Language of document : ECLI:EU:C:2020:219

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

19 mars 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée –Clause 5 – Notion de “contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs” – Non-respect par l’employeur du délai légal imparti pour pourvoir définitivement le poste occupé provisoirement par le travailleur à durée déterminée – Prorogation implicite d’année en année de la relation de travail – Occupation par un travailleur à durée déterminée du même poste dans le cadre de deux nominations consécutives – Notion de “raisons objectives” justifiant le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs – Respect des motifs de recrutement prévus par la réglementation nationale – Examen concret révélant que le renouvellement successif de relations de travail à durée déterminée vise à couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur en personnel – Mesures visant à prévenir et, le cas échéant, à sanctionner les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs – Procédures de sélection visant à pourvoir de manière définitive les postes occupés provisoirement par des travailleurs à durée déterminée – Transformation du statut des travailleurs à durée déterminée en “personnel à durée indéterminée non permanent” – Octroi au travailleur d’une indemnité équivalente à celle versée en cas de licenciement abusif – Applicabilité de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée nonobstant le fait que le travailleur a consenti aux renouvellements successifs de contrats à durée déterminée – Clause 5, point 1 – Absence d’obligation pour les juridictions nationales de laisser inappliquée une réglementation nationale non conforme »

Dans les affaires jointes C‑103/18 et C‑429/18,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Juzgado Contencioso-Administrativo no 8 de Madrid (tribunal administratif no 8 de Madrid, Espagne) et par le Juzgado Contencioso-Administrativo no 14 de Madrid (tribunal administratif no 14 de Madrid, Espagne), par décisions du 30 janvier et du 8 juin 2018, parvenues à la Cour respectivement le 13 février et le 28 juin 2018, dans les procédures

Domingo Sánchez Ruiz (C‑103/18),

Berta Fernández Álvarez e.a. (C‑429/18)

contre

Comunidad de Madrid (Servicio Madrileño de Salud),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, MM. P. G. Xuereb, T. von Danwitz, N. Piçarra et A. Kumin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mai 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour M. Sánchez Ruiz, par M. J. M. Ruiz de la Cuesta Vacas, procurador de los Tribunales, et Me F. J. Araúz de Robles Dávila, abogado,

–        pour Mme Fernández Álvarez e.a., par Me F. J. Araúz de Robles Dávila, abogado,

–        pour la Comunidad de Madrid (Servicio Madrileño de Salud), par MM. L. J. García Redondo et A. Serrano Patiño, letrados,

–        pour le gouvernement espagnol, initialement par M. S. Jiménez García et Mme A. Gavela Llopis, puis par M. S. Jiménez García, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. N. Ruiz García, M. van Beek et J. Rius, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 17 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43) et de la clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure en annexe de cette directive.

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant des travailleurs occupés par la Comunidad de Madrid (Servicio Madrileño de Salud) [communauté de Madrid (service de santé de Madrid), Espagne, ci-après la « communauté de Madrid »], à savoir, dans l’affaire C‑103/18, M. Domingo Sanchéz Ruiz et, dans l’affaire C‑429/18, Mme Berta Fernández Álvarez ainsi que quatre autres travailleuses (ci-après « Mme Fernández Álvarez e.a. »), à la communauté de Madrid au sujet de la reconnaissance de ces personnes en tant que membres du personnel statutaire fixe ou, à titre subsidiaire, en tant qu’agents publics bénéficiant d’un statut comparable à ce personnel, auxquels s’appliquent les principes de permanence et d’inamovibilité.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Il ressort du considérant 17 de la directive 1999/70 que, « en ce qui concerne les termes employés dans l’accord-cadre, sans y être définis de manière spécifique, [cette] directive laisse aux États membres le soin de définir ces termes en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, comme il en est pour d’autres directives adoptées en matière sociale qui emploient des termes semblables, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l’accord-cadre ».

4        Aux termes de l’article 1er de la directive 1999/70, celle-ci vise « à mettre en œuvre l’[accord-cadre] conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale ([Confédération européenne des syndicats (CES), Unions des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), Centre européen des entreprises à participation publique (CEEP)]) ».

5        L’article 2, premier alinéa, de cette directive prévoit :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive [et doivent] prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. [...] »

6        Selon la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet, d’une part, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, d’autre part, d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

7        La clause 5 de l’accord-cadre, intitulée « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive », énonce :

« 1.      Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a)      des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

b)      la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ;

c)      le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. 

2.      Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :

a)      sont considérés comme “successifs” ;

b)      sont réputés conclus pour une durée indéterminée. »

 Le droit espagnol

8        L’article 8 de la Ley estatal 55/2003 del Estatuto Marco del personal estatutario de los servicios de salud (loi 55/2003 relative au statut-cadre du personnel statutaire des services de santé), du 16 décembre 2003 (BOE no 301, du 17 décembre 2003, p. 44742), dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le « statut-cadre »), définit le « personnel statutaire fixe » comme étant « le personnel qui, après avoir réussi la procédure de sélection correspondante, est nommé pour exercer de manière permanente les fonctions qui découlent de cette nomination ».

9        L’article 9 du statut-cadre prévoit :

« 1.       Pour des raisons de nécessité, d’urgence ou pour le développement de programmes de nature temporaire, conjoncturel ou extraordinaire, les services de santé peuvent nommer du personnel statutaire temporaire.

Les nominations de personnel statutaire temporaire peuvent avoir une nature de remplacement, de caractère occasionnel ou de substitution.

2.      La nomination de remplacement est utilisée pour pourvoir temporairement un poste vacant auprès des centres ou services de santé, lorsqu’il est nécessaire de s’occuper des fonctions correspondantes.

La cessation des fonctions du personnel statutaire de remplacement survient lors de l’incorporation d’un personnel statutaire fixe, par l’intermédiaire d’une procédure légale ou réglementairement prévue, au poste qui est pourvu, ainsi que lorsque ce poste est supprimé.

3.      La nomination de caractère occasionnel est utilisée dans les hypothèses suivantes :

a)      quand cette nomination concerne la prestation de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire ;

b)      lorsqu’elle est nécessaire pour garantir le fonctionnement permanent et continu des centres de santé ;

c)      pour la prestation de services complémentaires pour compenser la réduction du temps de travail ordinaire.

La cessation des fonctions du personnel statutaire occasionnel survient à la suite de la réalisation de la cause ou de l’arrivée à échéance du délai expressément déterminé dans la nomination, ainsi que lorsque les fonctions qui l’ont motivée à l’époque sont supprimées.

Si plus de deux nominations surviennent pour la prestation des mêmes services pour une période cumulée de 12 mois ou plus, sur une période de deux ans, il y a lieu d’examiner les causes de ces nominations pour déterminer, le cas échéant, s’il y a lieu de créer un poste structurel dans les équipes du centre.

4.      La nomination en tant que personnel de substitution est utilisée lorsqu’il est nécessaire de pourvoir les fonctions de personnel fixe ou temporaire pendant les périodes de vacances, de congé et autres absences de caractère temporaire qui impliquent la conservation du poste.

Il est mis fin aux fonctions du personnel statutaire de substitution lorsque la personne remplacée est réintégrée ainsi que lorsque cette dernière perd son droit à la réintégration au même poste ou à la même fonction. »

10      L’article 10 du Real Decreto Legislativo 5/2015 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto Básico del Empleado Público (décret législatif royal 5/2015 portant approbation du texte de refonte de la loi sur le statut de base des agents publics), du 30 octobre 2015 (BOE no 261, du 31 octobre 2015, p. 103105, ci-après le « statut de base des agents publics »), prévoit :

« 1.       Sont agents non titulaires les personnes qui, pour des motifs de nécessité et d’urgence expressément justifiés, sont nommées en cette qualité pour exercer des fonctions propres aux fonctionnaires, en cas de survenance de l’un des cas de figure suivants :

a)       l’existence de postes vacants non susceptibles d’être occupés par des fonctionnaires ;

[...]

4.       Dans l’hypothèse visée au point a) du paragraphe 1 du présent article, les postes vacants pourvus par des agents intérimaires sont inclus dans l’offre d’emploi correspondant à l’exercice au cours duquel leur nomination intervient ou, si cela est impossible, au cours de l’exercice suivant, à moins qu’il ne soit décidé de supprimer le poste. 

[...] »

11      L’article 70, paragraphe 1, du statut de base des agents publics dispose :

« Les besoins en ressources humaines bénéficiant d’une dotation budgétaire qui doivent être couverts par le recrutement de nouveau personnel font l’objet d’une offre d’emploi public ou sont pourvus au moyen d’un autre instrument similaire de gestion de la couverture des besoins en personnel, ce qui implique d’organiser les procédures de sélection correspondantes pour les postes prévus, jusqu’à concurrence de dix pour cent supplémentaires, et de fixer le délai maximal pour la publication des avis. En tout état de cause, la mise en œuvre de l’offre d’emploi public ou de l’instrument similaire doit se faire dans un délai non prorogeable de trois ans. »

12      Aux termes de la quatrième disposition transitoire du statut de base des agents publics :

« 1.      L’administration publique peut publier des avis de concours en vue de consolider l’emploi à des postes structurels correspondant à ses différents corps ou catégories, postes dotés de ressources budgétaires et couverts par des agents non titulaires ou du personnel temporaire avant le 1er janvier 2005.

[...]

