Language of document : ECLI:EU:F:2011:43

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

13 avril 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pension – Transfert des droits à pension acquis en Grèce vers le régime de pension des fonctionnaires de l’Union – Calcul de la bonification – Exception d’illégalité des DGE des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut – Principe d’égalité de traitement – Principe de neutralité de l’euro »

Dans l’affaire F‑38/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Ioannis Vakalis, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Luvinate (Italie), représenté par MS. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Martin et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni (rapporteur), président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 31 mai 2010 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 3 juin 2010 suivant), M. Vakalis a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du 19 août 2009 par laquelle la Commission des Communautés européennes a fixé la bonification d’annuités de pension communautaire résultant du transfert des droits à pension qu’il avait acquis avant d’entrer au service de la Commission et de la décision du 22 février 2010 de rejet de sa réclamation préalable.

 Cadre juridique

 Règlements du Conseil relatifs à l’introduction de l’euro

2        Aux termes de l’article 3 du règlement (CE) no 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l’introduction de l’euro (JO L 162, p. 1) :

« L’introduction de l’euro n’a pas pour effet de modifier les termes d’un instrument juridique ou de libérer ou de dispenser de son exécution, et elle ne donne pas à une partie le droit de modifier un tel instrument ou d’y mettre fin unilatéralement. La présente disposition s’applique sans préjudice de ce dont les parties sont convenues. »

3        L’article 14 du règlement (CE) no 974/98 du Conseil, du 3 mai 1998, concernant l’introduction de l’euro (JO L 139, p. 1), dispose :

« Les références aux unités monétaires nationales qui figurent dans des instruments juridiques existant à la fin de la période transitoire doivent être lues comme des références à l’unité euro en appliquant les taux de conversion respectifs. Les règles relatives à l’arrondissage des sommes d’argent arrêtées par le règlement […] no 1103/97 s’appliquent. »

4        Selon l’article 13 du règlement no 974/98, l’article 14 précité s’applique « à compter de la fin de la période transitoire », période qui est définie, à l’article 1er de ce règlement, comme « la période commençant le 1er janvier 1999 et prenant fin le 31 décembre 2001 ».

 Statut des fonctionnaires et dispositions générales d’exécution

5        L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne disposait, dans sa rédaction en vigueur antérieurement au 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut ») :

« Le fonctionnaire qui entre au service [de l’Union] après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser [à l’Union], soit l’équivalent actuariel, soit le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu’elle prend en compte d’après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat. »

6        Par décision du 2 juillet 1969, la Commission avait adopté les dispositions générales d’exécution de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut, modifiées ultérieurement par décisions de la Commission du 4 février 1972 et du 16 mars 1977 (Informations administratives no 789 du 16 avril 1993, ci-après les « DGE de 1969 »).

7        Aux termes de l’article 1er des DGE de 1969 :

« Le fonctionnaire qui entre au service [de l’Union] après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale, ou

–        cessé d’exercer une activité salariée ou non salariée,

peut demander le transfert de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat à l’institution dont il relève.

La demande doit être introduite par écrit et dans un délai de six mois à compter, selon le cas, de la date,

–        de la notification de la titularisation du fonctionnaire,

–        où il a été informé que le transfert est possible,

la dernière de ces dates est d’application. »

8        En vertu de l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 1969, le montant transféré au compte de l’Union, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut, dans une monnaie autre que le franc belge, était – pour la détermination du nombre d’annuités pour la période allant du 1er janvier 1972 à la date de la titularisation du fonctionnaire – converti en francs belges sur la base du taux actualisé moyen fixé par la Commission (ci-après le « mécanisme du taux de change moyen »).

9        Ce taux actualisé reflétait le taux de change moyen entre la monnaie nationale concernée et le franc belge sur l’ensemble de la période de paiement des cotisations au niveau national.

10      L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, prévoit désormais, dans sa rédaction issue du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1), entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « statut ») :

« Le fonctionnaire qui entre au service [de l’Union] après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser [à l’Union] le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension [de l’Union] au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

[…] »

11      L’article 26, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut prévoit :

« Les demandes visant à bénéficier des possibilités de transfert de droits à pension visés à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII introduites avant le 1er mai 2004 sont traitées selon les règles en vigueur au moment de leur introduction. »

12      Par décision du 28 avril 2004, la Commission a abrogé les DGE de 1969 et adopté de nouvelles dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut (Informations administratives no 60‑2004 du 9 juin 2004, ci-après les « DGE du 28 avril 2004 »).

13      L’article 5, paragraphe 1, des DGE du 28 avril 2004 prévoit :

« L’agent qui entre au service [de l’Union] après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale, ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation ou la date de la fin de son stage – ou, à défaut de stage, la date d’entrée en service – et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté dans les conditions prévues à l’article 77 du statut, de faire verser [à l’Union], le capital, actualisé jusqu’au transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

Dans la mesure où les droits visés au paragraphe précédent feraient déjà l’objet d’une liquidation, sous forme de pension ou de rente, versée par la caisse concernée, le transfert ne sera réalisable que moyennant l’accord de cette caisse.

