Language of document : ECLI:EU:T:2018:170

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

22 mars 2018 (*)

« Référé – Aides d’État – Aides octroyées par l’Espagne en faveur de certains clubs de football professionnels – Garantie publique accordée par une entité publique – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑766/16 R,

Hércules Club de Fútbol, SAD, établie à Alicante (Espagne), représentée par Mes S. Rating et Y. Martínez Mata, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Luengo, B. Stromsky et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision (UE) 2017/365 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol, au Hércules Club de Fútbol, SAD et au Elche Club de Fútbol, SAD (JO 2017, L 55, p. 12),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant, le Hércules Club de Fútbol, SAD, est un club de football.

2        Le 4 juillet 2016, la Commission européenne a adopté sa décision (UE) 2017/365 relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol, au requérant et au Elche Club de Fútbol, SAD (JO 2017, L 55, p. 12 ; ci-après la « décision attaquée »).

3        À l’article 1er de la décision attaquée, il est constaté que la garantie publique accordée par l’Instituto Valenciano de Finanzas, l’établissement financier de la Generalitat Valenciana (ci-après l’« IVF ») le 26 juillet 2010 pour couvrir un prêt bancaire octroyé à la Fundación Hércules Club de Fútbol (ci-après la « Fundación Hércules ») aux fins de la souscription d’actions du requérant, dans le cadre de l’opération d’augmentation du capital de ce dernier, d’un montant de 6 143 000 euros (mesure 2), constitue une aide d’État incompatible avec le marché intérieur dans la mesure où elle aurait été octroyée par le Royaume d’Espagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

4        Conformément à l’article 2 de la décision attaquée, le Royaume d’Espagne doit récupérer les aides d’État incompatibles visées à l’article 1er de cette même décision, auprès du requérant dans le cas de la mesure 2, y compris les intérêts à compter de la date à laquelle l’aide a été mise à la disposition du requérant.

5        Conformément à l’article 3 de la décision attaquée, la récupération de l’aide « est immédiate et effective » et le Royaume d’Espagne doit veiller à ce que la décision attaquée soit appliquée dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa notification.

6        Le 6 juillet 2016, la décision attaquée a été notifiée au Royaume d’Espagne.

7        Le considérant 18 de la décision attaquée caractérise ainsi le requérant :

« Le [requérant] est un club de football professionnel dont le siège est situé à Alicante, dans la communauté de Valence. Le club a été créé en 1922 et évolue actuellement en deuxième division B. Il dispute ses rencontres dans son stade José Rico Pérez, qui peut accueillir 30 000 spectateurs. À la date à laquelle la mesure faisant l’objet de l’examen a été adoptée (février 2010), le [requérant] venait de se qualifier pour jouer en première division de la ligue espagnole grâce à sa deuxième place en deuxième division lors de la saison 2009-2010. Selon les autorités espagnoles, le 25 janvier 2012, le [requérant] était parven[u] à un accord avec la majorité de ses créanciers privés, dans le cadre d’une procédure de faillite ouverte le 5 juillet 2011 (concordat préventif) ; cet accord prévoyait une réduction de 50 % de la valeur de ses crédits et un ajournement de sept ans du paiement des crédits ordinaires, avec possibilité de prorogation de deux ans en cas de relégation. »

8        Le considérant 19 de la décision attaquée caractérise ainsi la Fundación Hércules :

« La [Fundación Hércules] est une organisation dont l’objectif est de promouvoir le bien-être social et les questions associées au [requérant] ; elle ne participe à aucune activité économique. Au moyen de l’augmentation de capital […], la Fundación Hércules a acquis 81,96 % des actions du [requérant], soit une participation de contrôle […] En outre, en vertu des dispositions des statuts et des règlements de la Fundación Hércules, les membres du conseil d’administration du [requérant] sont légalement membres du comité de direction de la Fundación Hércules […] »

