Language of document : ECLI:EU:T:2018:878

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 décembre 2018 (*)

« Médicaments à usage humain – Médicaments orphelins – Décision de retrait de la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin – Décision considérant que les critères de désignation n’étaient plus réunis – Autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Empliciti (Elotuzumab) – Article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement (CE) no 141/2000 – Article 5, paragraphe 8, du règlement no 141/2000 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑329/16,

Bristol-Myers Squibb Pharma EEIG, établie à Uxbridge (Royaume-Uni), représentée par Mes P. Bogaert et B. Van Vooren, avocats, et M. B. Kelly, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Sipos et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

et

Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par Mmes N. Rampal Olmedo, M. Tovar Gomis et MM. T. Jabłoński et S. Drosos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation d’un acte de la Commission rayant l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins à usage humain ou d’un éventuel acte de la Commission ou de l’EMA considérant que l’Elotuzumab ne satisfaisait plus aux critères de désignation en tant que médicament orphelin lors de l’autorisation de mise sur le marché du médicament Empliciti (Elotuzumab), en vertu du règlement (CE) no 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins (JO 2000, L 18, p. 1),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 mai 2012, la requérante,Bristol-Myers Squibb Pharma EEIG, a présenté à l’Agence européenne des médicaments (EMA) une demande de désignation de l’Elotuzumab en tant que médicament orphelin indiqué pour le traitement du myélome multiple. Le myélome multiple est un cancer grave de la moelle osseuse.

2        Par décision d’exécution de la Commission européenne du 9 août 2012, la requérante a obtenu la désignation du médicament Elotuzumab comme médicament orphelin au titre du règlement (CE) no 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins (JO 2000, L 18, p. 1). Cette désignation était fondée sur un avis favorable émis, le 11 juillet 2012, par le comité des médicaments orphelins de l’EMA (ci-après le « COMP ») qui a considéré que l’Elotuzumab répondait aux critères de désignation en tant que médicament orphelin conformément à l’article 3 de ce règlement.

3        Le 3 juillet 2015, la requérante a présenté à l’EMA une demande d’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») du médicament Empliciti (Elotuzumab) conformément au règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).

4        Conformément au point B.2.1. de la communication de la Commission relative au règlement no 141/2000 (JO 2003, C 178, p. 2, ci-après la « communication de la Commission de 2003 »), la requérante a inclus, dans sa demande, l’information selon laquelle l’Elotuzumab avait été désigné en tant que médicament orphelin. Elle a également soumis un rapport sur les critères ayant servi de fondement à la désignation du médicament en tant que médicament orphelin.

5        Le 22 décembre 2015, la requérante a présenté un rapport actualisé, indiquant que, le 19 novembre 2015, la Commission avait délivré une AMM au Kyprolis (Carfilzomib), un nouveau médicament pour le traitement du myélome multiple, dont le principe actif était le carfilzomib. Après réception de ce rapport actualisé, le COMP a demandé à la requérante d’apporter davantage de détails sur la question du bénéfice notable, notamment, par rapport au carfilzomib. La requérante a présenté sa réponse le 1er février 2016, laquelle incluait, notamment, une discussion scientifique sur le bénéfice notable de l’elotuzumab par rapport au carfilzomib.

6        Le 28 janvier 2016, le comité des médicaments à usage humain de l’EMA (ci-après le « CHMP ») a rendu un avis favorable à l’octroi d’une AMM de l’Empliciti (Elotuzumab), compte tenu des informations soumises et du débat scientifique au sein de ce comité.

7        Parallèlement, le COMP a examiné si les critères de désignation du médicament Elotuzumab en tant que médicament orphelin établis à l’article 3 du règlement no 141/2000 étaient toujours satisfaits.

8        Le 18 février 2016, le COMP a rendu un avis dans lequel il recommandait le retrait de la désignation de l’Elotuzumab en tant que médicament orphelin, concluant que le critère de la prévalence énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 141/2000 était satisfait, mais que le critère du bénéfice notable visé à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement ne l’était pas, en particulier par rapport au médicament Kyprolis (Carfilzomib).

9        À la suite d’une argumentation détaillée présentée par la requérante le 4 mars 2016 à l’appui de son recours et des explications orales fournies par cette dernière au cours de la réunion du COMP des 21 et 23 mars 2016, le COMP a rendu son avis définitif en date du 8 avril 2016 et maintenu sa position, préconisant ainsi la radiation de l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins. Selon le COMP, il résulte d’une comparaison entre l’elotuzumab et le carfilzomib que l’Empliciti (Elotuzumab) ne procure pas un bénéfice notable aux personnes atteintes du myélome multiple par rapport au médicament Kyprolis (Carfilzomib), lequel a obtenu une AMM le 19 novembre 2015, publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 30 décembre 2015.

10      Le 11 avril 2016, l’EMA a informé la requérante que l’avis négatif du COMP du 18 février 2016, confirmé en appel le 8 avril 2016, était désormais considéré comme étant définitif et serait transmis à la Commission. La requérante a reconnu avoir reçu cet avis à cette même date par le biais de la plateforme électronique Eudralink.

11      Sur le fondement des avis de l’EMA, formulés le 28 janvier 2016 par le CHMP et le 8 avril 2016 par le COMP, la Commission a adopté la décision d’exécution du 11 mai 2016, portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Empliciti (Elotuzumab) au titre du règlement no 726/2004 (ci-après la « décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016 »).

12      Le 20 mai 2016, le registre communautaire des médicaments orphelins ne comprenait plus, pour la première fois, l’Elotuzumab, ce dernier ayant été rayé de ce registre. Le même jour, l’Elotuzumab a été inscrit dans le registre communautaire des médicaments orphelins inactifs.

13      Par courrier électronique du 25 mai 2016, une employée de la requérante a demandé à un agent de la Commission, exerçant des fonctions au sein de la direction générale (DG) de la santé et de la sécurité alimentaire de cette institution, de lui fournir une copie de la décision de retrait de la désignation de l’Elotuzumab en tant que médicament orphelin ou de sa radiation du registre communautaire des médicaments orphelins. Un autre agent de la Commission travaillant pour la même direction générale lui a répondu que la Commission n’avait rendu aucune décision concernant un tel retrait, mais qu’un avis avait été adopté par l’EMA et a invité la requérante à s’adresser au service de l’EMA chargé des médicaments orphelins. À la suite de cet échange, aucune autre communication n’a eu lieu entre la requérante et les services de la Commission.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juin 2016, la requérante a introduit le présent recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, dirigé contre la Commission ou l’EMA.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 septembre 2016, la Commission a déposé un mémoire en défense.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 28 septembre 2016, l’EMA a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

17      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2016. En outre, à cette même date, la requérante a également déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

18      Le 20 février 2017, la Commission a déposé au greffe du Tribunal une duplique.

19      Par ordonnance du Tribunal du 4 avril 2017, l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’EMA a été jointe au fond.

20      Le 19 mai 2017, l’EMA a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en défense.

21      Le 2 août 2017, la requérante a déposé au greffe du Tribunal une réplique.

22      Le 20 septembre 2017, l’EMA a déposé au greffe du Tribunal une duplique.

23      Le 22 janvier 2018, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a demandé aux parties de répondre à une série de questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler un acte de la Commission rayant l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins à usage humain ou un éventuel acte de la Commission ou de l’EMA considérant que l’Elotuzumab ne satisfaisait plus aux critères de désignation en tant que médicament orphelin lors de l’autorisation de mise sur le marché du médicament Empliciti (Elotuzumab), en vertu du règlement no 141/2000 ;

–        condamner la Commission et l’EMA aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      L’EMA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, écarter la première branche du deuxième moyen comme irrecevable et le reste du recours comme non fondé ;

–        en tout état de cause, déclarer le recours non fondé dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

27      Tant la Commission que l’EMA, la première dans un mémoire en défense et la seconde dans une exception d’irrecevabilité présentée par acte séparé, contestent la recevabilité du recours.