La demande doit être adressée au service compétent de l’institution dont l’agent relève. Elle est introduite par écrit, au moyen du formulaire prévu à cet effet et, de préférence, sous pli recommandé avec accusé de réception. Elle peut être introduite dès la date de titularisation ou dès la date de fin de stage – ou, à défaut de stage, la date d’entrée en service.

Une demande reçue avant la fin de stage ne peut être traitée par le service compétent qu’à l’expiration de celui-ci.

Indépendamment de son statut, l’agent doit introduire sa demande au plus tard dans un délai de six mois à compter de l’expiration de la période nécessaire à l’ouverture du droit visé à l’article 77 du statut. Si cette période n’a pas expiré au moment où l’agent a atteint l’âge de la pension au sens de l’article 77 du statut, la demande doit être introduite au plus tard 6 mois après la date à laquelle l’agent atteint cet âge.

La demande doit être introduite dans les délais ci-dessus même en l’absence d’accord sur un cadre adéquat avec le(s) régime(s) de pension concerné(s) pour la réalisation du transfert.

La date d’accusé de réception, par l’institution compétente, du pli recommandé ou, à défaut, la date de l’enregistrement de la demande auprès du service compétent de l’institution fait foi.

Pour autant qu’il reste affilié sans interruption au régime de pensions des fonctionnaires [de l’Union européenne], l’agent ne peut faire usage qu’une seule fois de cette faculté par régime de pension, quels que soient le lien statutaire sous lequel il a pu exercer ce droit et l’institution, l’agence ou l’office […] où il a accompli des fonctions lui donnant accès à ce droit.

L’institution compétente met fin à la procédure si, à la date de démission ou [de] fin de contrat, l’agent compte moins des 10 ans de service ouvrant le droit à une pension [de l’Union] ou n’a pas atteint l’âge de la pension au sens de l’article 77 du statut, et si l’accord définitif de l’agent sur le nombre d’annuités à bonifier dans le régime de pension des institutions [de l’Union] n’a pas pu être obtenu. »

14      L’article 11 des DGE du 28 avril 2004 dispose :

« Les [DGE du 28 avril 2004] entrent en vigueur le [1er mai 2004].

Elles abrogent et remplacent les [DGE de]1969. Toutefois, ces dernières dispositions générales d’exécution restent applicables pour les demandes introduites avant le 1er mai 2004. »

15      Les DGE du 28 avril 2004 ne prévoient plus d’appliquer le mécanisme du taux de change moyen aux demandes de transfert de droits à pension. Lorsque le montant transféré à l’Union est libellé en euros, aucun mécanisme de conversion monétaire de ce montant ne doit donc être utilisé dans le calcul du nombre d’annuités à prendre en compte dans le régime de pensions de l’Union. En vertu de l’article 7, paragraphe 3, de ces DGE, lorsque le montant transféré à l’Union est exprimé dans une monnaie autre que l’euro, ce montant est, pour la détermination du nombre d’annuités, converti en euros sur la base du taux mensuel fixé par la Commission pour l’exécution du budget pour le mois d’enregistrement de la demande.

 Faits à l’origine du litige

16      Le requérant est entré au service de la Commission le 16 mars 2000 en qualité d’agent auxiliaire. Il est devenu agent temporaire le 16 septembre 2000 et fonctionnaire stagiaire le 16 avril 2004. Il a été titularisé le 16 janvier 2005.

17      Le 30 avril 2004, alors qu’il était encore fonctionnaire stagiaire, il a demandé le transfert des droits à pension qu’il avait acquis en Grèce avant son entrée au service de la Commission correspondant à des cotisations versées entre 1982 et 2000. Se fondant sur l’article 5 des DGE du 28 avril 2004, la Commission n’a traité cette demande qu’à compter de la fin de son stage et de sa titularisation.

18      Par décision du 19 août 2009, la Commission a fixé à 2 ans, 10 mois et 8 jours le nombre d’annuités de pension statutaire résultant du transfert de droits acquis par le requérant en Grèce (ci-après la « décision litigieuse »).

19      Le 24 novembre 2009, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse. Dans cette réclamation, il considérait que les DGE du 28 avril 2004 étaient bien applicables à sa situation. Il faisait toutefois valoir que ces DGE étaient illégales au motif notamment, d’une part, que l’introduction de l’euro ne pouvait avoir un effet négatif sur le calcul des droits à pension ou créer une différence de traitement entre fonctionnaires de l’Union et, d’autre part, que la nouvelle méthode de calcul adoptée par la Commission pour fixer le nombre d’annuités de pension statutaire correspondant au transfert de droits acquis était contraire au principe d’égalité et de non-discrimination entre fonctionnaires.

