Language of document : ECLI:EU:C:2020:209

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

12 mars 2020 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois –Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »  

Dans l’affaire C‑893/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 décembre 2019,

Roxtec AB, établie à Karlskrona (Suède), représentée par Mes T. Lampel et J. Olsson, avocats ainsi que Me K. Wagner, avocate,

partie requérante,

Les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Wallmax Srl, établie à Milano (Italie), représentée par Mes F. Ferrari et L. Goglia, avocats,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, M. M. Safjan et Mme C. Toader (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition de la juge rapporteure et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Roxtec AB demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2019, Roxtec/EUIPO – Wallmax (Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques) (T‑261/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:674), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 janvier 2018 (affaire R 940/2017-2), relative à une procédure de nullité entre Wallmax et Roxtec.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, dudit statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphe 3, de ce règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission, la requérante fait valoir que le pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’arrêt du 12 décembre 2002, Sieckmann (C‑273/00, EU:C:2002:748, point 52) en ce qu’il aurait pris en compte des éléments externes à l’enregistrement de la marque contestée, notamment un ancien brevet du produit concerné par cette marque et un catalogue de produits. En effet, selon la requérante, en application de cette jurisprudence, la nature exacte d’une marque devrait pouvoir être déterminée par les utilisateurs du registre des marques tout comme par l’autorité compétente en tenant compte uniquement d’éléments qui font partie de l’enregistrement de la marque elle-même. Or, une telle approche du Tribunal serait susceptible de nuire à la sécurité juridique et soulèverait une question importante pour la cohérence et le développement du droit de l’Union.

8        En deuxième lieu, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève une question importante pour la cohérence et le développement du droit de l’Union en ce que, d’une part, le Tribunal a erronément interprété l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 et, d’autre part, il s’est écarté de sa propre jurisprudence, établie par l’arrêt du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge) (T‑270/06, EU:T:2008:483, point 39). Plus précisément, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir considéré, notamment au point 88 de l’arrêt attaqué, que l’absence, dans la marque contestée, de la ligne de démarcation, indiquant que le produit peut être divisé en deux parties, est dénuée de pertinence et ainsi, d’avoir méconnu le fait que cette ligne correspond à une caractéristique essentielle et indispensable à l’obtention du résultat technique. Selon la requérante, une telle interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 et l’incohérence qui résulte du fait que le Tribunal s’est écarté de sa propre jurisprudence, porteraient atteinte à la sécurité juridique.

9        En troisième lieu, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte, lors de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, d’autres façons possibles d’utiliser la marque contestée et allègue qu’elles pourraient être prises en compte, notamment en appliquant par analogie l’arrêt du 12 septembre 2019, Deutsches Patent- und Markenamt (#darferdas ?) (C‑541/18, EU:C:2019:725). Ainsi, selon elle, en vertu de cet arrêt une marque devrait être enregistrée si, au moins l’un de ses modes d’usage probables ne remplit pas les conditions prévues par ladite disposition du règlement 2017/1001, ni d’autre motif absolu de refus. La requérante soutient qu’une telle application par analogie soulève une question importante pour le développement du droit de l’Union en ce qu’elle présente un intérêt d’ordre général pour tous les motifs absolus de refus qui figurent à l’article 7 de ce règlement.

10      En quatrième et dernier lieu, la requérante soutient que le Tribunal a, d’une part, violé l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 en n’ayant pas tenu compte du caractère distinctif de la coloration noire et bleue de la marque contestée aux fins de l’application de cette disposition et, d’autre part, commis une erreur en appliquant l’arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, (C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 48) à un élément non fonctionnel présentant un caractère distinctif propre, tel que ladite coloration. En effet, selon elle, la coloration particulière de la marque contestée constitue une autre caractéristique du produit concerné qui ne remplit aucune fonction technique, de sorte que le signe n’est pas « exclusivement » constitué de caractéristiques « nécessaire[s] » à l’obtention du résultat technique, au sens de ladite disposition du règlement 2017/1001. Ces erreurs du Tribunal soulèveraient une question importante, d’une part, pour l’unité du droit de l’Union, en ce que l’arrêt attaqué serait source d’insécurité juridique et, d’autre part, pour le développement du droit de l’Union, en ce que la Cour serait amenée à préciser si l’arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, (C‑48/09 P, EU:C:2010:516) serait également applicable à un élément non fonctionnel présentant un caractère distinctif propre.

