Language of document : ECLI:EU:C:2019:166

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 28 février 2019 (1)

Affaire C658/17

WB

en présence de

Notariusz Przemysława Bac

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Okręgowy w Gorzowie Wielkopolskim (tribunal régional de Gorzów Wielkopolski, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) nº 650/2012 – Article 3, paragraphe 1, sous g) et i) – Notion de “décision” et d’“acte authentique” en matière de successions – Article 3, paragraphe 2 – Notion de “juridiction” en matière de successions – Absence de notification par l’État membre concerné des notaires en tant que juridictions – Notion de “fonctions juridictionnelles” – Qualification juridique du certificat d’hérédité national – Règlement d’exécution (UE) nº 1329/2014 – Formulaire et attestation »






I.      Introduction

1.        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous g) et i), et paragraphe 2, ainsi que de l’article 39, paragraphe 2, de l’article 46, paragraphe 3, sous b), et de l’article 79 du règlement (UE) nº 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (2), ainsi que sur l’interprétation des annexes 1 et 2 du règlement d’exécution (UE) nº 1329/2014 de la Commission, du 9 décembre 2014, établissant les formulaires mentionnés dans le règlement nº 650/2012 (3).

2.        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant WB à un notaire polonais qui a refusé de lui délivrer, en vue de la reconnaissance d’une copie du certificat d’hérédité relatif à la succession de son père dont elle est héritière, l’une des attestations, prévues par le règlement nº 650/2012, confirmant que ce certificat est soit une décision, soit un acte authentique, en matière de successions.

3.        Selon le droit national, le certificat d’hérédité contient la liste des héritiers ou des légataires ainsi que les précisions utiles relatives à l’étendue de leurs droits successoraux (4) et constitue, à ce titre, une pièce maîtresse du règlement de la succession.

4.        Cette affaire offre l’occasion à la Cour d’apporter d’utiles précisions sur les contours des notions de « décision » et de « juridiction » au sens du règlement nº 650/2012, en décidant, en particulier, si un notaire auquel le droit national attribue le pouvoir de délivrer des certificats d’hérédité exerce des « fonctions juridictionnelles ».

5.        À l’issue de notre analyse, nous proposerons à la Cour de répondre au Sąd Okręgowy w Gorzowie Wielkopolskim (tribunal régional de Gorzów Wielkopolski, Pologne) que le notaire polonais, chargé de délivrer un certificat d’hérédité, n’exerce pas de fonctions juridictionnelles. L’acte qu’il établit est, selon nous, un acte authentique, dont la délivrance de copie peut être accompagnée du formulaire, visé à l’article 59, paragraphe 1, du règlement nº 650/2012, qui figure à l’annexe 2 du règlement d’exécution nº 1329/2014, à la demande de toute personne intéressée par l’utilisation de cet acte dans un autre État membre.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Le règlement nº 650/2012

6.        Les considérants 7, 20 à 22, 62, 67, 69 et 76 du règlement nº 650/2012 énoncent :

« (7)      Il y a lieu de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur en supprimant les entraves à la libre circulation de personnes confrontées aujourd’hui à des difficultés pour faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières. Dans l’espace européen de justice, les citoyens doivent être en mesure d’organiser à l’avance leur succession. Les droits des héritiers et légataires, des autres personnes proches du défunt ainsi que des créanciers de la succession doivent être garantis de manière effective.

[...]

(20)      Le présent règlement devrait respecter les différents systèmes de règlement des successions applicables dans les États membres. Aux fins du présent règlement, il convient dès lors de donner au terme “juridiction” un sens large permettant de couvrir, non seulement les juridictions au sens strict qui exercent des fonctions juridictionnelles, mais également les notaires ou les services de l’état civil dans certains États membres qui, pour certaines questions successorales, exercent des fonctions juridictionnelles au même titre que les juridictions, et les notaires et les professionnels du droit qui, dans certains États membres, exercent des fonctions juridictionnelles dans le cadre d’une succession donnée en vertu d’une délégation de pouvoirs accordée par une juridiction. Toutes les juridictions au sens du présent règlement devraient être liées par les règles de compétence prévues dans le présent règlement. Inversement, le terme “juridiction” ne devrait pas viser les autorités non judiciaires d’un État membre qui, en vertu du droit national, sont habilitées à régler les successions, telles que les notaires dans la plupart des États membres, lorsque, comme c’est généralement le cas, ils n’exercent pas de fonctions juridictionnelles.

(21)      Le présent règlement devrait permettre à tous les notaires qui sont compétents en matière de successions dans les États membres d’exercer cette compétence. La question de savoir si les notaires d’un État membre donné sont ou non liés par les règles de compétence prévues dans le présent règlement devrait dépendre de la question de savoir s’ils relèvent ou non de la définition du terme “juridiction” aux fins du présent règlement.

(22)      Les actes dressés par des notaires en matière de successions dans les États membres devraient circuler dans le cadre du présent règlement. Lorsque les notaires exercent des fonctions juridictionnelles, ils sont liés par les règles de compétence, et les décisions qu’ils rendent devraient circuler conformément aux dispositions relatives à la reconnaissance, à la force exécutoire et à l’exécution des décisions. Lorsque les notaires n’exercent pas des fonctions juridictionnelles, ils ne sont pas liés par les règles de compétence juridictionnelle et les actes authentiques qu’ils dressent devraient circuler conformément aux dispositions relatives aux actes authentiques.

[...]

(62)      L’“authenticité” d’un acte authentique devrait être un concept autonome recouvrant des éléments tels que la véracité de l’acte, les exigences de forme qui lui sont applicables, les pouvoirs de l’autorité qui le dresse et la procédure suivie pour le dresser. Elle devrait également recouvrir les éléments factuels consignés dans l’acte authentique par l’autorité concernée, tels que le fait que les parties indiquées ont comparu devant ladite autorité à la date indiquée et qu’elles ont fait les déclarations qui y sont mentionnées. Une partie souhaitant contester l’authenticité d’un acte authentique devrait le faire devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine de l’acte authentique en vertu de la loi dudit État membre.

[...]

(67)      Afin de régler de manière rapide, aisée et efficace une succession ayant une incidence transfrontière au sein de l’Union, les héritiers, les légataires, les exécuteurs testamentaires ou les administrateurs de la succession devraient être à même de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits et pouvoirs dans un autre État membre, par exemple dans un État membre où se trouvent des biens successoraux. À cette fin, le présent règlement devrait prévoir la création d’un certificat uniforme, le certificat successoral européen [...] qui serait délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre. Afin de respecter le principe de subsidiarité, ce certificat ne devrait pas se substituer aux documents internes qui peuvent exister à des fins similaires dans les États membres.

[...]

(69)      Le recours au certificat [successoral européen] ne devrait pas être obligatoire. Cela signifie que les personnes en droit de déposer une demande de certificat ne devraient pas avoir l’obligation de le faire, mais devraient être libres de recourir aux autres instruments mis à disposition dans le présent règlement (décisions, actes authentiques ou transactions judiciaires). Cependant, aucune autorité ou personne devant laquelle serait produit un certificat [successoral européen] délivré dans un autre État membre ne devrait être en droit de demander la production d’une décision, d’un acte authentique ou d’une transaction judiciaire en lieu et place du certificat.

[...]

(76)      De la même manière, afin de faciliter l’application du présent règlement et pour permettre le recours aux technologies modernes de communication, il convient de prévoir des formulaires types pour les attestations à fournir en lien avec la demande de déclaration constatant la force exécutoire d’une décision, d’un acte authentique ou d’une transaction judiciaire et pour la demande d’un certificat successoral européen, ainsi que pour le certificat lui-même. »

7.        Aux termes de l’article 3 de ce règlement :

« 1.      Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

g)      “décision”, toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès ;

[...]

i)      “acte authentique”, un acte en matière de succession dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans un État membre et dont l’authenticité :

i)      porte sur la signature et le contenu de l’acte authentique ; et

ii)      a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire par l’État membre d’origine.

2.      Aux fins du présent règlement, le terme “juridiction” désigne toute autorité judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire, pour autant que ces autres autorités et professionnels du droit offrent des garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit de toutes les parties à être entendues, et que les décisions qu’ils rendent en vertu du droit de l’État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions :

a)      puissent faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire ou d’un contrôle par une telle autorité ; et

b)      aient une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même matière.

