Language of document : ECLI:EU:C:2020:761

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

30 septembre 2020 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑240/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 juin 2020,

Giorgio Armani SpA, établie à Milano (Italie), représentée par Me S. Martínez-Almeida y Alejos-Pita, abogada,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, M. M. Safjan et Mme C. Toader (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la position de la juge rapporteure et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Giorgio Armani SpA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 mars 2020, Armani/EUIPO – Asunción (le Sac 11) (T‑654/18, non publié, EU:T:2020:122, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 13 août 2018 (affaire R 2464/2017-4), relative à une procédure d’opposition entre M. Asunción et Giorgio Armani.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphe 3, de ce règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que chacun des deux moyens du pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, au sens de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

7        En premier lieu, la requérante allègue que le premier moyen soulève une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union en ce qu’il porte sur la notion de « vente au détail », telle qu’elle ressort notamment du point 34 de l’arrêt du 7 juillet 2005, Praktiker Bau- und Heimwerkermärkte (C‑418/02, EU:C:2005:425) ainsi que du point 50 de l’arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE) (T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9) selon lesquels les ventes à des commerçants qui utilisent les produits achetés dans leur propre processus commercial ou leur propre activité et non pas en qualité de consommateurs finaux ne peuvent pas être qualifiées de « vente au détail ».

8        Par ce moyen, la requérante met en cause le point 49 de l’arrêt attaqué, auquel le Tribunal a considéré, en s’écartant de la jurisprudence citée au point précédent, que des commerçants peuvent acheter des produits au détail.

9        En outre, l’intervention de la Cour sur cette question fournirait, selon la requérante, une occasion d’accroître la cohérence entre l’interprétation des notions de « vente au détail » et de « consommateur » dans le droit des marques et dans le droit de la consommation de l’Union.

10      En second lieu, la requérante soutient que la question soulevée dans le cadre du second moyen du pourvoi est importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, étant donné que le Tribunal s’est écarté, en ce qui concerne l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit, des critères et des principes établis par la jurisprudence pertinente.

11      À cet égard, la requérante reproche, en substance, au Tribunal d’avoir considéré, au point 84 de l’arrêt attaqué, que l’élément dominant dans la marque demandée est le terme « sac », et non pas les éléments visuels, en estimant que le public espagnol ne comprendrait pas la signification du terme « le sac » au motif qu’il s’agit d’un terme étranger. Cette appréciation du Tribunal s’écarterait de la jurisprudence selon laquelle les consommateurs reconnaîtront la signification d’un tel terme étranger en raison de sa similitude avec le terme dans leur propre langue [arrêts du 5 octobre 2017, Wolf Oil/EUIPO, C‑437/16 P, non publié, EU:C:2017:737, et du 8 septembre 2010, Icebreaker/OHMI – Gilmar (ICEBREAKER), T‑112/09, non publié, EU:T:2010:361, point 41].

12      La requérante reproche également au Tribunal la méconnaissance de la jurisprudence selon laquelle les conditions dans lesquelles les produits ou les services sont commercialisés sont pertinentes pour apprécier le degré de similitude entre les marques concernées (ordonnances du 30 juin 2010, Royal Appliance International/OHMI, C‑448/09 P, non publiée, EU:C:2010:384, points 85 et 86 et du 4 septembre 2014, Goldsteig Käsereien Bayerwald/OHMI, C‑150/14 P, non publiée, EU:C:2014:2180, point 27). À cet égard, elle fait également valoir que le Tribunal a omis à prendre en considération que, dans le secteur de la mode, un poids important doit être accordé aux éléments visuels des signes en conflits, ainsi qu’il ressort notamment du point 69 de l’arrêt du 7 mai 2009, NHL Enterprises/OHMI – Glory & Pompea (LA KINGS) (T‑414/05, non publié, EU:T:2009:145).