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 16 septembre 2019, Kiku/OCVV, C‑444/19 P, non publiée, EU:C:2019:746, point 11).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170bis, paragraphe 1, et l’article 170ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par la requérante doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14 et jurisprudence citée).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt attaqué, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

14      Dès lors, une demande d’admission ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

15      S’agissant, premièrement, de l’argumentation évoquée au point 7 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence pertinente de la Cour, il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance (voir ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 17 et jurisprudence citée). Or, en l’occurrence, si la requérante précise les points de l’arrêt attaqué contestés et ceux de la décision de la Cour qui auraient été méconnus, son argumentation n’est pas susceptible d’établir que le pourvoi soulève une question importante pour la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

16      En effet, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que la fonctionnalité technique des caractéristiques d’une forme peut être appréciée, notamment, en tenant compte de la documentation relative aux brevets antérieurs qui décrivent les éléments fonctionnels de la forme concernée (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 85). Ainsi, la requérante ne démontre pas en quoi la prise en compte d’un tel élément externe par le Tribunal soulèverait une question importante pour la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

17      Deuxièmement, en ce qui concerne, d’une part, l’argumentation figurant au point 8 de la présente ordonnance quant à l’interprétation erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, la requérante cherche, en réalité, à remettre en cause l’appréciation factuelle opérée par le Tribunal lors de l’identification des caractéristiques essentielles du signe concerné et de l’appréciation de la fonctionnalité desdites caractéristiques. Par conséquent, cette argumentation ne saurait soulever une question importante pour la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 10 octobre 2019, KID-Systeme/EUIPO, C‑577/19 P, non publiée, EU:C:2019:854, point 20).

18      En ce qui concerne, d’autre part, l’argumentation figurant au point 8 de la présente ordonnance quant à l’application erronée opérée par le Tribunal de l’arrêt du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge) (T-270/06, EU:T:2008:483, point 39), il convient de noter que cette argumentation ne respecte pas les exigences évoquées au point 13 de la présente ordonnance, dans la mesure où la requérante se borne à affirmer que le Tribunal aurait violé sa propre jurisprudence sans pour autant préciser les raisons concrètes pour lesquelles une telle incohérence, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

19      Troisièmement, s’agissant de l’argumentation avancée au point 9 de la présente ordonnance, il y a lieu de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, la requérante au pourvoi doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 18 et jurisprudence citée). Par ailleurs, cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement des arguments d’ordre général (voir, en ce sens, ordonnance du 12 décembre 2019, Guiral Broto/EUIPO, C-715/19 P, non publiée, EU:C:2019:1086, point 11).

20      Or, en l’occurrence, la requérante se borne à affirmer que la portée de l’arrêt attaqué présente un intérêt général pour tous les motifs absolus de refus qui figurent à l’article 7 du règlement 2017/1001 sans pour autant fournir des arguments concrets et propres au cas d’espèce afin de prouver en quoi l’absence d’application par analogie de l’arrêt du 12 septembre 2019, Deutsches Patent- und Markenamt (#darferdas ?) (C‑541/18, EU:C:2019:725) par le Tribunal soulèverait une question importante pour le développement du droit de l’Union.

21      Quatrièmement, s’agissant de l’argumentation évoquée par la requérante au point 10 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur en appliquant l’arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI (C‑48/09 P, EU:C:2010:516) à un élément non fonctionnel, en l’espèce la coloration noire et bleue de son signe, qui présentait un caractère distinctif propre, il convient de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 17).

22      Or, il convient de constater que la requérante se borne à alléguer que l’arrêt attaqué serait source d’insécurité juridique sans pour autant démontrer, en violation des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance, en quoi l’erreur du Tribunal, consistant en l’application de l’arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI (C‑48/09 P, EU:C:2010:516) à son cas d’espèce, à la supposer établie, soulève une question importante pour l’unité ou le développement du droit de l’Union.

23      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’argumentation présentée par la requérante à l’appui de sa demande d’admission de son pourvoi n’est pas de nature à établir que ce dernier soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Roxtec AB supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.