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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

25 janvier 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2012/19/UE – Déchets d’équipements électriques et électroniques – Obligation de financement des coûts afférents à la gestion des déchets provenant des panneaux photovoltaïques – Effet rétroactif – Principe de sécurité juridique – Transposition incorrecte d’une directive – Responsabilité de l’État membre »

Dans l’affaire C‑181/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nejvyšší soud (Cour suprême, République tchèque), par décision du 12 mars 2020, parvenue à la Cour le 24 avril 2020, dans la procédure

VYSOČINA WIND a.s.

contre

Česká republika – Ministerstvo životního prostředí,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice-président, M. A. Arabadjiev (rapporteur), Mmes A. Prechal, K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, E. Regan, N. Jääskinen, Mme I. Ziemele et M. J. Passer, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, T. von Danwitz, M. Safjan, A. Kumin et N. Wahl, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour VYSOČINA WIND a.s., par M. M. Flora, advokát,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme L. Dvořáková, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme S. Heimerl, en qualité d’agents,

–        pour le Parlement européen, par Mmes C.  Ionescu Dima et O.  Hrstková Šolcová ainsi que par M. W. D.  Kuzmienko, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme A. Maceroni et M. M. Moore, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Haasbeek et M. P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13 de la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) (JO 2012, L 197, p. 38).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant une entreprise exploitant une centrale à énergie solaire, VYSOČINA WIND a.s., au Česká republika – Ministerstvo životního prostředí (ministère de l’Environnement, République tchèque) au sujet d’une demande d’indemnisation introduite par cette société au titre du préjudice qu’elle aurait subi du fait de la transposition prétendument incorrecte de la directive 2012/19.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2002/96/CE

3        La directive 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 2003, relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) (JO 2003, L 37, p. 24), disposait, à son article 7, paragraphe 3, que, en vue de calculer les objectifs de valorisation des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), les États membres veillent à ce que les producteurs, ou les tiers agissant pour le compte des producteurs, consignent dans des registres le poids des DEEE, de leurs composants, matières ou substances lorsqu’ils entrent (« input ») dans l’installation de traitement et lorsqu’ils la quittent (« output ») et/ou lorsqu’ils entrent (« input ») dans l’installation de valorisation ou de recyclage.

4        L’article 9 de cette directive, intitulé « Financement concernant les DEEE provenant d’utilisateurs autres que les ménages », énonçait :

« Les États membres veillent à ce que, au plus tard le 13 août 2005, le financement des coûts de la collecte, du traitement, de la valorisation et de l’élimination non polluante des DEEE issus de produits provenant d’utilisateurs autres que les ménages et mis sur le marché après le 13 août 2005 soit assuré par les producteurs.

Pour les DEEE issus de produits mis sur le marché avant le 13 août 2005 (“déchets historiques”), le financement des frais de gestion est assuré par les producteurs. Les États membres peuvent prévoir, à titre de solution de remplacement, que les utilisateurs autres que les ménages participent également, pour une partie ou pour la totalité, au financement des frais de gestion.

Les producteurs et utilisateurs autres que les ménages peuvent, sans préjudice de la présente directive, conclure des accords fixant d’autres méthodes de financement. »

5        L’article 13 de la directive 2002/96, telle que modifiée par la directive 2008/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2008 (JO 2008, L 81, p. 65), prévoyait :

« Toutes les modifications nécessaires afin d’adapter l’article 7, paragraphe 3, ainsi que l’annexe I B (notamment en vue d’ajouter éventuellement les appareils d’éclairage domestique, les ampoules à filaments et les produits photovoltaïques, tels que les panneaux solaires), l’annexe II (notamment en tenant compte des progrès techniques enregistrés dans le traitement des DEEE) et les annexes III et IV au progrès scientifique et technique sont adoptées. Ces mesures, visant à modifier des éléments non essentiels de la présente directive, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 14, paragraphe 3.

Avant de modifier les annexes, la Commission [européenne] consulte, notamment, les producteurs d’équipements électriques et électroniques, les recycleurs, les entreprises de traitement ainsi que les organisations de défense de l’environnement et les associations de travailleurs et de consommateurs. »

 La directive 2003/108/CE

6        Le considérant 3 de la directive 2003/108/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 décembre 2003, modifiant la directive 2002/96 (JO 2003, L 345, p. 106), énonce :

« Conformément à la déclaration conjointe, la Commission a examiné les implications financières, pour les producteurs, du libellé actuel de l’article 9 de la directive [2002/96], et a constaté que l’obligation de reprise des DEEE mis sur le marché par le passé crée une responsabilité rétroactive qui n’a fait l’objet d’aucune provision, et qui est susceptible d’exposer certains producteurs à de graves risques économiques. »

7        La directive 2003/108 a remplacé l’article 9 de la directive 2002/96 par le texte suivant :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, au plus tard le 13 août 2005, le financement des coûts du ramassage, du traitement, de la valorisation et de l’élimination non polluante des DEEE provenant d’utilisateurs autres que les ménages et issus de produits mis sur le marché après le 13 août 2005 soit assuré par les producteurs.

Les États membres veillent à ce que, au plus tard le 13 août 2005, pour les DEEE issus de produits mis sur le marché avant le 13 août 2005 (“déchets historiques”), le financement des frais de gestion soit assuré conformément aux troisième et quatrième alinéas.

