Language of document : ECLI:EU:F:2015:168

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (juge unique)

18 décembre 2015 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Évaluation – Rapport d’évaluation 2010 – Contestation – Procédures internes – Conditions – Désistement – Recours – Intérêt à agir – Absence – Délai raisonnable – Non-respect – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑128/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,

Carlo De Nicola, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Strassen (Luxembourg), représenté par Me L. Isola, avocat,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. G. Nuvoli et T. Gilliams, en qualité d’agents, assistés de Me Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique),

juge : M. E. Perillo,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 2 décembre 2011, M. De Nicola demande, premièrement, l’annulation du courriel, du 4 juillet 2011, du secrétariat du comité de recours de la Banque européenne d’investissement (BEI ou ci-après la « Banque ») l’invitant à régulariser le recours interne qu’il avait introduit le 26 mars 2011 contre son rapport d’évaluation portant sur l’année 2010 (ci-après le « rapport d’évaluation 2010 ») ainsi que l’annulation du courriel du même secrétariat, du 12 août 2011, l’informant que le comité de recours avait pris acte de son désistement dans la procédure de recours devant le comité de recours ; deuxièmement, l’annulation de la décision du président de la BEI, du 6 septembre 2011, rejetant sa demande d’ouverture d’une procédure de conciliation au sujet de son rapport d’évaluation 2010 ; troisièmement, l’annulation des lignes directrices pour l’exercice d’évaluation 2010 du personnel de la Banque ; quatrièmement, l’annulation du rapport d’évaluation 2010 ; cinquièmement, l’annulation de tous les actes connexes, conséquents et préalables, y inclus les décisions de promotion pour l’année 2010, et enfin, sixièmement, la condamnation de la Banque à la réparation des dommages matériels et moraux qui sont les conséquences du rapport d’évaluation 2010 ainsi qu’au paiement des dépens, des intérêts et de la compensation de l’érosion monétaire sur les sommes allouées.

 Cadre juridique

2        Le cadre juridique de la présente affaire est substantiellement le même que celui de deux autres affaires opposant le requérant à la BEI et qui portaient notamment sur deux rapports d’évaluation du requérant, à savoir les affaires enregistrées sous les références F‑55/08 et F‑59/09. La première affaire a donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, EU:F:2009:159), annulé partiellement sur pourvoi, avec renvoi devant le Tribunal, par l’arrêt du 27 avril 2012, De Nicola/BEI (T‑37/10 P, EU:T:2012:205), puis, sur renvoi, à l’arrêt du 11 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑55/08 RENV, EU:F:2014:244, ci-après l’« arrêt F‑55/08 RENV »). La seconde affaire a donné lieu à l’arrêt du 8 mars 2011, De Nicola/BEI (F‑59/09, EU:F:2011:19), annulé partiellement sur pourvoi, avec renvoi devant le Tribunal, par l’arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI (T‑264/11 P, EU:T:2013:461), puis, sur renvoi, à l’arrêt du 18 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑59/09 RENV, EU:F:2014:248, ci-après l’« arrêt F‑59/09 RENV »).

3        Le règlement du personnel de la Banque, dans sa version applicable au litige (ci-après le « règlement du personnel »), prévoit, à l’article 22, que « [c]haque membre du personnel fait l’objet d’une appréciation annuelle qui lui est communiquée [et que l]a procédure à suivre pour cette appréciation est fixée par une décision intérieure. […] ».

4        Le cadre juridique peut, en outre, être complété par le rappel des lignes directrices pour l’exercice d’évaluation 2010 du personnel de la Banque, publiées, par voie de communication au personnel, le 20 décembre 2010 (ci-après les « lignes directrices 2010 »). Le point 17 des lignes directrices 2010 prévoit que, « [s]i les membres du personnel sont en désaccord avec leur évaluation [annuelle] en termes de procédure suivie, de contenu ou de résultat, ils peuvent demander une révision de leur évaluation » moyennant l’introduction d’un recours devant un comité prévu à cet effet. Par note du 25 mars 2011, la BEI a également communiqué à son personnel les termes de la procédure de recours devant ledit comité et le calendrier des différentes étapes de la procédure pour l’exercice d’évaluation 2010 (ci-après les « lignes directrices relatives à la procédure devant le comité de recours »).

5        Le point 12 des lignes directrices relatives à la procédure devant le comité de recours prévoit que le comité de recours a compétence pour :

« […]

i)      annuler le rapport d’évaluation d’un membre du personnel ou invalider certaines des affirmations contenues dans le formulaire d’évaluation et/ou

ii)      modifier l’évaluation finale des mérites qui est le résultat de l’évaluation globale de la performance de l’[auteur du recours interne].

[…] »

6        Il convient enfin de citer l’article 41 du règlement du personnel qui est ainsi libellé :

« Les différends de toute nature d’ordre individuel entre la Banque et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice [de l’Union européenne].

Les différends, autres que ceux découlant de la mise en jeu de mesures prévues à l’article 38 [relatif à la procédure disciplinaire], font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque, et ce indépendamment de l’action introduite devant la Cour de justice [de l’Union européenne].

La commission de conciliation se compose de trois membres. Lorsque la commission doit se réunir, l’un des membres est désigné par le président de la Banque, le deuxième par l’intéressé – ces deux désignations ayant lieu dans un délai d’une semaine à partir de la date de la demande d’une des parties à l’autre […].

[…] »

 Faits à l’origine du litige

7        Le requérant a été engagé par la BEI le 1er février 1992. Au moment des faits relevant de la présente affaire, il était classé à la fonction E et travaillait à la division « Études économiques et financières » de la Banque.

8        Le 25 mars 2011, le requérant a reçu de la part de ses supérieurs hiérarchiques le rapport d’évaluation 2010.

9        Le Tribunal relève que le rapport d’évaluation 2010 est le quatrième rapport d’évaluation contesté par le requérant devant cette juridiction depuis celui relatif à l’année 2006. Par ailleurs, toutes les décisions du comité de recours que le requérant a contestées aux fins d’annulation et/ou de modification de ces rapports d’évaluation ont été annulées par le juge de l’Union, à l’exception de celle contestée dans l’affaire enregistrée sous la référence F‑13/10 concernant le rapport d’évaluation 2008.

10      Compte tenu de ce qui précède et dans l’économie de la présente ordonnance, il suffit de rappeler encore les faits suivants.

