Language of document : ECLI:EU:F:2012:9

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

8 février 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2010 – Examen comparatif des mérites – Défaut de prise en compte du perfectionnement professionnel et de la certification – Erreur de droit »

Dans l’affaire F‑23/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

AY, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bousval (Belgique), représenté initialement par Mes É. Boigelot et S. Woog, puis par Me É. Boigelot, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et J. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel président, E. Perillo (rapporteur) et R. Barents, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 1er mars 2011, AY a introduit le présent recours tendant notamment à l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne de ne pas le promouvoir au grade AST 9 au titre de l’exercice de promotion 2010 et à l’indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi.

 Cadre juridique

2        L’article 24 bis du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« L’Union facilite le perfectionnement professionnel du fonctionnaire dans la mesure où celui-ci est compatible avec les exigences du bon fonctionnement des services et conforme à leurs propres intérêts.

Il est tenu compte également de ce perfectionnement pour le déroulement de la carrière. »

3        Selon l’article 43, paragraphe 1, du statut :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans […] »

4        Aux termes de l’article 45, paragraphe 1, du statut :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

5        L’article 45 bis, paragraphe 1, du statut dispose :

« Par dérogation à l’article 5, paragraphe 3, [sous] b) et c), tout fonctionnaire du groupe de fonctions [des assistants (AST)] peut, à partir du grade 5, être nommé à un emploi du groupe de fonctions [des administrateurs (AD)], à condition :

a) qu’il ait été sélectionné conformément à la procédure prévue au paragraphe 2 du présent article pour participer à un programme de formation obligatoire tel que visé au [sous] b) du présent paragraphe […] ;

b) qu’il ait suivi un programme de formation défini par l’autorité investie du pouvoir de nomination et comprenant une série de modules de formation obligatoires, et

c) qu’il figure sur la liste, arrêtée par l’autorité investie du pouvoir de nomination, des candidats qui ont réussi une épreuve écrite et une épreuve orale attestant qu’il a suivi avec succès le programme de formation visé […] du présent paragraphe [,sous] b).[…] »

 Faits à l’origine du litige

6        Entré au service des Communautés européennes le 1er octobre 1984 en tant qu’agent local, le requérant a passé avec succès plusieurs concours qui lui ont permis d’accéder à la catégorie D le 1er août 1987, à la catégorie C le 1er décembre 1994 et enfin à la catégorie B le 1er septembre 1997. Il a été transféré au Conseil le 1er mai 2006 en qualité d’assistant de grade AST 7 et a été promu au grade AST 8 avec effet au 1er janvier 2007. Le 15 décembre 2009, le requérant a été informé que son nom figurait sur la liste des candidats ayant réussi les épreuves permettant à un fonctionnaire du groupe de fonctions AST d’être nommé à un emploi du groupe de fonctions AD.

7        Lors de l’exercice de promotion 2010, le requérant était affecté à l’unité sociale de la direction « Administration du personnel » de la direction générale (DG) « Personnel et administration » du secrétariat général du Conseil. Le 21 mai 2010, le Conseil a publié la liste des fonctionnaires de grade AST 8 promus au grade AST 9. Le nom du requérant ne figurait pas sur cette liste. Le 23 juillet 2010, le requérant a présenté une réclamation tendant à l’annulation de la décision de ne pas le promouvoir (ci-après la « décision de non-promotion ») et tendant à être promu en « surnombre au grade AST 9 » à compter du 1er janvier 2010. Dans cette réclamation, le requérant a demandé, à titre subsidiaire, au cas où sa promotion en surnombre ne serait pas accordée, l’annulation des décisions de promotion des fonctionnaires de grade AST 8 au grade AST 9 (ci-après les « décisions de promotion »). Il a également demandé, en tout état de cause, le versement d’une indemnité réparant le préjudice de carrière qu’il estimait avoir subi. Le 19 novembre 2010, le Conseil a rejeté cette réclamation (ci-après le « rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties et procédure

8        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        avant dire droit, ordonner au Conseil de produire les documents pertinents de nature à permettre de vérifier dans quelles conditions s’est déroulé l’examen comparatif des mérites pour l’exercice de promotion 2010 et notamment le tableau de comparaison des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus au grade AST 9 ainsi que le compte-rendu ou procès-verbal du comité consultatif de promotion ;

–        annuler la décision de non-promotion ;

–        réaliser un nouvel examen comparatif de ses mérites et de ceux des autres candidats au titre de l’exercice de promotion 2010 et le promouvoir en surnombre au grade AST 9 avec effet rétroactif au 1er janvier 2010 avec paiement d’intérêts sur les arriérés de rémunération au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les principales opérations de refinancement, à compter du 1er janvier 2010, majoré de deux points, sans toutefois remettre en cause la promotion des autres fonctionnaires promus ;

