Language of document : ECLI:EU:F:2013:197

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

2 décembre 2013 (*)

« Fonction publique – Concours général EPSO/AD/77/06 – Accès aux documents – Demande d’accès aux réponses aux tests d’accès – Annulation des résultats des tests – Défaut d’intérêt à agir – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire F‑49/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Dimitrios Pachtitis, demeurant à Athènes (Grèce), initialement représenté par Mes P. Giatagantzidis et K. Kyriazi, puis par Mes P. Giatagantzidis et A. Féréti, avocats,

partie requérante,

soutenu par

République hellénique, représentée par Mme E.-M. Mamouna et M. K. Boskovits, en qualité d’agents,

par

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk et S. Johannesson, en qualité d’agents,

et par

Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), représenté par M. H. Hijmans, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, initialement représentée par MM. J. Currall et I. Chatzigiannis, puis par MM. J. Currall et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé, lors du délibéré, de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, et de MM. R. Barents et K. Bradley, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 22 septembre 2007 et enregistrée, après renvoi, au greffe du Tribunal sous la référence F‑49/12, M. Pachtitis a introduit le présent recours visant, en substance, à l’annulation, d’une part, de la décision de l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) du 27 juin 2007, rejetant sa demande tendant à obtenir l’accès aux questions qui lui avaient été posées dans le cadre de sa participation au concours général EPSO/AD/77/06 (ci-après « le concours » ou « le concours litigieux »), aux réponses qu’il avait données à ces questions et à la grille des réponses correctes auxdites questions et, d’autre part, du rejet implicite de la « demande confirmative » qu’il avait introduite le 10 juillet 2007 auprès de l’EPSO.

 Faits à l’origine du litige

2        Le 2 mai 2007, le requérant a participé à Athènes (Grèce) à la première phase, laquelle consistait en deux tests d’accès sur ordinateur, du concours visant à établir une liste de réserve d’administrateurs linguistes de grade AD 5, de langue grecque, dans le domaine de la traduction, dont l’avis avait été publié par l’EPSO le 15 novembre 2006 (JO C 277 A, p. 3, ci-après l’« avis de concours »).

3        Par courrier électronique du 31 mai 2007, l’EPSO a informé le requérant du fait que ses notes étaient insuffisantes pour lui permettre d’accéder à la deuxième phase du concours (ci-après la « décision du 31 mai 2007 »).

4        Par lettre du 4 juin 2007, le requérant a demandé à l’EPSO une copie des questions des tests d’accès et de ses réponses à ces tests ainsi que la grille des réponses correctes auxdits tests « conformément aux dispositions du point 4 du titre E de l’avis de concours », selon lequel un droit spécifique d’accéder à certaines informations les concernant directement et individuellement est reconnu aux candidats, et « du titre III, point [3], du guide [à l’intention des] candidats », qui prévoit la possibilité pour les candidats n’ayant pas réussi les épreuves écrites et/ou ne figurant pas parmi ceux invités à présenter l’épreuve orale et pour les candidats ayant été invités à présenter l’épreuve orale et dont le nom n’a finalement pas été retenu sur la liste de réserve d’obtenir notamment une copie de leurs épreuves écrites.

5        Par lettre du 27 juin 2007, l’EPSO a informé le requérant de sa décision de ne pas accéder à sa demande (ci-après la « décision attaquée »).

6        Par acte du 10 juillet 2007, le requérant a saisi l’EPSO d’une demande, qu’il a qualifiée de « demande confirmative », tendant à ce que l’EPSO révise la position exprimée dans la décision attaquée au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no  1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43). Le requérant a ensuite transmis cette demande, par lettre du 21 juillet 2007, au Secrétariat général de la Commission des Communautés européennes.