20      Le 22 février 2010, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté ladite réclamation aux motifs que l’adoption des DGE du 28 avril 2004 était la conséquence logique de l’introduction de l’euro, que les dispositions de ces DGE étant applicables tant au requérant qu’à l’ensemble des fonctionnaires dans sa situation à la même période, que le principe d’égalité n’avait pas été méconnu et que la réévaluation de ses droits à pension relevant des seuls États membres, il aurait appartenu au requérant de contester la nouvelle méthode de calcul devant les juridictions nationales (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que les DGE du 28 avril 2004 sont entachées d’illégalité ;

–        annuler la décision litigieuse ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 Sur l’objet du litige et la recevabilité

23      Dans son premier chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de constater l’illégalité des DGE du 28 avril 2004. Or, si, dans le cadre d’une demande d’annulation d’un acte individuel faisant grief, le juge de l’Union est effectivement compétent pour constater incidemment l’illégalité d’une disposition de portée générale sur laquelle l’acte attaqué est fondé, le Tribunal n’est, en revanche, pas compétent pour opérer de telles constatations dans le dispositif de ses arrêts (voir par exemple, arrêt du Tribunal de la fonction publique du 21 octobre 2009, Ramaekers-Jørgensen /Commission, F‑74/08, points 37 et 38).

24      Par suite, le premier chef de conclusions est irrecevable.

25      Par ailleurs, le requérant demande tant l’annulation de la décision litigieuse que de la décision de rejet de la réclamation.

26      À cet égard, il convient de constater, au regard de la jurisprudence (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, point 13 ; arrêt du Tribunal de la fonction publique du 23 février 2010, Faria/OHMI, F‑7/09, point 30) et de la portée de la décision de rejet de la réclamation, laquelle ne fait que confirmer en substance la décision litigieuse, que les conclusions en annulation de la décision rejetant la réclamation sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome et se confondent en réalité avec les conclusions en annulation de la décision litigieuse.

27      Il y a lieu, dès lors, de considérer que les conclusions en annulation sont dirigées uniquement contre la décision litigieuse.

 En droit

 Sur l’applicabilité des DGE du 28 avril 2004 à la situation du requérant

28      Ainsi que l’a jugé le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l’arrêt du 15 juillet 1994, Browet e.a./Commission (T‑576/93 à T‑582/93, point 35), un moyen tiré du champ d’application de la loi est d’ordre public et il appartient au Tribunal de l’examiner d’office (voir arrêts du Tribunal de la fonction publique du 31 janvier 2008, Valero Jordana/Commission, F‑104/05, points 53 et 54, et du 21 février 2008, Putterie-De-Beukelaer/Commission, F‑31/07, points 50 à 62, non contredit sur cette question par le Tribunal de l’Union européenne dans l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Putterie-De-Beukelaer, T‑160/08 P, point 67).

29      En effet, le Tribunal méconnaîtrait son office de juge de la légalité s’il s’abstenait de relever, même en l’absence de contestation des parties sur ce point, que la décision contestée devant lui a été prise sur la base d’une norme insusceptible de trouver application au cas d’espèce et si, par suite, il était conduit à statuer sur le litige dont il est saisi, en faisant lui-même application d’une telle norme.

30      En l’espèce, les dispositions transitoires des DGE du 28 avril 2004 prévoient que les DGE de 1969 restent applicables pour les demandes introduites avant le 1er mai 2004. Ces dispositions sont d’ailleurs conformes à celles de l’article 26, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut relatives aux mesures de transition, en vertu desquelles les demandes visant à bénéficier des possibilités de transfert de droits à pension introduites avant le 1er mai 2004 sont traitées selon les règles en vigueur au moment de leur introduction. Or, il ressort clairement du dossier et il est constant que le requérant a introduit sa demande le 30 avril 2004, soit avant le 1er mai 2004.

31      C’est pourquoi, par un courrier du 13 octobre 2010, le Tribunal a informé les parties qu’il envisageait de soulever d’office le moyen d’ordre public tiré de la méconnaissance par la décision litigieuse des champs d’application respectifs des DGE de 1969 et des DGE du 28 avril 2004.

 Arguments des parties

32      Dans un premier temps, dans leurs mémoires, les parties s’accordaient pour considérer que les DGE du 28 avril 2004 étaient applicables à la situation du requérant.

33      Toutefois, en réponse au courrier du Tribunal du 13 octobre 2010, le requérant a indiqué qu’il ne lui semblait pas que les dispositions transitoires de l’article 26, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut et celles de l’article 11 des DGE du 28 avril 2004 pourraient être interprétées comme ne concernant que les demandes présentées par des fonctionnaires titulaires, ni par une interprétation littérale, ni par une interprétation au regard des dispositions en vigueur rationae temporis, ni par une interprétation téléologique. Le requérant a notamment fait valoir que l’article 1er des DGE de 1969 aurait prévu que la demande pouvait être introduite par le fonctionnaire dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle il avait été informé que le transfert était possible. Il en a déduit que la législation en vigueur le 30 avril 2004 n’empêchait pas un fonctionnaire stagiaire de déposer une demande de transfert de droits à pension.

34      À l’audience, le requérant a soutenu que le Tribunal pouvait soulever d’office le moyen tiré de la méconnaissance des champs d’application respectifs des DGE de 1969 et des DGE du 28 avril 2004 et que ce moyen était fondé. Le requérant a ajouté qu’en tout état de cause, lorsqu’il a affirmé dans ses écritures que les DGE de 1969 devaient continuer à s’appliquer, du moins en ce qui concerne les modalités de conversion des droits à pension, il avait implicitement mais nécessairement soulevé le moyen que le Tribunal envisage de relever d’office. Enfin, il a fait valoir que la Commission ne pouvait pas « geler » une demande de droits à pension. Selon le requérant, dès lors que la Commission n’a pas rejeté cette demande, il conviendrait de considérer qu’elle a été valablement introduite.