3.      Le contenu des épreuves est en rapport avec les procédures, les tâches et les fonctions habituelles des postes faisant l’objet de chaque avis de concours. Lors de la phase de concours, pourront être appréciés, entre autres mérites, le temps de service accompli dans l’administration publique et l’expérience aux postes de travail faisant l’objet de l’avis.

[...] » 

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 L’affaire C103/18

13      Le 2 novembre 1999, la communauté de Madrid a nommé M. Sanchéz Ruiz en tant que membre du personnel statutaire de remplacement sur un poste relevant de la catégorie « groupe technique fonction administrative », en vue d’exercer les fonctions d’informaticien, au sein du service de santé de cette communauté.

14      En raison de la suppression de cette catégorie de personnel à l’occasion d’une réforme législative, sa nomination a pris fin le 28 décembre 2011. Le même jour, M. Sanchéz Ruiz a été nommé membre du personnel statutaire de remplacement sur un poste relevant d’une nouvelle catégorie, dénommée « personnel statutaire du domaine des technologies de l’information et des communications », mais toujours en vue d’exercer les fonctions d’informaticien, au sein du même service. L’intéressé n’a jamais contesté la cessation de sa première nomination ni sa seconde nomination.

15      L’acte de nomination du 2 novembre 1999 et celui du 28 décembre 2011 précisaient que M. Sanchéz Ruiz était engagé en tant que membre du personnel statutaire de remplacement en vue d’occuper un poste vacant, que le poste ainsi occupé le serait jusqu’à sa suppression ou son attribution à un membre du personnel statutaire fixe réintégré et que ces engagements ne conféraient pas à l’intéressé le droit de devenir titulaire dudit poste, quelle que soit la durée de cette situation.

16      Au cours de toute la durée de son engagement par la communauté de Madrid, M. Sanchéz Ruiz a occupé le même poste de travail et exercé, de façon constante et continue, les mêmes fonctions. Il n’a pas participé au seul concours organisé dans sa spécialité entre les années 1999 et 2015 en vue d’accéder au statut de personnel statuaire fixe.

17      Le 21 décembre 2016, M. Sanchéz Ruiz a demandé à la communauté de Madrid la reconnaissance de sa qualité de membre du personnel statutaire fixe ou, à titre subsidiaire, d’agent public bénéficiant d’un statut similaire, auquel s’appliquent les principes de permanence et d’inamovibilité, au motif qu’il était victime d’un comportement abusif de la part de son employeur, résultant du recours par celui-ci à des relations de travail à durée déterminée successives, au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

18      La communauté de Madrid a rejeté sa demande, en considérant qu’un tel abus présuppose l’existence de relations de travail à durée déterminée successives et que, dans le cas de M. Sanchéz Ruiz, il s’agissait d’une seule et même relation de travail à durée déterminée, sa seconde nomination étant intervenue en raison d’une réforme législative des catégories de personnel. La communauté de Madrid a estimé, en outre, que l’accès au statut de membre du personnel statutaire fixe est en principe réservé aux personnes ayant réussi une procédure de sélection. Il ne serait donc pas possible, en droit espagnol, que, en dehors d’une telle procédure, un membre du personnel statutaire temporaire soit nommé en tant que membre du personnel statutaire fixe. Tout au plus un membre du personnel statutaire temporaire pourrait-il être nommé en tant que « membre du personnel à durée indéterminée non permanent » sur un poste jusqu’à ce que ce dernier soit supprimé ou attribué à un membre du personnel statutaire fixe. De plus, la communauté de Madrid a fait valoir que M. Sanchéz Ruiz ne saurait valablement faire état d’un comportement abusif de la part de son employeur, dès lors qu’il n’a contesté ni la suppression de son poste, ni sa nomination dans un nouveau poste, ni la publication de l’avis de concours.

19      M. Sanchéz Ruiz a saisi la juridiction de renvoi, le Juzgado Contencioso-Administrativo no 8 de Madrid (tribunal administratif no 8 de Madrid, Espagne), d’un recours contre la décision de rejet de sa demande.

20      Considérant que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre se réfère uniquement à l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée « successifs », cette juridiction se demande, premièrement, si la situation de M. Sanchéz Ruiz est caractérisée par l’existence d’une seule et même relation de travail à durée déterminée ou, comme l’a soutenu devant elle l’intéressé, de deux relations de travail de ce type.

21      À cet égard, la juridiction de renvoi indique que l’intéressé a été engagé pour les motifs prévus à l’article 9, paragraphe 1, du statut-cadre, que son employeur a manqué à ses obligations, résultant des article 10 et 70 du statut de base des agents publics, d’inclure le poste que M. Sanchéz Ruiz occupe provisoirement dans l’offre d’emploi correspondant à l’exercice au cours duquel sa nomination est intervenue ou au cours de l’exercice suivant ou, en tout état de cause, au plus tard dans les trois ans suivant celle-ci, ce qui a eu pour résultat qu’il a occupé ce poste à titre provisoire pendant 17 ans. Il en résulterait que la relation de travail de M. Sanchéz Ruiz pourrait être considérée comme ayant été implicitement prorogée d’année en année, quand bien même elle prendrait l’apparence d’une seule et même relation de travail.

22      La juridiction de renvoi se demande, deuxièmement, si le fait que M. Sanchéz Ruiz a consenti à cette situation, dans la mesure où il n’a pas contesté l’illégalité de sa seconde nomination ni sa situation de manière plus générale, est susceptible de valider le comportement de la communauté de Madrid, au cas où il apparaîtrait que ce comportement est contraire à l’accord-cadre, et de priver ainsi l’intéressé des droits que cet accord lui confère. Cette juridiction relève, à cet égard, que M. Sanchéz Ruiz se trouve dans une situation stable, à laquelle il peut mettre fin, en demandant la publication de l’avis de vacance ou en se présentant à un concours afin d’accéder au statut de personnel statutaire permanent.

23      Troisièmement, ladite juridiction indique que, selon la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée est possible pour autant qu’un tel renouvellement réponde aux motifs de recrutement énumérées à l’article 9, paragraphe 1, du statut-cadre. Le secteur public étant caractérisé par la nécessité de fournir les services essentiels au bon fonctionnement de la société, les conditions prévues à cette disposition seraient d’office remplies et il ne serait jamais possible de conclure à l’existence d’un comportement abusif résultant de l’utilisation de tels contrats ou relations de travail.

24      Or, le secteur public de la santé espagnol serait marqué, depuis longtemps, par la dénaturation des relations de travail à durée déterminée. Les travailleurs à durée déterminée enchaîneraient plusieurs relations de travail, en travaillant tous les jours de l’année ou presque, pendant plusieurs années, le motif de leur recrutement persistant toujours. Ces travailleurs exerceraient les mêmes fonctions que celles exercées par le personnel statutaire fixe. Ils couvriraient ainsi, en réalité, des besoins permanents en personnel. Il existerait dès lors, dans cette branche du secteur public espagnol, un problème structurel se traduisant par un pourcentage élevé de travailleurs temporaires, dont la contribution serait essentielle au bon fonctionnement dudit secteur, ainsi que par l’absence de limites maximales au nombre de relations de travail à durée déterminée successives et la méconnaissance de l’obligation légale de pourvoir les postes temporairement occupés par ce personnel par l’engagement de travailleurs à durée indéterminée. En effet, environ 75 % des travailleurs de la catégorie professionnelle de M. Sanchéz Ruiz seraient employés dans le cadre de relations de travail à durée déterminée.

25      La juridiction de renvoi considère, à cet égard, que, afin de pouvoir conclure à l’existence d’une « raison objective », au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, justifiant le renouvellement de telles relations de travail, l’utilisation de celles-ci doit non seulement respecter les motifs de recrutement prévus à l’article 9, paragraphe 1, du statut-cadre, mais également être ponctuelle, circonstancielle et sporadique.

26      Quatrièmement, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’existence en droit espagnol de mesures susceptibles de prévenir et, le cas échéant, de sanctionner les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

27      À cet égard, cette juridiction précise qu’il n’existe pas en droit espagnol de limites au nombre de nominations en tant que membre du personnel statutaire temporaire. En outre, en cas de manquement par l’employeur public à ses obligations résultant des articles 10 et 70 du statut de base des agents publics, il ne serait pas possible de le soumettre aux mesures applicables à un employeur privé. En effet, la réglementation et la jurisprudence nationales applicables feraient obstacle à l’acquisition du statut de personnel statutaire fixe autrement que par la réussite de la procédure de sélection.

28      La possibilité de transformation du personnel statutaire temporaire en personnel à durée indéterminée non permanent, résultant de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), ne serait pas une mesure satisfaisante pour lutter contre l’abus résultant de l’utilisation de relations de travail à durée déterminée successives, car il serait possible de supprimer le poste occupé par le travailleur concerné ou de mettre fin à ses fonctions si ce poste est dévolu à un travailleur statutaire fixe.

29      La possibilité pour l’administration publique de consolider l’emploi des agents non titulaires ou du personnel temporaire au moyen d’épreuves, prévue par la quatrième disposition transitoire du statut de base des agents publics, serait la seule mesure susceptible de lutter contre l’utilisation abusive de relations de travail à durée déterminée successives. Toutefois, cette mesure serait conçue comme une simple faculté pour l’employeur public et dépendrait de sa seule volonté.

