Language of document : ECLI:EU:C:2018:978

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 4 décembre 2018(1)

Affaire C621/18

Andy Wightman,

Ross Greer,

Alyn Smith,

David Martin,

Catherine Stihler,

Jolyon Maugham,

Joanna Cherry

contre

Secretary of State for Exiting the European Union,

autres parties à la procédure :

Chris Leslie,

Tom Brake

(demande de décision préjudicielle formée par la Court of Session, Inner House, First Division [Scotland] [cour de session siégeant en appel, première chambre (Écosse), Royaume-Uni])

« Renvoi préjudiciel – Recevabilité – Article 50 TUE – Droit de se retirer de l’Union européenne – Notification de l’intention de se retirer – Retrait du Royaume-Uni (Brexit) – Révocabilité de la notification de l’intention de se retirer – Révocation unilatérale – Conditions de la révocation unilatérale – Révocation consensuelle »






1.        Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié au Conseil européen son intention de se retirer de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) (ci‑après la « notification de l’intention de se retirer ») (2).

2.        Cette notification a, pour la première fois dans l’histoire de l’Union, ouvert la voie à la procédure de l’article 50 TUE, qui prévoit (paragraphes 2 et 3) la négociation d’un « accord de retrait » entre l’Union et l’État membre qui la quitte. En l’absence d’accord, les traités cessent d’être applicables audit État membre deux ans après la notification de l’intention de se retirer, sauf si le Conseil européen décide à l’unanimité de proroger ce délai.

3.        La Cour est saisie par une juridiction écossaise afin de dissiper, en tant qu’interprète suprême du droit de l’Union, les doutes existant sur un point que n’a pas tranché l’article 50 TUE. Il convient en effet de déterminer si, après avoir notifié son intention de se retirer de l’Union, un État membre peut révoquer (éventuellement sous une forme unilatérale) cette notification.

4.        Comme je l’exposerai ci-dessous, outre l’importance doctrinale et pour l’avenir que présentent les questions posées, on ne saurait nier leurs conséquences pratiques, de même que leur incidence sur le litige au principal. Si la Cour admet la révocabilité unilatérale, le Royaume-Uni pourrait adresser une communication en ce sens au Conseil européen, avec pour effet qu’il resterait membre de l’Union. Comme le Parlement britannique doit donner son approbation finale, qu’il y ait ou non accord de retrait, plusieurs membres dudit Parlement estiment que la révocabilité de la notification de l’intention de se retirer ouvrirait une troisième voie, celle de rester dans l’Union face à un Brexit insatisfaisant. L’autorité judiciaire de renvoi paraît accepter cette approche en ajoutant que la réponse de la Cour permettra aux députés du Royaume-Uni d’avoir une vision complète des options disponibles au moment d’exercer leur vote.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        Aux termes de l’article 50 TUE :

« 1.      Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.

2.      L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.

3.      Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.

4.      Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent.

La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

5.      Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49. »

B.      Le droit international

6.        La convention de Vienne sur le droit des traités, adoptée à Vienne le 23 mai 1969 (3) (ci-après la « CVDT ») prévoit la procédure de conclusion des traités entre États.

7.        En vertu de l’article 54 de la CVDT :

« L’extinction d’un traité ou le retrait d’une partie peuvent avoir lieu :

a)      conformément aux dispositions du traité ; ou,

b)      à tout moment, par consentement de toutes les parties, après consultation des autres États contractants. »

8.        L’article 65 de la CVDT, intitulé « Procédure à suivre concernant la nullité d’un traité, son extinction, le retrait d’une partie ou la suspension de l’application du traité » prévoit :

« 1.      La partie qui, sur la base des dispositions de la présente convention, invoque soit un vice de son consentement à être liée par un traité, soit un motif de contester la validité d’un traité, d’y mettre fin, de s’en retirer ou d’en suspendre l’application, doit notifier sa prétention aux autres parties. La notification doit indiquer la mesure envisagée à l’égard du traité et les raisons de celle-ci.

2.      Si, après un délai qui, sauf en cas d’urgence particulière, ne saurait être inférieur à une période de trois mois à compter de la réception de la notification, aucune partie n’a fait d’objection, la partie qui a fait la notification peut prendre, dans les formes prévues à l’article 67, la mesure qu’elle a envisagée.

3.      Si toutefois une objection a été soulevée par une autre partie, les parties devront rechercher une solution par les moyens indiqués à l’article 33 de la charte des Nations unies.

[…] »

9.        L’article 67 de la CVDT est libellé comme suit :

« 1.      La notification prévue au paragraphe 1 de l’article 65 doit être faite par écrit.

2.      Tout acte déclarant la nullité d’un traité, y mettant fin ou réalisant le retrait ou la suspension de l’application du traité sur la base de ses dispositions ou des paragraphes 2 ou 3 de l’article 65 doit être consigné dans un instrument communiqué aux autres parties. Si l’instrument n’est pas signé par le chef de l’État, le chef du gouvernement ou le ministre des Affaires étrangères, le représentant de l’État qui fait la communication peut être invité à produire ses pleins pouvoirs. »

10.      Conformément à l’article 68 de la CVDT, intitulé « Révocation des notifications et des instruments prévus aux articles 65 et 67 » :

« Une notification ou un instrument prévus aux articles 65 et 67 peuvent être révoqués à tout moment avant qu’ils aient pris effet. »

C.      Le droit du Royaume-Uni

11.      Conformément à l’article 13 de l’European Union (Withdrawal) Act 2018 (4) (ci-après la « loi de 2018 sur le retrait de l’Union européenne ») :

« (1)      L’accord de retrait ne peut être ratifié que si les conditions suivantes sont réunies :

(a)      un ministre de la Couronne a déposé devant chaque chambre du Parlement

(i)      une déclaration attestant qu’un accord politique a été obtenu,

(ii)      une copie de l’accord de retrait négocié, et

(iii)      une copie du cadre des relations futures,

(b)      l’accord de retrait négocié et le cadre des relations futures ont été approuvés par une résolution de la House of Commons (Chambre des communes) sur une motion présentée par un ministre de la Couronne,

(c)      un ministre de la Couronne a présenté à la House of Lords (Chambre des lords) une motion demandant à ladite chambre de prendre acte de l’accord de retrait négocié et du cadre des relations futures, et

(i)      la motion a été débattue à la Chambre des lords, ou

(ii)      la Chambre des lords n’a pas terminé le débat sur la motion avant la fin d’une période de cinq jours de séance courant à compter du premier jour de séance suivant la date à laquelle la Chambre des communes adopte la résolution mentionnée sous (b), et

(d)      une loi du Parlement a été adoptée qui contient des dispositions relatives à la mise en œuvre de l’accord de retrait.

(2)      Dans la mesure du possible, un ministre de la Couronne prend les dispositions nécessaires pour que la motion visée au paragraphe (1), sous (b), fasse l’objet d’un débat et d’un vote à la Chambre des communes avant que le Parlement européen ne décide s’il approuve la conclusion de l’accord de retrait par le Conseil au nom de l’Union européenne conformément à l’article 50, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne.

(3)      Le paragraphe (4) s’applique si la Chambre des communes décide de ne pas adopter la résolution mentionnée au paragraphe (1), sous (b).

(4)      Dans un délai de vingt et un jours à compter de la date à laquelle la Chambre des communes décide de ne pas adopter la résolution, un ministre de la Couronne fait une déclaration exposant la manière dont le gouvernement de Sa Majesté se propose de procéder quant aux négociations relatives au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en vertu de l’article 50, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne.

[…]

(6)      Un ministre de la Couronne doit prendre des dispositions :

(a)      pour qu’un ministre de la Couronne présente à la Chambre des communes, dans un délai de sept jours de séance courant à compter de la date à laquelle la déclaration visée au paragraphe (4) est faite, une motion rédigée en termes neutres, selon laquelle cette Chambre a examiné la question relative à ladite déclaration, et

(b)      pour qu’un ministre de la Couronne présente à la Chambre des lords, dans un délai de sept jours de séance courant à compter de la date à laquelle la déclaration est faite, une motion demandant à cette Chambre de prendre acte de ladite déclaration.

(7)      Le paragraphe (8) s’applique si, avant la fin du 21 janvier 2019, le Premier ministre fait une déclaration selon laquelle aucun accord de principe ne peut être conclu dans le cadre des négociations menées en vertu de l’article 50, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne quant au contenu

(a)      des modalités du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, et

(b)      du cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni après le retrait.

(8)      Dans les quatorze jours suivant la date de la déclaration visée au paragraphe (7), un ministre de la Couronne doit

(a)      faire une déclaration exposant la façon dont le gouvernement de Sa Majesté se propose de procéder, et

(b)      prendre des dispositions pour

(i)      pour qu’un ministre de la Couronne présente à la Chambre des communes, dans un délai de sept jours de séance à compter de la date à laquelle la déclaration visée sous (a) est faite, une motion rédigée en termes neutres, selon laquelle ladite Chambre a examiné la question relative à la déclaration visée sous (a), et

(ii)      pour qu’un ministre de la Couronne présente à la Chambre des lords, dans un délai de sept jours de séance à compter de la date à laquelle la déclaration visée sous (a) est faite, une motion demandant à ladite Chambre de prendre acte de ladite déclaration.

[…]

(10)      Le paragraphe (11) s’applique si, à la fin du 21 janvier 2019, aucun accord de principe n’a été conclu dans le cadre des négociations au titre de l’article 50, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne quant au contenu

(a)      des modalités du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, et

(b)      du cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume‑Uni après le retrait.

(11)      Un ministre de la Couronne doit, dans un délai de cinq jours courant à compter de la fin 21 janvier 2019,

(a)      faire une déclaration exposant la façon dont le gouvernement de Sa Majesté se propose de procéder, et

(b)      prendre des dispositions pour

(i)      qu’un ministre de la Couronne présente à la Chambre des communes, dans un délai de cinq jours de séance courant à compter de la fin du 21 janvier 2019, une motion rédigée en termes neutres, selon laquelle ladite Chambre a examiné la question relative à la déclaration visée sous (a), et

(ii)      qu’un ministre de la Couronne présente à la Chambre des lords, dans un délai de cinq jours de séance courant à compter de la fin du 21 janvier 2019, une motion demandant à ladite Chambre de prendre acte de la déclaration visée sous (a).

[…] »

II.    Les faits à l’origine du litige au principal et la question préjudicielle

12.      Le 23 juin 2016, les citoyens du Royaume-Uni se sont, lors d’un référendum, prononcés en faveur de la sortie (« exit ») de leur pays de l’Union (51,9 % contre 48,1 %).

13.      La Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni) a jugé, dans un arrêt du 24 janvier 2017, Miller (5), que le gouvernement du Royaume-Uni avait besoin de l’approbation préalable du Parlement pour notifier au Conseil européen son intention de se retirer de l’Union. L’arrêt ne s’est toutefois pas prononcé sur la révocabilité de cette notification, parce qu’elle ne faisait pas encore l’objet du litige : les parties étaient d’accord pour la considérer comme irrévocable (6).

14.      Le 13 mars 2017, le Parlement britannique a adopté l’European Union (Notification of Withdrawal) Act 2017 (7) [loi sur l’Union européenne de 2017 (notification de retrait)], qui a autorisé le Prime Minister [Premier ministre] à notifier l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’Union en vertu de l’article 50, paragraphe 2, TUE.

15.      Le 29 mars 2017, le Premier ministre du Royaume-Uni a remis au Conseil européen la notification de retrait.

16.      Le 29 avril 2017, le Conseil européen (article 50) a adopté les orientations qui définissent le cadre des négociations conformément à l’article 50 TUE et établissent les positions et les principes généraux que l’Union défendra tout au long des négociations (8). Sur la base de la recommandation de la Commission européenne du 3 mai 2017, le Conseil a approuvé, le 22 mai 2017, conformément à l’article 50 TUE et à l’article 218, paragraphe 3, TFUE, la décision autorisant la Commission à ouvrir les négociations avec le Royaume-Uni en vue de parvenir à un accord de retrait de celui-ci de l’Union et de la CEEA (9).

17.      Le 14 novembre 2018, les négociations ont abouti à un projet d’accord de retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (10). La déclaration politique sur le cadre des relations futures entre l’Union et le Royaume-Uni a été adoptée le 22 novembre 2018 (11). Cet accord et la déclaration ont été approuvés par le Conseil européen le 25 novembre 2018.

18.      Tant que les procédures de conclusion de ce projet d’accord entre le Royaume-Uni et l’Union ne sont pas heureusement menées à leur terme, les deux possibilités visées à l’article 50, paragraphe 3, TUE subsistent donc.

19.      Le 19 décembre 2017, un certain nombre de membres du Parlement écossais, du Parlement du Royaume-Uni et du Parlement européen ont saisi la Court of Session, Outer House (Scotland) [cour de session siégeant en première instance (Écosse), Royaume-Uni] d’une demande de « judicial review » visant à ce qu’il soit précisé si la notification de l’intention de se retirer pouvait être unilatéralement révoquée avant l’expiration du délai de deux ans fixé à l’article 50 TUE, avec pour effet que, si la notification était révoquée, le Royaume-Uni resterait dans l’Union.

20.      La demande a été rejetée par le Lord Ordinary (juge de première instance) dans une décision du 6 février 2018 (12), au motif qu’elle portait atteinte à la souveraineté du Parlement britannique et soulevait une question hypothétique, en l’absence de toute indication que le gouvernement ou le Parlement britannique avaient la volonté de révoquer la notification de l’intention de se retirer.