11      Le 30 juin 2011, le requérant a introduit une demande devant le comité de recours visant essentiellement l’annulation de son rapport d’évaluation 2010 et sa modification ainsi que l’annulation de sa non-promotion à la fonction D (ci-après le « recours interne du 30 juin 2011 »).

12      Le 1er juillet 2011, le secrétariat du comité de recours a accusé réception du recours interne du 30 juin 2011 et a invité le requérant à le régulariser, conformément aux dispositions des lignes directrices relatives à la procédure devant le comité de recours.

13      N’ayant pas reçu de réponse à cette invitation à régularisation, le 4 juillet suivant, le secrétariat du comité de recours a, une seconde fois, invité le requérant à transmettre sur support papier l’original et des copies du recours interne du 30 juin 2011, accompagné des annexes correspondantes (ci-après le « courriel du 4 juillet 2011 »), en précisant à ce dernier que « la sanction pour n’avoir pas produit ces [documents sur support papier] (conformément aux lignes directrices relatives à la procédure devant le comité de recours, point 4) [serait] que [son] cas ne s[oit] pas pris en considération par le comité de recours ».

14      Le 12 juillet 2011, le requérant a informé le secrétariat du comité de recours qu’il avait été absent pour raison de maladie, qu’il était à présent en congé et qu’il procéderait à la régularisation du recours interne du 30 juin 2011 dès son retour au bureau.

15      Par lettre du 2 août 2011, le requérant a demandé au président de la Banque de procéder à l’ouverture de la procédure de conciliation aux termes de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI afin de réexaminer, dans le cadre de cette procédure, son rapport d’évaluation 2010, sans cependant signaler au président de la Banque qu’il avait introduit le recours interne du 30 juin 2011.

16      Par courriel du 8 août 2011, le secrétariat du comité de recours a informé le requérant que le comité de recours avait fixé l’audition des parties au 12 septembre 2011. Il lui a également demandé de confirmer sa présence et d’indiquer les éventuels représentants et/ou témoins qu’il souhaiterait voir assister à cette audition.

17      Par courriel du 9 août 2011, le requérant a communiqué au secrétariat du comité de recours sa décision de ne pas poursuivre la procédure de recours interne devant le comité de recours et de diligenter la procédure de conciliation prévue par l’article 41 du règlement du personnel (ci-après la « décision de désistement de la procédure de recours interne »).

18      Par courriel du 12 août 2011, le secrétariat du comité de recours, sur instruction reçue du comité de recours par courriel du même jour, a informé le requérant du changement de la date d’audition des parties et de son report du 12 au 13 septembre 2011, sauf s’il maintenait sa décision de désistement de la procédure de recours interne, ce qu’il était invité à confirmer par courriel (ci-après le « courriel du 12 août 2011 »).

19      Par courriel du 16 août 2011, le requérant a confirmé sa décision de désistement de la procédure de recours interne. Il signalait en outre ce qui suit : « Si le comité de recours souhaite néanmoins me rencontrer, j’aimerais venir assisté par mon avocat. »

20      Par courriel du 23 août 2011, le président du comité de recours a communiqué au requérant que le comité de recours allait prendre acte de sa décision de désistement de la procédure de recours interne au cours de l’audition prévue le 13 septembre 2011, sans que la comparution des parties soit nécessaire.

21      Le requérant n’a pas répondu au courriel du 23 août 2011.

22      Par courriel du 2 septembre 2011, le requérant a indiqué au directeur du département des ressources humaines de la Banque (ci-après le « directeur des ressources humaines ») que, n’ayant reçu, après un mois, aucune réponse à sa demande d’ouverture d’une procédure de conciliation, alors que l’article 41 du règlement du personnel prévoit, à cet égard, un délai d’une semaine, il « pren[ait] acte de l’échec de cette procédure ».

23      Par lettre du 6 septembre 2011, le président de la Banque, en réponse à la demande du requérant du 2 août 2011 d’ouvrir une procédure de conciliation, indiquait à ce dernier que cette demande devait être considérée comme « inopportune et en tout cas irrecevable » et qu’il aurait intérêt à poursuivre sa demande initiale devant le comité de recours (ci-après la « décision du 6 septembre 2011 »).

24      Par décision du 27 septembre 2011, le comité de recours a pris acte de la décision de désistement de la procédure de recours interne du requérant.

25      Le 2 décembre 2011, le requérant a introduit le présent recours.

 Procédure

26      Par lettre du greffe du 2 juillet 2012, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur une éventuelle suspension de la présente affaire jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire, alors pendante, enregistrée sous la référence F‑55/08 RENV.

27      Par lettre datée du 12 juillet 2012, la BEI a informé le Tribunal qu’elle n’avait pas d’observations à formuler sur la suspension envisagée. Par lettre du 16 juillet 2012, le requérant s’y est, en revanche, opposé.

28      Entre-temps, le requérant avait introduit, le 16 mars 2012, un nouveau recours dirigé contre la BEI, enregistré sous la référence F‑37/12, tendant principalement à l’annulation de la décision du président de la BEI du 20 décembre 2011 par laquelle celui-ci avait rejeté sa plainte pour harcèlement moral. Par la suite, le 30 juillet 2012, le requérant a introduit un autre recours dirigé contre la BEI, enregistré sous la référence F‑82/12, par lequel, en substance, il a contesté le nouveau rapport d’évaluation au titre de l’année 2007 qui avait été établi suite à l’annulation par le Tribunal du rapport d’évaluation initial.

29      Par lettre du 18 mars 2013, le Tribunal a interrogé les parties quant à la possibilité de tenter un règlement amiable des sept affaires qui les opposaient et qui, à cette date, étaient pendantes devant le Tribunal, à savoir, outre la présente affaire, les affaires enregistrées sous les références F‑55/08 RENV, F‑45/11, F‑52/11, F‑37/12, F‑63/12 et F‑82/12. Par lettres respectives des 19 et 21 mars 2013, les parties ont, en substance, chacune décliné cette proposition.