Les États membres notifient à la Commission les autres autorités et professionnels du droit visés au premier alinéa conformément à l’article 79. »

8.        Le chapitre IV dudit règlement, intitulé « Reconnaissance, force exécutoire et exécution des décisions », comprend l’article 39, paragraphes 1 et 2, qui prévoit :

« 1.      Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

2.      En cas de contestation, toute partie intéressée qui invoque à titre principal la reconnaissance d’une décision peut demander, conformément à la procédure prévue aux articles 45 à 58, que la décision soit reconnue. »

9.        Aux termes de l’article 43 du même règlement :

« Les décisions rendues dans un État membre qui sont exécutoires dans cet État sont exécutoires dans un autre État membre lorsque, à la demande de toute partie intéressée, elles y ont été déclarées exécutoires conformément à la procédure prévue aux articles 45 à 58. »

10.      L’article 46, paragraphe 3, du règlement nº 650/2012 prévoit :

« La demande [de déclaration constatant la force exécutoire] est accompagnée des documents suivants :

a)      une copie de la décision réunissant les conditions nécessaires pour en établir l’authenticité ;

b)      l’attestation délivrée par la juridiction ou l’autorité compétente de l’État membre d’origine sous la forme du formulaire établi conformément à la procédure consultative visée à l’article 81, paragraphe 2, sans préjudice de l’article 47. »

11.      L’article 59, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Les actes authentiques établis dans un État membre ont la même force probante dans un autre État membre que dans l’État membre d’origine ou y produisent les effets les plus comparables, sous réserve que ceci ne soit pas manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre concerné.

Une personne souhaitant utiliser un acte authentique dans un autre État membre peut demander à l’autorité établissant l’acte authentique dans l’État membre d’origine de remplir le formulaire établi conformément à la procédure consultative visée à l’article 81, paragraphe 2, en décrivant la force probante de l’acte authentique dans l’État membre d’origine. »

12.      Aux termes de l’article 60, paragraphes 1 et 2, dudit règlement :

« 1.      Un acte authentique qui est exécutoire dans l’État membre d’origine est déclaré exécutoire dans un autre État membre, à la demande de toute partie intéressée, conformément à la procédure prévue aux articles 45 à 58.

2.      Aux fins de l’article 46, paragraphe 3, [sous] b), l’autorité ayant établi l’acte authentique délivre, à la demande de toute partie intéressée, une attestation sous la forme du formulaire établi conformément à la procédure consultative visée à l’article 81, paragraphe 2. »

13.      L’article 62 du même règlement prévoit :

« 1.      Le présent règlement crée un certificat successoral européen [...], qui est délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre et produit les effets énumérés à l’article 69.

2.      Le recours au certificat [successoral européen] n’est pas obligatoire.

3.      Le certificat [successoral européen] ne se substitue pas aux documents internes utilisés à des fins similaires dans les États membres. Toutefois, dès lors qu’il est délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre, le certificat produit également les effets énumérés à l’article 69 dans l’État membre dont les autorités l’ont délivré en vertu du présent chapitre. »

14.      L’article 79, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 650/2012 dispose :

« 1.      Sur la base des informations communiquées par les États membres, la Commission établit la liste des autres autorités et professionnels du droit visée à l’article 3, paragraphe 2.

2.      Les États membres notifient à la Commission toute modification ultérieure à apporter aux informations contenues dans ladite liste. La Commission modifie la liste en conséquence. »

15.      La Commission n’a reçu de la République de Pologne aucune information relative à l’exercice de fonctions juridictionnelles par les notaires (5).

2.      Le règlement d’exécution nº 1329/2014

16.      L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement d’exécution nº 1329/2014 dispose :

« 1.      Le formulaire à utiliser pour l’attestation concernant une décision en matière de successions, visé à l’article 46, paragraphe 3, [sous] b), du règlement [...] nº 650/2012, est le formulaire I qui figure à l’annexe 1.

2.      Le formulaire à utiliser pour l’attestation concernant un acte authentique en matière de successions, visé à l’article 59, paragraphe 1, et à l’article 60, paragraphe 2, du règlement [...] nº 650/2012, est le formulaire II qui figure à l’annexe 2. »

B.      Le droit polonais

1.      Le code notarial

17.      L’établissement de certificats d’hérédité par les notaires polonais est régi par les articles 95a à 95p de la prawo o notariacie (loi introduisant un code notarial) (6), du 14 février 1991, telle que modifiée par la loi du 13 décembre 2013 (7) (ci-après le « code notarial »).

18.      Aux termes de l’article 95b du code notarial :

« Avant d’établir le certificat d’hérédité, le notaire dresse le procès‑verbal de succession avec le concours de toutes les personnes intéressées, en tenant compte de l’article 95ca. »

19.      L’article 95c, paragraphes 1 et 2, du code notarial dispose :

« 1.      Avant de dresser le procès-verbal, le notaire instruit les parties participantes de l’obligation de divulguer tous les faits visés par le procès‑verbal et de la responsabilité pénale encourue en cas de fausses déclarations.

2.      Le protocole de succession contient en particulier :

1)      la demande concordante visant à établir le certificat d’hérédité, effectuée par les personnes participant à la rédaction du protocole.

[...] »

20.      L’article 95ca, paragraphes 1 et 3, du code notarial prévoit :

« 1.      Le notaire rédige le projet de protocole de succession à la demande et avec le concours de la personne intéressée.

[...]

3.      La personne intéressée confirme dans la déclaration faite devant le notaire qui a rédigé le projet de protocole de succession, ou devant tout autre notaire, les informations figurant dans le projet du protocole de succession et consent à dresser le protocole de succession conformément à son projet. »

21.      En vertu de l’article 95e du code notarial :

« 1.      Après avoir rédigé le protocole de succession, le notaire dresse le certificat d’hérédité dès lors qu’il n’existe aucun doute sur la compétence des juridictions nationales, le contenu du droit étranger applicable, l’identité de l’héritier, le montant des parts successorales et, dans l’hypothèse où le défunt a effectué un legs “par revendication”, l’identité du légataire “par revendication”, ni l’objet du legs.

2.      Le notaire refuse de dresser le certificat d’hérédité :

1)      lorsqu’il existe déjà un certificat d’hérédité ou une ordonnance de succession ;

2)      lorsqu’il s’avère, lors de la rédaction du protocole de succession, que toutes les personnes susceptibles d’entrer en ligne de compte en tant qu’héritiers légaux, légataires testamentaires ou bien légataires “par revendication”, n’étaient pas présentes lors de l’élaboration du protocole ou qu’il existe ou existait des testaments qui n’avaient pas été ouverts ou annoncés ;

[...]

4)      en l’absence de compétence des juridictions nationales[ (8)].

3.      Lorsque la succession échoit à la commune ou au Skarbowi Państwa [Trésor public, Pologne] en tant qu’héritiers légaux et que les éléments de preuve produits par l’intéressé ne sont pas suffisants pour établir le certificat d’hérédité, le notaire ne peut dresser l’acte en question qu’après convocation des héritiers par avis aux frais de l’intéressé. Les dispositions des articles 673 et 674 du kodeks postępowania cywilnego [code de procédure civile] s’appliquent respectivement. »

22.      Aux termes de l’article 95j du code notarial :

« Le certificat d’hérédité enregistré produit les mêmes effets que l’ordonnance de succession définitive. »

23.      L’article 95p du code notarial dispose :

« Toute autre disposition faisant mention de l’ordonnance de succession s’applique également au certificat d’hérédité enregistré. Lorsque le délai légal commence à courir ou prend fin au jour où l’ordonnance de succession devient définitive, il faut y entendre également la date à laquelle le certificat d’hérédité a été enregistré. »

2.      Le code civil

24.      L’article 1025, paragraphe 2, du kodeks cywilny (code civil), prévoit :

« La personne ayant obtenu l’ordonnance de succession ou le certificat d’hérédité est présumée avoir la qualité d’héritier. »

25.      Aux termes de l’article 1027 du code civil :

« Seuls l’ordonnance de succession ou le certificat d’hérédité enregistré attestent les droits successoraux de l’héritier à l’égard des tiers qui ne font valoir aucune prétention successorale. »

26.      L’article 1028 du code civil dispose :

« Lorsque celui qui a obtenu l’ordonnance de succession ou le certificat d’hérédité, mais qui n’a pas la qualité d’héritier, dispose d’un droit appartenant à la succession au profit d’un tiers, ce dernier acquiert le droit ou est exonéré de l’obligation, à moins d’avoir agi de mauvaise foi. »

3.      Le code de procédure civile

27.      L’article 6691 du code de procédure civile prévoit :

« 1.      La juridiction compétente pour la succession annule le certificat d’hérédité enregistré lorsqu’il existe déjà une ordonnance de succession concernant la même succession.