21.      Les requérants au principal ont interjeté appel devant la Court of Session, Inner House, First Division (Scotland) [cour de session siégeant en appel, première chambre (Écosse), Royaume-Uni], qui a autorisé la poursuite de la procédure par décision du 20 mars 2018 (13), en renvoyant l’affaire devant l’instance de première instance pour une décision sur le fond.

22.      Par décision du 8 juin 2018 (14), le juge de première instance de la Court of Session, Outer House (Scotland) [cour de session siégeant en première instance (Écosse)] n’a pas accueilli la demande de renvoi préjudiciel devant la Cour et a rejeté le recours (15).

23.      Les requérants au principal ont formé un recours contre cette décision devant la Court of Session, Inner House, First Division (Scotland) [cour de session siégeant en appel, première chambre (Écosse)], qui, après l’avoir déclaré recevable, a rendu l’ordonnance du 21 septembre 2018 (16), qui a fait droit à la demande de renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE.

24.      En substance, la juridiction de renvoi :

–        considère qu’il n’est ni prématuré ni théorique de se demander si la notification pourrait légalement faire l’objet d’une révocation unilatérale, de telle sorte que le Royaume-Uni resterait dans l’Union, et

–        souligne l’incertitude qui entoure cette question et estime que la réponse permettra aux députés du Royaume-Uni de se faire une idée des options qui s’offrent à eux lorsqu’ils voteront. Selon elle, quel que soit l’intérêt des membres du Parlement écossais et du Parlement européen, les députés du Parlement du Royaume-Uni ont un intérêt à ce qu’il soit répondu à cette question.

25.      Pour parvenir à cette conclusion, la juridiction de renvoi a estimé que l’approbation royale (Royal Assent) avait été donnée, le 26 juin 2018, dans la loi de 2018 sur le retrait de l’Union européenne, dont l’article 13 prévoit en détails les moyens par lesquels doit être obtenu l’accord du Parlement sur l’issue des négociations menées entre le Royaume-Uni et l’Union européenne au titre de l’article 50 TUE. En particulier, l’accord de retrait ne peut être ratifié que si celui‑ci et le cadre applicable à la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sont approuvés par une résolution de la House of Commons (Chambre des communes) et ont été débattus par la House of Lords (Chambre des lords). En l’absence d’approbation, le gouvernement doit indiquer la marche qu’il propose de suivre en ce qui concerne les négociations. Si le Premier ministre déclare, avant le 21 janvier 2019, qu’aucun accord de principe ne pourra être obtenu, le gouvernement devra de nouveau indiquer ce qu’il propose de faire. Il doit présenter cette proposition devant les deux chambres du Parlement.

26.      L’article 13 de la loi de 2018 sur le retrait de l’Union européenne prévoit que, si la Chambre des communes rejette l’accord de retrait et que rien d’autre ne se produit, les traités cesseront de s’appliquer au Royaume-Uni le 29 mars 2019. Il en ira de même si un accord de retrait n’est pas conclu entre le Royaume-Uni et l’Union avant cette date.

27.      C’est dans ce contexte que la Court of Session, Inner House, First Division (Scotland) [cour de session siégeant en appel, première chambre (Écosse)] a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante (17) :

« Lorsqu’un État membre a notifié au Conseil européen, conformément à l’article 50 du traité sur l’Union européenne, son intention de se retirer de l’Union européenne, le droit de l’Union permet-il à l’État membre notifiant de révoquer unilatéralement cette notification, et, si oui, sous quelles conditions et avec quel effet quant au maintien de l’État membre dans l’Union européenne ? »

III. Déroulement de la procédure devant la Cour

28.      La décision de renvoi est parvenue au greffe de la Cour le 3 octobre 2018.

29.      La juridiction de renvoi a demandé à la Cour de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, en raison de l’urgence de l’affaire, puisque l’examen parlementaire et le vote sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union doivent avoir lieu suffisamment à l’avance par rapport au 29 mars 2019.

30.      Le président de la Cour a fait droit à cette demande, ainsi qu’il ressort de l’ordonnance du 19 octobre 2018, en justifiant l’adoption de la procédure accélérée par la nécessité de clarifier la portée de l’article 50 TUE avant que les parlementaires nationaux ne se prononcent sur l’accord de retrait, ainsi que par l’importance fondamentale de cette disposition, tant pour le Royaume-Uni que pour l’ordre constitutionnel de l’Union (18).

31.      Les requérants au principal (M. Andy Wightman, M. Ross Greer, M. Alyn Smith, M. David Martin, Mme Catherine Stihler, M. Jolyon Maugham et Mme Joanna Cherry, ci-après ensemble « Wightman e.a. ») ainsi que MM. Tom Brake et Chris Leslie, le gouvernement du Royaume-Uni, la Commission et le Conseil ont présenté des observations écrites dans la procédure préjudicielle. Ils ont tous été entendus lors de l’audience devant la Cour, qui s’est tenue le 27 novembre 2018.

IV.    Recevabilité de la demande préjudicielle

32.      Le gouvernement du Royaume-Uni estime que la demande préjudicielle n’est pas recevable. La Commission exprime des doutes à cet égard, mais ne les formule pas dans le cadre d’une exception formelle d’irrecevabilité.

33.      En résumé, pour le gouvernement du Royaume-Uni :

–        la demande est irrecevable, du fait de son caractère hypothétique et théorique (académique), car rien n’indique que le gouvernement ou le Parlement du Royaume-Uni révoqueront la notification de l’intention de se retirer ;

–        le fait d’admettre la recevabilité de la demande préjudicielle serait contraire au système de recours établi par les traités constitutifs, qui ne prévoient pas la possibilité pour la Cour d’émettre des avis consultatifs sur des questions d’importance constitutionnelle, comme le retrait d’un État membre de l’Union.

34.      Selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation ou sur la validité d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit qu’une question préjudicielle portant sur le droit de l’Union bénéficie d’une présomption de pertinence.

35.      En vertu de cette même jurisprudence, le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (19).

36.      J’estime que cette affaire ne remplit aucune de ces conditions qui sont nécessaires pour rejeter a limine la demande de décision préjudicielle.

37.      En premier lieu, la Cour doit partir du postulat que la juridiction de renvoi a adopté la décision de renvoi conformément aux règles de procédure, de compétence et d’organisation judiciaire en vigueur dans son droit interne (20). En particulier, il ne fait aucun doute à ce jour que le mécanisme procédural de judicial review, tel qu’il est appliqué en Écosse (21), légitime en l’espèce (comme dans d’autres affaires déjà tranchées par la Cour) (22) aussi bien la demande de décision préjudicielle que la décision ultérieure de la juridiction qui l’a déférée (23).

38.      En deuxième lieu, le litige est réel et un conflit net sépare les thèses juridiques opposées que défendent l’une et l’autre partie. Il existe donc véritablement un authentique débat dans un litige juridictionnel en cours, dans lequel des arguments et des revendications contradictoires sont avancés :

–        les requérants invitent la juridiction de renvoi à déclarer que l’article 50 TUE autorise la révocation unilatérale de la notification de l’intention de se retirer, et lui demandent d’interroger préalablement la Cour sur cette question ;

–        le gouvernement du Royaume-Uni s’oppose à cette demande.

39.      En troisième lieu, la question de la juridiction de renvoi est nécessaire pour statuer sur le litige au principal. On pourrait même dire que cette question constitue l’objet même de ce litige. Le pouvoir d’interpréter, de façon définitive et uniforme, l’article 50 TUE appartient à la Cour, et un effort herméneutique considérable est requis pour déterminer si cet article autorise ou non la révocation unilatérale de la notification de l’intention de se retirer. Privée de l’appui que lui fournit l’autorité de la Cour, la juridiction de renvoi ne pourrait que difficilement trancher le litige sur lequel elle est tenue de statuer.

40.      En quatrième lieu, la question posée n’est pas purement académique (24). La Cour est invitée à rendre un arrêt afin d’interpréter une disposition (article 50 TUE) qui est effectivement en cours d’application et dont les conséquences juridiques futures se rapprochent de façon inexorable. La demande préjudicielle a précisément pour objectif de discerner la portée véritable de cette disposition sur cette question très discutée (25).

41.      L’importance pratique, et pas seulement théorique, de la réponse de la Cour est évidente, étant donné les énormes implications juridiques, économiques, sociales et politiques du Brexit, tant pour le Royaume-Uni que pour l’Union et les droits des citoyens, britanniques et non britanniques, qui se verront affectés par cette sortie. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement d’une question doctrinale, à la portée de quelques spécialistes du droit de l’Union : la question soumise à la Cour peut avoir une réelle importance au Royaume-Uni et dans l’Union européenne elle-même.

42.      En cinquième lieu, je suis d’accord avec l’appréciation faite par la juridiction de renvoi dans sa décision, selon laquelle la question n’est pas prématurée. De plus, à l’instar de ladite juridiction (26), il m’apparaît que c’est avant que le Brexit ne soit consommé, et non après, une fois que le Royaume-Uni sera inexorablement emporté par ses conséquences, que se situe le meilleur moment pour dissiper les doutes quant à la révocabilité ou non de la notification de l’intention de se retirer.

43.      En sixième lieu, la question ne saurait davantage être qualifiée de superflue ou d’inutile, car la réponse permettra aux députés du Parlement du Royaume-Uni de se faire une idée des options existantes avant de voter (27).

44.      En vertu de l’article 13 de la loi de 2018 sur le retrait de l’Union européenne, le Parlement du Royaume-Uni doit, avant le 21 janvier 2019, accepter ou rejeter l’accord de retrait éventuel entre le Royaume-Uni et l’Union et, à défaut d’accord, se prononcer ensuite sur la voie que doit suivre le gouvernement du Royaume-Uni. En cas de rejet d’un tel accord, ou d’absence d’accord, le Royaume-Uni cessera d’être membre de l’Union européenne le 29 mars 2019, à moins que le Conseil européen, avec l’approbation de cet État, ne décide à l’unanimité de proroger ce délai (article 50, paragraphe 3, TUE).

45.      La réponse à la question préjudicielle permettra donc aux membres du Parlement du Royaume-Uni de savoir s’ils disposent d’une troisième voie et pas seulement des alternatives qui leur sont actuellement ouvertes (rejet ou approbation de l’accord de retrait et décision sur l’action du gouvernement du Royaume-Uni en l’absence dudit accord). Cette troisième voie permettrait au Parlement d’enjoindre au gouvernement du Royaume-Uni de révoquer la notification de l’intention de se retirer, avec pour effet que le Royaume-Uni resterait partie aux traités constitutifs de l’Union européenne et membre de celle‑ci (28).

46.      En septième lieu, ce que l’on demande à la Cour n’est pas de rendre un simple avis, de nature purement consultative, comme semble le soutenir la Commission (avec certaines réserves). Dans ses observations écrites, elle admet que la réponse de la Cour est nécessaire pour que la juridiction de renvoi prononce le « declarator » (29) qui lui a été demandé, mais qu’il s’agit d’un simple avis consultatif qui n’aura pas d’effet immédiat sur les parties.

47.      Je ne partage pas cette thèse, car, comme je viens de le souligner, la décision de la juridiction de renvoi peut avoir des effets juridiques en tant qu’elle autoriserait les requérants qui sont membres du Parlement du Royaume-Uni à prendre une initiative, fondée sur le droit de l’Union, en faveur de la révocation unilatérale de la notification de l’intention de se retirer.

48.      Le gouvernement du Royaume-Uni fait également valoir que la Cour est saisie d’une demande d’avis consultatif sur une révocation hypothétique, que lui‑même n’est pas disposé à présenter. Selon lui, les traités constitutifs ne permettent pas de recourir à la procédure préjudicielle dans ce contexte, puisque l’article 50 TUE ne prévoit pas la possibilité de demander un avis à la Cour, contrairement aux dispositions de l’article 218, paragraphe 11, TFUE. Il ajoute que la légalité d’une telle révocation (éventuelle) devrait être attaquée par la voie d’un recours direct, ou en manquement ou en annulation, une fois cette révocation mise en œuvre. Un arrêt consultatif de la Cour dans une affaire politiquement aussi sensible que le Brexit emporterait, selon ce gouvernement, une ingérence dans l’adoption de certaines décisions qui sont encore en cours de négociation, et qui doivent être prises par les pouvoirs exécutif et législatif du Royaume-Uni.

49.      Je ne partage pas non plus ces arguments. Comme je l’ai déjà indiqué, la Cour ne doit pas donner un avis consultatif, mais coopérer avec la juridiction de renvoi afin de résoudre un litige réel qui oppose deux parties aux positions juridiques bien définies et qui requiert d’interpréter l’article 50 TFUE. Compte tenu des doutes existant quant au point de savoir si la procédure visée dans cette disposition permet de révoquer unilatéralement la notification de l’intention de se retirer, la juridiction de renvoi doit rendre un jugement déclaratoire, qui aura d’importantes répercussions, qui dépendent elles-mêmes de l’interprétation d’une règle du traité UE.

50.      Dans ce contexte, la demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE est propre à lever ces doutes ex ante, c’est-à-dire sans attendre que la révocation ait lieu. Le simple fait d’admettre la possibilité d’une telle révocation, si elle est confirmée par la Cour, peut, en soi, produire des effets juridiques significatifs, dans la mesure où elle permet aux parlementaires requérants de l’invoquer pour prendre l’une ou l’autre position.

51.      En statuant sur la demande préjudicielle, la Cour n’exercera donc pas de fonctions consultatives, mais donnera une réponse fondée sur sa fonction juridictionnelle (c’est-à-dire sur la fonction de dire le droit), de sorte que, sur cette base, la juridiction de renvoi puisse, dans un arrêt ayant une incidence juridique effective, statuer sur la demande déclaratoire que les requérants lui ont présentée.