28      La Commission et l’EMA font valoir que la demande de la requérante, formulée dans la requête, n’identifie pas l’acte attaqué de manière suffisamment claire et précise comme l’exige la jurisprudence constante de l’Union européenne. Elles indiquent, par ailleurs, que la désignation en tant que médicament orphelin de l’Elotuzumab a été retirée conformément à la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016, qui accordait parallèlement une AMM pour le médicament « non orphelin » Empliciti (Elotuzumab). En particulier, elles soutiennent que la décision de retrait de cette désignation a été implicitement intégrée dans la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016, ce retrait pouvant être déduit de la référence explicite, dans le texte de cette dernière décision, à l’avis définitif du COMP du 8 avril 2016. C’est donc cette décision d’exécution de la Commission qui aurait dû être attaquée.

29      L’EMA, soutenue par la Commission, précise qu’elle n’a émis aucun acte retirant la désignation de l’Elotuzumab en tant que médicament orphelin, car le pouvoir d’arrêter une décision de cette nature repose exclusivement sur la Commission, conformément à l’article 5, paragraphe 8, du règlement no 141/2000 et à la communication de la Commission de 2003. Dès lors que l’EMA ne serait pas l’auteur d’un tel acte, le recours dirigé contre elle devrait être déclaré irrecevable.

30      En outre, la Commission et l’EMA soutiennent que la radiation de l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins constitue une mesure purement administrative qui ne produit pas d’effets juridiques obligatoires, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Partant, le recours devrait être déclaré irrecevable en ce qu’il porte sur cette radiation. L’EMA souligne à cet égard que le recours dirigé contre elle est, en tout état de cause, irrecevable, puisqu’elle n’a pas le pouvoir de procéder à une telle radiation.

31      La requérante rétorque que la radiation de son médicament doit normalement faire l’objet d’une décision de la Commission, mais elle reconnaît que, en raison des circonstances particulières de l’espèce, une incertitude subsiste en ce qui concerne l’identification de l’acte attaqué. Elle considère que la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016 ne constitue pas un tel acte. Néanmoins, elle indique que, « [s]i le Tribunal estime […] que l’acte attaqué est la décision du 11 mai 2016 (et donc la partie détachable qui décide du retrait de la désignation en tant que médicament orphelin), la requérante ne pourra se voir reprocher de ne pas l’avoir identifiée comme telle. » Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal afin de préciser la portée de ces propos, la requérante a fourni une réponse de laquelle il ressortait qu’elle admettait, en substance, que sa demande d’annulation, telle qu’elle était formulée dans le petitum de sa requête, visait, en réalité, la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016, dans la mesure où cette décision intégrait implicitement la décision de retrait de la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin. Dans cette réponse, la requérante admet également que, sous cet angle, son recours ne saurait être dirigé contre l’EMA.

32      À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53 de ce statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire de ces moyens. La requête constitue ainsi l’acte introductif d’instance dans lequel la partie requérante a l’obligation de définir l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêts du 25 septembre 1979, Commission/France, 232/78, EU:C:1979:215, point 3, et du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, EU:T:2009:163, point 110).

33      Conformément à une jurisprudence constante, la définition de l’objet du litige dans la requête déposée au titre de l’article 263 TFUE doit permettre au Tribunal d’identifier avec précision les actes dont le requérant demande l’annulation, étant entendu que le Tribunal ne saurait, en tout état de cause, statuer ultra petita, en prononçant une annulation qui excède celle sollicitée par le requérant [voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 2006, Commission/France, C‑255/04, EU:C:2006:401, point 24 et jurisprudence citée, et du 21 octobre 2015, Petco Animal Supplies Stores/OHMI – Gutiérrez Ariza (PETCO), T‑664/13, EU:T:2015:791, point 24]. Ainsi, une telle requête qui ne vise pas expressément l’acte ou les actes concrets dont l’annulation est demandée et ne permet pas d’identifier avec suffisamment de précision ledit acte ou lesdits actes en cause ne saurait satisfaire aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure (voir arrêt du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho et Commission/Commission et de Brito Sequera Carvalho, T‑40/07 P et T‑62/07 P, EU:T:2009:382, point 184 et jurisprudence citée ; ordonnance du 27 novembre 2013, MAF/EIOPA, T‑23/12, non publiée, EU:T:2013:632, point 29).

34      Cependant, l’identification de l’acte attaqué peut résulter implicitement des mentions reprises dans la requête et de l’ensemble de son argumentation (voir ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission, T‑320/09, EU:T:2011:172, point 23 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 108).

35      En l’espèce, la requérante formule sa demande d’annulation, dans le petitum de la requête, en se référant, de manière générale, à « un acte de la Commission […] rayant l’[E]lotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins à usage humain et/ou un éventuel acte de la Commission ou de l’[EMA] considérant que l’[E]lotuzumab ne remplissait plus les critères de désignation en tant que médicament orphelin », sans indiquer expressément l’acte ou les actes concrets dont elle vise l’annulation. Toutefois, bien que la requérante reconnaisse dans la requête ne pas être en mesure d’identifier expressément l’acte attaqué, en raison des circonstances particulières du cas d’espèce, l’objet de sa demande d’annulation est, quant à lui, précisément identifié. En effet, elle conteste l’acte qui est à l’origine de la radiation effective de son médicament du registre communautaire des médicaments orphelins et fait valoir que cette situation repose nécessairement sur une décision explicite ou implicite.

36      Il convient également de constater que, eu égard aux mémoires de la Commission et de l’EMA, ces parties défenderesses n’ont pas méconnu l’intention de la requérante de demander l’annulation de l’acte étant à l’origine de la radiation effective de l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins. Cependant, les parties étaient en désaccord en ce qui concernait l’identification concrète d’un tel acte. D’une part, les parties défenderesses soutiennent qu’il s’agit d’un effet automatique de la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016 et que c’est donc cette dernière qui aurait dû être attaquée, car il n’existerait pas d’autre décision. D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 31 ci‑dessus, la requérante avait exprimé ses doutes quant au fait que la décision attaquée était la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016 lui accordant l’AMM.

37      Il y a lieu, par ailleurs, de reconnaître que les circonstances du cas d’espèce sont particulières. En effet, ainsi qu’il ressort du dossier, la Commission a d’abord adopté, le 9 août 2012, une décision de désignation de l’Elotuzumab en tant que médicament orphelin pour le traitement du myélome multiple et, à la suite de cette décision, l’Elotuzumab a été inscrit dans le registre communautaire des médicaments orphelins. Ensuite, dans le cadre de la procédure d’AMM de l’Empliciti (Elotuzumab), la Commission a adopté la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016 accordant une AMM à l’Empliciti (Elotuzumab). Puis, le 20 mai 2016, ce registre ne comprenait plus, pour la première fois, l’Elotuzumab, ce dernier ayant été rayé de ce registre. De plus, à la suite d’une demande de la requérante du 25 mai 2016, un agent de la Commission lui a indiqué que cette dernière n’avait rendu aucune décision concernant le retrait de la désignation de l’Elotuzumab en tant que médicament orphelin. Enfin, dans leurs mémoires, la Commission et l’EMA confirment qu’aucune décision autre que celle du 11 mai 2016 n’existe. Dans ces circonstances particulières, il ne saurait être reproché à la requérante de ne pas avoir été en mesure d’identifier expressément l’acte qui était à l’origine de la radiation effective de l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins.