30      Après deux échanges de mémoires, la procédure écrite dans la présente affaire a été clôturée le 14 mai 2013.

31      Le 16 septembre 2013, le Tribunal de l’Union européenne a prononcé les arrêts dans trois affaires opposant le requérant à la BEI, à savoir l’arrêt De Nicola/BEI (T‑264/11 P, EU:T:2013:461), l’arrêt De Nicola/BEI (T‑418/11 P, EU:T:2013:478), et l’arrêt De Nicola/BEI (T‑618/11 P, EU:T:2013:479). Le Tribunal de l’Union européenne a ainsi annulé, respectivement, les arrêts du 8 mars 2011, De Nicola/BEI (F‑59/09, EU:F:2011:19), du 28 juin 2011, De Nicola/BEI (F‑49/10, EU:F:2011:93), et du 28 septembre 2011, De Nicola/BEI (F‑13/10, EU:F:2011:161). La première de ces dernières affaires a été renvoyée devant le Tribunal, alors que les deux dernières ont été décidées directement par le Tribunal de l’Union européenne.

32      Le 25 février 2014, à l’issue de l’audience de plaidoiries dans l’affaire enregistrée sous la référence F‑52/11, les parties ont donné leur accord pour que le Tribunal procède, à la lumière notamment des trois arrêts du Tribunal de l’Union européenne rendus le 16 septembre 2013 et mentionnés au point précédent, à une tentative de règlement amiable de l’ensemble des neuf affaires alors pendantes qui les opposaient, à savoir, outre les affaires mentionnées au point 29 de la présente ordonnance – mais à l’exception de l’affaire enregistrée sous la référence F‑63/12, celle-ci ayant entretemps donné lieu à l’arrêt du 5 novembre 2013, De Nicola/BEI (F‑63/12, EU:F:2013:169) –, trois nouvelles affaires enregistrées sous les références F‑59/09 RENV, F‑55/13 et F‑104/13.

33      La tentative de règlement amiable s’est déroulée du 25 février au 18 juin 2014. Au cours de cette période, le juge rapporteur a rencontré à quatre reprises les représentants de la Banque, respectivement en date des 14 mars, 25 mars, 10 avril et 23 mai 2014, et a tenu une réunion en visioconférence avec l’avocat du requérant le 16 juin 2014. Par lettre du 18 juin 2014, ce dernier a informé le greffe du Tribunal qu’il estimait close, pour sa part, la tentative de règlement amiable. Le Tribunal en a ensuite constaté l’échec par compte rendu du 4 juillet 2014.

34      Par lettre du greffe du 14 octobre 2014, les parties ont été convoquées à l’audience de plaidoiries fixée le 9 décembre 2014.

35      Le 11 novembre 2014, le Tribunal a prononcé les arrêts De Nicola/BEI (F‑52/11, EU:F:2014:243, ci-après l’« arrêt F‑52/11 ») et F‑55/08 RENV et, le 18 novembre 2014, le Tribunal a également prononcé l’arrêt F‑59/09 RENV. Dans ces deux derniers arrêts, le Tribunal a statué suite aux arrêts d’annulation et de renvoi du Tribunal de l’Union européenne, respectivement, des 27 avril 2012 (De Nicola/BEI, T‑37/10 P, EU:T:2012:205) et 16 septembre 2013 (De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461).

36      Par lettres des 21 et 28 novembre 2014, les représentants des parties ont respectivement informé le Tribunal, en application de l’article 62, paragraphe 1, du règlement de procédure, qu’ils n’assisteraient pas à l’audience de plaidoiries.

37      À la demande du Tribunal, le requérant et la BEI ont pris position, dans des mémoires d’observations écrites parvenus au greffe du Tribunal respectivement les 7 et 8 décembre 2014, sur les conséquences que les arrêts F‑52/11, F‑55/08 RENV et F‑59/09 RENV pouvaient avoir sur les affaires enregistrées sous les références F‑45/11, F‑37/12 et F‑82/12, alors pendantes, ainsi que sur la présente affaire. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

38      Par lettre du greffe du 19 décembre 2014, les parties ont été informées de la décision du Tribunal de clôturer la procédure orale, en application de l’article 62, paragraphe 2, du règlement de procédure.

39      Par lettre du 31 décembre 2014, le requérant a présenté une demande de récusation de l’ensemble des membres de la première chambre du Tribunal, à laquelle la présente affaire avait été attribuée, ainsi qu’une demande de récusation visant un autre membre du Tribunal.

40      Concomitamment, par trois requêtes parvenues respectivement au greffe, les deux premières, le 31 décembre 2014 et, la troisième, le 11 janvier 2015, le requérant a saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un premier pourvoi, enregistré sous la référence T‑848/14 P, contre l’arrêt F‑55/08 RENV, le deuxième, enregistré sous la référence T‑849/14 P, contre l’arrêt F‑59/09 RENV, le troisième, enregistré sous la référence T‑10/15 P, contre l’arrêt F‑52/11.

41      Par décision du 1er juin 2015, le président du Tribunal a rejeté la demande de récusation présentée par le requérant.

42      Par ordonnance du 3 juillet 2015, en vertu de l’article 64, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal a rouvert la procédure orale afin d’interroger les parties sur une éventuelle suspension de celle-ci au titre de l’article 42, paragraphe 1, sous c) et e), du règlement de procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans les affaires sur pourvoi pendantes devant le Tribunal de l’Union européenne et enregistrées sous les références T‑848/14 P, T‑849/14 P et T‑10/15 P.

43      Par lettre du 5 juillet 2015, le requérant s’est opposé à la suspension envisagée, en faisant notamment valoir que « [l]a procédure de récusation de l’ensemble de la formation de jugement est actuellement pendante, puisque l’ordonnance péremptoire rendue par le président du [Tribunal] a été attaquée en temps utile devant le Tribunal de l’Union européenne ». Le requérant avait en effet introduit, le même jour, un recours enregistré sous la référence T‑378/15 P visant à contester devant le Tribunal de l’Union européenne le rejet des demandes de récusation, pourvoi qui a été rejeté par ordonnance du 29 octobre 2015 (De Nicola/BEI, T‑378/15 P, EU:T:2015:852) comme étant manifestement irrecevable. Par lettre du 6 juillet 2015, la BEI a, en revanche, informé le Tribunal qu’elle n’avait pas d’observations à formuler sur la suspension envisagée.

44      Par décision du 15 juillet 2015, le Tribunal a clôturé la procédure orale.

45      Par lettre du greffe du Tribunal du 9 septembre 2015, les parties ont été invitées, en application de l’article 15, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, à faire part de leurs observations sur un éventuel renvoi de la présente affaire au juge rapporteur statuant en tant que juge unique.