Dans le cas des déchets historiques remplacés par de nouveaux produits équivalents ou par de nouveaux produits assurant la même fonction, le financement des frais de gestion est assuré par les producteurs de ces produits lors de la fourniture de ceux-ci. Les États membres peuvent prévoir, à titre de solution de remplacement, que les utilisateurs autres que les ménages participent également, pour une partie ou pour la totalité, au financement des frais de gestion.

Dans le cas des autres déchets historiques, le financement des frais de gestion est assuré par les utilisateurs autres que les ménages.

2.      Les producteurs et les utilisateurs autres que les ménages peuvent, sans préjudice de la présente directive, conclure des accords fixant d’autres méthodes de financement. »

 La directive 2008/98/CE

8        La directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3) définit, à son article 3, point 1, la notion de « déchets » comme étant « toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

9        L’article 14 de cette directive dispose :

« 1.      Conformément au principe du pollueur-payeur, les coûts de la gestion des déchets sont supportés par le producteur de déchets initial ou par le détenteur actuel ou antérieur des déchets.

2.      Les États membres peuvent décider que les coûts de la gestion des déchets doivent être supportés en tout ou en partie par le producteur du produit qui est à l’origine des déchets et faire partager ces coûts aux distributeurs de ce produit. »

 La directive 2012/19

10      La directive 2012/19 a abrogé la directive 2002/96.

11      Les considérants 9, 12 et 23 de la directive 2012/19 se lisent comme suit :

« (9)      Il convient que la présente directive englobe tous les [équipements électriques et électroniques (EEE)] utilisés par les consommateurs, ainsi que ceux destinés à un usage professionnel. Il importe d’appliquer la présente directive sans préjudice de la législation de l’Union relative aux exigences de sécurité et de santé protégeant tous les acteurs qui entrent en contact avec les DEEE ainsi que de la législation spécifique de l’Union en matière de gestion des déchets [...] et [de] la législation de l’Union relative à la conception des produits [...]. Les objectifs de la présente directive peuvent être atteints sans inclure dans son champ d’application les grosses installations fixes telles que les plates-formes pétrolières, les systèmes de transport des bagages dans les aéroports ou les ascenseurs. Toutefois, il convient d’inclure dans le champ d’application de la présente directive tout équipement qui n’est pas spécifiquement conçu et monté pour s’intégrer dans lesdites installations et qui peut remplir ses fonctions même s’il ne fait pas partie de ces installations. Ceci concerne, par exemple, les équipements tels que le matériel d’éclairage ou les panneaux photovoltaïques.

[...]

(12)      L’établissement, par la présente directive, de la responsabilité du producteur est l’un des moyens d’encourager la conception et la fabrication des EEE selon des procédés qui tiennent pleinement compte des impératifs en matière de réparation, d’amélioration éventuelle, de réemploi, de démontage et de recyclage et qui facilitent ces opérations.

[...]

(23)      [...] Il convient que les États membres encouragent les producteurs à assumer pleinement la responsabilité de la collecte des DEEE, notamment en finançant cette collecte tout au long de la chaîne des déchets, [...] en accord avec le principe du pollueur-payeur. En vue d’optimiser l’efficacité du concept de la responsabilité du producteur, il convient que chaque producteur soit responsable du financement de la gestion des déchets provenant de ses propres produits. Le producteur devrait pouvoir choisir de satisfaire à cette obligation soit individuellement, soit par le biais de systèmes collectifs. Chaque producteur devrait, lorsqu’il met un produit sur le marché, fournir une garantie financière destinée à éviter que les coûts générés par la gestion des DEEE provenant de produits orphelins ne soient supportés par la société ou par les producteurs demeurés en activité. La responsabilité du financement de la gestion des déchets historiques devrait être partagée par tous les producteurs existants, dans le cadre de systèmes de financement collectifs auxquels tous les producteurs qui existent sur le marché au moment où les coûts sont générés contribuent proportionnellement. [...] Pour les produits ayant un long cycle de vie et relevant désormais de la présente directive, par exemple les panneaux photovoltaïques, il convient de tirer le meilleur parti des structures existantes de collecte et de valorisation, pourvu qu’elles respectent les exigences établies par la présente directive. »

12      L’article 1er de cette directive précise que celle-ci « instaure des mesures qui visent à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs associés à la production et à la gestion des [DEEE], et par une réduction des incidences négatives globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation, conformément aux articles 1 et 4 de la directive [2008/98], contribuant ainsi au développement durable ».

13      L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/19 prévoit :

« La présente directive s’applique aux [EEE] comme suit :

a)      du 13 août 2012 au 14 août 2018 (période transitoire), sous réserve du paragraphe 3, aux EEE relevant des catégories énumérées à l’annexe I. L’annexe II contient une liste indicative d’EEE relevant des catégories énumérées à l’annexe I ;

b)      à compter du 15 août 2018, sous réserve des paragraphes 3 et 4, à tous les EEE. Tous les EEE sont classés dans les catégories énumérées à l’annexe III. L’annexe IV contient une liste non exhaustive d’EEE relevant des catégories énumérées à l’annexe III (champ d’application ouvert). »

14      L’article 3, paragraphe 1, sous a), de cette directive définit les « équipements électriques et électroniques » ou « EEE » comme désignant « les équipements fonctionnant grâce à des courants électriques ou à des champs électromagnétiques et les équipements de production, de transfert et de mesure de ces courants et champs, conçus pour être utilisés à une tension ne dépassant pas 1 000 volts en courant alternatif et 1 500 volts en courant continu ».