–        à titre subsidiaire, si le Tribunal devait estimer que sa promotion au grade AST 9 ne peut se faire rétroactivement en surnombre, annuler non seulement la décision de non-promotion mais aussi les décisions de promotion ;

–        à titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal devait estimer que l’annulation des décisions de promotion constitue une sanction excessive de l’illégalité constatée, condamner le Conseil au paiement d’une indemnité couvrant le préjudice de carrière résultant du retard de promotion entre le 1er janvier 2010 et la date à laquelle la promotion lui sera accordée ;

–        condamner le Conseil à lui verser la somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

–        condamner le Conseil aux entiers dépens.

9        Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en ce qu’il vise la réalisation d’un nouvel examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des autres candidats au titre de l’exercice de promotion 2010 et l’octroi au requérant de la promotion en surnombre au grade AST 9 avec effet rétroactif au 1er janvier 2010 ainsi que le paiement d’intérêts sur les arriérés de rémunération ;

–        pour le reste, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la partie requérante à l’ensemble des dépens.

10      Le 21 septembre 2011, le Tribunal a demandé au Conseil, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, de produire plusieurs documents relatifs à l’appréciation des mérites de trois des fonctionnaires de grade AST 8 figurant sur la liste des fonctionnaires promus au grade AST 9 au titre de l’exercice de promotion 2010.

11      Le Conseil a produit les documents demandés le 7 octobre 2011.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

12      Le Conseil fait valoir que les conclusions tendant à la réalisation d’un nouvel examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des autres fonctionnaires promouvables au titre de l’exercice de promotion 2010 et à sa promotion en surnombre au grade AST 9, assortie du paiement d’intérêts sur les arriérés de rémunération, reviennent à demander au Tribunal de lui adresser des injonctions. Or, selon une jurisprudence constante, il n’appartiendrait pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions à l’administration.

 Appréciation du Tribunal

13      Il est constant que le juge de l’Union est incompétent pour adresser des injonctions aux institutions (arrêt du Tribunal du 5 juillet 2011, V/Parlement, F‑46/09, point 63, et la jurisprudence citée).

14      Par conséquent, les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne au Conseil de réaliser un nouvel examen comparatif des mérites du requérant et des autres fonctionnaires promouvables et de promouvoir l’intéressé au grade AST 9 avec paiement d’intérêts sur les arriérés de rémunération doivent être rejetées comme irrecevables. Si les conclusions du requérant devaient être lues à la lettre et donc regardées comme tendant à ce que le Tribunal réalise lui-même un nouvel examen comparatif des mérites, elles seraient, a fortiori, irrecevables.

 Sur les conclusions à fin d’annulation

15      Le requérant soulève, en substance, quatre moyens à l’appui de ses conclusions en annulation :

–        l’absence de véritable examen comparatif de ses mérites et de ceux des fonctionnaires promus, en méconnaissance des articles 24 bis et 45 du statut (première branche) ainsi que des principes d’égalité de traitement et de la vocation à la carrière (seconde branche) ;

–        l’erreur manifeste d’appréciation, au regard des critères posés à l’article 45, paragraphe 1, du statut ;

–        la violation du principe de confiance légitime ;

–        la méconnaissance du devoir de sollicitude.

16      Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner plus particulièrement le premier moyen, pris en sa première branche, tiré de ce que, en méconnaissance des articles 24 bis et 45, paragraphe 1, du statut, le Conseil n’aurait pas tenu compte de la certification des fonctionnaires lors de l’examen comparatif des mérites.

 Arguments des parties

17      Le requérant soutient que la commission consultative de promotion et l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») n’auraient pas procédé à un véritable examen comparatif des mérites des candidats. Le requérant souligne qu’il a réussi la procédure de certification pour être nommé à un emploi du groupe de fonctions AD, ce dont l’AIPN n’aurait pas tenu compte, en méconnaissance de l’article 24 bis du statut. Il remarque que ses trois collègues de grade AST 8 et certifiés comme lui n’ont pas été promus au grade AST 9 alors qu’un autre collègue qui n’a pas réussi les épreuves de certification a été promu à ce grade avec la même ancienneté dans le grade AST 8. Selon le requérant, il semblerait qu’il y ait une discrimination à l’encontre des fonctionnaires certifiés. Ces faits seraient révélateurs de ce qu’un véritable examen comparatif des mérites des candidats n’aurait pas été effectué et que le principe d’égalité de traitement n’aurait pas été respecté.

