Language of document : ECLI:EU:C:2019:568

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

4 juillet 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque verbale RoB – Déclaration de déchéance – Règlement (CE) no 2868/95 – Règle 62, paragraphe 3 – Notification régulière – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑36/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 janvier 2019,

Daico International BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Me M. F. J. Haak, advocaat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. P. G. Xuereb et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Daico International BV demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 22 novembre 2018, Daico International/EUIPO – American Franchise Marketing (RoB) (T‑356/17, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2018:845), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 mars 2017 (affaire R 1407/2016-2), relative à une procédure de déchéance entre American Franchise Marketing Ltd et Daico International.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de la règle 62, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1).

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 17 mai 2019, pris la position suivante :

« 1.      Pour les raisons exposées ci‑après, je propose à la Cour, conformément à l’article 181 de son règlement de procédure, de rejeter le présent pourvoi comme manifestement non fondé et de condamner la requérante aux dépens, conformément à l’article 137 et à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure.

2.      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque un seul moyen, tiré de la violation de la règle 62, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, qui est devenue l’article 58, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

3.      Aux termes de la règle 62, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, “[l]orsque la notification est faite par lettre recommandée avec ou sans accusé de réception, celle‑ci est réputée avoir été remise à son destinataire le dixième jour après l’envoi par la poste, à moins que la lettre ne lui soit pas parvenue ou ne lui soit parvenue qu’à une date ultérieure. En cas de contestation, il incombe à l’Office de faire la preuve que la lettre est parvenue à destination ou, selon le cas, d’établir la date de sa remise au destinataire”.

4.      La requérante fait plus spécialement valoir que le Tribunal a considéré à tort que la lettre recommandée que lui a adressée l’EUIPO et l’invitant à présenter des preuves d’une réelle utilisation de la marque contestée lui avait été dûment notifiée.

5.      La requérante fait valoir que le Tribunal a fait une mauvaise application de la notion de “notification régulière”, au sens de la règle 62, paragraphe 3, du règlement no 2868/95. Elle affirme, premièrement, que le simple dépôt d’une lettre recommandée à l’adresse du siège social d’une société ne suffit pas à établir qu’elle a été régulièrement notifiée à son destinataire et que celui‑ci a effectivement pu en prendre connaissance. Deuxièmement, le fait que la lettre en cause ait été réceptionnée par une personne inconnue de la requérante s’opposerait à ce que cette lettre soit réellement parvenue dans la sphère d’influence du destinataire.

6.      En outre, la requérante reproche au Tribunal de lui imposer une obligation de diligence spécifique en ayant jugé qu’il lui incombait de s’assurer des conditions de réception de tout courrier qui pourrait lui être adressé, notamment par lettre recommandée.

7.      Je suis d’avis que le moyen unique est tiré d’une mauvaise application alléguée de la règle 62, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 et donc de la violation de cette règle. Il porte notamment sur l’interprétation de la notion de “notification régulière”, au sens de ladite règle. Dès lors que ce moyen porte sur une question de droit, aucun doute n’est permis quant à sa recevabilité.

8.      Toutefois, comme je l’expliquerai ci‑dessous, si ledit moyen n’est pas irrecevable en tant que tel, je considère que les arguments invoqués à son appui ne sauraient prospérer et qu’il est manifestement non fondé.

9.      En ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs à la notion de “notification régulière”, au sens de la règle 62, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, premièrement, il ressort d’une jurisprudence constante que l’existence d’une notification valable n’est nullement subordonnée à la prise de connaissance effective par la personne qui, selon les règles internes de l’entreprise destinataire, est compétente en la matière, et qu’une décision est dûment notifiée dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui‑ci est mis en mesure d’en prendre connaissance (arrêt du 26 novembre 1985, Cockerill‑Sambre/Commission, 42/85, EU:C:1985:471, point 10).

