Language of document : ECLI:EU:F:2011:174

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

29 septembre 2011 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Régime des pensions – Plan de pension – Augmentation annuelle des pensions – Indices harmonisés des prix de consommation – Avis de l’actuaire du plan de pension – Consultation du comité du personnel – Consultation du comité de surveillance – Droit à la négociation collective »

Dans l’affaire F‑121/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 36.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Michael Heath, ancien membre du personnel de la Banque centrale européenne, demeurant à Southampton (Royaume-Uni), représenté par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, avocats,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. P. Embley et Mme E. Carlini, en qualité d’agents, assistés de MB. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de M. H. Tagaras, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. S. Van Raepenbusch, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 19 novembre 2010 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 24 novembre suivant), M. Heath demande l’annulation de ses bulletins de pension depuis celui du mois de janvier 2010 en ce qu’ils sont établis sur la base d’une augmentation annuelle de 0,6 % au titre de l’ajustement des pensions pour 2010 et, en substance, la condamnation de la Banque centrale européenne (BCE) à lui payer la différence entre l’augmentation de pension appliquée et celle à laquelle il aurait dû avoir droit, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre du préjudice matériel qu’il estime avoir subi du fait de la diminution de son pouvoir d’achat et la somme de 5 000 euros pour le préjudice moral allégué.

 Cadre juridique

1.     Sur l’augmentation annuelle des pensions

2        Le protocole no 4 annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, intitulé « Protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la [BCE] » (ci-après les « statuts du SEBC »), établit un système européen de banques centrales réunissant la BCE et les banques centrales nationales des pays membres de l’Union européenne. La BCE et les banques centrales nationales des États membres dont la monnaie est l’euro constituent l’Eurosystème.

3        L’article 36 des statuts du SEBC, intitulé « Personnel », contient les dispositions suivantes :

« 36.1 Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

36.2 La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable. »

4        Sur le fondement de l’article 36.1 des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté, le 9 juin 1998, les conditions d’emploi du personnel de la BCE, plusieurs fois modifiées (ci-après les « conditions d’emploi »).

5        Les conditions d’emploi contiennent une annexe III dont l’objet est l’organisation du régime des pensions de retraite des anciens employés de la BCE (ci-après le « plan de pension »). Ce régime de retraite est un régime par capitalisation. Chaque membre du personnel de la BCE possède deux comptes gérés par un fonds (ci-après le « fonds »), séparément de tout autre actif détenu par la BCE et uniquement utilisés pour servir au versement des pensions et afin d’acquitter les dépenses liées à la gestion du plan de pension, respectivement le compte de prestations de base et le compte de prestations flexibles. Ces deux comptes sont notamment alimentés, en ce qui concerne le compte de prestations de base, par le versement par la BCE d’une somme correspondant à 16,5 % du salaire du membre du personnel concerné et, s’agissant du compte de prestations flexibles, par les versements effectués par le membre du personnel concerné, dans la limite de 16,5 % de son salaire brut de base, avec un minimum obligatoire de 4,5 %. Les sommes inscrites sur les deux comptes précités sont investies par le fonds dans différents actifs. Toutefois, afin de protéger les sommes versées contre les rendements d’investissement négatifs, il est prévu un mécanisme de garantie qui est appliqué annuellement.

6        L’article 2.1 de l’annexe III des conditions d’emploi, dans leur version versée au dossier par la BCE, prévoit que le plan de pension est géré par un administrateur (ci-après l’« administrateur du plan de pension »). Parmi les autres organes du plan de pension figure également un comité de surveillance du plan de pension (ci-après le « comité de surveillance ») dont les missions sont précisées par l’article 2.2 de l’annexe III des conditions d’emploi, lequel dispose :

« i) Le rôle du comité de surveillance doit être d’agir comme un chien de garde, représentant les intérêts des bénéficiaires du plan [de pension] en surveillant le fonctionnement global du plan [de pension]. […]

Afin de mener à bien son rôle, le comité de surveillance doit accomplir ses fonctions conformément à son mandat, lequel doit être adopté par le directoire après consultation du comité du personnel.

[…]

iv) Le comité de surveillance doit disposer des droits d’information et d’accès à certaines personnes/organes nécessaires pour mener à bien son rôle. »

7        En application de l’article 2.2 de l’annexe III des conditions d’emploi, le directoire a adopté, le 31 octobre 2006, un texte intitulé « Mandat du comité de surveillance » (ci-après le « mandat du comité de surveillance »), qui prévoit notamment :

« 30. L’administrateur [du plan de pension] devra mettre à la disposition du comité [de surveillance] :

a) les rapports d’évaluation de l’actuaire [du plan de pension] ;

b) les rapports du comité des investissements ;

c) le rapport annuel et les comptes du plan [de pension] […].

Les rapports énumérés ci-dessus seront mis à la disposition du comité [de surveillance] dans leurs versions préparatoire et définitive dès qu’elles seront disponibles.

31. À la demande du comité [de surveillance], l’administrateur [du plan de pension] devra communiquer toute information nécessaire pour lui permettre de s’acquitter de son rôle. »

8        L’article 2.3 de l’annexe III des conditions d’emploi précise que :

« Le directoire devra nommer un actuaire du plan et un auditeur du plan [de pension] et peut, après avoir sollicité la recommandation du comité de surveillance, destituer et remplacer l’actuaire du plan [de pension] ou l’auditeur du plan [de pension]. »

9        L’article 6.8 de l’annexe III des conditions d’emploi, intitulé « Enquêtes actuarielles », dispose notamment :

« L’administrateur [du plan de pension] devra donner instruction à l’actuaire du plan [de pension] de procéder à une évaluation complète du fonds tous les trois ans et le directoire peut à tout moment demander à l’administrateur [du plan de pension] de commissionner l’actuaire [du plan de pension] pour qu’il procède à une évaluation complète ou partielle du fonds. L’actuaire du plan [de pension] devra ensuite soumettre un rapport au comité de surveillance, à l’administrateur [du plan de pension], au comité d’investissements et au directoire. »

10      Aux termes de l’article 17.7 de l’annexe III des conditions d’emploi, intitulé « Augmentation des pensions », il est prévu :

« Les pensions qui sont payées à la suite de la retraite ou du décès d’un membre [du personnel] seront augmentées comme suit :

i)      les pensions seront augmentées annuellement par référence à l’inflation, telle que déterminée par l’indice harmonisé des prix à la consommation pour la zone euro ;

ii)      si l’ajustement général des salaires effectué conformément aux conditions d’emploi a été inférieur à l’inflation, telle que déterminée sous (i), l’ajustement général des salaires sera utilisé pour l’indexation [des pensions] ;

(iii)      si l’ajustement général des salaires défini sous (ii) excède l’inflation, telle que définie sous (i), le conseil des gouverneurs appliquera l’ajustement général des salaires pour l’indexation [des pensions] s’il détermine, agissant sur avis de l’actuaire [du plan de pension], que la position financière du fonds le permettrait. »

2.     Autres dispositions pertinentes

 Sur l’ajustement général des salaires

11      L’article 13 des conditions d’emploi prévoit que, sur proposition du directoire, le conseil des gouverneurs de la BCE décide annuellement d’un ajustement général des salaires du personnel de la BCE (ci-après l’« AGS »), lequel prend effet au 1er janvier de chaque année.

12      En application de l’article 13 des conditions d’emploi, pour procéder à l’AGS pour les années 2009 à 2011, la direction générale (DG) « Ressources humaines, budget et organisation » a élaboré une note datée du 11 juin 2008 et approuvée le 19 juin suivant par le conseil des gouverneurs (ci-après la « note du 11 juin 2008 »).

13      La note du 11 juin 2008, intitulée « Méthodologie appliquée par la BCE pour l’[AGS] pour la période allant de janvier 2009 à décembre 2011 », dispose :

« L’[AGS] sera basé sur l’évolution moyenne pondérée des salaires de base bruts annuels au sein des organisations de référence. […]

Deux ensembles de groupes de référence s’appliquent, à savoir :

a) les [banques centrales nationales des États membres] ;

b) les institutions et les organes communautaires (c’est-à-dire la Commission européenne et ses agences, le Conseil [de l’Union européenne], le Parlement [européen], la Cour de justice [de l’Union européenne], la Cour des comptes [européenne], le Comité économique et social [européen], le Comité des régions [de l’Union européenne]), la Banque européenne d’investissement et la Banque des règlements internationaux.

[…]

Les ajustements annuels des salaires bruts annuels des deux ensembles de groupes de référence pour l’année civile en cours (si l’information est disponible), ou prévus pour le 1er janvier de l’année suivante, seront appliqués. Dans ce contexte, seront pris en compte à la fois les ajustements appliqués et ceux dont l’application est approuvée lors de l’année civile en cours[.]

Lorsque des ajustements ne sont pas disponibles pour l’année civile en cours le ou avant le 31 octobre, les données de l’année antérieure sont utilisées […] et, si l’information est disponible, la différence avec les données réelles sera corrigée lors de l’année suivante. Dans ces cas, le résultat final pour l’année précédente sera recalculé et tout écart par rapport au résultat qui aura été appliqué sera ajouté au résultat final ou soustrait de celui-ci pour l’année suivante. La même procédure sera suivie dans le cas où des nouvelles données ou des données régularisées sont obtenues pour l’année précédente. L’application rétroactive ne s’appliquera dans aucune de ces deux situations[.]