30      Cinquièmement, selon la juridiction de renvoi, dans l’affaire au principal, sont en cause des décisions administratives définitives telles que des nominations, des décisions de cessation de fonctions et des avis de concours ainsi que des jugements définitifs rendus par des juridictions statuant en premier et dernier ressort. Le caractère définitif de ces décisions et jugements compliquerait la dénonciation, par les travailleurs à durée déterminée, des irrégularités commises par l’administration et, partant, la réalisation des objectifs poursuivis par la directive 1999/70. Se poserait, dès lors, la question de savoir si, dans les circonstances de l’affaire au principal, le droit de l’Union exige de réviser des jugements ou des actes administratifs définitifs.

31      Dans ces conditions, le Juzgado Contencioso-Administrativo no 8 de Madrid (tribunal administratif no 8 de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Peut-on considérer qu’une situation telle que celle décrite dans la présente affaire (dans laquelle l’employeur public méconnaît les limites temporelles légales, permettant ainsi que [des relations de travail] temporaires se succèdent, ou maintient le caractère temporaire [d’une relation de travail] en transformant la nomination en tant que membre du personnel statutaire occasionnel en nomination en tant que membre du personnel statutaire de remplacement ou de substitution en vue de pourvoir un poste vacant ou personnel remplaçant ) comporte un recours abusif à des nominations successives et correspond donc à la situation décrite dans la clause 5 de l’accord-cadre ?

2)      L’accord-cadre, lu au regard du principe d’effectivité, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles procédurales nationales qui exigent du travailleur temporaire un comportement actif de contestation administrative ou judiciaire (de l’ensemble des nominations et des cessations de fonctions successives), condition requise pour qu’il puisse relever de la directive 1999/70 et faire valoir les droits que lui confère le droit de l’Union ?

3)      Eu égard au fait que, dans le secteur public et s’agissant de la prestation de services essentiels, le besoin de pourvoir des postes vacants et des congés de maladie, annuels et autres est en substance “permanent”, et compte tenu de la nécessité de délimiter la notion de “[raison] objective” justifiant le recrutement temporaire :

a)      peut-on considérer que le fait pour un travailleur temporaire d’enchaîner sans interruption des [relations de travail temporaires] successives, en travaillant tous les jours de l’année ou presque, en raison de nominations ou d’appels successifs qui s’étendent, de manière parfaitement stable, dans le temps, est contraire à la [clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre] et qu’il n’y a donc pas de [raison] objective dans de telles circonstances, bien que le motif pour [lequel] le travailleur temporaire a été appelé subsiste ?

b)      doit-on considérer, en se fondant tant sur les paramètres décrits, à savoir l’existence d’innombrables nominations et appels s’étendant dans le temps, que sur l’existence d’une lacune structurelle, qui se traduit par le pourcentage de travailleurs temporaires dans le secteur concerné, [ou sur le fait que] ces besoins sont toujours et par principe couverts par des travailleurs temporaires, qui deviennent une pièce essentielle du fonctionnement du secteur public, qu’il existe [dans de telles conditions] un besoin non pas temporaire, mais permanent, ne relevant donc pas de la notion de “raison objective” au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre ?

c)      ou peut-on considérer que, en substance, il y a uniquement lieu, pour fixer la durée maximale de la situation temporaire permise, de se fonder sur le libellé de la règle régissant le recours à ces travailleurs temporaires, en vertu de laquelle ils peuvent être nommés pour des raisons de nécessité, d’urgence ou pour le développement de programmes de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, de telle sorte que, pour pouvoir considérer qu’il y a raison objective, le recours aux travailleurs temporaires doit satisfaire à ces circonstances exceptionnelles, ce qui n’est plus le cas, entraînant donc l’existence d’un abus, lorsque ledit recours cesse d’être ponctuel, occasionnel ou circonstanciel ?

4)      Est-il conforme à l’accord cadre de considérer que le recrutement et le renouvellement successif d’informaticiens statutaires temporaires est objectivement justifié par des raisons de nécessité, d’urgence ou pour le développement de programmes de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, dans la mesure où ces agents publics exercent de manière permanente et stable des fonctions ordinaires propres au personnel statutaire fixe, où l’administration qui les emploie ne fixe pas de limites maxima[les] à ces nominations ni ne respecte les obligations légales afin de pourvoir ces postes et de couvrir ces besoins au moyen de [personnel statutaire] fixe et où aucune mesure équivalente n’est prise afin de prévenir et d’éviter le recours abusif aux relations de travail temporaires successives, le personnel informaticien statutaire temporaire prestant ses services pendant des années, en l’espèce une durée de 17 ans de services continus ?

5)      La jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême), en ce qu’elle établit, sans tenir compte d’autres critères, qu’il y a [raison] objective lorsque le motif de la nomination est respecté ou lorsque la nomination est de nature temporaire, ou en ce qu’elle établit que la comparaison avec le [travailleur fixe] est impossible, eu égard au régime juridique et au système d’accès distincts ou au caractère permanent des fonctions exercées par les fonctionnaires et au caractère temporaire des fonctions exercées par les agents non titulaires, est-elle conforme à l’accord-cadre et à l’interprétation qui en est faite par la Cour ?

6)      Le juge national ayant constaté le recours abusif, afin de couvrir des besoins permanents et structurels de services [normalement assurés par le personnel statutaire fixe], à l’occupation du personnel statutaire temporaire [de la communauté de Madrid] dans le cadre de relations de travail à durée déterminée successives en vue de pourvoir des postes vacants, et le droit national ne contenant aucune mesure effective pour sanctionner un tel abus et effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union, la clause 5 de l’accord cadre doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle oblige le juge national à adopter des mesures effectives et dissuasives qui garantissent l’effet utile de l’accord-cadre et, partant, à sanctionner cet abus et à effacer les conséquences de la violation de cette disposition du droit de l’Union en écartant la règle nationale contraire ?

En cas de réponse affirmative et eu égard aux considérations de la Cour figurant au point 41 de son arrêt du 14 septembre 2016, Martínez Andrés et Castrejana López (C‑184/15 et C‑197/15, EU:C:2016:680) :

la transformation de la relation de travail à durée déterminée du personnel statutaire de remplacement, occasionnel ou de substitution en une relation de travail stable, que ce soit sous la dénomination de personnel statutaire fixe ou de personnel à durée indéterminée [non permanent], avec la même stabilité dans l’emploi que le personnel statutaire fixe comparable, serait-elle conforme aux objectifs poursuivis par la directive 1999/70, en tant que mesure visant à prévenir et à sanctionner le recours abusif aux relations de travail à durée déterminée successives ainsi qu’à effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union ?

7)      En cas de recours abusif aux relations de travail à durée déterminée successives, peut-on considérer que la transformation de la relation de travail à durée déterminée visant à pourvoir un poste vacant en relation de travail à durée indéterminée [non permanente] ou en relation de travail permanente ne respecte les objectifs de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre que lorsque l’employé statutaire temporaire victime de l’abus jouit des mêmes conditions de travail que le personnel statutaire fixe (en matière de protection sociale, de promotion professionnelle, d’attribution de postes vacants, de formation professionnelle, de congés sans solde, de situations administratives, de congés d’autre type, de droits à pension, de cessation des fonctions dans les postes de travail ainsi que de participation aux concours organisés en vue de pourvoir des postes vacants et à la formation professionnelle), conformément aux principes de permanence et d’inamovibilité, avec tous les droits et obligations y afférents, sur un pied d’égalité avec les informaticiens statutaires fixes ?

8)      Le droit de l’Union oblige-t-il à réviser des jugements ou des actes administratifs définitifs dans les circonstances décrites, lorsque les quatre conditions visées dans l’arrêt du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz [(C‑453/00, EU:C:2004:17)] sont remplies : 1) en droit espagnol, l’administration et les juridictions dispose[nt] du pouvoir de révision, avec les restrictions avérées qui rendent cette révision très difficile ou impossible ; 2) la décision en cause est devenue définitive en conséquence d’un arrêt d’une juridiction nationale statuant en dernier ressort ou en premier et dernier ressort ; 3) cet arrêt d’une juridiction nationale est fondé sur une interprétation du droit de l’Union non conforme à la jurisprudence de la Cour et qui a été adoptée sans que la Cour ait été saisie à titre préjudiciel et 4) l’intéressé s’est adressé à l’organe administratif immédiatement après avoir pris connaissance de ladite jurisprudence ?

9)      Les juridictions nationales et de l’Union qui doivent garantir le plein effet du droit de l’Union dans les États membres peuvent-elles et doivent-elles exiger de[s] autorité[s] administrative[s] nationale[s] des États membres et les condamner à ce que – dans le cadre de leurs compétences respectives – elles adoptent les mesures pertinentes afin d’écarter les règles nationales non conformes au droit de l’Union en général et à la directive 1999/70 ainsi qu’à l’accord-cadre en particulier ? »

 L’affaire C429/18

32      Mme Fernández Álvarez e.a. travaillent pour le service de santé de la communauté de Madrid, depuis 12 à 17 années selon le cas, en tant que membres du personnel statutaire temporaire. Elles y exercent les fonctions de chirurgien-dentiste et ont fait l’objet de 82 à 227 nominations successives, selon le cas également.

33      La communauté de Madrid n’a pas inclus les postes provisoirement occupés par Mme Fernández Álvarez e.a. dans l’offre d’emploi correspondant aux exercices au cours desquels leurs nominations respectives sont intervenues ou au cours des exercices suivants ou, en tout état de cause, au plus tard dans les trois ans suivant celles-ci, comme l’exigent les articles 10 et 70 du statut de base des agents publics. En effet, un seul avis de concours portant sur la catégorie professionnelle des dentistes spécialistes a été publié au cours des quinze années précédant la décision de renvoi, en l’occurrence au cours de l’année 2015.