35      Pour sa part, la Commission a répondu au contraire qu’une demande de transfert de droits à pension n’était recevable qu’à condition que le stage ait été accompli, en application de l’article 11 de l’annexe VIII du statut et de l’article 1er des DGE de 1969. La Commission en a déduit que ce serait à bon droit que la demande du requérant a été traitée au titre des DGE du 28 avril 2004. La Commission a ajouté qu’en tout état de cause, le moyen que le Tribunal envisagerait de soulever serait relatif à la légalité externe de la décision attaquée et qu’un tel moyen ne pourrait être soulevé d’office.

36      À l’audience, la Commission a précisé que le moyen relevé d’office par le Tribunal était en réalité relatif à la légalité interne et qu’un tel moyen ne pourrait être relevé d’office en vertu de la jurisprudence du juge de l’Union. Elle a soutenu que soulever d’office un tel moyen reviendrait pour le juge à statuer ultra petita et à méconnaître le principe du respect du caractère contradictoire de la procédure. À titre subsidiaire, la Commission a fait valoir que le moyen tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi ne pourrait, en tout état de cause, être soulevé que dans le cas où cette méconnaissance serait manifeste. Or, en l’espèce, il serait clair que cette méconnaissance ne serait pas manifeste puisque, notamment, le requérant lui-même ne l’aurait pas invoquée. À titre infiniment subsidiaire, la Commission a souligné que le moyen ne serait pas fondé puisque les DGE devraient être interprétées à la lumière du statut. Or, en vertu du statut, une demande introduite avant la titularisation serait simplement enregistrée et « gelée » mais ne serait pas valablement introduite. Ce ne serait que pour éviter des complications inutiles que de telles demandes prématurées ne seraient pas rejetées, de manière à ne pas imposer aux fonctionnaires de présenter une nouvelle demande une fois qu’ils sont titularisés. Juger autrement aboutirait, en l’espèce, à laisser au requérant le choix du régime de transfert de droits à pension qui lui serait applicable.

 Appréciation du Tribunal

37      Il y a lieu de répondre, au préalable, aux objections de principe de la Commission sur la possibilité pour le Tribunal de soulever d’office le moyen tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi.

38      Comme le Tribunal l’a déjà jugé (arrêt Putterie-De-Beukelaer/Commission, précité), le juge de l’Union a la faculté et, le cas échéant, l’obligation de relever d’office certains moyens de légalité interne. Outre le moyen déjà cité, tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi, l’autorité absolue de la chose jugée est un moyen de légalité interne d’ordre public que le juge doit relever d’office [arrêt de la Cour du 1er juin 2006, P&O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑442/03 P et C‑471/03 P, point 45]. Enfin, la jurisprudence fait, dans certaines hypothèses, obligation au juge national, chargé d’appliquer dans le cadre de sa compétence les dispositions du droit de l’Union, de relever d’office des moyens de légalité interne, notamment ceux tirés du caractère abusif d’une clause dans les contrats conclus par les consommateurs avec les professionnels (arrêts de la Cour du 21 novembre 2002, Cofidis, C‑473/00, points 36 et 38, ainsi que du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, points 38 et 39).

39      Par ailleurs, le relevé d’office d’un moyen de légalité interne ne porte pas atteinte au caractère contradictoire du débat contentieux et au principe du respect des droits de la défense. En effet, l’article 77 du règlement de procédure prévoit que le Tribunal peut relever d’office une fin de non-recevoir d’ordre public, à condition d’avoir préalablement entendu les parties. Or, il n’y a aucune raison de penser que, si cette condition représente une garantie suffisante des principes du contradictoire et du respect des droits de la défense dans l’hypothèse du relevé d’office d’une fin de non-recevoir d’ordre public, il n’en va pas de même dans l’hypothèse du relevé d’office d’un moyen d’ordre public, qu’il soit de légalité interne ou de légalité externe.

40      Il résulte de ce qui précède que les arguments présentés par la Commission à l’encontre du relevé d’office d’un moyen de légalité interne doivent être écartés. Il y a donc lieu d’examiner si, en l’espèce, le moyen tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi est fondé.

41      Pour déterminer si la décision attaquée méconnaît le champ d’application de la loi, il est nécessaire d’interpréter les dispositions des DGE de 1969 et des DGE du 28 avril 2004. Il y a lieu à cet égard de noter, à titre liminaire, que dès lors que les dispositions transitoires de l’article 11 des DGE du 28 avril 2004 renvoient aux DGE de 1969 s’agissant des demandes présentées avant le 1er mai 2004, il est conforme au principe de sécurité juridique que, pour déterminer si une demande de transfert a été valablement déposée avant cette même date, il faille se référer à l’ancien statut et aux dispositions des DGE de 1969 relatives aux demandes de transfert. Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et de son contexte, mais aussi des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt de la Cour du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, point 12 ; arrêt Commission/Putterie-De-Beukelaer, précité, point 70 ; arrêt du Tribunal de la fonction publique du 14 décembre 2006, André/Commission, F‑10/06, point 35).