[…] »

 Sur la consultation du comité du personnel

14      L’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1, ci-après la « charte des droits fondamentaux »), énonce :

« Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève. »

15      Aux termes de l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), telle qu’amendée par les protocoles no 11 et no 14 :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. »

16      Les articles 48 et 49 des conditions d’emploi, dans leur version versée au dossier par la BCE, disposent :

« 48. Un comité du personnel, dont les membres sont élus au scrutin secret, est chargé de représenter l’intérêt général de l’ensemble des membres du personnel en ce qui concerne les contrats de travail, le régime applicable au personnel et les conditions de rémunération, d’emploi, de travail, de santé et de sécurité à la BCE, la couverture sociale et les régimes de pensions.

49. Le comité du personnel est consulté préalablement à toute modification apportée aux présentes conditions d’emploi, aux règles applicables au personnel et aux questions y afférentes visées à l’article 48 ci-dessus. »

 Faits à l’origine du litige

17      Les indices des prix à la consommation constituent une famille d’indicateurs économiques élaborés pour mesurer l’inflation. Pour chaque mois, Eurostat publie un indice des prix à la consommation de l’Union monétaire harmonisé définitif (ci-après l’« IPCH ») calculé par comparaison des prix dans les pays de la zone euro entre le mois considéré et les prix du mois qui porte la même dénomination lors de l’année civile précédente. Une quinzaine de jours avant la publication du taux définitif de l’IPCH, Eurostat publie également une estimation rapide de ce taux d’IPCH (ci-après l’« estimation rapide de l’IPCH »). Il s’agit d’une évaluation préliminaire établie à partir des estimations nationales des premiers pays à rendre publiques leurs statistiques mensuelles.

18      Le requérant a été employé par la BCE du 1er mai 2001 au 31 mai 2009, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite, à l’âge de 65 ans. Depuis le 1er juin 2009, il bénéficie d’une pension de retraite.

19      Le 6 décembre 2006, l’actuaire du plan de pension a établi un document intitulé « Rapport sur la valorisation actuarielle du plan de pension au 31 décembre 2005 ». Selon ce rapport, les contributions des membres du personnel aux comptes de prestations de base et aux comptes de prestations flexibles seraient inadéquates sur le long terme pour financer les prestations existantes devant être servies lors du départ à la retraite ou du décès d’un membre du personnel, ou lorsqu’un membre du personnel se retire du plan de pension. En conséquence, l’actuaire du plan de pension a recommandé que les pensions dans les prochaines années ne soient augmentées du taux de l’AGS que quand ce dernier est inférieur à l’inflation.

20      À une date indéterminée, mais que la Commission situe à la fin du mois de novembre 2009 ou au début du mois de décembre de la même année, l’administrateur du plan de pension a téléphoné à l’actuaire du plan de pension afin que celui-ci lui fournisse un avis conformément à l’article 17.7, sous iii), de l’annexe III des conditions d’emploi. L’actuaire du plan de pension a alors conseillé que, pour l’année 2010, les pensions ne soient pas augmentées du taux de l’AGS.

21      Le 30 novembre 2009, Eurostat a publié une estimation rapide de l’IPCH pour novembre 2009 (taux calculé pour la période comprise entre novembre 2008 et novembre 2009) établissant ce dernier à 0,6 %.

22      Le 15 décembre 2009, le directoire de la BCE a proposé au conseil des gouverneurs d’approuver une augmentation des pensions des membres du personnel retraités et de leurs ayants droit correspondant à l’estimation rapide de l’IPCH de novembre 2009, soit 0,6 %, au motif que « lorsque l’inflation, actuellement fixée à 0,6 %, est inférieure au résultat de l’AGS d’une année donnée, l’AGS [ne] peut être utilisé pour augmenter le montant des pensions [qu’]à la condition que, agissant sur la base d’un avis de l’actuaire du plan de pension, la position financière du [p]lan [de pension] permette une telle augmentation. L’actuaire du plan de pension a indiqué qu’une telle augmentation discrétionnaire n’est pas justifiée par la position financière du plan de pension et, partant, qu’une augmentation de 0,6 % pour les pensions est proposée ».

23      Le 16 décembre 2009, Eurostat a publié le taux définitif de l’IPCH pour le mois de novembre 2009 (calculé pour la période comprise entre novembre 2008 et novembre 2009), établi à 0,5 %.

24      Le 17 décembre 2009, l’actuaire du plan de pension a envoyé un courriel à l’administrateur du plan de pension stipulant ce qui suit :

« S’agissant de votre récente demande concernant l’augmentation des pensions pour 2010, je peux confirmer que notre avis demeure inchangé par rapport aux recommandations formulées dans notre rapport du 31 décembre 2005 sur la valorisation [actuarielle] du plan. En conséquence, il convient que l’augmentation des pensions soit alignée sur la plus faible des augmentations, l’inflation ou l’AGS. Il convient que les pensions ne soient pas augmentées en fonction de l’AGS lorsque celui-ci est supérieur à l’inflation. »

25      Lors de sa réunion des 16 et 17 décembre 2009, le conseil des gouverneurs de la BCE a approuvé « en principe » un AGS de 2 % ainsi qu’une augmentation des pensions de 0,6 % (ci-après, et pour autant qu’elle concerne l’augmentation des pensions, la « décision des 16 et 17 décembre 2009 »).

26      Par lettre du 13 janvier 2010, le requérant a été informé que sa pension serait augmentée de 0,6 % pour l’année 2010, avec effet au 1er janvier 2010.

27      Selon la BCE, l’actuaire du plan de pension a adressé à l’administrateur du plan de pension, par courrier du 14 janvier 2010, un document reprenant mot pour mot le contenu du courriel qu’il lui avait adressé le 17 décembre 2009.

28      Dans un second courrier envoyé, toujours selon la BCE, le 14 janvier 2010, également adressé à l’administrateur du plan de pension, et concernant le versement par la BCE de contributions supplémentaires au plan de pension, l’actuaire du plan de pension a indiqué ce qui suit :

« Je comprends [aux termes de votre] récente correspondance ainsi que [de] celle de l’année précédente que l’approche privilégiée par la BCE est de verser une contribution supplémentaire afin de couvrir le coût de la garantie du capital pour 2008, ainsi qu’une [seconde] contribution supplémentaire pour rétablir le niveau de solvabilité du plan de pension à 100 %, tel qu’il était à la date à laquelle il a été gelé.

Cependant, comme vous le savez, ces deux objectifs ne sont pas nécessairement compatibles. Le coût de la garantie du capital [inscrit sur le compte de prestations de base] varie selon les rendements du marché au cours de l’année, et en particulier de la manière dont [ces rendements] impactent les [comptes de prestations de base] des membres du personnel, tandis que le niveau de solvabilité du plan [de pension] est déterminé à la suite d’une évaluation actuarielle. Comme l’évaluation actuarielle [de la solvabilité du plan de pension] part de la prémisse que tous les membres du personnel quittent le service à la date de l’évaluation actuarielle, les résultats de cette évaluation ne [sont] pas seulement affectés par le mouvement de la valeur des actifs au cours de l’année, mais également par d’autres facteurs tels que le nombre de membres du personnel [dont les droits à pension ont atteint le plafond, le nombre de ceux concernés] par la pension minimale, etc.

En conséquence, [quel que soit le] montant payé comme une contribution supplémentaire à l’égard de la garantie du capital[, celui-ci] peut être ou non suffisant pour rétablir le niveau de solvabilité du régime à 100 %. »

29      Ce même 14 janvier 2010, l’administrateur du plan de pension a transféré au comité de surveillance le courriel de l’actuaire du plan de pension qu’il avait reçu le 17 décembre 2009.

30      Le 15 janvier suivant, le requérant a reçu son bulletin de pension pour le mois de janvier 2010.

31      Le 15 janvier 2010, Eurostat a publié le taux définitif de l’IPCH pour le mois de décembre 2009 (calculé sur la période comprise entre décembre 2008 et décembre 2009), à savoir 0,9 %.

32      Le 20 janvier 2010, l’actuaire du plan de pension a adressé à l’administrateur du plan de pension une lettre rédigée dans les termes suivants :

« S’agissant de votre récente demande concernant l’augmentation des pensions pour 2010, je peux confirmer que notre conseil est que l’augmentation des pensions devrait être alignée sur la plus faible des augmentations, l’inflation ou l’AGS. En conséquence, les pensions ne devraient pas être augmentées en fonction de l’AGS lorsque ce dernier est supérieur à l’inflation. Ceci afin de respecter l’article 17[, paragraphe] 7[,] de l’annexe III des conditions d’emploi.

Cet avis est basé sur la recommandation figurant dans [le ‘R]apport sur l’évaluation actuarielle du plan au 31 décembre 2005[’]. Il prend également en considération l’expérience liée au plan de pension depuis cette évaluation et, en particulier, la sous-performance des actifs du plan de pension contre toute attente depuis cette évaluation. »

33      L’administrateur du plan de pension a transmis au comité de surveillance cette dernière lettre de l’actuaire du plan de pension.

