Language of document : ECLI:EU:C:2018:947

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

22 novembre 2018 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Recours en carence – Demande visant à faire constater la carence de la Commission européenne résultant de ce qu’elle s’est abstenue de prendre position sur le fond d’une plainte déposée contre le Grand-Duché de Luxembourg »

Dans l’affaire C‑412/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 juin 2018,

Anthony Andrew King, demeurant à Longuich (Allemagne), représenté par Mme P. McKenna, BL,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M. E. Levits et Mme M. Berger (rapporteure), juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Anthony Andrew King demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 10 avril 2018, King/Commission (T‑810/17, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2018:191), par laquelle celui-ci a rejeté son recours fondé sur l’article 265 TFUE, tendant, d’une part, à faire constater la carence de la Commission européenne résultant de ce que cette dernière s’est abstenue de prendre position sur le fond d’une plainte déposée contre le Grand-Duché de Luxembourg et, d’autre part, à ordonner à la Commission de définir sa position et d’engager une procédure d’infraction contre le Grand-Duché de Luxembourg, en vertu de l’article 258 TFUE, pour violations du droit de l’Union d’intérêt général, en particulier pour discrimination directe des non-nationaux par l’article 10 bis de la Constitution de cet État membre et pour absence de transposition et de mise en œuvre de la directive 2012/29/UE du Parlement et du Conseil, du 25 octobre 2012, établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (JO 2012, L 315, p. 57).

 Les antécédents du litige

2        Par lettre du 5 décembre 2014, adressée à la Commission, M. King a déposé une plainte contre le Grand-Duché de Luxembourg pour violation du droit de l’Union et de ses droits fondamentaux, en vertu de l’article 258 TFUE. Par lettre du 14 mars 2016, le requérant a demandé à la Commission de lui adresser une réponse dans les deux mois, conformément à l’article 265 TFUE.

3        En se référant à plusieurs courriers qu’elle avait adressés à M. King en réponse à cette plainte, la Commission a confirmé, par lettre du 4 octobre 2017, qu’elle n’engagerait aucune action contre le Grand-Duché de Luxembourg pour violation du droit de l’Union sur la base des informations fournies dans ladite plainte, et qu’elle n’ouvrirait, notamment, aucune procédure d’infraction au titre de l’article 258 TFUE. En outre, la Commission a précisé qu’elle cesserait de correspondre à ce sujet avec l’intéressé, toutes les questions pertinentes ayant été examinées et résolues.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2017, M. King a introduit un recours au titre de l’article 265 TFUE.

5        Au point 5 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que, par sa requête, le requérant visait, premièrement, à faire constater une carence de la Commission résultant de ce que celle-ci s’était abstenue d’engager une procédure d’infraction contre le Grand-Duché de Luxembourg au titre de l’article 258 TFUE, et, deuxièmement, à ce qu’il soit ordonné à cette institution d’engager une telle procédure contre cet État membre.

6        À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 8 de l’ordonnance attaquée, que le chef de conclusions par lequel le requérant lui demandait de constater que la Commission avait violé le traité FUE, en s’abstenant d’engager une procédure d’infraction contre un État membre, devait être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

7        En outre, au point 11 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé que le chef de conclusions par lequel le requérant lui demandait d’adresser des injonctions à la Commission, afin que celle-ci engage une procédure d’infraction, devait être rejeté pour cause d’incompétence manifeste du Tribunal.

8        Par conséquent, le Tribunal a conclu, au point 12 de l’ordonnance attaquée, que le recours devait être rejeté, pour partie, comme étant manifestement irrecevable et, pour partie, comme ne relevant manifestement pas de sa compétence.

 Les conclusions du requérant devant la Cour

9        Par son pourvoi, M. King demande à la Cour :

–        de déclarer le pourvoi fondé ;

–        d’annuler, en totalité ou en partie, l’ordonnance attaquée ;

–        de déclarer le recours recevable ;

–        de déclarer le recours pour infraction aux traités par la défenderesse recevable ;

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

–        d’ordonner toute autre mesure que la Cour jugera appropriée, et

–        de condamner la défenderesse aux dépens.

 Sur le pourvoi

10      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette dernière peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de le rejeter totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

11      Il convient de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

12      À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève quatre moyens.

 Sur les premier à troisième moyens

13      Par ses premier à troisième moyens, dirigés contre le point 8 de l’ordonnance attaquée, le requérant reproche au Tribunal, en substance, d’avoir méconnu le fait que son recours visait à faire constater une carence de la Commission, résultant non pas de ce que celle-ci se serait abstenue d’engager une procédure d’infraction contre le Grand-Duché de Luxembourg, mais de ce qu’elle n’aurait pas pris position sur le fond de sa plainte déposée contre cet État membre.

14      À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 26 de sa requête, intitulé « Conclusions », le requérant avait demandé au Tribunal, d’une part, d’ordonner à la Commission de prendre position et d’engager une procédure d’infraction contre le Grand-Duché de Luxembourg, et, d’autre part, de condamner la Commission aux dépens.

15      En outre, il peut être déduit de cette requête, notamment de ses points 1 et 16, que celle-ci visait également à faire constater, sur le fondement de l’article 265 TFUE, une carence de la Commission résultant de ce que celle-ci s’était abstenue de prendre position sur le fond de la plainte adressée à cette institution.