9        Les considérants 9 et 10 de la décision attaquée résument ainsi les faits :

« Le 26 juillet 2010, l’IVF a accordé à la Fundación Hércules une garantie pour un prêt bancaire de 18 millions [euros] octroyé par la Caja de Ahorros del Mediterráneo. L’objectif manifeste du prêt était, tel que l’indique la décision d’octroyer la garantie de l’IVF à la Fundación Hércules, de financer l’acquisition d’actions du [requérant] par la Fundación Hércules, dans le cadre de la décision du [premier] de procéder à une augmentation de capital au moyen d’une injection de capital. La garantie couvrait 100 % du principal du prêt, plus les intérêts et les frais associés à la transaction garantie. Une commission de garantie de 1 % annuelle pour l’IVF, à payer par la Fundación Hércules, a été fixée. Comme contre-garantie, l’IVF a reçu en nantissement des actions du [requérant] détenues par la Fundación Hércules. Provisoirement, jusqu’au nantissement des actions, l’IVF a reçu une garantie du propriétaire du stade José Rico Pérez, Aligestión Integral SA, et le nantissement des actions du [requérant] détenues par Aligestión Integral SA. La durée du prêt sous-jacent était de cinq ans. Le taux d’intérêt du prêt sous-jacent était : a) un taux fixe de 4 % au cours de 36 premiers mois ; et b) le taux Euribor à 1 an, augmenté d’une marge de 2 % au cours de 24 mois suivants. En outre, une commission d’ouverture de 0,5 % était appliquée. Le remboursement du prêt garanti (principal et intérêts) était prévu et devait se faire par la vente des actions du [requérant] acquises.

Après l’octroi de la garantie publique par l’IVF, la Fundación Hércules n’a pas remboursé le prêt sous-jacent. Par conséquent, le 24 janvier 2012, l’IVF, afin de satisfaire à son obligation juridique en qualité de garant, a remboursé le montant de 18,4 millions [euros] à la banque prêteuse, s’est subrogée à cette dernière comme créancier du prêt en question, et a ensuite ouvert une procédure judiciaire contre la Fundación Hércules afin de récupérer le montant en question. »

10      Dans la décision attaquée, la Commission identifie comme aide d’État incompatible avec le marché intérieur la garantie de l’IVF couvrant le prêt accordé par la Caja de Ahorros del Mediterráneo à la Fundación Hércules dont le requérant aurait été le bénéficiaire.

11      À la suite de la décision attaquée, l’IVF a, par décision du 26 septembre 2016, ordonné au requérant de payer 6 143 000 euros au titre du principal et 792 207,91 euros au titre des intérêts, à savoir 6 935 207,91 euros au total, avant le 5 novembre 2016.

12      Le 25 octobre 2016, le requérant a introduit un recours gracieux contre cet ordre de récupération et a demandé la suspension provisoire de son exécution.

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 novembre 2016, le requérant a introduit un recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée.

14      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, au titre des articles 278 et 279 TFUE, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de l’article 2 de la décision attaquée en ce qu’il ordonne la récupération de l’aide auprès de lui ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      Le 9 novembre 2016, le président du Tribunal a posé au requérant des questions pour réponse écrite auxquelles celui-ci a répondu le même jour.

16      À la demande du requérant, le président du Tribunal a adopté, le 11 novembre 2016, sans avoir entendu au préalable la Commission, une ordonnance, sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, en vertu de laquelle il a ordonné la suspension de la décision attaquée en ce qui concerne le requérant jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.

17      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 18 novembre 2016, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de sursis à exécution ;

–        condamner le requérant aux dépens.

18      Le 29 novembre 2016, le requérant a pris position sur les observations de la Commission.

19      Le 8 décembre 2016, la Commission a répondu à la prise de position du requérant du 29 novembre 2016.

20      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 29 mars 2017, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir dans l’affaire principale.

21      Par lettre du 25 avril 2017, le Royaume d’Espagne a renoncé à soumettre un mémoire en intervention dans la procédure de référé.

22      Par mesure d’organisation de la procédure du 11 décembre 2017, le président du Tribunal a invité le requérant « à donner des informations actuelles sur sa situation financière, étayées par des éléments documentaires appropriés, y inclus le dernier état financier audité, ainsi que tout autre type d’informations pertinentes concernant les changements ayant eu lieu depuis le dépôt de la demande en référé ».

23      Le 21 décembre 2017, le requérant a répondu à cette demande.

24      Le 22 décembre 2017, le président du Tribunal a invité la Commission à prendre position sur les réponses fournies par le requérant.

25      Le 18 janvier 2018, la Commission a pris position sur les réponses fournies par le requérant.

 En droit

26      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

27      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

28      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

29      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

30      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

31      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

32      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

33      En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte de l’Union, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 45 et jurisprudence citée).