34      Par note du 21 janvier 2010, le directoire de la BCE, par l’entremise de son président, a communiqué au conseil des gouverneurs une proposition d’AGS de 2 % pour l’année 2010 et une proposition d’augmentation des pensions de 0,6 %, leur précisant qu’en l’absence de contestation avant le 27 janvier 2010 ladite proposition serait considérée à cette date comme adoptée.

35      Faute de contestation émanant du conseil des gouverneurs, la proposition du directoire a été considérée comme adoptée par ledit conseil le 27 janvier 2010 (ci-après, pour autant qu’elle concerne l’augmentation des pensions, la « décision du 27 janvier 2010 »). Cette décision a été communiquée à l’ensemble du personnel par une note diffusée sur l’intranet de la BCE le 28 janvier 2010.

36      Par lettre du 12 mars 2010, le requérant a introduit une demande de réexamen de son bulletin de pension du mois de janvier 2010 et des mois suivants en ce que ceux-ci sont établis sur la base d’une augmentation annuelle de 0,6 %.

37      Par décision du 11 mai 2010, le directeur général adjoint de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a rejeté la demande de réexamen.

38      Par courrier du 9 juillet 2010, le requérant a introduit une réclamation contre le rejet de sa demande de réexamen.

39      Par décision du 9 septembre 2010, le président de la BCE a rejeté la réclamation.

40      Le 19 novembre 2010, le requérant a introduit le présent recours.

41      Le 9 mars 2011, l’actuaire du plan de pension a adressé à l’administrateur du plan de pension un courrier récapitulant leurs échanges. Selon l’actuaire du plan de pension, lors de leur discussion intervenue fin novembre ou début décembre 2009, il aurait indiqué à l’administrateur du plan de pension que, pour l’année 2010, l’augmentation des pensions ne devait pas suivre l’AGS, au motif que le taux de l’AGS était plus élevé que l’inflation.

42      Dans un second courrier du même jour, l’actuaire du plan de pension a précisé davantage les motifs l’ayant conduit fin 2009 à préconiser que les pensions pour l’année 2010 ne soient pas augmentées du taux de l’AGS.

 Conclusions des parties

43      Eu égard aux écrits du requérant, il y a lieu de considérer que celui-ci conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les bulletins de pension de janvier 2010 et des mois suivants en ce que ceux-ci appliquent une augmentation de pension de 0,6 % ;

–        pour autant que de besoin, annuler les décisions de rejet de la demande de réexamen et de la réclamation introduite par le requérant, décisions datées respectivement des 11 mai 2010 et 9 septembre 2010 ;

–        condamner la BCE au paiement des arriérés de pension correspondant à la différence entre l’augmentation de pension de 0,6 % octroyée et celle qui aurait dû lui être versée depuis ce mois si sa pension avait été augmentée de 2,1 %, « soit une augmentation de 1,5 % par mois à partir de janvier 2011 », les montants de ces arriérés devant se voir appliquer, à dater de leur échéance respective jusqu’au jour du paiement effectif, un taux d’intérêt calculé sur la base du taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points ;

–        condamner la défenderesse au paiement de la somme de 5 000 euros au titre du préjudice matériel résultant de la diminution de son pouvoir d’achat ;

–        condamner la défenderesse au paiement de la somme de 5 000 euros, évalués ex æquo et bono au titre du préjudice moral subi ;

–        condamner la défenderesse à l’ensemble des dépens.

44      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

1.     Sur l’objet des conclusions

45      En ce qui concerne les conclusions en annulation dirigées contre les bulletins de pension de janvier 2010 et des mois suivants, il doit être rappelé que, si des bulletins de salaire, en tant que tels, n’ont pas les caractéristiques d’un acte faisant grief (arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE, F‑96/08, points 33 et 34, et la jurisprudence citée), ils traduisent, en termes pécuniaires, la portée de décisions juridiques individuelles prises par l’administration afin d’appliquer des actes à caractère général adoptés en matière de pension (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 24 juin 2008, Cerafogli et Poloni/BCE, F‑116/05, point 39, et Andres e.a./BCE, F‑15/05, point 51). Par suite, les conclusions en annulation dirigées contre les bulletins de pension de janvier 2010 et des mois suivants doivent être regardées comme étant dirigées contre la décision individuelle d’augmenter le montant de la pension du requérant de 0,6 % pour l’année 2010, décision dont l’existence a été révélée par lesdits bulletins (ci-après la « décision attaquée »).

46      En outre, il doit être relevé que les bulletins de janvier 2010 et des mois suivants ont été émis sur la base de la décision attaquée, elle-même prise sur le fondement de la décision des 16 et 17 décembre 2009. Or cette décision (voir point 25 supra) avait été prise sous réserve du taux définitif d’augmentation des pensions, puisqu’elle prévoyait pour 2010 une augmentation des pensions de 0,6 %, uniquement sur le principe. En conséquence, lorsque le conseil des gouverneurs a adopté la décision du 27 janvier 2010, il a, en réalité, fixé définitivement ladite augmentation, de telle sorte que la décision du 27 janvier 2010 doit être regardée comme s’étant rétroactivement substituée à la décision des 16 et 17 décembre 2009. En conséquence, la décision attaquée doit être considérée comme ayant été adoptée en application de la décision du 27 janvier 2010.

47      Au sujet des conclusions dirigées, pour autant que de besoin, contre les décisions de rejet de la demande d’examen précontentieux et de la réclamation, force est de constater qu’il n’y a pas lieu de les examiner de manière autonome, dès lors que, selon la jurisprudence, rendue sous le régime des recours précontentieux prévu par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et applicable par analogie dans le système de voies de recours précontentieux ouvertes aux membres du personnel de la BCE, de telles conclusions ont pour seul effet de saisir le juge des actes faisant grief contre lesquels la demande d’examen précontentieux et la réclamation ont été présentées, en l’occurrence la décision individuelle d’augmenter le montant de la pension du requérant de 0,6 % pour l’année 2010 (ordonnance du Tribunal du 18 mai 2006, Corvoisier e.a./BCE, F‑13/05, point 25, et la jurisprudence citée).

48      Par suite, il convient d’examiner, tout d’abord, les conclusions en annulation dirigées contre la décision individuelle d’augmenter le montant de la pension du requérant de 0,6 % pour l’année 2010, puis les conclusions pécuniaires présentées par le requérant.

2.     Sur les conclusions en annulation

49      Au soutien des conclusions en annulation, le requérant soulève cinq moyens qui doivent être regardés, au vu de ses écrits, comme étant tirés :

à titre principal,

–        de l’illégalité de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi en ce que les dispositions de cet article ne permettraient pas d’atteindre l’objectif de l’augmentation des pensions qui serait de prémunir les bénéficiaires d’une pension contre une diminution de leur pouvoir d’achat ;

à titre subsidiaire,

–        de la violation de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi en ce que la décision du 27 janvier 2010 a été adoptée « soit sans avis de l’actuaire [du plan de pension], soit sur la base [d’un taux] d’inflation manifestement erroné » ;

–        de l’existence d’un vice de forme, de la violation des règles de procédure au motif que l’avis de l’actuaire du plan de pension serait entaché d’irrégularités et d’une erreur de droit en ce que le conseil des gouverneurs se serait à tort estimé lié par l’avis de l’actuaire du plan de pension ;

–        de la violation de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi, de la violation du devoir de sollicitude et de bonne administration et de l’absence de délégation régulière de pouvoir du conseil des gouverneurs à l’actuaire du plan de pension ;

–        de l’absence de consultation du comité du personnel et du comité de surveillance ainsi que de la violation du droit d’association.

 Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi en ce que les dispositions de cet article ne permettraient pas d’atteindre l’objectif de l’augmentation des pensions qui serait de prémunir les bénéficiaires contre une diminution de leur pouvoir d’achat

 Arguments des parties

50      Premièrement, le requérant affirme que, dès lors que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi permettrait à la BCE d’ajuster le montant des pensions par référence au plus faible des taux, celui de l’AGS ou celui de l’IPCH, la méthode de calcul utilisée serait contraire à l’objectif de l’augmentation des pensions qui serait de prémunir les anciens employés de la BCE bénéficiant d’une pension contre une diminution de leur pouvoir d’achat.

51      Deuxièmement, le requérant soutient que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi serait illégal, car l’IPCH ne constituerait pas un indice pertinent pour apprécier l’inflation annuelle dès lors que cet indice serait extrêmement volatil d’un mois à l’autre.

52      Troisièmement, le requérant considère que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi serait illégal au motif qu’il ne permettrait pas de tenir compte des éventuelles corrections apportées à l’AGS ou à l’IPCH postérieurement à leur prise en compte pour déterminer l’augmentation des pensions.

53      En défense, la BCE estime que le moyen est irrecevable. D’une part, la BCE fait observer que le requérant n’a soulevé aucune exception d’illégalité à l’occasion de la procédure précontentieuse. D’autre part, elle relève que, conformément à une jurisprudence constante, une exception d’illégalité n’est recevable que si elle vise une règle applicable directement ou indirectement à la cause, s’il existe un lien juridique direct entre cette règle et la décision individuelle attaquée et si l’exception se limite à ce qui est indispensable à la solution du litige. Or, en l’espèce, le requérant contesterait des dispositions de l’annexe III des conditions d’emploi qui n’auraient pas été appliquées pour déterminer l’augmentation des pensions. En outre, le requérant n’indiquerait pas sur quelle règle ou quel principe il se fonderait pour soulever, par voie d’exception, l’illégalité de l’annexe III des conditions d’emploi. À titre surabondant, la BCE fait valoir que, eu égard à son autonomie fonctionnelle, elle était en droit d’adopter l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi dans sa forme actuelle.

