’« infrastructure physique à l’intérieur d’un immeuble », d’« infrastructure physique adaptée au haut débit située à l’intérieur d’un immeuble », de « travaux de rénovation de grande ampleur » et de « point d’accès », et qu’il ressort du tableau de concordance annexé au mémoire en défense du Royaume de Belgique que, au stade du dépôt dudit mémoire, la transposition de ces définitions n’avait fait l’objet, pour la Région de Bruxelles-Capitale, que d’un « projet d’arrêté modifiant le règlement régional d’urbanisme ». En l’absence de toute communication postérieure émanant de cet État membre concernant l’adoption et l’entrée en vigueur de l’arrêté projeté, il y a lieu de conclure que ledit État membre n’a pas encore adopté les mesures nécessaires pour assurer la transposition, dans la Région de Bruxelles-Capitale, de l’article 2, paragraphes 7 à 9 et 11, de ladite directive.

65      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2014/61, qui prévoit que, en réponse à la demande écrite spécifique formulée par une entreprise fournissant ou autorisée à fournir des réseaux de communications publics, les États membres font obligation aux opérateurs de réseau de faire droit aux demandes raisonnables d’enquête sur place sur des éléments spécifiques de leurs infrastructures physiques, force est de constater que le tableau de correspondance annexé au mémoire en défense du Royaume de Belgique ne contient aucune indication concernant une mesure de transposition déjà adoptée dans la Région de Bruxelles-Capitale. Le Royaume de Belgique n’ayant, à la suite du dépôt du mémoire en défense, fourni aucun élément supplémentaire en relation avec ladite disposition, il y a lieu de conclure que l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2014/61 n’a pas encore fait l’objet d’une transposition pour la Région de Bruxelles-Capitale.

66      Pour ce qui est, en troisième lieu, de l’article 8 de la directive 2014/61, dont certaines dispositions, en ce qu’elles sont facultatives, ne nécessitent pas, d’après le Royaume de Belgique, une transposition dans le droit national, il ressort du tableau de correspondance mentionné au point précédent que les dispositions de cet article dont il n’est pas contesté que la transposition était obligatoire n’avaient en tout état de cause pas encore été transposées en Région de Bruxelles-Capitale. Si ce tableau de correspondance fait état d’un « projet d’arrêté modifiant le règlement régional d’urbanisme », le Royaume de Belgique n’a fourni par la suite aucune information portant sur l’adoption et l’entrée en vigueur de l’arrêté projeté. Il y a donc lieu de conclure que le Royaume de Belgique n’a pas encore adopté les mesures nécessaires pour assurer la transposition, dans la Région de Bruxelles-Capitale, de l’article 8 de la directive 2014/61.

67      Enfin, comme il a été rappelé au point 22 du présent arrêt, lors de l’audience de plaidoiries, le Royaume de Belgique n’a pas contesté les griefs avancés par la Commission et a reconnu que des mesures devaient encore être adoptées pour assurer la transposition complète de la directive 2014/61 dans le droit belge et que ces mesures allaient être communiquées dans les meilleurs délais.

68      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de conclure que, en n’ayant toujours pas, au jour de l’examen des faits par la Cour, adopté les mesures nécessaires pour transposer dans son droit interne, pour ce qui est de la Région de Bruxelles-Capitale, l’article 2, paragraphes 7 à 9 et 11, l’article 4, paragraphe 5, ainsi que l’article 8 de la directive 2014/61, ni, a fortiori, communiqué à la Commission de telles mesures de transposition, le Royaume de Belgique a partiellement persisté dans son manquement. Il s’ensuit que l’article 260, paragraphe 3, TFUE est applicable en l’espèce.