15      En outre, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la même directive, les « déchets d’équipements électriques et électroniques » ou « DEEE » sont « les équipements électriques et électroniques constituant des déchets au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2008/98], y compris tous les composants, sous-ensembles et produits consommables faisant partie intégrante du produit au moment de la mise au rebut ».

16      Aux termes de l’article 4 de ladite directive :

« Les États membres, sans préjudice des exigences fixées par la législation de l’Union sur le bon fonctionnement du marché intérieur et en matière de conception des produits, [...] encouragent la coopération entre les producteurs et les recycleurs et les mesures promouvant la conception et la production des EEE, en vue notamment de faciliter le réemploi, le démantèlement, ainsi que la valorisation des DEEE et de leurs composants et matériaux. [...] »

17      L’article 12 de la directive 2012/19, intitulé « Financement concernant les DEEE provenant des ménages », dispose, à son paragraphe 4, que les DEEE issus de produits mis sur le marché avant le 13 août 2005 ou à cette date doivent être considérés comme des « déchets historiques ».

18      L’article 13 de cette directive, intitulé « Financement concernant les DEEE provenant d’utilisateurs autres que les ménages », est rédigé comme suit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que le financement des coûts de la collecte, du traitement, de la valorisation et de l’élimination respectueuse de l’environnement des DEEE provenant d’utilisateurs autres que les ménages issus de produits mis sur le marché après le 13 août 2005 soit assuré par les producteurs.

Dans le cas des déchets historiques remplacés par de nouveaux produits équivalents ou par de nouveaux produits assurant la même fonction, le financement des coûts est assuré par les producteurs de ces produits lors de la fourniture de ceux-ci. Les États membres peuvent prévoir, à titre de solution de remplacement, que les utilisateurs autres que les ménages participent également, pour une partie ou pour la totalité, à ce financement.

Dans le cas des autres déchets historiques, le financement des coûts est assuré par les utilisateurs autres que les ménages.

2.      Les producteurs et les utilisateurs autres que les ménages peuvent, sans préjudice de la présente directive, conclure des accords fixant d’autres méthodes de financement. »

19      L’article 24, paragraphe 1, de ladite directive précise ce qui suit :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 14 février 2014. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions. »

20      Au titre de l’annexe I de la directive 2012/19, intitulée « Catégories d’EEE couverts par la présente directive pendant la période transitoire, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, point a) », sont mentionnés les panneaux photovoltaïques. Ceux-ci sont également repris à l’annexe II de cette directive, portant liste indicative des EEE relevant des catégories énumérées à ladite annexe I, ainsi qu’à l’annexe IV de ladite directive, dressant la liste non exhaustive d’EEE relevant des catégories énumérées à l’annexe III de la même directive.

 Le droit tchèque

21      La République tchèque a transposé les obligations qui lui incombaient en vertu de la directive 2002/96, notamment, par l’adoption du zákon č. 185/2001 Sb., o odpadech a o změně některých dalších zákonů (loi n° 185/2001 sur les déchets et sur la modification de certaines autres lois, ci-après la « loi sur les déchets »).

22      Le 30 mai 2012, un nouvel article 37p, instaurant un mécanisme de financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques, a été inséré dans cette loi. Conformément à cet article, l’exploitant d’une centrale solaire a l’obligation, au moyen de contributions au recyclage, de financer les coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché au plus tard le 1er janvier 2013. À cet effet, a été prévue l’obligation pour cet exploitant de conclure un contrat, au plus tard le 30 juin 2013, garantissant un système collectif de financement, et ce afin que ledit financement soit assuré au plus tard le 1er janvier 2019. S’agissant des panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 1er janvier 2013, cette obligation incombe à leur producteur.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

23      VYSOČINA WIND exploite une centrale à énergie solaire, qui a été mise en service en 2009 et qui est équipée de panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005 mais avant le 1er janvier 2013.

24      Conformément à l’obligation prévue à l’article 37p de la loi sur les déchets, cette société a participé au financement des coûts afférents à la gestion des déchets provenant des panneaux photovoltaïques et a versé, à ce titre, des contributions d’un montant total de 1 613 773,24 couronnes tchèques (CZK) (environ 59 500 euros) au cours des années 2015 et 2016.

25      Estimant que cette obligation résultait directement d’une transposition incorrecte de la directive 2012/19 par la République tchèque, et que le versement de ces contributions constituait un préjudice, VYSOČINA WIND a introduit, devant l’Obvodní soud pro Prahu 10 (tribunal d’arrondissement de Prague 10, République tchèque), un recours en réparation dirigé contre cet État membre. En particulier, elle estime que l’article 37p de la loi sur les déchets est contraire à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 qui met à la charge du producteur des EEE, et non pas de l’utilisateur de ceux-ci, le financement des coûts afférents à la gestion des déchets provenant de panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005.

26      Par jugement du 6 avril 2018, cette juridiction a fait droit à ce recours dans son intégralité. La République tchèque a interjeté appel de ce jugement devant le Městský soud v Praze (cour municipale de Prague, République tchèque), lequel l’a rejeté comme étant non fondé par arrêt du 14 novembre 2018. Selon cette juridiction, il ressort clairement du libellé de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 que le financement des coûts afférents à la gestion des déchets provenant des panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005 doit être assuré par les producteurs, si bien que l’article 37p de la loi sur les déchets, en continuant à faire peser cette obligation sur les utilisateurs, n’est pas conforme à cette directive.

