Language of document : ECLI:EU:C:2019:11

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 10 janvier 2019 (1)

Affaire C‑614/17

Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego

contre

Industrial Quesera Cuquerella SL,

Juan Ramón Cuquerella Montagud

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires – AOP “Queso Manchego” – Utilisation de signes susceptibles d’évoquer la région à laquelle l’AOP est liée – Notion de “consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé” »






1.        Quelques mois après l’adoption de l’arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415), la Cour est une nouvelle fois invitée à se prononcer à titre préjudiciel sur l’interprétation de la notion d’« évocation » au sens de la réglementation de l’Union en matière d’appellations d’origine (AOP) et d’indications géographiques protégées (IGP) (2). Le juge de renvoi demande notamment si est susceptible de constituer l’évocation d’une AOP, interdite par l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 510/2006 (3), l’emploi, pour la commercialisation de produits analogues à ceux qui sont couverts par cette appellation, de signes ou d’images qui renvoient à l’aire géographique de référence de l’AOP. Le présent renvoi préjudiciel pose également la question, délicate et inédite, des limites éventuelles qui se posent à l’emploi, par un opérateur établi dans l’aire géographique de référence d’une AOP, de signes susceptibles d’évoquer cette région pour des produits (identiques ou similaires) qui y sont fabriqués, mais qui ne sont pas couverts par l’AOP.

 Le cadre juridique

2.        L’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, intitulé « Protection », prévoit :

« 1.      Les dénominations enregistrées sont protégées contre :

[…]

b)      toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que “genre”, “type”, “méthode”, “façon”, “imitation”, ou d’une expression similaire ;

[…] »

3.        En vertu de l’article 14, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 510/2006, « [l]orsqu’une appellation d’origine ou une indication géographique est enregistrée conformément au présent règlement, la demande d’enregistrement d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 et concernant la même classe produit est refusée si la demande d’enregistrement de la marque est présentée après la date est dépôt de la demande d’enregistrement auprès de la Commission ». Il est précisé au second alinéa que « [l]es marques enregistrées contrairement au premier alinéa sont annulées ». En vertu du paragraphe 2 du même article, « [d]ans le respect du droit communautaire, l’usage d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13, déposée, enregistrée ou, dans les cas où cela est prévu par la législation concernée, acquise par l’usage de bonne foi sur le territoire communautaire, soit avant la date de protection de l’appellation d’origine ou de l’indication géographique dans le pays d’origine, […] peut se poursuivre nonobstant l’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique […] » (4).

 La procédure au principal et les questions préjudicielles

4.        La Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (fondation chargée de la gestion de l’appellation d’origine protégée Queso Manchego, ci-après la « fondation »), requérante dans l’affaire au principal, a exercé à l’encontre de la société Industrial Quesera Cuquerella SL (ci‑après « IQC ») et de M. Juan Ramón Cuquerella Montagud, au moyen d’un recours unique (5), les actions cumulées suivantes visant à protéger l’AOP « Queso Manchego » (6) qu’elle est chargée de gérer :

–        une action en constatation visant à faire déclarer que les étiquettes utilisées par IQC pour identifier et commercialiser les fromages « Adarga de Oro », « Super Rocinante » et « Rocinante », qui ne sont pas couverts par l’AOP « Queso Manchego », ainsi que l’utilisation des termes « Quesos Rocinante » sur le site Internet de cette société pour faire référence tant à des fromages AOP « Queso Manchego » qu’à des fromages non couverts par cette dénomination (7), impliquent une violation de cette dernière au titre de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006 ;

–        une action visant à obtenir l’annulation partielle, pour les motifs prévus à l’article 14 du règlement no 510/2006, du nom commercial « Rocinante » et de deux marques nationales, verbales et figuratives (8), reproduisant le même terme ;

–        une action en cessation visant à faire cesser les actes de concurrence déloyale et à en supprimer les effets.

5.        Dans le cadre de l’action en constatation, dans laquelle s’insèrent les questions préjudicielles, les défenderesses ont contesté le fait que les signes verbaux et figuratifs utilisés sur les étiquettes et sur le site Internet d’IQC constituent une évocation de l’AOP « Queso Manchego » et elles ont fait valoir le droit d’IQC, en tant qu’entreprise établie dans la région de La Manche, à l’emploi de symboles liés à cette région.

6.        Le juge en première instance a rejeté le recours de la fondation en se basant à la fois sur le fait que les signes figuratifs et verbaux utilisés par IQC ne présentent aucune similitude visuelle ou phonétique avec les termes « Queso Manchego » ou « La Mancha », et sur le fait que ces signes impliquent une évocation de La Manche mais pas de l’AOP « Queso Manchego ». La fondation a fait appel du jugement devant l’Audiencia Provincial de Albacete (cour provinciale d’Albacete, Espagne), qui a rejeté ce dernier en estimant elle aussi que l’on ne pouvait conclure dans le sens de l’existence d’une évocation de l’AOP « Queso Manchego », en l’absence de signes verbaux présentant des similitudes visuelles, phonétiques ou conceptuelles avec cette dénomination. Selon le juge en appel, l’usage, par IQC, de symboles évoquant la région de La Manche, mais pas les produits couverts par l’AOP en cause, doit être considéré comme licite, dès lors que les produits commercialisés par IQC pour lesquels sont utilisés ces symboles sont fabriqués dans ladite région. L’évocation de la qualité et de la réputation des fromages de La Manche n’impliquerait pas une évocation de la qualité et de la renommée des fromages couverts par l’AOP « Queso Manchego ».

7.        La fondation a formé un pourvoi devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) contre l’arrêt de l’Audiencia provincial de Albacete.