18      À l’audience, le requérant a indiqué qu’il n’avait pas entendu, dans ses écritures, soutenir que la décision de non-promotion serait illégale au motif qu’elle violerait directement l’article 24 bis du statut. Il a précisé que l’illégalité de ladite décision tiendrait à la méconnaissance de l’article 45 du statut. Il a soutenu que, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites auquel l’AIPN doit se livrer lors d’un exercice de promotion, elle doit tenir compte, sur la base de l’article 24 bis du statut, du perfectionnement professionnel accompli par le fonctionnaire et notamment de la circonstance, comme en l’espèce, que le fonctionnaire a réussi la procédure de certification.

19      Le Conseil rétorque, en tout état de cause, que le requérant n’aurait pas présenté un faisceau d’indices suffisamment concordants venant étayer son argument relatif à l’absence d’un véritable examen comparatif des mérites. Il souligne qu’il ressortirait du rejet de la réclamation que l’AIPN aurait tenu compte de l’ensemble des critères prévus à l’article 45 du statut. Le Conseil fait aussi remarquer que l’article 24 bis du statut ne précise pas que l’AIPN devrait tenir compte du perfectionnement professionnel du fonctionnaire dans les exercices de promotion annuels, lesquels sont régis par les seuls critères fixés à l’article 45 du statut, et ajoute que, en tout état de cause, il en serait tenu compte dans la rubrique des rapports d’évaluation portant sur les compétences acquises, l’AIPN en a forcément connaissance lorsqu’elle procède à l’examen comparatif des mérites. Le Conseil souligne aussi que la promotion et la certification sont gouvernées par des règles différentes et qu’il serait incompatible avec le principe d’égalité de traitement d’accorder une préférence aux fonctionnaires certifiés dans le cadre des exercices de promotion.

20      À l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le Conseil a indiqué que la promotion serait certes l’un des éléments du déroulement de la carrière. Il a relevé que le perfectionnement professionnel avait nécessairement un effet sur les appréciations de la rubrique « compétence » des rapports d’évaluation et, plus généralement, sur l’appréciation des mérites des fonctionnaires. Toutefois, le Conseil a souligné que si le législateur avait voulu faire du perfectionnement professionnel un élément spécifique de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, il l’aurait indiqué à l’article 45 du statut.

 Appréciation du Tribunal

21      Au préalable, il convient de souligner qu’à la suite d’une question posée par le Tribunal à l’audience, le requérant a précisé que finalement, il n’avait pas entendu soulever le moyen tiré de la violation directe de l’article 24 bis du statut.

22      Le requérant a néanmoins confirmé qu’il soulevait un moyen tiré de ce que l’AIPN aurait commis une erreur de droit, au regard des prescriptions de l’article 45, paragraphe 1, du statut, en ne tenant aucun compte, lors de l’examen comparatif des mérites, de la réussite des fonctionnaires du groupe de fonctions AST à la procédure de certification pour l’accès au groupe de fonctions AD et ceci, en vertu de l’article 24 bis du statut.

–       Sur la prise en compte de la certification dans le cadre de l’examen comparatif des mérites

23      Il convient de rappeler, au préalable, qu’en matière de promotion des fonctionnaires, domaine dans lequel l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, l’AIPN a l’obligation, lorsqu’elle procède à l’appréciation comparative des mérites des fonctionnaires promouvables en application de l’article 45, paragraphe 1, du statut, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents pour apprécier lesdits mérites (arrêt du Tribunal du 5 mai 2010, Bouillez e.a./Conseil, F‑53/08, point 51, et la jurisprudence citée).

24      Les dispositions de l’article 45, paragraphe 1, du statut, telles qu’applicables à compter du 1er mai 2004, prévoient que l’AIPN doit prendre en considération, aux fins de l’examen comparatif des mérites, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables. L’AIPN peut, à titre subsidiaire, en cas d’égalité de mérites entre les fonctionnaires promouvables, sur la base des trois éléments visés expressément à l’article 45, paragraphe 1, du statut, prendre d’autres éléments en considération, tels que l’âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou le service (arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Canga Fano/Conseil, F‑104/09, points 29 et 32, et la jurisprudence citée, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑281/11 P).

25      En présence d’un faisceau d’indices suffisamment concordants venant étayer l’argumentation du requérant relative à l’absence d’un véritable examen comparatif des candidatures, c’est à l’institution défenderesse qu’il incombe de rapporter la preuve, par des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, qu’elle a respecté les garanties accordées par l’article 45 du statut aux fonctionnaires ayant vocation à la promotion et procédé à un tel examen comparatif (arrêt du Tribunal de première instance du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T‑25/90, point 25).