27      La République tchèque s’est dès lors pourvue en cassation devant le Nejvyšší soud (Cour suprême, République tchèque) en soutenant, premièrement, qu’une telle interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 aboutit à conférer à cette disposition un caractère rétroactif illicite. Deuxièmement, un certain nombre de producteurs ayant mis sur le marché des panneaux photovoltaïques entre l’année 2005 et l’année 2013 ne seraient plus en activité, ce qui empêcherait d’assurer le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus desdits panneaux. Troisièmement, la République tchèque est d’avis que l’absence d’observations émises par la Commission dans le cadre de la procédure EU pilot concernant la transposition, dans le droit national, de la directive 2012/19 ainsi que l’absence de procédure en manquement initiée par cette institution à son encontre attestent de ce que cet État membre a correctement transposé la directive 2012/19, ainsi que la Commission l’aurait confirmé au cours d’une réunion bilatérale ayant eu lieu le 1er octobre 2018.

28      La juridiction de renvoi s’interroge, dans ce contexte, sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 dans la mesure où, s’il est constant que cette disposition exige des États membres qu’ils imposent aux producteurs de financer les coûts afférents à la gestion des déchets issus des panneaux photovoltaïques pour autant qu’il s’agisse de panneaux mis sur le marché après l’expiration du délai de transposition de cette directive, le 14 février 2014, et que, pour les « déchets historiques », issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché avant le 13 août 2005, les États membres peuvent imposer cette obligation aux utilisateurs, la question se pose, en revanche, de l’application de cette obligation de financement dans le cas des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché entre le 13 août 2005 et le 14 février 2014.

29      Selon la juridiction de renvoi, il convient, tout d’abord, de déterminer le moment de la naissance de l’obligation de financer les coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques. À cet égard, elle partage la position de la requérante au principal selon laquelle cette obligation est censée naître seulement avec l’apparition des déchets et non pas, comme l’allègue la République tchèque, avec la mise sur le marché desdits panneaux. En conséquence, relèveraient du champ d’application matériel de la directive 2012/19 les panneaux photovoltaïques mis sur le marché avant l’expiration du délai de transposition de cette directive, soit le 14 février 2014, et qui produisent des déchets après cette date, de telle sorte que l’obligation ainsi imposée par l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive ne serait aucunement rétroactive.

30      Ensuite, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant au fait que la directive 2012/19 ait été correctement transposée dans l’ordre juridique tchèque étant donné que, premièrement, la Commission a elle-même constaté, lors de l’adoption de la directive 2003/108 modifiant la directive 2002/96, que l’obligation de financer les coûts afférents à la gestion des déchets issus de produits mis sur le marché avant l’expiration du délai de transposition de cette dernière directive créait une responsabilité rétroactive susceptible d’exposer les producteurs à de graves risques économiques, un tel constat pouvant être appliqué de manière similaire aux panneaux photovoltaïques nouvellement intégrés dans le champ d’application de la législation de l’Union par la directive 2012/19. Deuxièmement, serait mise à mal la confiance légitime des producteurs de panneaux photovoltaïques qui ne pouvaient supposer qu’une telle obligation de financement leur serait imposée pour des déchets issus de panneaux déjà mis sur le marché par le passé et qui n’auraient dès lors pas répercuté les coûts d’un tel financement sur le prix de leurs produits. Troisièmement, une différence de traitement apparaîtrait entre les utilisateurs qui satisfaisaient déjà à l’obligation de financement prévue par le droit national avant l’expiration du délai de transposition de la directive 2012/19 et ceux qui n’y satisfaisaient pas. La juridiction de renvoi relève, quatrièmement, que la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique et la République d’Autriche n’auraient pas davantage transposé ladite directive en maintenant l’obligation pour les producteurs de financer les coûts afférents à la gestion des déchets issus de produits mis sur le marché après le 13 août 2005.

31      Enfin, elle se demande si la législation nationale n’est pas en contradiction avec le droit de l’Union en ce que, après l’adoption de la directive 2012/19, les contrats, que les exploitants des centrales à énergie solaire étaient tenus de conclure pour assurer le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques et prévoyant le paiement par tranches des contributions y afférentes, ont été maintenus alors même que ce financement incombe au producteur en vertu de ladite directive.

32      Dans ces conditions, le Nejvyšší soud (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 13 de la directive [2012/19] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre impose le financement des coûts de la collecte, du traitement, de la valorisation et de l’élimination respectueuse de l’environnement des DEEE issus des panneaux photovoltaïques mis sur le marché [au plus tard] le 1er janvier 2013 à leurs utilisateurs, et non pas aux producteurs ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question [...], la circonstance, telle que celle [en cause au principal], qu’un État membre a lui-même réglé les modalités de financement des déchets issus des panneaux photovoltaïques [avant même] l’adoption de la directive [2012/19], laquelle a nouvellement inclus les panneaux photovoltaïques dans le champ d’application de la réglementation de l’Union et a imposé le financement des coûts aux producteurs, et ce également pour les panneaux qui ont été mis sur le marché avant l’expiration du délai de transposition de [cette] directive (et l’adoption même d’une réglementation au niveau de l’Union), a-t-elle une incidence pour l’appréciation des conditions de la responsabilité de l’État membre au titre du dommage causé à un particulier par une violation du droit de l’Union ? »

33      Conformément à l’article 61, paragraphe 1, de son règlement de procédure, la Cour a invité les parties au principal et les autres intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne à répondre par écrit à certaines questions portant, notamment, sur la validité de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

34      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui impose le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché au plus tard le 1er janvier 2013 aux utilisateurs de ces panneaux et non pas aux producteurs de ceux-ci.