38      À cet égard, il convient de préciser que, conformément à l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, un médicament désigné comme médicament orphelin est rayé du registre communautaire des médicaments orphelins lorsqu’il est établi que les critères énoncés dans ce règlement ne sont plus satisfaits en ce qui concerne ce médicament. Il s’ensuit que cette radiation découle directement de la décision qui établit que les critères de désignation en tant que médicament orphelin ne sont plus satisfaits. La radiation, en tant que telle, n’est qu’une mesure purement administrative qui ne produit aucun effet juridique obligatoire, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE. Partant, le recours devrait être déclaré irrecevable en ce qu’il porte sur une telle radiation.

39      En l’espèce, il y a lieu de relever que la radiation effective de l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins présuppose nécessairement l’existence d’une décision ayant établi que ce médicament ne satisfaisait plus aux critères de désignation comme médicament orphelin, conformément à l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000. Sans devoir déterminer à ce stade, dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours, quelle est la forme que devrait revêtir une telle décision, ce qui fera l’objet du deuxième moyen, il ne saurait être exclu que celle-ci ait été implicite. Il ne saurait non plus être exclu que cette décision ait été implicitement intégrée dans la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016, dès lors que cette dernière constitue la seule décision explicite, qui se réfère à l’avis du COMP du 8 avril 2016 et qui accorde une AMM à l’Empliciti (Elotuzumab) sans mentionner qu’il s’agit d’un médicament orphelin.

40      Certes, la requérante affirme que la décision attaquée n’est pas la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016, comme le soutiennent la Commission et l’EMA. Néanmoins, elle reconnaît que la décision, établissant que les critères de désignation comme médicament orphelin de l’Elotuzumab n’étaient plus satisfaits, pourrait être implicite. Interrogée à cet égard par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la requérante a fourni une réponse de laquelle il ressortait qu’elle admettait, en substance, que sa demande d’annulation, telle qu’elle était formulée dans le petitum de la requête, visait, en réalité, la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016, dans la mesure où cette décision intégrait implicitement la décision de retrait de la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin. Dans cette réponse, la requérante a également admis, à juste titre, que, sous cet angle, son recours ne saurait être dirigé contre l’EMA, car l’EMA n’est pas l’auteur de ladite décision d’exécution (voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, EU:T:2008:419, point 49 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, non publié, EU:T:2010:442, point 34 et jurisprudence citée).

41      Dès lors, eu égard à la jurisprudence citée aux points 32 à 34 ci‑dessus et en tenant compte des circonstances particulières du présent litige, il y a lieu de considérer que les conclusions en annulation du recours tendent, en réalité, à l’annulation de la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016, dans la seule mesure où cette décision intègre implicitement la décision de retrait de la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin (ci-après la « décision attaquée »). La décision explicite de la Commission du 11 mai 2016 accordant une AMM à l’Empliciti (Elotuzumab) ne fait, quant à elle, pas l’objet de ces conclusions en annulation.

42      Au surplus, il découle de la jurisprudence constante que la forme dans laquelle un acte ou une décision sont pris est, en règle générale, indifférente pour la recevabilité d’un recours en annulation. Il est donc, en principe, sans incidence sur la qualification de l’acte concerné que celui-ci satisfasse ou non certaines exigences formelles, à savoir s’il est dûment intitulé par son auteur, s’il est suffisamment motivé ou s’il mentionne les dispositions qui constituent sa base légale. S’il en était autrement, la Commission pourrait se soustraire au contrôle du juge de l’Union par la simple méconnaissance de telles exigences formelles. Or, il ressort de la jurisprudence que, l’Union étant une communauté de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes avec le traité, les modalités procédurales applicables aux recours dont le juge de l’Union est saisi doivent être interprétées, dans toute la mesure du possible, d’une manière telle que ces modalités puissent recevoir une application qui contribue à la mise en œuvre de l’objectif de garantir une protection juridictionnelle effective des droits que tirent les justiciables du droit de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, points 43 à 45 et jurisprudence citée).

43      Partant, le recours ainsi défini, dirigé contre la Commission, doit être déclaré recevable et examiné quant au fond.

44      Au demeurant, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort des considérations exposées notamment au point 38 ci‑dessus, le recours doit être déclaré irrecevable en ce qu’il porte sur la radiation de l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins à usage humain. De même, ainsi qu’il résulte des considérations développées notamment au point 40 ci‑dessus, le recours doit être déclaré irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’EMA.

 Sur le fond

45      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, conjointement avec le principe de proportionnalité. Le deuxième moyen porte sur la violation de cette même disposition, lue conjointement avec l’article 5, paragraphe 8, dudit règlement. Le troisième moyen, soulevé au stade de la réplique, est tiré de l’absence d’indication de la base juridique et du défaut de motivation.

46      Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, le troisième moyen et, ensuite, les premier et deuxième moyens.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’indication de la base juridique et du défaut de motivation

47      Par son troisième moyen, soulevé au stade de la réplique, la requérante soutient que la décision attaquée n’indique pas la base juridique, ce qui constitue une violation de l’obligation de motivation entachant cette décision de nullité. Selon la jurisprudence de la Cour, l’obligation d’indiquer la base juridique d’un acte relèverait de l’obligation de motivation et revêtirait une importance de nature constitutionnelle. De plus, cette obligation de motivation constituerait un moyen d’ordre public devant être soulevé d’office par le juge de l’Union et dont l’examen pourrait avoir lieu à tout stade de la procédure.

48      En particulier, la requérante fait valoir que la décision attaquée omet de mentionner le règlement no 141/2000 et qu’elle ne cite que le règlement no 726/2004 comme base juridique. Or, seul le règlement no 141/2000 constituerait la base juridique d’une décision de retrait d’une désignation de médicament en tant que médicament orphelin. Par ailleurs, la requérante relève que la seule référence au régime des médicaments orphelins est la mention de l’avis du COMP du 8 avril 2016 dans les visas de ladite décision. Cet avis ferait référence à l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, mais uniquement comme base juridique du réexamen du COMP. Il ne serait fait aucune référence à une base juridique concernant une décision ultérieure de la Commission. En tout état de cause, une référence indirecte, figurant dans une décision de la Commission, à une base juridique mentionnée dans un avis préparatoire, lui-même cité dans cette décision, ne saurait être suffisante pour respecter un principe d’importance constitutionnelle.

49      La Commission considère que le troisième moyen doit être rejeté comme irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé.

50      À cet égard, il importe, d’abord, de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’obligation d’indiquer la base juridique d’un acte relève de l’obligation de motivation (voir arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 38 et jurisprudence citée).

51      Il convient, ensuite, de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le respect de l’obligation de motivation est une question d’ordre public, laquelle peut être soulevée par les parties à tout stade de la procédure, voire d’office par le juge [voir, en ce sens, arrêts du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, EU:C:1997:73, point 25 ; du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, EU:T:2008:416, point 127, et du 8 octobre 2015, Rosian Express/OHMI (Forme d’une boîte de jeu), T‑547/13, EU:T:2015:769, point 13]. Partant, le troisième moyen doit être déclaré recevable.

52      Il y a lieu, en outre, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63, et du 30 novembre 2011, Sniace/Commission, T‑238/09, non publié, EU:T:2011:705, point 37).

53      Par ailleurs, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (voir arrêt du 11 juin 2015, Laboratoires CTRS/Commission, T‑452/14, non publié, EU:T:2015:373, point 57 et jurisprudence citée).