34      Le 22 juillet 2016, Mme Fernández Álvarez e.a. ont demandé à la communauté de Madrid la reconnaissance de leur qualité de membres du personnel statutaire fixe ou, à titre subsidiaire, d’agents publics bénéficiant d’un statut similaire, auquel s’appliquent les principes de permanence et d’inamovibilité, au motif que leur situation était contraire aux prescriptions de l’accord-cadre.

35      Le 26 août 2016, la communauté de Madrid a rejeté leur demande. Le 23 novembre 2016, elle a également rejeté le recours gracieux qu’elles avaient introduit contre la décision du 26 août 2016.

36      Mme Fernández Álvarez e.a. ont saisi la juridiction de renvoi, le Juzgado Contencioso-Administrativo no 14 de Madrid (tribunal administratif no 14 de Madrid, Espagne) d’un recours contre cette décision de rejet. À l’appui de celui-ci, elles font valoir que leur employeur recourt abusivement à des relations de travail à durée déterminée, afin de répondre à des besoins permanents et structurels et en les renouvelant sans raison objective.

37      La juridiction de renvoi indique qu’il est incontestable que Mme Fernández Álvarez e.a. ont été engagées dans le cadre de relations de travail successives de différentes natures et que les fonctions qu’elles exercent dans ce cadre sont identiques à celles exercées par le personnel statutaire fixe. En outre, quand bien même ces relations de travail seraient conclues pour les motifs visés à l’article 9, paragraphe 1, du statut-cadre, le recrutement de Mme Fernández Álvarez e.a. viserait à couvrir un besoin permanent et durable de la communauté de Madrid en matière de personnel, dès lors qu’il pallie un déficit structurel de dentistes ayant un statut de personnel statutaire fixe. En effet, seuls 38,77 % des travailleurs de la catégorie professionnelle des dentistes spécialistes seraient employés en tant que personnel statutaire fixe.

38      Cette juridiction s’interroge sur l’existence en droit espagnol de mesures susceptibles de prévenir et, le cas échéant, de sanctionner les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. Elle se demande notamment si, dans la situation de Mme Fernández Álvarez e.a., l’organisation d’une procédure de sélection et l’octroi d’une indemnité équivalente à celle versée en cas de licenciement abusif sont susceptibles de constituer de telles mesures. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que le caractère effectif et dissuasif de l’organisation d’une procédure de sélection est douteux, dès lors que cela n’aurait aucun effet négatif pour l’employeur public auteur de l’abus. En revanche, l’octroi d’une indemnité équivalente à celle versée en cas de licenciement abusif répondrait aux exigences de proportionnalité et d’effectivité et aurait un effet dissuasif.

39      Dans ces conditions, le Juzgado Contencioso-Administrativo no 14 de Madrid (tribunal administratif no 14 de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Est-il conforme à l’accord-cadre d’interpréter, comme le fait la juridiction de céans, que le recrutement temporaire [de Mme Fernández Álvarez e.a.] est constitutif d’un abus, dans la mesure où l’employeur public utilise différentes formes de recrutement, toutes temporaires, en vue de l’exercice[,] de manière permanente et stable, de fonctions ordinaires propres au personnel statutaire fixe [et afin de] couvrir des lacunes structurelles et des besoins qui, de fait, ne sont pas provisoires mais permanents et stables[, le] recrutement temporaire décrit n’étant par conséquent pas justifié, conformément à la clause 5, paragraphe 1, sous a), de l’accord-cadre, [par une] raison objective, dans la mesure où une telle utilisation de [relations] de travail à durée déterminée s’oppose directement au deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre et [aux] points 6 et 8 des considérations générales de cet accord, les circonstances qui justifieraient de telles [relations] de travail à durée déterminée n’étant pas remplies ?

2)      Est-il conforme à l’accord-cadre de considérer, comme le fait la juridiction de céans, que l’organisation d’une procédure de sélection ordinaire présentant les caractéristiques décrites n’est pas une mesure équivalente à une sanction ni ne peut être considérée comme telle en ce qu’elle n’est pas proportionnelle à l’abus commis, procédure de sélection dont la conséquence est la cessation des fonctions du travailleur temporaire, au mépris des objectifs de la directive [1999/70], et le maintien de la situation défavorable des employés statutaires temporaires, une telle procédure de sélection ne pouvant pas non plus être considérée comme une mesure effective, dans la mesure où elle ne cause aucun préjudice à l’employeur ni ne remplit aucune fonction dissuasive et n’est donc pas conforme à l’article 2, premier alinéa, de [cette directive] en ce qu’elle ne garantit pas que l’État espagnol atteigne les résultats fixés par [ladite] directive ?

3)      Est-il conforme à l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70 et à l’arrêt rendu par la Cour [le 14 septembre 2016, Pérez López (C‑16/15, EU:C:2016:679)] de considérer, comme le fait la juridiction de céans, que l’organisation d’une procédure de sélection conforme au principe de libre concurrence ne constitue pas une mesure adéquate pour sanctionner le recours abusif au recrutement temporaire successif, dans la mesure où la réglementation espagnole ne prévoit pas de mécanisme de sanction effective et dissuasive mettant fin au recours abusif à la nomination de personnel statutaire temporaire et ne permet pas que les postes structurels créés soient pourvus par le personnel victime d’abus, de sorte que la situation de précarité de ces travailleurs subsiste ?

4)      Est-il exact de considérer, comme le fait la juridiction de céans, que l’octroi au travailleur temporaire, victime d’un comportement abusif de son employeur, d’un statut de travailleur « à durée indéterminée non permanent » ne constitue pas une sanction efficace, dans la mesure où il peut être mis fin aux fonctions du travailleur ayant acquis un tel statut, soit en pourvoyant à son poste au moyen d’une procédure de sélection, soit par la suppression dudit poste, ce qui est contraire à l’accord-cadre aux fins de prévenir l’utilisation abusive des [relations] de travail successives à durée déterminée, dans la mesure où il n’est pas satisfait à l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, en ce que cela ne garantit pas que l’État espagnol atteigne les résultats fixés par cette directive ?

Dans ces conditions, il est nécessaire de poser à nouveau, dans la présente affaire, les questions suivantes soumises [...] par le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 8 de Madrid (tribunal administratif no 8 de Madrid) [dans le cadre de l’affaire C‑103/18] :

5)      Le juge national ayant constaté le recours abusif, afin de couvrir des besoins permanents et structurels de services [normalement assurés par le personnel statutaire fixe], à l’occupation du personnel statutaire temporaire [de la communauté de Madrid] dans le cadre de relations de travail à durée déterminée successives en vue de pourvoir des postes vacants et le droit national ne contenant aucune mesure effective et dissuasive pour sanctionner un tel abus et effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union, la clause 5 de l’accord-cadre doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle oblige le juge national à adopter des mesures effectives et dissuasives qui garantissent l’effet utile de l’accord-cadre et, partant, à sanctionner cet abus et à effacer les conséquences de la violation de cette disposition du droit de l’Union en écartant la règle nationale contraire ?

En cas de réponse affirmative et eu égard aux considérations de la Cour au point 41 de son [arrêt du 14 septembre 2016, Martínez Andrés et Castrejana López (C‑184/15 et C‑197/15, EU:C:2016:680)] :

la transformation de la relation de travail à durée déterminée du personnel engagé afin de pourvoir un poste vacant, occasionnel ou de substitution en une relation statutaire stable, que ce soit sous la dénomination de personnel statutaire fixe ou de personnel à durée indéterminée [non permanent], avec la même stabilité dans l’emploi que le personnel statutaire fixe comparable, et ce eu égard au fait que le droit espagnol interdit de façon absolue de transformer une succession de [relations] de travail à durée déterminée en une [relation] de travail à durée indéterminée dans le secteur public et ne contient pas d’autre mesure effective pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de [relations] de travail à durée déterminée successives, serait-elle conforme aux objectifs poursuivis par la directive 1999/70, en tant que mesure visant à prévenir et à sanctionner le recours abusif aux relations de travail à durée déterminée successives ainsi qu’à effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union ?

6)      En cas de recours abusif aux relations de travail à durée déterminée successives, peut-on considérer que la transformation de la relation de travail à durée déterminée visant à pourvoir un poste vacant en relation à durée indéterminée [non permanente] ou en relation permanente ne respecte les objectifs de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre que lorsque l’employé statutaire temporaire victime de l’abus jouit des mêmes conditions de travail que le personnel statutaire fixe (en matière de protection sociale, de promotion professionnelle, d’attribution de postes vacants, de formation professionnelle, de congés sans solde, de situations administratives, de congés d’autre type, de droits à pension, de cessation des fonctions dans les postes de travail ainsi que de participation aux concours organisés en vue de pourvoir des postes vacants et à la formation professionnelle), conformément aux principes de permanence et d’inamovibilité, avec tous les droits et obligations y afférents, sur un pied d’égalité avec le personnel statutaire fixe ?