 Appréciation du Tribunal

54      Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’exposé des moyens et arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis et ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même, pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer, le cas échéant, sans autres informations. Il en est d’autant plus ainsi que, selon l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la phase écrite de la procédure devant le Tribunal ne comporte, en principe, qu’un seul échange de mémoires, sauf décision contraire du Tribunal. Cette dernière particularité de la procédure devant le Tribunal explique que, à la différence de ce qui est prévu devant la Cour ou le Tribunal de l’Union européenne par l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, l’exposé des moyens et arguments dans la requête ne saurait être sommaire (arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Gheysens/Conseil, F‑8/10, point 60, et la jurisprudence citée).

55      En l’espèce, force est de constater que les trois griefs du requérant, tels qu’ils sont résumés aux points 50 à 52 du présent arrêt, ne respectent pas les dispositions de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, faute de préciser les règles de droit qui auraient été méconnues par l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi.

56      Certes, à l’audience, le requérant a indiqué que l’exception d’illégalité soulevée à l’égard de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi était fondée sur la dénaturation de « l’esprit » de cet article, mais il doit être relevé qu’aucune des prémisses sur lesquelles le requérant fonde chacun de ses griefs, à savoir, premièrement, que l’augmentation des pensions aurait pour objectif de prémunir les anciens employés de la BCE bénéficiant d’une pension contre l’inflation, deuxièmement, que la BCE ne pourrait se référer à un indice tel que l’IPCH pour décider de l’augmentation des pensions en raison de l’excessive volatilité de cet indice et, troisièmement, que l’administration aurait dû prévoir un mécanisme permettant de tenir compte des éventuelles corrections apportées à l’AGS ou à l’IPCH postérieurement à leur prise en compte pour déterminer l’augmentation des pensions, ne peut être déduite ni des dispositions de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi ni de l’« esprit » de ces dispositions. Faute d’autres explications de la part du requérant, force est de constater que le Tribunal n’est pas en position de statuer sur le moyen et que, par conséquent, ce dernier doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi en ce que la décision attaquée aurait été adoptée « soit sans avis de l’actuaire [du plan de pension], soit sur la base [d’un taux] d’inflation manifestement erroné »

 Arguments des parties

57      Premièrement, le requérant affirme que, à considérer que la décision attaquée ait été prise sur le fondement de la décision des 16 et 17 décembre 2009, il y aurait lieu de relever qu’à la date de cette dernière décision l’actuaire du plan de pension n’avait pas encore rendu son avis, ce dont témoignerait notamment le fait que la proposition d’augmentation des pensions pour 2010 au conseil des gouverneurs formulée par le directoire le 15 décembre 2009 ne contient pas en annexe ledit avis. Par suite, la décision des 16 et 17 décembre 2009 et, par voie de conséquence, la décision attaquée prise sur sa base seraient viciées. Pour soutenir que l’actuaire du plan de pension n’avait pas rendu d’avis à la date de la décision des 16 et 17 décembre 2009, le requérant affirme également qu’un avis rendu par téléphone, comme celui dont la BCE se prévaudrait, ne serait pas valable, et ce en raison des problèmes de preuve et de sécurité juridique que pose l’oralité. De même, le requérant estime que l’avis envoyé par courriel le 17 décembre 2009 par l’actuaire du plan de pension ne peut pas avoir été pris en compte par le conseil des gouverneurs pour adopter la décision des 16 et 17 décembre 2009, car cet envoi aurait eu lieu tardivement, à 15 h 54. D’ailleurs, le procès-verbal de la réunion du conseil des gouverneurs au cours de laquelle a été prise la décision des 16 et 17 décembre 2009 ne ferait pas mention de ce courriel.

58      Deuxièmement, le requérant fait valoir que, à considérer que la décision attaquée ait été adoptée sur le fondement de la décision du 27 janvier 2010, elle serait dénuée de base légale. En effet, lorsque la BCE l’a informé de l’adoption de la décision attaquée, c’est-à-dire le 13 janvier 2010, la décision du 27 janvier 2010 n’avait pas encore été adoptée.

59      Troisièmement, le requérant relève que la BCE a indiqué, dans le rejet de la réclamation, avoir utilisé le dernier taux de l’IPCH connu lors de la préparation de la décision d’AGS, conformément à sa pratique antérieure. Or, le requérant souligne que, lorsque le conseil des gouverneurs a adopté la décision du 27 janvier 2010, Eurostat avait publié le taux de l’IPCH pour décembre 2009, à savoir 0,9 %. Le requérant considère donc que, conformément à sa pratique, la BCE aurait dû prendre ce taux pour déterminer l’inflation, de sorte que l’augmentation de sa pension aurait dû être de 0,9 % et non de 0,6 %.

60      En défense, la BCE relève qu’aucune disposition ne prévoit que l’actuaire du plan de pension doive émettre son avis par écrit. En conséquence, ce dernier était en droit de fournir un avis par téléphone et de le confirmer, par la suite, par écrit.

61      Ensuite, la BCE affirme que le requérant n’aurait pas d’intérêt à exciper de l’absence de base légale à la décision attaquée, car si la décision attaquée n’avait pas été adoptée, il n’aurait bénéficié d’aucune augmentation de pension pour le mois de janvier 2010.

62      Enfin, la BCE fait observer que la pratique qu’elle suit en ce qui concerne le choix du taux de l’IPCH à utiliser est de prendre en compte le taux le plus récent disponible au moment où l’administrateur du plan de pension transmet au directoire la documentation nécessaire pour lui permettre de formuler sa proposition. Or, en l’espèce, l’estimation rapide de l’IPCH du 30 novembre 2009, soit 0,6 %, était le taux le plus récent disponible lorsque l’administrateur du plan de pension a soumis au directoire la documentation nécessaire pour formuler sa proposition au conseil des gouverneurs.

63      À titre subsidiaire, la BCE affirme qu’à supposer qu’une erreur dans la méthode de calcul de l’augmentation des pensions ait été commise, il en serait néanmoins résulté une augmentation des pensions d’au mieux 0,6 % et que, dans ces circonstances, le requérant ne pourrait retirer aucun bénéfice d’une annulation pour ce motif.

 Appréciation du Tribunal

64      S’agissant, premièrement, de l’exception d’illégalité de la décision des 16 et 17 décembre 2009 tenant à ce que celle-ci aurait été adoptée sans que l’actuaire du plan de pension n’ait rendu son avis, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour qu’une exception d’illégalité soit recevable, il doit exister une connexité suffisamment étroite entre l’acte individuel faisant l’objet du litige et la disposition contre laquelle l’exception est soulevée, de telle sorte que l’inapplicabilité de cette dernière aura nécessairement une incidence sur la recevabilité de l’exception (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, Aayhan e.a./Parlement, F‑65/07, point 87).

65      Or, en l’espèce, la décision des 16 et 17 décembre 2009 a été remplacée par la décision du 27 janvier 2010, laquelle s’est rétroactivement substituée à la décision des 16 et 17 décembre 2009 comme base juridique de la décision attaquée (voir point 46 du présent arrêt). Or, la décision du 27 janvier 2010 a bien été précédée par un avis de l’actuaire du plan. Partant, la circonstance, à la considérer avérée, que la décision des 16 et 17 décembre 2009 ait été rendue sans l’avis de l’actuaire du plan de pension est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, de sorte qu’il convient de rejeter l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de la décision des 16 et 17 décembre 2009.

66       En ce qui concerne, deuxièmement, le fait que, lorsque la décision attaquée a été notifiée au requérant le 13 janvier 2010, date à laquelle le conseil des gouverneurs n’avait pas encore définitivement décidé que les pensions seraient augmentées de 0,6 %, il doit être rappelé qu’un acte, même provisoire, produit des effets juridiques pendant la période durant laquelle il est en vigueur, dès lors que son adoption vise à modifier de façon caractérisée la situation juridique des personnes visées. Par suite, bien qu’en l’espèce la décision des 16 et 17 décembre 2009 a été remplacée par la décision du 27 janvier 2010, il n’en demeure pas moins qu’elle a déployé ses effets entre son adoption et le 27 janvier 2010, de sorte que la BCE a pu valablement se fonder sur cette décision pour adopter la décision attaquée, notifiée au requérant le 13 janvier 2010.

67      Au sujet, troisièmement, du taux de l’IPCH qui devait être utilisé par la BCE pour apprécier l’inflation, il doit être relevé que, pour soutenir que celui-ci aurait dû être le taux définitif de l’IPCH de décembre 2009, le requérant tire argument du rejet de la réclamation afin de démontrer qu’il existait une pratique interne au sein de la BCE selon laquelle le taux à retenir serait le taux le plus récent disponible à la date où la BCE statue sur l’augmentation des pensions. Or, à supposer même que l’existence d’une pratique interne puisse lier la BCE sans qu’elle n’ait été formalisée dans des lignes directrices écrites, il y a lieu de constater que la prétendue pratique dont fait état le rejet de la réclamation consistait à prendre le taux de l’IPCH le plus récent disponible lors de la préparation de la décision d’AGS et non le taux le plus récent disponible à la date où le conseil des gouverneurs statue en matière d’augmentation des pensions. En effet, sachant que le directoire a formulé sa proposition de décision pour l’augmentation des pensions pour l’année 2010 au conseil des gouverneurs le 15 décembre 2009, il peut en être déduit que la décision d’AGS a été préparée avant la publication du taux définitif de l’IPCH pour le mois de décembre 2009, à savoir le 15 janvier 2010. En conséquence, le requérant ne saurait prétendre que la BCE aurait dû, conformément à sa pratique antérieure, tenir compte du taux définitif de l’IPCH du mois de décembre 2009 et, par suite, que l’augmentation de sa pension aurait dû être de 0,9 %.