54      De même, il découle de la jurisprudence que, dans la mesure où une décision confirme purement et simplement l’avis de l’EMA, il y a lieu de considérer que le contenu de cet avis, comme d’ailleurs celui du rapport d’évaluation qui le fonde, font partie intégrante de la motivation de cette décision, s’agissant notamment de l’évaluation scientifique du médicament en cause (voir arrêt du 11 juin 2015, Laboratoires CTRS/Commission, T‑452/14, non publié, EU:T:2015:373, point 60 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, il y a lieu de constater que, s’il est vrai que la décision attaquée ne cite pas expressément le règlement no 141/2000, lequel constitue la base juridique du retrait de la désignation litigieuse en tant que médicament orphelin, cette décision fait néanmoins référence à l’avis du COMP du 8 avril 2016 dans son préambule. Or, il ressort de la jurisprudence qu’une mention explicite de la base juridique d’un acte ne doit pas nécessairement figurer dans cet acte lorsque que la base juridique d’un acte peut être déterminée à l’appui d’autres éléments de celui‑ci (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 56).

56      En outre, l’avis du COMP du 8 avril 2016, qui recommandait la radiation de l’Elotuzumab du registre communautaire des médicaments orphelins, doit être, conformément à la jurisprudence citée au point 54 ci‑dessus, considéré comme faisant partie intégrante de la motivation de la décision attaquée, dès lors que cette dernière confirme purement et simplement cet avis. De plus, ledit avis mentionne plusieurs fois le règlement no 141/2000 et précise la base juridique applicable au retrait de la désignation en tant que médicament orphelin.

57      Il s’ensuit que l’avis du COMP du 8 avril 2016, qui est mentionné dans le préambule de la décision attaquée et qui fait partie intégrante de cette dernière, constitue un élément de cette décision, au sens de la jurisprudence citée au point 55 ci‑dessus, à l’appui duquel la base juridique du retrait de la désignation de l’Elotuzumab en tant que médicament orphelin peut être déterminée. De plus, il y a lieu de souligner que le contexte est bien connu de la requérante, puisqu’elle a reconnu avoir reçu cet avis en temps utile et qu’elle a également eu connaissance du cadre réglementaire dans lequel celui-ci a été émis, notamment en participant activement à la procédure de réévaluation des critères de désignation en cause. Dès lors, la requérante ne saurait raisonnablement nourrir une incertitude quant à la base juridique et aux motifs ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

58      En conséquence, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est conforme à l’article 296 TFUE, dans la mesure où elle se réfère, dans son préambule, à l’avis du COMP du 8 avril 2016, qui, lui-même, fait partie intégrante de la motivation de cette décision, expose les motifs pour lesquels la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin doit être retirée et mentionne expressément le règlement no 141/2000. Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, conjointement avec le principe de proportionnalité

59      Par son premier moyen, la requérante soulève une violation de l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, conjointement avec le principe de proportionnalité. Ce moyen est divisé en trois branches.

–       Sur la première branche, relative à la prise en considération du médicament Kyprolis (Carfilzomib) récemment autorisé

60      Par la première branche du premier moyen, la requérante soutient que la décision attaquée a violé l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000 et le principe de proportionnalité, en ce qu’elle a erronément pris en considération, dans le cadre du réexamen du critère du bénéfice notable visé à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, un autre médicament, à savoir le Kyprolis (Carfilzomib).

61      À cet égard, la requérante fait valoir que l’Empliciti (Elotuzumab) n’aurait pas dû être comparé au Kyprolis (Carfilzomib), puisque ce dernier a obtenu une AMM le 19 novembre 2015, c’est-à-dire après l’achèvement du programme de développement de l’Empliciti (Elotuzumab) par la requérante dans la perspective d’une demande d’AMM de ce médicament. En tout état de cause, elle considère que cette comparaison, avec le médicament autorisé Kyprolis (Carfilzomib), n’aurait pas dû être effectuée après le 3 juillet 2015, date de l’introduction de la demande d’AMM de l’Empliciti (Elotuzumab). Ainsi, les médicaments récemment autorisés ne devraient pas être pris en considération dans le cadre du réexamen au titre de l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000. Toute autre interprétation compromettrait le respect du principe de proportionnalité et la réalisation de l’objectif dudit règlement, lequel vise à inciter les laboratoires pharmaceutiques à investir dans la recherche et le développement de nouveaux produits en leur accordant l’exclusivité commerciale.

62      Par ailleurs, la requérante considère que la prise en compte du Kyprolis (Carfilzomib) est injuste, en raison du manque de temps pour soumettre des données suffisantes, notamment, dans le cadre d’une comparaison directe.

63      La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

64      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 141/2000, « [u]n médicament obtient la désignation de médicament orphelin si son promoteur peut établir […] qu’il n’existe pas de méthode satisfaisante de diagnostic, de prévention ou de traitement [d’une] affection [entraînant une menace pour la vie ou une invalidité chronique ne touchant pas plus de cinq personnes sur dix mille dans l’Union] ayant été autorisée dans [l’Union], ou, s’il en existe, que le médicament en question procurera un bénéfice notable à ceux atteints de cette affection ». La notion de « bénéfice notable » est définie, quant à elle, à l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 847/2000 de la Commission, du 27 avril 2000, établissant les dispositions d’application des critères de désignation d’un médicament en tant que médicament orphelin et définissant les concepts de « médicament similaire » et de « supériorité clinique » (JO 2000, L 103, p. 5), comme étant « un avantage important sur le plan clinique ou une contribution majeure aux soins prodigués au patient ».

65      Il ressort clairement de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 141/2000 et de la définition du « bénéfice notable » fournie dans le règlement no 847/2000 qu’un tel bénéfice ne doit être établi que dans le cas spécifique où une méthode satisfaisante de diagnostic, de prévention ou de traitement de la condition concernée a déjà été autorisée (arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, EU:T:2010:376, point 41).

66      Les dispositions susmentionnées ont déjà amené le Tribunal à décrire le bénéfice notable comme constituant une conclusion qui doit être tirée d’une comparaison entre le médicament évalué et les médicaments déjà autorisés. En particulier, le Tribunal a jugé que la détermination du bénéfice notable s’inscrit dans une analyse comparative avec une méthode ou un médicament existant et autorisé. En effet, l’« avantage important sur le plan clinique » et la « contribution majeure aux soins prodigués au patient », qui confèrent au médicament orphelin potentiel sa qualité de bénéfice notable, ne peuvent être déterminés que, en comparaison des traitements qui ont déjà été autorisés. Cette interprétation est confirmée par la communication de la Commission de 2003, dans laquelle il est indiqué que « [l]e promoteur est invité à établir le bénéfice notable par rapport à un médicament ou une méthode existant(e) autorisé(e) au moment de la désignation » (arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, EU:T:2010:376, points 43 et 44).

67      Il s’ensuit que le libellé de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 141/2000 et, en particulier, la mention « ayant été autorisée dans [l’Union] », ainsi que l’interprétation qui en a été donnée par le Tribunal permettent de conclure que tous les médicaments autorisés doivent être pris en considération afin d’établir le bénéfice notable. La réglementation pertinente en l’espèce ne prévoit aucune exception à cet égard.

68      En effet, comme le soulignent la Commission et l’EMA, rien ne permet d’affirmer que les médicaments qui ont été autorisés ultérieurement au développement du médicament orphelin concerné ou, à tout le moins, ceux qui ont été autorisés postérieurement à l’introduction de la demande d’AMM de ce dernier médicament, ne devraient pas être pris en considération. Si le législateur avait voulu exclure les médicaments autorisés après l’introduction de la demande d’AMM du médicament concerné et avant la fin du réexamen des critères de désignation visés à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 141/2000, il aurait pu le faire.

69      Par ailleurs, il convient de relever que la notion d’« achèvement du programme de développement » du médicament orphelin, invoquée par la requérante, ne figure pas, en tant que telle, dans le règlement no 141/2000 et ne saurait dès lors revêtir une quelconque portée juridique dans le cadre de ce règlement. En outre, cette notion est vague et ne permet pas de déterminer la date exacte de cet « achèvement ».