7)      En cas de recours abusif au recrutement temporaire visant à satisfaire des besoins permanents, en l’absence de raison objective, lorsque le recrutement ne répond pas à la nécessité urgente et impérative qui le justifie et eu égard à l’absence de sanctions ou de limites effectives en droit espagnol, une indemnité équivalente à celle versée en cas licenciement abusif, à titre de sanction adéquate, proportionnée, efficace et dissuasive, serait-elle conforme aux objectifs poursuivis par la directive 1999/70, en tant que mesure visant à prévenir les abus et à effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union lorsque l’employeur n’offre pas de poste permanent au travailleur ? »

 Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

40      À la suite du prononcé des conclusions de Mme l’avocate générale, Mme Fernández Álvarez e.a. ont, par acte déposé au greffe de la Cour le 6 novembre 2019, demandé à ce que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

41      À l’appui de leur demande, Mme Fernández Álvarez e.a. font valoir, en substance, que les conclusions de Mme l’avocate générale reposent sur des erreurs qui doivent être rectifiées et contiennent des formulations qui soit n’ont pas été débattues entre les parties, soit contredisent ce que celles-ci ont reconnu. D’abord, l’indemnisation des agents publics victimes d’un recours abusif aux relations de travail à durée déterminée successives, que Mme l’avocate générale aurait mentionnée aux points 75 à 78 de ses conclusions, n’existerait pas en droit espagnol. De même, le mécanisme de sanction effectif et dissuasif, dont Mme l’avocate générale aurait fait état au point 77 de ses conclusions, ferait également défaut dans ce droit, dès lors que ce dernier ne permettrait pas d’imposer une amende aux autorités administratives. Ensuite, la position, prétendument exprimée par Mme l’avocate générale au point 85 de ses conclusions, selon laquelle la transformation des relations de travail à durée déterminée en relations de travail à durée indéterminée doit être effectuée, en l’absence d’autres mesures, selon une procédure en bonne et due forme, afin de déterminer clairement l’ordre des nominations, constituerait un élément nouveau et il serait indispensable que les parties aient la possibilité de présenter leur point de vue à cet égard. Enfin, Mme l’avocate générale aurait, au point 82 de ses conclusions, introduit un fait nouveau qui ne trouverait pas d’appui dans la réglementation nationale en cause au principal, en considérant que les agents temporaires de la communauté de Madrid victimes d’un recours abusif à des relations de travail à durée déterminée successives ne peuvent accéder à la stabilité de l’emploi, car ils n’ont pas fait la preuve de leurs mérites et de leur aptitude dans le cadre d’une procédure de sélection.

42      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles-ci (arrêt du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia, C‑641/17, EU:C:2019:960, point 39 et jurisprudence citée).

43      Il convient également de relever, dans ce contexte, que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité pour les parties ou les intéressés visés à l’article 23 de ce statut de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général. Le désaccord d’une partie ou d’un tel intéressé avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut, par conséquent, constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la procédure orale (arrêt du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia, C‑641/17, EU:C:2019:960, point 40 et jurisprudence citée).

44      Il s’ensuit que, dans la mesure où la demande de réouverture de la phase orale de la procédure présentée par Mme Fernández Álvarez e.a. vise à leur permettre de répondre à la position prise par M. l’avocat général dans ses conclusions, elle ne saurait être accueillie.

45      Certes, en vertu de l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

46      Il y a lieu de rappeler, toutefois, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de l’ordre juridique national, celle-ci est en principe tenue de se fonder sur les qualifications résultant de la décision de renvoi et n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre (arrêt du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia, C‑641/17, EU:C:2019:960, point 43 et jurisprudence citée).

47      Or, les décisions de renvoi contiennent les informations nécessaires relatives aux dispositions du droit espagnol pertinentes et, en particulier, aux dispositions applicables aux agents publics espagnols, sur lesquelles la Cour est tenue de se fonder.

48      Par conséquent, la Cour, l’avocat général entendu, considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées par les juridictions de renvoi.

49      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question dans l’affaire C103/18

50      Par sa première question dans l’affaire C‑103/18, la juridiction de renvoi souhaite obtenir des précisions sur la notion de « contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs », au sens de la clause 5 de l’accord-cadre.

51      Il ressort de la décision de renvoi que cette question concerne le fait que, en l’occurrence, M. Sánchez Ruiz a été engagé par la communauté de Madrid dans le cadre d’une relation de travail à durée déterminée sur un poste vacant jusqu’à ce que ce dernier soit pourvu de manière définitive, que cet employeur n’a pas respecté le délai, prévu par la réglementation espagnole, pour l’organisation d’une procédure de sélection visant à pourvoir ce poste de manière définitive et que cette relation de travail s’est ainsi poursuivie sur plusieurs années. Il découle, en outre, de cette décision que, dans ces conditions, il doit être considéré que la relation de travail de l’intéressé a été implicitement prorogée d’année en année. Par ailleurs, la juridiction de renvoi précise que, quand bien même M. Sánchez Ruiz a fait l’objet, aux mois de novembre 1999 et de décembre 2011, de deux nominations par la communauté de Madrid, il a occupé de manière ininterrompue le même poste de travail et a exercé, de façon constante et continue, les mêmes fonctions au service de ce même employeur.

52      Il en résulte que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que la notion de « contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs », au sens de cette disposition, couvre une situation dans laquelle un travailleur engagé sur la base d’une relation de travail à durée déterminée, à savoir jusqu’à ce que le poste vacant dans lequel il est engagé soit pourvu de manière définitive, a occupé, dans le cadre de plusieurs nominations, le même poste de travail de manière ininterrompue pendant plusieurs années et a exercé, de façon constante et continue, les mêmes fonctions, le maintien pérenne de ce travailleur dans ce poste vacant étant la conséquence du non-respect par l’employeur de son obligation légale d’organiser dans le délai imparti une procédure de sélection visant à pourvoir ledit poste vacant de manière définitive et sa relation de travail ayant été de ce fait implicitement prorogée d’année en année.

53      À cet égard, il convient de rappeler que la clause 5 de l’accord-cadre a pour but de mettre en œuvre l’un des objectifs poursuivis par celui-ci, à savoir encadrer le recours successif aux contrats ou aux relations de travail à durée déterminée, considéré comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 26 et jurisprudence citée).

54      En effet, comme cela résulte du deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre ainsi que des points 6 et 8 des considérations générales dudit accord-cadre, le bénéfice de la stabilité de l’emploi est conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs, alors que ce n’est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 27 et jurisprudence citée).

55      Dès lors, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres, en vue de prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures qu’elle énumère, lorsque leur droit interne ne comporte pas de mesures légales équivalentes. (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 28 et jurisprudence citée).

56      Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre trouve à s’appliquer uniquement en présence de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2005, Mangold, C‑144/04, EU:C:2005:709, points 41 et 42 ; du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 45, ainsi que du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, point 70).

57      La clause 5, point 2, sous a), de l’accord-cadre laisse en principe aux États membres et/ou aux partenaires sociaux le soin de déterminer sous quelles conditions les contrats ou les relations de travail à durée déterminée sont considérés comme « successifs » (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 81 ; du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 79, et du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, point 71).

58      Si un tel renvoi aux autorités nationales pour les besoins de la définition des modalités concrètes d’application du terme « successifs » au sens de l’accord-cadre s’explique par le souci de préserver la diversité des réglementations nationales en la matière, il importe cependant de rappeler que la marge d’appréciation ainsi laissée aux États membres n’est pas sans limites, puisqu’elle ne saurait en aucun cas aller jusqu’à remettre en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord-cadre. En particulier, ce pouvoir d’appréciation ne doit pas être exercé par les autorités nationales d’une manière telle qu’il conduirait à une situation susceptible de donner lieu à des abus et ainsi de contrarier ledit objectif (arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 82).

59      En effet, les États membres sont tenus de garantir le résultat imposé par le droit de l’Union, ainsi que cela résulte non seulement de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, mais également de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, lu à la lumière du dix-septième considérant de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 68).

60      Les limites au pouvoir d’appréciation laissé aux États membres, visées au point 58 du présent arrêt, s’imposent tout particulièrement s’agissant d’une notion clé, telle que celle du caractère successif des rapports de travail, qui est déterminante pour la définition du champ d’application même des dispositions nationales destinées à mettre en œuvre l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 83).

61      Or, ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale au point 44 de ses conclusions, le fait de conclure à l’absence de relations de travail à durée déterminée successives, au sens de la clause 5 de l’accord-cadre, au seul motif que le travailleur concerné, quand bien même aurait-il fait l’objet de plusieurs nominations, a occupé de manière ininterrompue le même poste de travail pendant plusieurs années et a exercé, de façon constante et continue, les mêmes fonctions, alors que le maintien pérenne de ce travailleur sur un poste vacant sur la base d’une relation de travail à durée déterminée est la conséquence du non-respect par l’employeur de son obligation légale d’organiser dans le délai imparti une procédure de sélection visant à pourvoir ce poste vacant de manière définitive et que sa relation de travail a été de ce fait implicitement prorogée d’année en année, risquerait de compromettre l’objet, la finalité ainsi que l’effet utile de cet accord.

62      En effet, une telle définition restrictive de la notion de « relations de travail à durée déterminée successives » permettrait d’employer des travailleurs de façon précaire pendant des années (voir, par analogie, arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 85).

63      En outre, cette même définition restrictive risquerait d’avoir pour effet non seulement d’exclure, dans les faits, un grand nombre de relations de travail à durée déterminée du bénéfice de la protection des travailleurs recherchée par la directive 1999/70 et l’accord-cadre, en vidant l’objectif poursuivi par ceux-ci d’une grande partie de leur substance, mais également de permettre l’utilisation abusive de telles relations par les employeurs pour satisfaire des besoins permanents et durables en matière de personnel.