8.        Dans la décision de renvoi, le Tribunal Supremo (Cour suprême) fournit les précisions suivantes : premièrement, le mot « manchego » est l’adjectif qui qualifie dans la langue espagnole, entre autres, les produits, originaires de La Manche, qui est une région d’Espagne dans laquelle la production de fromages élaborés à base de lait de brebis, selon des méthodes d’élaboration et d’affinage particulières, constitue une tradition ; deuxièmement, La Manche est la région dans laquelle se situe la plus grande partie de l’action du célèbre roman de Miguel de Cervantes Don Quichotte (9); troisièmement, la description physique que fait Cervantes du héros de son roman correspond à celle du cavalier représenté sur l’étiquette du fromage « Adarga de Oro »; quatrièmement, en langue espagnole, le terme « adarga » est un archaïsme utilisé par Cervantes pour désigner l’écu de Don Quichotte ; cinquièmement, « Rocinante », terme qui figure également sur les étiquettes de certains fromages commercialisés par IQC, est le cheval de Don Quichotte, et sixièmement, dans l’un des passages les plus célèbres du roman de Cervantes, Don Quichotte se bat contre des moulins à vent, élément caractéristique du paysage de La Manche, reproduit sur certaines des étiquettes utilisées par IQC, ainsi que sur le site Internet de cette dernière.

9.        Le Tribunal Supremo (Cour suprême) se demande en premier lieu si, ainsi que l’a affirmé la fondation dans la procédure au principal, l’évocation d’une AOP est susceptible de se produire également par la seule utilisation de signes figuratifs, et d’être donc fondamentalement de nature conceptuelle. Ce juge se demande en second lieu si l’utilisation, pour la commercialisation de fromages, de signes figuratifs et verbaux qui évoquent la région de La Manche implique l’évocation de l’AOP « Queso Manchego » et si, par conséquent, les producteurs de fromages couverts par cette dénomination disposent d’un monopole sur l’utilisation de ces signes également à l’égard des producteurs établis dans cette région et dont les produits ne sont pas couverts par l’AOP en question. De ce point de vue, le Tribunal Supremo (Cour suprême) relève qu’une réponse affirmative à cette question pourrait impliquer une restriction à la libre circulation des marchandises, alors qu’une réponse négative serait susceptible d’affaiblir la protection accordée aux AOP et de compromettre la fonction d’information sur la qualité des produits reconnue à ces dénominations. Enfin, le juge de renvoi interroge la Cour sur la question de savoir quel est le groupe de consommateurs qu’il convient de prendre en compte aux fins de constater l’existence d’une évocation au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, notamment au cas où les produits AOP en question sont destinés à être consommés majoritairement dans l’État membre de production.

10.      C’est dans ce contexte que, par décision du 19 octobre 2017, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a sursis à statuer dans la procédure au principal et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’évocation de l’appellation d’origine protégée, interdite par l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, doit-elle nécessairement se produire par l’emploi de dénominations qui présentent une similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle avec l’appellation d’origine protégée ou peut-elle se produire par l’emploi de signes figuratifs évoquant l’appellation d’origine ?

2)      Dans le cas d’une appellation d’origine protégée de nature géographique [article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 510/2006] et s’agissant des mêmes produits ou de produits comparables, l’utilisation de signes évoquant la région à laquelle est liée l’appellation d’origine protégée peut-elle être considérée, aux fins de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, comme une évocation de l’appellation d’origine protégée elle-même, qui est inacceptable, y compris dans le cas où l’utilisateur de ces signes est un producteur établi dans la région à laquelle est liée l’appellation d’origine protégée mais que ses produits ne sont pas couverts par cette appellation d’origine parce qu’ils ne respectent pas les conditions, différentes de l’origine géographique, contenues dans le cahier des charges ?

3)      La notion de “consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé”, à la perception duquel la juridiction nationale doit s’attacher pour déterminer l’existence d’une “évocation” aux fins de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, doit‑elle être comprise comme faisant référence aux consommateurs européens ou peut-elle faire référence uniquement aux consommateurs de l’État membre dans lequel est fabriqué le produit qui donne lieu à l’évocation de l’indication géographique protégée ou auquel l’AOP est géographiquement liée, et dans lequel il est majoritairement consommé ? »

 La procédure devant la Cour

11.      Ont présenté des observations écrites en vertu de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne les parties à la procédure au principal, les gouvernements espagnol, allemand et français, ainsi que la Commission européenne. Tous, à l’exception du gouvernement allemand, ont été entendus lors de l’audience qui s’est tenue le 25 octobre 2018.

 Analyse

 Bref rappel de la jurisprudence pertinente

12.      Avant de procéder à l’examen des questions préjudicielles, il convient de présenter brièvement les étapes importantes marquées par la Cour dans sa jurisprudence en matière de protection des dénominations protégées dans les cas d’évocation.

13.      La Cour s’est prononcée pour la première fois sur la notion d’« évocation » au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) no 2081/92 (10), qui a précédé le règlement no 510/2006, dans l’arrêt du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115). Saisie à titre préjudiciel par le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche) dans le cadre d’un recours, introduit par l’organisme chargé de la gestion de l’AOP « Gorgonzola », visant à obtenir l’interdiction de la distribution en Autriche d’un fromage à pâte persillée sous la dénomination « Cambozola », ainsi que l’annulation de la marque relative déposée antérieurement, la Cour a d’une part affirmé que la notion d’« évocation » en vertu de la disposition précitée du règlement no 2081/92 « recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, en sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’appellation » et, d’autre part, elle a précisé qu’il peut y avoir évocation d’une appellation protégée en l’absence de tout risque de confusion entre les produits concernés (11). Parmi les éléments indiqués par la Cour comme pertinents aux fins de conclure à l’existence d’une évocation, figurent, outre la parenté « phonétique et optique » entre les dénominations, qui résulte de l’incorporation d’une partie de la dénomination protégée dans la marque litigieuse (12), la similitude entre les produits en question, non seulement du point de vue commercial mais également du point de vue de leur présentation (13), ainsi que le caractère intentionnel des analogies phonétiques existantes entre les dénominations en cause (14).

14.      Cette orientation a été confirmée dans l’arrêt du 26 février 2008, Commission contre Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117), rendu dans le cadre d’un recours en manquement introduit à l’encontre de la République fédérale d’Allemagne, à laquelle la Commission reprochait d’avoir refusé de sanctionner l’utilisation sur son territoire de la dénomination « parmesan » en violation de l’AOP « Parmigiano Reggiano ». La Cour a conclu à l’existence d’une évocation au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2081/92, à la lumière non seulement des similitudes visuelles et phonétiques existantes entre les dénominations en cause – critères d’appréciation auxquels la Cour avait déjà donné de l’importance dans l’arrêt cité Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (15) – mais également, s’agissant de termes appartenant à des langues différentes, de leur « proximité conceptuelle » (16).