52.      En statuant dans ces termes sur la demande préjudicielle, la Cour n’outrepasse pas le pouvoir que lui confèrent les articles 19 TUE et 267 TFUE. Son interprétation de l’article 50 TUE n’emporte pas d’ingérence dans le processus politique de négociation du retrait du Royaume-Uni de l’Union. De plus, elle sert à clarifier, du point de vue du droit de l’Union, les contours juridiques de ce retrait, dont les pouvoirs exécutif et législatif du Royaume-Uni sont les protagonistes actifs.

53.      Par ailleurs, comme dans d’autres cas revêtant une sensibilité particulière pour les États membres, la Cour ne saurait renoncer à exercer ses obligations en éludant la réponse à une question correctement formulée (c’est-à-dire conformément à l’article 267 TFUE), du simple fait que cette réponse pourrait faire l’objet d’une lecture politique, plutôt que strictement juridictionnelle, de la part des uns ou des autres.

54.      Force m’est enfin de mentionner l’arrêt American Express (30), cité dans la décision de renvoi, ne serait-ce que pour sortir d’une contradiction supposée entre ma position actuelle et celle que j’avais défendue dans les conclusions que j’avais présentées dans cette affaire (31). Tout en louant d’abord la flexibilité des procédures de judicial review, j’avais ensuite émis certaines réserves et critiqué le laxisme excessif que manifestait la Cour en jugeant recevables des demandes préjudicielles soulevées dans ce type de procédure, « lorsqu’il s’agit d’apprécier la validité de règles de l’Union ».

55.      Dans cette affaire, j’avais soutenu qu’il n’existait pas de véritable conflit entre American Express et l’administration britannique : tous deux s’étaient adressés d’un commun accord à l’autorité judiciaire pour soumettre à la Cour les questions qu’ils avaient préparées eux-mêmes. Le fait que les parties ne défendaient pas de positions contraires mettait en évidence que, loin d’être opposées par un litige réel, celles-ci avaient mis en place un dispositif procédural dans l’unique but d’obtenir un arrêt de la Cour.

56.      Or aucun de ces facteurs n’est présent en l’espèce, comme je l’ai souligné dans les considérations exposées ci-dessus. J’ajouterai que, en tout état de cause, la Cour a estimé qu’une telle demande de décision préjudicielle était recevable, même dans les conditions que je viens d’exposer.

57.      Pour toutes ces raisons, j’incline à considérer que la demande préjudicielle déférée à la Cour est recevable.

V.      Analyse de la demande préjudicielle

58.      Un État membre (en l’occurrence le Royaume-Uni) peut-il révoquer la notification de son intention de se retirer de l’Union, une fois qu’elle a été communiquée au Conseil européen ?

59.      En l’absence de réponse explicite apportée par l’article 50 TUE à cette question apparemment si simple, trois solutions sont envisageables : a) non, en aucun cas ; b) oui, sans condition, ou c) oui, sous certaines conditions. Le raisonnement destiné à justifier l’une ou l’autre de ces réponses est sans aucun doute complexe, comme en atteste le débat qui a eu lieu dans les États membres (en particulier au Royaume-Uni) et dans la doctrine juridique (32).

60.      La controverse a été portée sur le terrain de la procédure préjudicielle, dans laquelle :

–        les requérants au principal (Wightman e.a.) et ceux qui les soutiennent (MM. Brake et Leslie) plaident en faveur de la révocation unilatérale, sous réserve de certaines conditions ;

–        à l’inverse, la Commission et le Conseil s’opposent à une telle révocation unilatérale, mais considèrent que l’article 50 TUE autorise une révocation (que je qualifierai de consensuelle) approuvée à l’unanimité par le Conseil européen.

61.      En réalité, le débat fait écho à une controverse remontant aux origines du droit, tel que nous le connaissons aujourd’hui, et portant sur les effets des déclarations unilatérales de volonté, lorsqu’elles sont adressées à des tiers, et sur leur éventuelle révocation ultérieure. En droit romain, des positions rigides (optione facta, jus eligendi consumitur) (33) coexistaient à cet égard avec des positions plus souples, qui admettaient que l’on se rétracte ou que l’on se désiste de ces déclarations (mutatio consilii), à condition qu’elles ne soient pas faites au préjudice ou au détriment d’un tiers.

62.      J’ai l’intention, en traitant du fond, de suivre le schéma d’argumentation suivant :

–        en premier lieu, j’examinerai les règles du droit international public relatives au retrait des États des traités internationaux, y compris celles relatives à la révocation du retrait. On pourra déduire de cet examen si ces règles sont applicables en l’espèce ;

–        en deuxième lieu, j’effectuerai une interprétation de l’article 50 TUE, en tant que lex specialis, afin de déterminer si, selon cette disposition, rien ne s’oppose à la révocation unilatérale de la notification de l’intention de se retirer. Dans l’affirmative, j’analyserai les exigences que doivent respecter les États membres pour procéder à cette révocation unilatérale ;

–        enfin, j’aborderai la possibilité, soulevée par la Commission et le Conseil, d’une révocation consensuelle.

A.      Le retrait des traités en droit international

1.      Règles de la CVDT, règles coutumières et pratique des États en matière de droit de retrait

63.      La réglementation des traités internationaux étant fondée sur le principe pacta sunt servanda, consacré à l’article 26 de la CVDT, les États se sont montrés réticents à accepter le droit de retrait unilatéral d’un État partie à un traité international. L’article 42 de la CVDT dispose donc que « l’extinction d’un traité, sa dénonciation ou le retrait d’une partie ne peuvent avoir lieu qu’en application des dispositions du traité ou de la présente convention ».

64.      La possibilité de se retirer d’un traité est expressément prévue dans la CVDT :

–        l’article 54 autorise le retrait d’un État partie « conformément aux dispositions du traité » en question (34) ou « à tout moment, par consentement de toutes les parties, après consultation des autres États contractants » (35) ;

–        l’article 56 dispose que, si un traité ne prévoit pas expressément qu’on puisse le dénoncer ou s’en retirer, il ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait que s’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la possibilité d’un retrait, ou que si le droit de retrait peut être déduit de la nature du traité (36).

65.      La pratique internationale du retrait unilatéral des traités multilatéraux n’a pas été très abondante, mais les cas n’ont pas manqué. Ces dernières années, cette pratique s’est accrue en raison des réticences manifestées par certains gouvernements, qui ont exprimé une opposition aux traités internationaux et à la participation aux organisations internationales (37).

66.      Il est également arrivé que des États se retirent d’un traité pendant une certaine période, avant d’y adhérer de nouveau ultérieurement. Les pays communistes européens ont, au début de la guerre froide, été les protagonistes de l’un des plus importants de ces cas de figure, lorsqu’ils ont quitté l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Les traités constitutifs des deux organisations internationales ne comportant pas de clause de retrait, les États occidentaux avaient prétendu qu’un tel retrait était subordonné au consentement des autres États parties. À l’appui de leur thèse, les pays communistes ont soutenu, en tant que principe général du droit international, que les États ne peuvent être contraints de rester parties à un traité contre leur gré (38).

67.      À la suite de ces événements, l’acte constitutif de l’Unesco a été amendé de manière à y introduire une disposition consacrant le droit unilatéral de retrait (39). Cette clause a été utilisée par le Royaume-Uni (qui a quitté l’Unesco le 31 décembre 1985 et y a adhéré de nouveau le 1er juillet 1997) et par les États‑Unis (qui s’en sont retirés le 31 décembre 1984 et l’ont réintégré le 3 octobre 2003). En 2017, les États-Unis se sont une nouvelle fois retirés de cette organisation internationale, de même qu’Israël (40).

68.      En ce qui concerne les révocations des notifications de retrait de traités internationaux, outre quelques précédents historiques (41), il existe également des cas récents qui pourraient présenter un intérêt en l’espèce. J’évoquerai en particulier ceux du Panama, de la Gambie et de la République d’Afrique du Sud (42).

69.      Le 19 août 2009, le gouvernement du Panama a notifié (43) son retrait du traité établissant le Parlement centraméricain et d’autres institutions politiques (ci‑après le « Parlacen ») (44), en invoquant, à l’appui de ce retrait, l’article 54, sous b), de la CVDT. Face au refus des membres du Parlacen, le gouvernement panaméen a demandé à l’Asamblea Nacional [Assemblée nationale panaméenne] d’adopter la loi no 78 du 11 décembre 2011, qui faisait écho à cette notification et proposait l’annulation des instruments panaméens de ratification dudit traité. La Cour suprême de justice du Panama a toutefois déclaré cette loi inconstitutionnelle, dans la mesure où elle violait l’article 4 de la constitution panaméenne (« la République du Panama respecte les règles du droit international »), puisque le traité Parlacen ne comportait pas de clause expresse de retrait et qu’un tel retrait n’était pas possible conformément aux articles 54 et 56 de la CVDT (45). En conséquence de cet arrêt, la notification du retrait panaméen a été révoquée et ce pays a de nouveau participé au Parlacen (46).

70.      Les deux autres affaires concernent le traité instituant la Cour pénale internationale (CPI), c’est-à-dire le Statut de Rome de 1998 (47) :

–        le gouvernement gambien a, en février 2017, après l’arrivée au pouvoir d’un nouveau président, révoqué la notification de retrait à laquelle il avait procédé en novembre 2016 (48) ;

–        le gouvernement de la République d’Afrique du Sud, qui avait notifié en octobre 2016 son retrait du Statut de Rome (49), a communiqué, en mars 2017 (50), la révocation de cette notification, après son annulation par la Haute Cour sud‑africaine (51).

71.      À la lumière de cette pratique internationale, l’on pourrait se demander si la possibilité de révoquer les notifications de retrait a acquis le caractère de règle coutumière de droit international. Ou, en d’autres termes, si l’article 68 de la CVDT, aux termes duquel une notification ou un instrument prévus aux articles 65 et 67 peuvent être révoqués à tout moment avant qu’ils aient pris effet, reprend une règle coutumière de droit international.

72.      Les articles 65 à 68 constituent la section 4 de la partie V de la CVDT, qui contient les règles de procédure applicables aux cas où sont invoquées des causes de nullité, d’extinction, de retrait et de suspension des traités :

–        l’article 65 oblige un État qui souhaite se retirer d’un traité à notifier son intention aux autres États parties, en expliquant la mesure qu’il envisage à l’égard du traité et les raisons de celle-ci. Ces autres États disposent d’un délai minimum de trois mois pour faire des objections au retrait ;

–        en l’absence d’objections, l’article 67 permet à un État qui souhaite se retirer du traité de formaliser son instrument de retrait par écrit et de le communiquer aux autres États parties ;

–        selon l’article 68, « [u]ne notification ou un instrument prévus aux articles 65 et 67 peuvent être révoqués à tout moment avant qu’ils aient pris effet ».

73.      L’article 68 de la CVDT a été adopté en l’absence de votes contraires de la part des États qui avaient participé à la conférence intergouvernementale ayant rédigé cette convention sur la base du projet d’articles de la Commission du droit international, lequel projet n’avait pas non plus fait l’objet de désaccords (52).

74.      Cette circonstance pourrait laisser penser que l’article 68 de la CVDT codifie une règle coutumière (53). Toutefois, le principe qui apparaît lié aux articles 65 et 67 peut être plutôt considéré comme une règle procédurale qui manifeste un développement progressif et non comme la codification d’une coutume internationale (54). C’est ce que la Cour a jugé au sujet de l’article 65 de la CVDT dans son arrêt Racke (55), et je pense que cette même appréciation peut être transposée à l’article 68 de la CVDT (bien que j’admette l’existence de divergences à ce sujet) (56).

75.      Dans cette situation de relative incertitude, que ne dissipe pas la pratique récente des États en matière de révocation des notifications de retrait des traités internationaux, il me semble difficile que la Cour puisse déclarer comme règle coutumière en vigueur le contenu de l’article 68 de la CVDT, c’est-à-dire la règle selon laquelle une notification de retrait d’un traité faite par un État membre peut être révoquée à tout moment avant qu’elle n’ait pris effet.

76.      Cependant, qu’il s’agisse ou non d’une règle coutumière de droit international, l’article 68 de la CVDT offre à l’interprète une source d’inspiration qui ne saurait être négligée, comme je l’exposerai ci-après.

2.      Application à l’Union européenne et à ses États membres des exigences de la CVDT relatives au retrait des traités

77.      Les règles de la CVDT sur le retrait des traités internationaux sont-elles applicables au retrait d’un État membre de l’Union européenne et, le cas échéant, quelle pourrait être l’articulation de la CVDT avec les dispositions de l’article 50 TUE ?

78.      Le traité UE est un traité international conclu entre États et, en même temps, un acte constitutif d’une organisation internationale (l’Union européenne). En tant que tel, il serait soumis à la CVDT, en vertu de l’article 5 de ladite convention (57). Il convient toutefois de rappeler que l’Union n’est pas partie à la CVDT et que plusieurs de ses États membres (la République française ou la Roumanie) ne le sont pas non plus. Par conséquent, les dispositions de la CVDT relatives au retrait d’un traité et à la révocation éventuelle dudit retrait, en particulier son article 68, ne sont pas applicables en droit de l’Union en tant que règles internationales à caractère conventionnel.

79.      Nonobstant, les règles coutumières de droit international lient les États membres et l’Union européenne et peuvent être une source de droits et d’obligations en droit de l’Union (58).