68      Cette constatation n’est pas remise en cause par le fait que la décision définitive fixant l’AGS pour l’année 2010 à 2 % n’a été adoptée que le 27 janvier 2010 et ce après modification des données prises en compte, dès lors qu’il n’en demeure pas moins que la décision initiale fixant l’AGS pour l’année 2010 a été préparée avant que ne soit publié le taux de l’IPCH du mois de décembre 2009.

69      À titre surabondant, à considérer que le requérant se prévaudrait de la circonstance que le conseil des gouverneurs a fait usage, pour les besoins de l’application de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi, de l’estimation rapide du taux de l’IPCH pour le mois de novembre 2009 et non du taux définitif de l’IPCH de ce même mois, il conviendrait de rejeter cet argument, dès lors que ce motif n’est pas susceptible de fonder une annulation dont le requérant pourrait tirer profit, l’estimation rapide du taux de l’IPCH pour le mois de novembre 2009 ayant été plus élevée que le taux définitif de l’IPCH pour ce même mois (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F‑105/05, point 38).

70      De même, s’il fallait interpréter le troisième grief soulevé par le requérant comme étant tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, il y aurait lieu de rappeler que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi prend à la fois en compte, en vue d’en permettre la comparaison par le conseil des gouverneurs, et après avis de l’actuaire du plan de pension, le taux de l’AGS et le taux de l’IPCH. Or, selon la note du 11 juin 2008, le taux de l’AGS est calculé sur la base des données disponibles au 31 octobre de l’année en cours. Il ne saurait, dans ces conditions, être considéré, en l’espèce, que la décision du conseil des gouverneurs de prendre en compte l’estimation rapide du taux de l’IPCH du mois de novembre 2009, plutôt que du mois de décembre 2009, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

71      Aucun des griefs du requérant n’étant fondé, il convient par conséquent, de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’un vice de forme, de la violation des règles de procédure au motif que l’avis de l’actuaire du plan de pension serait entaché d’irrégularité, et d’une erreur de droit en ce que le conseil des gouverneurs se serait à tort estimé en situation de compétence liée

72      Ce moyen se divise en trois branches, tirées respectivement de l’existence d’un vice de forme, de la violation des règles de procédure et d’une erreur de droit.

 Sur la première branche du moyen

73      Le requérant relève que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi prévoit que, pour décider au titre de l’augmentation annuelle d’appliquer au montant des pensions le taux de l’IPCH plutôt que le taux de l’AGS, la BCE doit prendre en considération l’avis de l’actuaire du plan de pension quant à la position financière du fonds. Or, la décision du 27 janvier 2010 n’indique pas sur quel avis de l’actuaire du plan de pension elle s’est fondée, et ce alors que quatre avis différents avaient été rendus par ledit actuaire, respectivement, par téléphone au début du mois de décembre 2009, par courriel du 17 décembre 2009 et par courriers des 14 et 20 janvier 2010. Partant, la décision du 27 janvier 2010 de la BCE serait, en substance, entachée d’un vice de forme.

74      À cet égard, il ressort des faits de l’espèce tels qu’exposés dans le présent arrêt que, contrairement à ce que prétend le requérant, l’actuaire du plan de pension n’a pas rendu quatre avis différents, mais un seul et même avis qui a été communiqué quatre fois à l’administrateur du plan de pension, l’actuaire du plan de pension ayant, à l’occasion de certaines de ces communications, complété cet unique avis par des explications. Tout d’abord, lors de l’entretien téléphonique qu’il a eu avec l’administrateur du plan de pension fin novembre ou début décembre 2009, l’actuaire du plan de pension lui a fait part de son avis, à savoir que pour 2010 les pensions ne devaient pas être augmentées du taux de l’AGS. Ensuite, l’actuaire du plan de pension a formalisé cet avis dans un courriel du 17 décembre 2009. Puis, le 14 janvier 2010, il a adressé à l’administrateur du plan de pension une lettre reprenant mot pour mot l’avis transmis par courriel le 17 décembre 2009. Enfin, le 20 janvier 2010, l’actuaire du plan de pension a précisé, dans une lettre rédigée à l’attention de l’administrateur du plan de pension, qu’il avait émis son avis en se basant sur la recommandation figurant dans le « Rapport sur la valorisation actuarielle du plan de pension au 31 décembre 2005 », ainsi que sur l’expérience liée au plan de pension acquise depuis l’établissement de ce rapport et, en particulier, sur la sous-performance, contre toute attente, des actifs du plan de pension depuis la rédaction dudit rapport.

75      Par suite, il convient de rejeter la première branche du moyen comme manquant en fait.

 Sur la deuxième branche du moyen

–       Arguments des parties

76      Le requérant estime que l’avis rendu par l’actuaire du plan de pension serait entaché de plusieurs irrégularités et que, par suite, la procédure ayant conduit à l’adoption par le conseil des gouverneurs de la décision du 27 janvier 2010 serait irrégulière.

77      Pour soutenir que la procédure serait viciée, le requérant affirme, premièrement, que l’actuaire du plan de pension aurait rendu son avis sans que des critères encadrant son pouvoir d’appréciation ne soient établis à l’avance par le conseil des gouverneurs, ce qui violerait le principe de sécurité juridique.

78      Deuxièmement, le requérant estime que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi faisait obligation à l’actuaire du plan de pension d’apprécier concrètement la position financière du fonds lors de chaque exercice annuel d’augmentation des pensions. Or, l’actuaire du plan de pension n’aurait pas procédé à cette appréciation en 2009 avant de rendre son avis, mais se serait basé sur d’anciennes évaluations de la position financière du fonds, notamment sur le « Rapport sur la valorisation actuarielle du plan au 31 décembre 2005 ». Pour soutenir cette thèse, le requérant relève, d’une part, que l’actuaire du plan de pension est resté en défaut de produire une estimation de la position financière du fonds ou, à tout le moins, une estimation comparée des coûts respectifs de l’application du taux de l’AGS et de l’application du taux de l’IPCH rapporté à la situation financière du fonds et, d’autre part, que, dans sa seconde lettre du 14 janvier 2010 adressée à l’administrateur du plan de pension (voir point 28 du présent arrêt), il aurait admis qu’en l’absence d’évaluation actuarielle récente du plan de pension il n’était pas en mesure de déterminer si le plan de pension présentait un surplus ou un déficit.

79      À considérer que l’actuaire du plan de pension aurait procédé à une appréciation concrète de la position financière du fonds, le requérant affirme que celui-ci aurait mal apprécié cette dernière. Tout d’abord, l’actuaire du plan de pension se serait basé sur des informations qui n’étaient plus à jour, à savoir une évaluation actuarielle du plan de pension réalisée au 31 décembre 2005 et pour les trois années à venir. Ensuite, l’actuaire du plan de pension aurait à tort pris en compte la performance des actifs pour déterminer la situation financière du fonds alors que ce critère ne serait pas pertinent. Enfin, l’actuaire du plan de pension n’aurait pas tenu compte de la mise en œuvre de la réforme des pensions intervenue en 2009 visant à rétablir la solidité financière du fonds sur le long terme ni non plus de l’engagement pris par la BCE, mais non encore exécuté, de restaurer la position financière du fonds à court terme par le paiement d’une contribution supplémentaire de 5 millions d’euros.

80      Troisièmement, le requérant considère, en substance, que l’avis de l’actuaire du plan de pension serait entaché d’un vice de forme, car une estimation chiffrée de la situation financière du fonds ne serait pas jointe à celui-ci.

81      Quatrièmement, le requérant fait valoir que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi imposait à l’actuaire du plan de pension de procéder à une estimation comparée des coûts respectifs de l’application du taux de l’AGS et de l’application du taux de l’IPCH, ce que celui-ci ne peut pas avoir fait, car, lorsqu’il a rendu son premier avis, lequel est resté inchangé, le taux définitif de l’AGS pour 2010 n’était pas encore connu.

82      En défense, la BCE estime que la question de l’évaluation de la position financière du fonds étant le résultat d’appréciations techniques complexes, l’appréciation effectuée par l’actuaire de ladite position financière ne pourrait faire l’objet que d’un contrôle juridictionnel limité. Or, selon la BCE, aucun des arguments soulevés par le requérant ne permettrait de démontrer que l’avis de l’actuaire du plan de pension serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur de droit ou d’un vice de forme.

83      S’agissant, en premier lieu, de l’absence de critères pour l’évaluation de la position financière du fonds par l’actuaire du plan de pension, la BCE estime que, contrairement aux affirmations du requérant, aucune norme ne lui impose d’adopter de tels critères.

