Language of document : ECLI:EU:T:2017:370

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

30 mai 2017 (1)

« Référé – Marchés publics – Demande de mesures provisoires – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑690/16 R,

Enrico Colombo SpA, établie à Sesto Calende (Italie),

Corinti Giacomo, établie à Ispra (Italie),

représentées par Mes R. Colombo et G. Turri, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. P. Rosa Plaza, Mmes S. Delaude et L. Di Paolo, en qualité d’agents,

et

Carmet Sas di Fietta Graziella & C.,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant à l’octroi de mesures provisoires visant, d’une part, le sursis à l’exécution des actes de la Commission aboutissant au rejet de l’offre des requérantes dans le cadre de l’appel d’offres JRC/IPR/2016/C.4/0002/OC et, d’autre part, en substance, la suspension du contrat conclu entre la Commission et l’adjudicataire de cet appel d’offres,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        La direction de la gestion du site d’Ispra (Italie) du Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne a publié, le 23 janvier 2016, un appel d’offre au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne prévoyant la conclusion d’un accord cadre portant sur des travaux de construction et d’entretien de conduites d’eau ainsi que de sous-stations de chauffage urbain et de refroidissement.

2        Les requérantes, Enrico Colombo SpA et l’entreprise individuelle Corinti Giacomo, en voie de constitution d’un groupement d’entreprises, ainsi que, notamment, Carmet Sas di Fietta Graziella & C. (ci-après « Carmet ») ont participé à la procédure de passation de ce marché.

3        Dans son procès-verbal du 13 mai 2016, le comité d’évaluation a conclu, notamment, que le marché devait être accordé à Carmet, son offre ayant le prix le plus bas.

4        Le 17 mai 2016, les requérantes ont fait savoir à la Commission, en substance, qu’il ressortait des informations contenues dans l’extrait du registre du commerce que Carmet ne disposait pas de l’habilitation requise par le droit national pour effectuer les travaux faisant l’objet du marché et que l’objet social de Carmet portait sur une activité étrangère à l’objet du marché.

5        Par la suite, la Commission a demandé à Carmet de fournir des renseignements quant à son habilitation.

6        Sur la base des documents fournis par Carmet, le comité d’évaluation a conclu, dans son procès-verbal du 28 juin 2016, notamment, que l’habilitation de Carmet avait été vérifiée et sa validité établie et que le marché devait être accordé à Carmet, son offre ayant le prix le plus bas.

7        Le 18 juillet 2016, la Commission a décidé d’adjuger le marché à Carmet (ci-après la « décision d’adjudication »).

8        Le 20 juillet 2016, la Commission a informé, par voie électronique, les requérantes de la décision d’adjudication et du fait que leur offre n’avait pas été retenue dans la mesure où elles n’avaient pas offert le prix le plus bas, leur offre ayant été classée en deuxième position (ci-après le « rejet de l’offre »). Il était indiqué que, sur demande écrite, la Commission fournirait le nom du soumissionnaire sélectionné ainsi que les caractéristiques et les avantages de l’offre sélectionnée et la valeur du contrat. En outre, il était précisé :

« Le contrat ne peut être signé qu’au terme du délai de dix jours calendaires à compter du jour qui suit la date d’envoi de la présente communication. Durant cette période, vous pouvez présenter à l’administration adjudicatrice des observations sur la procédure d’appel d’offres. S’il n’était pas possible de conclure le contrat comme prévu, nous nous réservons la possibilité de revoir notre décision et d’attribuer le marché à un autre soumissionnaire ou d’annuler la procédure.

[…]

Vos questions éventuelles et nos réponses ou une plainte éventuelle relative à un cas de mauvaise administration n’auront ni pour objet ni pour effet de suspendre le délai d’introduction d’un recours visant à obtenir l’annulation de la présente décision, lequel délai est de deux mois à compter de la date de la présente communication. L’instance compétente pour connaître des recours en annulation est le Tribunal de l’Union européenne […] »

9        Le 21 juillet 2016, les requérantes ont demandé à la Commission de fournir le nom du soumissionnaire choisi ainsi que les caractéristiques et les avantages de l’offre sélectionnée et la valeur du contrat.

10      Le même jour, la Commission a fourni ces informations.

11      Le 19 août 2016, la Commission a signé le contrat relatif au marché avec Carmet.

12      Le 12 septembre 2016, la Commission a notamment informé les requérantes de la date de la signature du contrat relatif au marché avec Carmet.

13      Le 15 septembre 2016, les requérantes ont déposé une plainte devant la Commission, concluant que l’adjudication du marché à Carmet devait être annulée d’office en raison de l’absence de l’habilitation requise par le droit national et que le marché devait leur être attribué.