42      Or, il ressort de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut que ce n’est qu’au moment de sa titularisation que le fonctionnaire a la faculté de faire verser à l’Union les droits à pension qu’il a acquis. De ce fait, un fonctionnaire stagiaire qui présente une demande de transfert de ses droits à pension n’a encore acquis aucun droit à un tel transfert. S’il est loisible à l’institution concernée d’enregistrer cette demande, pour ne pas imposer au fonctionnaire de déposer une nouvelle demande après sa titularisation, elle n’en est pas moins prématurée.

43      Il apparaît en effet que l’objectif de ces dispositions consiste à déterminer les conditions de transfert de droits à pension des fonctionnaires titulaires. La situation du fonctionnaire stagiaire est différente puisque la titularisation ne peut intervenir que dans l’intérêt du service et que l’administration dispose d’une large marge d’appréciation de l’aptitude d’un fonctionnaire stagiaire à devenir titulaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 novembre 1983, Tréfois/Cour de justice, 290/82, points 24 à 25 et 29).

44      Il convient d’ajouter que les dispositions transitoires de l’article 26, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut et celles de l’article 11 des DGE du 28 avril 2004 ont pour finalité, conformément au principe de sécurité juridique, de protéger les droits acquis. Or, ainsi qu’il vient d’être dit, un fonctionnaire stagiaire ne dispose d’aucun droit acquis au transfert de ses droits à pension.

45      Enfin, l’article 1er des DGE de 1969 prévoit que la demande de transfert doit être introduite par écrit et dans un délai de six mois à compter de la date de notification de la titularisation du fonctionnaire. Certes, ce même article permet aussi au fonctionnaire de présenter cette demande dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle il a été informé par les autorités nationales que le transfert est possible. Toutefois, dès lors que c’est à la lumière de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut que ces dispositions doivent être interprétées, il apparaît que celles-ci visent la situation dans laquelle un fonctionnaire qui aurait été titularisé serait dans l’attente des informations des autorités nationales compétentes nécessaires au traitement de sa demande de transfert ; dans un tel cas, le délai prévu à l’article 1er des DGE de 1969 ne peut commencer à courir tant que le fonctionnaire n’est pas encore en mesure de faire sa demande. Les dispositions en cause n’ont donc ni pour objet ni pour effet de reconnaître un droit à un transfert de droits à pension au profit d’un fonctionnaire stagiaire.

46      Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions transitoires de l’article 26, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut et celles de l’article 11 des DGE du 28 avril 2004 doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne concernent que les demandes présentées par des fonctionnaires titulaires. Or, lorsque le requérant a présenté sa demande, le 30 avril 2004, il n’avait pas encore été titularisé. De ce fait, il n’y a pas lieu pour le Tribunal d’accueillir le moyen soulevé d’office, tiré de ce qu’en méconnaissance du champ d’application de la loi la Commission se serait à tort conformée aux nouvelles DGE du 28 avril 2004 alors que les anciennes DGE de 1969 auraient été seules applicables à la situation du requérant.

47      Il convient donc, à ce stade, d’examiner le bien-fondé des moyens soulevés par le requérant. Celui-ci excipe, à l’appui de ses conclusions dirigées contre la décision litigieuse, de l’illégalité des DGE du 28 avril 2004. Il invoque trois moyens au soutien de cette exception d’illégalité.

48      Il fait d’abord valoir qu’il reviendrait à la Commission et non aux autorités nationales de tenir compte des variations de change préexistantes à l’introduction de l’euro pour déterminer le nombre d’annuités à prendre en considération dans le régime de pension de l’Union. Il soutient ensuite que les DGE du 28 avril 2004 violent le principe de neutralité de l’euro et notamment le règlement no 1103/97. Enfin, il allègue que les DGE du 28 avril 2004 auraient été prises en méconnaissance du principe d’égalité et de non-discrimination.

 Sur le moyen tiré de ce que la prise en compte des variations de change incombe à la Commission

 Argument des parties

49      Le requérant soutient qu’il ne reviendrait pas aux autorités nationales de prendre en compte les variations de change préexistantes à l’introduction de l’euro pour le calcul de l’équivalent actuariel. En effet, la monnaie à l’intérieur d’un État, sauf hypothèse de la dévaluation, conserverait la même valeur à l’intérieur de cet État et ne serait impactée que par l’inflation.

50      La Commission relève, pour sa part, que les régimes de pension grecs transfèrent un capital actualisé à la date de la demande de transfert et non un forfait de rachat constitué de contributions non revalorisées. À l’audience, la Commission a ajouté que ce moyen serait inopérant.

 Appréciation du Tribunal

51      Ainsi que l’a jugé le Tribunal dans son arrêt du 14 novembre 2006, Chatziioannidou/Commission (F‑100/05, confirmé par le Tribunal de première instance dans son arrêt du 12 septembre 2007, Commission/Chatziioannidou, T‑20/07 P, points 84 à 87), le raisonnement de la Commission, tiré de ce que le calcul de la valeur financière réelle des contributions versées par la partie requérante aux régimes de pension grecs relèverait de la seule compétence des autorités nationales administrant ces régimes et de ce que ces montants étaient exprimés en euros lors de leur communication à la Commission, ne peut être accueilli.

