Language of document : ECLI:EU:T:2018:905

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 décembre 2018 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds – Objectifs – Critères d’inclusion des personnes visées ‑ Maintien de la désignation du requérant sur la liste des personnes visées – Base factuelle – Exception d’illégalité ‑ Base juridique – Proportionnalité ‑ Droit à un procès équitable – Présomption d’innocence – Principe de bonne administration – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T‑358/17,

Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, demeurant au Caire (Égypte), représenté par MM. B. Kennelly, QC, J. Pobjoy, barrister, G. Martin, Mme M. Rushton et M. C. Enderby Smith, solicitors,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. J. Kneale et Mme M. Veiga, puis par M. Kneale et Mme A. Sikora-Kalėda, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision (PESC) 2017/496 du Conseil, du 21 mars 2017, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2017, L 76, p. 22), deuxièmement, du règlement d’exécution (UE) 2017/491 du Conseil, du 21 mars 2017, mettant en œuvre le règlement (UE) no 270/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2017, L 76, p. 10), troisièmement, de la décision (PESC) 2018/466 du Conseil, du 21 mars 2018, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2018, L 78I, p. 3), et, quatrièmement, du règlement d’exécution (UE) 2018/465 du Conseil, du 21 mars 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) no 270/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2018, L 78I, p. 1), dans la mesure où ces actes s’appliquent au requérant,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 18 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige et cadre factuel

1        Depuis l’adoption, le 21 mars 2011, de la décision 2011/172/PESC du Conseil, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2011, L 76, p. 63), et du règlement (UE) no 270/2011 du Conseil, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2011, L 76, p. 4), le requérant, M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, est désigné à la première ligne des listes figurant respectivement à l’annexe de cette décision et à l’annexe I de ce règlement (ci-après les « listes litigieuses »). Les informations d’identification le concernant qui y sont mentionnées sont les suivantes : « Ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 04.05.1928 – Homme ».

2        Le motif de désignation du requérant, tel qu’amendé par le rectificatif à ladite décision (JO 2014, L. 203, p. 113), sur les listes litigieuses était initialement le suivant : « Personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire initiée par les autorités égyptiennes pour détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations unies contre la corruption ». Ce motif de désignation a été maintenu lors des prorogations successives de la décision 2011/172, jusqu’à l’adoption de la décision (PESC) 2017/496 du Conseil, du 21 mars 2017, modifiant la décision 2011/172 (JO 2017, L 76, p. 22). Cette dernière décision a modifié ledit motif en ces termes : « Personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de recouvrement d’avoirs initiée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations unies contre la corruption ». Le règlement d’exécution (UE) 2017/491 du Conseil, du 21 mars 2017, mettant en œuvre le règlement no 270/2011 (JO 2017, L 76, p. 10), a introduit une modification identique en ce qui concerne la désignation du requérant à l’annexe I du règlement no 270/2011.

3        Le 21 mars 2018, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision (PESC) 2018/466, modifiant la décision 2011/172 (JO 2018, L 78I, p. 3), et le règlement d’exécution (UE) 2018/465, mettant en œuvre le règlement no 270/2011 (JO 2018, L 78I, p. 1). La décision 2018/466 a prorogé l’application de la décision 2011/172 jusqu’au 22 mars 2019. Par ailleurs, cette décision et le règlement d’exécution 2018/465 ont modifié les motifs de désignation relatifs à certaines personnes dont le nom figure sur les listes litigieuses et ont supprimé de ces listes les mentions relatives à d’autres personnes. Le nom du requérant a été maintenu sur ces listes et le motif de sa désignation est resté inchangé.

II.    Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2017, le requérant a introduit le présent recours.

5        Le 14 août 2017, le Conseil a déposé le mémoire en défense.

6        La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 28 septembre 2017 et le 15 novembre 2017.

7        Le 24 novembre 2017, le requérant a demandé la tenue d’une audience.

8        Le 31 mai 2018, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, le requérant a déposé un mémoire en adaptation.

9        Le 29 juin 2018, le Conseil a présenté des observations sur le mémoire en adaptation.

10      Le 10 septembre 2018, le requérant a présenté, sur le fondement de l’article 88, paragraphe 1, et de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, une demande tendant à l’adoption, par le Tribunal, de mesures d’organisation de la procédure visant à la communication, par le Conseil et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), de certains documents qui n’ont pas été portés à sa connaissance.