2.      Lorsqu’un ou plusieurs certificats d’hérédité ont été enregistrés pour la même succession, la juridiction compétente pour la succession annule, à la demande de l’intéressé, tous les certificats d’hérédité et rend une ordonnance de succession.

3.      Hormis les cas visés aux paragraphes 1 et 2, le certificat d’hérédité enregistré ne peut être annulé que dans les cas prévus par la loi. »

28.      Aux termes de l’article 679 de ce code :

« 1.      La preuve que la personne qui a obtenu l’ordonnance de succession n’a pas la qualité d’héritier ou que sa part dans la succession est différente de celle qui a été établie ne peut être apportée que dans le cadre d’une procédure en annulation ou en révision de l’ordonnance de succession, en appliquant les dispositions du présent chapitre. Cependant, la partie à la procédure d’ordonnance de succession ne peut intenter de recours visant à réformer l’ordonnance qu’à condition de fonder son recours sur des éléments qu’elle n’avait pas pu invoquer lors de ladite procédure et de l’introduire au plus tard un an à compter du jour où elle en a eu la possibilité.

2.      Toute personne intéressée peut demander l’ouverture de cette procédure.

3.      Lorsque la preuve a été apportée qu’une personne autre que celle qui a été désignée dans l’ordonnance de succession définitive a recueilli la succession ou une partie de celle-ci, la juridiction compétente pour la succession, en réformant l’ordonnance en question, rend une décision de succession conforme à la situation juridique réelle.

4.      Les dispositions des paragraphes 1 à 3 s’appliquent respectivement au certificat d’hérédité enregistré et à l’ordonnance d’acquisition du legs “par revendication”. »

III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

29.      WB, la requérante, était l’une des parties à la procédure relative à la succession de son père, ressortissant polonais, décédé le 6 août 2016 et ayant sa dernière résidence habituelle en Pologne, visant à obtenir un certificat d’hérédité. Cet acte a été dressé le 21 octobre 2016 par un notaire polonais, conformément au droit polonais.

30.      Le défunt étant un entrepreneur qui exerçait une activité économique proche de la frontière germano-polonaise, la requérante a souhaité savoir si des capitaux étaient détenus par une ou plusieurs banques allemandes et, dans l’affirmative, quel était leur montant susceptible d’être entré dans la masse successorale.

31.      À cette fin, WB a demandé, le 7 juin 2017, que lui soit délivrée une copie du certificat d’hérédité établi par le notaire, accompagnée de l’attestation confirmant qu’il s’agit d’une décision en matière de successions au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 650/2012, présentée sous forme de formulaire, tel que figurant à l’annexe 1 du règlement d’exécution nº 1329/2014. À titre subsidiaire, en cas de rejet de la demande principale, la requérante a demandé que la copie de l’acte délivrée soit accompagnée du formulaire II figurant à l’annexe 2 de ce règlement à utiliser pour l’attestation concernant un acte authentique en matière de successions au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 650/2012.

32.      Par procès-verbal du 7 juin 2017, le clerc de notaire a refusé de délivrer une copie du certificat d’hérédité accompagnée de l’une des attestations sollicitées. Au soutien de ce refus, il a fait valoir, dans un écrit du 12 juin 2017, que ce certificat était une « décision » au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 650/2012 et que, en l’absence de notification de la République de Pologne à la Commission, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement, concernant les notaires délivrant des certificats d’hérédité comme exerçant des fonctions juridictionnelles, il lui était impossible de procéder à la certification sous la forme du formulaire figurant à l’annexe 1 du règlement d’exécution nº 1329/2014. En ce qui concerne la demande subsidiaire de la requérante, le clerc de notaire a indiqué que la qualification du certificat d’hérédité en tant que « décision » excluait celle d’« acte authentique », de sorte que, bien que les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 650/2012 soient réunies, la délivrance de l’attestation correspondante, sous forme du formulaire figurant à l’annexe 2 du règlement d’exécution nº 1329/2014, n’était pas possible.

33.      À l’appui de son recours formé devant le Sąd Okręgowy w Gorzowie Wielkopolskim (tribunal régional de Gorzów Wielkopolski), WB a soutenu que le certificat d’hérédité respectait les conditions pour être qualifié de « décision », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 650/2012.

34.      WB a fait valoir, d’abord, que le certificat d’hérédité produit le même effet que l’ordonnance de succession définitive qui sert à prouver la qualité d’héritier. Elle a relevé, ensuite, que la qualification d’« acte authentique » l’expose au risque de se voir opposer des motifs plus nombreux de non-reconnaissance, alors que l’existence de cet acte l’empêche d’obtenir ultérieurement une ordonnance de succession. Elle a considéré, enfin, que l’omission de la République de Pologne d’informer la Commission que les notaires établissant les certificats d’hérédité sont des professionnels du droit relevant de la notion de « juridiction », au sens de l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 650/2012 lu en combinaison avec l’article 79 de ce règlement, ne préjuge pas de la nature juridique de ces actes.

35.      La juridiction de renvoi estime que, afin de statuer sur le recours de WB, elle doit, préalablement, obtenir confirmation que l’attestation correspondant à l’annexe 1 du règlement d’exécution nº 1329/2014 peut être délivrée pour des décisions qui ne sont pas revêtues de la force exécutoire.

36.      Au soutien de cette première question, la juridiction de renvoi fait valoir, pour l’essentiel, qu’une lecture de l’article 46, paragraphe 3, sous b), du règlement nº 650/2012, lu en combinaison avec son article 39, paragraphe 2, plaiderait en faveur de l’utilisation de l’attestation pour toute décision, y compris celles qui ne sont pas revêtues de la force exécutoire ou seulement partiellement. Cette solution serait corroborée par le point 5.1. du formulaire I figurant à l’annexe 1 du règlement d’exécution nº 1349/2014.

37.      S’agissant de la deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi expose que la définition des notions de « décision » et de « juridiction » au sens du règlement nº 650/2012 doit être précisée. Elle estime, d’une part, que les notaires polonais qui délivrent des certificats d’hérédité exercent des fonctions juridictionnelles au sens du considérant 20 du règlement nº 650/2012, cette notion en cas de « légitimation des héritiers » devant être interprétée de manière autonome dans le cadre de ce règlement. Elle souligne, à cet égard, que la vérification de la qualité d’héritier constitue l’essence de la procédure en matière de successions.

38.      D’autre part, elle s’interroge sur la question de savoir si le terme « décision » qui figure à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 650/2012 implique que celle-ci soit rendue par une autorité compétente pour connaître d’une affaire potentiellement litigieuse. Elle considère que ce point est déterminant eu égard à l’analyse faite par le clerc de notaire de son rôle et des effets du certificat qu’il établit. À cet égard, elle estime que ce sont les conséquences juridiques résultant de la procédure relative à la certification de la qualité d’héritier qui devraient fonder la qualification juridique et non la question de savoir si l’autorité émettrice est liée par la demande des parties à la procédure ou celle de savoir si cette demande doit être faite d’un commun accord.

39.      S’agissant de la troisième question préjudicielle, portant sur l’absence de notification effectuée par les États membres en vertu de l’article 79 du règlement nº 650/2012, la juridiction de renvoi estime que le contenu de cette disposition ne permet pas de répondre clairement à la question de savoir si cette notification a une valeur constitutive ou purement indicative. Elle souligne que cette qualification ne doit pas dépendre de la décision d’un État membre.

40.      En ce qui concerne les quatrième et cinquième questions posées à la Cour, la juridiction de renvoi précise, pour l’essentiel, que, si le certificat d’hérédité dressé par un notaire polonais ne devait pas être considéré comme une « décision », il est incontestable qu’il respecte les conditions pour être qualifié d’« acte authentique » au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 650/2012.

41.      Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Gorzowie Wielkopolskim (tribunal régional de Gorzów Wielkopolski) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 46, paragraphe 3, sous b), du règlement nº 650/2012, lu en combinaison avec l’article 39, paragraphe 2, de ce règlement, doit‑il être interprété en ce sens que l’attestation confirmant qu’il s’agit d’une décision en matière de successions sous la forme du formulaire figurant à l’annexe 1 du règlement d’exécution nº 1329/2014 peut être également délivrée pour les décisions prouvant la qualité d’héritier, mais qui ne sont pas (même partiellement) exécutoires ?