52      En effet, d’une part, ces montants ne pouvaient qu’être exprimés en euros lors de leur transmission, après le 1er janvier 2002, aux services de la Commission, la période transitoire d’introduction de l’euro ayant pris fin à cette date. D’autre part, la Commission appliquait, avant le 1er janvier 2002, le taux de change moyen actualisé dans tous les cas, y compris lorsque ces actifs étaient libellés en francs belges par les organismes nationaux de retraite concernés, de manière à garantir l’égalité de traitement entre tous les fonctionnaires sollicitant le transfert de droits à pension. La détermination par la Commission du nombre d’annuités de pension de l’Union ne pouvait donc dépendre, pour les années pendant lesquelles des fluctuations monétaires existaient entre le franc belge et les autres monnaies nationales, de calculs effectués exclusivement au niveau national quant à la valeur des actifs transférés.

53      De telles opérations de conversion monétaire au niveau de l’Union ne constituent d’ailleurs pas une ingérence dans les compétences des autorités nationales. Ainsi que le Tribunal de première instance l’a déjà jugé, l’opération de conversion des actifs transférés en annuités de pension communautaires incombe aux autorités administratives communautaires (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 15 décembre 1998, Bang-Hansen/Commission, T‑233/97, point 38, et du 18 mars 2004, Radauer/Conseil, T‑67/02, points 28 à 31).

54      Compte tenu de la jurisprudence qui vient d’être rappelée et ainsi que le relève à juste titre le requérant, la Commission ne pouvait donc valablement prétendre, dans la décision de rejet de la réclamation préalable, qu’il appartiendrait aux autorités nationales, lors de la phase d’établissement du capital actualisé, de prendre en considération les fluctuations monétaires.

55      Toutefois, la circonstance qu’il incombe à la Commission et non aux autorités nationales, lors de la détermination du nombre d’annuités, de tenir compte, le cas échéant, des fluctuations monétaires, n’implique pas nécessairement que la suppression, par les DGE du 28 avril 2004, du mécanisme de taux de change moyen instauré par les DGE de 1969 serait illégale.

56      En effet, si la Commission doit tenir compte des taux de change pour déterminer le nombre d’annuités prises en compte pour le régime de pension de l’Union, elle conserve, pour autant, une certaine liberté pour apprécier l’opportunité de corriger, si besoin est, les effets des fluctuations monétaires.

57      La compétence de la Commission en la matière a seulement pour conséquence que les juridictions de l’Union exercent un contrôle sur la possibilité pour cette institution de ne plus maintenir de mécanisme de taux de change moyen.

58      Il s’ensuit qu’en tant que tel et à lui seul, ce moyen, tiré de ce que la Commission ne pouvait pas valablement prétendre, dans le rejet de la réclamation préalable, qu’il ne reviendrait pas aux autorités nationales de prendre en compte les variations de change préexistantes à l’introduction de l’euro, est inopérant à l’appui de l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre des DGE du 28 avril 2004.

 Sur le moyen tiré du principe de neutralité de l’euro et de ce que les DGE violeraient l’article 3 du règlement no 1103/97

 Arguments des parties

59      Le requérant soutient que contrairement aux affirmations de la Commission, la suppression du mécanisme de taux de change moyen opérée par les DGE du 28 avril 2004 ne serait pas la conséquence logique de l’introduction de l’euro. Il fait valoir que l’introduction de l’euro n’affecterait ni la situation juridique née avant son adoption ni, a fortiori, les situations factuelles. Il en déduit que l’intérêt d’un mécanisme de correction des variations de cours des monnaies pour les périodes antérieures à l’introduction de l’euro n’aurait pas disparu.

60      La Commission rétorque que, dans son arrêt Commission/Chatziioannidou, précité, le Tribunal de première instance n’aurait pas interdit à la Commission de modifier les termes des dispositions générales d’exécution relatives au transfert de droits à pension. Il lui aurait reconnu le droit de ne plus appliquer le mécanisme de taux de change moyen applicable sous l’empire des DGE de 1969.

 Appréciation du Tribunal

61      Comme l’a jugé le Tribunal dans son arrêt Chatziioannidou/Commission, précité, points 46 et 47 (confirmé par l’arrêt Commission/Chatziioannidou, précité, points 41 à 44), la Commission ne peut valablement prétendre que la suppression du mécanisme du taux de change moyen aurait été la conséquence inévitable de l’introduction de l’euro.

62      En effet, l’introduction de l’euro à compter du 1er janvier 2002 ne pouvait avoir d’incidence sur le calcul des taux de change entre le franc belge et les autres monnaies nationales pour la période antérieure à cette date. Il est manifeste que l’adoption de l’euro n’a pu rétroactivement faire disparaître l’évolution passée des parités entre les monnaies des États membres ayant par la suite adopté la monnaie unique.