14      Le 21 septembre 2016, les requérantes ont réitéré cette demande tout en transmettant des documents additionnels à l’appui de celle-ci.

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2016, les requérantes ont introduit un recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision d’adjudication, du rejet de l’offre ainsi que des procès-verbaux du comité d’évaluation du 13 mai et du 28 juin 2016 (ci-après les « actes attaqués ») et à la réparation du préjudice subi, en annulant le contrat conclu avec l’adjudicataire, ou, à titre subsidiaire, par l’octroi de dommages et intérêts.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 14 octobre 2016, les requérantes ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle elles concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution des actes attaqués ;

–        adopter des mesures provisoires utiles aux fins de suspendre l’exécution du contrat conclu avec l’adjudicataire.

17      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 25 octobre 2016, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de mesures provisoires comme irrecevable ;

–        en tout état de cause, rejeter les demandes d’annulation et de réparation du préjudice subi comme irrecevables et, en toute hypothèse, comme dénuées de fondement ;

–        réserver les dépens.

 En droit

18      À titre liminaire, il convient de relever que la présente demande en référé est dirigée contre la Commission ainsi que contre Carmet, comme cela était le cas dans le recours enregistré sous le numéro T‑690/16.

19      Par ordonnance du 24 novembre 2016, Enrico Colombo et Giacomo Corinti/Commission (T‑690/16, non publiée, EU:T:2016:696), le Tribunal a rejeté pour incompétence manifeste ce recours en tant qu’il était dirigé contre Carmet.

20      La procédure de référé étant nécessairement accessoire à un recours direct (ordonnance du 12 février 1996, Lehrfreund/Conseil et Commission, T‑228/95 R, EU:T:1996:16, point 61), en l’occurrence le recours enregistré sous le numéro T‑690/16, le rejet partiel dudit recours, en tant qu’il était dirigé contre Carmet, a pour conséquence qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en référé en ce qu’elle est dirigée contre Carmet.

21      S’agissant de la demande en référé en ce qu’elle est dirigée contre la Commission, il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

22      L’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

23      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

24      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

25      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

26      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

27      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27).

28      Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

29      S’agissant, toutefois, du contentieux de la passation des marchés publics, il convient de tenir compte des particularités de ce contentieux aux fins d’apprécier l’urgence.

30      En effet, il ressort de la jurisprudence que, compte tenu des impératifs découlant de la protection effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 41].

31      Toutefois, cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne s’applique que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai d’attente résultant de l’article 118, paragraphes 2 et 3, du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1) et de l’article 171, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement n° 966/2012 (JO 2012 L 362, p. 1) soit respecté. Dès lors que le pouvoir adjudicateur a conclu le contrat avec l’adjudicataire après que ce délai s’est écoulé et avant l’introduction de la demande en référé, l’assouplissement susmentionné ne se justifie plus [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, points 34 et 42].

32      S’agissant de l’application de ces principes au cas d’espèce, il ressort du dossier, d’une part, que la Commission a notifié aux requérantes le rejet de l’offre le 20 juillet 2016 et, d’autre part, que le contrat avec Carmet a été conclu le 19 août 2016.

33      Le rejet de l’offre ayant été envoyé par voie électronique le 20 juillet 2016, le délai d’attente de dix jours a débuté le 21 juillet 2016 et a donc pris fin bien avant la conclusion du contrat, le 19 août 2016.

34      La présente demande en référé ayant été introduite le 14 octobre 2016, soit dix semaines après la fin du délai d’attente et huit semaines après la conclusion du contrat, l’assouplissement de la condition relative à l’urgence ne se justifie pas, en principe.

35      Il importe, toutefois, de relever que le délai d’attente ne peut mettre les intéressés en mesure de contester en justice l’attribution d’un marché avant que le contrat ne soit conclu que si ces intéressés disposent d’éléments suffisants pour déterminer l’existence d’une éventuelle illégalité de la décision d’attribution [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 47].

36      Eu égard aux exigences du principe de sécurité juridique, cette exception à l’application purement mécanique du délai d’attente doit, cependant, être réservée à des cas de figure exceptionnels dans lesquels le soumissionnaire évincé n’avait aucune raison de considérer que la décision d’attribution du marché était entachée d’illégalité avant la conclusion du contrat avec l’adjudicataire [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 49].

37      Il convient donc d’examiner si les requérantes ont disposé d’informations suffisantes pour faire usage du délai d’attente aux fins d’introduire une demande de mesures provisoires avant la conclusion du contrat entre la Commission et l’adjudicataire, le 19 août 2016 [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 50].