64      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question dans l’affaire C‑103/18 que la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que les États membres et/ou les partenaires sociaux ne sauraient exclure de la notion de « contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs », au sens de cette disposition, une situation dans laquelle un travailleur engagé sur la base d’une relation de travail à durée déterminée, à savoir jusqu’à ce que le poste vacant dans lequel il est engagé soit pourvu de manière définitive, a occupé, dans le cadre de plusieurs nominations, le même poste de travail de manière ininterrompue pendant plusieurs années et a exercé, de façon constante et continue, les mêmes fonctions, le maintien pérenne de ce travailleur dans ce poste vacant étant la conséquence du non-respect par l’employeur de son obligation légale d’organiser dans le délai imparti une procédure de sélection visant à pourvoir ledit poste vacant de manière définitive et sa relation de travail ayant été de ce fait implicitement prorogée d’année en année.

 Sur les troisième à cinquième questions dans l’affaire C103/18 ainsi que la première question dans l’affaire C429/18

65      Par leurs troisième à cinquième questions dans l’affaire C‑103/18 et première question dans l’affaire C‑429/18, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation et à une jurisprudence nationales en vertu desquelles le renouvellement successif de relations de travail à durée déterminée est considéré comme étant justifié par des « raisons objectives », au sens du point 1, sous a), de cette clause, au seul motif que ce renouvellement répond aux motifs de recrutement visés par cette législation, à savoir des raisons de nécessité, d’urgence ou le développement de programmes de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire.

66      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de « raison objective », au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter notamment de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 38 et jurisprudence citée).

67      En revanche, une disposition nationale qui se bornerait à autoriser, de manière générale et abstraite, par une norme législative ou réglementaire, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait pas conforme aux exigences précisées au point précédent du présent arrêt (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 39 et jurisprudence citée).

68      En effet, une telle disposition purement formelle ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents afin de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable, est de nature à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Cette disposition comporte donc un risque réel d’entraîner un recours abusif à ce type de contrats et n’est, dès lors, pas compatible avec l’objectif et l’effet utile de l’accord-cadre (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 40 et jurisprudence citée).

69      S’agissant des affaires au principal, il convient de relever que la réglementation nationale pertinente détermine de manière précise les conditions dans lesquelles des contrats ou des relations de travail à durée déterminée successifs peuvent être conclus. En effet, le recours à de tels contrats est permis, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, du statut-cadre, selon les cas, lorsqu’il concerne la prestation de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, lorsqu’il est nécessaire pour garantir le fonctionnement permanent et continu des centres de santé ou lorsqu’il s’agit de fournir des services complémentaires pour compenser la réduction du temps de travail ordinaire.

70      Cette disposition précise encore que, si plus de deux nominations surviennent pour la prestation des mêmes services pour une durée cumulée de douze mois ou plus, sur une période de deux ans, l’administration compétente examine les causes de ces nominations et décide de l’opportunité de créer un poste structurel additionnel.

71      Il en découle que la réglementation nationale en cause au principal n’édicte pas une autorisation générale et abstraite de recourir à des contrats de travail à durée déterminée successifs, mais limite la conclusion de tels contrats aux fins de satisfaire, en substance, des besoins provisoires.

72      À cet égard, il importe de rappeler que le remplacement temporaire d’un travailleur en vue de satisfaire des besoins provisoires de l’employeur en termes de personnel peut, en principe, constituer une « raison objective » au sens de la clause 5, point 1, sous a), de cet accord-cadre (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 44 et jurisprudence citée).

73      En effet, force est de constater que, dans une administration disposant d’un effectif important, tel le secteur de la santé publique, il est inévitable que des remplacements temporaires soient nécessaires en raison, notamment, de l’indisponibilité de membres du personnel bénéficiant de congés de maladie, de congés de maternité, de congés parentaux ou autres. Le remplacement temporaire de travailleurs dans ces circonstances est susceptible de constituer une raison objective au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre justifiant tant le caractère déterminé de la durée des contrats conclus avec le personnel statuaire de remplacement que le renouvellement de ces contrats en fonction de la survenance de nouveaux besoins, sous réserve du respect des exigences fixées par l’accord-cadre à cet égard (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 45 et jurisprudence citée).

74      En outre, il convient de rappeler que l’obligation d’organiser les services de santé de manière à assurer une adéquation constante entre le nombre de membres du personnel soignant et le nombre de patients incombe à l’administration publique et est tributaire d’une multitude de facteurs susceptibles de refléter un besoin particulier de flexibilité qui, conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 68 du présent arrêt, est de nature, dans ce secteur spécifique, à objectivement justifier, au regard de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 46).

75      En revanche, il ne saurait être admis que des contrats de travail à durée déterminée puissent être renouvelés aux fins de l’accomplissement, de manière permanente et durable, de tâches dans les services de santé qui relèvent de l’activité normale du personnel hospitalier ordinaire (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 47 et jurisprudence citée).

76      En effet, le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée pour couvrir des besoins qui revêtent, en fait, un caractère non pas provisoire mais permanent et durable n’est pas justifié au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, dans la mesure où une telle utilisation des contrats ou des relations de travail à durée déterminée va directement à l’encontre de la prémisse sur laquelle se fonde cet accord-cadre, à savoir que les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, même si les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 48 et jurisprudence citée).

77      Le respect de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre exige ainsi qu’il soit vérifié concrètement que le renouvellement successif de contrats ou de relations de travail à durée déterminée vise à couvrir des besoins provisoires et qu’une disposition nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal n’est pas utilisée, en fait, pour satisfaire des besoins permanents et durables de l’employeur en matière de personnel (arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López, C‑16/15, EU:C:2016:679, point 49 et jurisprudence citée).

78      À cet égard, les juridictions de renvoi ont constaté que, en pratique, les nominations successives de M. Sánchez Ruiz et de Mme Fernández Álvarez e.a. ne répondaient pas à de simples besoins provisoires de la communauté de Madrid, mais visaient à satisfaire des besoins permanents et durables en matière de personnel au sein du service de santé de cette communauté. En effet, il découle des décisions de renvoi que, au moment de l’introduction de leurs recours, ces travailleurs avaient tous été occupés par la communauté de Madrid pendant au moins 12 années consécutives, que certains d’entre eux avaient fait l’objet de plus de 200 nominations et qu’ils effectuaient des tâches qui relèvent de l’activité normale du personnel bénéficiant d’un statut fixe.

79      Par ailleurs, cette constatation est corroborée par le fait que les juridictions de renvoi ont fait état de l’existence d’un problème structurel dans le secteur public de la santé espagnol, se traduisant par un pourcentage élevé de travailleurs temporaires, qui constituent, pour cette raison, un élément essentiel du fonctionnement de ce secteur ainsi que par l’absence de limites maximales au nombre de relations de travail à durée déterminée successives et la méconnaissance de l’obligation légale de pourvoir les postes temporairement couverts par ce personnel par l’engagement de travailleurs à durée indéterminée.

80      Dans ces conditions, il convient de répondre aux troisième à cinquième questions dans l’affaire C‑103/18 et à la première question dans l’affaire C‑429/18 que la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation et à une jurisprudence nationales en vertu desquelles le renouvellement successif de relations de travail à durée déterminée est considéré comme étant justifié par des « raisons objectives », au sens du point 1, sous a), de cette clause, au seul motif que ce renouvellement répond aux motifs de recrutement visés par cette législation, à savoir des raisons de nécessité, d’urgence ou le développement de programmes de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, dans la mesure où de telles législation et jurisprudence nationales n’empêchent pas l’employeur concerné de répondre, en pratique, par de tels renouvellements, à des besoins permanents et durables en personnel.

 Sur la septième question dans l’affaire C103/18 ainsi que les deuxième, troisième, quatrième, sixième et septième questions dans l’affaire C429/18

81      Par leurs septième question dans l’affaire C‑103/18 ainsi que deuxième, troisième, quatrième, sixième et septième questions dans l’affaire C‑429/18, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi interrogent la Cour, en substance, sur le point de savoir si certaines mesures prévues par le droit espagnol peuvent être considérées comme constituant des mesures adéquates aux fins de prévenir et, le cas échéant, de sanctionner les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, au sens de la clause 5 de l’accord-cadre.

82      À cet égard, les juridictions de renvoi se réfèrent, en particulier, à l’organisation de procédures de sélection visant à pourvoir de manière définitive les postes occupés provisoirement par des travailleurs employés dans le cadre de relations de travail à durée déterminée, à la transformation du statut des travailleurs ayant été occupés de manière abusive dans le cadre de relations de travail à durée déterminée successives en « personnel à durée indéterminée non permanent » et à l’octroi d’une indemnité équivalente à celle versée en cas de licenciement abusif.

83      Il convient de rappeler que la clause 5 de l’accord-cadre, qui a pour but de mettre en œuvre l’un des objectifs poursuivis par celui-ci, à savoir encadrer le recours successif aux contrats ou aux relations de travail à durée déterminée, impose, à son point 1, aux États membres l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures qu’elle énumère, lorsque leur droit interne ne contient pas de mesures légales équivalentes. Les mesures ainsi énumérées au point 1, sous a) à c), de cette clause, au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou de telles relations de travail, à la durée maximale totale de ces contrats ou de ces relations de travail successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 84 et jurisprudence citée).

84      Les États membres disposent, à cet égard, d’une marge d’appréciation, dès lors qu’ils ont le choix de recourir à l’une ou à plusieurs des mesures énoncées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre ou encore à des mesures légales existantes équivalentes, et cela tout en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 85 et jurisprudence citée).

85      Ce faisant, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre assigne aux États membres un objectif général, consistant en la prévention de tels abus, tout en leur laissant le choix des moyens pour y parvenir, pour autant qu’ils ne remettent pas en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord-cadre (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 86 et jurisprudence citée).