46      Par lettre du 17 septembre 2015 le requérant s’est opposé au renvoi de la présente affaire au juge unique. En revanche, par lettre du même jour, la BEI a répondu qu’elle n’avait aucune observation à formuler à cet égard.

47      Le 21 septembre 2015, le Tribunal de l’Union européenne a adopté les trois ordonnances De Nicola/BEI (T‑10/15 P, EU:T:2015:705), De Nicola/BEI (T‑849/14 P, EU:T:2015:712) et De Nicola/BEI (T‑848/14 P, EU:T:2015:719), par lesquelles il a respectivement rejeté les pourvois introduits par le requérant contre les arrêts F‑52/11, F‑59/09 RENV et F‑55/08 RENV comme étant en partie manifestement non fondés et en partie manifestement irrecevables.

48      Par lettre du greffe du 23 septembre 2015, les parties ont été informées de ce que la première chambre du Tribunal avait décidé que la présente affaire pouvait être jugée par le juge rapporteur statuant en tant que juge unique. Cette décision a été prise à la lumière notamment des ordonnances adoptées sur pourvoi par le Tribunal de l’Union européenne le 21 septembre 2015 et mentionnées au point précédent.

 Conclusions des parties

49      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les courriels des 4 juillet et 12 août 2011 ;

–        annuler la décision du 6 septembre 2011 ;

–        annuler les lignes directrices 2010 ;

–        annuler son rapport d’évaluation 2010 ;

–        annuler « tous les actes connexes, conséquents et préalables », y inclus les décisions de promotion pour l’année 2010 ;

–        condamner la BEI à la réparation des dommages matériels et moraux qui sont les conséquences du rapport d’évaluation 2010 ainsi qu’au paiement des dépens, des intérêts et de la compensation de l’érosion monétaire sur les sommes allouées ;

–        condamner la BEI aux dépens.

50      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et/ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la décision du Tribunal de statuer par voie d’ordonnance motivée

51      En vertu de l’article 81 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut à tout moment, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

52      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 81 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure (voir, en ce sens, ordonnance du 29 juin 2010, Palou Martínez/Commission, F‑11/10, EU:F:2010:69, point 27).

 Sur la recevabilité

53      Il ressort des règles régissant la procédure devant le juge de l’Union, et notamment de l’article 39, paragraphe 3, de l’article 50, paragraphe 6, et des articles 81 et 121, paragraphe 2, du règlement de procédure, qu’il appartient au juge de vérifier, même d’office, si le recours dont il est saisi satisfait aux conditions de recevabilité applicables.

54      Dans le cadre du contentieux de l’annulation comme dans celui de la responsabilité contractuelle ou non contractuelle de l’Union figurent, parmi les conditions de la recevabilité des recours dans les litiges entre l’Union et ses agents visés à l’article 270 TFUE, d’une part, la condition que l’acte attaqué soit un acte faisant grief et, d’autre part, la condition du respect des délais d’introduction du recours, tant dans le cas où ces délais sont fixés par des dispositions spécifiques de droit que dans le cas où, en l’absence de telles dispositions, le recours doit être formé dans le respect d’un délai raisonnable, et enfin la condition relative à l’existence, dans le chef du requérant, d’un intérêt à agir.

55      S’agissant, en premier lieu, de la condition selon laquelle l’acte objet du recours doit être un acte faisant grief, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante du juge de l’Union en matière de fonction publique européenne, applicable aussi aux litiges entre la BEI et ses agents, seuls peuvent être considérés comme actes faisant grief des actes produisant des effets juridiques obligatoires affectant directement et immédiatement la situation juridique des intéressés (voir arrêt F‑52/11, point 142, et la jurisprudence citée).

56      S’agissant, en deuxième lieu, de la condition de recevabilité relative au respect des délais de recours, il convient de rappeler qu’en ce qui concerne les recours introduits par le personnel de la BEI ni le traité FUE ni le règlement du personnel ne contiennent d’indications péremptoires sur les délais de recours applicables aux litiges entre la BEI et ses agents (voir arrêt du 9 juillet 2013, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑234/11 P RENV‑RX, EU:T:2013:348, point 30).

57      Dans ces circonstances et afin d’apprécier si le recours qu’un agent de la BEI a introduit devant le juge de l’Union a été déposé dans le respect du délai qui s’impose, il y a lieu de tenir compte, d’une part, du respect du droit de tout justiciable à une protection juridictionnelle effective, tel qu’aujourd’hui consacré par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et, d’autre part, du respect du principe de sécurité juridique en tant que principe général du droit de l’Union, qui exige que, lorsqu’une certaine durée de temps s’est écoulée suite à son adoption, l’acte administratif en question puisse être considéré comme définitif (voir, en ce sens, arrêts du 12 octobre 1978, Commission/Belgique, 156/77, EU:C:1978:180, point 20, et du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho/Commission, T‑40/07 P et T‑62/07 P, EU:T:2009:382, points 145 et 146).

58      La conciliation entre ces deux valeurs fondamentales propres à toute communauté fondée sur l’État de droit exige que, en l’absence d’une indication péremptoire précise de délais figurant dans les dispositions de droit pertinentes, tout litige entre la BEI et l’un de ses agents puisse être porté devant le juge de l’Union dans le respect d’un délai qui doit être raisonnable et qui de ce fait ne saurait être un délai préfix de forclusion opposé au recours de l’agent concerné (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461, point 51). Un tel délai doit par conséquent permettre, d’une part, à l’agent concerné de disposer d’un délai suffisant pour évaluer la légalité de l’acte administratif qu’il estime lui faire grief ainsi que pour organiser la rédaction et la présentation de son recours et, d’autre part, à l’administration de la Banque de ne pas voir mise en cause ad libitum la validité de ses décisions au-delà d’un certain laps de temps (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2013, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑234/11 P RENV‑RX, EU:T:2013:348, point 30, et la jurisprudence citée).

59      Il ressort également de la jurisprudence que, dans le cas spécifique du personnel de la BEI, le caractère raisonnable du délai pour introduire un recours en annulation devant le juge de l’Union doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en cause (voir arrêts du 9 juillet 2013, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑234/11 P RENV‑RX, EU:T:2013:348, point 31, et du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461, point 49).

60      Enfin, le juge de l’Union a aussi considéré que, eu égard à l’impératif de cohérence, il convient d’appliquer la notion de « délai raisonnable » de la même manière lorsqu’elle concerne un recours ou, en revanche, une demande dont aucune disposition du droit de l’Union n’a prévu le délai dans lequel ce recours ou cette demande doivent être introduits. Dans les deux cas, le juge de l’Union est tenu de prendre en considération les circonstances propres de l’espèce (voir arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑618/11 P, EU:T:2013:479, point 49).