80.      Après avoir exprimé les réserves que j’éprouve quant à la possibilité de qualifier de règle coutumière de droit international la règle de la révocabilité des notifications de retrait d’un traité, qui figure à l’article 68 de la CVDT, je ne pense pas qu’il soit possible de l’utiliser comme base juridique permettant à un État membre de se retirer de l’Union en dehors de la procédure prévue à l’article 50 TUE.

81.      En effet, les traités instituant l’Union européenne contiennent une clause expresse de retrait (article 50 TUE), qui est une lex specialis par rapport aux règles conventionnelles (articles 54, 56, et 64 à 68 de la CVDT) du droit international en la matière. Par conséquent, le retrait d’un État membre des traités instituant l’Union doit, en principe, être effectué conformément aux dispositions de l’article 50 TUE.

82.      Rien ne s’oppose toutefois à ce que l’interprète recoure aux articles 54, 56, 65, 67 et, en particulier, 68 de la CVDT pour en tirer certaines orientations herméneutiques contribuant à dissiper les doutes sur des questions non expressément prévues à l’article 50 TUE. C’est le cas de la question de la révocabilité des notifications de retrait, sur laquelle l’article 50 TUE est muet.

83.      Il n’y a rien d’anormal dans cette interaction. La Cour a utilisé les règles de la CVDT relatives à l’interprétation des traités, en particulier ses articles 31 et 32 (59), pour clarifier le sens des dispositions des traités instituant l’Union (60), des traités internationaux conclus par l’Union avec des pays tiers, des règles de droit dérivé (61), et même des traités bilatéraux entre États membres lorsqu’un différend lui est soumis en vertu d’un compromis (article 273 TFUE) (62).

84.      Dans le cas présent, il convient d’interpréter l’article 50 TUE, qui régit le droit de retrait. Une telle option, de même que la révision (article 48 TUE), l’adhésion (article 49 TUE) et la ratification (article 54 TUE) des traités constitutifs de l’Union, est liée à l’origine de ceux-ci et constitue une question typique du droit international.

85.      L’article 50 TUE, dont le libellé s’inspire des articles 65 à 68 de la CVDT (63), est, je le répète, une lex specialis en ce qui concerne les règles générales du droit international sur le retrait des traités, mais non pas une disposition autosuffisante régissant de manière exhaustive chacun des détails du processus du retrait (64). Rien n’empêche donc, pour combler les lacunes de l’article 50 TUE, d’examiner l’article 68 de la CVDT, même s’il ne reflète pas, stricto sensu, une règle coutumière de droit international.

B.      La révocation unilatérale, dans le cadre de l’article 50 TUE, de la notification de l’intention de se retirer

86.      La procédure de l’article 50 TUE, qui a été introduite dans ce traité par la réforme qu’a instituée le traité de Lisbonne, commence par la décision de retrait que l’État membre doit prendre « conformément à ses règles constitutionnelles ».

87.      Les étapes suivantes de la procédure ont ainsi été résumées par la Cour : « [la procédure de retrait] comport[e], premièrement, la notification au Conseil européen de l’intention de retrait, deuxièmement, la négociation et la conclusion d’un accord fixant les modalités du retrait en tenant compte des relations futures entre l’État concerné et l’Union et, troisièmement, le retrait proprement dit de l’Union à la date de l’entrée en vigueur de cet accord ou, à défaut, deux ans après la notification effectuée auprès du Conseil européen, sauf si ce dernier, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai » (65).

88.      Compte tenu du silence de l’article 50 TUE sur ce point, il convient, pour déterminer si cette disposition autorise ou non la révocation unilatérale de la notification de l’intention de se retirer, de recourir aux techniques d’interprétation communément utilisées par la Cour (66) et, subsidiairement, à celles prévues aux articles 31 et 32 de la CVDT.

89.      J’annonce par avance que, selon moi, l’article 50 TUE autorise l’État membre notifiant à procéder à la révocation unilatérale de sa notification jusqu’à la date de conclusion de l’accord de retrait de l’Union.

1.      Interprétation littérale et contextuelle de l’article 50 TUE

90.      D’une manière générale, il est possible aussi bien de soutenir que tout ce qu’une règle n’interdit pas est permis que de faire valoir que le silence de la loi emporte l’absence du droit (67). Étant donné que l’article 50 TUE n’apporte pas de réponse directe à la question de la juridiction de renvoi, le critère littéral ne saurait en réalité s’appliquer, de sorte qu’il convient d’analyser cet article dans son contexte, autrement dit de rechercher sa signification en s’attachant à sa logique, dans le cadre de l’ensemble normatif plus large dans lequel il s’inscrit.

91.      L’article 50, paragraphe 1, TUE régit la première étape de la procédure en disposant que « [t]out État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union ». Cette première étape (nationale) incombe donc exclusivement à l’État membre sortant, puisque le retrait est un droit conféré à tout État partie aux traités instituant l’Union.

92.      La décision de retrait, adoptée unilatéralement par l’État membre sortant dans l’exercice de sa souveraineté (68), est subordonnée, selon l’article 50 TUE, à la seule condition qu’elle ait été adoptée conformément aux règles constitutionnelles dudit État. L’obligation de notifier au Conseil européen l’intention de se retirer et le délai de deux ans prévu pour la négociation de l’accord fixant les modalités du retrait sont uniquement des éléments de nature formelle et ne limitent pas le caractère unilatéral de la décision initiale de retrait.

93.      Comme je l’ai déjà exposé, l’articulation du droit de retrait à l’article 50 TUE s’inspire des normes du droit international (en particulier des articles 54 et 56 de la CVDT). Il me paraît logique qu’il en aille ainsi, puisque le retrait d’un traité international est, par définition, un acte unilatéral d’un État partie. Comme le pouvoir de conclure un traité (treaty making power), le droit de se délier (retrait ou dénonciation) d’un traité auquel un État est partie constitue une manifestation de la souveraineté de cet État. Si la décision d’un État de conclure un traité est unilatérale, sa décision de s’en retirer l’est aussi.

94.      Le caractère unilatéral de la décision de retrait milite en faveur de la possibilité de révoquer unilatéralement la notification de cette décision, jusqu’à ce que celle-ci produise ses effets définitifs. De ce point de vue, la révocation unilatérale serait également une manifestation de la souveraineté de l’État sortant, qui choisit d’annuler sa décision initiale.

95.      Je pense donc que le caractère unilatéral de la première phase s’étend également à la deuxième phase de la procédure de l’article 50 TUE, c’est-à-dire à la phase de négociation, qui commence par la notification au Conseil européen de l’intention de se retirer et atteint son point culminant à l’issue d’un délai de deux ans, sauf prorogation par décision unanime du Conseil européen. Il est toutefois certain que, lors de cette deuxième phase, l’unilatéralisme est contrebalancé par l’action des institutions de l’Union, sur laquelle je reviendrai ci-dessous.

96.      Je pense que les raisons suivantes, en faveur de la reconnaissance de la révocabilité des notifications de retrait, peuvent être avancées avec plus de force que les raisons contraires (bien que celles-ci ne manquent pas de poids, je le reconnais).

97.      En premier lieu, l’article 50 TUE n’impose que très peu d’obligations de fond et de procédure à un État membre qui décide de se retirer :

–        il doit notifier son intention au Conseil européen (par écrit, considère-t-on, bien que cela ne soit pas précisé), mais il n’est pas tenu de justifier cette intention ni d’indiquer les raisons qui l’amènent à quitter l’Union ;

–        il doit attendre deux ans à compter de la notification, délai à l’issue duquel il pourra quitter l’Union sans autres formalités (69), puisque la conclusion d’un accord n’est pas une condition de la réalisation du retrait (70).

98.      Ces caractéristiques de la phase de négociation constituent le premier indice que, pendant ce délai de deux ans, l’État qui a notifié son intention de se retirer conserve en quelque sorte la maîtrise de la volonté qu’il a exprimée au moyen de cette notification. Comme dans d’autres domaines du droit, en l’absence d’interdiction expresse ou de règle prévoyant d’autres modalités, une personne qui, de façon unilatérale, fait une déclaration de volonté qu’elle adresse à une autre personne peut la rétracter jusqu’au moment où l’acceptation du destinataire, traduite dans un acte ou par la conclusion d’un contrat, lui fait produire ses effets.

99.      En deuxième lieu, l’article 50, paragraphe 2, TUE dispose que « [l]’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen », ce qui déclenche la deuxième phase de la procédure. Cette disposition parle de la notification de l’« intention » de se retirer et non du retrait lui-même, puisque ce dernier peut uniquement se produire après l’accord ou, en l’absence de celui-ci, à l’expiration du délai de deux ans.

100. Les intentions ne sont pas définitives et peuvent varier. Quiconque notifie son intention à un tiers peut créer chez celui-ci une attente, mais n’a pas d’obligation de maintenir celle-ci de façon irrévocable. Pour produire un tel effet, la communication de cette intention devra s’accompagner d’une référence explicite à ce caractère irrévocable.

101. Il est vrai que cet argument, de nature plutôt textuelle, n’a pas la force qu’il a à première vue, puisque l’article 50, paragraphe 2, TUE utilise également le mot décision (l’« État membre qui décide de se retirer notifie son intention »), comme le paragraphe 1 (« Tout État membre peut décider »). Toutefois, le paragraphe 2 aurait pu utiliser la formule « notifie cette décision » (ou une formule analogue) au lieu de « notifie son intention ». Il faut trouver un sens à cette dernière expression, qui n’est certainement pas le fruit du hasard.

102. Il est donc permis de penser que l’emploi du mot « intention » et du verbe au présent (« décide » et non « qui a décidé ») à l’article 50, paragraphe 2, TUE autorise l’État à « se rétracter » au cours de la procédure et à ne pas donner effet à son intention initiale de retrait, toujours dans le respect de ses règles constitutionnelles (71).

103. En troisième lieu, il existe une relation de dépendance entre la première et la deuxième phase de la procédure, qui met également en évidence la façon dont la prédominance de l’unilatéralisme dans la phase initiale marque la phase suivante. La négociation ne peut être engagée qu’après notification de l’intention de retrait, pour laquelle il est essentiel que l’État membre ait agi conformément à ses règles constitutionnelles.

104. Toutefois, la décision de retrait peut être annulée si l’autorité qui en a le pouvoir (il s’agit généralement des plus hautes juridictions de l’État considéré) déclare que cette décision n’a pas été prise conformément aux règles constitutionnelles. Dans ce contexte, j’estime qu’il ne fait guère de doute que l’État qui a notifié son intention doit également communiquer qu’il révoque unilatéralement cette notification, puisque sa décision initiale ne remplissait pas la condition indispensable.

105. Bien que la situation ne soit pas exactement la même que celle décrite au point précédent, si, à la suite d’une action menée en application de ses règles constitutionnelles (par exemple, un référendum, un vote significatif au Parlement, la tenue d’élections générales aboutissant à un renversement de majorité, entre autres hypothèses), la décision initiale de l’État membre est renversée et que disparaît par la suite la base juridique constitutionnelle sur laquelle elle était fondée, je crois également logique que cet État puisse et doive, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, TUE, notifier ce changement au Conseil européen.

106. Dans les deux cas de figure, la première phase de la procédure se trouve privée de fondement, soit que la décision initiale ait été adoptée illégalement, soit que l’application des mécanismes constitutionnels internes l’ait invalidée ou rendue inefficace (72). Logiquement, la deuxième étape de la procédure doit également être affectée, puisque la prémisse sur laquelle elle repose est tombée. Comme il n’y a plus de base constitutionnelle pour le retrait, l’État doit informer le Conseil européen qu’il révoque ainsi la notification antérieure de son intention de se retirer (73).

107. La pratique internationale exposée ci-dessus (74) confirme cette conclusion. Les précédents que j’ai cités indiquent clairement qu’une notification de retrait d’un traité international est révocable, lorsqu’une violation des règles constitutionnelles de l’État est mise en évidence ou que se produit un changement politique entraînant une modification dans la volonté de l’État sortant et que celui‑ci choisit de rester lié par ce traité.

108. Ces précédents suivent la ligne de l’article 68 de la CVDT, qui, comme on l’a déjà vu, admet la révocabilité des notifications de retrait jusqu’à ce que ledit retrait devienne effectif. Que cet article soit ou non l’expression d’une règle coutumière de droit international, la vérité est que la CVDT a inspiré l’article 50 TUE, et je ne vois aucune raison de ne pas appliquer, par analogie, la même règle dans le cadre de la procédure de retrait de l’Union.

109. Insister pour négocier l’accord de retrait des traités constitutifs de l’Union avec un État membre qui ne souhaite plus la quitter, après avoir mis en œuvre ses mécanismes constitutionnels pour renverser la décision initiale, me paraît d’ailleurs être un résultat contraire au bon sens, auquel ne devrait pas conduire une interprétation systématique de l’article 50 TUE.

110. D’un autre point de vue, si ces mécanismes incluent la décision d’un parlement national, qui contribue ainsi à établir les caractéristiques de sa propre « identité nationale, inhérente [aux] structures fondamentales politiques et constitutionnelles », en la liant à son appartenance à l’Union, les principes de l’article 4 TUE devraient favoriser l’acceptation de cette nouvelle décision, comme une marque du « respect » auquel se réfère le paragraphe 2 dudit article.

111. En quatrième lieu, je suis d’accord avec les observations de Wightman e.a. selon lesquelles le fait de refuser la révocabilité des notifications d’intention de retrait, lorsque l’État membre a modifié sa volonté conformément à ses règles constitutionnelles et souhaite rester dans l’Union, emporterait de facto la sortie forcée dudit État de cette organisation internationale.