35      À titre liminaire, il convient de constater que, si cette question porte, formellement, sur la seule interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19, il ressort des motifs de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’interroge également sur la validité de cette disposition eu égard à son éventuel effet rétroactif. En substance, cette juridiction souligne qu’un tel effet pourrait découler du fait que, selon ladite disposition, le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques doit être pris en charge par les producteurs lorsque ces déchets sont issus de produits mis sur le marché après le 13 août 2005, date à laquelle le délai de transposition fixé par cette directive n’avait pas encore expiré. Ainsi, la même disposition pourrait créer une responsabilité rétroactive susceptible d’exposer les producteurs à de graves risques économiques.

36      Or, si, dans le cadre de la répartition des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour pour l’application de l’article 267 TFUE, il appartient aux juridictions nationales de décider de la pertinence des questions posées, il reste cependant réservé à la Cour le soin de dégager de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale ceux des éléments du droit de l’Union qui appellent, compte tenu de l’objet du litige, une interprétation ou une appréciation de validité (arrêt du 17 septembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo, C‑212/19, EU:C:2020:726, point 27 et jurisprudence citée).

37      Par conséquent, il convient, afin de donner une réponse complète à la juridiction de renvoi, d’examiner également la validité de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 au regard du principe de sécurité juridique dans la mesure où ladite disposition exige que le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques soit assuré par les producteurs pour les déchets issus de ces panneaux mis sur le marché après le 13 août 2005, soit à une date antérieure à l’entrée en vigueur de cette directive.

38      Ainsi, il y a lieu, dans un premier temps, de procéder à l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19, sollicitée par la juridiction de renvoi. Dans l’hypothèse où cette disposition devrait être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale qui impose le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005 aux utilisateurs de ceux-ci et non pas aux producteurs, il sera nécessaire, dans un second temps, d’examiner la validité de ladite disposition.

39      À cet égard, il importe de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, une interprétation d’une disposition du droit de l’Union ne saurait avoir pour résultat de retirer tout effet utile au libellé clair et précis de cette disposition (arrêt du 6 septembre 2012, Czop et Punakova, C‑147/11 et C‑148/11, EU:C:2012:538, point 32 ainsi que jurisprudence citée). Ainsi, dès lors que le sens d’une disposition du droit de l’Union ressort sans ambiguïté du libellé même de celle-ci, la Cour ne saurait se départir de cette interprétation.

40      Or, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19, les États membres veillent à ce que le financement des coûts de la collecte, du traitement, de la valorisation et de l’élimination respectueuse de l’environnement des DEEE provenant d’utilisateurs autres que les ménages issus de produits mis sur le marché après le 13 août 2005 soit assuré par les producteurs.

41      Selon la définition énoncée à l’article 3, paragraphe 1, sous e), de cette directive, relèvent de la notion de « DEEE » les équipements électriques et électroniques constituant des déchets, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2008/98, y compris tous les composants, sous-ensembles et produits consommables faisant partie intégrante du produit au moment de la mise au rebut.

42      En particulier, conformément à son article 2, paragraphe 1, sous a), la directive 2012/19 s’applique, dès la période transitoire allant du 13 août 2012 au 14 août 2018, aux EEE relevant des catégories énumérées à son annexe I, parmi lesquelles figurent explicitement les panneaux photovoltaïques, également mentionnés à l’annexe II de cette directive qui précise ces catégories d’EEE ainsi qu’à ses considérants 9 et 23 qui soulignent notamment que les produits ayant un long cycle de vie, tels que les panneaux photovoltaïques, relèvent désormais de ladite directive.

43      Ce faisant, comme l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale au point 29 de ses conclusions, le législateur de l’Union a manifesté son intention, sans aucune ambiguïté possible, que les panneaux photovoltaïques soient considérés comme des EEE, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2012/19, et que ceux-ci relèvent, partant, du champ d’application de cette directive.

44      Dès lors, il y a lieu de constater que l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 exige que les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour faire peser la responsabilité du financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques sur les producteurs de ceux-ci et non pas sur les utilisateurs dès lors que ces panneaux ont été mis sur le marché après le 13 août 2005.

45      Par conséquent, sans préjudice de l’examen de validité auquel il est fait référence au point 38 du présent arrêt, l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui impose le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005 aux utilisateurs de ces panneaux et non pas aux producteurs de ceux-ci.

46      Eu égard à cette interprétation, il est nécessaire, en second lieu, comme mentionné aux points 37 et 38 du présent arrêt, d’apprécier encore la validité de cette disposition.

47      À cet égard, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence [voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 161, et du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 111 ainsi que jurisprudence citée]. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, si le principe de sécurité juridique s’oppose à ce qu’une règle de droit nouvelle s’applique rétroactivement, à savoir à une situation acquise antérieurement à son entrée en vigueur, le même principe exige que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication expresse contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui en sont contemporaines (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 37, ainsi que du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 94 ainsi que jurisprudence citée).