38      À cet égard, force est de constater que les requérantes ont informé la Commission le 17 mai 2016, soit bien avant la décision d’adjudication, des doutes qu’elles entretenaient quant à la légalité de l’offre de Carmet, en alléguant que cette dernière ne disposait pas de l’habilitation requise par le droit national pour effectuer les travaux faisant l’objet du marché et que l’objet social de Carmet portait sur une activité étrangère à l’objet du marché. Or, ainsi qu’il ressort du dossier, ces mêmes doutes sont, en substance, repris en tant que moyen unique dans la demande en référé au titre du fumus boni juris.

39      Les requérantes ayant été informées du rejet de l’offre le 20 juillet 2016 et du fait que Carmet était l’adjudicataire le 21 juillet 2016, elles étaient en mesure, dès le 21 juillet 2016, de formuler une critique spécifique à l’égard de la décision d’attribution du marché.

40      Cette critique, présentée comme moyen d’annulation et à l’appui de la demande en référé, leur aurait permis d’introduire utilement, dans le délai d’attente, un recours en annulation assorti d’une demande en référé visant à empêcher la conclusion du contrat entre la Commission et Carmet. Une telle demande, déposée en temps utile, aurait pu permettre aux requérantes d’obtenir l’adoption d’une ordonnance, au titre de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure, portant sursis à l’exécution de la décision d’attribution du marché, avant même que l’autre partie ait présenté ses observations, pour la durée de la procédure de référé (voir, en ce sens, ordonnance du 15 juin 2015, Close et Cegelec/Parlement, T‑259/15 R, non publié, EU:T:2015:378, point 46).

41      Le constat selon lequel les requérantes disposaient, le 21 juillet 2016, d’informations suffisantes pour faire usage du délai d’attente aux fins d’introduire une demande de mesures provisoires avant la conclusion du contrat entre la Commission et l’adjudicataire ne saurait être infirmé par le reproche des requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas transmis la « totalité de la documentation administrative présentée par Carmet ».

42      En effet, les requérantes n’expliquent aucunement, dans la demande en référé qui, par ailleurs, expose de manière très sommaire la procédure de la passation de marché et les échanges qu’entretenaient les requérantes avec la Commission tout en renvoyant aux documents annexés au recours, si et dans quelle mesure l’absence de transmission de la « totalité de la documentation administrative présentée par Carmet » a eu une incidence sur leur faculté de pouvoir faire utilement usage du délai d’attente aux fins d’introduire un recours assorti d’une demande en référé avant la conclusion du contrat entre la Commission et l’adjudicataire.

43      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).

44      En outre, si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande. Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes de la demande en référé, dans la requête principale ou dans les annexes de la requête principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement e.a., T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 16 et jurisprudence citée).

45      Par ailleurs, il convient de relever que rien n’aurait empêché les requérantes, jusqu’à l’expiration du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, augmenté du délai de distance fixé à l’article 60 du règlement de procédure, d’élargir la portée de leur recours et de leur demande en référé en fonction des informations obtenues de la part de la Commission. Au demeurant, les requérantes auraient même été autorisées, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, à produire des moyens nouveaux en cours d’instance, dès lors que ces moyens se fondaient sur des éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure devant le Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance du 15 juin 2015, Close et Cegelec/Parlement, T‑259/15 R, EU:T:2015:378, point 46).

46      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que les requérantes disposaient, le 21 juillet 2016, d’éléments suffisants pour introduire une demande en référé et que l’allégation selon laquelle elles ne disposaient pas de la « totalité de la documentation administrative présentée par Carmet » n’est pas de nature à démontrer qu’elles étaient privées de « toute possibilité » d’introduire une telle demande dans le délai d’attente [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 55], de sorte que l’assouplissement de la condition relative à l’urgence en matière de marchés publics ne saurait être appliqué en l’espèce.

47      Il convient encore d’analyser si les requérantes ont établi à suffisance de droit, conformément à la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, que l’exécution des actes attaqués engendre pour elles un préjudice pouvant être qualifié non seulement de grave, mais également d’irréparable au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus.

48      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 TFUE et 340 TFUE [voir ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24 et jurisprudence citée].

49      Partant, l’argument des requérantes selon lequel la réparation du préjudice ne saurait exclure la survenance d’un préjudice grave et irréparable, la réparation intervenant seulement sur un plan différent et ultérieur, ne saurait prospérer. En effet, la seule affirmation qu’une réparation interviendrait sur un plan différent et ultérieur ne suffit pas à établir la présence de telles « circonstances exceptionnelles ».

