Language of document : ECLI:EU:F:2006:100

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

9 octobre 2006 (*)

« Expert national détaché – Indemnités journalières – Lieu de recrutement des experts mariés – Articles 17 et 20, paragraphe 3, de la décision de la Commission sur les END – Compétence »

Dans l’affaire F‑53/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 230 CE,

Claudia Gualtieri, expert national détaché auprès de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes P. Gualtieri et M. Gualtieri, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 30 avril 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 12 mai 2006), Mme Claudia Gualtieri, expert national détaché (ci-après « END ») du ministère de la Justice de la République italienne auprès de la Commission des Communautés européennes, demande, notamment, l’annulation de la décision de la Commission, du 5 septembre 2005, lui refusant l’intégralité de l’indemnité journalière, ainsi que l’indemnité mensuelle.

 Cadre juridique

2        L’article premier de l’annexe I du statut de la Cour de justice prévoit :

« Le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, ci-après dénommé ‘Tribunal de la fonction publique’, exerce en première instance les compétences pour statuer sur les litiges entre les Communautés et [leurs] agents en vertu de l’article 236 du traité CE et de l’article 152 du traité CEEA, y compris les litiges entre tout organe ou organisme et son personnel, pour lesquels la compétence est attribuée à la Cour de justice. »

3        L’article 8, paragraphe 2, de la même annexe dispose :

« Lorsque le Tribunal de la fonction publique constate qu’il n’est pas compétent pour connaître d’un recours qui relève de la compétence de la Cour ou du Tribunal de première instance, il le renvoie à la Cour ou au Tribunal de première instance. […] »

4        Aux termes de l’article 225, paragraphe 1, premier alinéa, CE « [l]e Tribunal de première instance est compétent pour connaître en première instance des recours visés aux articles 230, 232, 235, 236 et 238, à l’exception de ceux qui sont attribués à une chambre juridictionnelle et de ceux que le statut réserve à la Cour de justice. […] »

5        L’article 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice prévoit :

« Par dérogation à la règle énoncée à l’article 225, paragraphe 1, du traité CE et à l’article 140 A, paragraphe 1, du traité CEEA, sont réservés à la Cour de justice les recours visés aux articles 230 et 232 du traité CE et 146 et 148 du traité CEEA, qui sont formés par un État membre […] »

6        Le 30 avril 2002, la Commission a adopté une décision relative au régime applicable aux experts nationaux détachés auprès des services de la Commission, C(2002) 1559 (ci-après la « décision sur les END de 2002 »), modifiée par la suite, entre autres, par la décision C(2005) 872, du 22 mars 2005 (ci-après la « décision sur les END de 2005 »).

7        Le nouvel article 27 introduit par la décision sur les END de 2005 prévoit un régime de réclamation administrative. Il dispose :

« Tout END dont la durée de détachement est supérieure à six mois peut saisir l’unité de la direction générale du personnel et de l’administration chargée des réclamations et demandes en vertu du statut d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, adopté par les services de la Commission au titre de la présente décision, exception faite des décisions constituant une conséquence directe des décisions prises par l’employeur de l’END. La réclamation doit être introduite dans un délai de deux mois. Ce délai commence à courir le jour de la notification de la décision à l’intéressé et en tout état de cause au plus tard le jour où ce dernier en a eu connaissance. Le directeur général du personnel et de l’administration notifie à l’intéressé sa décision motivée dans un délai de quatre mois à compter de la date d’introduction de la réclamation. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la réclamation vaut décision implicite de rejet. »

8        Ce régime est distinct de celui organisé par les dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), notamment en ce que le délai pour introduire une réclamation est réduit de trois à deux mois.

9        Aux termes de la note de bas de page relative à l’article 27 de la décision sur les END de 2005, « [l]e présent article n’empêche aucunement l’END d’intenter une action contre la décision initiale dans les conditions prévues à l’article 230 du traité CE. »

 Faits et procédure

10      Après avoir reçu de la part de la représentation permanente de l’Italie auprès de l’Union européenne des documents nécessaires au détachement de la requérante, la Commission a adressé au représentant permanent une lettre, parvenue à son destinataire le 11 novembre 2003, qui l’informait de ce que les dispositions de la décision sur les END de 2002 modifiée par la décision C(2003) 406, du 31 janvier 2003 (ci-après la « décision sur les END de 2003 ») seraient applicables à la requérante et que celle-ci recevrait, par conséquent, une indemnité journalière de 107,10 euros ainsi que, dans les conditions prévues à l’article 17 de cette décision, une indemnité mensuelle de 321,30 euros.

11      Le 1er janvier 2004, la requérante a pris ses fonctions auprès des services de la Commission en tant qu’END.

12      Par lettre du 9 janvier 2004, la direction générale (DG) « Personnel et administration » a informé la représentation permanente de l’Italie que la requérante ne percevrait qu’une indemnité journalière de 26,78 euros au lieu des 107,10 euros antérieurement annoncés, dès lors que Bruxelles était le lieu de résidence de son conjoint.

13      À compter du 2 février 2005, la requérante a vécu séparée de son mari et a transféré son domicile à une nouvelle adresse à Bruxelles. L’acte de divorce, établi d’un commun accord en vertu du droit belge, a été déposé auprès du tribunal de première instance de Bruxelles, le 4 juillet 2005, et a été suivi d’un jugement prononcé le 13 janvier 2006.