2)      L’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 650/2012 doit‑il être interprété en ce sens que constitue une décision au sens de cette disposition le certificat d’hérédité, tel le certificat d’hérédité polonais, dressé par le notaire à la demande concordante de toutes les parties à la procédure de délivrance du certificat d’hérédité, qui produit les mêmes effets juridiques que l’ordonnance de succession définitive ?

et, en conséquence,

l’article 3, paragraphe 2, [premier alinéa], du règlement nº 650/2012 doit‑il être interprété en ce sens que constitue une juridiction au sens de cette disposition le notaire qui établit ce type de certificats d’hérédité ?

3)      L’article 3, paragraphe 2, [second alinéa], du règlement nº 650/2012 doit‑il être interprété en ce sens que la notification effectuée par les États membres conformément à l’article 79 dudit règlement a une valeur indicative et ne constitue pas une condition pour qualifier le professionnel du droit compétent en matière de successions qui exerce des fonctions juridictionnelles, de juridiction au sens de l’article 3, paragraphe 2, [premier alinéa], du règlement lorsque ce dernier respecte les conditions qui découlent de cette disposition ?

4)      En cas de réponse négative à la première, deuxième ou troisième question :

l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 650/2012 doit‑il être interprété en ce sens que la qualification de l’instrument procédural national attestant la qualité d’héritier, tel le certificat d’hérédité polonais, de décision au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 650/2012 empêche de le considérer comme un acte authentique ?

5)      En cas de réponse positive à la quatrième question :

l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 650/2012 doit‑il être interprété en ce sens que constitue un acte authentique au sens de cette disposition le certificat d’hérédité, tel le certificat d’hérédité polonais, dressé par le notaire à la demande concordante de toutes les parties à la procédure de délivrance du certificat d’hérédité ? »

IV.    Notre analyse

42.      Le litige porte sur la délivrance d’une des attestations prévues par le règlement nº 650/2012 relatives soit à une décision, soit à un acte authentique, en matière de successions.

43.      Il nous paraît important de souligner que le recours à de telles attestations est prévu soit, pour les décisions, aux fins de reconnaissance ou de déclaration constatant la force exécutoire de celles-ci [article 39 paragraphe 2, article 43 et article 46, paragraphe 3, sous b), de ce règlement], soit, pour les actes authentiques, pour les besoins de leur utilisation dans un autre État membre (article 59, paragraphe 1, dudit règlement) ou aux fins de déclaration relative à la force exécutoire de ces actes (article 60, paragraphe 2, du même règlement).

44.      Il résulte des circonstances de l’affaire que la demande d’attestation de WB a été formée en vue de faire reconnaître en Allemagne la preuve de sa qualité d’héritière que constitue le certificat d’hérédité établi par un notaire polonais (9).

45.      Or, s’il est prévu à l’article 59, paragraphe 1, second alinéa, du règlement nº 650/2012 qu’une attestation peut être jointe à un acte authentique afin qu’il soit utilisé dans un autre État membre, tel n’est pas le cas pour les décisions rendues dans un État membre. Conformément à l’article 39, paragraphe 2, et à l’article 46, paragraphe 3, sous b), de ce règlement, ce n’est qu’à la suite d’une contestation qu’une attestation est nécessaire au soutien d’une demande de reconnaissance qui peut être formée par toute partie intéressée, à titre principal ou à titre incident.

46.      À cet égard, il peut être relevé que la juridiction de renvoi ne fait pas état d’un quelconque refus de reconnaissance opposé à WB par les banques allemandes dans lesquelles son défunt père aurait ouvert des comptes justifiant la demande d’attestation de celle-ci, alors qu’elle soutient, à titre principal, que le certificat d’hérédité peut être qualifié de « décision » au sens du règlement nº 650/2012.

47.      Dès lors, plusieurs observations peuvent être faites quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle.

A.      Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

48.      Premièrement, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt Oberle, le règlement nº 650/2012 s’applique aux successions ayant une incidence transfrontière (10). Elle a également dit pour droit que les certificats nationaux relèvent de son champ d’application (11). Pour autant, en vue de demander une attestation afin de faire reconnaître une décision ou d’utiliser un acte authentique, il n’est pas nécessaire d’établir que des biens sont situés dans un autre État membre. Précisément, cette affaire illustre le fait qu’il peut être nécessaire de justifier de sa qualité d’héritier afin de procéder aux vérifications de l’existence de biens dans un autre État membre (12).

49.      Deuxièmement, la demande de délivrance d’une attestation n’est pas subordonnée à la preuve de l’engagement dans un autre État membre d’une action tendant à faire reconnaître une décision.

50.      Troisièmement, ainsi que le souligne la juridiction de renvoi par sa quatrième question, le choix de la qualification du certificat d’hérédité comme « acte authentique » ou comme « décision » au sens du règlement nº 650/2012 s’exclut mutuellement.

51.      Dans ces conditions, tout doute sur le caractère purement hypothétique des questions et, partant, sur leur recevabilité nous paraît pouvoir être écarté.

B.      Sur le fond

52.      Il convient, selon nous, d’examiner, au préalable, les deuxième et troisième questions préjudicielles ensemble dès lors qu’elles invitent la Cour à préciser si le certificat d’hérédité, délivré par un notaire polonais, peut être qualifié de « décision » rendue par une « juridiction » au sens du règlement nº 650/2012 et que le sort de la première question, comme celui des quatrième et cinquième questions, dépend directement de cette qualification.

1.      Notions de « décision » et de « juridiction »

53.      Il y a lieu de rappeler que la « décision » est définie à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 650/2012 comme toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès.

54.      Dès lors, il convient, d’une part, de souligner que, à la différence de la décision du greffier relative aux frais du procès susceptible de devoir être exécutée dans un autre État membre, visée à cet article (13), aucune précision n’a été apportée sur la certification de la qualité d’héritier, alors qu’elle constitue la base des opérations successorales. Il en résulte, contrairement à ce que soutiennent la juridiction de renvoi et le clerc de notaire, qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération la nature de la décision ou son importance.

55.      D’autre part, il y a lieu de retenir que le législateur de l’Union a fixé deux critères, l’un matériel, l’autre organique.

56.      L’examen du premier de ces critères ne pose aucune difficulté, la Cour ayant jugé, dans l’arrêt Oberle, que les certificats nationaux relèvent du champ d’application du règlement nº 650/2012 en raison de leur objet (14).

57.      En conséquence, il reste à examiner le second critère, énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous g), de ce règlement, à savoir celui tenant à l’organe qui rend la décision, soit une juridiction.

58.      L’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, dudit règlement énonce que « le terme “juridiction” désigne toute autorité judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire [...] ».

59.      Ainsi, sont visées non seulement les autorités dont le statut garantit leur indépendance par rapport aux autres organes de l’État, mais aussi celles qui sont soumises à des exigences équivalentes, en raison des fonctions qu’elles exercent ou de l’intervention de l’autorité judiciaire.

60.      Il en résulte que les notions de « décision » et de « fonctions juridictionnelles » sont étroitement liées ainsi que le corrobore le considérant 22 du règlement nº 650/2012. Il y est énoncé que, « [l]orsque les notaires exercent des fonctions juridictionnelles, ils sont liés par les règles de compétence[ (15)], et les décisions qu’ils rendent devraient circuler conformément aux dispositions relatives à la reconnaissance, à la force exécutoire et à l’exécution des décisions » (16), puis, pour dissiper toute équivoque, que, « [l]orsque les notaires n’exercent pas des fonctions juridictionnelles, ils ne sont pas liés par les règles de compétence juridictionnelle et les actes authentiques qu’ils dressent devraient circuler conformément aux dispositions relatives aux actes authentiques » (17).

61.      Par ailleurs, l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, de ce règlement prévoit que les États membres indiquent à la Commission quelles autorités non judiciaires exercent des fonctions juridictionnelles au même titre que les juridictions.

62.      En l’occurrence, il convient de constater que les autorités polonaises n’ont pas désigné les notaires comme exerçant des fonctions juridictionnelles (18).

63.      Par conséquent, il y a lieu de répondre aux interrogations de la juridiction de renvoi portant sur les conséquences de cette absence de notification, exprimées dans sa troisième question, qui vont déterminer la nécessité de se prononcer sur la notion de « fonctions juridictionnelles », sur laquelle porte sa deuxième question.