15.      La Cour s’est prononcée dans un sens analogue également lors de l’interprétation du règlement (CE) no 110/2008 (17), relatif à la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses, qui contient, à l’article 16, sous b), une disposition en substance identique à celle qui figure à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006. Dans le renvoi préjudiciel qui a porté à l’adoption de l’arrêt du 14 juillet 2011, Bureau National Interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484), le requérant dans la procédure au principal s’était opposé à l’enregistrement en Finlande de deux marques figuratives contenant des mentions qui reproduisaient, dans sa totalité, l’IGP « Cognac », dont il était titulaire, ainsi que sa traduction. En qualifiant ces reproductions d’évocation, la Cour a appliqué les mêmes critères d’évaluation que ceux qu’elle avait énoncés dans les arrêts Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (18) et Commission contre Allemagne (19). Dans l’arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 31), la Cour a précisé que ces critères visent à guider la juridiction nationale dans sa décision et qu’il appartient à cette dernière, et non à la Cour, d’apprécier si, pour une situation déterminée, il existe une « évocation » au sens de l’article 16, sous a), du règlement no 110/2008. La procédure au principal objet du renvoi préjudiciel qui a donné lieu à l’adoption de cet arrêt portait sur l’utilisation de la dénomination « Verlados » pour une eau de vie de cidre produite par la société Viiniverla, sise à Verla en Finlande. Le juge à l’origine de ce renvoi, appelé à statuer sur un recours introduit contre la mesure au moyen de laquelle les autorités finlandaises avaient disposé l’interdiction d’utiliser cette dénomination au titre de la protection de l’IGP « Calvados », interrogeait entre autres la Cour sur la pertinence de certaines circonstances factuelles aux fins de la détermination de l’existence d’une évocation. La Cour, après s’être prononcée sur la notion de « consommateur pertinent » (20), a précisé que l’examen de l’existence d’une évocation vise à s’assurer « que ne soit pas créée dans l’esprit du public une association d’idées quant à l’origine du produit, ni qu’un opérateur ne profite de manière indue de la réputation d’une indication géographique protégée » (21). Dans ce contexte, ni le fait que la dénomination « Verlados » fasse référence au nom de l’entreprise productrice et à l’origine géographique réelle du produit, connue et reconnaissable pour les consommateurs finlandais, ni le fait que la boisson ainsi dénommée soit commercialisée seulement localement et en quantité limitée, n’ont été considérés par la Cour comme des éléments pertinents aux fins de cet examen.

16.      Enfin dans le récent arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415), rendu après la fin de la procédure écrite dans l’affaire objet des présentes conclusions (22), la Cour a, tout d’abord, affirmé que ni l’incorporation partielle d’une indication géographique protégée dans le signe litigieux ni l’identification d’une parenté phonétique et visuelle de cette dénomination avec l’IGP ne constituent des conditions impératives pour apprécier l’existence d’une « évocation », au sens de l’article 16, sous b), du règlement no 110/2008 (23), en précisant que, en l’absence d’une telle incorporation ou d’une telle parenté, une évocation peut également résulter de la seule « proximité conceptuelle » entre l’IGP et le signe litigieux (24). En outre, elle a exclu que, pour qu’il existe une « évocation » au sens de l’article 16, sous b), du règlement no 110/2008, il suffise que l’élément litigieux du signe en cause éveille dans l’esprit du public visé une quelconque association avec l’IGP ou avec la zone géographique y afférente. Un tel critère ne saurait, selon la Cour, être retenu, dans la mesure où « il n’établit pas de lien suffisamment direct et univoque » entre cet élément et l’IGP (25) et où il est trop « imprécis et extensif » pour répondre à l’exigence d’assurer la sécurité juridique des acteurs économiques concernés (26).

17.      Il découle de la jurisprudence, que nous venons de passer en revue, que la protection contre l’évocation prévue par les différents régimes de qualité institués par le droit de l’Union (27) constitue une forme de protection sui generis (28), qui n’est pas liée au critère de la tromperie – qui présuppose que le signe en conflit avec la dénomination enregistrée est à même d’induire le public en erreur quant à la provenance géographique ou les qualités du produit – et qui ne relève pas d’une protection purement liée à la confusion. Par conséquent, l’objectif principal de la protection contre l’évocation doit être recherché dans la protection du patrimoine qualitatif et de la renommée des dénominations enregistrées contre des actes de parasitisme plutôt que dans la protection du consommateur à l’égard de comportements trompeurs, plus spécifiquement objet des dispositions de l’article 13, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement no 510/2006 et des dispositions correspondantes des autres instruments de l’Union relatifs à la protection des dénominations protégées (29).

18.      Bien qu’elle soit prévue dans la même disposition de l’article 13 précité, l’évocation se différencie à la fois des cas d’« imitation », caractérisés par la reproduction des éléments essentiels de la dénomination enregistrée, et des cas d’« usurpation », qui présupposent l’usage indu et intentionnel de la dénomination enregistrée pour des produits non couverts par cette dernière, de sorte qu’il en découle l’appropriation des valeurs liées à la tradition de production désignée par la dénomination (30). En outre, ainsi que cela a été souligné par l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (31), à propos de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2081/92, l’économie elle-même de la disposition plaide en faveur de la thèse selon laquelle la protection contre l’« évocation » répond à des conditions d’application différentes et moins exigeantes que les conditions requises pour constater l’existence de l’« imitation » ou de l’« usurpation ». Les contours de la notion d’« évocation » doivent par conséquent être délimités de manière autonome, sans rechercher, malgré le cadre réglementaire unitaire, une homogénéité de conditions d’application avec les cas différents de l’« imitation » et de l’« usurpation ».