48      En outre, une règle de droit nouvelle s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles (arrêts du 15 janvier 2019, E.B., C‑258/17, EU:C:2019:17, point 50, et du 14 mai 2020, Azienda Municipale Ambiente, C‑15/19, EU:C:2020:371, point 57 ainsi que jurisprudence citée). Il peut en aller autrement, toutefois, sous réserve du principe de non-rétroactivité des actes juridiques, si la règle nouvelle est accompagnée de dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d’application dans le temps (arrêts du 16 décembre 2010, Stichting Natuur en Milieu e.a., C‑266/09, EU:C:2010:779, point 32 ; du 26 mars 2015, Commission/Moravia Gas Storage, C‑596/13 P, EU:C:2015:203, point 32, et du 15 janvier 2019, E.B., C‑258/17, EU:C:2019:17, point 50).

49      Il peut également en être autrement, à titre exceptionnel, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, au point 63 de ses conclusions, lorsqu’un but d’intérêt général l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (arrêts du 26 avril 2005, « Goed Wonen », C‑376/02, EU:C:2005:251, point 33, et du 19 mars 2009, Mitsui & Co. Deutschland, C‑256/07, EU:C:2009:167, point 32).

50      En l’occurrence, il découle de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2012/19 que cette directive s’applique aux équipements visés à son annexe I, dont les panneaux photovoltaïques, à partir du 13 août 2012, date qui coïncide d’ailleurs avec celle de son entrée en vigueur, à savoir, conformément à l’article 26 de ladite directive, le vingtième jour après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne datée du 24 juillet 2012. En revanche, selon l’article 24, paragraphe 1, de la même directive, les États membres devaient se conformer aux dispositions de celle-ci au plus tard le 14 février 2014.

51      Ainsi, la règle de droit énoncée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 ne s’applique, ratione temporis, que dans la mesure où les opérations de collecte, de traitement, de valorisation et d’élimination respectueuse de l’environnement des déchets issus de panneaux photovoltaïques qui y sont énumérées sont réalisées à partir du 13 août 2012. En effet, dans le cas où de telles opérations ont été réalisées avant cette date, les panneaux en cause n’existaient plus à ladite date, et les coûts afférents à ces opérations ont déjà été encourus à la date de l’entrée en vigueur de la directive 2012/19, si bien que son article 13, paragraphe 1, ne saurait s’appliquer auxdites opérations. 

52      À la lumière de la jurisprudence citée aux points 47 et 48 du présent arrêt, il convient donc de déterminer si l’application de la règle de droit, énoncée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19, selon laquelle les producteurs sont tenus d’assurer le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005, lorsque ces panneaux sont devenus ou deviendront des déchets à partir du 13 août 2012, est de nature à porter atteinte à une situation acquise antérieurement à l’entrée en vigueur de cette directive ou si cette application tend, au contraire, à régir les effets futurs d’une situation née avant l’entrée en vigueur de ladite directive.

53      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la réglementation de l’Union qui préexistait à l’adoption de la directive 2012/19, l’obligation de financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus des panneaux photovoltaïques se trouvait régie par l’article 14 de la directive 2008/98, qui laissait aux États membres le choix de faire supporter les coûts de cette gestion, soit par le détenteur actuel ou antérieur des déchets soit par le producteur ou le distributeur des panneaux photovoltaïques.

54      Par conséquent, dans l’hypothèse où un État membre avait fait le choix, avant l’adoption de la directive 2012/19, de faire supporter les coûts afférents à la gestion des déchets issus des panneaux photovoltaïques par les utilisateurs de ces panneaux et non pas par les producteurs de ceux-ci, tel que cela était le cas en République tchèque, l’entrée en vigueur de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19, accompagnée de l’obligation de transposer cette disposition au sein de l’ordre juridique national a eu, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 53 et 57 de ses conclusions, une incidence sur des situations acquises antérieurement à l’entrée en vigueur de cette directive.

55      En effet, une telle modification de la répartition des coûts afférents à la gestion des déchets issus des panneaux photovoltaïques qui existait en vertu de la réglementation contemporaine à la date de la mise sur le marché de ces panneaux et de leur vente à un prix déterminé, date et transaction commerciale que le producteur se trouve dans l’impossibilité de modifier a posteriori, ne saurait être considérée comme étant constitutive de l’application d’une règle nouvelle aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne dès lors que les effets en question sont déjà certains dans tous leurs aspects et donc acquis, à la différence de ceux qui étaient en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 mai 2020, Azienda Municipale Ambiente (C‑15/19, EU:C:2020:371), qui portait sur une modification, à une date où la décharge en cause était encore en cours d’exploitation, de la durée d’entretien de cette décharge après sa désaffectation.

56      Certes, la validité d’une disposition du droit de l’Union ne saurait dépendre de l’état du droit national. Toutefois, lorsque le législateur de l’Union laisse d’abord le choix aux États membres de déterminer la répartition des coûts afférents à la gestion des déchets issus de certains produits et décide, par la suite, d’instaurer une règle en vertu de laquelle ces coûts doivent, dans tous les États membres, être supportés par les producteurs, y compris par rapport aux produits que ceux-ci avaient déjà mis sur le marché à un moment où ladite législation antérieure de l’Union était en vigueur, il doit être considéré que cette règle s’applique rétroactivement, au sens de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt, et est donc susceptible de violer le principe de sécurité juridique.

57      Dans ces conditions, il convient de vérifier si l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19, eu égard au fait qu’il s’applique aux panneaux photovoltaïques mis sur le marché entre le 13 août 2005 et la date de l’entrée en vigueur de la directive 2012/19, à savoir le 13 août 2012, et qu’il régit donc des situations acquises antérieurement à cette dernière date, respecte les conditions issues de la jurisprudence rappelée aux points 48 et 49 du présent arrêt.