61      S’agissant en dernier lieu de l’intérêt à agir, selon la jurisprudence constante du juge de l’Union, la recevabilité d’un recours exige que le requérant possède, au moment de l’introduction de son recours, un intérêt, né et actuel, suffisamment caractérisé à voir annuler les décisions individuelles qu’il attaque, un tel intérêt supposant que le recours soit susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice réel (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2008, Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05, EU:T:2008:384, point 65).

62      Ces prémisses posées, il convient à présent de vérifier tout d’abord, et avant de les examiner, le cas échéant, au fond, si et dans quelle mesure les différentes demandes d’annulation introduites par le requérant répondent aux conditions de recevabilité d’un recours mentionnées aux points 54 à 61 de la présente ordonnance et applicables aux litiges entre la BEI et ses agents que ces derniers portent devant le juge de l’Union.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation des courriels des 4 juillet et 12 août 2011

63      Il convient de relever que le courriel du 4 juillet 2011 n’est qu’un acte du secrétariat du comité de recours visant la bonne organisation de la procédure devant le comité de recours en ce qu’il invite le requérant à régulariser son recours interne du 30 juin 2011 en le présentant sur un support papier avec les annexes correspondantes (voir point 13 de la présente ordonnance).

64      Le courriel du 12 août 2011 est, quant à lui, un acte qui se limite essentiellement à informer le requérant du changement de la date de son audition devant le comité de recours et l’invite à confirmer, le cas échéant, sa décision de désistement de la procédure de recours interne (voir point 18 de la présente ordonnance).

65      Tel étant le contenu de ces deux courriels, même à supposer que celui du 4 juillet 2011 soit considéré comme un acte émis au nom de l’autorité responsable de la procédure en cause, à savoir le comité de recours ou son président, il échet de constater, tout d’abord, que c’est le requérant lui-même qui a pris de son initiative la décision de désistement de la procédure de recours interne. Dans ces circonstances, le requérant n’a pas d’intérêt à agir contre le courriel du 4 juillet 2011, qui se rattache en effet à une procédure qui, au moment de l’introduction du présent recours, n’avait substantiellement jamais eu lieu et dont l’éventuelle annulation par le Tribunal ne saurait lui procurer aucun bénéfice réel.

66      Il convient de constater, ensuite, qu’en ce qui concerne le courriel du 12 août 2011, de par son contenu essentiellement récognitif, il ne saurait être considéré comme un acte faisant grief au requérant, dans la mesure où il n’a produit à son égard aucun effet juridique obligatoire susceptible d’affecter sa situation juridique. En tout état de cause, compte tenu de sa décision de désistement de la procédure de recours interne, le requérant n’a pas prouvé avoir un intérêt à agir contre ledit courriel et, par conséquent, l’annulation éventuelle de cet acte par le Tribunal ne saurait lui procurer aucun bénéfice réel.

67      Il s’ensuit que les conclusions tendant à l’annulation des courriels des 4 juillet et 12 août 2011 doivent être déclarées manifestement irrecevables.

68      Cette conclusion n’est par ailleurs pas contredite par l’affirmation du requérant, figurant dans son recours, selon laquelle il aurait été poussé à prendre la décision de se désister et à demander, en conséquence, suite au courriel du 4 juillet 2011, l’ouverture de la procédure de conciliation, au risque que son recours interne du 30 juin 2011 ne soit pas examiné.

69      En effet, sur le plan factuel, il suffit de constater, d’une part, que, dans son courriel du 12 juillet 2011 adressé au secrétariat du comité de recours (voir point 14 de la présente ordonnance), le requérant a clairement indiqué qu’il allait envoyer les documents sur support papier qui lui avaient été demandés dès son retour de congé, à savoir le premier lundi ou mardi du mois d’août 2011. D’autre part, ce n’est qu’après avoir demandé au président de la BEI, par lettre du 2 août 2011, d’ouvrir une procédure de conciliation que le requérant a communiqué au secrétariat du comité de recours, par courriel du 9 août 2011, sa décision de désistement de la procédure de recours interne.

70      Force est donc de constater que ce n’est pas le courriel du 4 juillet 2011 qui a nécessairement incité, ni même obligé, le requérant à se désister de la procédure de recours interne et à confirmer ladite décision de désistement de la procédure de recours interne par courriel du 16 août 2011, alors qu’il avait entretemps, de son initiative, saisi, par lettre du 2 août 2011, le président de la BEI d’une demande d’ouverture d’une procédure de conciliation.

71      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de confirmer que les conclusions visant l’annulation des courriels des 4 juillet et 12 août 2011 doivent être rejetées en tant que manifestement irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation de la décision du 6 septembre 2011

72      Comme exposé au point 22 de la présente ordonnance, le requérant, ayant constaté que sa demande d’ouverture d’une procédure de conciliation était restée, après un mois, sans réponse, alors que, selon lui, l’article 41 du règlement du personnel prévoit que les parties désignent leur représentant respectif au sein de la commission de conciliation dans le délai d’une semaine à compter de la demande, en a tiré la conclusion, dans un courriel du 2 septembre 2011 adressé au directeur des ressources humaines, qu’il devait « pren[dre] acte de l’échec de cette procédure ».

73      Par conséquent, la décision du 6 septembre 2011 est parvenue au requérant à une date à laquelle lui-même avait déjà formellement informé le directeur des ressources humaines de l’échec de la procédure de conciliation et de sa volonté de ne plus la poursuivre. Il y a par ailleurs lieu d’observer, sur la base des pièces figurant au dossier, qu’une semaine après avoir demandé au président de la BEI l’ouverture de la procédure de conciliation le requérant lui-même n’avait pas encore procédé à la désignation de son représentant au sein de la commission de conciliation.

74      Ayant par la suite, le 2 décembre 2011, introduit le présent recours tendant, notamment, à l’annulation de son rapport d’évaluation 2010, alors que ledit rapport était aussi l’objet principal de sa demande d’ouverture d’une procédure de conciliation, il est manifeste que le requérant, au moment de l’introduction du présent recours, n’avait pas d’intérêt à agir pour obtenir l’annulation de la décision du 6 septembre 2011.