70      De même, s’agissant de l’argument subsidiaire de la requérante selon lequel la comparaison de l’Empliciti (Elotuzumab) n’aurait pas dû être effectuée avec le médicament autorisé Kyprolis (Carfilzomib) après le 3 juillet 2015, c’est-à-dire après la date d’introduction de la demande d’AMM du médicament concerné, il convient d’observer que ni l’article 5, paragraphe 12, du règlement no 141/2000, ni l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement ne font référence à cette demande, mais plutôt à l’octroi de l’AMM pour le médicament concerné qui advient nécessairement à un stade ultérieur. Cela explique que la communication de la Commission de 2003 indique que « le moment le plus approprié pour reconsidérer la désignation est lorsque l’[AMM] d’un médicament désigné est imminente, à savoir à peu près le moment où l’on attend un avis positif du [CHMP] ». À cet égard, il y a également lieu de relever que, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 141/2000, l’exclusivité commerciale d’un médicament orphelin résulte de l’octroi de l’AMM pour ce médicament. Les conditions de l’AMM sont dès lors déterminantes pour établir si cet article 8, paragraphe 1, du règlement no 141/2000 est applicable ou non, de sorte que la date de l’octroi de l’AMM constitue la date limite pour établir si les critères de désignation sont toujours satisfaits ou non.

71      De plus, s’il était admis, comme le prétend la requérante, que les médicaments ayant obtenu une AMM après l’introduction de la demande d’AMM du médicament concerné ne devraient pas être comparés à ce dernier, cela pourrait conduire à une violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 141/2000, dès lors que cette disposition interdit l’octroi d’une AMM pour des indications thérapeutiques qui ne répondent pas aux critères de désignation énoncés à l’article 3 de ce règlement. En effet, cet article 7, paragraphe 3, du règlement no 141/2000 exige que ces critères soient toujours satisfaits au moment de l’octroi de l’AMM d’un médicament orphelin. De même, il ressort d’une lecture conjointe de cette dernière disposition avec l’article 5, paragraphe 12, dudit règlement, que le réexamen des critères de désignation doit avoir lieu avant l’octroi de l’AMM pour le médicament concerné, de sorte que le moment pertinent pour constater si ces critères sont toujours satisfaits, en procédant notamment à une comparaison de médicaments en vue d’établir le bénéfice notable du médicament en cause, est celui de l’octroi de l’AMM pour ce dernier médicament.

72      Il s’ensuit que, en l’espèce, le COMP était juridiquement tenu d’évaluer le bénéfice notable potentiel de l’Empliciti (Elotuzumab) par rapport au médicament autorisé Kyprolis (Carfilzomib). Si le COMP n’avait pas procédé à cette appréciation du bénéfice notable par rapport au Kyprolis (Carfilzomib), il n’aurait pas été possible, conformément à l’article 5, paragraphe 12, du règlement no 141/2000, d’établir si les critères de désignation visés à l’article 3 de ce règlement étaient toujours satisfaits en ce qui concernait l’Empliciti (Elotuzumab).

73      Par ailleurs, il convient de souligner que c’est la requérante elle-même qui mentionne le Kyprolis (Carfilzomib) dans son rapport actualisé de décembre 2015, soumis dans le cadre de la procédure de réexamen de la désignation prévue à l’article 5, paragraphe 12, du règlement no 141/2000. La requérante a ainsi fait référence à ce médicament, récemment autorisé, dans le cadre du réexamen des critères de désignation visés à l’article 3 de ce règlement. Elle ne saurait, dès lors, reprocher au COMP d’avoir pris en considération le Kyprolis (Carfilzomib) afin d’établir si l’Empliciti (Elotuzumab) répondait toujours au critère du bénéfice notable.

74      Au demeurant, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, le principe de proportionnalité n’a pas été méconnu. À cet égard, il convient de constater que les évaluations relatives au critère du bénéfice notable, dans le cadre de la procédure de réexamen de la désignation prévue à l’article 5, paragraphe 12, du règlement no 141/2000, ont été effectuées objectivement, d’un point de vue exclusivement scientifique, de sorte que le COMP n’a disposé d’aucun pouvoir discrétionnaire pour recommander à la Commission de radier le médicament en cause du registre communautaire des médicaments orphelins.

75      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen, relative à la prise en considération du médicament Kyprolis (Carfilzomib) récemment autorisé, ne saurait prospérer. Partant, cette branche doit être écartée.

–       Sur la deuxième branche, relative au défaut de preuve concluante établissant l’absence de bénéfice notable

76      Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que la décision attaquée a violé l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000 et le principe de proportionnalité, en ce qu’elle s’est erronément appuyée sur des données qui ne permettaient pas de démontrer clairement que l’Empliciti (Elotuzumab) ne procurait pas de bénéfice notable par rapport au Kyprolis (Carfilzomib).

77      À cet égard, la requérante fait valoir que l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000 indique clairement qu’un médicament désigné comme médicament orphelin ne peut être rayé du registre communautaire des médicaments orphelins que « [s’]il est établi […] que les critères de désignation visés à l’article 3 [de ce règlement] ne sont plus remplis ». L’expression « il est établi » signifierait manifestement que les données disponibles à la date du réexamen doivent justifier la ferme conclusion que les critères de désignation ne sont plus satisfaits. Ainsi, afin de pouvoir retirer la désignation orpheline à l’Empliciti (Elotuzumab), il aurait dû exister des preuves solides et concluantes de l’absence de bénéfice notable de ce médicament, ce qui n’aurait pas été le cas.

78      La requérante allègue que la réévaluation des critères de désignation, dans le cadre de la procédure visée à l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, diffère de l’examen de ces critères lors d’une demande de désignation initiale. S’agissant du critère du bénéfice notable évalué dans le cadre d’une telle demande de désignation initiale, il appartiendrait au promoteur de démontrer que son médicament présente un bénéfice notable par rapport aux autres médicaments autorisés, conformément à l’article 3 de ce règlement. Par contre, la réévaluation, au titre dudit article 5, paragraphe 12, sous b), de ce même règlement, vise à rechercher des preuves convaincantes que le médicament désigné ne présente plus de bénéfice notable par rapport aux autres médicaments autorisés. Or, en ce qui concerne l’Empliciti (Elotuzumab), le COMP aurait adopté l’approche inverse. En effet, il résulterait des termes utilisés dans l’avis du COMP du 8 avril 2016 que ce dernier s’attendait à recevoir une preuve concluante du bénéfice notable et qu’il a considéré que les données disponibles concernant la comparaison entre l’Empliciti (Elotuzumab) et le Kyprolis (Carfilzomib) n’étaient pas concluantes. Le COMP aurait donc commis une erreur concernant le niveau de la preuve.

79      Par ailleurs, la requérante souligne que, en appliquant un critère erroné, l’EMA a également appliqué la procédure de l’article 5, paragraphe 12, du règlement no 141/2000, d’une manière dépassant les limites de ce qui était approprié et nécessaire à la réalisation de l’objectif de ce règlement.

80      La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet de la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, un médicament désigné comme étant un médicament orphelin est rayé du registre communautaire des médicaments orphelins « lorsqu’il est établi, préalablement à l’octroi de l’[AMM] que les critères énoncés à l’article 3 [de ce règlement] ne sont plus remplis en ce qui concerne ce médicament ». Il découle de cette disposition que les critères de désignation comme médicament orphelin seront révisés avant octroi d’une AMM. Ainsi, lorsqu’un promoteur présente une demande d’AMM d’un médicament orphelin désigné, il déclenche parallèlement une procédure visant à réévaluer ces critères de désignation.

82      La responsabilité d’évaluer si une telle demande satisfait aux critères de désignation repose uniquement sur le COMP, lequel est chargé d’émettre un avis scientifique sur la désignation initiale. Une AMM ne donnera lieu à l’octroi d’une exclusivité commerciale, au sens de l’article 8 du règlement no 141/2000, que lorsque le COMP aura confirmé, à la suite de son évaluation scientifique, que les critères objectifs de désignation de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement sont satisfaits. En effet, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, l’AMM délivrée pour un médicament orphelin n’est valable que pour les indications thérapeutiques répondant aux critères énoncés audit article 3.