19.      Du point de vue sémantique, évoquer signifie « rappeler à l’esprit » (32). En transposant cette notion dans le cadre de la protection des dénominations enregistrées, la Cour exige, comme condition à l’existence d’une évocation illicite, que l’exposition au produit conventionnel (33) soit susceptible de déterminer dans l’esprit du consommateur une réponse cognitive de type associatif qui « rappelle » justement à l’esprit les produits couverts par la dénomination enregistrée. Si cela présuppose nécessairement une opération de réélaboration de l’information transmise par le stimulus perceptif/cognitif produit par cette exposition, la Cour a précisé, dans l’arrêt Scotch Whisky Association, qu’une évocation n’est caractérisée que dans la mesure où le lien associatif est suffisamment « direct et univoque » (34). Selon moi, cette précision doit être entendue dans des termes à la fois d’immédiateté (le processus cognitif associatif ne doit pas exiger une réélaboration complexe de l’information) et d’intensité (l’association avec l’image du produit couvert par la dénomination enregistrée doit s’imposer de manière suffisamment forte) de la réponse du consommateur au stimulus.

20.      Même avec les précisions apportées par l’arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415), il découle à mon avis clairement de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal une tendance à interpréter de manière extensive la notion d’« évocation », en ligne avec la protection étendue reconnue aux appellations d’origine par le législateur de l’Union et avec l’importance, également du point de vue du droit public, de l’objectif de protection des productions de qualité (35). De ce point de vue, je rappelle que la protection de ces dénominations constitue non seulement un élément stratégique de l’économie de l’Union, ainsi que cela a été expressément énoncé au considérant 1 du règlement no 1151/2012, mais qu’elle participe également à la poursuite de l’objectif de sauvegarde du patrimoine culturel européen, rappelé à l’article 3, paragraphe 3, quatrième alinéa, TUE.

21.      C’est à la lumière des principes exposés ci-dessus que je procéderai à l’examen des questions préjudicielles posées par le juge de renvoi.

 Sur la première question préjudicielle

22.      Au moyen de la première question préjudicielle, le Tribunal Supremo (Cour suprême) demande en substance à la Cour si une évocation interdite au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006 peut se produire par l’emploi de signes figuratifs ou si seule l’utilisation de dénominations qui présentent avec l’AOP en question des similitudes visuelles, phonétiques ou conceptuelles est susceptible de constituer une telle circonstance.

23.      Je partage la position de la requérante au principal et des gouvernements espagnol, allemand et français qui considèrent qu’il devrait être répondu par l’affirmative à cette question.

24.      Il résulte de la jurisprudence examinée ci-dessus que, aux fins d’établir l’existence d’une « évocation », le critère déterminant est celui de la perception du consommateur, qui est appréciée par rapport à la capacité du signe contesté à provoquer une association d’idées entre le produit conventionnel et le produit couvert par la dénomination enregistrée (36). En outre, il ressort de l’arrêt Scotch Whisky Association que l’éventuelle incorporation au signe contesté d’éléments de la dénomination protégée et la similitude visuelle et/ou phonétique entre cette dernière et ledit signe ne constituent rien d’autre que des indices à prendre en considération afin d’évaluer si la présence du produit conventionnel induit le consommateur à une telle association d’idées (37). En d’autres termes, selon la Cour, une évocation peut être constatée également sur la base de la seule « similitude conceptuelle » entre le signe contesté et la dénomination protégée, dans la mesure où cette similitude est susceptible de rappeler dans l’esprit du public les produits couverts par cette dénomination.

25.      Or, si l’existence d’une similitude visuelle et surtout phonétique ne constitue pas une « condition impérative » (38) pour constater l’existence d’une évocation, cela signifie que l’association mentale entre le produit conventionnel et le produit couvert par cette dénomination, exigée aux fins d’une telle constatation, ne présuppose pas nécessairement l’usage du langage verbal. Une image, un symbole et, plus généralement, un signe figuratif sont susceptibles, au même titre qu’un nom, de véhiculer un concept et d’être par conséquent à même d’induire dans l’esprit du consommateur une association mentale avec la dénomination protégée, qui sera alors « évoquée » non pas visuellement ou phonétiquement mais par rapport à son contenu conceptuel.

26.      Certes, ainsi que la Commission l’a fait valoir lors de l’audience, dans la quasi-totalité des points de la motivation de l’arrêt Scotch Whisky Association, comme par ailleurs dans tous les précédents jurisprudentiels rappelés ci-dessus, la fonction d’évocation est liée à la dénomination du produit conventionnel (39).

27.      Toutefois, contrairement à la Commission, je ne considère pas qu’il soit possible d’en conclure que la Cour souhaite limiter la situation de l’évocation aux seuls cas dans lesquels l’association mentale avec le produit couvert par une dénomination enregistrée dérive de l’emploi d’éléments verbaux. En effet, hormis le fait que deux points de la motivation et le deuxième alinéa du point 2 du dispositif de l’arrêt font référence plus généralement à l’« élément controversé » du signe en cause, la terminologie utilisée par la Cour doit être placée dans le contexte du litige au principal dont découle l’arrêt Scotch Whisky Association, dans lequel il était débattu sur la portée évocatrice d’un terme contenu dans la dénomination du produit conventionnel (40).

28.      En outre, si l’on devait tirer des éléments d’interprétation conclusifs de la seule terminologie utilisée dans cet arrêt, il conviendrait également d’en déduire l’intention de la Cour de limiter la notion d’« évocation » aux seuls cas dans lesquels le lien associatif exigé est suscité par des termes contenus dans la désignation de vente du produit conventionnel, à l’exclusion de tout autre élément verbal (comme les expressions génériques, descriptives, laudatives, etc.) figurant sur l’étiquette ou sur l’emballage de ce produit. Or une telle interprétation est selon moi exclue par le texte même de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, qui mentionne explicitement des expressions (telles que « genre », « type », « méthode », « façon » ou « imitation ») qui ne font généralement pas partie de la dénomination de vente du produit mais qui l’accompagnent.

29.      De manière plus fondamentale, il découle de la jurisprudence de la Cour citée ci-dessus, et notamment des arrêts Bureau National Interprofessionnel du Cognac (41) et Viiniverla (42), que l’analyse relative à l’existence d’une évocation doit tenir compte de toute référence implicite ou explicite à la dénomination enregistrée, qu’il s’agisse d’éléments verbaux ou justement d’éléments figuratifs inclus sur l’étiquette du produit conventionnel ou figurant sur son emballage, ou d’éléments relatifs à la forme ou à la présentation au public de ce produit. Cette analyse doit également tenir compte de l’identité ou du niveau de similitude des produits en cause ainsi que des modalités de commercialisation de ces derniers, y compris en ce qui concerne les canaux de vente respectifs, ainsi que des éléments qui permettent d’établir le caractère intentionnel du rappel au produit couvert par la dénomination protégée ou, vice versa, son caractère fortuit. Le juge national est donc tenu d’évaluer un ensemble d’indices sans que la présence ou l’absence de l’un ou l’autre de ces indices, par exemple une similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle entre les dénominations en cause, ne lui permette à elle seule de constater ou d’exclure l’existence d’une évocation.