75      En effet, une éventuelle annulation par le Tribunal de la décision du 6 septembre 2011 ne serait pas susceptible d’apporter un quelconque bénéfice réel à la situation juridique du requérant, étant donné qu’il a, en même temps, demandé au Tribunal d’annuler le rapport d’évaluation 2010.

76      Sur la base des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de déclarer les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 6 septembre 2011 comme étant manifestement irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation des lignes directrices 2010

77      Il ressort du recours et du mémoire en réplique que le requérant demande l’annulation des lignes directrices 2010 parce que, selon lui, elles semblent avoir été rédigées pour laisser s’exprimer « le libre arbitre de l’évaluateur », notamment en ce qui concerne les notes à attribuer aux agents concernés. Le requérant, cependant, n’identifie aucun aspect des lignes directrices 2010 qui serait susceptible de lui faire grief, à savoir d’affecter directement et immédiatement sa situation juridique.

78      En effet, c’est en général l’acte pris en exécution des lignes directrices 2010, à savoir le rapport d’évaluation 2010, qui est, le cas échéant, susceptible de faire grief au requérant et c’est d’ailleurs précisément dans le cadre de ses conclusions en annulation dudit rapport d’évaluation 2010 que le requérant conteste l’application desdites lignes directrices 2010 par rapport à l’évaluation de ses propres performances.

79      Il s’ensuit que les conclusions en annulation des lignes directrices 2010 doivent être rejetées comme étant manifestement irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation du rapport d’évaluation 2010

80      Il est constant que le rapport d’évaluation 2010 a été remis au requérant le 25 mars 2011 et qu’il n’a introduit le présent recours que le 2 décembre 2011.

81      Compte tenu des arrêts mentionnés au point 35 ainsi que des considérations figurant aux points 59 et 60 de la présente ordonnance, il convient de vérifier si, par rapport à l’ensemble des circonstances de l’espèce et, notamment, à l’enjeu du litige pour le requérant, à la complexité de l’affaire et au comportement des parties en cause, le délai de plus de huit mois qui s’est écoulé entre le 25 mars 2011, date de la remise au requérant de son rapport d’évaluation 2010, et le 2 décembre 2011, date d’introduction du présent recours, constitue pour le juge de l’Union un délai de recours raisonnable, compatible à la fois avec le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la Charte, et avec le principe de sécurité juridique, en tant que principe général du droit de l’Union.

82      S’agissant de l’importance de l’enjeu du présent litige, il ne fait pas de doute que, en l’espèce, ce critère est particulièrement décisif pour le requérant.

83      Comme le requérant l’a d’ailleurs lui-même relevé à juste titre dans sa requête, « l’évaluation des performances représente l’un des moments les plus importants de l’année, dès lors que bien évaluer les performances est un devoir pour l’évaluateur et un droit pour l’évalué ».

84      Cependant, il est constant que, du point de vue du respect des délais requis pour contester la validité d’un acte aussi important qu’un rapport d’évaluation, le requérant a, en l’espèce, attendu plus de huit mois avant d’introduire son recours devant le Tribunal alors que, conformément aux dispositions du règlement du personnel, il n’était tenu par le respect d’aucune procédure précontentieuse préalable obligatoire et qu’il pouvait donc contester le rapport d’évaluation 2010 à tout moment après en avoir pris connaissance et, en tout état de cause, dans un délai raisonnable.

85      Certes, le règlement du personnel reconnaît aux agents de la BEI la faculté de demander – avant de se rendre en justice et s’ils le souhaitent – l’ouverture d’une procédure ad hoc, telle que celle devant le comité de recours, précisément dans le but de faire préalablement vérifier, par un organe impartial et extérieur au service de l’agent concerné, la légalité d’un rapport d’évaluation et même d’obtenir, le cas échéant, sa modification intégrale, le comité de recours pouvant en effet substituer in toto son appréciation à celle de l’évaluateur (voir point 5 de la présente ordonnance).

86      L’autre procédure mise à la disposition des agents de la BEI afin de contester un acte qui leur ferait grief est celle de la conciliation prévue et régie par l’article 41 du règlement du personnel.

87      Ces deux procédures facultatives, par ailleurs, ne sont pas alternatives, l’une n’excluant pas l’autre, et pourraient même être diligentées par l’agent intéressé simultanément ou de façon indépendante (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69, point 96).

88      Encore faut-il que ces procédures facultatives de contestation internes à la BEI ne soient pas exercées de façon abusive et au détriment du respect du principe de sécurité juridique qui constitue une garantie essentielle de tout acte administratif susceptible de produire des effets juridiques vis-à-vis de ses destinataires (voir point 57 de la présente ordonnance).

89      Or, en ce qui concerne le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, il est constant que les agents de la BEI, à l’instar des autres agents et fonctionnaires au service de l’Union, peuvent se prévaloir, dans les litiges les opposant à leur administration, d’un double degré de juridiction de contrôle de la légalité des actes administratifs leur faisant grief. Un premier degré leur est accessible directement devant ce Tribunal et un second degré, sous forme d’un pourvoi limité cependant aux questions de droit, leur est ouvert devant le Tribunal de l’Union européenne. Ils peuvent enfin bénéficier d’une procédure de réexamen de l’arrêt sur pourvoi, cette dernière procédure relevant toutefois de l’initiative et de la compétence exclusive de la Cour de justice de l’Union européenne et n’étant donc pas à la disposition des parties. Cependant, l’éventuel arrêt de la Cour réexaminant un arrêt sur pourvoi du Tribunal de l’Union européenne constitue une garantie ultérieure du contrôle de la légalité de l’acte administratif en cause, qui bénéficie en définitive aussi aux parties.

90      En revanche, en ce qui concerne le respect du principe de sécurité juridique, ni les dispositions du droit primaire de l’Union régissant le fonctionnement de la BEI ni son règlement du personnel ne contiennent de dispositions telles que celles figurant aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, auxquels renvoie aussi le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, fixant des délais péremptoires pour la contestation devant le juge de l’Union des actes faisant grief adoptés par la BEI, de sorte que, après l’expiration de ces délais, l’acte faisant grief en question peut en principe être considéré comme définitif (voir point 57 de la présente ordonnance).