63      Il résulte de la jurisprudence qui vient d’être rappelée que c’est à tort, en méconnaissance de la jurisprudence découlant des arrêts cités au point précédent, que dans sa décision de rejet de la réclamation, la Commission a affirmé que la suppression du mécanisme du taux de change moyen était la « conséquence logique » de l’introduction de l’euro.

64      Pour autant et a contrario, comme le soutient à juste titre la Commission dans sa défense, le principe de neutralité de l’euro posé par le règlement no 1103/97 n’interdit pas, par sa définition même, à une institution de modifier la législation applicable (voir en ce sens l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 11 décembre 2007, Kolountzios/Commission, F‑117/07, points 32 à 35). Or, ainsi qu’il ressort des explications données par la Commission, notamment lors de l’audience, la décision de supprimer le mécanisme du taux de change moyen a procédé de considérations budgétaires et d’une décision politique de ne plus appliquer ce mécanisme, avantageux pour les fonctionnaires ayant acquis des droits dans certains États membres, mais elle n’est pas la conséquence de l’introduction de l’euro. Ledit mécanisme a d’ailleurs été supprimé, y compris pour la bonification des droits à pension acquis dans les États membres n’ayant pas adopté l’euro.

65      Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que les DGE du 28 avril 2004 seraient illégales, car contraires au principe de neutralité de l’euro et à l’article 3 du règlement no 1103/97 ne peut qu’être écarté.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité et de non-discrimination

 Arguments des parties

66      Le requérant fait valoir que les DGE du 28 avril 2004 seraient discriminatoires et contraires au principe d’égalité en ce sens qu’elles traiteraient de la même manière des situations de fait différentes. Il indique qu’il a cotisé en drachmes grecques entre 1982 et 2000 au régime grec de retraite. Or la drachme grecque aurait connu au cours de cette période de fortes variations de cours et ce, principalement à la baisse. Le requérant prétend qu’un fonctionnaire qui aurait préalablement travaillé en Allemagne et cotisé 2 000 marks allemands (DEM) au 1er janvier 1991 recevrait un droit à pension calculé sur la base de 1 020 euros. Il compare cette situation à celle d’un fonctionnaire ayant cotisé à la même époque en drachmes grecques pour la même contre-valeur. Ce dernier bénéficierait de droits à pension calculés sur la base de 609 euros.

67      La Commission estime que ce moyen revient à contester le droit, que la jurisprudence lui reconnaît pourtant formellement, de modifier les dispositions générales d’exécution applicables en matière de transferts de droits à pension. Elle ajoute que l’illustration donnée par le requérant est un exemple isolé et abstrait qui ne permet pas d’établir qu’un fonctionnaire ayant préalablement travaillé en Grèce serait nécessairement moins bien traité qu’un fonctionnaire ayant travaillé dans un autre État membre. La Commission soutient que le requérant ne se livrerait pas à une critique circonstanciée des effets juridiques des règles applicables, de nature à démontrer que celles-ci créeraient une inégalité de traitement interdite entre fonctionnaires.

68      À l’audience, la Commission a fait valoir que la différence entre la durée de 18 ans de cotisations en Grèce et la durée de 2 ans et 10 mois de droits à pension attribuée au requérant lors du transfert s’expliquerait par le montant élevé des rémunérations des fonctionnaires de la Commission par rapport à celles que percevait le requérant en Grèce. La Commission a ajouté que les autorités grecques n’auraient apporté qu’un capital de 53 000 euros qui, une fois transféré dans le régime des pensions des fonctionnaires de l’Union, correspond à la durée de cotisation de deux ans et dix mois attribuée au requérant. Selon la Commission, le contribuable de l’Union n’aurait pas à compenser la baisse de la drachme grecque.

 Appréciation du Tribunal

69      Il est de jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement est un principe fondamental du droit de l’Union. Il y a violation de ce principe lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêt de la Cour du 11 janvier 2001, Gevaert/Commission, C‑389/98 P, point 54 ; arrêt du Tribunal de première instance du 20 janvier 2004, Briganti/Commission, T‑195/02, point 41 ; arrêt du Tribunal de la fonction publique du 24 avril 2008, Dalmasso/Commission, F‑61/05, point 76). Il en va de même du principe de non-discrimination, lequel n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité et constitue, conjointement avec ce dernier, un des droits fondamentaux du droit de l’Union dont la Cour de justice de l’Union européenne assure le respect (arrêt du Tribunal de la fonction publique du 30 novembre 2009, Ridolfi/Commission, F‑3/09, point 50).

70      Il convient aussi de rappeler que le législateur de l’Union est libre d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service et d’adopter, pour l’avenir, des dispositions statutaires plus défavorables pour les fonctionnaires ou agents concernés, à condition toutefois que soit fixée une période transitoire d’une durée suffisante pour éviter que les modalités de liquidation des pensions acquises soient modifiées de manière inattendue, que soient sauvegardés les droits régulièrement acquis par les fonctionnaires ou agents et que les personnes spécifiquement concernées par la réglementation nouvelle soient traitées de manière identique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 mars 1975, Gillet/Commission, 28/74, points 5 et 6 ; arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, point 85 ; arrêt Dalmasso/Commission, précité, point 78). Il en va de même des dispositions générales d’exécution adoptées par les institutions (ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 11 décembre 2007, Martin Bermejo/Commission, F‑60/07, points 55 et 56), sous réserve qu’elles ne dérogent pas aux dispositions hiérarchiquement supérieures (arrêt du Tribunal de première instance du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, point 38).