10.      En effet, il peut être fait remarquer que le Tribunal se réfère régulièrement à ces principes [voir, notamment, les arrêts ou ordonnances suivants qui n’ont pas fait l’objet de pourvois : ordonnance du 22 janvier 2015, GEA Group/OHMI (engineering for a better world), T‑488/13, EU:T:2015:64, points 19 et 20, ainsi que arrêts du 14 juillet 2016, Thun 1794/EUIPO – Adekor (Symboles graphiques décoratifs), T‑420/15, non publié, EU:T:2016:410, point 17, et du 4 mai 2017, Kasztantowicz/EUIPO – Gbb Group (GEOTEK), T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, points 39 et 40].

11.      Dans ce contexte, en ce qui concerne la régularité de la notification des actes de l’Union, la Cour a précisé qu’une décision est dûment notifiée, au sens de l’article 263, sixième alinéa, et de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance (arrêt du 13 juillet 1989, Olbrechts/Commission, 58/88, EU:C:1989:323, point 10 ; ordonnance du 2 octobre 2014, Page Protective Services/SEAE, C‑501/13 P, non publiée, EU:C:2014:2259, point 30, et arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 48).

12.      Deuxièmement, la Cour a jugé que le siège social d’une société est le seul lieu qui doit obligatoirement être mentionné sur les documents officiels de cette société et être inscrit aux registres publics. Dès lors, la notification d’un acte au siège social d’une société répond en tout cas au critère de sécurité juridique et met, en outre, cette société en mesure de prendre connaissance de l’acte notifié. Il en résulte que les sociétés n’ont aucun droit d’exiger la notification à un endroit autre que leur siège social, voire à une personne déterminée (arrêt du 26 novembre 1985, Cockerill‑Sambre/Commission, 42/85, EU:C:1985:471, point 11).

13.      Ainsi, par exemple, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 mai 1991, Bayer/Commission (T‑12/90, EU:T:1991:25, point 20), le Tribunal a jugé que l’accusé de réception postal fournit la preuve de la date de notification et prévaut sur les autres accusés de réception qui, bien qu’envoyés par la Commission européenne aux parties, le sont à titre subsidiaire. La Cour a rejeté le pourvoi qui avait été formé contre cet arrêt du Tribunal et a confirmé qu’une entreprise est censée avoir pris connaissance d’une décision de la Commission à partir du moment où l’enveloppe contenant cette décision, envoyée par lettre recommandée, est arrivée au siège social de cette entreprise (arrêt du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, EU:C:1994:412, point 21).

14.      En l’espèce, il n’est pas contesté que la lettre recommandée en cause a été remise au siège social de Daico International. Au point 35 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté qu’il résulte du document émanant des services postaux espagnols que la lettre en cause a été remise le 4 décembre 2015, ce qui est également attesté par le document émanant des services postaux néerlandais.

15.      Par conséquent, j’estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsque, aux points 31 à 37 de l’ordonnance attaquée, il s’est fondé sur les principes établis par la jurisprudence citée aux points 9 et 12 de la présente prise de position et a considéré à juste titre, au point 36 de cette ordonnance, que l’EUIPO a créé les conditions pour que l’acte à notifier arrive dans la sphère d’influence du destinataire et, au point 37 de ladite ordonnance, que le fait que la lettre recommandée en cause ait été supposément réceptionnée par une personne inconnue de la requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.

16.      En ce qui concerne les arguments de la requérante selon lesquels le Tribunal lui a imposé une obligation de diligence spécifique à cet égard, il suffit de constater que ces arguments reposent sur une lecture erronée de l’ordonnance attaquée.

17.      En effet, le Tribunal n’a pas imposé d’obligation de diligence spécifique, qui pèserait sur la requérante. Au point 39 de l’ordonnance attaquée, il a simplement souligné que les précautions nécessaires pour s’assurer des conditions de réception du courrier semblaient ne pas avoir été prises en l’espèce.

18.      Il s’ensuit que le moyen unique doit, à mon avis, être rejeté comme manifestement non fondé.

19.      Dès lors que, à mon avis, ce moyen doit être rejeté, il y a lieu de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens, conformément aux articles 137 et 184, paragraphe 1, du règlement de procédure. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi, dans son intégralité, comme étant manifestement non fondé.

 Sur les dépens

7        Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

2)      Daico International BV supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.