83      Il ressort d’une lecture conjointe de l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000 et de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement que, au moment de l’AMM, le COMP procède à une nouvelle évaluation complète des critères de désignation dans une situation factuelle différente de celle ayant conduit à l’octroi de la désignation initiale. En vue de déterminer la conformité auxdits critères au moment de l’AMM, cette nouvelle évaluation doit tenir compte des éléments survenus depuis l’octroi de la désignation initiale, notamment de nouveaux médicaments autorisés entre-temps. Ainsi, s’il est attesté que la base sur laquelle la désignation initiale a été accordée a changé, en particulier lorsque cette désignation s’appuyait sur un bénéfice notable qui a disparu en raison de l’existence de nouveaux médicaments autorisés au moment de l’AMM, le médicament concerné doit être rayé du registre communautaire des médicaments orphelins, comme l’indique la communication de la Commission de 2003.

84      Il s’ensuit que, s’agissant du critère du bénéfice notable visé à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 141/2000, ce critère doit être positivement établi une nouvelle fois au moment de l’AMM. En effet, afin de confirmer dans son avis le maintien de la désignation de médicament orphelin attribuée au médicament concerné, le COMP doit s’assurer, de manière scientifique et objective, que le critère du bénéfice notable est satisfait. Dès lors, en l’absence de données concluantes prouvant un bénéfice notable au moment de l’AMM, le COMP est tenu de conclure que les critères de désignation visés à l’article 3 dudit règlement ne sont plus satisfaits et, partant, de recommander à la Commission la radiation du médicament concerné du registre communautaire des médicaments orphelins. Ainsi, afin d’éviter cette radiation, il importe au promoteur de produire des données suffisantes pour établir ce bénéfice notable, eu égard aux nouvelles conditions existantes lors de l’AMM.

85      En l’espèce, il ressort clairement de l’avis du COMP du 8 avril 2016 que la requérante n’a pas produit de données suffisantes permettant d’établir que l’Empliciti (Elotuzumab) procurait toujours un bénéfice notable aux patients atteints par l’affection en cause. Il résulte également de cet avis que les données disponibles comparant l’Empliciti (Elotuzumab) et le Kyprolis (Carfilzomib) étaient concluantes quant au fait que le premier médicament ne procurait pas un bénéfice notable par rapport au second médicament. Le COMP s’est donc fondé sur des données lui ayant permis de conclure clairement que le critère du bénéfice notable n’était plus satisfait, en ce qui concernait l’Empliciti (Elotuzumab), dans le cadre du réexamen prévu à l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000.

86      Dès lors, la requérante ne saurait valablement reprocher au COMP de ne pas s’être appuyé sur des preuves concluantes établissant l’absence de bénéfice notable de l’Empliciti (Elotuzumab). En toute hypothèse, le COMP était tenu de conclure que les critères de désignation visés à l’article 3 du règlement no 141/2000 n’étaient plus satisfaits, puisque aucune donnée concluante prouvant un bénéfice notable n’avait été rapportée au moment de l’AMM. En conséquence, contrairement à ce que prétend la requérante, le COMP n’a pas commis d’erreur en ce qui concerne le niveau de la preuve exigé dans le cadre de l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, de sorte qu’il ne saurait lui être imputé une quelconque violation de cette dernière disposition.

87      Au demeurant, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède et pour les mêmes raisons que celles exposées au point 74 ci-dessus, le principe de proportionnalité n’a pas été méconnu.

88      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la deuxième branche du premier moyen, relative au défaut de preuve concluante établissant l’absence de bénéfice notable, ne saurait prospérer. Partant, cette branche doit être rejetée.

–       Sur la troisième branche, relative à l’application d’un critère excessivement restrictif pour l’appréciation du bénéfice notable

89      Par la troisième branche du premier moyen, soulevée à titre subsidiaire par rapport à la deuxième branche de ce moyen, la requérante soutient que la décision attaquée a violé l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000 et le principe de proportionnalité, en ce qu’elle a erronément appliqué un critère excessivement restrictif pour apprécier le bénéfice notable en cause.

90      À cet égard, la requérante fait valoir que, même si le COMP devait vérifier si les données disponibles permettaient d’étayer la conclusion selon laquelle l’Empliciti (Elotuzumab) procurait un bénéfice notable par rapport au Kyprolis (Carfilzomib), le COMP n’aurait pas dû fixer des exigences trop contraignantes en ce qui concernait la preuve du bénéfice notable, mais il aurait plutôt dû, premièrement, réaliser une appréciation plus globale, en se concentrant sur l’ensemble des éléments permettant d’étayer le bénéfice notable, deuxièmement, utiliser le critère général du bénéfice pour les patients et, troisièmement, appliquer un niveau de preuve n’exigeant pas une preuve concluante, mais permettant des estimations ou des hypothèses sur la base des données disponibles, en particulier en tenant compte des circonstances pertinentes, notamment de l’impossibilité pratique pour le requérant de produire de nouvelles données comparatives.

91      En premier lieu, la requérante considère que, ainsi qu’il résulte de l’avis du COMP du 8 avril 2016, ce dernier a erronément appliqué une méthode comparative formaliste et fragmentée pour apprécier le bénéfice notable en cause. En effet, le COMP aurait examiné séparément les différents aspects invoqués par la requérante à l’appui du bénéfice notable et les aurait réfutés considérant qu’aucun d’eux n’était suffisant à lui seul pour établir le bénéfice notable. Le COMP aurait ainsi négligé d’apprécier plus globalement le profil de l’Empliciti (Elotuzumab) en matière d’efficacité et de sécurité.

92      En deuxième lieu, la requérante soutient que l’appréciation du bénéfice notable en cause aurait dû être fondée sur le critère général du bénéfice pour les patients, ainsi que cela résulte des termes de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 141/2000, lequel mentionne « un bénéfice notable à ceux atteints par cette affection. ». Selon la requérante, le COMP aurait dû tenir compte du fait que, lorsqu’un médicament peut présenter une importance thérapeutique pour certains patients, en raison de leurs caractéristiques spécifiques, le médicament procure un bénéfice, dès lors que certains patients peuvent mieux réagir à certains traitements que d’autres. L’importance de disposer de nouvelles options thérapeutiques serait particulièrement reconnue en ce qui concerne l’affection en cause.

93      En troisième lieu, la requérante fait valoir que le COMP aurait dû permettre de conclure à l’existence d’un bénéfice notable sur la base d’estimations ou même d’hypothèses et ne pas exiger de produire des preuves concluantes. À cet égard, la requérante relève que le recours à des hypothèses est d’usage au stade initial de la désignation, ainsi que la communication de la Commission de 2003 le prévoit. En outre, aucune disposition du règlement no 141/2000 n’empêcherait de recourir à des hypothèses, même au stade du réexamen d’une désignation en vertu de l’article 5, paragraphe 12, sous b), de ce règlement, ce qui correspondrait au considérant 4 du règlement no 847/2000, lequel énonce qu’« il ne paraît pas opportun de fixer des exigences trop contraignantes pour démontrer le respect des critères [de désignation d’un médicament en tant que médicament orphelin] ». Par ailleurs, il aurait été opportun, en l’espèce, de recourir à de telles hypothèses, car la requérante était, notamment, dans l’impossibilité pratique de fournir la preuve concluante du bénéfice notable de son médicament par rapport au Kyprolis (Carfilzomib) sous la forme d’une étude comparative directe.

94      La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la troisième branche du premier moyen comme étant non fondée.