7        Le 22 septembre 2007, le requérant, ainsi qu’il a été dit précédemment, a introduit un recours contre la décision attaquée auprès du Tribunal de première instance, enregistré sous la référence T‑374/07. La République hellénique, le Royaume de Suède et le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) ont été admis à intervenir dans l’affaire T‑374/07 au soutien des conclusions du requérant. Le Royaume de Danemark, après avoir été admis dans l’instance, a retiré son intervention et a été radié de l’affaire en tant que partie intervenante.

8        Par un recours introduit le 14 mars 2008, enregistré sous la référence F‑35/08, le requérant a demandé au Tribunal d’annuler, notamment, la décision du 31 mai 2007.

9        Par arrêt du 15 juin 2010, Pachtitis/Commission (F‑35/08, ci-après l’« arrêt du 15 juin 2010 »), le Tribunal a annulé la décision du 31 mai 2007 au motif que la première phase du concours avait été organisée et menée à terme par le seul EPSO, en l’absence totale du jury du concours. Le Tribunal a jugé qu’à défaut d’une modification statutaire conférant expressément à l’EPSO des compétences pour effectuer certaines tâches incombant jusqu’alors au jury du concours et, en particulier, pour déterminer le contenu des épreuves ainsi que pour corriger celles-ci, l’EPSO n’était pas compétent pour mener seul la première phase du concours.

10      L’arrêt du 15 juin 2010 a été confirmé sur pourvoi par arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 décembre 2011, Commission/Pachtitis (T‑361/10 P).

11      Par courrier électronique du 19 juillet 2010, l’EPSO a informé le requérant que, à la suite de l’arrêt du 15 juin 2010, il avait décidé de reformer le jury du concours et d’inviter le requérant à repasser les tests d’accès, lesquels, conformément à la décision du Tribunal, seraient désormais organisés sous la responsabilité du jury.

12      Par courrier électronique du 14 février 2011, l’EPSO a invité le requérant à choisir entre trois dates pour repasser les tests d’accès du concours.

13      Par courrier du 18 février 2011, le requérant a informé l’EPSO qu’il refusait de repasser les tests d’accès.

14      Par un recours introduit le 21 avril 2011, enregistré sous la référence F‑51/11, le requérant a demandé au Tribunal d’annuler les décisions de l’EPSO de rouvrir la procédure du concours litigieux et de l’inviter à repasser les tests d’accès du concours. Ce recours a été rejeté par arrêt du Tribunal du 28 février 2013, Pachtitis/Commission (F‑51/11).

 Procédure

15      Par ordonnance du 20 avril 2012, Pachtitis/Commission (T‑374/07), le Tribunal de l’Union européenne a jugé que, en vertu de l’article 1er de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, tel que modifié par la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique (JO L 333, p. 7), le recours introduit par le requérant relevait de la compétence du Tribunal et le lui a renvoyé. L’affaire, ainsi qu’il a été précisé précédemment, a été enregistrée au greffe du Tribunal sous la référence F‑49/12.

16      Par lettre du 24 mai 2012, le Tribunal a demandé au requérant si, au vu de l’arrêt du 15 juin 2010, il souhaitait poursuivre la présente affaire et l’a invité à se prononcer sur un non-lieu éventuel dans l’affaire.

17      Par mémoire du 7 juin 2012, le requérant a exprimé son souhait de poursuivre la procédure et a souligné qu’il conservait un intérêt à agir et que l’objet de la procédure n’avait pas disparu depuis l’adoption de l’arrêt du 15 juin 2010.

18      Par mémoire déposé le 5 octobre 2012, le requérant a demandé que la présente affaire soit traitée en priorité. Le Tribunal n’a pas fait droit à cette demande.

19      Par mémoire du 3 décembre 2012, la Commission a présenté ses observations sur l’intérêt du requérant à maintenir le recours et a fait valoir qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur celui-ci.

20      Par lettre du greffe du 17 janvier 2013, les parties intervenantes ont été invitées à présenter leurs observations sur l’intérêt du requérant à poursuivre l’instance. La République hellénique et le CEPD ont répondu dans le délai imparti. Le Royaume de Suède n’a pas présenté d’observations.