112. En effet, un tel refus équivaudrait de fait à une expulsion indirecte de l’Union, alors que rien dans l’article 50 TUE ne permet de penser que la procédure de retrait pourrait devenir un moyen d’expulsion d’un État membre. Au surplus, lors de la Convention sur l’avenir de l’Europe, un amendement a été rejeté qui proposait de compléter le droit de retrait volontaire des États membres par un droit d’expulser de l’Union les États membres violant de façon continue les valeurs de celle-ci (75).

113. En cinquième lieu, la révocabilité de la notification de l’intention de retrait ne saurait être rejetée au motif qu’un État membre souhaitant rester dans l’Union a la possibilité (article 50, paragraphe 5, TUE) de demander à adhérer à nouveau à l’Union en suivant la procédure visée à l’article 49 TUE.

114. Selon moi, il n’y a rien dans l’article 50 TUE qui en fasse une procédure à sens unique sans retour (one way street with no exits), en vertu de laquelle la seule possibilité dont disposerait un État membre après qu’il a notifié son intention de se retirer puis reconsidéré sa décision, serait d’attendre deux ans pour quitter l’Union avant de demander immédiatement son adhésion (76). Il me semble également contraire à l’objectif de l’article 50 de négocier la future nouvelle adhésion au cours de la deuxième phase de la procédure, dans la limite des deux ans, une fois que la volonté de l’État membre a changé et qu’il ne souhaite plus quitter l’Union européenne. L’interprétation systématique de l’article 50 TUE ne saurait donner lieu à des situations aussi illogiques (voire incohérentes) que celles‑ci, qui n’auraient d’autre justification que le simple fait de considérer que la révocation unilatérale de la notification de l’intention de se retirer n’est pas possible.

115. En sixième lieu, la phase de négociation ouverte par la notification de l’intention de se retirer ne modifie pas le statut de l’État notifiant en tant qu’État membre de l’Union à tous égards. C’est ce qu’a confirmé la Cour dans son arrêt RO, dans lequel elle a jugé que la notification « n’a pas pour effet de suspendre l’application du droit de l’Union dans l’État membre ayant notifié son intention de se retirer de l’Union et que, par conséquent, ce droit […] reste pleinement en vigueur dans cet État jusqu’à son retrait effectif de l’Union » (77).

116. L’État membre qui a activé l’article 50 TUE pour se retirer de l’Union peut donc le désactiver s’il change de volonté, conformément à ses règles constitutionnelles, puisque l’article 50, paragraphe 1, TUE, interprété ici a contrario, reste applicable à cet État. La notification de l’intention de se retirer ouvre une période de négociation de deux ans, mais ne prive pas l’État notifiant de son statut d’État membre et de tous les droits inhérents à ce statut, à l’exception de la restriction frappant sa participation aux délibérations et aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui concernent son propre retrait (article 50, paragraphe 4, TUE).

117. Je crois que les arguments que je viens d’avancer au cours de cette analyse de l’article 50 TUE ont plus de poids que les arguments en sens contraire que soutiennent dans leurs observations écrites la Commission et le Conseil, à l’instar d’une partie de la doctrine (78).

118. Si j’ai bien compris le raisonnement de la Commission et du Conseil, qui, en substance, se recoupent, les deux institutions soutiennent une interprétation de l’article 50 TUE qui attribue des caractéristiques radicalement différentes à la phase initiale et aux phases intermédiaire et finale de la procédure de retrait.

119. À leur avis, la phase initiale est totalement unilatérale et sous le contrôle de l’État membre. À l’inverse, la phase intermédiaire (la négociation) serait de nature bilatérale ou multilatérale, de telle sorte que primeraient les compétences des institutions de l’Union. Dès le déclenchement de cette deuxième phase, l’État membre notifiant perdrait le contrôle de la procédure, avec pour conséquence qu’il n’aurait pas la possibilité de révoquer unilatéralement sa notification de retrait. Une telle révocation ne serait possible que par consensus, par décision unanime du Conseil européen.

120. Je ne partage pas cette interprétation.

121. Il est vrai que les institutions jouent un rôle important dans la deuxième phase de négociation de la procédure de retrait :

–        le Conseil européen reçoit la notification de l’intention de retrait que lui transmet l’État membre sortant ;

–        les institutions de l’Union sont habilitées à négocier l’accord de retrait avec l’État membre sortant, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union ;

–        la procédure comprend la négociation, menée conformément à l’article 218, paragraphe 3, TFUE, et la conclusion (éventuelle) de l’accord au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. La possibilité de proroger la période de négociation de deux ans appartient au Conseil européen, en accord avec l’État membre sortant.

122. Toutefois, ces pouvoirs des institutions de l’Union, qui confèrent un caractère multilatéral à la procédure de retrait, n’éliminent pas complètement l’unilatéralisme dans cette deuxième phase, puisque, d’une part, celle-ci se fonde sur le présupposé de la notification de la décision (ou, plus exactement, de l’intention) de se retirer, laquelle incombe à l’État membre et dont l’invalidité ou la rétractation unilatérale prive de base les étapes suivantes. D’autre part, cet État n’est pas obligé de parvenir à un accord pour se retirer de l’Union et il lui suffirait de laisser passer la période de négociation obligatoire de deux ans pour consommer son retrait, ce qui renforce également la composante unilatérale à ce stade de la procédure.

123. Le délai (maximum, sauf prorogation) de deux ans pour négocier les conditions du retrait est d’usage dans les clauses figurant dans d’autres traités internationaux (79). On ne saurait conclure de l’existence d’un tel délai qu’il serait impossible de révoquer unilatéralement la notification de l’intention de se retirer. Au surplus, ce délai sert non seulement à préparer le retrait, mais tient aussi lieu de « délai de réflexion », afin que l’État membre sortant puisse, si nécessaire, reconsidérer son intention initiale et changer d’approche (80).

124. Le fait que le Conseil européen ait le pouvoir de proroger cette période ne signifie pas non plus que cette prorogation échappe au contrôle de l’État auteur de la notification et l’oblige, inexorablement, à se retirer de l’Union, même s’il a changé d’avis. La prorogation de la période de deux ans, prévue à l’article 50, paragraphe 3, TUE, est décidée par le Conseil européen à l’unanimité, mais « en accord avec l’État membre concerné ». En d’autres termes, le Conseil européen ne peut pas imposer la prorogation à l’État membre, qui a le pouvoir tant de rendre effectif son retrait de l’Union à l’expiration du délai que de révoquer sa notification avant la conclusion de l’accord de retrait.

125. Le Conseil fait également valoir, à titre d’argument contre la révocabilité unilatérale, que la notification de l’intention de retrait commence à produire certains effets juridiques dès le début de la deuxième phase de la procédure et au cours de celle-ci (81). J’estime toutefois que les actes juridiques adoptés par l’Union au cours de la phase de négociation ne sont pas, à proprement parler, des effets produits par la notification du retrait, mais des mesures inhérentes à la négociation (c’est le cas de l’absence du Royaume-Uni dans les formations du Conseil européen et du Conseil qui délibèrent sur le processus de négociation ou des directives destinées à orienter ce processus) ou des accords conclus en vue du retrait futur (le transfert du siège de certaines agences, afin de garantir leur continuité sans interruption) (82).

126. Ces actes de l’Union, de nature formelle pour la plupart, sont, je le répète, liés au processus de négociation (83) et leur existence ne justifie pas de refuser la possibilité de révoquer la notification de l’intention de se retirer. Les actes connexes, tels que ceux relatifs à la délocalisation des agences de l’Union, ne seraient pas affectés par cette révocation, et seuls les coûts économiques éventuels qu’ils ont occasionnés pourraient être sources de litiges.

127. En effet, l’élaboration et la mise en œuvre des actes formels liés aux négociations de retrait du Royaume-Uni et des actes connexes ont généré un coût économique pour l’Union, de même que la formation d’une équipe de négociation se consacrant exclusivement au Brexit. Le Conseil fait valoir que l’Union devrait supporter ces coûts en cas de révocation unilatérale, ce qu’il considère comme un argument plaidant à l’encontre d’une telle éventualité.

128. Je ne pense pas que ce raisonnement soit convaincant. La question de savoir qui supporte les coûts (à titre de « dommages collatéraux ») n’a pas comme seule solution celle que paraît avancer le Conseil. Les négociations liées à la conclusion ou au retrait d’un traité international entraînent pour les États parties des coûts que ceux-ci doivent supporter et cette règle ne devrait pas subir de modification du fait de la révocation unilatérale d’une notification de retrait. Tout bien considéré, je ne pense pas me tromper en affirmant que les coûts économiques (pour l’Union et ses citoyens) qu’emporte le retrait d’un État membre seraient beaucoup plus élevés que les coûts (minimes) de la révocation.

2.      Interprétation téléologique de l’article 50 TUE

129. L’article 1er, deuxième alinéa, TUE dispose que « [l]e présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe ».

130. Comme je l’ai déjà dit, l’Union est tenue, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, TUE, de respecter l’identité nationale des États membres, « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles ». Le troisième alinéa du préambule de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne rappelle que l’Union doit, dans son action, respecter l’identité nationale des États membres.

131. L’article 50, paragraphe 1, TUE constitue en effet un exemple pertinent de respect de l’identité nationale des États, auxquels il reconnaît le droit de se retirer de l’Union conformément à leurs règles constitutionnelles. De même qu’un État membre peut, à un moment donné, considérer que son identité nationale est incompatible avec son appartenance à l’Union, rien ne l’empêche de lier cette même identité (qui ne doit pas s’entendre comme une notion immuable et pétrifiée) à son intégration dans l’Union.

132. J’ai expliqué ci-dessus la façon dont le principe du respect de l’identité constitutionnelle des États renforce l’interprétation systématique de l’article 50 TUE que je préconise. On parvient au même résultat en adoptant un point de vue téléologique. La lecture de l’article 50 TUE en faveur de la révocation de l’intention de se retirer me paraît plus en accord avec la conception qui est inhérente à cette disposition, puisqu’elle permet de tenir compte d’une modification de la volonté souveraine de l’État membre, adoptée conformément à ses règles constitutionnelles (84), afin d’arrêter un processus de retrait de l’Union sur lequel cet État a décidé de revenir.

133. L’objectif consistant à réaliser « une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe » plaide également en faveur de l’interprétation de l’article 50 TUE selon laquelle la notification de l’intention de se retirer peut être révoquée. Cet objectif favorise une interprétation des règles du droit de l’Union qui tend à renforcer l’Union elle-même et non à la dissoudre. Ne pas faire obstacle au maintien dans l’Union d’un État membre qui a choisi de la quitter, mais qui, ensuite, conformément à ses règles constitutionnelles, change d’avis et souhaite en rester membre me semble donc constituer un critère herméneutique particulièrement approprié.

134. Au contraire, le retrait d’un État membre est toujours un échec au regard de l’objectif d’intégration. En présence d’arguments de même poids des deux côtés de la balance, le principe du favor societatis (en faveur de la société) a été considéré comme un élément d’appréciation essentiel pour dégager la solution la plus conforme au maintien, et non pas à la désintégration (partielle), de tout phénomène associatif ayant vu se tisser des liens très profonds.

135. Cette interprétation est d’ailleurs la plus favorable à la protection des droits acquis des citoyens de l’Union, que le retrait d’un État membre aurait inévitablement pour effet de restreindre. En stoppant la sortie de l’Union de l’État membre notifiant, la révocabilité de la notification de retrait donne aux citoyens de cet État et à ceux d’autres États membres la garantie de continuer à jouir des droits de citoyenneté, réglementés par le traité FUE et la charte des droits fondamentaux.

136. À l’inverse, l’irrévocabilité de la notification, alors que l’État membre a décidé de revenir sur ses pas, déboucherait sur la sortie forcée dudit État, qui se traduirait par la diminution ou la disparition de ces droits de citoyenneté pour les ressortissants de l’État sortant qui résident dans l’Union et pour les ressortissants des autres États membres qui résident dans l’État sortant.

137. En résumé, l’interprétation de l’article 50 TUE que je propose (révocabilité unilatérale de la notification de l’intention de se retirer) est celle qui concilie le mieux le respect de l’identité constitutionnelle des États membres avec l’objectif de développer le processus d’intégration (85), tout en favorisant la protection des droits des citoyens de l’Union.

3.      Interprétation historique de l’article 50 TUE

138. L’article 50 TUE est la reprise d’une disposition qui l’a précédé et qui figurait à l’article I-60 du traité, mort-né, établissant une Constitution pour l’Europe, dont les travaux préparatoires (86) ont été menés dans le cadre de la Convention sur l’avenir de l’Europe.

139. J’estime que ces travaux préparatoires corroborent le caractère unilatéral de l’articulation du droit de retrait et confortent l’interprétation de l’article 50 TUE que je préconise. En effet, les commentaires relatifs à l’article 46 du projet du Praesidium de la Convention (87) confirment la prédominance de l’unilatéralisme dans la procédure de retrait, y compris durant la phase de négociation, puisqu’on y lit que la conclusion d’un accord (généralement désigné sous le terme d’accord de divorce) ne devrait pas constituer une condition pour le retrait, afin de ne pas vider de son sens le concept de retrait volontaire.

140. Un certain nombre d’amendements avaient également été soumis à la Convention sur l’avenir de l’Europe, qui visaient à soumettre la décision de retrait à des conditions de fond ou à la subordonner à la conclusion d’un accord entre l’État sortant et l’Union (88). Tous ces amendements ont été rejetés, ce qui souligne la pertinence de l’unilatéralisme dans la procédure de l’article 50 TUE.