13      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14 et jurisprudence citée).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

16      Dès lors, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, par son argumentation figurant aux points 7 à 12 de la présente ordonnance, la requérante fait valoir, en substance, que l’importance des questions soulevées dans le cadre de son pourvoi résulte de la prétendue incohérence de l’arrêt attaqué avec la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

18      À cet égard, dans un premier temps, la requérante allègue l’existence d’une contradiction entre, d’une part, le point 49 de l’arrêt attaqué, et, d’autre part, le point 34 de l’arrêt du 7 juillet 2005, Praktiker Bau- und Heimwerkermärkte (C‑418/02, EU:C:2005:425) et le point 50 de l’arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE) (T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9), en ce qui concerne la portée de la notion de « vente au détail ». Dans un second temps, la requérante fait valoir la prétendue existence d’une contradiction entre, d’une part, le point 84 de l’arrêt attaqué, et, d’autre part, l’arrêt du 5 octobre 2017, Wolf Oil/EUIPO (C‑437/16 P, non publié, EU:C:2017:737), le point 41 de l’arrêt du 8 septembre 2010, Icebreaker/OHMI – Gilmar (ICEBREAKER) (T‑112/09, non publié, EU:T:2010:361) ainsi que le point 69 de l’arrêt du 7 mai 2009, NHL Enterprises/OHMI – Glory & Pompea (LA KINGS) (T‑414/05, non publié, EU:T:2009:145), en ce qui concerne les critères d’appréciation du risque de confusion.

19      Si la requérante identifie ainsi les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’est ni expliqué à suffisance ni, en tout état de cause, démontré par l’argumentation invoquée à l’appui de sa demande d’admission du pourvoi en quoi de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi.

20      En effet, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, la requérante au pourvoi doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement des arguments d’ordre général (ordonnance du 4 juin 2020, Société des produits Nestlé/Amigüitos pets & life et EUIPO, C‑97/20 P, non publiée, EU:C:2020:442, point 18 et jurisprudence citée).

21      Une telle démonstration fait défaut en l’occurrence, dans la mesure où, s’agissant, d’abord, de l’argumentation invoquée aux points 7 et 8 de la présente ordonnance, la requérante ne fournit pas la moindre indication sur la similitude des situations visées dans la jurisprudence évoquée permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel / Crédit Mutuel Arkéa, C‑867/19 P, non publiée, EU:C:2020:103, point 18). Ensuite, s’agissant de l’argumentation invoquée aux points 10 à 12 de la présente ordonnance, il convient d’observer que la requérante se limite à affirmer que le second moyen du pourvoi présente un intérêt pour la cohérence du droit de l’Union, sans pourtant démontrer en quoi la manière d’apprécier le caractère distinctif et dominant des éléments verbaux de la marque figurative demandée lors de la comparaison de la similitude des signes et l’absence d’application de la jurisprudence sur la pertinence des conditions dans lesquelles les produits sont commercialisés afin d’apprécier le degré de similitude des signes, qu’elle allègue, soulèveraient des questions importantes pour l’unité ou la cohérence du droit de l’Union.

22      Par ailleurs, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, l’argumentation selon laquelle le Tribunal se serait écarté de sa jurisprudence antérieure n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance (ordonnance du 4 juin 2020, Société des produits Nestlé/Amigüitos pets & life et EUIPO, C‑97/20 P, non publiée, EU:C:2020:442, point 21 et jurisprudence citée).

23      L’allégation selon laquelle le Tribunal a méconnu la jurisprudence de la Cour dans un arrêt donné n’est pas non plus suffisante, en soi, pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. À cette fin, le demandeur doit en effet exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction qu’il allègue, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi qu’il met en cause que ceux de la décision de la Cour qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles il considère qu’une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 4 juin 2020, Société des produits Nestlé/Amigüitos pets & life et EUIPO, C‑97/20 P, non publiée, EU:C:2020:442, point 20, et du 7 octobre 2019, L'Oréal/EUIPO, C‑589/19 P, non publiée, EU:C:2019:842, point 16 et jurisprudence citée). Or, l’ensemble de ces exigences n’est pas satisfait en l’espèce.

24      Enfin, s’agissant de l’argumentation invoquée au point 9 de la présente ordonnance, la requérante ne fournit pas non plus d’indications sur les raisons concrètes pour lesquelles l’analyse de la notion de « vente au détail » au regard du droit de la consommation constituerait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Or, la Cour a déjà jugé que le caractère de nouveauté d’une question de droit ne permet pas non plus à lui seul de qualifier cette question comme étant importante au regard de l’unité ou de la cohérence du droit de l’Union, le requérant devant toujours spécifier les raisons pour lesquelles ladite question revêt une telle importance à cet égard (ordonnance du 13 février 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel / Crédit Mutuel Arkéa, C‑867/19 P, non publiée, EU:C:2020:103, point 15 et jurisprudence citée).

25      Il y a, dès lors, lieu de constater que la requérante, dans la formulation de ses arguments, ne respecte pas l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance.

26      Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

27      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

28      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

29      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Giorgio Armani SpA supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.