 Sur l’imposition d’une astreinte en l’espèce

–       Argumentation des parties

69      S’agissant du montant de la sanction pécuniaire, la Commission considère, conformément à la position reflétée au point 23 de la communication visée au point 28 du présent arrêt, que les modalités de calcul de l’astreinte visée à l’article 260, paragraphe 3, TFUE doivent être les mêmes que celles appliquées dans le cadre de la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

70      En l’espèce, la Commission a proposé, lors de l’audience, de retenir un coefficient de gravité de 1 sur une échelle de 1 à 20. S’agissant de la durée de l’infraction, elle a considéré qu’un coefficient de 1,8 sur une échelle de 1 à 3 serait approprié. À cet égard, la Commission précise que, contrairement à ce que soutient le Royaume de Belgique, il ressort des termes mêmes de l’article 13, premier alinéa, de la directive 2014/61 que les États membres devaient adopter et publier les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 1er janvier 2016 et en informer la Commission. Ce serait donc à partir de cette dernière date qu’un État membre pouvait être regardé comme ayant manqué à son obligation de communication des mesures de transposition, et non à partir du 1er juillet 2016, correspondant au point de départ de l’application des dispositions nationales adoptées.

71      En appliquant à ces coefficients le facteur « n » concernant le Royaume de Belgique, à savoir 4,96, et un forfait de base uniforme de 680 euros, la Commission sollicite l’imposition d’une astreinte d’un montant de 6 071,04 euros par jour de retard dans la transposition de la directive 2014/61, à compter de la date de prononcé de l’arrêt à intervenir.

72      Le Royaume de Belgique demande, dans l’hypothèse où une astreinte devrait lui être infligée, que le montant de celle-ci soit inférieur à celui sollicité par la Commission. À cet égard, cet État membre conteste le montant du coefficient de gravité et celui du coefficient de durée de l’infraction au motif qu’ils ne sont pas proportionnés au manquement éventuellement constaté.

73      S’agissant, en particulier, du coefficient de gravité, le Royaume de Belgique relève, notamment, que les conséquences de l’absence de transposition complète de la directive 2014/61 et les économies susceptibles d’être réalisées en cas de transposition complète n’ont pas été analysées de manière concrète. À cet égard, il existerait déjà dans l’ordre juridique belge de nombreuses dispositions normatives permettant, voire imposant, la coordination des travaux de génie civil, ainsi que le partage et l’accès aux informations sur les infrastructures physiques existantes, sur les travaux de génie civil prévus et sur les procédures de délivrance des autorisations nécessaires, de sorte que les objectifs de ladite directive seraient déjà largement atteints dans l’ordre juridique belge. Ainsi, le manquement à l’obligation de transposition n’aurait que des effets limités sur les intérêts d’ordre général ou particulier, critères pris en compte par la Commission et la Cour pour évaluer la gravité d’une infraction. En tout état de cause, il y aurait lieu de tenir compte des avancées réalisées au niveau de la transposition de la directive 2014/61 dans le droit belge depuis l’introduction du présent recours.

74      Quant au coefficient de durée de l’infraction, le Royaume de Belgique relève que, s’il est vrai que, conformément à l’article 13 de la directive 2014/61, les États membres devaient adopter et publier les dispositions transposant cette dernière au plus tard le 1er janvier 2016, il ressort également de ce même article 13 qu’il appartenait à ces États membres de mettre en application ces dispositions à partir du 1er juillet 2016 seulement. Partant, il conviendrait de prendre cette dernière date comme point de départ pour apprécier la durée de l’infraction et de réduire le coefficient de durée de l’infraction en question à 1,3.

75      S’agissant des modalités de paiement de l’astreinte, le Royaume de Belgique demande à ce que la vérification de la transposition de la directive 2014/61 et du respect de l’arrêt de la Cour intervienne sur une base semestrielle après le prononcé de cet arrêt et que, en conséquence, le paiement de l’astreinte s’opère également sur une base semestrielle plutôt que journalière. Une telle solution permettrait de prendre en compte et d’encourager l’avancement de la transposition de cette directive ainsi que, le cas échéant, d’alléger l’incidence de l’astreinte sur les finances publiques.

76      Par ailleurs, eu égard au caractère complexe de la transposition de la directive 2014/61 dans le droit belge, tenant à la pluralité des autorités compétentes en la matière, le Royaume de Belgique demande à la Cour de lui octroyer un délai de six mois à partir de la date de l’arrêt à intervenir afin de lui permettre de remplir ses obligations découlant de ladite directive.