141. Les analyses littérale, contextuelle, téléologique et historique que j’ai faites ci-dessus de l’article 50 TUE m’amènent à conclure que cette disposition autorise, jusqu’à la date de conclusion de l’accord de retrait, la révocation unilatérale de la notification par un État membre de son intention de se retirer.

4.      Conditions et limites applicables à la révocation unilatérale de la notification de retrait

142. Une fois admise la possibilité d’une révocation unilatérale, dans le cadre de l’article 50 TUE, de la notification de l’intention de se retirer, il reste encore à déterminer si cette révocation est soumise à certaines conditions et limites, comme je le pense.

143. La première condition concerne la forme. Tout comme la notification de l’intention de se retirer, la révocation du retrait doit être effectuée au moyen d’un acte formel de l’État membre adressé au Conseil européen (article 50, paragraphe 2, TUE). La révocation, comme la notification du retrait, est un acte formel relatif à la vie d’un traité et il doit exister un parallèle procédural entre les deux (89).

144. La deuxième condition consiste dans le respect des règles constitutionnelles internes. Les exigences du droit constitutionnel de l’État membre auxquelles est soumise l’adoption de la décision de retrait, qui est ensuite notifiée au Conseil européen (article 50, paragraphe 1, TUE), devraient également être respectées lorsque l’État membre choisit de révoquer cette notification.

145. Bien qu’il s’agisse plutôt d’un problème dont la solution relève de la compétence de chaque État, si les règles constitutionnelles internes font de l’autorisation parlementaire, par exemple, une condition préalable de la notification de l’intention de se retirer de l’Union (c’est le cas au Royaume-Uni selon l’arrêt Miller) (90), il me paraît logique que le retrait de cette notification soit également subordonné à la même approbation parlementaire. On évite ainsi que l’État membre ne notifie des révocations déloyales ou des révocations ambiguës et peu claires (91), qui n’établissent pas clairement la position de l’État membre.

146. Quant à la nécessité de justifier la révocation de la notification de retrait, dès lors que l’article 50 TUE ne l’impose pas pour communiquer l’intention initiale, elle n’apparaît guère plus indispensable pour la révoquer. Il n’en serait pas moins raisonnable que l’État explique aux autres États membres de l’Union les raisons de son changement d’approche, qui requiert une explication en ce qu’il est contraire à ses actes antérieurs.

147. On peut déduire de l’article 50, paragraphe 3, TUE l’existence d’un délai pour la révocation de la notification de l’intention de se retirer : elle ne sera possible que dans le délai de négociation de deux ans qui s’ouvre avec la notification au Conseil européen de l’intention de se retirer. Logiquement, une fois conclu l’accord de retrait, qui suppose l’approbation des deux parties, la révocation de la notification devient impossible, puisque celle-ci a alors effectivement déjà produit tous ses effets.

148. Une autre limite à l’exercice du droit de révocation unilatérale est celle qui découle des principes de bonne foi et de coopération loyale (article 4, paragraphe 3, TUE) (92).

149. La Commission et le Conseil ont précisément souligné que le fait d’autoriser la révocation unilatérale pourrait conduire à un abus de la procédure prévue à l’article 50 TUE. À leur avis, la révocabilité permettrait à l’État membre de négocier son accord de retrait en bénéficiant d’une position avantageuse à l’égard des institutions de l’Union et des autres États membres, puisque celui-ci pourrait révoquer sa notification et arrêter les négociations si elles ne lui sont pas favorables.

150. En outre, selon la Commission et le Conseil, l’État membre pourrait réintroduire la notification de son intention de se retirer, ce qui ouvrirait une nouvelle période de négociation de deux ans. Pour le Conseil, l’État membre prolongerait ainsi la période de négociation en contournant l’article 50, paragraphe 3, TUE, qui donne au Conseil européen le pouvoir de décider, à l’unanimité, de proroger cette période. La possibilité de révocations tactiques irait, selon la Commission, à l’encontre de la logique de la procédure prévue à l’article 50 TUE.

151. Ces arguments (en particulier le second) sont, en réalité, les plus importants qui puissent être invoqués à l’appui de la thèse de l’impossibilité d’une révocation unilatérale. Je ne les estime toutefois pas à ce point décisifs.

152. En premier lieu, la possibilité d’abuser d’un droit ou de le détourner ne constitue pas, de façon générale, un motif pour nier l’existence dudit droit. Ce qu’il convient de faire, c’est de lutter contre les abus en utilisant les instruments juridiques appropriés.

153. En deuxième lieu, l’antidote contre l’abus du droit de révocation réside dans le principe général d’interdiction des pratiques abusives, consacré par la Cour, dont il ressort que les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union et que l’application de la réglementation de l’Union ne saurait être étendue jusqu’à couvrir les pratiques abusives d’opérateurs économiques (93). Ce principe général pourrait s’appliquer dans le cadre de l’article 50 TUE, si un État membre se livrait à une pratique abusive en recourant à des notifications et révocations successives afin d’améliorer les conditions de son retrait de l’Union.

154. En ce qui concerne les révocations tactiques, qu’évoquent la Commission et le Conseil, deux raisons m’amènent à ne pas leur attacher l’importance que ces institutions leur accordent.

155. La première est que, dans la question préjudicielle dont la Cour est aujourd’hui saisie, et qui est la seule à laquelle elle doive répondre, il n’y a rien qui suggère un détournement de la faculté de révoquer la décision initiale (au sens d’un détournement de pouvoir, comme motif de nullité d’un acte adopté par l’autorité publique, que vise l’article 263 TFUE). Qui plus est, l’éventuel abus ne pourrait survenir qu’avec la présentation d’une seconde notification de l’intention de se retirer, mais non avec la révocation unilatérale de la première.

156. L’autre raison est qu’il me paraît extrêmement difficile que les retraits tactiques puissent se multiplier en pratique, en dévalorisant une possibilité qui emporte sans aucun doute de graves conséquences. La révocation est une décision que l’État membre sortant a dû prendre conformément à ses règles constitutionnelles. Puisqu’il s’agit de renverser une décision constitutionnelle antérieure, le changement nécessitera une modification de la majorité gouvernementale, la convocation d’un référendum, une déclaration de la plus haute juridiction du pays annulant la décision de retrait, ou toute autre action dont la mise en œuvre sera difficile et exigera de longues et complexes procédures juridiques. L’obligation de décider la révocation conformément à ses règles constitutionnelles est donc un filtre dissuasif pour éviter que la procédure de retrait de l’article 50 TUE ne fasse l’objet de pratiques abusives au moyen de telles révocations tactiques.

C.      Révocation consensuelle de la notification de l’intention de se retirer en vertu de l’article 50 TUE

157. La juridiction de renvoi ne demande à la Cour d’interpréter l’article 50 TUE que pour déterminer si cette disposition autorise une révocation unilatérale de la notification de l’intention de se retirer. Elle ne demande donc pas que la Cour statue sur la compatibilité avec cet article d’une révocation consensuelle (94).

158. Toutefois, après avoir nié, dans leurs observations écrites, que l’article 50 TUE permette une révocation unilatérale, la Commission et le Conseil ont évoqué la possibilité que cette disposition ouvre la voie à une révocation à l’unanimité par le Conseil européen.

159. Si la Cour admet la révocation unilatérale, il n’y aura pas lieu de répondre aux arguments de la Commission et du Conseil. Je les analyserai cependant par souci d’exhaustivité.

160. Pour la Commission, si un État membre entend révoquer la notification de son intention de se retirer et souhaite rester dans l’Union, il conviendra de trouver un moyen d’accueillir sa demande, étant donné que la révocation unilatérale n’est pas admissible.

161. Comme l’article 50 TUE ne spécifie aucune voie en ce sens, la Commission et le Conseil proposent de considérer comme possible la révocation décidée à l’unanimité par le Conseil européen. Étant donné que l’article 50, paragraphes 3 et 4, TUE confère au Conseil européen, statuant à l’unanimité et sans la participation de l’État sortant, le pouvoir de proroger la phase de négociation, la révocation de la notification de l’intention de se retirer devrait également être approuvée à l’unanimité par le Conseil européen.

162. La Commission ajoute qu’il convient de reconnaître ce pouvoir au Conseil européen au motif qu’il ne serait pas possible d’exiger l’acceptation par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles, compte tenu de la nécessité de se prononcer rapidement sur l’admission de la révocation. Lorsque le retrait a eu lieu et que l’État souhaite revenir dans l’Union, l’article 50, paragraphe 5, TUE place la réincorporation entre les mains des États membres, par la voie de la procédure d’adhésion prévue à l’article 49 TUE.

163. Je considère que l’article 50 TUE autorise une révocation par accord mutuel entre l’État sortant qui modifie son approche et les institutions de l’Union qui négocient avec lui son retrait. Dès lors qu’on admet le plus (révocation unilatérale), il doit en aller de même du moins (révocation consensuelle). Cette révocation consensuelle est également conforme au principe qui sous-tend l’article 54 de la CVDT, selon lequel le retrait d’un traité peut avoir lieu « à tout moment, par consentement de toutes les parties, après consultation des autres parties contractantes ».

164. La possibilité d’une telle révocation consensuelle ne se ferait donc pas au détriment du droit de révocation unilatérale de la notification de l’intention de se retirer, que l’État membre sortant conserve toujours en vertu de l’article 50 TUE.

165. Ce que je n’estime toutefois pas compatible avec l’article 50 TUE, c’est de retenir comme seule possibilité la révocation de la notification de l’intention de se retirer par la voie d’une décision unanime du Conseil européen (selon le format « article 50 » TUE), ainsi que semblent le proposer la Commission et le Conseil, à l’exclusion de la révocation unilatérale.

166. La révocation par voie de décision unanime du Conseil européen devrait, pour être consensuelle, être demandée par l’État membre sortant, de sorte que, si celui-ci n’était pas d’accord, le Conseil européen ne puisse pas le lui imposer, pas même par voie de décision unanime.

167. L’article 50, paragraphe 3, TUE n’autorise pas la prorogation de la deuxième phase des négociations, « sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai ». Par analogie, j’estime que la demande de l’État sortant s’imposerait, en tant que condition sine qua non pour que le Conseil européen accepte à l’unanimité la révocation de sa notification.

168. Cette garantie assure le caractère unilatéral de la révocation de la décision de retrait. Si l’acceptation de la révocation de la notification de l’intention de se retirer dépendait uniquement d’un vote au Conseil européen (dans le format article 50 TUE) et à l’unanimité, le droit de se retirer de l’Union (et, inversement, d’y rester) échapperait au contrôle de l’État membre, à sa souveraineté et à ses règles constitutionnelles, en restant aux mains du Conseil européen.

169. Accepter que le Conseil européen ait, à l’unanimité, le dernier mot sur la révocation de la notification de l’intention de se retirer augmente le risque que l’État membre quitte l’Union contre sa volonté. Il suffirait que l’un des 27 États membres restants empêche la décision unanime du Conseil européen (dans le format article 50 TUE) pour faire échec à la volonté de l’État qui a communiqué son souhait de rester dans l’Union. Un tel État quitterait l’Union (en en étant expulsé) dans les deux ans suivant la notification de son intention de se retirer, en dépit de sa volonté de rester dans cette organisation internationale.

VI.    Conclusion

170. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante à la question préjudicielle posée par la Court of Session, Inner House (Scotland) [cour de session siégeant en appel (Écosse), Royaume-Uni] :

Lorsqu’un État membre a notifié au Conseil européen son intention de se retirer de l’Union européenne, l’article 50 TUE autorise la révocation unilatérale de cette notification jusqu’à la date de conclusion de l’accord de retrait, dès lors que cet État a décidé la révocation conformément à ses règles constitutionnelles, que celle-ci fait l’objet d’une communication formelle au Conseil européen et qu’elle n’emporte pas de pratique abusive.


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Prime Minister’s letter to Donald Tusk triggering Article 50, 29-3-2017. Texte complet à la page suivante : http://data.consilium.europa.eu/doc/document/XT‑20001-2017-INIT/en/pdf.


3      Collection des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331.


4      Loi sur l’Union européenne de 2018 (retrait).


5      R (Miller) v Secretary of State for Exiting the European Union [2017] UKSC 5.


6      R (Miller) v Secretary of State for Exiting the European Union [2017] UKSC 5, point 26. Lord Neuberger stated : « In these proceedings, it is common ground that notice under article 50(2) (which we shall call “Notice”) cannot be given in qualified or conditional terms and that, once given, it cannot be withdrawn. Especially as it is the Secretary of State’s case that, even if this common ground is mistaken, it would make no difference to the outcome of these proceedings, we are content to proceed on the basis that that is correct, without expressing any view of our own on either point » [Dans cette procédure, il n’est pas contesté que la notification au titre de l’article 50, paragraphe 2 (ci-après la « notification ») ne saurait être donnée en étant assortie de réserves ou de conditions, et que, une fois donnée, elle ne peut être révoquée. En particulier, comme le relève le ministre, quand même ce consensus serait inexact, cela ne ferait aucune différence quant à l’issue de cette procédure ; nous entendons poursuivre en considérant que cette analyse est correcte, sans nous nous prononcer personnellement sur l’un ou l’autre point.]


7      European Union (Notification of Withdrawal) Act 2017, c.9, section 1.


8      Document EUCO XT 20004/17, du 29 avril 2017, Orientations à la suite de la notification faite par le Royaume-Uni au titre de l’article 50 TUE (http://data.consilium.europa.eu/doc/document/XT‑20004-2017-INIT/fr/pdf).