2.      Conséquences de l’absence de notification telle que prévue à l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 650/2012

64.      La Cour n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la question de la portée des notifications faites par les États membres conformément aux dispositions du règlement nº 650/2012. Toutefois, une problématique analogue a été examinée en matière de sécurité sociale. Elle portait notamment sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 883/2004, du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (19), tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (20), qui prévoit que les États membres notifient à la Commission les déclarations relatives aux prestations nationales et l’absence de système d’assurance, visé par différentes dispositions du règlement nº 883/2004. Il nous apparaît que la jurisprudence de la Cour en la matière est transposable aux déclarations prévues dans le règlement nº 650/2012, malgré les différences tenant à l’objet des instruments applicables, dès lors qu’elle fait apparaître des bases d’analyse constantes reposant sur des fondements dont il ne paraît pas possible de s’écarter (21).

65.      Ainsi, s’agissant des décisions les plus récentes, il résulte des arrêts du 3 mars 2016, Commission/Malte (22), et du 30 mai 2018, Czerwiński (23), que la Cour a jugé que les déclarations des États membres créent une présomption que les législations nationales déclarées relèvent du champ d’application matériel du règlement nº 883/2004 en cause et que, à l’inverse, la circonstance qu’un État membre s’est abstenu de déclarer une législation nationale au titre de ce règlement ne saurait, par elle-même, établir que cette loi ne relève pas du champ d’application dudit règlement (24). Aussi longtemps que les déclarations faites par un État membre ne sont pas modifiées ou retirées, les autres États membres doivent en tenir compte (25).

66.      La Cour a ajouté que, en cas de doute quant à l’exactitude des déclarations faites par un autre État membre, notamment quant à la qualification à laquelle a pu procéder cet État (26), « une juridiction nationale, saisie d’un litige relatif à une législation nationale, peut toujours être appelée à se pencher sur [cette] qualification [...] dans l’affaire qui lui est soumise et, le cas échéant, à saisir la Cour d’une question préjudicielle y relative » (27).

67.      En outre, si la qualification doit être faite par la juridiction nationale concernée, de manière autonome, la déclaration faite par l’autorité nationale compétente ne lie pas cette juridiction (28). Il en va de même, selon nous, en cas d’absence de déclaration.

68.      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, nous proposons à la Cour de dire, en réponse à la troisième question préjudicielle, que l’absence de notification, telle que prévue à l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 650/2012, par la République de Pologne relative à l’exercice par les notaires de fonctions juridictionnelles ne revêt pas un caractère définitif.

69.      En conséquence, il convient d’examiner la deuxième question de la juridiction de renvoi par laquelle celle-ci demande, en substance, si le règlement nº 650/2012 doit être interprété en ce sens que, en Pologne, les notaires agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par le droit national dans la procédure d’établissement de certificat d’hérédité exercent des fonctions juridictionnelles.

3.      Notion de « fonctions juridictionnelles »

70.      Les gouvernements espagnol et hongrois considèrent que le terme « juridiction » employé dans le règlement nº 650/2012 couvrirait non seulement les juridictions au sens strict, selon l’expression utilisée au considérant 20 de ce règlement, mais également, de manière générale, toute autorité lorsqu’elle exerce une fonction dans des conditions équivalentes, ce qui serait le cas, en l’occurrence, du notaire délivrant un certificat d’hérédité conformément au droit polonais. Pour sa part, la Commission, à l’instar de la République de Pologne, soutient un avis contraire, tout en ayant précisé, lors de l’audience, eu égard aux motifs de l’arrêt Oberle, que, pour les autorités non judiciaires, ce terme vise uniquement les procédures contentieuses.

71.      La notion de « fonctions juridictionnelles » doit, selon une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, faire l’objet d’une interprétation autonome et uniforme, qui doit tenir compte non seulement du libellé de l’article 3 du règlement nº 650/2012, mais aussi de l’économie générale et de la finalité de ce règlement (29).

a)      Le libellé

72.      Il convient, en premier lieu, de souligner la singularité de la notion de « juridiction » dans le règlement nº 650/2012. En effet, ainsi qu’il ressort du point 4.1., article 2, de l’exposé des motifs de la proposition de la Commission (30), « [l]e concept de juridiction utilisé dans le présent règlement est pris au sens large et comprend d’autres autorités lorsque celles-ci exercent une fonction relevant de la compétence des juridictions, notamment par voie de délégation, ce qui inclut notamment les notaires et les greffiers ».

73.      Ainsi, contrairement, par exemple, aux règlements nºs 805/2004 et 1215/2012, qui ne contiennent aucune disposition générale sur ce point (31), le règlement nº 650/2012 précise, à son article 3, paragraphe 2, premier alinéa, que le terme « juridiction » (32) englobe non seulement les autorités judiciaires, mais également toute autre autorité compétente en matière de successions qui exerce des fonctions juridictionnelles et qui satisfait à certaines conditions qu’énumère cette même disposition (33).

74.      Cette condition relative aux fonctions exercées par des autorités non judiciaires est à rapprocher de la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, « concernant les fonctions des notaires, [il existe] de[s] différences fondamentales entre les fonctions juridictionnelles et les fonctions notariales » (34).

75.      Les critères de qualification des fonctions exercées sont énumérés à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement nº 650/2012, à savoir « ces autres autorités et professionnels du droit [doivent] offr[ir] des garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit de toutes les parties à être entendues, et [...] les décisions qu’ils rendent en vertu du droit de l’État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions :

a)      [doivent pouvoir] faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire ou d’un contrôle par une telle autorité ; et

b)      [doivent avoir] une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même matière. »

b)      L’économie générale du règlement nº 650/2012 et l’objectif poursuivi

76.      Les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement nº 650/2012 garantissent le respect du principe de confiance mutuelle dans l’administration de la justice dans les États membres de l’Union qui sous-tend l’application des dispositions de ce règlement relatives à la reconnaissance et l’exécution des décisions dans un autre État membre, inspirées du règlement (CE) nº 44/2001 (35).

77.      Ces conditions fondent la différence de régime juridique applicable à la circulation des « décisions » et des « actes » dans les États membres, qui a été clarifiée, spécialement, à l’article 59 du règlement nº 650/2012 (36).

78.      Par conséquent, outre la condition d’impartialité, le critère fonctionnel à retenir est, selon nous, celui du pouvoir, conféré à l’autorité compétente, de trancher un éventuel litige (37) ou de statuer de sa propre autorité sur la base de son appréciation, qui justifie le respect de principes procéduraux fondamentaux, dont celui du contradictoire, ainsi que l’existence de voies de recours, lesquels garantissent la libre circulation des décisions, selon la jurisprudence constante de la Cour (38). Pour ces motifs, nous considérons qu’il n’y a pas lieu de déroger à cette interprétation, en matière de successions, qui doit s’appliquer aux décisions contentieuses ou gracieuses (39).

79.      Dès lors, s’agissant des autorités non judiciaires visées dans le règlement nº 650/2012, le seul critère utile est celui de l’exercice d’un pouvoir décisionnel (40). En d’autres termes, la compétence de l’autorité non judiciaire en cause ne doit pas dépendre de la seule volonté des parties. En effet, dans un tel cas, quand bien même cette autorité devrait procéder à des vérifications, son rôle consiste à enregistrer l’accord de celles-ci et à les renvoyer devant l’autorité judiciaire en cas de difficultés (41).

80.      Le constat du fondement consensuel de la procédure dont le corollaire est l’absence de voies de recours conduit à devoir écarter toute discussion sur l’équivalence des effets de l’acte délivré à ceux d’une décision rendue par une autorité judiciaire, au sens de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), du règlement nº 650/2012, dès lors que les critères de qualification fixés à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, de ce règlement sont cumulatifs.

81.      Ainsi, nous proposons une interprétation qui peut être rapprochée de celle résultant de l’arrêt Oberle, rendu par la Cour très récemment. Celle-ci requiert cependant certaines précisions terminologiques.

82.      Dans cette affaire, relative à la compétence d’une juridiction allemande pour délivrer un certificat d’hérédité de portée limitée à la partie de la succession située en Allemagne, la Cour a privilégié non pas la nature ou l’importance des constatations relatives à la qualité d’héritier pour le déroulement ultérieur des opérations de successions, mais la centralisation dans un seul État membre des procédures, dont une juridiction, au sens strict, avait été saisie, « indépendamment de la nature contentieuse ou gracieuse de[s] procédures » (42).

83.      Elle a dit pour droit que « la règle de compétence [internationale des juridictions des États membres relative aux procédures visant des mesures portant sur l’ensemble de la succession (43)] énoncée à [l’]article 4 [du règlement nº 650/2012] vise également les procédures n’aboutissant pas à l’adoption d’une décision juridictionnelle » (44). La Cour s’est déterminée en ce sens au regard de l’objectif poursuivi par le règlement nº 650/2012, à savoir celui d’éviter un morcellement de la succession (45).