86      La clause 5 de l’accord-cadre n’énonce pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient été constatés. Dans un tel cas, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures qui doivent revêtir un caractère non seulement proportionné, mais également suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord-cadre (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 87 et jurisprudence citée).

87      Ainsi, la clause 5 de l’accord-cadre n’édicte pas une obligation générale des États membres de prévoir la transformation en un contrat à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée. L’ordre juridique interne de l’État membre concerné doit néanmoins comporter une autre mesure effective pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2016, Martínez Andrés et Castrejana López, C‑184/15 et C‑197/15, EU:C:2016:680, points 39 et 41 ainsi que jurisprudence citée).

88      Lorsqu’un recours abusif à des contrats ou à des relations de travail à durée déterminée successifs a eu lieu, une mesure présentant des garanties effectives et équivalentes de protection des travailleurs doit pouvoir être appliquée pour sanctionner dûment cet abus et effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union. En effet, selon les termes mêmes de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, les États membres doivent « prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par [cette] directive » (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 88 et jurisprudence citée).

89      Il convient de rappeler, en outre, qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions du droit interne, cette mission incombant aux juridictions nationales compétentes, lesquelles doivent déterminer si les exigences édictées à la clause 5 de l’accord-cadre sont satisfaites par les dispositions de la réglementation nationale applicable (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 89 et jurisprudence citée).

90      Il incombe donc, en l’occurrence, aux juridictions de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (voir, par analogie, arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 90 et jurisprudence citée).

91      La Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, néanmoins, apporter des précisions visant à guider lesdites juridiction dans leur appréciation (voir, par analogie, arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 91 et jurisprudence citée).

92      À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, qu’aucune des mesures nationales mentionnées au point 82 du présent arrêt ne semble relever de l’une des catégories de mesures visées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre, destinées à prévenir le recours abusif à des contrats ou à des relations de travail à durée déterminée successifs.

93      Dès lors, il convient de rechercher, en second lieu, si ces mesures constituent des « mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus », au sens de cette clause.

94      S’agissant, tout d’abord, de l’organisation dans les délais requis de procédures de sélection visant à pourvoir de manière définitive les postes occupés provisoirement par des travailleurs à durée déterminée, il importe d’observer qu’une telle mesure est de nature à éviter que le statut précaire de ces travailleurs se pérennise, en assurant que les postes qu’ils occupent soient rapidement pourvus de manière définitive.

95      Dès lors, l’organisation dans les délais requis de telles procédures est, en principe, susceptible, dans les situations en cause au principal, de prévenir les abus résultant du recours à des relations de travail à durée déterminée successives dans l’attente que ces postes soient pourvus de manière définitive.

96      Cela étant précisé, il ressort des décisions de renvoi que, en l’occurrence, malgré le fait que la réglementation en cause au principal prévoit des délais précis pour l’organisation de telles procédures, en réalité, ces délais ne sont pas respectés et ces procédures sont peu fréquentes.

97      Dans ces conditions, une législation nationale qui prévoit l’organisation de procédures de sélection visant à pourvoir de manière définitive les postes occupés provisoirement par des travailleurs à durée déterminée ainsi que des délais précis à cette fin, mais qui ne permet pas d’assurer que de telles procédures soient effectivement organisées, n’apparaît pas apte à prévenir le recours abusif, par l’employeur concerné, à des relations de travail à durée déterminée successives. Une telle législation n’apparaît pas non plus apte à sanctionner dûment le recours abusif à de telles relations de travail et à effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union, dès lors que, ainsi que l’ont indiqué les juridictions de renvoi, son application n’aurait aucun effet négatif pour cet employeur.

98      Par conséquent, sous réserve de vérification par les juridictions de renvoi, une telle législation ne semble pas constituer une mesure suffisamment effective et dissuasive pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord-cadre, au sens de la jurisprudence rappelée au point 86 du présent arrêt, et, partant, une « mesure légale équivalente », au sens de la clause 5 de l’accord-cadre.

99      Il en va de même de la quatrième disposition transitoire du statut de base des agents publics, qui prévoit la possibilité pour l’administration de consolider l’emploi à des postes occupés par des agents non titulaires ou du personnel temporaire au moyen d’épreuves. En effet, il ressort des informations fournies par les juridictions de renvoi que cette disposition ne prévoit qu’une faculté pour l’administration, de telle sorte que celle-ci n’est pas obligée de mettre en œuvre ladite disposition, même lorsqu’il a été constaté qu’elle recourait de manière abusive à l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

100    Au demeurant, s’agissant du fait que l’organisation de procédures de sélection fournit l’occasion aux travailleurs ayant été occupés de manière abusive dans le cadre de relations de travail à durée déterminée successives de tenter d’accéder à la stabilité de l’emploi, ceux-ci pouvant, en principe, participer à ces procédures, ce fait ne saurait dispenser les États membres du respect de l’obligation de prévoir une mesure adéquate pour sanctionner dûment le recours abusif aux contrats et relations de travail à durée déterminée successifs. En effet, ainsi que l’a relevé en substance Mme l’avocate générale au point 68 de ses conclusions, de telles procédures, dont l’issue est de surcroît incertaine, sont ouvertes également aux candidats qui n’ont pas été victimes d’un tel abus.

101    Dès lors, l’organisation de telles procédures étant indépendante de toute considération relative au caractère abusif du recours à des contrats à durée déterminée, elle n’apparaît pas apte à sanctionner dûment le recours abusif à de telles relations de travail et à effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union. Elle ne semble donc pas permettre d’atteindre la finalité poursuivie par la clause 5 de l’accord-cadre (voir, par analogie, arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, points 94 et 95).

102    En ce qui concerne, ensuite, la transformation du statut des travailleurs ayant été occupés de manière abusive dans des relations de travail à durée déterminée successives en « personnel à durée indéterminée non permanent », il suffit de relever que les juridictions de renvoi considèrent elles-mêmes que cette mesure ne permet pas d’atteindre la finalité poursuivie par la clause 5 de l’accord-cadre. En effet, il ressort des décisions de renvoi que cette transformation est sans préjudice de la possibilité pour l’employeur de supprimer le poste ou de mettre fin aux fonctions du travailleur à durée déterminée concerné lorsque le travailleur remplacé reprend ses fonctions. En outre, ainsi que l’ont indiqué les juridictions de renvoi, à la différence de la transformation, dans le secteur privé, des contrats de travail à durée déterminée successifs en contrat de travail à durée indéterminée, la transformation du statut des travailleurs à durée déterminée concernés en celui de « personnel à durée indéterminée non permanent » ne leur permet pas de jouir des mêmes conditions de travail que le personnel statutaire fixe.

103    S’agissant, enfin, de l’octroi d’une indemnité équivalente à celle versée en cas de licenciement abusif, il convient de rappeler que, afin de constituer une « mesure légale équivalente », au sens de la clause 5 de l’accord-cadre, l’octroi d’une indemnité doit viser spécifiquement à compenser les effets du recours abusif à des contrats ou à des relations de travail à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, points 94 et 95).

104    Conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 86 du présent arrêt, encore faut-il que l’indemnité octroyée soit non seulement proportionnée, mais également suffisamment effective et dissuasive pour garantir la pleine efficacité de cette clause.

105    Dans ces conditions, pour autant que le droit espagnol permet l’octroi d’une indemnité équivalente à celle versée en cas de licenciement abusif aux membres du personnel statuaire temporaire victimes de l’utilisation abusive de relations de travail à durée déterminée successives, il appartient aux juridictions de renvoi de déterminer si une telle mesure est adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner un tel abus.

106    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la septième question dans l’affaire C‑103/18 ainsi qu’aux deuxième, troisième, quatrième, sixième et septième questions dans l’affaire C‑429/18 que la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’il incombe à la juridiction nationale d’apprécier, conformément à l’ensemble des règles de son droit national applicables, si l’organisation de procédures de sélection visant à pourvoir de manière définitive les postes occupés provisoirement par des travailleurs employés dans le cadre de relations de travail à durée déterminée, la transformation du statut de ces travailleurs en « personnel à durée indéterminée non permanent » et l’octroi auxdits travailleurs d’une indemnité équivalente à celle versée en cas de licenciement abusif constituent des mesures adéquates pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs ou des mesure légales équivalentes, au sens de cette disposition.

 Sur la deuxième question dans l’affaire C103/18

107    Il ressort des motifs de la décision de renvoi dans l’affaire C‑103/18 que, par sa deuxième question dans cette affaire, la juridiction de renvoi demande en substance si l’accord-cadre doit être interprété en ce sens que, en cas de recours abusif, par un employeur public, à des relations de travail à durée déterminée successives, le fait que le travailleur concerné a consenti à l’établissement de ces différentes relations de travail est de nature à ôter, de ce point de vue, tout caractère abusif au comportement de cet employeur, de sorte que l’accord-cadre ne serait pas applicable à la situation de ce travailleur.

108    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort du libellé même de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre que le champ d’application de celui-ci est conçu de manière large, dès lors qu’il vise de façon générale les « travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre ». En outre, la définition de la notion de « travailleurs à durée déterminée », au sens de l’accord-cadre, énoncée à la clause 3, point 1, de celui-ci, englobe l’ensemble des travailleurs, sans opérer de distinction selon la qualité publique ou privée de l’employeur auquel ils sont liés et quelle que soit la qualification de leur contrat en droit interne (arrêt du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13 à C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 67 et jurisprudence citée).