 En droit

21      Le requérant, soutenu sur ce point par la République hellénique et le CEPD, fait valoir, en substance, que la présente affaire porte sur son droit, fondé sur le règlement no  1049/2001, de recevoir les documents dont il a demandé copie dans sa lettre du 4 juin 2007. Cette demande n’aurait pas été satisfaite par l’arrêt du 15 juin 2010, ni d’aucune autre manière, et il s’agirait donc, dans le cadre de la présente instance, d’examiner, de manière autonome par rapport à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juin 2010, la légalité du refus de l’EPSO de lui donner accès auxdits documents.

22      À cet égard, il convient de rappeler que la compétence du Tribunal se limite aux litiges portant sur la légalité d'un acte faisant grief au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et qu’il n'est pas compétent pour connaître d'un recours en annulation dans la mesure où ce dernier concerne des décisions adoptées sur le fondement du règlement no 1049/2001 (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2012, Commission/Strack, T‑197/11 P et T‑198/11 P, point 54).

23      En l’espèce, le Tribunal de l’Union européenne a jugé, au point 13 de son ordonnance Pachtitis/Commission, précitée, que la décision attaquée constitue un acte faisant grief au titre des articles 90, paragraphe 2, et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et non au sens du règlement no 1049/2001, et qu’il appartient au Tribunal de contrôler la légalité des actes adoptés sur la base des dispositions de l’avis de concours, dans le cadre desquels s’inscrit la décision attaquée. Par conséquent, lors de l’examen de la légalité de la décision attaquée, le Tribunal est tenu de prendre en compte le cadre dans lequel celle-ci a été adoptée, à savoir le cadre du concours litigieux.

24      Il y a lieu ainsi de constater, tout d’abord, que, dans sa lettre du 4 juin 2007, le requérant a demandé à l’EPSO, suite à la décision du 31 mai 2007, de lui faire parvenir une copie des questions des tests d’accès et de ses réponses à ces tests ainsi que la grille des réponses correctes aux tests d’accès « conformément aux dispositions du point 4 du titre E de l’avis de concours et du titre III, point [3], du guide [à l’intention des] candidats ».

25      Il convient ensuite de noter que le requérant a soutenu dans sa requête « [ne pas avoir été] en mesure de contrôler, en pratique, en tant que candidat au concours, si le jury [avait] apprécié de manière erronée les procédures préliminaires [effectuées sur ordinateur] qui l’[avaient] conduit, à tort, à la décision de [l]’exclure des épreuves suivantes du concours ».

26      Par conséquent, ainsi que le requérant le fait valoir, sa demande d’accès aux documents, dont le rejet est à l’origine du présent recours, est intrinsèquement liée à la décision du 31 mai 2007. Ainsi que le Tribunal de l’Union européenne l’a estimé dans les motifs de son ordonnance de renvoi, une telle demande ne relève pas du champ d’application du règlement no 1049/2001 mais se place dans le cadre des dispositions de l’avis de concours.

27      Or, par l’arrêt du 15 juin 2010, confirmé sur pourvoi par l’arrêt Commission/Pachtitis, précité, la décision du 31 mai 2007, adoptée dans le cadre du concours litigieux, a été annulée au motif qu’elle avait été adoptée par une instance incompétente et ce, à l’issue d’une procédure de sélection menée par cette même instance incompétente.

28      À cet égard, il est de jurisprudence que le Tribunal peut constater d'office qu'il n'y a plus lieu de statuer sur un recours dans l'hypothèse où le requérant, qui avait initialement intérêt à agir, a perdu tout intérêt personnel à l'annulation de la décision en cause en raison d'un événement intervenu postérieurement à l'introduction dudit recours. En effet, pour qu'un requérant puisse poursuivre un recours tendant à l'annulation d'une décision, il faut qu'il conserve un intérêt personnel à l'annulation de la décision attaquée même après l'introduction dudit recours (ordonnance du Tribunal de première instance du 28 septembre 2009, Marcuccio/Commission, T‑46/08 P, point 50), un tel intérêt supposant que le recours soit susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, point 156).