9      Décision (UE, Euratom) XT 21016/17 du Conseil de l’Union européenne, du 22 mai 2017, complétant la décision du Conseil du 22 mai 2017 autorisant l’ouverture de négociations avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue d’un accord fixant les modalités du retrait de celui-ci de l’Union européenne (http://data.consilium.europa.eu/doc/document/XT‑21004-2018-INIT/fr/pdf). Un groupe de citoyens britanniques domiciliés dans différents États de l’Union a formé un recours en annulation contre cette décision, que le Tribunal a jugé irrecevable dans l’arrêt du 26 novembre 2018, Shindler y otros/Consejo (T‑458/17, EU:T:2018:838).


10      Agreement on the withdrawal of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland from the European Union and the European Atomic Energy Community. Le texte doit être soumis à une révision juridique et est uniquement disponible dans sa version anglaise à l’adresse suivante : https://www.consilium.europa.eu/media/37099/draft_withdrawal_agreement_incl_art132.pdf.


11      Political declaration setting out the framework for the future relationship between the European Union and the United Kingdom [Projet de déclaration politique fixant le cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni]. Texte uniquement disponible en anglais à l’adresse suivante : https://www.consilium.europa.eu/media/37100/20181121-cover-political-declaration.pdf.


12      [2018] CSOH 8, https://www.scotcourts.gov.uk/docs/default-source/cos-general-docs/pdf-docs-for-opinions/2018csoh8.pdf?sfvrsn=0.


13      [2018] CSIH18, https://www.scotcourts.gov.uk/docs/default-source/cos-general-docs/pdf-docs-for-opinions/2018csih18.pdf?sfvrsn=0.


14      https://www.scotcourts.gov.uk/docs/default-source/cos-general-docs/pdf-docs-for-opinions/2018csoh61.pdf?sfvrsn=0.


15      Pour une analyse critique de cette décision, voir Taylor, R., et Wilson, A., « Brexit, the revocation of article 50, and the path not taken : Wightman and Others for Judicial Review against the Secretary of State for Exiting the European Union », Edinburgh Law Review, 2018, vol. 22, p. 417 à 422.


16      À cette décision s’ajoutent les avis des magistrats qui composent la chambre [2018] CSIH 62 http://www.bailii.org/scot/cases/ScotCS/2018/[2018]_CSIH_62.html.


17      Le 19 octobre 2018, la partie défenderesse [Secretary of State for Exiting the European Union (ministre chargé de la sortie de l’Union européenne)] a déposé devant la juridiction de renvoi une demande (permission to appeal) visant à contester la demande préjudicielle devant la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni). Cette demande a été rejetée le 8 novembre 2018 par la Court of Session, Inner House, First Division (Scotland) [cour de session siégeant en appel, première chambre (Écosse)] et le 20 novembre 2018 par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni).


18      Ordonnance du président de la Cour du 19 octobre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, non publiée, EU:C:2018:851, points 9 et 11).


19      Arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, points 24 et 25) ; du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324, points 15 et 16) ; du 5 juillet 2016, Ognyanov (C‑614/14, EU:C:2016:514, point 19) ; du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 54) ; du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, points 50 et 155), et du 7 février 2018, American Express (C‑304/16, EU:C:2018:66, points 31 et 32).


20      En particulier, il n’appartient pas à la Cour de s’immiscer dans le débat – que reflète la décision de renvoi – relatif aux conditions auxquelles est subordonné le judicial review dans le litige au principal, sur l’appréciation des faits opérée par la juridiction de renvoi en vue de l’application des critères établis par le droit écossais. Voir, par analogie, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 26), et du 7 février 2018, American Express (C‑304/16, EU:C:2018:66, point 34).


21      On pourra trouver une description générale de la procédure de judicial review dans Harvie‑Clark, S., « Judicial Review », SPICe Briefing 16/62, Scottish Parliament, 2016.


22      Dans son arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845), la Cour a répondu aux questions préjudicielles posées dans le cadre d’un judicial review écossais, sans les juger irrecevables. L’avocat général Bot s’était également prononcé en ce sens dans ses conclusions (C‑333/14, EU:C:2015:527, points 19 à 24).


23      La Cour a déjà jugé recevables plusieurs demandes de décision préjudicielle relatives à l’interprétation ou à la validité d’actes de droit dérivé et présentées dans le cadre de recours relatifs au contrôle de légalité (judicial review), en particulier dans les affaires qui ont donné lieu aux arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (C‑491/01, EU:C:2002:741) ; du 3 juin 2008, Intertanko e.a. (C‑308/06, EU:C:2008:312) ; du 8 juillet 2010, Afton Chemical (C‑343/09, EU:C:2010:419) ; du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324) ; du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C‑547/14, EU:C:2016:325), et du 7 février 2018, American Express (C‑304/16, EU:C:2018:66).


24      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la justification d’une demande de décision préjudicielle est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige portant sur le droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 24 avril 2012, Kamberaj (C‑571/10, EU:C:2012:233, point 41) ; du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 42) ; du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 29), et du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige et Watson e.a. (C‑203/15 et C‑698/15, EU:C:2016:970, point 130)].


25      Ordonnance du 14 mars 2013, Loreti e.a. (C‑555/12, non publiée, EU:C:2013:174, point 20) ; arrêts du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, EU:C:1981:302, point 18), et du 12 juin 2008, Gourmet Classic (C‑458/06, EU:C:2008:338, point 26).


26      Vote de Lord Drummond Young, annexé à l’ordonnance de renvoi, point 59 : « […] departure from the European Union using the mechanism in article 50 involves venturing into completely new territory. In these circumstances, ascertaining the legal principles that apply to the use of article 50 and its consequences are a matter of great practical importance ; to suggest otherwise appears to me to be manifestly absurd. The present situation should be contrasted with the position before article 50 was invoked, when the consequences of that act and the possibility of revoking it were truly hypothetical. Furthermore, many of the consequences of the article 50 declaration will become material as soon as the two-year time limit specified in that declaration comes into effect, on 29 March 2019. After that, the possibility of revocation will plainly be hypothetical. If the rights and powers of interested parties cannot be determined before that date, the country, and its legislature and executive, will be, metaphorically, sleepwalking into the consequences. That is plainly an impractical and undesirable result. »


27      Décision de renvoi, point 10.


28      Voir points 7 et 27 du vote de Lord Carloway, annexe à la décision de renvoi.


29      Par « declarator », on entend un jugement rendu en réponse à la demande de la partie sollicitant une déclaration favorable à ses droits ou à son statut.


30      Arrêt du 7 février 2018, C‑304/16, EU:C:2018:66.


31      Conclusions dans l’affaire American Express (C‑304/16, EU:C:2017:524, points 42 à 47).


32      Parmi les auteurs favorables à la révocabilité de la notification de l’intention de se retirer, voir Craig, P, « Brexit : A Drama in Six Acts », European Law Review, 2016, vol. 41, p. 447 à 468 ; Eeckhout, P., et Frantziou, E., « Brexit and Article 50 TEU : A constitutionalist reading », Common Market Law Review, 2017, vol. 54 (3), p. 695 à 734 ; Edward, D., Jacobs, F., Lever, J., Mountfield, H., et Facenna, G., « In the matter of Article 50 of the Treaty on European Union » (« The Three Knights’ Opinion »), 2017 ; Sari, A., « Reversing a withdrawal notification under article 50 TEU : can a Member State change its mind ? », European Law Review, 2017, vol. 42, p. 451 à 473 ; Tridimas, T., « Article 50 : An Endgame without an End ? », King’s Law Journal, 2016, vol. 27, p. 297 à 313.
Parmi les auteurs favorables à l’irrévocabilité de la notification de l’intention de se retirer, voir Gatti, M., « The Article 50 Procedure for Withdrawal from the EU : A Well-Designed Secession Clause », article présenté lors de la conférence de la EU Studies Association (EUSA), Miami, 4‑6, mai 2017. Panel 3I – Brexit : Impact upon European Law and Integration, p. 10 (https://www.eustudies.org/conference/papers/download/431) ; Papageorgiou, I., « The (ir‑)revocability of the withdrawal notification under Article 50 TEU », département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles, Parlement européen, 2018 ; Ostendorf, P., « The withdrawal cannot be withdrawn : the irrevocability of a withdrawal notification under art. 50(2) TEU », European Law Review, 2017, vol. 42(5), p. 767 à 776.


33      « Celui qui a une fois consommé son option ne peut pas varier » (Digeste 33.5.2.2-3).


34      C’est là précisément le cas de l’article 50 TUE.


35      Les articles 64 à 68 de la CVDT établissent les règles de procédure auxquelles est subordonné le retrait d’une partie d’un traité multilatéral, en application des articles 54 et 56 de la CVDT.


36      Dans cette dernière hypothèse, la partie doit notifier au moins douze mois à l’avance son intention de dénoncer le traité ou de s’en retirer.


37      Voir ouvrage de référence de Helfer, R. L., « Exiting treaties », Virginia Law Review, vol. 91, novembre 2005, p. 1579 à 1648 ; Brölmann, C., Collins, R., El Droubi, S., et Wessel, R., « Exiting International Organizations. A brief introduction », version provisoire qui doit être publiée dans la International Organizations Law Review, 2018, no 2 ; et Bradley, C., et Helfer, R. L., « Treaty Exit in the United States : Insights from the United Kingdom or South Africa ? », AJIL, 2018, vol. 111, p. 428 à 433. L’Union africaine a signalé de nombreux retraits de la Cour pénale internationale : Decision on the International Criminal Court, AU Doc Assembly/AU/Dec. 622, (XXVIII), 31 janvier 2017, et Annex-Withdrawal Strategy Document à la Decision on the International Criminal Court, AU Doc Assembly/AU/Dec.672 (XXX) (29 janvier 2018).


38      Dock, M.C., « Le retrait des membres des organisations internationales de la famille des Nations unies », Annuaire français de droit international, 1994, p. 111.


39      En vertu de l’article II, paragraphe 6 [paragraphe adopté à la huitième session (1954) de la Conférence générale (8 C/Rés., p. 12)], de l’acte constitutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, adopté à Londres le 16 novembre 1945 : « Tout État membre ou membre associé de l’Organisation peut se retirer de l’Organisation après avis adressé au directeur général. Le retrait prend effet au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle l’avis a été donné. Il ne modifie en rien les obligations financières de l’État intéressé envers l’Organisation à la date à laquelle le retrait prend effet. En cas de retrait d’un membre associé, l’avis est donné en son nom par l’État membre ou l’autorité, quelle qu’elle soit, qui assume la responsabilité de ses relations internationales. »


40      http://www.unesco.org/new/en/member-states/member-states-information/.


41      Le Royaume d’Espagne a quitté la Société des Nations en 1926, mais a révoqué sa décision en 1928 et participé activement à la nouvelle période de session.


42      Papageorgiou, I., « The (ir-)revocability of the withdrawal notification under Article 50 TEU », département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles, Parlement européen, 2018, p. 9 et 10.


43      https://www.mire.gob.pa/index.php/es/noticias-mire/4755-.


44      Le texte de ce traité, qui ne comporte pas de clause expresse de retrait, peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.parlacen.int/Informaci%C3%B3nGeneral/MarcoPol%C3%ADticoyJur%C3%ADdico/TratadoConstitutivo.aspx.


45      Arrêt de la Cour suprême de justice du Panama (formation plénière) du 2 février 2012, https://vlex.com.pa/vid/accion-inconstitucionalidad-sala-pleno-375091942?_ga=2.13901559.115975578.1539971406-1717765214.1539971406.


46      http://www.parlacen.int/Actualidad/Actualidad/tabid/146/EntryId/369/Reintegro-de-Panama-al-PARLACEN.aspx.


47      Le texte du Statut de Rome a été diffusé en tant que document A/CONF.183/9, du 17 juillet 1998, amendé par les procès-verbaux des 10 novembre 1998, 12 juillet 1999, 30 novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002. Plus récemment, l’Union africaine a menacé la CPI de nombreux retraits [Decision on the International Criminal Court, AU Doc Assembly/AU/Dec. 622 (XXVIII) (31 janvier 2017) ; et Annex-Withdrawal Strategy Document à la Decision on the International Criminal Court, AU Doc Assembly/AU/Dec.672 (XXX) (29 janvier 2018)].


48      « Assembly of States Parties President welcomes Gambia’s decision not to withdraw from the Rome Statute », ICC [Press Communique], 17 février 2017, sur https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=PR1274&ln=fr.


49      La raison en était le refus d’arrêter et de mettre à la disposition de la Cour pénale internationale le président soudanais Al Bashir lorsque celui-ci a pris part au sommet de l’Union africaine qui s’est tenu en Afrique du Sud en juin 2015.


50      « Assembly of States Parties President welcomes the revocation of South Africa’s withdrawal from the Rome Statute », [Press Communique], 11 mars 2017, sur https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1285&ln=fr.


51      Le gouvernement avait notifié le retrait sans avoir préalablement obtenu l’approbation du Parlement sud-africain, ce qui, selon la Haute Cour, constituait une violation de la constitution sud-africaine, de sorte que cette juridiction a ordonné au gouvernement de révoquer cette notification. Arrêt de la High Court of South Africa (Gauteng Division, Pretoria), affaire no 83145/2016, du 22 février 2017, Democratic Alliance v. Minister of International Relations and Cooperation, 2017 (3) SA 212 (GP).


52      Le projet a été adopté par 94 voix pour, aucune contre et 8 abstentions. Voir la Vingt-huitième séance plénière (16 mai 1969), in : Nations unies, Documents officiels de la Conférence des Nations unies sur le droit des traités, Deuxième session (New York : Nations unies, 1970), p. 157.