34      Conformément à la jurisprudence constante, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [voir ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24 et jurisprudence citée].

35      Lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie qui les sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46 et jurisprudence citée).

36      Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuves disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

37      Ainsi, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).

38      Il est également de jurisprudence constante que, pour pouvoir apprécier si toutes les conditions mentionnées aux points 32 et 33 ci-dessus sont remplies, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit, en principe, produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir, en ce sens, ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée).

39      Si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande. Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes de la demande en référé, dans la requête principale ou dans les annexes de la requête principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement e.a., T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 16 et jurisprudence citée).

40      C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si le requérant est parvenue à démontrer l’urgence.

41      Afin de démontrer l’urgence du sursis à exécution demandé, le requérant avance, en substance, deux éléments. D’une part, la récupération du montant en cause mettrait en péril sa viabilité financière en conduisant à sa liquidation. D’autre part, sa liquidation aurait des conséquences d’ordre non pécuniaire. En effet, il ne pourrait plus participer à des compétitions sportives, ce qui aurait des répercussions négatives tant pour les organisateurs de ces compétitions que pour les clubs participants. En outre, la disparition du requérant entraînerait des conflits sociaux et des pertes économiques dans la région.

42      S’agissant, en premier lieu, du risque allégué pour la viabilité financière du requérant résultant de la récupération, en exécution de la décision attaquée, d’un montant de 6 935 207,91 euros, il convient de relever que le préjudice ainsi invoqué par le requérant est d’ordre pécuniaire.

43      Dans ces conditions, il convient, aux fins de l’examen de la condition relative à l’urgence, de rappeler la jurisprudence concernant l’appréciation de la situation matérielle d’une société.

44      À cet égard, il est de jurisprudence bien établie que, pour apprécier la situation matérielle d’une société, notamment sa viabilité financière, il convient de tenir compte des caractéristiques du groupe de sociétés auquel elle se rattache par son actionnariat et, en particulier, des ressources dont dispose globalement ce groupe, ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l’urgence n’est pas remplie malgré l’état d’insolvabilité prévisible de la société requérante, prise individuellement. Il s’agit donc d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave compte tenu des caractéristiques du groupe auquel appartient la société requérante (voir ordonnance du 10 juin 2011, Eurallumina/Commission, T‑207/07 R, non publiée, EU:T:2011:265, point 32 et jurisprudence citée).

45      Cette prise en considération de la puissance financière du groupe auquel appartient la société concernée repose sur l’idée que les intérêts objectifs de cette société ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales, qui la contrôlent ou qui sont membres du même groupe. Le caractère grave du préjudice allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette coïncidence des intérêts justifie que l’intérêt de la société concernée à poursuivre son activité ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que portent à sa pérennité ceux qui la contrôlent ou sont membres du même groupe (voir ordonnance du 10 juin 2011, Eurallumina/Commission, T‑207/07 R, non publiée, EU:T:2011:265, point 33 et jurisprudence citée).

46      À cet égard, il a été considéré que le fait pour le juge des référés de ne pas prendre en considération, en dépit d’une telle coïncidence d’intérêts, les ressources du groupe auquel appartient la société requérante pour apprécier la situation matérielle de celle-ci reviendrait à compromettre l’intérêt public qui s’attache à l’exécution des décisions adoptées par les institutions de l’Union et à la réalisation des objectifs poursuivis par ces décisions. Le risque serait en effet grand qu’un groupe organise l’insolvabilité de la société destinataire d’une décision lui imposant le paiement d’une somme d’argent, ce qui la mettrait dans l’impossibilité de payer cette somme une fois que le Tribunal aurait statué dans l’affaire principale. Cet intérêt public ne saurait être remis en cause par la circonstance selon laquelle les actionnaires d’une telle société estiment qu’il est dans leur intérêt personnel de laisser cette société entamer une procédure de faillite plutôt que de se substituer à elle pour assurer le paiement en cause (voir ordonnance du 10 juin 2011, Eurallumina/Commission, T‑207/07 R, non publiée, EU:T:2011:265, point 34 et jurisprudence citée).