30.      Je rappelle par ailleurs que, dans l’arrêt Scotch Whisky Association, la Cour a précisé que l’on ne peut constater l’existence d’une évocation que lorsque le signe litigieux suscite dans l’esprit du public un lien suffisamment « direct » et « univoque » entre ce signe est la dénomination enregistrée (43), en posant ainsi une limite à la portée de la notion d’« évocation » en termes d’immédiateté et d’intensité de la réponse du consommateur – au sens précisé au point 19 des présentes conclusions – plutôt qu’en termes de type de stimulus perceptif.

31.      Or selon moi, une telle limite est en elle-même de nature à contenir la portée de l’évocation illicite – et, partant, la restriction de la liberté des fabricants de produits conventionnels dans le choix des modalités de présentation au public de leurs produits – dans des contours qui ne dépassent pas ce qui est nécessaire à une protection effective des dénominations enregistrées et à satisfaire l’exigence de sécurité juridique des acteurs économiques concernés (44).

32.      Le fait d’accueillir, ainsi que je suggère à la Cour de faire, une interprétation permettant de constater l’existence d’une évocation au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006 également à travers l’emploi de signes figuratifs et en l’absence de similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle entre l’AOP ou l’IGP et la désignation de vente du produit conventionnel, en plus de trouver de solides bases dans la jurisprudence de la Cour, est selon moi en ligne à la fois avec la volonté du législateur de l’Union d’accorder une protection étendue à ces dénominations, et avec l’importance des objectifs poursuivis à travers la reconnaissance d’une telle protection, qui sont rappelés au point 21 des présentes conclusions.

33.      Je souligne enfin que l’interprétation proposée n’implique aucune interférence de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006 avec le champ d’application des points c) et d) du même paragraphe, qui fait référence à des « indications » ou à des « pratiques » interdites non parce qu’elles évoquent une dénomination enregistrée (45), mais parce qu’elles fournissent des informations fausses ou trompeuses sur la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit ou sont en tout état de cause susceptibles d’induire le consommateur en erreur.

34.      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient selon moi de répondre à la première question préjudicielle en ce sens qu’une évocation aux termes de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006 peut également se produire au moyen de l’emploi de signes figuratifs et en l’absence de similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle entre la dénomination enregistrée et la désignation de vente du produit en cause, à la condition que, en présence des signes controversés, le consommateur soit induit à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, la marchandise qui bénéficie de cette dénomination.

 Sur la deuxième question préjudicielle

35.      La deuxième question préjudicielle peut-être divisée en deux parties. Dans la première, le juge de renvoi demande en substance à la Cour si l’emploi de signes évoquant la région à laquelle est associée une AOP au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 510/2006, pour des produits identiques ou similaires à ceux couverts par l’AOP, constitue une évocation illicite au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. Dans la seconde partie, le Tribunal Supremo (Cour suprême) demande s’il convient de constater l’existence d’une évocation illicite également lorsque ces signes sont utilisés par un producteur établi dans cette région, mais pour des produits qui ne respectent pas le cahier des charges de l’AOP.

36.      La réponse à la première partie de cette question découle des considérations développées jusqu’ici.

37.      Compte tenu du lien qui existe entre les produits AOP et la région dont ils sont originaires (46), l’emploi de signes, figuratifs et/ou verbaux, qui évoquent cette région, pour des produits conventionnels identiques ou similaires à ceux couverts par l’AOP, est susceptible de rappeler à l’esprit du public l’image de ces produits et de constituer par conséquent une évocation illicite au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006. Toutefois, selon ce qui a été précisé ci-dessus, cela ne peut se produire que lorsque l’association d’idées avec l’aire géographique de l’AOP, suscitée par l’utilisation de signes évocateurs, est en mesure de rappeler directement à l’esprit du consommateur, comme image de référence, les produits qui bénéficient de l’AOP.

38.      Ainsi que la Cour l’a affirmé à plusieurs reprises, il appartient au juge national d’apprécier, en relation avec les circonstances factuelles soumises à son examen, si les conditions d’une évocation illicite sont réunies (47). Les considérations qui suivent ont par conséquent uniquement pour objectif de fournir certains éléments permettant de guider le juge de renvoi (ou le juge du fond auquel il appartient éventuellement de se prononcer) dans cette analyse.

39.      Dans la procédure au principal, bien que les questions préjudicielles se concentrent principalement sur les signes figuratifs présents sur les étiquettes litigieuses, nous nous trouvons en présence d’une série d’éléments, dont certains sont verbaux (les termes « Rocinante » et « Adarga de oro ») et d’autres figuratifs (les dessins qui reproduisent les caractéristiques physiques de certains personnages du célèbre roman de Cervantes ainsi que des éléments considérés comme typiques du paysage de La Manche), que le juge de renvoi considère comme évocateurs de la région liée à l’AOP « Queso Manchego ». Les termes « manchego » ou « Mancha » ne sont pas reproduits, pas même de manière partielle, dans les signes verbaux contestés (48) et il n’existe aucune similitude visuelle et phonétique entre ces signes et l’AOP en question. Il en découle, ainsi que le fait valoir le juge de renvoi, que dans les circonstances de l’affaire au principal, une évocation, si elle était constatée, serait de nature purement conceptuelle.

40.      Qu’ils soient considérés de manière isolée ou même combinés entre eux, les signes figuratifs contestés ne sembleraient pas, à première vue, susceptibles de constituer une évocation illicite au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415). En effet, ainsi que l’ont fait observer la Commission et le gouvernement allemand, certains de ces signes semblent trop génériques pour susciter dans l’esprit du consommateur un lien « univoque » avec la région de La Manche (49), et les images qui renvoient à des personnages du roman Don Quichotte de la Manche ou à des lieux ou scènes célèbres de ce roman, ne semblent pas de nature à établir un lien suffisamment « direct » avec l’aire géographique en question, qui ne serait rappelée à l’esprit que de manière « médiate », à travers une succession d’associations d’idées.