16      Il ressort de la lecture de l’ordonnance attaquée que le Tribunal a compris ce dernier chef de conclusions comme visant seulement à faire constater la carence de la Commission résultant de ce qu’elle s’était abstenue d’engager une procédure d’infraction contre le Grand-Duché de Luxembourg. Toutefois, il apparaît que le requérant, au point 16 de sa requête, avait souligné explicitement que ce chef de conclusions visait d’abord à faire constater une carence liée à l’absence de définition de la position de la Commission et non pas à l’absence d’engagement d’une telle procédure.

17      Ainsi, le Tribunal n’a pas abordé l’un des chefs de conclusions présentés par le requérant, ce qui constitue une erreur de droit (voir, par analogie, ordonnance du 3 juin 2005, Killinger/Allemagne e.a., C‑396/03 P, EU:C:2005:355, point 11).

18      Cependant, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, si les motifs d’une décision du Tribunal recèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif de celle-ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (arrêt du 13 septembre 2017, Pappalardo e.a./Commission, C‑350/16 P, EU:C:2017:672, point 57 et jurisprudence citée).

19      Il convient donc d’examiner le point de savoir si l’omission du Tribunal est de nature à remettre en cause le dispositif de l’ordonnance attaquée.

20      S’agissant du recours en carence prévu à l’article 265 TFUE, il importe de rappeler que les particuliers ne peuvent se prévaloir des dispositions du troisième alinéa de cet article qu’en vue de faire constater qu’une institution, un organe ou un organisme de l’Union s’est abstenu d’adopter, en violation du traité, des actes, autres que des recommandations ou des avis, dont ils sont les destinataires potentiels ou qui les concernent soit de manière directe, soit, selon le cas, de manière directe et individuelle (ordonnance du 5 septembre 2013, H‑Holding/Parlement, C‑64/13 P, non publiée, EU:C:2013:557, point 15 et jurisprudence citée).

21      En outre, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 258 TFUE, dans le cadre de la procédure régie par celui-ci, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres (ordonnance du 4 juin 2015, Bharat Heavy Electricals/Commission, C‑602/14 P, non publiée, EU:C:2015:376, point 23 et jurisprudence citée).

22      Or, à l’évidence, une prise de position sur le fond de la plainte du requérant, sollicitée par ce dernier, reviendrait à lui adresser un avis motivé au sujet, notamment, de la conformité au droit de l’Union de l’article 10 bis de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg ainsi que de la transposition et de la mise en œuvre par cet État membre de la directive 2012/29, alors que le particulier qui a introduit une plainte n’est lui-même destinataire d’aucun acte adopté dans le cadre de la procédure suivie au titre de l’article 258 TFUE et que la condition posée à l’article 265, troisième alinéa, TFUE, rappelée au point 20 de la présente ordonnance, n’est pas remplie.

23      Dans ces conditions, le chef de conclusions présenté par le requérant en première instance, visant à faire constater une carence de la Commission résultant de ce que celle-ci s’est abstenue de prendre position sur le fond d’une plainte déposée contre le Grand-Duché de Luxembourg, était manifestement irrecevable et le dispositif de l’ordonnance attaquée n’est pas remis en cause par le fait que le Tribunal n’a pas examiné ce chef de conclusions.

24      Ce n’est qu’à titre surabondant qu’il y a lieu de constater que, à supposer que ledit chef de conclusions eût été recevable sur un plan purement formel, il aurait néanmoins dû être rejeté comme étant manifestement non fondé. En effet, ainsi qu’il découle de l’abondant échange de correspondance entre le requérant et la Commission, cette dernière a exprimé, de manière claire et définitive, son point de vue sur la plainte en question. Ainsi, cette institution a bien pris position, la circonstance que cette prise de position ne donne pas satisfaction au requérant étant indifférente (voir ordonnance du 8 février 2018, CBA Spielapparate- und Restaurantbetrieb/Commission, C‑508/17 P, non publiée, EU:C:2018:72, point 23 et jurisprudence citée).

25      Par conséquent, les premier à troisième moyens soulevés par le requérant devant la Cour doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

 Sur le quatrième moyen

26      Par son quatrième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, au point 12 de l’ordonnance attaquée, que son recours ne relevait manifestement pas de la compétence du Tribunal. Ce dernier serait bien compétent pour connaître d’un recours introduit au titre de l’article 265, troisième alinéa, TFUE, tel que celui présenté par le requérant en première instance.

27      À cet égard, il convient de relever que, dans la mesure où le Tribunal a jugé, audit point de l’ordonnance attaquée, que « le recours [devait] être rejeté [...] pour partie comme ne relevant manifestement pas de la compétence du Tribunal », celui-ci s’est référé aux conclusions du requérant tendant à ce qu’il soit ordonné à la Commission d’engager une procédure d’infraction, examinées aux points 9 à 11 de cette ordonnance.

28      Toutefois, d’une part, ainsi que le requérant l’admet lui-même au point 22 de son pourvoi, le Tribunal n’est pas compétent pour adresser des injonctions à la Commission. D’autre part, il ne ressort nullement de l’ordonnance attaquée que le Tribunal aurait remis en cause sa compétence pour connaître, en première instance, des recours visés à l’article 265 TFUE.

29      Ainsi, le quatrième moyen, procédant d’une lecture manifestement erronée de l’ordonnance attaquée, doit être écarté comme étant manifestement non fondé.

30      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble comme étant manifestement non fondé.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance étant adoptée sans que le pourvoi ait été notifié à la partie défenderesse en première instance, il convient de décider que le requérant supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

2)      M. Anthony Andrew King supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.