91      En tenant compte de ces circonstances ainsi que des arrêts mentionnés au point 35 de la présente ordonnance, il y lieu de considérer que, dans le contentieux opposant la BEI à l’un de ses agents, un délai de plus de huit mois pour saisir le Tribunal, courant à compter du jour de la communication de l’acte faisant grief à l’agent concerné, peut être considéré comme étant un délai raisonnable, à condition toutefois, d’une part, que l’éventuelle procédure devant le comité de recours contre ledit acte faisant grief ait été ouverte par l’agent concerné dans un délai raisonnable et/ou, d’autre part, que l’intéressé ait introduit une éventuelle demande de conciliation dans un délai également raisonnable, et ceci par rapport à l’ensemble des circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461, point 52).

92      Telles étant les conditions fixées par la jurisprudence du juge de l’Union en matière de calcul du délai raisonnable dans le cadre d’un litige opposant la BEI à l’un de ses agents, il convient à présent de vérifier si ces conditions ont été dûment respectées par le requérant lorsqu’il a, le 2 décembre 2011, introduit devant le Tribunal le présent recours visant, notamment, à l’annulation de son rapport d’évaluation 2010 dont il avait connaissance depuis le 25 mars 2011, à savoir plus de huit mois auparavant.

93      En ce qui concerne, d’abord, le choix du requérant de soumettre l’examen de la validité et du bien-fondé du rapport d’évaluation 2010 au contrôle entier du comité de recours, il y a lieu de constater que cette saisine du comité de recours est intervenue le 30 juin 2011, donc en principe dans le respect d’un délai raisonnable, le rapport d’évaluation 2010, objet de cette saisine, ayant été remis au requérant le 25 mars 2011.

94      Il est aussi constant qu’en date du 9 août 2011, alors que la saisine du comité de recours par le requérant était encore dans une phase, pour ainsi dire, d’instruction administrative, ce dernier s’est désisté de cette procédure et qu’il a confirmé sa décision de désistement de la procédure de recours interne auprès du comité de recours le 16 août suivant, après que ce comité, par courriel de son secrétariat du 12 août, l’avait informé de ce qu’il allait entendre les parties le 13 septembre 2011, en particulier sur la question de la recevabilité du recours interne du 30 juin 2011. Dans ce courriel du 12 août 2011, le secrétariat du comité de recours précisait d’ailleurs au requérant qu’une telle audition aurait lieu « sauf si [le requérant] souhait[ait] retirer [le recours interne du 30 juin 2011], auquel cas [il était] invité à le confirmer [au comité de recours] par courriel », confirmation que le requérant a ensuite donnée par courriel le 16 août 2011.

95      Dans ces circonstances, afin d’établir si le présent recours a été introduit dans un délai raisonnable, il n’y a pas lieu de décider si la procédure interne de recours, engagée initialement par le requérant, a été introduite et s’est déroulée ensuite dans un délai en principe raisonnable. En effet, après la saisine du comité de recours, le requérant a communiqué à celui-ci sa décision de désistement de la procédure de recours interne, mettant ainsi fin à cette possibilité de contestation de son rapport d’évaluation 2010.

96      Toutefois, au moment où le requérant a, le 16 août 2011, confirmé sa décision de désistement de la procédure de recours interne, il avait déjà demandé au président de la BEI, le 2 août 2011, l’ouverture de la procédure de conciliation, telle que prévue à l’article 41 du règlement du personnel.

97      Or, il est constant que cette demande d’ouverture d’une procédure de conciliation du 2 août 2011 est intervenue plus de quatre mois après le 25 mars 2011, date de la remise du rapport d’évaluation 2010 au requérant, alors que rien ne semble avoir empêché le requérant d’introduire cette demande dans un délai plus bref, étant donné que, comme cela a été relevé au point 87 de la présente ordonnance, les deux procédures de contestation internes ne sont pas alternatives, mais peuvent être déclenchées simultanément ou de façon indépendante.

98      Il y a donc lieu de constater que la demande du requérant d’ouverture d’une procédure de conciliation, en date du 2 août 2011, visant à contester la légalité et le bien-fondé de son rapport d’évaluation 2010 est intervenue dans un délai de plus de quatre mois à compter du 25 mars 2011, l’ouverture antérieure de la procédure de recours interne et le désistement successif de cette même procédure, en tant qu’actes issus de la seule volonté du requérant, n’étant pas de nature à pouvoir entrer objectivement en ligne de compte pour vérifier si le délai dans lequel a été introduite la demande ultérieure d’ouverture de la procédure de conciliation revêt ou non un caractère objectivement raisonnable. Par conséquent, ladite demande d’ouverture de la procédure de conciliation ne peut pas non plus être prise en compte afin de vérifier si le présent recours devant le Tribunal a été introduit par le requérant dans un délai raisonnable.

99      La décision du 6 septembre 2011 n’est pas non plus de nature à pouvoir justifier, par rapport aux circonstances de l’espèce, le caractère raisonnable du délai dans lequel le requérant a introduit le présent recours.

100    À cet égard, il suffit de constater que, par la décision du 6 septembre 2011, comme indiqué au point 23 de la présente ordonnance, le président de la BEI a d’abord rejeté la demande du requérant d’ouverture d’une procédure de conciliation comme étant irrecevable, puis il a invité ce dernier à poursuivre en revanche sa demande initiale devant le comité de recours, dont la première audition des parties devait se tenir en principe le 13 septembre suivant. Or, il est constant que le requérant n’a pas suivi cette invitation et qu’il n’a pas non plus contesté la décision du comité de recours du 27 septembre 2011 prenant acte de sa décision de désistement de la procédure de recours interne.

101    Au vu de ce qui précède, et à la lumière des arrêts mentionnés au point 35 de la présente ordonnance, il convient de constater que, eu égard à l’importance de l’enjeu du litige pour le requérant, ce dernier, au lieu de contester devant le juge de l’Union son rapport d’évaluation 2010 dans les meilleurs délais correspondant à son intérêt d’obtenir, le cas échéant, l’annulation et/ou la modification dudit rapport en temps utile pour pouvoir éventuellement être pris en considération pour la promotion, a d’abord diligenté, dans un délai raisonnable, la procédure de recours interne devant le comité de recours, le 30 juin 2011, dont il s’est cependant désisté définitivement le 16 août suivant, alors qu’il avait entretemps demandé, le 2 août 2011, au président de la BEI l’ouverture d’une procédure de conciliation au sujet de son rapport d’évaluation 2010, demande qui a cependant été introduite plus de quatre mois après le 25 mars 2011, jour de la remise au requérant de son rapport d’évaluation 2010. Par ailleurs, le requérant lui-même n’a pas dûment suivi les étapes successives de la demande d’ouverture de la procédure de conciliation, n’ayant en fait pas désigné dans le délai figurant à l’article 41 du règlement du personnel son représentant au sein de ladite commission (voir point 73 de la présente ordonnance).