41.      Cela dit, je n’exclus pas qu’une évocation puisse en tout état de cause être constatée dans les circonstances de l’affaire au principal, suite à un examen global tenant compte de tous les éléments ayant un potentiel évocateur, qu’ils soient verbaux ou figuratifs, apparaissant sur les étiquettes contestées, de l’identité ou de la similitude des produits en cause, ainsi que des modalités de présentation, de publicité et de commercialisation de ces produits (50).

42.      La deuxième partie de la présente question porte sur l’éventuelle incidence du fait que des signes évocateurs de la région associée à une AOP soient utilisés pour des produits qui ne sont pas couverts par cette dénomination mais dont la production, l’élaboration et la transformation ont lieu dans cette région (51).

43.      J’observe à ce propos, au même titre que la requérante au principal, les gouvernements espagnol, allemand et français, et la Commission, que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006 ne prévoit aucune exclusion de son champ d’application des situations dans lesquelles la provenance géographique des produits donnant lieu à une évocation coïncide avec celle des produits AOP ou IGP. Cela est par ailleurs en ligne à la fois avec la nature de la protection contre l’évocation – laquelle, ainsi que nous l’avons déjà vu, bien qu’elle couvre également des cas de confusion, n’exige pas l’existence d’une erreur du consommateur, y compris celle relative à l’origine géographique des produits qui donnent lieu à une évocation – et avec les objectifs poursuivis par le règlement no 510/2006. En effet, le fait de permettre à des producteurs qui opèrent dans l’aire géographique associée à une AOP, sans toutefois respecter le cahier des charges afférent, d’utiliser des signes qui évoquent cette aire géographique pour des produits identiques ou analogues à ceux couverts par l’AOP reviendrait à affaiblir la garantie de qualité conférée par cette dénomination (52), garantie qui, bien qu’elle soit essentiellement liée à la provenance géographique des produits AOP, présuppose le respect de toutes les prescriptions du cahier des charges. En outre, le fait de ne pas étendre la protection contre l’évocation à des comportements mis en œuvre par des producteurs locaux qui ne respectent pas le cahier des charges porterait atteinte aux droit qui doivent être réservés aux producteurs ayant fait des efforts qualitatifs effectifs afin de pouvoir utiliser une appellation d’origine enregistrée en vertu du règlement no 510/2006, en les exposant, ainsi que le souligne gouvernement français, aux conséquences d’actes de concurrence déloyale qui, justement parce que qu’ils proviennent de producteurs établis dans la même aire géographique, sont potentiellement plus nocifs (53).

44.      Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime qu’il convient de répondre à la deuxième question préjudicielle posée par le Tribunal Supremo (Cour suprême) en ce sens que l’emploi, pour des produits identiques ou analogues à ceux couverts par une AOP en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 510/2006, de signes qui évoquent la région à laquelle est associée cette appellation peut constituer une évocation au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement également si lesdits signes sont utilisés par un producteur établi dans cette région pour des produits qui ne sont pas couverts par ladite appellation.

 Sur la troisième question préjudicielle

45.      Au moyen de sa troisième question préjudicielle, le juge de renvoi demande à la Cour si la notion de « consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », à la perception duquel la juridiction nationale doit s’attacher pour déterminer l’existence d’une « évocation » aux fins de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, doit être comprise comme faisant référence aux consommateurs européens ou si elle peut faire référence uniquement aux consommateurs de l’État membre dans lequel le produit qui donne lieu à l’évocation est fabriqué et majoritairement consommé.

46.      Comme indiqué ci-dessus et ainsi que l’ont fait valoir tous les intéressés qui ont présenté des observations devant la Cour, la réponse à cette question découle de l’arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35). Dans cet arrêt, relatif à l’interprétation de l’article 16, sous b), du règlement no 110/2008, la Cour a précisé que, eu égard à la nécessité de garantir une protection effective et uniforme des indications géographiques dans toute l’Union, la notion de « consommateur », à la perception duquel il convient de s’attacher pour déterminer l’existence d’une « évocation » aux fins de cette disposition, vise « le consommateur européen et non le seul consommateur de l’État membre dans lequel est fabriqué le produit qui donne lieu à l’évocation de l’indication géographique protégée » (54). C’est la même interprétation qui doit selon moi être accueillie dans le cadre de la protection contre l’évocation prévue par le règlement no 510/2006.

47.      Les circonstances de la procédure au principal sont toutefois différentes de celles de la procédure ayant donné lieu à l’adoption de l’arrêt Viiniverla (55). Ne faire référence qu’au seul consommateur local finlandais – à même de reconnaître, dans la dénomination « Verlados », le lieu de production du produit qui engendrait l’évocation – plutôt qu’au consommateur européen, aurait pu dans ce cas revenir à exclure l’existence d’une évocation (56). Au contraire, si l’on prenait en considération la perception des seuls consommateurs espagnols dans la procédure au principal, la constatation d’une éventuelle évocation serait plus aisée, alors qu’elle risquerait d’être exclue si l’on prenait en revanche en considération les consommateurs européens (à l’exclusion des consommateurs espagnols), dans la mesure où le lien entre la région de La Manche et les signes figuratifs et verbaux des étiquettes contestées serait pour ces consommateurs nécessairement plus ténu.

48.      C’est pour cette raison que le juge de renvoi demande à la Cour de préciser si, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, il doit tenir compte des consommateurs européens ou des seuls consommateurs espagnols.

49.      Il est évident que la notion de « consommateur européen » présente des limites intrinsèques, puisqu’il s’agit d’une fiction juridique qui tend à réduire au statut de dénominateur commun une réalité très variée et peu homogène. Dans le cadre de la protection des dénominations enregistrées contre l’évocation illicite – dans laquelle c’est la perception présumée du consommateur qui est importante aux fins de la constatation non pas d’un risque de confusion mais d’une simple association d’idées – cette notion, comme plus généralement celle de « consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », doit en outre être appliquée avec des précautions particulières.