84.      Nous en tirons deux enseignements. D’une part, la Cour a privilégié le critère organique, celui de la qualité de l’autorité compétente qui avait délivré le certificat successoral, et non le critère fonctionnel tenant à la nature de la procédure, dès lors qu’il s’agissait de la juridiction susceptible d’être compétente en cas de contestation en matière de successions (46). Il en résulte que le critère décisif pour l’analyse des fonctions de l’autorité non judiciaire reste celui de l’exercice d’un pouvoir décisionnel quelle que soit la nature de la procédure, contentieuse ou gracieuse.

85.      D’autre part, ainsi que les débats lors de l’audience l’ont confirmé, il convient d’être vigilant, en raison de cette dualité des procédures visée dans le règlement nº 650/2012, sur les conditions d’utilisation de l’expression « fonctions juridictionnelles ». En effet, dans l’arrêt Oberle, au point 38, la Cour a choisi cette expression en l’opposant à la procédure nationale de nature gracieuse. Au point 40 de cet arrêt, dans le même contexte, la Cour a utilisé l’expression « le fait d’adopter une décision de nature exclusivement juridictionnelle ». En outre, au point 42 dudit arrêt, après avoir fait référence à des déclarations successorales reçues par des juridictions, elle a retenu que « la règle de compétence énoncée à [l’]article 4 vise également les procédures n’aboutissant pas à l’adoption d’une décision juridictionnelle » (47), expression généralement comprise comme recouvrant l’existence d’un litige, notamment en cas d’examen de la recevabilité d’une demande préjudicielle (48).

86.      En conséquence, nous préconisons, dans le droit fil de nos explications précédentes, que l’expression « fonctions juridictionnelles » vise tant les procédures contentieuses que gracieuses, pour autant que ces dernières ne reposent pas sur la seule volonté des parties.

87.      En tout état de cause, la portée de l’arrêt Oberle doit être limitée à la question de la compétence internationale des juridictions qu’il a tranchée en donnant toute son ampleur à l’apport majeur du règlement nº 650/2012, à savoir celui de mettre fin à la disparité des chefs de compétence en matière de successions. En effet, si cette décision ne doit pas être réservée aux autorités judiciaires, ses motifs n’autorisent pas, cependant, à considérer que la Cour a entendu modifier cette notion de « fonctions juridictionnelles » en l’étendant aux actes ayant pour effet d’enregistrer une manifestation de volonté privée.

88.      En d’autres termes, cet arrêt ne préfigure pas une conception élargie de la notion de « décision » susceptible d’être corrélée à celle de la notion de « juridiction », qui serait particulière en matière de successions.

89.      Partant, il ne peut être déduit dudit arrêt portant sur une procédure non contentieuse que toute autorité non judiciaire qui délivre des certificats d’hérédité, en l’absence de contestation, rend des décisions comme une juridiction au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 650/2012.

90.      De même, il ne peut être tiré argument, comme le suggère le clerc de notaire polonais, de ce que le terme « décision » est utilisé à l’article 72 du règlement nº 650/2012 relatif au recours qui peut être exercé après qu’un certificat successoral européen a été délivré, dès lors que ce certificat jouit d’un régime juridique autonome, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Oberle (49), et que ce terme est utilisé quelle que soit l’autorité émettrice visée à l’article 67 de ce règlement, qui doit être lu en combinaison avec son article 64.

91.      C’est à la lumière de ces explications qu’il convient désormais de qualifier les fonctions exercées par le notaire polonais lorsqu’il établit un certificat d’hérédité.

4.      Examen des fonctions du notaire polonais au regard des critères dégagés

92.      Ainsi qu’il résulte de nos recherches, selon l’article 4 et l’article 5, paragraphe 1, du code notarial, les notaires gèrent une étude (50) pour leur propre compte et exercent leur activité principale contre rémunération sur la base d’un accord avec les parties, dans la limite d’un barème.

93.      S’agissant des activités notariales en matière de successions, il convient de rappeler, au préalable, que, selon l’article 1027 du code civil, les droits successoraux de l’héritier à l’égard des tiers non successibles sont attestés grâce à une ordonnance de succession ou un certificat d’hérédité. La juridiction de renvoi a exposé (51) que cette alternative avait été créée en 2009 pour les successions non litigieuses.

94.      Ainsi, le notaire ne peut être saisi de la procédure aux fins de certification de la qualité d’héritier qu’en cas d’accord de toutes les parties intéressées (52) ou d’absence de doute (53) sur la compétence des juridictions nationales, le contenu du droit étranger applicable, l’identité de l’héritier et les droits successoraux. Il doit refuser de dresser le certificat d’hérédité, notamment, si tous les successibles n’étaient pas présents lors de l’élaboration du protocole de succession (54). Si plusieurs certificats ont été délivrés, la juridiction compétente pour la succession les annule et rend une ordonnance de succession (55). En vertu de l’article 6691, paragraphe 1, du code de procédure civile, l’existence d’une ordonnance de succession fonde l’annulation d’un certificat d’hérédité déjà enregistré. Par ailleurs, si le certificat produit les mêmes effets que l’ordonnance de succession (56), il n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée (57) et ne peut faire l’objet d’un recours. Il peut seulement être annulé, notamment dans les cas énoncés aux articles 6691 et 679 (58) du code de procédure civile.

95.      Il résulte clairement de ces dispositions que les tâches confiées au notaire en matière successorale sont exercées sur une base consensuelle reposant sur l’existence préalable d’un consentement des parties intéressées ou d’un accord de volonté entre celles-ci et laissent intactes les prérogatives du juge en l’absence d’accord. Elles ne sauraient, en conséquence, être considérées comme participant, en tant que telles, directement et spécifiquement à l’exercice de fonctions juridictionnelles.

96.      En outre, ainsi que la Cour l’a déjà jugé à l’occasion de procédures en manquement (59), cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que le notaire a l’obligation de procéder à la vérification du respect des conditions légalement requises, dont se prévaut le clerc de notaire, dès lors qu’il n’exerce aucun pouvoir décisionnel, hormis celui de refuser d’établir le certificat d’hérédité, ou que les actes établis produisent des effets équivalents à ceux des jugements.

97.      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, nous proposons à la Cour de répondre à la deuxième question de la juridiction de renvoi que l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement nº 650/2012 doit être interprété en ce sens que le notaire qui dresse un certificat d’hérédité à la demande concordante de toutes les parties à la procédure notariale, en vertu des dispositions du droit polonais, ne relève pas de la notion de « juridiction » au sens de ce règlement. Par conséquent, le certificat d’hérédité polonais, dressé par le notaire, ne constitue pas une « décision » au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), dudit règlement, à laquelle doit être jointe l’attestation concernant une décision en matière de successions correspondant au formulaire I figurant à l’annexe 1 du règlement d’exécution nº 1329/2014.

98.      Partant, il n’y a pas lieu de répondre à la première question de la juridiction de renvoi ni à la quatrième, désormais sans objet. Il reste donc à examiner la cinquième et dernière question relative à la qualification de l’acte en cause en tant qu’« acte authentique ».

5.      Qualification du certificat d’hérédité comme « acte authentique »

99.      Selon la définition donnée à l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 650/2012, la qualification d’« acte authentique » résulte de ce que l’authenticité de l’acte porte sur la signature ainsi que sur le contenu de l’acte authentique et a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire par l’État membre concerné.

100. Cette définition, qui est inspirée de celle retenue par la Cour dans l’arrêt du 17 juin 1999, Unibank (60), par référence à l’interprétation de l’article 50 (61) de la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Lugano le 16 septembre 1988 (62), ne reprend pas la condition relative au caractère exécutoire de l’acte (63). Elle figure dans les mêmes termes, à l’article 4, paragraphe 3, sous a), du règlement no 805/2004, à l’article 2, paragraphe 1, point 3, sous a), du règlement (CE) nº 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires (64), à l’article 2, sous c), du règlement nº 1215/2012 et à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2016/1103 du Conseil, du 24 juin 2016, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux (65).

101. Il est précisé au considérant 62 du règlement nº 650/2012 qu’il faut considérer comme une notion autonome l’« authenticité » d’un acte authentique définie comme devant résulter du respect de différentes exigences relatives au formalisme, à la comparution des parties et à la certification, liées aux pouvoirs exercés par l’autorité qui les établit.