77      Les États membres intervenus au soutien du Royaume de Belgique font valoir, en substance, qu’il appartient à la Commission d’établir de manière claire le niveau de gravité de l’infraction, de sorte que soit garantie la proportionnalité de la sanction. En l’occurrence, le degré de gravité retenu par la Commission serait nettement trop élevé. Il conviendrait, notamment, de faire en sorte que le montant de l’astreinte soit diminué au fur et à mesure de l’exécution progressive de l’arrêt à intervenir. Par ailleurs, il ressortirait du libellé de l’article 260, paragraphe 3, TFUE ainsi que de l’interprétation systématique de l’article 260, paragraphes 2 et 3, TFUE que le législateur de l’Union a entendu prévoir un délai raisonnable entre le prononcé de l’arrêt imposant une sanction pécuniaire et la date de prise d’effet de l’obligation de paiement y afférente.

–       Appréciation de la Cour

78      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union (voir, par analogie avec l’article 260, paragraphe 2, TFUE, arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 86 et jurisprudence citée).

79      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 60 et 61 du présent arrêt, le prononcé d’une astreinte ne se justifie en principe que pour autant que le manquement perdure jusqu’au jour de l’examen des faits par la Cour.

80      En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 68 du présent arrêt, à la date de l’examen des faits, les mesures nécessaires pour assurer la transposition de la directive 2014/61 dans le droit belge n’avaient pas encore été intégralement adoptées ni communiquées à la Commission.

81      Dans ces conditions, la Cour considère que la condamnation du Royaume de Belgique au paiement d’une astreinte, seule sollicitée, en l’occurrence, par la Commission, constitue un moyen financier approprié aux fins d’assurer le respect par cet État membre des obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive et des traités.

82      En revanche, étant donné que, ainsi que le reconnaît la Commission, les mesures communiquées par le Royaume de Belgique témoignent d’une évolution vers une transposition complète de la directive 2014/61 dans le droit belge depuis l’introduction du recours, il n’est pas exclu que, au jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, la transposition de ladite directive soit totalement achevée. Ainsi, l’astreinte n’est imposée que dans la mesure où le manquement persisterait à la date du prononcé de cet arrêt.

83      Il convient de rappeler que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer l’astreinte de telle sorte que celle-ci, d’une part, soit adaptée aux circonstances et proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (voir, par analogie, arrêts du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, C‑387/97, EU:C:2000:356, point 90, et du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 118), et, d’autre part, ne dépasse pas, conformément à l’article 260, paragraphe 3, second alinéa, TFUE, le montant indiqué par la Commission.

84      Dans le cadre de l’appréciation de la Cour aux fins de la fixation du montant de l’astreinte, les critères devant être pris en considération afin d’assurer la nature coercitive de celle-ci, en vue de l’application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la durée de l’infraction, son degré de gravité et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, la Cour est appelée à tenir compte, en particulier, des conséquences du manquement sur les intérêts publics et privés en cause ainsi que de l’urgence qui existe pour que l’État membre concerné se conforme à ses obligations (voir, par analogie avec l’article 260, paragraphe 2, TFUE, arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 120 et jurisprudence citée).

85      S’agissant de la gravité de l’infraction, il y a lieu de constater que l’obligation d’adopter les mesures nationales pour assurer la transposition complète d’une directive et l’obligation de communiquer ces mesures à la Commission constituent des obligations essentielles des États membres afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union et que le manquement à ces obligations doit, dès lors, être considéré comme étant d’une gravité certaine.

86      S’il est vrai que le Royaume de Belgique a accompli, depuis l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, des progrès dans la transposition de la directive 2014/61 et la communication à la Commission des mesures nationales de transposition de celle-ci, il n’en reste pas moins que quelques dispositions de cette directive n’avaient, au jour de l’examen des faits par la Cour, toujours pas été transposées dans le droit national pour une partie du territoire du Royaume de Belgique.

87      En ce qui concerne la durée de l’infraction, celle-ci doit être évaluée en ayant égard au moment auquel la Cour apprécie les faits et non pas à celui où cette dernière est saisie par la Commission (voir, par analogie avec l’article 260, paragraphe 2, TFUE, arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 130 et jurisprudence citée).