58      Certes, cette nouvelle règle est accompagnée de dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d’application dans le temps, au sens de ladite jurisprudence, dès lors qu’elle vise explicitement, et sans aucune ambiguïté, les déchets issus des panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005. Toutefois, une règle de droit nouvelle qui s’applique à des situations acquises antérieurement ne saurait être considérée comme étant conforme au principe de non-rétroactivité des actes juridiques dans la mesure où elle modifie, a posteriori et de manière imprévisible, la répartition de coûts dont la survenance ne peut plus être évitée, dès lors que des opérateurs ont légitimement pu s’appuyer dans le cadre de transactions commerciales sur la répartition de ces coûts prévue dans la réglementation contemporaine, et prive ainsi ces opérateurs de toute possibilité réelle de prendre leurs dispositions à la suite de l’entrée en vigueur de cette nouvelle règle.

59      Par ailleurs, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence citée au point 49 du présent arrêt, l’application rétroactive d’une règle nouvelle peut également être justifiée lorsqu’un but d’intérêt général l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée, il importe de relever que, en l’occurrence, l’application rétroactive de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 serait contraire à l’objectif énoncé au considérant 12 de cette directive visant à inciter les producteurs à prendre pleinement en compte et à faciliter, lors de la conception de leurs produits, la réparation, l’amélioration éventuelle, le réemploi, le démontage et le recyclage de ceux-ci. En effet, ainsi que le gouvernement allemand l’a fait valoir dans ses réponses aux questions pour réponse écrite de la Cour, la réalisation d’un tel objectif semble difficile à atteindre dès lors que les producteurs n’étaient pas en mesure de prévoir, lors de la conception des panneaux photovoltaïques, qu’ils seraient ultérieurement tenus d’assurer le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de ces panneaux.

60      Quant au fait, relevé par le Parlement, le Conseil de l’Union européenne et la Commission dans leurs réponses aux questions pour réponse écrite de la Cour, que, selon l’article 13 de la directive 2002/96, les panneaux photovoltaïques pourraient éventuellement être ajoutés à l’annexe I B de cette directive, dans le cadre des modifications nécessaires aux fins notamment d’adapter au progrès scientifique et technique l’article 7, paragraphe 3, de cette directive portant sur le calcul des objectifs de valorisation des DEEE que les producteurs étaient tenus d’atteindre, il ne saurait infirmer le raisonnement exposé aux points 47 à 59 du présent arrêt. Certes, cette disposition annonçait, dès l’année 2002, le fait que les producteurs de panneaux photovoltaïques étaient susceptibles d’être appelés à supporter les coûts afférents à la gestion des déchets issus des panneaux mis sur le marché à partir d’une date future qui serait prévue, le cas échéant, dans une nouvelle directive. Toutefois, elle ne saurait fonder la conclusion selon laquelle ces producteurs devaient s’attendre à ce que l’obligation de financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus des EEE, telle que prévue à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19, leur soit imposée pour les panneaux photovoltaïques déjà mis sur le marché entre le 13 août 2005 et le 13 août 2012.

61      Dans ces conditions, l’application rétroactive de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 méconnaît le principe de sécurité juridique.

62      Il s’ensuit qu’il convient de constater l’invalidité de cette disposition pour autant qu’elle impose aux producteurs le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché entre le 13 août 2005 et le 13 août 2012.

63      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question comme suit :

–        l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 est invalide pour autant que cette disposition impose aux producteurs le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché entre le 13 août 2005 et le 13 août 2012 ;

–        l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui impose aux utilisateurs de panneaux photovoltaïques, et non pas aux producteurs de ces panneaux, le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus desdits panneaux mis sur le marché à partir du 13 août 2012, date de l’entrée en vigueur de cette directive.

 Sur la seconde question

64      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que la circonstance que la législation d’un État membre, contraire à une directive de l’Union, a été adoptée avant l’adoption de cette directive a une incidence sur l’appréciation des conditions de la responsabilité de cet État membre au titre du dommage causé à un particulier résultant de la violation du droit de l’Union.

65      À titre liminaire, il ressort de la demande de décision préjudicielle que cette question est posée dans l’hypothèse où l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 exigerait que l’obligation de financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques pèse sur les producteurs pour les panneaux mis sur le marché au plus tard le 1er janvier 2013. Aussi, dans la mesure où il découle de la réponse à la première question posée par la juridiction de renvoi que cette obligation doit être instaurée pour les panneaux photovoltaïques mis sur le marché à compter de l’entrée en vigueur de la directive 2012/19, à savoir le 13 août 2012, il y a lieu de considérer que, par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si la circonstance que la législation tchèque sur les déchets, contraire au droit de l’Union, a été adoptée avant ladite directive a une incidence sur l’appréciation des conditions de la responsabilité de la République tchèque au titre du dommage causé à un utilisateur de panneaux photovoltaïques mis sur le marché au cours de la période allant du 13 août 2012 au 1er janvier 2013.

66      Or, il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que, comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 94 de ses conclusions, des doutes subsistent quant au point de savoir si le litige au principal concerne effectivement des panneaux photovoltaïques mis sur le marché au cours de la période allant du 13 août 2012 au 1er janvier 2013.

67      Il convient de rappeler, toutefois, que le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 2 juillet 2020, Magistrat der Stadt Wien (Grand hamster), C‑477/19, EU:C:2020:517, point 40 et jurisprudence citée].