102. Ainsi que la Cour l’a jugé, antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement nº 650/2012 et, spécialement, de l’article 3, paragraphe 1, sous i), ii), pour l’application du règlement no 44/2001, le premier critère à vérifier est celui de « l’intervention d’une autorité publique ou de toute autre autorité habilitée par l’État d’origine » (66). Comme pour les décisions, l’objectif poursuivi est de faciliter la circulation de ces actes (67).

103. Le second critère à examiner, énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous i), i), du règlement nº 650/2012, porte sur le rôle de l’autorité publique. Celle-ci ne doit pas se limiter à authentifier les signatures. Elle doit aussi authentifier le contenu de l’acte, ce qui signifie, selon nous, qu’il ne doit pas résulter de simples déclarations ou de manifestations de volonté et que, par voie de conséquence, la responsabilité de l’autorité compétente peut être engagée quant aux énonciations portées dans l’acte.

104. Dès lors, c’est au regard de ces exigences que doivent être examinées les conditions d’authenticité fixées par le droit polonais.

105. En l’occurrence, il est constant, en premier lieu, que, dans l’ordre juridique polonais, les notaires sont habilités à établir des actes authentiques.

106. En deuxième lieu, lors de la délivrance du certificat d’hérédité, le notaire ne se contente pas de recueillir les déclarations concordantes des héritiers. Il procède aussi à des vérifications qui peuvent le conduire à refuser de dresser le certificat d’hérédité (68).

107. En troisième lieu, ce certificat est enregistré et produit, selon l’article 95j du code notarial, les mêmes effets que l’ordonnance de succession définitive.

108. Il en résulte que les conditions dans lesquelles le notaire polonais établit un certificat d’hérédité doivent conduire à qualifier celui-ci d’« acte authentique » au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 650/2012.

109. En conséquence, nous proposons à la Cour de répondre à la cinquième question préjudicielle que l’article 3, paragraphe 1, sous i), de ce règlement doit être interprété en ce sens que le certificat d’hérédité établi par le notaire polonais est un acte authentique dont la délivrance de copie peut être accompagnée du formulaire, visé à l’article 59, paragraphe 1, dudit règlement, correspondant à celui qui figure à l’annexe 2 du règlement d’exécution nº 1329/2014.

V.      Conclusion

110. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Sąd Okręgowy w Gorzowie Wielkopolskim (tribunal régional de Gorzów Wielkopolski, Pologne) de la manière suivante :

1)      L’absence de notification, telle que prévue à l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (UE) nº 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, par la République de Pologne relative à l’exercice par les notaires de fonctions juridictionnelles ne revêt pas un caractère définitif.

2)      L’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement nº 650/2012 doit être interprété en ce sens que le notaire qui dresse un certificat d’hérédité à la demande concordante de toutes les parties à la procédure notariale, en vertu des dispositions du droit polonais, ne relève pas de la notion de « juridiction » au sens de ce règlement. Par conséquent, le certificat d’hérédité polonais, dressé par le notaire, ne constitue pas une « décision » au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), dudit règlement à laquelle doit être jointe l’attestation concernant une décision en matière de successions correspondant au formulaire I figurant à l’annexe 1 du règlement d’exécution (UE) nº 1329/2014 de la Commission, du 9 décembre 2014, établissant les formulaires mentionnés dans le règlement nº 650/2012.

3)      L’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 650/2012 doit être interprété en ce sens que le certificat d’hérédité établi par le notaire polonais est un acte authentique dont la délivrance de copie peut être accompagnée du formulaire, visé à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement, correspondant à celui qui figure à l’annexe 2 du règlement d’exécution nº 1329/2014.


1      Langue originale : le français.


2      JO 2012, L 201, p. 107.


3      JO 2014, L 359, p. 30.


4      Voir, s’agissant de la diversité des certificats successoraux nationaux dans les différents États membres et de leur définition, conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89, points 23 à 25). Dans le règlement nº 650/2012, à l’article 62, paragraphe 3, relatif au certificat successoral européen, est utilisée l’expression « documents internes utilisés à des fins similaires dans les États membres ».


5      Voir point 62 des présentes conclusions.


6      Dz. U. nº 22, position 91.


7      Dz. U. de 2014, position 164.


8      Il résulte des débats lors de l’audience que cette expression résultant de la traduction des mots « jurysdykcja krajowa » est généralement utilisée pour faire référence aux critères de compétence internationale d’une juridiction polonaise qui doit être distinguée de la compétence interne « właściwość ».


9      Il convient d’observer que WB a fait le choix de ne pas solliciter la délivrance d’un certificat successoral européen qui a été conçu précisément pour répondre aux besoins des héritiers de prouver facilement leur statut ou leurs droits (voir considérant 67 du règlement nº 650/2012). Ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt du 21 juin 2018, Oberle (C‑20/17, ci-après l’« arrêt Oberle », EU:C:2018:485, point 47), le recours à ce certificat n’est pas obligatoire et celui-ci ne se substitue pas aux documents nationaux. Dans ses observations écrites déposées peu après l’arrêt du 1er mars 2018, Mahnkopf (C‑558/16, EU:C:2018:138), le clerc de notaire a fait valoir que cette affaire illustre les difficultés d’interprétation sur l’étendue des droits des héritiers qui doivent parfois être surmontées et font ainsi privilégier ces documents nationaux.


10      Point 32 de l’arrêt Oberle. Voir, spécialement, s’agissant du terme « transfrontière », libellé des considérants 7 et 67, visés à ce point.


11      Point 30 de l’arrêt Oberle.


12      À cet égard, il paraît à nouveau pertinent d’opérer un rapprochement avec le mandat d’arrêt européen ainsi que nous l’avions proposé au point 32 de nos conclusions dans l’affaire Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2016:654). En outre, avant l’arrêt Oberle, le débat sur le champ d’application du règlement nº 650/2012 pouvait légitimement fonder la crainte de ne pas voir reconnus les effets d’un certificat national.


13      La fixation par le greffier du montant des frais du procès est qualifiée de « décision » parce que « le greffier agit en tant qu’organe de la juridiction qui a connu du fond de l’affaire et que, en cas de contestation, un organe juridictionnel proprement dit statue sur les frais » [arrêt du 2 juin 1994, Solo Kleinmotoren (C‑414/92, EU:C:1994:221, point 16)].


14      Point 30 de l’arrêt Oberle.


15      Voir, également sur ce point, considérant 21.


16      Italique ajouté par nos soins.


17      Italique ajouté par nos soins.


18      La liste par pays des autres autorités et professionnels du droit, assimilés à une juridiction, notifiés à la Commission, est accessible à l’adresse Internet suivante : https://e-justice.europa.eu/content_succession-380-fr.do?clang=fr. Par ailleurs, l’hypothèse d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle de celle-ci n’est pas évoquée dans les présentes conclusions, dès lors qu’elle n’est pas invoquée.


19      JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1.


20      JO 2012, L 149, p. 4, ci-après le « règlement nº 883/2004 ».


21      En revanche, contrairement à ce que soutient Wautelet, P., dans Bonomi, A., et Wautelet, P., Le droit européen des succession, Commentaire du règlement (UE) nº 650/2012, du 4 juillet 2012, 2e éd., Bruylant, Bruxelles, 2016, point 71, note en bas de page 89, p. 173, nous ne pensons pas qu’un rapprochement puisse être opéré avec les dispositions du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2000, L 160, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 603/2005 du Conseil, du 12 avril 2005 (JO 2005, L 100, p. 1) (ci-après le « règlement nº 1346/2000 »), ni avec l’arrêt du 21 janvier 2010, MG Probud Gdynia (C‑444/07, EU:C:2010:24, point 40). En effet, l’annexe A du règlement nº 1346/2000 contient la liste des procédures auxquelles ce règlement s’applique et fait partie intégrante de celui-ci. Il en est de même de l’article 4, point 7, du règlement (CE) nº 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO 2004, L 143, p. 15), et de l’article 3 du règlement (UE) nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), dont la Cour a déduit que, ces articles portant spécifiquement sur les autorités qu’ils mentionnent ou énumèrent, les notaires en Croatie n’en relèvent pas [voir arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199, point 34), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 46)].


22      C‑12/14, EU:C:2016:135.


23      C‑517/16, EU:C:2018:350.


24      Voir arrêt du 30 mai 2018, Czerwiński (C‑517/16, EU:C:2018:350, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).