84      En deuxième lieu, en ce qui concerne la réalité de l’appréciation effectuée par l’actuaire du plan de pension, la BCE estime que ce dernier a bien procédé à une appréciation concrète de la position financière du fonds, comme en témoignerait sa lettre datée du 9 mars 2011, faisant état d’une évaluation du fonds selon deux critères, à savoir une évaluation de sa solvabilité et une évaluation de sa solidité financière à long terme. En outre, la BCE estime que le requérant déformerait le contenu de la lettre de l’actuaire du plan de pension à l’administrateur dudit plan du 14 janvier 2010, car, dans cette lettre, l’actuaire du plan de pension aurait uniquement fait l’aveu de ce qu’il n’était pas sûr qu’une contribution supplémentaire de la BCE égale à la garantie du capital pour 2008 soit susceptible de rétablir un ratio de solvabilité positif et non de ce qu’il aurait été dans l’incapacité de déterminer la position financière du fonds. Bien au contraire, cette lettre démontrerait que l’actuaire du plan de pension aurait été capable d’apprécier la position financière du fonds, puisqu’il ressortirait de celle-ci que l’actuaire du plan de pension aurait constaté que le ratio de solvabilité du fonds était négatif.

85      Pour ce qui est de la prétendue mauvaise appréciation de la position financière du fonds, la BCE estime, en substance, que, pour déterminer la position financière du fonds en 2009, l’actuaire du plan de pension pouvait prendre comme point de départ l’évaluation actuarielle du plan de pension au 31 décembre 2005 ainsi que les projections réalisées pour les trois années suivantes, dès lors qu’il avait également tenu compte d’informations actualisées concernant la performance des marchés d’investissements ainsi que de l’expérience acquise depuis 2005.

86      En troisième lieu, la BCE soutient que l’actuaire du plan de pension n’avait pas à joindre à son avis une estimation chiffrée de la position financière du fonds ou un autre document.

87      En quatrième lieu, s’agissant de l’estimation comparée des coûts respectifs de l’application du taux de l’AGS et de l’application du taux de l’IPCH, la BCE estime que l’actuaire du plan de pension n’avait pas l’obligation d’établir une telle estimation, car, par hypothèse, son avis ne présente un intérêt que si la position financière du fonds permet une augmentation des pensions supérieure à l’augmentation a minima requise par l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi.

–       Appréciation du Tribunal

88      En premier lieu, pour ce qui est du grief tiré de ce qu’aucun critère à prendre en compte pour l’appréciation par l’actuaire du plan de pension de la position financière du fonds n’aurait été défini, il convient de relever que si le principe de sécurité juridique, invoqué par le requérant, impose à l’administration, lorsqu’elle adopte des normes, de les rédiger de façon à ce qu’elles soient suffisamment claires pour que les destinataires puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations, et ainsi prendre leurs dispositions en conséquence (voir, à titre d’exemple, arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, point 30), ce principe, contrairement à ce que soutient le requérant, n’impose pas à l’administration qu’elle restreigne son pouvoir d’appréciation en adoptant des mesures d’exécution visant à définir la manière dont elle entend mettre en œuvre pour l’avenir son pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2011, Whitehead/BCE, F‑98/09, point 59). Par suite, il convient de rejeter le premier grief comme manquant en droit.

89      En deuxième lieu, au sujet de l’affirmation selon laquelle l’actuaire du plan de pension n’aurait pas procédé à l’évaluation de la position financière du fonds en 2009, mais aurait basé son avis sur des évaluations antérieures du fonds, il doit être relevé qu’aucun argument avancé par le requérant ne permet d’établir à suffisance de droit que l’actuaire du plan de pension n’aurait pas procédé à une appréciation concrète de la position financière du fonds en 2009 et qu’il aurait ainsi commis une erreur de droit. En particulier, il ne saurait être déduit de l’absence d’estimation comparée des coûts respectifs de l’application du taux de l’AGS et de l’application du taux de l’IPCH que l’actuaire du plan de pension n’a pas procédé à une appréciation concrète de la position financière du fonds, car une telle comparaison n’a d’intérêt que si la position financière du fonds permet une augmentation des pensions supérieure à l’augmentation a minima imposée par l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi, à savoir celle correspondant au plus faible des deux taux, le taux de l’AGS ou le taux de l’IPCH. Or, il ressort de la lettre de l’actuaire du plan de pension, datée du 14 janvier 2010 et adressée à l’administrateur dudit plan (voir point 28 du présent arrêt), que l’actuaire du plan de pension avait constaté que la solvabilité du fonds était menacée, de sorte qu’il a pu légitimement considérer que la position financière du fonds ne permettait pas d’autre augmentation des pensions que la plus faible autorisée par l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi. Pour cette même raison, le requérant ne saurait déduire de la lettre du 14 janvier 2010 que l’actuaire du plan de pension n’aurait pas été en mesure de déterminer la position financière du fonds. Bien au contraire, il ressort des termes de l’avis de l’actuaire du plan de pension, tel que communiqué à l’administrateur dudit plan le 20 janvier 2010, que l’actuaire du plan de pension a procédé à une appréciation concrète de la position financière du fonds, ledit avis mentionnant la prise en compte par l’actuaire du plan de pension non seulement du « Rapport sur la valorisation actuarielle du plan au 31 décembre 2005 », mais également de facteurs susceptibles d’avoir exercé une influence sur la position financière du fonds depuis la date d’établissement dudit rapport.

90      En ce qui concerne le grief subsidiaire du requérant selon lequel l’actuaire du plan de pension aurait commis une erreur d’appréciation à l’égard de la position financière du fonds, il doit être considéré que, s’agissant d’un avis technique, le contrôle exercé par le juge de l’Union se limite à vérifier que celui-ci a été délivré par un expert régulièrement saisi, que ledit avis est fondé sur des éléments de fait matériellement exacts, que ces éléments sont susceptibles de fonder les conclusions auxquelles l’expert est arrivé et que ledit avis contient une motivation permettant à l’organe compétent d’apprécier les considérations sur lesquelles les conclusions qu’il contient sont basées et d’établir un lien compréhensible entre les constatations qu’il comporte et les conclusions auxquelles il arrive (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance du 16 juin 2000, C/Conseil, T‑84/98, point 43), mais ce contrôle ne saurait porter sur l’opportunité de la prise en compte d’une donnée ou de l’application d’une méthode de calcul plutôt qu’une autre, dès lors que celles retenues sont pertinentes.

91      En l’espèce, il y a lieu de constater qu’aucun des arguments avancés par le requérant ne permet d’étayer l’allégation subsidiaire du requérant.

92      Tout d’abord, rien n’empêchait l’actuaire du plan de pension de se servir du « Rapport sur la valorisation actuarielle du plan de pension au 31 décembre 2005 » comme point de départ de son appréciation, dès lors que, sans que ses affirmations ne soient contredites par les pièces du dossier ni d’ailleurs contestées par le requérant, l’actuaire du plan de pension affirme avoir utilisé, en sus de cette estimation, des informations actualisées portant sur la période postérieure au 31 décembre 2005.

93      Ensuite, c’est à bon droit que l’actuaire du plan de pension a pu considérer la performance de certains actifs comme un critère pertinent pour apprécier la position financière du fonds, dès lors que le financement du plan de pension dépendait, en partie, de la performance des investissements réalisés. En outre, à considérer que, comme l’affirme le requérant, l’actuaire du plan de pension n’aurait pas pris en compte tant la réforme annoncée des pensions que l’engagement de la BCE de restaurer la position financière du fonds, il ne saurait lui en être fait grief dans la mesure où il n’est pas établi, d’une part, que les effets de cette réforme étaient suffisamment prévisibles pour que l’actuaire du plan de pension ait été tenu de les prendre en compte et, d’autre part, que l’engagement de la BCE ait présenté un caractère juridiquement contraignant, à supposer même que l’existence d’un tel engagement soit avéré.

94      Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas établi que l’actuaire du plan de pension aurait commis une erreur manifeste d’appréciation au sujet de la position financière du fonds, laquelle erreur aurait vicié, par voie de conséquence, la procédure d’adoption de la décision attaquée.

95      En troisième lieu, il ne saurait être reproché à l’actuaire du plan de pension de ne pas avoir joint à son avis une estimation de la situation financière du fonds, ou un quelconque autre document, sachant que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi n’impose pas que l’actuaire du plan de pension fournisse une estimation chiffrée de la situation financière du fonds, dès lors que son avis est, comme en l’espèce, suffisamment motivé, eu égard au contexte dans lequel il est intervenu, pour permettre au directoire de prendre une décision en connaissance de cause. Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième grief comme manquant en droit.

96      En quatrième et dernier lieu, s’agissant de ce que l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi imposerait à l’actuaire du plan de pension de procéder à une estimation comparée des coûts respectifs de l’application du taux de l’AGS et de l’application du taux de l’IPCH, il suffit de rappeler pour rejeter ce grief que, comme il a été constaté précédemment (voir point 89 du présent arrêt), la situation financière du fonds de pension était telle que seule une augmentation des pensions correspondant au plus faible des taux, celui de l’AGS ou celui de l’IPCH, était envisageable, de sorte qu’une comparaison des coûts de l’application respective de chacun de ces deux taux ne se justifiait pas.

97      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du moyen.