71      Il faut préciser qu’en matière de politique de personnel, le juge se limite à vérifier, s’agissant du principe d’égalité ainsi que de celui de non-discrimination, que l’institution concernée n’a pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi (arrêt Ridolfi/Commission, précité, points 53 et 54). Et par un arrêt du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil (C‑227/04 P, point 78), la Cour a estimé, en réponse à un moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement résultant de l’application des formules de conversion des droits à pension, que « [l]es Communautés, pour leur part, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elles définissent les éléments du système de conversion ».

72      Or, s’agissant plus spécifiquement de la question de la suppression du mécanisme du taux de change moyen par les DGE du 28 avril 2004, le Tribunal a déjà relevé, dans l’ordonnance Kolountzios/Commission (précitée, points 39 à 45), que dans l’arrêt Commission/Chatziioannidou, précité, le Tribunal de première instance ne s’était pas prononcé sur la question de savoir si l’abrogation du mécanisme du taux de change moyen aurait méconnu le principe de non-discrimination.

73      Le Tribunal de première instance a jugé dans ce même arrêt Commission/Chatziioannidou (précité, points 46 et 60), que la Commission pouvait modifier sa réglementation relative au transfert de droits à pension. Le Tribunal de première instance a par ailleurs écarté les moyens soulevés par la Commission dans son pourvoi au motif que le Tribunal ne s’était pas prononcé sur le caractère indispensable de l’ancien système du mécanisme du taux de change moyen et n’avait pas affirmé que ce mécanisme devait conduire à ce que les fonctionnaires récupèrent la contre-valeur exacte des cotisations versées (arrêt Commission/Chatziioannidou, précité, points 88 et 89).

74      En l’espèce, le requérant se borne, à l’appui de son argumentation, d’une part, à produire en annexe à sa requête l’évolution du taux de change de la drachme grecque par rapport à quatre autres monnaies européennes et, d’autre part, à donner un unique exemple. Il compare la situation d’une personne ayant cotisé la somme de 2 000 DEM auprès d’un régime allemand de pension de retraite, à la seule date du 1er janvier 1991, avec celle d’une autre personne ayant cotisé l’équivalent en drachmes grecques de la même somme au taux de change existant à cette date. Selon lui, l’application des DGE du 28 avril 2004 aboutirait à ce que la base de calcul permettant établir les annuités de cotisation au régime de pension des fonctionnaires de l’Union serait nettement inférieure pour cette deuxième personne.

75      Ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé (ordonnances Kolountzios/Commission, précitée, point 53 et Martin Bermejo/Commission, précitée, point 57), il ne lui appartient pas de « procéder lui-même à la recherche des arguments qui permettraient d’établir que la différence de traitement issue de l’entrée en vigueur des DGE [du 28 avril 2004] n’est pas objectivement justifiée ou qu’elle est disproportionnée par rapport aux finalités de la nouvelle réglementation ».

76      Or l’unique exemple donné par le requérant ne concerne pas l’ensemble ni même une grande partie des États membres concernés par des fluctuations de leurs devises avant l’introduction de l’euro mais uniquement deux d’entre eux. Par ailleurs, cet exemple ne porte que sur une seule cotisation versée à une seule date spécifique et non sur l’ensemble de la période de paiement des cotisations durant laquelle les différentes monnaies nationales ont pu fluctuer. Il en résulte qu’à supposer même que le calcul du requérant portant sur l’exemple qu’il donne soit exact, il ne démontre pas qu’en adoptant les DGE du 28 avril 2004, la Commission, compte tenu de sa marge d’appréciation en matière de politique de personnel, aurait procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate contraire au principe d’égalité et de non-discrimination.

77      Dès lors, le moyen tiré de ce que les DGE du 28 avril 2004 auraient été adoptées en méconnaissance du principe d’égalité et de non-discrimination ne peut qu’être écarté.

78      Il résulte de tout ce qui précède que l’exception d’illégalité des DGE du 28 avril 2004 doit être écartée et que le recours du requérant doit être rejeté, pour partie, comme non fondé et pour partie, comme irrecevable.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Enfin, aux termes de l’article 88 du règlement de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement, voire totalement, aux dépens si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance.

80      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’il soit condamné aux dépens.

81      Toutefois, il ressort des points 54 et 63 du présent arrêt que deux des motifs du rejet de la réclamation sont entachés d’erreur de droit. Dans ces conditions, le requérant a pu se croire fondé à présenter un recours à l’encontre de la décision litigieuse. Par suite, les circonstances de l’espèce justifient, en application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, et de l’article 88 du règlement de procédure, que la Commission supporte la moitié des dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté, pour partie, comme irrecevable et pour partie, comme non fondé.

2)      La Commission européenne supporte, outre ses propres dépens, la moitié des dépens de M. Vakalis.

3)      M. Vakalis supporte la moitié de ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 avril 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.