50.      Cela dit, ainsi que l’a souligné la Cour dans l’arrêt Viiniverla (57), le recours à la notion de « consommateur européen » répond à la nécessité de garantir une protection effective et uniforme des dénominations enregistrées dans toute l’Union.

51.      Or, si une telle exigence requiert que, y compris pour des produits destinés au commerce local, il ne soit pas tenu compte de circonstances susceptibles d’exclure l’existence d’une évocation illicite pour les seuls consommateurs d’un État membre, par contre, celle-ci ne requiert pas qu’une évocation illicite constatée par rapport aux consommateurs d’un seul État membre soit insuffisante pour déclencher la protection prévue par le règlement no 510/2006.

52.      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient selon moi de répondre à la troisième question préjudicielle posée par le Tribunal Supremo (Cour suprême) en ce sens que, pour déterminer l’existence d’une « évocation » aux fins de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, il appartient à la juridiction nationale de s’attacher à la perception d’un consommateur moyen européen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, cette dernière notion devant être comprise comme faisant référence également aux consommateurs de l’État membre dans lequel sont fabriqués les produits qui donnent lieu à l’évocation ou auquel la dénomination enregistrée est géographiquement liée.

 Conclusion

53.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) :

1)      L’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, doit être interprété en ce sens qu’une évocation aux termes de cette disposition peut également se produire au moyen de l’emploi de signes figuratifs et en l’absence de similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle entre la dénomination enregistrée et la désignation de vente du produit en cause, à la condition que, en présence des signes controversés, le consommateur soit induit à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, la marchandise qui bénéficie de cette dénomination.

2)      L’emploi, pour des produits identiques ou analogues à ceux couverts par une appellation d’origine protégée en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 510/2006, de signes qui évoquent la région à laquelle est associée cette appellation peut constituer une évocation au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement également si lesdits signes sont utilisés par un producteur établi dans cette région pour des produits qui ne sont pas couverts par ladite appellation.

3)      Pour déterminer l’existence d’une « évocation » aux fins de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, il appartient à la juridiction nationale de s’attacher à la perception d’un consommateur moyen européen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, cette dernière notion devant être comprise comme faisant référence également aux consommateurs de l’État membre dans lequel sont fabriqués les produits qui donnent lieu à l’évocation ou auquel la dénomination enregistrée est géographiquement liée.


1      Langue originale : l’italien.


2      Ci-après, je désignerai conjointement les AOP et les IGP au moyen des expressions « dénominations protégées » ou « dénominations enregistrées ».


3      Règlement (CE) no 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 2006, L 93, p. 12). Le règlement no 510/2006 a été remplacé, à partir du 3 janvier 2013, par le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1).


4      L’article 13, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012, actuellement en vigueur, contiennent des dispositions en substance identiques, en ce qui concerne le présent renvoi préjudiciel, à celles de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 510/2006.


5      Il ressort du dossier de l’affaire au principal, dont la Cour dispose, que le recours a été introduit en 2012. En l’absence d’informations plus détaillées, il convient de s’en remettre à l’appréciation du juge de renvoi, non contestée par les parties à la procédure au principal, selon lequel c’est le règlement no 510/2006, et non le règlement no 1151/2012, qui s’applique ratione temporis au litige au principal. En tout état de cause, les dispositions du règlement no 510/2006 dont l’interprétation est demandée, ainsi que nous l’avons déjà précisé, sont en substance identiques aux dispositions correspondantes du règlement no 1151/2012.


6      L’AOP « Queso Manchego » a été enregistrée au moyen du règlement (CE) no 1107/96 de la Commission, du 12 juin 1996, relatif à l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine au titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement (CEE) no 2081/92 du Conseil (JO 1996, L 148, p. 1).


7      La fondation a notamment contesté l’emploi du terme « Rocinante » tant dans le nom de domaine que dans les contenus du site Internet d’IQC (www.rocinante.es) ainsi que la représentation d’éléments typiques du paysage de La Mancha (La Manche, Espagne).


8      Dans les marques en cause, enregistrées pour les produits « fromages et produits laitiers » (classe 29 de la classification de Nice) et les « services de transport, stockage et distribution de fromages » (classe 39 de la classification de Nice) le terme « Rocinante » est inscrit sur un dessin encerclé qui représente un cheval au premier plan, et, sur le fond, une plaine avec un troupeau de brebis et des moulins à vent. Il semble découler de l’ordonnance de renvoi que les deux marques ont une priorité postérieure à l’enregistrement de l’AOP « Queso Manchego ».


9      Publié en deux parties à Madrid en 1605 et en 1615 sous le titre original El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha.


10      Règlement (CEE) no 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 1992, L 208, p. 1). Le texte de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement était en substance identique à celui de la disposition correspondante du règlement no 510/2006.


11      Arrêt du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, points 25 et 26).


12      Arrêt du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, point 27).


13      Arrêt du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, point 28).


14      Arrêt du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, point 28).


15      Arrêt du 4 mars 1999 (C‑87/97, EU:C:1999:115).


16      Arrêt du 26 février 2008, Commission contre Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, points 47 et 48).


17      Règlement (CE) no 110/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) no 1576/89 du Conseil (JO 2008, L 39, p. 16).


18      Arrêt du 4 mars 1999 (C‑87/97, EU:C:1999:115).


19      Arrêt du 26 février 2008 (C‑132/05, EU:C:2008:117). Voir points 56 à 58 de l’arrêt du 14 juillet 2011, Bureau National Interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484).


20      Je reviendrai dans le cadre de l’examen de la troisième question préjudicielle sur les principes fixés par la Cour en ce qui concerne la notion de « consommateur ».


21      Voir arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 45). Dans le même sens, en ce qui concerne toutefois non pas la seule évocation mais toutes les circonstances couvertes par l’article 16, sous a) à d), du règlement no 110/2008 ; voir arrêt du 14 juillet 2011, Bureau National Interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 46).


22      Les parties à la procédure au principal et les autres parties intéressées au sens de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui ont participé à la phase écrite de la procédure, ont été invitées par la Cour à présenter oralement, lors de l’audience qui s’est tenue le 25 octobre 2018, leurs observations sur l’incidence de cet arrêt aux fins de la réponse à donner aux questions préjudicielles posées par le Tribunal Supremo (Cour suprême).