102    Il convient donc de conclure que, eu égard à l’importance que le rapport d’évaluation 2010 présente en l’espèce pour le requérant, comme lui-même l’a d’ailleurs relevé au cours de la présente procédure, et compte tenu de l’enjeu que la validité ou le bien-fondé de ce rapport revêt dans la perspective d’une éventuelle promotion du requérant, celui-ci avait différentes possibilités pour contester son rapport d’évaluation 2010 dans un délai raisonnable, soit directement devant le Tribunal soit préalablement, devant les instances compétentes de la BEI, à savoir le comité de recours et/ou la commission de conciliation selon son choix, utilisant, toutefois, correctement et non pas de façon fictive lesdites procédures internes disponibles. Cependant, le requérant s’étant, d’une part, désisté de la procédure devant le comité de recours qu’il avait saisi dans un délai en principe raisonnable, soit le 30 juin 2011, et ayant, d’autre part, introduit une demande d’ouverture de la procédure de conciliation le 2 août 2011, à savoir plus de quatre mois après la remise de son rapport d’évaluation 2010, soit dans un délai qui dépasse largement celui dans lequel il avait saisi, dans un premier temps, le comité de recours, force est de constater que l’introduction, le 2 décembre 2011, du présent recours visant l’annulation du rapport d’évaluation 2010 remis le 25 mars 2011 est intervenue dans un délai de plus de huit mois et donc dans un délai de recours qui n’est manifestement pas raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461, point 52).

103    En ce qui concerne ensuite le deuxième des trois critères indiqués au point 81 de la présente ordonnance, à savoir celui de la complexité de l’affaire, il ressort du point 9 de la présente ordonnance que le requérant a introduit devant le juge de l’Union plusieurs recours portant précisément sur la même question juridique que celle soulevée dans la présente affaire, à savoir celle de la légalité de la décision du comité de recours statuant sur la validité et le bien-fondé de ses rapports d’évaluation. Il échet en outre de noter que, dans chacune de ces affaires, à l’exception de celle portant sur le rapport d’évaluation au titre de l’année 2008, objet du recours enregistré sous la référence F‑13/10, le juge de l’Union a fait droit à la demande d’annulation du rapport d’évaluation en cause, sur la base d’une interprétation des dispositions pertinentes internes à la BEI claire et exhaustive.

104    Dès lors, la présente affaire, si elle peut être considérée en soi comme une affaire complexe, traite en revanche, d’une problématique tellement bien connue du requérant et de son avocat que le délai de plus de huit mois pour introduire le présent recours, sans avoir entretemps utilisé convenablement les procédures facultatives internes à la BEI prévues pour ce type de litige, apparaît manifestement déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461, point 52).

105    Enfin, par rapport au troisième critère applicable en l’espèce, à savoir le comportement des parties en cause, il y a lieu de considérer ce qui suit. Même à supposer que les courriels adressés au requérant par le secrétariat du comité de recours puissent être considérés comme répréhensibles sur le plan administratif, car outrepassant les compétences de ce secrétariat, il est constant que ni le courriel du secrétariat du comité de recours du 12 août 2011 – invitant le requérant à l’audition du 13 septembre (voir point 18 de la présente ordonnance) – ni la lettre du président de la BEI du 6 septembre 2011 – invitant le requérant à poursuivre la procédure devant le comité de recours (voir point 100 de la présente ordonnance) – ne sont des comportements de nature à justifier, comme étant raisonnable, un délai de plus de huit mois, à compter du 25 mars 2011, date de remise du rapport d’évaluation 2010, pour saisir, le 2 décembre 2011, le juge de l’Union.

106    Dès lors, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, les conclusions visant l’annulation du rapport d’évaluation 2010 sont manifestement irrecevables pour avoir été introduites dans un délai de recours devant le juge de l’Union tout à fait déraisonnable.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation de « tous les actes connexes, conséquents et préalables », y inclus les décisions de promotion pour l’année 2010

107    Ayant constaté la manifeste irrecevabilité du recours en ce qui concerne son objet principal, à savoir l’annulation du rapport d’évaluation 2010, le Tribunal ne peut que constater que les conclusions susmentionnées, étroitement liées à l’annulation dudit rapport d’évaluation, sont également et à plus forte raison manifestement irrecevables, ayant été introduites dans un délai de recours non raisonnable.

108    Il y a lieu par conséquent de rejeter ces conclusions comme étant manifestement irrecevables.

 Sur les conclusions tendant à la condamnation de la Banque à la réparation des dommages matériels et moraux qui sont les conséquences de l’adoption du rapport d’évaluation 2010, y inclus les dépens, les intérêts et la compensation de l’érosion monétaire sur les sommes allouées

109    Sans qu’il soit nécessaire ni de présenter les arguments avancés par le requérant au soutien de ses conclusions indemnitaires ni d’aborder la question de leur recevabilité telle que soulevée par la BEI, en raison du fait que ces conclusions n’auraient pas fait l’objet d’une demande indemnitaire préalable dûment adressée à la Banque, il suffit de constater au sujet de ces conclusions ce qui suit.

110    Selon une jurisprudence constante, lorsque le préjudice dont un requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation soit comme irrecevables soit comme non fondées entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, lorsque ces dernières sont étroitement liées à la demande d’annulation (arrêt du 1er juillet 2010, Časta/Commission, F‑40/09, EU:F:2010:74, point 94).

111    En l’espèce, les conclusions indemnitaires visent la réparation du préjudice matériel et moral que le rapport d’évaluation 2010 aurait causé au requérant. Elles doivent donc être rejetées dans la mesure où les conclusions en annulation du rapport d’évaluation 2010 ont été rejetées comme étant manifestement irrecevables.

112    Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

114    Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que le requérant a succombé en son recours. En outre, la BEI a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens.

115    Dans ces circonstances, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable.

2)      M. De Nicola supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Banque européenne d’investissement.

Fait à Luxembourg, le 18 décembre 2015.

Le greffier

 

       Le juge

W. Hakenberg

 

      E. Perillo


* Langue de procédure : l’italien.