14      Par demande introduite le 6 juillet 2005, la requérante, en se référant à la séparation entre elle et son mari, a sollicité de la Commission le versement des indemnités journalières qu’elle estimait lui être dues depuis au moins le 2 février 2005.

15      Le 5 septembre 2005, la Commission a rejeté cette demande, en se fondant sur l’argument que le lieu de résidence de la requérante, au sens de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision sur les END de 2002, avait été fixé à Bruxelles lors de sa demande de détachement.

16      Par note du 17 octobre 2005, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 27 de la décision sur les END de 2005.

17      Par décision du 30 janvier 2006, la Commission a considéré que la réclamation avait été introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, mais elle l’a rejetée, en se fondant notamment sur la circonstance que, « le lieu de recrutement [ayant été] fixé au lieu de résidence de l’intéressée lors de la demande de détachement [auprès] de la Commission, il n’y a[vait] pas lieu [de] reconsidérer cette décision suite aux éventuels changements des circonstances personnelles de [l’intéressée] ». Ainsi, ni la séparation ni le divorce ni même un éventuel changement de résidence du conjoint intervenus ultérieurement n’auraient la moindre pertinence à cet égard.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission, du 5 septembre 2005, lui refusant le bénéfice de l’indemnité journalière à hauteur de 107,10 euros, ainsi que de l’indemnité mensuelle d’un montant de 321,30 euros ;

–        annuler la décision du 30 janvier 2006 par laquelle la Commission a rejeté sa réclamation contre la décision du 5 septembre 2005 ;

–        annuler toutes les communications mensuelles de la Commission relatives à la détermination de l’indemnité journalière qui lui est due ;

–        à titre principal, condamner la Commission à lui payer les indemnités qu’elle estime lui être dues, ce à compter du 1er janvier 2004, en tenant compte de l’augmentation des montants desdites indemnités suite à l’entrée en vigueur de la décision C(2004) 577 de la Commission, du 27 février 2004, puis de la décision sur les END de 2005 ;

–        à titre subsidiaire, condamner la Commission à lui payer les indemnités qu’elle estime lui être dues à compter du 2 février 2005 ou, à titre encore plus subsidiaire, à compter du 4 juillet 2005, ce jusqu’au 31 décembre 2005

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal

20      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la compétence du Tribunal est définie par l’article premier de l’annexe I du statut de la Cour de justice, qui se réfère exclusivement aux « litiges entre les Communautés et [leurs] agents en vertu de l’article 236 du traité CE […] ».

21      L’article 236 CE n’accorde cette compétence que pour les litiges entre la Communauté et « ses agents dans les limites et conditions » déterminées par le statut ainsi que par le régime applicable aux autres agents des Communautés.

22      Or, le présent litige entre la Commission et la requérante ne constitue pas un litige entre la Communauté et un de « ses agents », puisque tous les END, comme le prévoit l’article premier, paragraphe 2, de la décision sur les END de 2002, « restent au service de leur employeur durant la période de détachement », l’employeur étant en l’espèce le gouvernement italien.

23      Il convient d’ajouter, à cet égard, que la Commission, suivant en cela les recommandations du Médiateur européen, a, le 22 mars 2005, explicitement introduit dans sa décision sur les END de 2002 un nouvel article 27 prévoyant une voie de recours administratif pour les END. Elle a aussi pris soin de préciser par une note de bas de page que ce nouvel article « n’empêche aucunement l’END d’intenter une action contre la décision initiale dans les conditions prévues à l’article 230 du traité CE ». La combinaison de ces deux dispositions confirme ainsi l’existence de voies de recours spécifiques aux END (réclamation fondée sur l’article 27 de la décision sur les END de 2005, et/ou recours fondé sur l’article 230 CE) et tout à fait distinctes des voies de recours propres aux fonctionnaires et agents, fondées sur les articles 90 et 91 du statut ainsi que sur l’article 236 CE.

24      En conséquence, le Tribunal constate qu’il n’est pas compétent rationae personae pour statuer sur le présent litige.

 Compétence du Tribunal de première instance et renvoi

25      En vertu de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe I du statut de la Cour de justice, le Tribunal, ayant constaté qu’il n’est pas compétent pour connaître d’un recours qui relève de la compétence du Tribunal de première instance, le renvoie à ce dernier.

26      À cet égard, en vertu de l’article 225, paragraphe 1, premier alinéa, CE le Tribunal de première instance est compétent pour connaître en première instance des recours visés, entre autres, à l’article 230 CE, à l’exception de ceux que le statut de la Cour de justice réserve à la Cour. L’article 51, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice énumère ces exceptions, lesquelles ne sont cependant pas applicables en l’espèce.

27      Dès lors, les conditions de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe I du statut de la Cour de justice étant réunies, le Tribunal est tenu de renvoyer l’affaire F‑53/06 devant le Tribunal de première instance pour que ce dernier statue.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours enregistré sous le numéro F‑53/06, Gualtieri/Commission, est renvoyé au Tribunal de première instance des Communautés européennes.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 9 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : l'italien.