95      À cet égard, il importe, d’abord, de relever que la procédure de désignation des médicaments orphelins est une procédure administrative impliquant des évaluations scientifiques complexes (arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, EU:T:2010:376, point 77). Dans ce domaine des médicaments orphelins, la Commission entérine dans la plupart des cas les avis du COMP, faute pour elle de disposer d’autres sources d’information suffisantes dans le domaine considéré (arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, EU:T:2010:376, point 75).

96      Il convient, ensuite, de rappeler que, conformément à la jurisprudence, lorsque la Commission est appelée à effectuer des évaluations techniques ou scientifiques complexes, celle-ci dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Dans le cadre de son contrôle juridictionnel, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, EU:T:2010:376, point 111 et jurisprudence citée).

97      En outre, le Tribunal a jugé que la procédure instituée par l’article 5 du règlement no 141/2000 se caractérisait par le rôle essentiel attribué à une évaluation scientifique objective et approfondie par le COMP de l’effet des médicaments potentiels considérés. En effet, la Commission n’étant pas en mesure de porter des appréciations scientifiques concernant l’efficacité ou la nocivité d’un médicament dans le cadre de la procédure de demande de désignation d’un médicament comme médicament orphelin, la consultation obligatoire du COMP est destinée à lui fournir les éléments d’appréciation scientifique indispensables afin de lui permettre de déterminer, en pleine connaissance de cause, les mesures propres à assurer un niveau élevé de protection de la santé publique. Ainsi, même si l’avis émis par le COMP ne lie pas la Commission, il n’en présente pas moins une importance décisive (voir arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, EU:T:2010:376, point 112 et jurisprudence citée).

98      Il convient de constater que, en l’espèce, la Commission ne s’est pas écartée de l’avis du COMP du 8 avril 2016 et a donc fait siennes les constatations exprimées dans celui-ci. Partant, il y aurait lieu de considérer que le contrôle juridictionnel incombant au Tribunal, en particulier celui de l’erreur manifeste d’appréciation, doit s’exercer sur l’ensemble des considérations contenues dans cet avis, lequel fait partie intégrante de la décision attaquée.

99      À cet égard, il convient de souligner que le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du COMP. En effet, le contrôle juridictionnel s’exerce seulement sur la régularité du fonctionnement du COMP, ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de son avis. Sous ce dernier aspect, le juge est uniquement habilité à vérifier si l’avis du COMP contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles il est fondé et s’il établit entre les constatations médicales ou scientifiques et les conclusions qu’il comporte un lien compréhensible (arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 200).

100    En l’espèce, il y a lieu de constater que l’avis du COMP du 8 avril 2016 contient un exposé des motifs à partir duquel il est possible de déterminer les considérations sur lesquelles cet avis est fondé et d’établir un lien compréhensible entre ses conclusions et les conclusions médicales ou scientifiques. Aucune illégalité ne saurait donc être reprochée à cet égard à la motivation de cet avis.

101    En outre, le Tribunal a précisé qu’il ressortait du libellé de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 141/2000 ainsi que de l’esprit sous-tendant le système établi par ce règlement que les critères permettant de conclure à l’existence d’un bénéfice notable étaient stricts (voir arrêt du 22 janvier 2015, Teva Pharma et Teva Pharmaceuticals Europe/EMA, T‑140/12, EU:T:2015:41, point 65 et jurisprudence citée).

102    En l’espèce, il y a lieu de relever que l’évaluation du COMP et son avis du 8 avril 2016 sont conformes aux conditions prévues dans la réglementation relative aux médicaments orphelins et ne violent pas l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000. En effet, il ressort de cet avis que le COMP a effectué une application stricte des critères permettant d’établir l’existence d’un bénéfice notable. De même, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort notamment du point 100 ci‑dessus, aucune erreur manifeste d’appréciation du bénéfice notable n’a été commise à cet égard.

103    Il s’ensuit que, dans la mesure où les griefs, invoqués par la requérante à l’appui de la troisième branche du premier moyen, contestent la décision attaquée pour avoir fait une application excessivement restrictive des critères permettant d’établir l’existence d’un bénéfice notable, ces griefs devraient être écartés comme non fondés.

104    Au demeurant, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède et pour les mêmes raisons que celles exposées au point 74 ci-dessus, le principe de proportionnalité n’a pas été méconnu.

105    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la troisième branche du premier moyen, relative à l’application d’un critère excessivement restrictif pour l’appréciation du bénéfice notable, ne saurait prospérer. En conséquence, il y a également lieu d’écarter cette branche et, partant, de rejeter le premier moyen dans son intégralité comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 8, de ce règlement

106    Par la première branche du deuxième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée viole l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 8, de ce règlement, car la Commission n’a rendu aucune décision formelle visant à retirer la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin. Or, une décision formelle serait nécessaire, car, premièrement, la désignation initiale avait été accordée par une décision, deuxièmement, l’EMA n’était pas compétente pour rendre une décision en vertu de cet article 5, paragraphe 12, du règlement no 141/2000 et, troisièmement, la communication de la Commission de 2003 confirmerait qu’une décision de la Commission est nécessaire. En outre, la requérante considère que toute décision implicite de retrait de la désignation est entachée de nullité, étant donné que le retrait devait résulter d’une décision formelle de la Commission. Ainsi, même si la décision attaquée existe, elle n’aurait pas été adoptée dans la forme juridique correcte.

107    Par la seconde branche du deuxième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée viole également lesdites dispositions, car elle semble avoir été adoptée après ou au même moment que la décision d’exécution de la Commission du 11 mai 2016 accordant une AMM à l’Empliciti (Elotuzumab). Or, l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000 supposerait que la décision, explicite ou implicite, de retrait de la désignation en tant que médicament orphelin soit adoptée avant la décision d’AMM. Une décision de retrait adoptée conjointement avec une AMM ne serait pas non plus valable, puisque cette dernière disposition exigerait qu’une position formelle soit adoptée « préalablement à l’octroi de l’ [AMM] ». Cette position ne saurait se confondre avec l’avis du COMP, dès lors que cet avis est purement consultatif selon ledit article 5, paragraphe 8, du règlement no 141/2000 et que l’EMA n’aurait aucune compétence décisionnelle dans le cadre des procédures visées audit article 5, paragraphe 12, sous b).

108    En ce qui concerne la première branche du deuxième moyen, la Commission considère que celle-ci est irrecevable. Elle fait valoir que l’absence de décision formelle ne saurait être contestée dans le cadre d’un recours en annulation. Pour contester une telle omission, la requérante aurait dû former un recours en carence.

109    En tout état de cause, la Commission estime que la première branche est non fondée.

110    En ce qui concerne la seconde branche du deuxième moyen, la Commission considère que cette branche doit également être écartée.

111    À cet égard, le Tribunal estime opportun d’examiner conjointement les deux branches du deuxième moyen.

112    En ce qui concerne, en premier lieu, la recevabilité de la première branche du deuxième moyen, il y a eu de relever que la requérante ne conteste pas l’absence de décision de retrait de la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin, mais elle reproche à la Commission de ne pas avoir adopté cette décision de retrait sous une forme explicite. La critique de la requérante ne porte donc pas sur l’inexistence de ladite décision de retrait, mais sur la forme que doit revêtir cette dernière. Partant, l’exception d’irrecevabilité soulevée à cet égard par la Commission et l’EMA doit être écartée.

113    En ce qui concerne, en second lieu, la forme de la décision de retrait et le moment de son adoption, il importe de relever que, conformément à l’article 5, paragraphe 8, du règlement no 141/2000, il appartient à la Commission d’arrêter une décision relative à la désignation, ou non, du médicament en cause comme médicament orphelin. Cette décision doit être rendue dans les trente jours suivant la réception de l’avis définitif du COMP.