23      Arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, points 46 et 49).


24      Arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 50).


25      Arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 53).


26      Arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 55). En outre, selon la Cour, « s’il suffisait, pour caractériser une telle évocation, que soit éveillée, dans l’esprit du consommateur, une association de n’importe quelle nature avec une indication géographique protégée, cela aboutirait, […], à ce que le point b) de l’article 16 du règlement no 110/2008 empiète sur le champ d’application des dispositions qui le suivent dans cet article, à savoir les points c) et d) de celui-ci, lesquels visent des cas de figure où la référence à une indication géographique protégée est encore plus ténue qu’une “évocation” de celle-ci ». [Voir également les conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire The Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:111, points 61 à 63).]


27      Pour les secteurs viticole et vinicole, voir le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), pour le secteur des boissons aromatisées le règlement (UE) no 251/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et abrogeant le règlement (CEE) no 1601/91 du Conseil (JO 2014, L 84, p. 14) et, pour le secteur des boissons spiritueuses, le règlement no 110/2008 précité.


28      À cet égard je rappelle que l’article 4 de l’arrangement de Lisbonne, concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international, du 31 octobre 1958, qui est à l’origine de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, mentionne seulement les circonstances de l’« usurpation » et de l’« imitation », mais pas celle de l’« évocation ».


29      De ce point de vue, la protection contre l’évocation rappelle celle qui est accordée aux marques renommées. Sur la possibilité d’évocation au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 510/2006, également pour des produits non comparables, voir arrêt du 18 septembre 2015, Federación Nacional de Cafeteros de Colombia contre OHMI – Hautrive (COLOMBIANO HOUSE) (T‑387/13, non publié, EU:T:2015:647, points 55 et 56).


30      Voir sur les notions d’« usurpation » et d’« imitation » l’arrêt du 20 décembre 2017, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑393/16, EU:C:2017:991, point 57).


31      C‑87/97 (EU:C:1998:614, point 33).


32      Encyclopédie Treccani en ligne.


33      Au moyen de cette expression, je désigne dorénavant les produits qui ne sont pas couverts par une appellation d’origine ou une indication géographique protégée.


34      Voir notamment arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 53).


35      Voir en ce sens arrêt du 8 septembre 2009, Budějovický Budvar (C‑478/07, EU:C:2009:521, points 109 à 111 et jurisprudence citée), pour une illustration des objectifs de la réglementation européenne. Voir également arrêts du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 24), et du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 80 et 81).


36      Voir notamment, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 22), et du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 51). Voir également conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire The Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:111, point 60).


37      Voir conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire The Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:111, point 58).


38      Arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, points 46 et 49).


39      Les termes ou les locutions « dénomination », « nom du produit », « terme utilisé pour désigner le produit », « dénomination de vente » sont utilisés alternativement par la Cour ; voir notamment arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, points 44, 45, 46, 48, de 49 à 53, et 56).


40      Il en va de même pour les autres précédents jurisprudentiels cités ci-dessus.


41      Arrêt du 14 juillet 2011 (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484).


42      Arrêt du 21 janvier 2016 (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 27).


43      Arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 53).


44      Le fait que cette limite respecte l’exigence de sécurité juridique est affirmé par la Cour elle‑même au point 55 de l’arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415).


45      Voir en ce sens arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 65).


46      Le lien des AOP avec le territoire de référence est plus étroit que dans le cas des IGP. L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 510/2006 exige, pour les premières, que la production, la transformation et l’élaboration aient lieu dans l’aire géographique délimitée [sous a)], alors que pour les secondes, il suffit qu’une seule de ces phases ait lieu dans cette aire [sous b)].


47      Voir notamment arrêts du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 22 et 31), et du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, points 45, 46, 51, 52, 56 et point 2 du dispositif).


48      Seul le terme « queso » figure sur les étiquettes contestées, toutefois, dès lors qu’il est générique, il ne bénéficie d’aucune protection ; voir article 13, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 510/2006.


49      Je fais notamment référence aux représentations d’un troupeau de brebis, d’une plaine, de la silhouette d’un cheval et de moulins à vent qui figurent sur les étiquettes litigieuses et parmi les éléments figuratifs des marques contestées.


50      Y compris la confusion entre des produits AOP et des produits non-AOP générée, selon ce qui découle de la décision de renvoi, par certaines informations figurant sur le site Internet d’IQC. J’observe à cet égard que le fait que ces informations, si elles sont trompeuses, relèvent du champ d’application de l’article 13, paragraphe 1, sous c), du règlement no 510/2006 n’exclut pas qu’elles puissent être prises en compte comme indices d’une évocation au sens du paragraphe 1, sous b), de cette disposition.


51      C’est-à-dire des produits qui ne respectent pas les exigences du cahier des charges de l’AOP d’un point de vue autre que celui de leur origine géographique.


52      Garantie qui constitue « la fonction essentielle des titres conférés en vertu du règlement no 510/2006 » ; voir en ce sens arrêt du 8 septembre 2009, Budějovický Budvar (C‑478/07, EU:C:2009:521, point 112).


53      S’agissant de l’argument soulevé lors de l’audience par la défenderesse au principal et fondé sur l’exigence de sécurité juridique en ce qui concerne le caractère licite de l’utilisation de signes enregistrés comme marques avant l’enregistrement d’une appellation d’origine en vertu du règlement no 510/2006, je rappelle que l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement prévoit que l’usage d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13, enregistrée avant la date de protection de l’appellation d’origine ou de l’indication géographique dans le pays d’origine, peut se poursuivre nonobstant l’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique. Il appartient au juge de renvoi de déterminer si les conditions d’application de cette disposition sont réunies dans l’affaire au principal.


54      Voir arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 27).


55      Arrêt du 21 janvier 2016 (C‑75/15, EU:C:2016:35).


56      Bien que sur la base d’une interprétation de la notion d’« évocation » limitée à la confusion possible entre les produits en cause et à la tromperie du consommateur, qui a en tout état de cause été rejetée par la Cour. Voir arrêts du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, point 26) ; du 26 février 2008, Commission/Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, point 45), et du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 44).


57      Arrêt du 21 janvier 2016 (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 27).