109    L’accord-cadre s’applique dès lors à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur, pour autant que ceux-ci sont liés par un contrat ou une relation de travail au sens du droit national, et sous la seule réserve de la marge d’appréciation conférée aux États membres par la clause 2, point 2, de l’accord-cadre quant à l’application de ce dernier à certaines catégories de contrats ou de relations de travail ainsi que de l’exclusion, conformément au quatrième alinéa du préambule de l’accord-cadre, des travailleurs intérimaires (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13 à C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 68 et jurisprudence citée).

110    Il ne ressort nullement de ces dispositions que l’application de l’accord-cadre serait exclue lorsque le travailleur a consenti à l’établissement de sa relation de travail avec un employeur public.

111    Au contraire, une telle interprétation irait manifestement à l’encontre de l’un des objectifs de l’accord-cadre, à savoir, ainsi qu’il ressort du point 53 du présent arrêt, celui d’encadrer le recours successif aux contrats ou aux relations de travail à durée déterminée, considéré comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés.

112    Cet objectif de l’accord-cadre est fondé implicitement mais nécessairement sur la prémisse selon laquelle le travailleur, en raison de sa position de faiblesse par rapport à l’employeur, est susceptible d’être la victime d’un recours abusif, par l’employeur, à des relations de travail à durée déterminée successives, quand bien même l’établissement et le renouvellement de ces relations de travail seraient librement consenties.

113    En effet, cette situation de faiblesse peut dissuader un travailleur de faire valoir explicitement ses droits à l’égard de son employeur, dès lors, notamment, que la revendication de ceux-ci est susceptible de l’exposer à des mesures prises par ce dernier de nature à affecter la relation de travail au détriment de ce travailleur (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, CCOO, C‑55/18, EU:C:2019:402, points 44 et 45 ainsi que jurisprudence citée).

114    Dès lors, il ne saurait être considéré que les travailleurs à durée déterminée sont privés de la protection que l’accord-cadre leur garantit au seul motif que ceux-ci ont consenti librement à la conclusion de relations de travail à durée déterminée successives, sous peine de priver complètement la clause 5 de cet accord de tout effet utile.

115    Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 108 du présent arrêt, n’est pas pertinent, à cet égard, le fait que ces relations de travail ont été établies par des actes administratifs en raison de la qualité publique de l’employeur.

116    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question dans l’affaire C‑103/18 que la clause 2, la clause 3, point 1, et la clause 5 de l’accord-cadre doivent être interprétées en ce sens que, en cas de recours abusif, par un employeur public, à des relations de travail à durée déterminée successives, le fait que le travailleur concerné a consenti à l’établissement et/ou au renouvellement de ces relations de travail n’est pas de nature à ôter, de ce point de vue, tout caractère abusif au comportement de cet employeur, de sorte que l’accord-cadre ne serait pas applicable à la situation de ce travailleur.

 Sur les sixième et neuvième questions dans l’affaire C103/18 ainsi que sur la cinquième question dans l’affaire C429/18

117    Par leurs sixième et neuvième questions dans l’affaire C‑103/18 et cinquième question dans l’affaire C‑429/18, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il impose à une juridiction nationale saisie d’un litige entre un travailleur et son employeur public de laisser inappliquée une réglementation nationale qui n’est pas conforme à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

118    À cet égard, il convient de rappeler que la clause 5, point 1, de accord-cadre n’est pas inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un particulier devant un juge national (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, EU:C:2008:223, point 80).

119    Or, une telle disposition du droit de l’Union, dépourvue d’effet direct, ne peut être invoquée, en tant que telle, dans le cadre d’un litige relevant du droit de l’Union, afin d’écarter l’application d’une disposition de droit national qui y serait contraire (voir, par analogie, arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 62).

120    Dès lors, une juridiction nationale n’est pas tenue de laisser inappliquée une disposition de son droit national contraire à la clause 5, point 1, de accord-cadre.

121    Cela étant précisé, il convient de rappeler que, en appliquant le droit interne, les juridictions nationales sont tenues de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, de se conformer à l’article 288, troisième alinéa, TFUE (arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 108 et jurisprudence citée).

122    L’exigence d’une interprétation conforme du droit national est en effet inhérente au système du traité, en ce qu’elle permet aux juridictions nationales d’assurer, dans le cadre de leurs compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies (arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 109 et jurisprudence citée).

123    Certes, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment dans ceux de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité, et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 110 et jurisprudence citée).

124    Le principe d’interprétation conforme requiert néanmoins que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 111 et jurisprudence citée).

125    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux sixième et neuvième questions dans l’affaire C‑103/18 ainsi qu’à la cinquième question dans l’affaire C‑429/18 que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à une juridiction nationale saisie d’un litige entre un travailleur et son employeur public de laisser inappliquée une réglementation nationale qui n’est pas conforme à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

 Sur la huitième question dans l’affaire C103/18

126    Par sa huitième question dans l’affaire C‑103/18, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il impose aux États membres de prévoir la possibilité de réviser des jugements et des actes administratifs relatifs à des cessations de fonctions et des nominations ainsi que des avis de concours devenus définitifs afin de garantir le plein effet du droit de l’Union.

127    Selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (ordonnance du 12 juin 2019, Aragón Carrasco e.a., C‑367/18, non publiée, EU:C:2019:487, point 53 et jurisprudence citée).

128    En outre, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (ordonnance du 12 juin 2019, Aragón Carrasco e.a., C‑367/18, non publiée, EU:C:2019:487, point 54 et jurisprudence citée).

129    En l’occurrence, la juridiction de renvoi n’a nullement précisé qu’elle serait, dans le litige au principal, amenée à revenir sur un jugement ou à enjoindre un organe administratif de revenir sur une décision de cessation de fonctions, de nomination ou sur un avis de concours devenus définitifs.

130    À cet égard, il pourrait être déduit de la motivation de la décision de renvoi dans l’affaire C‑103/18, ainsi que des observations du gouvernement espagnol dans cette affaire, que les seules circonstances dans lesquelles la communauté de Madrid serait éventuellement amenée à revenir sur des décisions de nomination ou de cessation de fonctions devenues définitives seraient la transformation des nominations successives de M. Sánchez Ruiz en nomination en tant que membre du personnel statutaire fixe, en vue de sanctionner le recours abusif, par cet employeur public, à des relations de travail à durée déterminée successives. Toutefois, il ressort clairement des informations fournies par la juridiction de renvoi qu’une telle transformation est catégoriquement exclue en vertu du droit espagnol, l’accès au statut de personnel statutaire fixe n’étant possible qu’à la suite de la réussite d’une procédure de sélection.

131    Dans ces conditions, il apparaît de manière manifeste que le problème soulevé par la huitième question dans l’affaire C‑103/18 est de nature hypothétique. Cette question est donc irrecevable.

 Sur les dépens

132    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

1)      La clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens que les États membres et/ou les partenaires sociaux ne sauraient exclure de la notion de « contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs », au sens de cette disposition, une situation dans laquelle un travailleur engagé sur la base d’une relation de travail à durée déterminée, à savoir jusqu’à ce que le poste vacant dans lequel il est engagé soit pourvu de manière définitive, a occupé, dans le cadre de plusieurs nominations, le même poste de travail de manière ininterrompue pendant plusieurs années et a exercé, de façon constante et continue, les mêmes fonctions, le maintien pérenne de ce travailleur dans ce poste vacant étant la conséquence du non-respect par l’employeur de son obligation légale d’organiser dans le délai imparti une procédure de sélection visant à pourvoir ledit poste vacant de manière définitive et sa relation de travail ayant été de ce fait implicitement prorogée d’année en année.

2)      La clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation et à une jurisprudence nationales en vertu desquelles le renouvellement successif de relations de travail à durée déterminée est considéré comme étant justifié par des « raisons objectives », au sens du point 1, sous a), de cette clause, au seul motif que ce renouvellement répond aux motifs de recrutement visés par cette législation, à savoir des raisons de nécessité, d’urgence ou le développement de programmes de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, dans la mesure où de telles législation et jurisprudence nationales n’empêchent pas l’employeur concerné de répondre, en pratique, par de tels renouvellements, à des besoins permanents et durables en personnel.

3)      La clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70, doit être interprétée en ce sens qu’il incombe à la juridiction nationale d’apprécier, conformément à l’ensemble des règles de son droit national applicables, si l’organisation de procédures de sélection visant à pourvoir de manière définitive les postes occupés provisoirement par des travailleurs employés dans le cadre de relations de travail à durée déterminée, la transformation du statut de ces travailleurs en « personnel à durée indéterminée non permanent » et l’octroi auxdits travailleurs d’une indemnité équivalente à celle versée en cas de licenciement abusif constituent des mesures adéquates pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs ou des mesure légales équivalentes, au sens de cette disposition.

4)      La clause 2, la clause 3, point 1, et la clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70, doivent être interprétées en ce sens que, en cas de recours abusif, par un employeur public, à des relations de travail à durée déterminée successives, le fait que le travailleur concerné a consenti à l’établissement et/ou au renouvellement de ces relations de travail n’est pas de nature à ôter, de ce point de vue, tout caractère abusif au comportement de cet employeur, de sorte que cet accord-cadre ne serait pas applicable à la situation de ce travailleur.

5)      Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à une juridiction nationale saisie d’un litige entre un travailleur et son employeur public de laisser inappliquée une réglementation nationale qui n’est pas conforme à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.