 Sur la troisième branche du moyen

–       Arguments des parties

98      Le requérant fait grief au conseil des gouverneurs de s’être cru lié par l’avis purement consultatif de l’actuaire du plan de pension et, par suite, de s’être contenté de suivre cet avis sans en vérifier la validité.

99      En défense, la BCE affirme que le conseil des gouverneurs ne se serait pas estimé lié par l’avis de l’actuaire du plan de pension, mais qu’il aurait fait usage de son pouvoir d’appréciation. Partant, le requérant ne saurait soutenir que le conseil des gouverneurs aurait délégué sa compétence à l’actuaire du plan de pension.

–       Appréciation du Tribunal

100    Aux termes de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi, s’il revient au conseil des gouverneurs, et non à l’actuaire du plan de pension, de décider si la position financière du fonds permet d’augmenter les pensions du taux de l’AGS lorsque le taux de l’IPCH lui est inférieur, il ne ressort pas du dossier que le conseil des gouverneurs se serait estimé lié par l’avis de l’actuaire du plan de pension.

101    Certes, le conseil des gouverneurs a adopté la décision du 27 janvier 2010 par tacite approbation de la proposition du directoire, mais cette circonstance ne permet pas d’établir que celui-ci se serait à tort estimé lié par l’avis de l’actuaire du plan de pension, puisqu’il restait possible à ses membres de s’opposer à la proposition du directoire s’ils avaient estimé que la position financière du fonds permettait pour 2010 une augmentation des pensions identique à l’AGS.

102    En conséquence, il convient de rejeter la troisième branche du moyen.

103    Aucune des trois branches du moyen n’étant fondée, il y a lieu, par suite, de rejeter l’ensemble du troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi, de la violation du devoir de sollicitude et de bonne administration et de l’absence de délégation régulière de pouvoir du conseil des gouverneurs à l’actuaire du plan de pension

 Arguments des parties

104    Le requérant fait grief au conseil des gouverneurs d’avoir pris en compte un avis de l’actuaire du plan de pension qui n’était pas motivé, à tout le moins suffisamment, notamment en ce qu’il n’a pas été joint à ce dernier les critères financiers utilisés ni les calculs effectués pour l’établir. Le requérant en déduit une violation du devoir de sollicitude et de bonne administration.

105    En outre, le requérant affirme que le conseil des gouverneurs, en se contentant d’entériner l’avis de l’actuaire du plan de pension, aurait délégué à ce dernier une compétence qui lui était dévolue par l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi sans qu’une délégation en bonne et due forme ne soit établie.

106    En défense, la BCE estime que l’avis de l’actuaire du plan de pension était suffisamment motivé, car cet avis s’appuie sur des informations dont le conseil des gouverneurs avait connaissance, puisque figurant notamment dans les documents comptables de fin d’année. En outre, le conseil des gouverneurs n’aurait pas délégué son pouvoir de décision à l’actuaire du plan de pension mais aurait simplement tenu compte de l’avis rendu par ce dernier.

 Appréciation du Tribunal

107    S’agissant du grief tiré de ce que le conseil des gouverneurs se serait fondé sur un avis non motivé de l’actuaire du plan de pension, il y a lieu de relever que le simple fait que l’avis de l’actuaire du plan de pension n’ait pas été motivé, ce qui n’était pas exigé par les dispositions de l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi, ne permet pas d’établir que le conseil des gouverneurs n’était pas éclairé sur l’exacte position financière du fonds, sachant qu’il lui était loisible, s’il l’avait souhaité, d’interroger l’actuaire du plan de pension à ce sujet. Par suite, le requérant ne saurait déduire du défaut ou de l’insuffisance de motivation de l’avis de l’actuaire du plan de pension sur lequel est fondée la décision du 27 janvier 2010 que le conseil des gouverneurs aurait violé le devoir de sollicitude et de bonne administration.

108    Pour ce qui est du grief selon lequel, en se fondant sur l’avis de l’actuaire du plan de pension pour prendre la décision du 27 janvier 2010, le conseil des gouverneurs aurait délégué à ce dernier une compétence conférée par l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi sans que cette délégation n’ait été établie en bonne et due forme, force est de constater que ce grief se confond avec la troisième branche du troisième moyen, tirée de que ce le conseil des gouverneurs se serait à tort cru lié par l’avis de l’actuaire du plan de pension, laquelle branche a été écartée (voir point 100 à 102 du présent arrêt).

109    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’absence de consultation du comité du personnel et du comité de surveillance ainsi que de la violation du droit d’association

 Arguments des parties

110    Tout d’abord, le requérant fait grief à la BCE d’avoir consulté le comité du personnel uniquement lors de la mise en place du plan de pension et non annuellement, lors de chaque augmentation des pensions.

111    Pour soutenir que le comité du personnel aurait dû être consulté, le requérant relève que l’article 49 des conditions d’emploi prévoit que le comité du personnel doit être consulté « préalablement à toute modification apportée aux présentes conditions d’emploi, aux règles applicables au personnel et aux questions y afférentes ». Or, selon le requérant, dans son arrêt du 20 novembre 2003, Cerafogli et Poloni/BCE (T‑63/02), le Tribunal de première instance des Communautés européennes aurait estimé que l’obligation pour la BCE de consulter le comité du personnel ne se limitait pas à la modification de la méthode de calcul pour la mise en œuvre de l’AGS, mais concernait également les décisions annuelles d’AGS prises en application de cette méthode. L’augmentation annuelle des pensions étant décidée en application des conditions d’emploi, le requérant estime que le comité du personnel aurait dû être consulté.

112    Ensuite, le requérant reproche à la BCE, en substance, de ne pas avoir consulté le comité de surveillance quant à l’augmentation annuelle des pensions à opérer, mais de s’être contentée de l’informer. En tout état de cause, cette information du comité de surveillance aurait été tardive, car celui-ci aurait reçu l’avis de l’actuaire du plan de pension seulement après la décision des 16 et 17 décembre 2009.

113    Enfin, le requérant soutient que la décision du 27 janvier 2010, sur la base de laquelle la décision attaquée a été adoptée, viole son droit d’association, car, en l’absence d’une procédure de négociation collective, elle aurait été adoptée sans que le syndicat « International and European Public Services Organisation (IPSO) » (ci-après l’« IPSO »), ou un autre syndicat de défense des intérêts des membres du personnel de la BCE », n’y ait été associé. Or, le refus de la BCE de mettre en place une procédure de négociation collective serait contraire aux dispositions de l’article 28 de la charte des droits fondamentaux et à celles de l’article 11 de la CEDH, qui proclament l’existence d’un droit à la négociation collective. Le requérant admet certes que, comme l’a relevé la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Demir (Cour eur. D. H., arrêt Demir et Baykara c. Turquie du 12 novembre 2008, no 34503/97), il n’y a pas d’obligation pour un employeur de conclure une convention collective avec des organisations syndicales ou de représentation du personnel, mais, selon lui, l’effet utile des dispositions précitées exigerait de la BCE qu’elle promeuve activement une culture du dialogue et de la négociation en mettant en place une procédure permettant la conclusion de conventions collectives.

114    En défense, s’agissant, premièrement, de la consultation du comité du personnel, la BCE estime qu’elle n’a pas l’obligation de le consulter lorsqu’elle décide de l’augmentation annuelle des pensions. D’une part, les conditions d’emploi imposeraient uniquement de consulter le comité du personnel en cas de modification ou d’adoption d’un acte de portée réglementaire. Or, l’article 17, paragraphe 7, de l’annexe III des conditions d’emploi constituerait une clause d’habilitation qui ne nécessiterait pas d’être davantage détaillée dans ses modalités d’application pour pouvoir déployer ses effets, et l’augmentation annuelle des pensions n’équivaudrait pas à une modification du régime des pensions. D’autre part, le comité du personnel représenterait uniquement l’intérêt des membres du personnel en activité et non celui des anciens membres du personnel bénéficiaires d’une pension de retraite.

115    Pour ce qui est, deuxièmement, de la consultation du comité de surveillance, la BCE estime que l’augmentation annuelle des pensions ne tombe ni dans le champ d’application de l’article 2, paragraphe 2, sous i), de l’annexe III des conditions d’emploi, ni dans les missions confiées à celui-ci aux termes du mandat du comité de surveillance et que, partant, elle n’avait pas l’obligation de consulter le comité de surveillance mais uniquement de l’informer, ce qu’elle a fait.

116    Au sujet, troisièmement, du grief du requérant relatif à l’absence de procédure de négociation collective, la BCE rappelle que, comme l’a jugé le Tribunal (arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE, F‑84/08, point 47), en cas de modification des conditions d’emploi, elle a uniquement l’obligation de consulter le comité du personnel et non les syndicats de défense des intérêts des membres du personnel de la BCE. Partant, elle estime que par son moyen le requérant tenterait de voir rejugée une question ayant déjà été tranchée.