53      Opinion contraire de Tzanakopoulos, A., « Article 68 », in : Corten, O., et Klein, P. (éds.), The Vienna Conventions on the Law of Treaties – A Commentary, vol. II, Oxford University Press, 2011, p. 1565. Krieger, H., « Article 68 », in : Dörr, O., et Schmalenbach, K. (éds.), Vienna Convention on the Law of Treaties, 2e éd., Springer, Berlin, 2018, p. 1259, adopte une position plus favorable au caractère coutumier de l’article 68.


54      Dans son arrêt du 3 février 2006, Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, C.I.J. Recueil 2006, p. 6, point 125, la Cour internationale de justice estime que les règles énoncées à l’article 66 de la CVDT ne sont pas déclaratoires de droit international coutumier. Néanmoins, dans son arrêt du 25 septembre 1997, Projet Gabčíkovo – Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), C.I.J. Recueil 1997, p. 7, point 109, cette même Cour a déclaré que, si les articles 65 et 67 de la CVDT ne codifient pas le droit coutumier, ils le reflètent du moins généralement et contiennent certains principes de procédure qui ont pour fondement l’obligation d’agir de bonne foi.


55      Arrêt du 16 juin 1998, Racke (C‑162/96, EU:C:1998:293, point 59) : « […] les prescriptions spécifiques de nature procédurale qui y sont prévues [à l’article 65 de la CVDT] ne font pas partie du droit international coutumier ». L’avocat général Jacobs s’est prononcé de façon encore plus claire dans ses conclusions dans cette même affaire (C‑162/96, EU:C:1997:582, point 96), en relevant que « [l]’article 65 de la convention de Vienne fixe les règles de procédure pertinentes mais ces règles ne semblent pas refléter précisément les règles du droit coutumier international. Il nous semble que, ainsi que l’on pouvait s’y attendre, les dispositions de la convention de Vienne concernant les règles de procédure sont plus spécifiques et plus concrètes que les règles de droit coutumier international ».


56      Sur cette question, voir les thèses contraires défendues par Sari, A, « Reversing a withdrawal notification under article 50 TEU : can a Member State change its mind ? », European Law Review, 2017, no 3, p. 466 à 469, qui incline à considérer que l’article 68 met en évidence une règle coutumière ; et par Papageorgiou, I., « The (ir-)revocability of the withdrawal notification under Article 50 TEU », département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles, 2018, Parlement européen, p. 13 à 16, selon lequel l’article 68 est une règle de développement progressif.


57      L’article 5 de la CVDT, relatif aux traités constitutifs d’organisations internationales et traités adoptés au sein d’une organisation internationale, prévoit que cette convention « s’applique à tout traité qui est l’acte constitutif d’une organisation internationale et à tout traité adopté au sein d’une organisation internationale, sous réserve de toute règle pertinente de l’organisation ».


58      Arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C‑266/16, EU:C:2018:118, point 47) : « […] l’Union est tenue, conformément à une jurisprudence constante, d’exercer ses compétences dans le respect du droit international dans son ensemble, en ce compris […] les règles et les principes du droit international général et coutumier […] (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1992, Poulsen et Diva Navigation, C‑286/90, EU:C:1992:453, point 9 ; du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 291, ainsi que du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a., C‑366/10, EU:C:2011:864, points 101 et 123). »


59      Aux termes de l’article 31, paragraphe 1, de la CVDT, « [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». L’article 32 de la CVDT prévoit, comme moyens complémentaires d’interprétation, notamment, les travaux préparatoires du traité et les circonstances dans lesquelles il a été conclu.


60      Dans son arrêt du 15 septembre 2011, Commission/Slovaquie (C‑264/09, EU:C:2011:580, point 41), la Cour a déclaré que « selon une jurisprudence constante, l’article 307, premier alinéa, CE a pour objet de préciser, conformément aux principes de droit international, tels qu’ils résultent notamment de l’article 30, paragraphe 4, sous b), de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, que l’application du traité CE n’affecte pas l’engagement par l’État membre concerné de respecter les droits des pays tiers résultant d’une convention antérieure et d’observer ses obligations correspondantes ». Voir également arrêt du 14 octobre 1980, Burgoa (812/79, EU:C:1980:231, point 8).


61      Arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 291) ; du 25 février 2010, Brita (C‑386/08, EU:C:2010:91, point 43) ; du 24 novembre 2016, SECIL (C‑464/14, EU:C:2016:896, point 94) ; du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 86), et du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C‑266/16, EU:C:2018:118, point 58). L’arrêt du 11 juillet 2018, Bosphorus Queen Shipping (C‑15/17, EU:C:2018:557, point 67) affirme que « [p]our interpréter les dispositions de la convention de Montego Bay, il y a lieu de se référer aux règles de droit international coutumier reflétées par les stipulations de l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne, qui lient les institutions de l’Union et font partie de l’ordre juridique de cette dernière […], et dont il ressort qu’un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes de celui-ci dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but de ce traité ».


62      Arrêt du 12 septembre 2017, Autriche/Allemagne (C‑648/15, EU:C:2017:664, point 39).


63      C’est ce qu’on peut lire dans les travaux préparatoires de la convention européenne, qui sont à la base de la rédaction de l’article 50 TUE. Voir le document CONV 648/03, titre X : L’appartenance à l’Union, 2 avril 2003, annexe II, p. 9, http://european-convention.europa.eu/pdf/reg/fr/03/cv00/cv00648.fr03.pdf, aux termes duquel « [c]ette disposition ne figure pas dans les traités actuels. Elle établit la procédure à suivre dans le cas où un État Membre déciderait de se retirer de l’Union européenne. La procédure prévue dans cette disposition s’inspire en partie de celle prévue dans la convention de Vienne sur le droit des traités » (mise en italique ajoutée par nos soins).


64      Pour une thèse contraire, voir Odermatt, J., « Brexit and International law : disentangling legal orders », Emory International Law Review, vol. 31, 2017, p. 1065.


65      Arrêt du 19 septembre 2018, RO (C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 46).


66      Il est de jurisprudence constante de la Cour que, en vue de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 30, et du 16 novembre 2016, Hemming e.a.,C‑316/15, EU:C:2016:879, point 27).


67      « Ubi lex voluit dixit, ubi noluit tacuit » (quand la loi a voulu quelque chose, elle l’a dit ; quand elle ne l’a pas voulu, elle s’est tue).


68      La Commission reconnaît que « le droit de se retirer de l’Union est un droit unilatéral qui appartient à chaque État membre » (observations écrites, point 17).


69      C’est la raison pour laquelle il a été soutenu que le droit de retrait fixé à l’article 50 TUE est unilatéral et inconditionnel, quoique non immédiat. Voir Closa Montero, C., « Interpreting Article 50 : exit and voice and what about loyalty ? », EUI Working Paper RSCAS 2016/71, p. 12 à 16 ; et Mariani, P., Lasciare l’Unione Europea. Riflessioni giuridiche sul recesso nei giorni di Brexit, Egea, Milan, 2018, p. 94 à 101.


70      Tout au plus le principe de coopération loyale obligerait-il l’État membre sortant à entamer des négociations pour établir les conditions de la sortie, mais en tant qu’obligation de moyen et non de résultat.


71      Edward, D., Jacobs, F., Lever, J., Mountfield, H. et Facenna, G., op. cit. note 32, p. 18 et 19.


72      En ce sens, voir Craig, P, op. cit. note 32, p. 464 ; ainsi que Eeckhout, P., et Frantziou, E., op. cit. note 32, p. 712 et 713.


73      Je ne suis pas convaincu par l’argument voulant qu’une fois que l’intention de se retirer est notifiée au Conseil européen, la procédure commence et aucun retour en arrière n’est permis, en sorte que toute modification de la décision initiale de l’État, prise conformément à ses règles constitutionnelles, est dépourvue de pertinence et ne peut stopper la mise en œuvre de la procédure de retrait, au motif qu’il est impossible de révoquer la notification (Gatti, M. , op. cit. note 32).


74      Voir points 68 à 70 des présentes conclusions.


75      Seule a été admise la possibilité d’une suspension de certains droits des États membres dans les cas prévus à l’actuel article 7 TUE. Voir http://european-convention.europa.eu/docs/Treaty/pdf/46/global46.pdf, p. 5.


76      Sir Derrick Wyatt QC a qualifié une telle éventualité d’incohérente devant le House of Lords European Committee, 11th Report of Session 2015-16, « The Process of Withdrawing from the European Union », mai 2016, point 10, disponible à l’adresse suivante : http://www.publications.parliament.uk/pa/ld201516/ldselect/ldeucom/138/138.pdf.


77      Arrêt du 19 septembre 2018, RO (C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 46).


78      Voir, entre autres, les auteurs cités à la note 32.


79      Par exemple, l’article II, paragraphe 6, de l’acte constitutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.


80      Closa Montero, C., op. cit. note 69, p. 15.


81      L’État membre cesse de participer aux délibérations et aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui concernent son retrait (un format « article 50 » a été établi pour les réunions et les décisions du Conseil européen, du Conseil, du Coreper et des groupes de travail sur le Brexit). Les directives de négociation, données par le Conseil européen, et les décisions du Conseil en vue de mettre en œuvre les négociations avec l’État membre sortant, sont également requises.


82      Voir règlement (UE) 2018/1718 du Parlement européen et du Conseil, du 14 novembre 2018, portant modification du règlement (CE) no 726/2004 en ce qui concerne la fixation du siège de l’Agence européenne des médicaments (JO 2018, L 291, p. 3), et règlement (UE) 2018/1717 du Parlement européen et du Conseil, du 14 novembre 2018, modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 en ce qui concerne la fixation du siège de l’Autorité bancaire européenne (JO 2018, L 291, p. 1).


      La décision (PESC) 2018/1083 du Conseil, du 30 juillet 2018, modifiant l’action commune 2008/851/PESC concernant l’opération militaire de l’Union européenne en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie (JO 2018, L 194, p. 142) a également prévu le transfert de l’état-major de cette opération de l’Union européenne de Northwood (Royaume‑Uni) à Rota (Espagne), à l’exception du Centre de sécurité maritime – Corne de l’Afrique, qui est établi à Brest (France).


83      On peut dire la même chose de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la répartition des contingents tarifaires de la liste OMC de l’Union après le retrait du Royaume-Uni de l’Union et modifiant le règlement (CE) no 32/2000 du Conseil, qui figure dans le document COM(2018) 312 final, du 22 mai 2018.


84      L’histoire de l’Union européenne a été marquée par des modifications (unilatérales) de l’approche de certains États membres quant au processus d’intégration. Une bonne preuve en est apportée par les référendums danois sur la ratification du traité de Maastricht et ceux de l’Irlande sur les ratifications du traité de Nice et du traité de Lisbonne.


85      Sari, A., op. cit. note 32, p. 472.


86      Force m’est de rappeler que, selon l’article 32 de la CVDT, les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu constituent des moyens complémentaires d’interprétation.


87      Voir document CONV 648/03, titre X : L’appartenance à l’Union, 2 avril 2003, annexe II, p. 9, http://european-convention.europa.eu/pdf/reg/fr/03/cv00/cv00648.fr03.pdf, dans lequel il est affirmé : « Cette disposition ne figure pas dans les traités actuels. Elle établit la procédure à suivre dans le cas où un État Membre déciderait de se retirer de l’Union européenne. La procédure prévue dans cette disposition s’inspire en partie de celle prévue dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.


      L’attention de la Convention est attirée sur trois points :


      – bien qu’il soit souhaitable qu’un accord soit conclu entre l’Union et l’État qui se retire sur les modalités du retrait ainsi que sur leurs relations futures, il a été considéré qu’un tel accord ne devrait pas constituer une condition pour le retrait, afin de ne pas vider de sa substance le concept de retrait volontaire […] »


88      Document CONV 672/03, du 14 avril 2003, Fiche d’analyse des propositions d’amendements concernant l’appartenance à l’Union : projet d’articles relatifs au titre X de la partie I (articles 43 à 46), http://european-convention.europa.eu/pdf/reg/fr/03/cv00/cv00672.fr03.pdf.


89      Dans le cas du Royaume-Uni, comme la notification du retrait a été effectuée au moyen d’un écrit du Premier ministre britannique, il suffirait d’un instrument analogue pour communiquer la révocation au Conseil européen.


90      Voir note 5.


91      Benrath, D., « Bona fide and revocation of withdrawal : how Article 50 TEU handles the potential abuse of a unilateral revocation of withdrawal », European Law Review, 2018, no 2, p. 243 à 245.


92      En vertu du principe de coopération loyale, que consacre l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités [arrêts du 6 septembre 2016, Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:630, point 42), et du 25 juillet 2018, Generalstaatsanwaltschaft (Conditions de détention en Hongrie) (C‑220/18 PPU, EU:C:2018:589, point 109)]. Selon la Cour, « ce principe n’autorise pas un État membre à contourner les obligations qui lui sont imposées par le droit de l’Union » [arrêt du 18 octobre 2016, Nikiforidis (C‑135/15, EU:C:2016:774, point 54)].


93      Arrêt du 22 novembre 2017, Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:881, point 27).


94      La doctrine se montre en général favorable à l’admission de la révocation consensuelle de la notification de l’intention de se retirer, en cas d’accord entre l’État notifiant et les autres États membres de l’Union. Voir, notamment, Edward, D., Jacobs, F., Lever, J., Mountfield, H., et Facenna, G., op. cit. note 32, p. 19.