26      Certes, comme le soutient à juste titre le Conseil, le seul fait qu’un fonctionnaire du groupe de fonctions AST ait été sélectionné pour suivre un programme de formation et qu’il ait réussi les épreuves de certification, prévues à l’article 45 bis du statut, pour l’accès au groupe de fonctions AD, ne lui confère, en soi, aucun droit à une promotion à un grade supérieur dans le groupe de fonctions AST, ni même aucune priorité automatique.

27      Toutefois, l’AIPN, ne saurait, sans méconnaître l’article 45, paragraphe 1, du statut, ne tenir aucun compte de la certification des fonctionnaires lors de l’examen comparatif des mérites réalisé au titre d’un exercice de promotion.

28      En effet, premièrement, et sans que ceci ait été contesté par le Conseil, la certification des fonctionnaires du groupe de fonctions AST, dont les modalités sont précisées à l’article 45 bis du statut, relève, par définition, du perfectionnement professionnel, au sens de l’article 24 bis du statut, des fonctionnaires concernés.

29      Deuxièmement, l’AIPN doit, en application de l’article 24 bis du statut, tenir compte du perfectionnement professionnel accompli par le fonctionnaire pour le déroulement de sa carrière. Cette obligation se traduit notamment dans le contenu des rapports d’évaluation portant sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service lesquels sont établis en application de l’article 43 du statut. Ainsi que le souligne d’ailleurs le Conseil dans ses écritures, les nouvelles compétences et connaissances, acquises grâce à des procédures relevant du perfectionnement professionnel au sens de l’article 24 bis du statut, sont mentionnées à la rubrique « compétence » de la partie « appréciations analytiques » du rapport de notation. De plus, il ressort du point 5, sous vi), de la communication au personnel no 140/09 du Conseil, du 10 juillet 2009, ayant pour objet l’exercice de notation 2008/2009, exercice de notation pris en compte dans le cadre de l’exercice de promotion litigieux, que le secrétaire général adjoint du Conseil a rappelé aux notateurs qu’ils ne devaient apporter la mention, dans le rapport de notation, du potentiel requis pour être candidat à la procédure de certification que dans l’hypothèse où le noté avait réellement montré qu’il était capable de poursuivre une carrière dans le groupe de fonctions AD.

30      Troisièmement, il convient d’observer que la promotion est indiscutablement l’un des éléments du déroulement de la carrière d’un fonctionnaire. Les deux parties l’ont d’ailleurs admis à l’audience en réponse à une question du Tribunal.

31      Il suit de là que dans le cadre d’un exercice de promotion, l’AIPN est tenue de prendre en considération le perfectionnement professionnel accompli par les fonctionnaires promouvables en tant qu’une des composantes des mérites des fonctionnaires. Ces mérites sont notamment reflétés dans le rapport d’évaluation, lequel est l’un des trois éléments, expressément visés à l’article 45, paragraphe 1, du statut, devant être pris en considération pour l’examen comparatif des mérites en vue de la promotion.

32      Il en résulte que l’AIPN ne peut pas ne pas tenir compte, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, du fait qu’un fonctionnaire a été sélectionné pour participer à un programme de formation en vue de sa certification et qu’il a réussi les épreuves attestant qu’il avait suivi ce programme avec succès. Cette obligation est d’autant plus importante dans le cas d’un programme de formation pour des fonctionnaires du groupe de fonctions AST ouvrant la possibilité d’être nommé à un emploi du groupe de fonctions AD, la participation à ce programme de formation professionnelle étant en effet seulement réservée, conformément aux conditions fixés à l’article 45 bis du statut et, en particulier, à son paragraphe 2, premier alinéa, à des fonctionnaires du groupe de fonctions AST « sélectionnés » sur la base de leurs rapports de notation ainsi que de leur niveau d’enseignement et de formation et compte tenu des besoins du service.

–       Sur l’application au cas d’espèce

33      La légalité d’une décision s’apprécie en fonction des faits existant à la date à laquelle l’acte est pris (arrêt de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15 et 16/76, point 7). Or, à la date de la décision de non-promotion du 21 mai 2010, le requérant avait réussi les épreuves attestant qu’il avait suivi avec succès le programme de formation en vue de sa certification. Le 21 janvier 2010, le second notateur a d’ailleurs fait état, dans le rapport d’évaluation de l’exercice de notation 2008/2009, de la réussite du requérant à ces épreuves.