117    En tout état de cause, s’agissant de l’absence de procédure de négociation collective, la BCE fait observer qu’aucune norme ne lui impose de conclure des conventions collectives. En effet, l’article 28 de la charte des droits fondamentaux ne serait pas applicable au personnel de la BCE, cette dernière n’étant pas composée de salariés au sens de cette disposition. Ensuite, l’argument du requérant tiré de l’article 11 de la CEDH serait inopérant, dès lors que l’absence de procédure de négociation collective ne prive pas le requérant de son droit d’association. Enfin, s’agissant de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Demir et Baykara c. Turquie, précité, invoqué par le requérant, cet arrêt n’exclurait pas qu’il soit fait usage, à l’égard des fonctionnaires et auxquels il y aurait lieu d’assimiler les agents et les anciens agents de la BCE, des exceptions au droit d’association prévues par la charte sociale européenne. En outre, la BCE considère que les faits de la présente affaire sont différents de ceux ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Demir et Baykara c. Turquie, précité, et que, partant, cette jurisprudence n’est pas pertinente pour le cas d’espèce.

 Appréciation du Tribunal

118    En premier lieu, pour ce qui est de la consultation du comité du personnel, il doit être relevé que l’arrêt du Tribunal de première instance, Cerafogli et Poloni/BCE, précité, (points 19 et suivants), auquel le requérant se réfère, ainsi d’ailleurs que l’arrêt du Tribunal, Cerafogli/BCE, F‑96/08, précité (points 46 et suivants), concernaient la consultation du comité du personnel préalablement à la fixation de l’ajustement annuel des salaires. Or, sur ce point, les conditions d’emploi, dans leur version applicable à ces affaires, indiquaient que le comité du personnel devait être consulté préalablement à « tout changement apporté aux […] conditions d’emploi, aux règles applicables au personnel ou concernant toutes questions qui y sont rattachées, telles que définies à l’article 45 [de ces mêmes conditions d’emploi] », questions parmi lesquelles figuraient celles liées aux « rémunérations ». Aussi, le Tribunal en a-t-il déduit que la consultation du comité du personnel était nécessaire non seulement en cas de modification des règles de portée générale établissant le mode de détermination et d’augmentation du niveau des rémunérations, mais également lors de la mise en œuvre annuelle de celle-ci, et ce compte tenu de l’importance majeure que revêt cette question pour l’ensemble des membres du personnel en activité, dont les intérêts sont, contrairement à ceux des bénéficiaires d’une pension, visés par les articles 48 et 49 des conditions d’emploi de manière analytique et détaillée.

119    En revanche, en l’espèce, il convient de relever que les articles 48 et 49 des conditions d’emploi mentionnent, parmi les questions pour lesquelles le comité du personnel doit être consulté, non pas celles relatives aux « pensions », mais uniquement celles ayant trait au « régime des pensions », notion qui renvoie aux règles concernant, notamment, les conditions de financement des droits à pension, les conditions d’ouverture desdits droits à pension, leur mode de liquidation et leur ajustement à l’évolution du coût de la vie, sans y inclure cependant les mesures prises en application de ces règles, destinées notamment à déterminer précisément quel doit être le taux d’augmentation annuelle des pensions. En conséquence, il doit être constaté que les solutions dégagées à l’occasion des deux arrêts susmentionnés ne sont pas transposables à la présente espèce. Par suite, le requérant ne saurait faire grief à la BCE de ne pas avoir consulté le comité du personnel préalablement à la fixation de l’ajustement des pensions pour 2010.

120    En deuxième lieu, s’agissant de la consultation du comité de surveillance, force est de constater qu’il ne ressort pas des dispositions du mandat du comité de surveillance, ou d’un autre texte versé au dossier par le requérant, que ce comité doit être consulté avant l’adoption de la décision annuelle d’augmentation des pensions. De même, aucune disposition du mandat du comité de surveillance, ou d’un autre texte, ne prévoit que le comité de surveillance doit recevoir copie de l’avis de l’actuaire du plan de pension au sujet de la position financière du fonds. En effet, si le mandat du comité de surveillance fait état en son article 30 de ce que le comité de surveillance doit recevoir copie du rapport d’évaluation de l’actuaire du plan de pension, il ressort de l’économie générale des dispositions applicables au plan de pension que le rapport d’évaluation auquel il est fait référence à l’article 30 du mandat du conseil de surveillance désigne le rapport d’évaluation prévu par l’article 6, paragraphe 8, deuxième alinéa, de l’annexe III des conditions d’emploi que l’actuaire du plan de pension doit rédiger à la demande de l’administrateur du plan afin d’apprécier la valorisation du fond de pension, et non l’avis que l’actuaire du plan de pension doit rendre dans le cadre de la procédure d’augmentation annuel des pensions. Par suite, la communication de l’avis de l’actuaire du plan de pension ne saurait être considérée comme tardive. En tout état de cause, la communication au comité de surveillance de l’avis de l’actuaire du plan de pension par l’administrateur du plan de pension, le 14 janvier 2010, ne saurait être considérée comme tardive dès lors qu’en l’espèce le conseil des gouverneurs n’a adopté sa décision d’augmentation annuelle des pensions que le 27 janvier 2010.

121    En troisième lieu, au sujet du grief du requérant tiré de l’allégation selon laquelle la BCE aurait méconnu le droit d’association du requérant, il doit être observé que celle-ci manque en droit. En effet, aucun des textes invoqués par le requérant ne prévoit d’obligation pour un employeur de conclure des conventions collectives en matière de politique salariale, ni même de prévoir une procédure permettant aux syndicats représentant les intérêts du personnel de jouer un rôle décisionnel dans la définition et la mise en œuvre des règles applicables au personnel. Tout au plus l’article 6, paragraphe 2, de la charte sociale européenne encourage-t-il, sans l’imposer, « l’institution de procédures de négociations volontaire entre employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler les conditions d’emploi par conventions collectives ». Quant à l’article 28 de la charte des droits fondamentaux et à l’article 11 de la CEDH, s’ils consacrent le droit à la liberté d’association, lequel inclut le droit pour les travailleurs de fonder des syndicats pour la défense de leurs intérêts économiques et sociaux, leurs dispositions n’emportent pas obligation d’instaurer une procédure de négociation collective ou de conférer auxdits syndicats un pouvoir de codécision aux fins de l’élaboration des conditions d’emploi des travailleurs.

122    Aucun des griefs n’étant fondé, il convient de rejeter le cinquième moyen.

123    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter les conclusions en annulation au moyen desquelles le requérant tente d’obtenir une augmentation de sa pension supérieure à 0,6 %.

3.     Sur les conclusions pécuniaires

 Arguments des parties

124    Tout d’abord, le requérant demande à ce que la BCE lui paie le total de la différence entre chaque pension mensuelle qui lui a été versée depuis le mois de janvier 2010 sur la base d’une augmentation de 0,6 % et celle qu’il aurait dû percevoir depuis ce mois si sa pension avait été augmentée de 2,1 %, chacun de ces arriérés de pension mensuels devant se voir appliquer un intérêt à dater de son échéance jusqu’au jour de son paiement, calculé sur la base du taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.

125    Ensuite, le requérant affirme avoir subi un préjudice consistant dans la diminution de son pouvoir d’achat, préjudice qu’il chiffre à la somme de 5 000 euros.

126    Enfin, le requérant affirme avoir souffert d’un préjudice moral résultant notamment de la mauvaise foi de la BCE, du stress qu’il a subi et de la perte de temps et d’énergie, qu’il évalue ex æquo et bono à la somme de 5 000 euros.

127    En défense, la BCE estime qu’en l’absence d’une illégalité les conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

 Appréciation du Tribunal

128    S’agissant des conclusions tendant à obtenir le versement par la BCE de la différence entre chaque pension mensuelle versée depuis le mois de janvier 2010 sur la base d’une augmentation de 0,6 % et celle qui aurait dû être versée depuis ce mois si la pension avait été augmenté de 2,1 %, chacun de ces arriérés mensuels de pension devant se voir appliquer un intérêt à dater de son échéance jusqu’au jour de son paiement, ces conclusions doivent être rejetées dès lors que les conclusions en annulation de la décision attaquée ont été rejetées.

129    S’agissant des conclusions tendant à indemniser le requérant du préjudice matériel et moral qu’il prétend avoir subi, il convient de rappeler que, lorsque le préjudice dont un requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, ces dernières leur étant étroitement liées.

130    Par exception, lorsque les conclusions en annulation ont été rejetées, des conclusions indemnitaires qui leur sont étroitement liées peuvent néanmoins être accueillies si le préjudice allégué trouve son origine dans une illégalité de la décision contestée qui, bien que n’ayant pas été susceptible de fonder l’annulation de cette décision, a occasionné un dommage au requérant (voir, en ce sens, s’agissant du non-respect d’un délai, arrêt du Tribunal de première instance du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, point 164).

131    En l’espèce, il doit être relevé que le préjudice, tant matériel que moral, dont le requérant se prévaut trouve son origine dans le comportement décisionnel de la BCE et que les conclusions en annulation ont été rejetées. Par ailleurs, aucune irrégularité du comportement décisionnel de la BCE n’a été constatée par le Tribunal. En conséquence, il convient de rejeter les conclusions tendant à indemniser le requérant d’un préjudice matériel qui serait lié à la diminution de son pouvoir d’achat, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir si la diminution d’un pouvoir d’achat constitue un préjudice distinct de celui de ne pas avoir disposé d’une somme d’argent due à la date à laquelle cette dernière était échue, ainsi que les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral prétendument subi.

132    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

133    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

134    Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la BCE a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la BCE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Heath supporte ses propres dépens et les dépens de la Banque centrale européenne.

Tagaras

Boruta

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Tagaras


* Langue de procédure : le français.