50      En deuxième lieu, il convient de souligner que les conséquences financières négatives, pour le soumissionnaire évincé, qui découleraient du rejet de son offre, font, en principe, partie du risque commercial habituel auquel chaque entreprise active sur le marché doit faire face. Ainsi, le seul fait que le rejet d’une offre puisse avoir des conséquences financières négatives, même graves, pour le soumissionnaire évincé ne saurait donc justifier, en soi, les mesures provisoires demandées par ce dernier (voir, en ce sens, ordonnance du 11 mars 2013, Communicaid Group/Commission, T‑4/13 R, EU:T:2013:121, points 28 à 30 et jurisprudence citée).

51      En ce qui concerne la société Enrico Colombo SpA, l’argument selon lequel la non-adjudication du marché en question a entrainé le risque qu’elle ne puisse plus continuer son activité dans le secteur visé et maintenir les emplois qui y sont relatifs, compte-tenu de l’échéance, avant la fin de l’année 2016, de tous les contrats en cours avec ses clients principaux, ne saurait prospérer.

52      En effet, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte de l’Union, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable invoqué (voir ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 48 et jurisprudence citée). Or, les requérantes ne soutiennent pas même que tel serait le cas en l’espèce.

53      En ce qui concerne l’entreprise individuelle Corinti Giacomo, l’argument selon lequel la non-adjudication du marché aurait des conséquences néfastes, dans la mesure où la valeur des travaux faisant l’objet du marché en question représente plus de 50 % de son chiffre d’affaires, ne saurait pas non plus prospérer.

54      En effet, s’il résulte de la déclaration du gérant de cette entreprise que cette dernière a effectué en 2015 des travaux pour la Commission sur le site d’Ispra s’élevant à 303 497,00 euros, il ressort des observations de la Commission que les activités faisant l’objet du marché ont été prises en charge auparavant par une société tierce, de sorte que les requérantes n’ont pas démontré le lien de causalité entre la non-adjudication du marché en cause et la perte de chiffre d’affaires avancée.

55      En dernier lieu, s’agissant de l’argument tiré du fait que les requérantes ne peuvent, en cas de non-adjudication du marché public en cause, se prévaloir de ce marché en tant que référence, il suffit de rappeler que les éléments essentiels et principaux du contrat conclu à l’issue d’une procédure d’appel d’offres pour l’attribution d’un marché public sont, d’une part, l’exécution du marché par l’entreprise attributaire et, d’autre part, le paiement de la somme prévue contractuellement par le pouvoir adjudicateur. En revanche, des considérations relatives à la réputation du soumissionnaire retenu et à la possibilité pour lui d’utiliser l’attribution d’un marché public prestigieux comme référence dans le cadre d’un futur appel d’offres ou dans d’autres contextes concurrentiels ne concernent que des éléments accidentels et accessoires dudit contrat. Or, si le fait pour un soumissionnaire écarté de subir un manque à gagner grave en n’obtenant pas la somme prévue contractuellement, élément essentiel et principal du marché public en cause, ne saurait justifier l’octroi d’une mesure provisoire, il doit en aller de même, à plus forte raison, en ce qui concerne la perte desdits éléments accidentels et accessoires [voir, en ce sens, ordonnance du 15 juin 2015, Close et Cegelec/Parlement, T‑259/15 R, EU:T:2015:378, point 33 (non publié)].

56      Par ailleurs et à titre surabondant, il convient de relever que les requérantes, en introduisant la demande en référé seize jours après l’introduction du recours principal ainsi que dix semaines après la fin du délai d’attente et huit semaines après la conclusion du contrat sans que ce procédé soit justifié par les circonstances du cas d’espèce, ont manqué à l’obligation de diligence d’une partie se prévalant de l’urgence de mesures provisoires, constituant un élément tendant à confirmer l’absence d’urgence à ordonner le sursis sollicité (voir, en ce sens, ordonnances du 22 avril 1994, Commission/Belgique, C‑87/94 R, EU:C:1994:166, points 38 et 42, et du 9 juillet 2003, AIT/Commission, T‑288/02 R, EU:T:2003:204, point 17).

57      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé, en ce qu’elle est dirigée contre la Commission, doit être rejetée, à défaut, pour les requérantes, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris voire de procéder à la mise en balance des intérêts. Dans ces conditions, il n’est pas non plus besoin de se prononcer sur la question de la recevabilité de la demande en référé, soulevée par la Commission.

58      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en référé en ce qu’elle est dirigée contre Carmet Sas di Fietta Graziella & C.

2)      La demande en référé est rejetée pour le surplus.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 30 mai 2017.

Le greffier

 

Le président

      

1      Langue de procédure : l’italien.