114    En outre, l’article 5, paragraphe 12, sous b), du règlement no 141/2000, lequel concerne la réévaluation des critères de désignation relatif à l’AMM, prévoit qu’un médicament désigné comme étant un médicament orphelin est rayé du registre communautaire des médicaments orphelins « lorsqu’il est établi, préalablement à l’octroi de l’[AMM] que les critères [de désignation comme médicament orphelin] énoncés à l’article 3 [de ce règlement] ne sont plus remplis en ce qui concerne ce médicament ». Selon la communication de la Commission de 2003, une radiation sur cette base doit être précédée d’une réévaluation de ces critères par le COMP, lequel a pour responsabilité d’émettre un avis scientifique sur la désignation initiale. De plus, étant donné que la désignation initiale conduit à l’inscription d’un médicament sur ledit registre, la radiation de ce registre doit suivre la même procédure d’avis scientifique suivi d’une décision juridique de la Commission conformément à l’article 5, paragraphe 8, du règlement no 141/2000.

115    Il s’ensuit que, lorsque les critères de l’article 3 du règlement no 141/2000 ne sont plus satisfaits dans le cadre de la procédure d’AMM du médicament désigné comme orphelin, seule la Commission est habilitée à retirer cette désignation en adoptant une décision juridique. Toutefois, cette décision doit être arrêtée par la Commission « préalablement » à l’octroi de l’AMM, ce qui n’exclut pas qu’elle puisse faire partie de la décision de la Commission octroyant ou modifiant l’AMM pour le médicament en cause. En effet, aucune disposition dans le règlement no 141/2000, ni ailleurs dans la législation de l’Union, n’interdit à la Commission d’adopter une décision d’exécution unique qui conclut conjointement au retrait préalable de la désignation orpheline d’un médicament et à l’octroi d’une AMM pour ce même médicament (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2015, Teva Pharma et Teva Pharmaceuticals Europe/EMA, T‑140/12, EU:T:2015:41, point 53).

116    En l’espèce, il y a lieu de constater qu’une décision de retrait de la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin a été adoptée par la Commission. En effet, en premier lieu, ce médicament a été rayé du registre communautaire des médicaments orphelins à usage humain, ce qui signifie qu’une décision considérant que l’Elotuzumab ne répondait plus aux critères de désignation en tant que médicament orphelin avait été prise. En second lieu, ainsi que la requérante l’a substantiellement admis dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, une telle décision a implicitement été intégrée dans la décision explicite de la Commission du 11 mai 2016 accordant une AMM à l’Empliciti (Elotuzumab), laquelle faisait expressément référence à l’avis du COMP du 8 avril 2016. Or, ainsi qu’il ressort du point 115 ci‑dessus, rien n’empêche la Commission d’adopter une décision d’exécution unique qui conclut conjointement, dans le même instrumentum, d’une part, au retrait préalable de la désignation de l’Elotuzumab comme médicament orphelin et, d’autre part, à l’octroi d’une AMM pour l’Empliciti (Elotuzumab).

117    Cependant, même si la décision de retrait de la désignation d’un médicament comme médicament orphelin peut faire partie de la décision octroyant ou modifiant l’AMM, conjointement dans un seul instrumentum, cela ne signifie pas pour autant que cette décision de retrait puisse être prise sous une forme implicite.

118    En effet, s’agissant de la procédure de désignation, l’article 5, paragraphe 8, du règlement no 141/2000, lu à la lumière de la communication de la Commission de 2003, impose à la Commission d’arrêter une décision juridique dans les trente jours suivant la réception de l’avis du COMP. De plus, cette communication précise qu’une radiation du registre communautaire des médicaments orphelins à usage humain doit suivre la même procédure que celle ayant abouti à la désignation, c’est-à-dire une procédure d’avis scientifique du COMP suivi d’une décision juridique de la Commission. Il en résulte que, dès lors que la décision d’octroi de la désignation, en l’occurrence la décision d’exécution de la Commission du 9 août 2012, revêt une forme explicite, il doit en être de même de la décision de retrait de cette désignation, de sorte que cette décision de retrait doit également revêtir une forme explicite.

119    En outre, afin de garantir la sécurité juridique des sujets de droit affectés par les actes concernés, il y a lieu de relever qu’un acte explicite d’octroi d’une désignation ne saurait être révoqué que par un acte de retrait adopté sous la même forme explicite.

120    Il s’ensuit qu’une décision de retrait de la désignation d’un médicament comme médicament orphelin doit nécessairement revêtir une forme explicite et ne saurait donc être prise sous une forme implicite.

121    Or, en l’espèce, en omettant d’adopter la décision de retrait de la désignation de l’Elotuzumab en tant que médicament orphelin sous une forme explicite, la Commission a manqué à l’obligation liée au respect des formalités relatives à l’adoption des actes concernés dans le cadre de la procédure de retrait de la désignation litigieuse et, en particulier, à l’obligation visée à l’article 5, paragraphe 8, du règlement no 141/2000, lu à la lumière de la communication de la Commission de 2003.

122    Toutefois, cette constatation ne suffit pas pour emporter l’annulation de la décision attaquée.

123    En effet, eu égard aux circonstances de l’espèce, la formalisation sous une forme explicite de la décision attaquée n’entraînerait aucune modification du contenu de celle-ci. Il s’ensuit qu’une nouvelle décision explicite ne viendrait que régulariser le vice de forme constaté ci‑dessus, mais ne modifierait aucunement le fond de la décision attaquée, puisque la Commission suit l’avis du COMP du 8 avril 2016 dans lequel figurent les motifs ayant conduit au retrait de la désignation orpheline litigieuse et qu’elle soutient ce retrait dans le cadre du présent recours. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un requérant n’a aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme d’une décision dans le cas où l’annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision, identique, quant au fond, à la décision annulée [voir, par analogie, arrêt du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, EU:T:2003:327, point 97 et jurisprudence citée].

124    Par ailleurs, il importe de souligner que le vice de forme constaté n’a aucunement violé les droits de la défense de la requérante. En effet, la requérante a participé activement à la procédure de réévaluation des critères de désignation en cause devant l’EMA. Elle a eu, à cet égard, une pleine connaissance de l’avis provisoire du COMP du 18 février 2016, auquel la requérante a répondu de manière détaillée, et de l’avis définitif du COMP du 8 avril 2016. La requérante a ainsi parfaitement pris connaissance et compris les raisons ayant conduit au retrait de la désignation litigieuse, puisqu’elle a, en outre, pu valablement se défendre devant le Tribunal, ainsi qu’il ressort de son argumentation très circonstanciée et particulièrement approfondie développée, notamment, dans le cadre du premier moyen ci‑dessus.

125    Dès lors, il y a lieu de considérer que la requérante n’a aucun intérêt légitime à l’annulation de la décision attaquée, dont la seule illégalité consiste en un vice de forme et dont l’annulation n’entraînerait qu’une nouvelle décision identique quant au fond.

126    En conséquence, le deuxième moyen doit être écarté comme étant inopérant.

127    Il résulte de tout ce qui précède que les trois moyens examinés doivent être rejetés dans leur ensemble et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

128    Aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme étant frustratoires ou vexatoires.

129    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 121 ci‑dessus, la Commission a manqué à l’obligation liée au respect des formalités relatives à l’adoption des actes concernés dans le cadre de la procédure de retrait de la désignation en tant que médicament orphelin. De surcroît, elle a soulevé une exception d’irrecevabilité, au motif que la requérante n’avait pas identifié la décision attaquée dans la requête, alors même qu’elle avait contribué à la situation d’incertitude sur ce point. Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’une mesure d’organisation de la procédure a été nécessaire aux fins d’obtenir des éclaircissements à cet égard. Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal estime qu’il y a lieu de condamner la Commission à l’intégralité des dépens de l’instance, y compris ceux de la requérante et de l’EMA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée à l’intégralité des dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 décembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.