68      Cela étant, dès lors qu’il ne saurait être exclu que VYSOČINA WIND ait effectivement acquis et utilisé, dans le cadre de l’exploitation de la centrale à énergie solaire mise en service en 2009, des panneaux photovoltaïques mis sur le marché au cours de la période allant du 13 août 2012 au 1er janvier 2013, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier, il convient, en vue de fournir une réponse utile à cette juridiction, de répondre à la seconde question.

69      Dans ce contexte, il importe de rappeler que la Cour a itérativement jugé que, en droit de l’Union, un droit à réparation est reconnu lorsque trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et, enfin, qu’il existe un lien direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État membre et le dommage subi par les personnes lésées (arrêts du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 51, ainsi que du 8 juillet 2021, Koleje Mazowieckie, C‑120/20, EU:C:2021:553, point 61).

70      En outre, il découle d’une jurisprudence constante que la mise en œuvre des conditions rappelées au point précédent permettant d’établir la responsabilité d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables doit, en principe, être opérée par les juridictions nationales conformément aux orientations fournies par la Cour pour procéder à cette mise en œuvre (arrêt du 29 juillet 2019, Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe, C‑620/17, EU:C:2019:630, point 40 et jurisprudence citée).

71      À cet égard, s’agissant, en particulier, de la deuxième desdites conditions, il convient de rappeler que, afin de déterminer s’il existe une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, la juridiction nationale saisie d’une demande en réparation doit tenir compte de tous les éléments qui caractérisent la situation qui lui est soumise (arrêt du 29 juillet 2019, Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe, C‑620/17, EU:C:2019:630, point 42).

72      En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, plus d’un mois avant l’adoption de la directive 2012/19, à savoir le 30 mai 2012, le législateur tchèque a inséré dans la loi sur les déchets un article 37p qui instaure la responsabilité des utilisateurs pour le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché au plus tard le 1er janvier 2013. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche, plus particulièrement, à savoir si le fait que la République tchèque a modifié sa législation sur les déchets avant même l’adoption de la directive 2012/19 peut lui être imputé au titre de l’engagement de sa responsabilité en raison de la contrariété de cette législation nationale avec ladite directive.

73      Afin de répondre à cette question, il convient de relever que la directive 2012/19 fixe elle-même, à son article 24, paragraphe 1, un délai à l’expiration duquel les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour s’y conformer doivent être entrées en vigueur dans les États membres, à savoir le 14 février 2014.

74      À cet égard, si la directive 2012/19 s’applique en tant que telle, ratione temporis, à partir du 13 août 2012, il y a lieu de souligner que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, dès lors que le délai mentionné au point précédent vise notamment à donner aux États membres le temps nécessaire pour adopter les mesures de transposition d’une directive, ces États ne sauraient se voir reprocher de ne pas avoir transposé celle-ci dans leur ordre juridique avant que ce délai ne soit arrivé à expiration. Il n’en demeure pas moins que c’est pendant le délai de transposition de la directive qu’il incombe aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer que le résultat prescrit par celle-ci soit atteint à l’expiration de ce délai (arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C‑129/96, EU:C:1997:628, points 43 et 44, ainsi que du 27 octobre 2016, Milev, C‑439/16 PPU, EU:C:2016:818, points 30 et 31).

75      Il en découle, selon une jurisprudence également constante, que, pendant le délai de transposition d’une directive, les États membres destinataires de celle-ci doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C‑129/96, EU:C:1997:628, point 45, et du 13 novembre 2019, Lietuvos Respublikos Seimo narių grupė, C‑2/18, EU:C:2019:962, point 55).

76      Dans la présente affaire, l’article 37p de la loi sur les déchets a été adopté avant même que cette directive n’ait été adoptée et publiée au Journal officiel de l’Union européenne, de telle sorte que le délai de transposition n’avait pas encore commencé à courir, et avant même que ladite directive n’ait été en mesure de produire des effets juridiques à l’égard des États membres qui en sont destinataires.

77      Partant, il ne saurait être reproché à la République tchèque d’avoir agi en méconnaissance de la jurisprudence rappelée au point 75 du présent arrêt.

78      Il s’ensuit que l’insertion dans la loi sur les déchets, plus d’un mois avant l’adoption de la directive 2012/19, de l’article 37p, qui instaure la responsabilité des utilisateurs pour le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché au plus tard le 1er janvier 2013, n’est pas, en tant que telle, susceptible de constituer une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union.

79      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’un État membre a adopté une législation contraire à une directive de l’Union avant l’adoption de cette directive n’est pas constitutive, en tant que telle, d’une violation du droit de l’Union, dès lors que la réalisation du résultat prescrit par ladite directive ne saurait être considérée comme sérieusement compromise avant que celle-ci ne fasse partie de l’ordre juridique de l’Union.

 Sur les dépens

80      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), est invalide pour autant que cette disposition impose aux producteurs le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché entre le 13 août 2005 et le 13 août 2012.

L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/19 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui impose aux utilisateurs de panneaux photovoltaïques, et non pas aux producteurs de ces panneaux, le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus desdits panneaux mis sur le marché à partir du 13 août 2012, date de l’entrée en vigueur de cette directive.

2)      Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’un État membre a adopté une législation contraire à une directive de l’Union avant l’adoption de cette directive n’est pas constitutive, en tant que telle, d’une violation du droit de l’Union, dès lors que la réalisation du résultat prescrit par ladite directive ne saurait être considérée comme sérieusement compromise avant que celle-ci ne fasse partie de l’ordre juridique de l’Union.

Signatures


*      Langue de procédure : le tchèque.