47      Enfin, cette jurisprudence ne s’applique pas seulement aux personnes morales mais également aux personnes physiques qui contrôlent l’entreprise. En effet, au regard de la question de la coïncidence des intérêts, le fait que la personne exerçant en tant que principal propriétaire de l’entreprise un contrôle sur celle-ci soit une personne physique qui ne constitue pas elle-même une entreprise apparaît dénué de pertinence (voir ordonnance du 11 octobre 2007, MB Immobilien/Commission, T‑120/07 R, non publiée, EU:T:2007:305, point 38 et jurisprudence citée).

48      Or, d’une part, il résulte de la réponse du requérant du 21 décembre 2017 qu’il a investi dans des « joueurs de qualité » dont les salaires dépassent ses revenus et que « le président [du requérant] s’est formellement engagé auprès de la Comisión Delegada de la Liga de Fútbol Profesional, le 21 septembre 2017, à couvrir le déficit enregistré par des apports de particuliers ».

49      Il en résulte que le requérant dispose de l’apport d’un tiers pour faire face à des engagements dépassant ses propres ressources économiques. Cet élément suscite nécessairement des interrogations s’agissant de la question de savoir si, et dans quelle mesure, le requérant pourrait bénéficier d’un tel apport pour acquitter la somme réclamée par l’IVF au titre de l’exécution de la décision attaquée. Toutefois, le requérant omet de fournir des renseignements à cet égard.

50      D’autre part, il paraît que des changements relatifs à l’actionnariat du requérant ont eu lieu avant la réponse du requérant du 21 décembre 2017. Toutefois, malgré la mesure d’organisation de la procédure, adoptée par le président du Tribunal le 11 décembre 2017, selon laquelle le requérant devait fournir « tout autre type d’informations pertinentes concernant les changements ayant eu lieu depuis le dépôt de la demande en référé », le requérant n’a fourni aucune information relative à cette opération.

51      Une telle information était d’autant plus nécessaire du fait que le requérant connaissait la jurisprudence rappelée aux points 44 à 47 ci-dessus et qu’il résulte du point 73 de sa demande en référé qu’il affirmait qu’elle ne serait pas pertinente dans son cas de figure, eu égard à l’absence d’ « actionnaire majoritaire auquel pourrait s’appliquer la jurisprudence relative aux recours des tiers susceptibles de remettre en cause l’urgence ». À cet égard, le requérant a précisé dans sa demande en référé qu’il résultait de la liste de ses actionnaires actuels que « l’actionnaire principal reste la Fundación Hércules, dont l’absence de ressources a été confirmée par la Commission ».

52      Dans ces conditions, au vu de l’insuffisance des renseignements fournis par le requérant, le président du Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier si, aux fins de l’examen de l’urgence, il peut se limiter à examiner la situation du requérant pris isolément ou s’il doit tenir compte d’un éventuel apport de l’actionnariat dont pourrait bénéficier le requérant.

53      Ainsi, à défaut pour le requérant de produire, conformément aux exigences de la jurisprudence rappelée au point 38 ci-dessus, une image fidèle et global de sa situation financière, le président du Tribunal ne saurait conclure à l’existence d’un risque pour la viabilité financière de celui-ci.

54      En deuxième lieu, s’agissant des autres préjudices invoqués par le requérant, à savoir des répercussions négatives tant pour les organisateurs des compétitions sportives que pour les clubs participants et des conflits sociaux ainsi que des pertes économiques dans la région, il convient de relever que ces préjudices seraient, selon le requérant, les conséquences de sa liquidation.

55      Or, étant donné qu’il a été constaté au point 53 ci-dessus qu’il ne saurait être conclu à l’existence d’un risque pour la viabilité financière du requérant, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les éventuelles conséquences d’une liquidation du requérant.

56      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour le requérant, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la condition relative au fumus boni juris, ni de procéder à la mise en balance des intérêts.

57      La présente ordonnance clôturant la procédure en référé, il y a lieu de rapporter l’ordonnance du 11 novembre 2016, Hércules Club de Fútbol/Commission (T‑766/16 R), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure, en vertu de laquelle il a été ordonné de suspendre, pour ce qui concerne le requérant, l’exécution de la décision attaquée jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.

58      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      L’ordonnance du 11 novembre 2016, Hércules Club de Fútbol/Commission (T766/16 R), est rapportée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 22 mars 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : l’espagnol.