29     Certes, le droit spécifique reconnu aux candidats conformément aux dispositions du point 4 du titre E de l’avis de concours vise à ce que les candidats évincés du concours puissent recevoir, sans qu’il soit porté atteinte au secret des travaux du jury, des informations et des documents susceptibles de leur permettre de prendre une décision éclairée quant à l’utilité de contester ou non la décision de les exclure du concours. À cette fin, l’imposition de délais très brefs, tant pour la présentation de la demande d’informations ou de documents que pour la réponse à celle-ci, a pour but de permettre au candidat de disposer en tout état de cause de ces informations et documents au moins un mois avant l’expiration soit du délai de recours devant le Tribunal, soit du délai pour présenter une réclamation auprès de l’EPSO (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 2012, Cuallado Martorell/ Commission, F‑96/09, point 47).

30      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant ne saurait tirer aucun bénéfice d’un arrêt au fond qui annulerait la décision attaquée.

31      En premier lieu, si la décision attaquée était annulée par le Tribunal, l’arrêt ne serait pas susceptible de modifier la situation juridique du requérant en tant que candidat au concours. En effet, il a été jugé que la première phase de ce concours a été menée par une autorité incompétente. Il s’ensuit que les tests d’accès en cause, dont ceux effectués par le requérant, sont entachés d’illégalité. Dès lors, à supposer même que les notes obtenues à la première phase du concours ne correspondent pas à ses performances et que celles-ci aient été excellentes, ceci n’entraînerait pas pour lui le droit d’être admis à participer à la deuxième phase du concours. Par ailleurs, à la suite de l’arrêt du 15 juin 2010, confirmé sur pourvoi, l’EPSO a décidé d’inviter le requérant à repasser les tests d’accès en cause, invitation à laquelle le requérant a refusé de donner suite.

32      En second lieu, ne saurait non plus prospérer l’argument de la République hellénique selon lequel l’accès aux documents concernés pourrait faire naître dans le chef du requérant un droit à une action en réparation. Si, par cet argument, la République hellénique entend faire valoir que le requérant a subi un traitement discriminatoire par rapport à d’autres candidats ayant été admis à la deuxième phase du concours, il suffit de rappeler que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui. En l’espèce, dans la mesure où la première phase dudit concours a été menée par une autorité incompétente et où les tests d’accès de tous les candidats ont été entachés d’illégalité, l’admission de certains candidats, qui ne sont pas partie à la présente instance, à la deuxième phase du concours est elle-même illégale et ne saurait, par conséquent, amener le Tribunal à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard du requérant. Une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de « l’égalité de traitement dans l’illégalité » (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, Časta/Commission, F‑40/09, point 88).

33      Par conséquent, il incombe au Tribunal de constater que, faute d’un intérêt actuel à agir du requérant, il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

 Sur les dépens

34      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 89, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

35      Dans son mémoire du 7 juin 2012, le requérant demande que, au cas où le Tribunal estimerait qu’il n’y a pas lieu de statuer sur son recours, la Commission soit condamnée à supporter ses propres dépens et ceux exposés par le requérant au motif que la Commission lui aurait fait exposer des frais frustratoires ou vexatoires.

36      Le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande, la Commission n’ayant pas fait exposer de tels frais au requérant.

37      Dans le contexte de l’espèce, il convient de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

38      Par ailleurs, aux termes de l’article 89, paragraphe 4, du règlement de procédure, les parties intervenantes supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

(deuxième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      M. Pachtitis et la Commission européenne supportent chacun leurs propres dépens.

3)      La République hellénique, le Royaume de Suède et le Contrôleur européen de la protection des données, parties intervenantes, supportent leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 décembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : le grec.