25      Voir arrêt du 3 mars 2016, Commission/Malte (C‑12/14, EU:C:2016:135, point 39).


26      Voir arrêt du 30 mai 2018, Czerwiński (C‑517/16, EU:C:2018:350, point 36 et jurisprudence citée).


27      Arrêt du 30 mai 2018, Czerwiński (C‑517/16, EU:C:2018:350, point 37 et jurisprudence citée).


28      Voir arrêt du 30 mai 2018, Czerwiński (C‑517/16, EU:C:2018:350, points 38 et 39).


29      Voir arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199, point 32), et du 1er mars 2018, Mahnkopf (C‑558/16, EU:C:2018:138, point 32).


30      Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen [COM(2009) 154 final]. Voir, également, considérant 20 du règlement nº 650/2012.


31      À rapprocher des arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199, point 35), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 48). Voir, également, précisions sur les différentes versions linguistiques figurant dans les conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2016:825, points 68 et 71).


32      Voir, pour un exposé détaillé de la diversité des définitions de la notion de « juridiction », nos conclusions dans l’affaire Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2016:654, point 67 et suiv.).


33      Voir, à cet égard, arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199, point 35), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 48), ainsi que considérant 20 du règlement nº 650/2012.


34      Arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 47 et jurisprudence citée).


35      Règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1). Voir, s’agissant de la genèse du règlement nº 650/2012, proposition de règlement citée à la note en bas de page 30 des présentes conclusions, spécialement, point 4.4. de l’exposé des motifs. Voir, également, considérant 59 du règlement nº 650/2012 : « À la lumière de l’objectif général du présent règlement qui est la reconnaissance mutuelle des décisions rendues dans les États membres en matière de successions, indépendamment du fait que de telles décisions aient été rendues dans le cadre d’une procédure contentieuse ou gracieuse, le présent règlement devrait fixer des règles relatives à la reconnaissance, à la force exécutoire et à l’exécution des décisions qui soient semblables à celles d’autres instruments de l’Union adoptés dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile. » À cet égard, voir arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199, points 40 à 43), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 54).


36      Voir, par comparaison, libellé de l’article 46 du règlement (CE) nº 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) nº 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1) : « Les actes authentiques reçus et exécutoires dans un État membre ainsi que les accords entre parties exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que des décisions. »


37      À rapprocher de l’arrêt du 2 avril 2009, Gambazzi (C‑394/07, EU:C:2009:219, point 25). Voir, également, nos conclusions dans l’affaire BUAK Bauarbeiter-Urlaubs- u. Abfertigungskasse (C‑579/17, EU:C:2018:863, point 51).


38      Voir arrêt du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199, point 43).


39      À rapprocher de l’arrêt du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a. (C‑456/11, EU:C:2012:719, points 31 et 32). La Cour a relevé, pour l’essentiel, qu’une interprétation restrictive de la notion de « décision » aurait pour conséquence de créer une catégorie d’actes adoptés par des juridictions que les autres juridictions des États membres ne seraient pas tenues de reconnaître et que la qualification de la décision ne doit pas être liée à celle tirée du droit d’un autre État membre.


40      À rapprocher des arrêts du 24 mai 2011, Commission/Autriche (C‑53/08, EU:C:2011:338, point 85), et du 1er février 2017, Commission/Hongrie (C‑392/15, EU:C:2017:73, point 108 et jurisprudence citée).


41      Voir arrêt du 2 juin 1994, Solo Kleinmotoren (C‑414/92, EU:C:1994:221, point 18), nos conclusions dans l’affaire Gothaer Allgemeine Versicherung e.a. (C‑456/11, EU:C:2012:554, point 38), ainsi que conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89, point 74 et commentaires doctrinaux cités). À rapprocher des arrêts du 24 mai 2011, Commission/Autriche (C‑53/08, EU:C:2011:338, point 103), et du 1er février 2017, Commission/Hongrie (C‑392/15, EU:C:2017:73, point 116).


42      Point 44 de l’arrêt Oberle. Au point 38 de cet arrêt, la Cour avait relevé que, selon « la décision de renvoi[,] la procédure de délivrance des certificats successoraux nationaux est une procédure de nature gracieuse et [...] les décisions relatives à la délivrance de tels certificats comportent uniquement des constatations de fait, à l’exclusion de tout élément susceptible d’acquérir force de chose jugée » (italique ajouté par nos soins).


43      Expression tirée du point 44 de l’arrêt Oberle.


44      Point 42 de l’arrêt Oberle.


45      Voir point 56 de l’arrêt Oberle.


46      Un tel critère pourrait être rapproché de la condition figurant à l’article 42, paragraphe 2, sous b), i), du règlement nº 1215/2012 en vue de l’exécution d’une décision ordonnant une mesure provisoire. Le certificat délivré à cette fin par la juridiction d’origine doit attester que cette juridiction est compétente pour connaître du fond.


47      Italique ajouté par nos soins.


48      Voir, pour un rappel de l’évolution de la jurisprudence de la Cour dans le sens d’une interprétation large, nos conclusions dans l’affaire BUAK Bauarbeiter-Urlaubs- u. Abfertigungskasse (C‑579/17, EU:C:2018:863, point 34).


49      Point 46 de cet arrêt.


50      Le terme polonais est « kancelaria ».


51      Sous le point 3 « Dispositions du droit national » de la décision de renvoi (p. 10 de la traduction en langue française).


52      Article 95c, paragraphe 2, sous 1), du code notarial. La juridiction de renvoi précise que la demande de délivrance d’un certificat notarié est réservée aux seuls héritiers qui doivent s’accorder sur le contenu déterminé (p. 10 de la traduction de la décision de renvoi, deux derniers paragraphes).


53      Article 95e, paragraphe 1, du code notarial.


54      Article 95e, paragraphe 2, sous 2), du code notarial.


55      Article 6691, paragraphe 2, du code de procédure civile.


56      Article 95j du code notarial.


57      Articles 363 et suiv. du code de procédure civile, selon les observations écrites du gouvernement polonais.


58      Voir, également, selon la doctrine citée par le gouvernement polonais (« Komentarz do art. 95j Prawa o notariacie », dans Szereda, A., Czynności notarialne. Komentarz do art. 79-112 Prawa o notariacie, Legalis, Varsovie, 2018), autres cas suivants :


-      un certificat d’hérédité a été enregistré pour la succession d’une personne déclarée décédée ou dont le décès a été constaté par ordonnance judiciaire, et cette ordonnance de déclaration ou de constat de décès du défunt a été annulée (article 678 du code de procédure civile) ;


-      à la suite d’une validation définitive par le juge de l’annulation de la déclaration d’acceptation ou de refus de la succession, une modification s’opère quant aux personnes à l’égard desquelles le certificat d’hérédité a été enregistré (article 690, paragraphe 2, du code de procédure civile).


59      Notamment, arrêts du 1er février 2017, Commission/Hongrie (C‑392/15, EU:C:2017:73, points 118 et 121 ainsi que jurisprudence citée), et du 15 mars 2018, Commission/République tchèque (C‑575/16, non publié, EU:C:2018:186, points 124 et 126). Dans cette dernière affaire, la Cour a exposé au point 90 de son arrêt que « [c]et État membre fait valoir, sixièmement, que le notaire, lorsqu’il agit en tant que commissaire judiciaire, doit être vu comme une “juridiction”, au sens du règlement no 650/2012, dans la mesure où, dans l’ordre juridique tchèque, les notaires exercent, pour certaines questions successorales, des fonctions juridictionnelles au même titre que les juridictions. La République tchèque fait observer que, le notaire, dans sa fonction de commissaire judiciaire, étant chargé de la mission de régler les successions, est lié par les règles fixées par ce règlement, dès lors qu’il exerce une fonction juridictionnelle. À ce titre, le notaire remplirait les conditions pour être considéré comme une “juridiction”, au sens de l’article 267 TFUE, et pourrait, en application de cette disposition, saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle relative à l’interprétation dudit règlement. Partant, son activité devrait être considérée comme liée à l’exercice de l’autorité publique aux fins du règlement no 650/2012 ».


60      C‑260/97, EU:C:1999:312, points 16 et 17.


61      Voir, sur ce point, rapport de MM. Jenard et Möller relatif à la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale faite à Lugano le 16 septembre 1988 (JO 1990, C 189, p. 57, point 72).


62      JO 1988, L 319, p. 9.


63      Voir Wautelet, P., dans Bonomi, A., et Wautelet, P., op. cit., point 60, p. 168.


64      JO 2009, L 7, p. 1.


65      JO 2016, L 183, p. 1.


66      Arrêt du 17 juin 1999, Unibank (C‑260/97, EU:C:1999:312, point 15). Voir, également, point 18 de cet arrêt.


67      Voir articles 59 et 60 du règlement nº 650/2012.


68      Voir point 94 des présentes conclusions.