34      Dans sa réclamation, le requérant soutenait que, lors de l’examen comparatif des mérites, l’AIPN n’avait pas tenu compte du fait qu’il avait suivi avec succès un programme de formation visant à la certification, dont le premier module s’était déroulé pendant la période de référence pour l’exercice de notation. Dans le rejet de la réclamation, le Conseil a contesté cette argumentation au motif que la promotion et la certification étaient des procédures différentes. Dans ses écritures, le Conseil a fait valoir, de nouveau, que l’AIPN n’avait pas à tenir compte du perfectionnement professionnel d’un fonctionnaire dans les exercices de promotion annuels.

35      Il est ainsi établi que l’AIPN n’a tenu aucun compte de la certification des fonctionnaires dans le cadre de l’examen comparatif des mérites de ceux-ci avant d’établir la liste des fonctionnaires de grade AST 8 promus au grade AST 9 au titre de l’exercice de promotion 2010.

36      Il résulte des considérations qui précèdent que la décision de non-promotion est entachée d’erreur de droit. Il y a lieu, par suite, d’annuler ladite décision pour ce motif, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ni non plus d’ordonner les mesures d’instruction ou d’organisation de la procédure demandées par le requérant.

37      Enfin, compte tenu, d’une part, que le Conseil a indiqué, dans son mémoire en défense, qu’en cas d’annulation de la décision de promotion il pourrait envisager, après un nouvel examen comparatif des mérites, le cas échéant, de promouvoir le requérant en surnombre et, d’autre part, que cet engagement de la part du Conseil a été confirmé à l’audience, il n’y a plus lieu de se prononcer ni sur les conclusions dirigées contre les décisions de promotion, ni sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel, lesquelles ne sont présentées qu’à titre subsidiaire.

 Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral

 Arguments des parties

38      Le requérant fait valoir que les fautes du Conseil lui ont causé un préjudice moral tenant notamment au sentiment d’injustice et d’inquiétude éprouvé quant au développement de sa carrière professionnelle. Il ajoute que du fait de la décision de non-promotion, il n’a pu accepter un poste d’administrateur qui était libre dans son unité.

39      Le Conseil rétorque qu’il n’a commis aucune illégalité. Il conteste la réalité du préjudice moral allégué par le requérant et l’existence d’un lien de causalité entre la décision de non-promotion et ce prétendu préjudice. Le Conseil ajoute que le statut ne confère aucun droit à une promotion.

 Appréciation du Tribunal

40      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’administration suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, point 52). Ces trois conditions sont cumulatives. L’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter des conclusions indemnitaires.

41      S’agissant du préjudice moral, il y a lieu de rappeler que l’annulation de l’acte attaqué peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de ce préjudice (arrêt du Tribunal du 14 juillet 2011, Petrilli/Commission, F‑98/07, point 28, et la jurisprudence citée).

42      Toutefois, le juge de l’Union a admis certaines exceptions à cette règle. En premier lieu, l’annulation de l’acte illégal adopté par l’administration ne peut constituer une pleine réparation du préjudice moral si cet acte comporte une appréciation des capacités ou du comportement de l’intéressé susceptible de le blesser. En deuxième lieu, l’annulation de l’acte contesté ne peut constituer une pleine réparation du préjudice moral subi lorsque l’illégalité commise est d’une gravité particulière. En troisième lieu, il a été jugé que l’annulation d’un acte illégal, lorsqu’elle est privée de tout effet utile, ne pouvait constituer en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par l’acte annulé (arrêt précité, points 168 à 173, et la jurisprudence citée).

43      En l’espèce, la décision de non-promotion en cause ne comporte aucune appréciation des capacités ou du comportement du requérant susceptible de le blesser. Par ailleurs, l’illégalité dont cette décision est entachée, tenant à une erreur de droit, ne saurait être regardée, comme d’une gravité particulière. Enfin, dès lors que l’annulation de la décision de non-promotion a pour effet de contraindre le Conseil à procéder à un nouvel examen comparatif des mérites du requérant avec ceux des fonctionnaires promouvables, cette annulation n’est pas dépourvue d’effet utile.

44      Le requérant n’établissant pas avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation, les conclusions tendant à la réparation dudit préjudice doivent être rejetées.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

46      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le Conseil est, pour l’essentiel, la partie qui succombe. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que le Conseil soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le Conseil à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

(première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision par laquelle le Conseil de l’Union européenne a refusé de promouvoir AY au grade AST 9 au titre de l’exercice de promotion 2010 est annulée.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par AY.

3)      Le surplus des conclusions du recours de AY est rejeté.

4)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné à l’ensemble des dépens.

Kreppel

Perillo

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 février 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel.


* Langue de procédure : le français.