88      En l’occurrence, ainsi qu’il découle du point 68 du présent arrêt, le manquement reproché n’avait pas encore pris fin au jour de l’examen des faits par la Cour. Il y a donc lieu de considérer que ce manquement perdure depuis l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé, tel que prorogé par la Commission jusqu’au 28 février 2017. Or, cette durée d’infraction de près de deux ans et demi est considérable au regard du fait que, en vertu de l’article 13 de la directive 2014/61, les États membres avaient l’obligation de transposer les dispositions de ladite directive au plus tard le 1er janvier 2016.

89      Au vu de ce qui précède et au regard du pouvoir d’appréciation reconnu à la Cour par l’article 260, paragraphe 3, TFUE, lequel prévoit que celle-ci ne saurait, en ce qui concerne l’astreinte qu’elle inflige, dépasser le montant indiqué par la Commission, la Cour considère que le prononcé d’une astreinte d’un montant de 5 000 euros par jour est approprié pour garantir le respect, par le Royaume de Belgique, des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2014/61.

90      S’agissant de l’argumentation du Royaume de Belgique concernant la dégressivité de l’astreinte, celle-ci ne saurait être retenue. Il importe en effet de constater que l’objectif de l’astreinte sollicitée est de mettre un terme au manquement consistant, pour le Royaume de Belgique, à n’avoir que partiellement transposé la directive 2014/61 et à ne pas avoir communiqué toutes les mesures nécessaires pour assurer ladite transposition dans le droit belge. Or, prévoir une dégressivité de cette astreinte en fonction de l’adoption et de la communication graduelles de mesures de transposition serait de nature à compromettre l’efficacité de celle-ci.

91      S’agissant des modalités de paiement de l’astreinte, il appartient à la Cour, en application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, de déterminer la date à laquelle l’obligation de paiement prend effet.

92      En l’espèce, la Cour juge opportun, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de faire courir le point de départ de l’astreinte dès la date de prononcé du présent arrêt, sous la seule réserve exprimée au point 82 de celui-ci. Par ailleurs, dès lors que la constatation de la fin du manquement ne nécessite, de la part de la Commission, aucune évaluation factuelle complexe, il n’y a pas lieu de prévoir un paiement de l’astreinte sur une base semestrielle.

93      Eu égard à ce qui précède, il convient donc de condamner le Royaume de Belgique à payer à la Commission, à compter de la date du présent arrêt et jusqu’à ce que cet État membre ait mis un terme au manquement constaté, une astreinte journalière de 5 000 euros.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

95      Conformément à l’article 140, paragraphe 1, de ce règlement, selon lequel les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Lituanie, la Hongrie, la République d’Autriche et la Roumanie supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      En n’ayant pas, à l’échéance du délai imparti dans l’avis motivé du 30 septembre 2016, tel que prorogé par la Commission européenne, adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, et, a fortiori, en n’ayant pas communiqué à la Commission de telles mesures de transposition, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de cette directive.

2)      En n’ayant toujours pas, au jour de l’examen des faits par la Cour, adopté les mesures nécessaires pour transposer dans son droit interne, pour ce qui est de la Région de Bruxelles-Capitale, l’article 2, paragraphes 7 à 9 et 11, l’article 4, paragraphe 5, ainsi que l’article 8 de la directive 2014/61, ni, a fortiori, communiqué à la Commission européenne de telles mesures de transposition, le Royaume de Belgique a partiellement persisté dans son manquement.

3)      Dans le cas où le manquement constaté au point 2 persisterait encore à la date de prononcé du présent arrêt, le Royaume de Belgique est condamné à payer à la Commission européenne, à compter de cette date et jusqu’au terme de ce manquement, une astreinte de 5 000 euros par jour.

4)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

5)      La République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Lituanie, la Hongrie, la République d’Autriche et la Roumanie supportent leurs propres dépens.

Lenaerts

Silva de Lapuerta

Bonichot

Vilaras

Regan

Toader

Biltgen

Jürimäe

Lycourgos

Malenovský

Safjan

Šváby

 

Rodin      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2019.

Le greffier

 

Le président

A. Calot Escobar

 

K. Lenaerts


*      Langue de procédure : le français.