11      L’audience de plaidoiries s’est tenue le 18 septembre 2018. Lors de l’audience, le Conseil a conclu au rejet de la demande tendant à l’adoption de mesures d’organisation de la procédure. Les parties ont été invitées à prendre position sur la recevabilité du chef de conclusions du requérant tendant à l’annulation du règlement 2018/465.

12      Dans la requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2017/496 et le règlement d’exécution 2017/491, en tant que ces actes s’appliquent à lui ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

13      Dans le mémoire en adaptation, le requérant conclut, en outre, à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision 2018/466 et le règlement d’exécution 2018/465.

14      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, pour le cas où les décisions 2017/496 et 2018/466 ainsi que les règlements d’exécution 2017/491 et 2018/465 seraient annulés à l’égard du requérant, ordonner que les effets desdites décisions soient maintenus à l’égard de ce dernier jusqu’à ce que l’annulation desdits règlements soit effective.

III. En droit

A.      Sur la demande tendant à l’adoption, par le Tribunal, de mesures d’organisation de la procédure

15      Les mesures d’instruction demandées par le requérant visent, d’une part, à la transmission, par le Conseil, de la demande du SEAE en date du 7 août 2017, visée à la page 1 du mémorandum des autorités égyptiennes du 29 août 2017, ainsi que de la note verbale du SEAE, visée à la page 1 du mémorandum des autorités égyptiennes en date du 20 février 2018, et, d’autre part, à la transmission, par le SEAE, des documents susmentionnés et de toute autre correspondance entre ce service et les autorités égyptiennes, relative au maintien de la désignation du requérant en 2017 et en 2018.

16      Le Conseil, pour sa part, affirme que ces documents ne sont pas en sa possession.

17      À cet égard, il suffit de relever que les documents dont le requérant demande la communication se rapportent aux courriers adressés par le SEAE aux autorités égyptiennes, auxquels il est fait référence dans les mémorandums de ces dernières qui lui ont été fournis et qui ont été versés au dossier. Or le requérant ne conteste pas que c’est sur la base des éléments contenus dans les documents fournis par les autorités égyptiennes, et notamment les mémorandums susmentionnés, que le Conseil s’est fondé pour maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et non sur les demandes contenues dans les notes verbales et les courriers du SEAE, auxquelles ces documents visent à répondre. Il ne conteste pas non plus que le Conseil lui a communiqué tous les documents des autorités égyptiennes le concernant qui étaient en sa possession.

18      Si le requérant affirme que ces courriers et ces notes sont nécessaires pour comprendre la pertinence des mémorandums susmentionnés et vérifier si les questions du SEAE auxquelles ils visaient à répondre prenaient suffisamment en compte les préoccupations qu’il avait exprimées, il résulte néanmoins du contenu de ces mémorandums que la pertinence des éléments qui y figurent pour le maintien de l’inscription du nom du requérant se déduit aisément, sans qu’il soit besoin de recourir à des éléments de contexte. En outre, ces documents suffisent pour apprécier si le Conseil a satisfait, à suffisance de droit, à son obligation de vérifier si les éléments de preuve mis à sa disposition constituaient une base suffisamment solide pour procéder à un tel maintien.

19      Le même raisonnement est applicable en ce qui concerne le reste de la correspondance entre le SEAE et les autorités égyptiennes, relative au maintien de la désignation du requérant en 2017 et en 2018, dont le requérant demande également la communication.

20      Dès lors, il n’y a pas lieu de procéder aux mesures d’organisation de la procédure demandées par le requérant.

B.      Sur le fond

21      Par le présent recours, le requérant demande l’annulation, d’une part, de la décision 2017/496 et du règlement d’exécution 2017/491 (ci-après les « actes de 2017 ») et, d’autre part, de la décision 2018/466 et du règlement d’exécution 2018/465 (ci-après les « actes de 2018 »), en tant que ces actes ont maintenu sa désignation sur les listes litigieuses (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

22      Le requérant soulève cinq moyens à l’appui de son recours. Dans le cadre du premier moyen, il invoque une exception d’illégalité de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2017/496 et 2018/466, et de l’article 2 , paragraphe 1, du règlement no 270/2011. Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens sont tirés, respectivement, de la violation de l’article 6 TUE, en liaison avec les articles 2 et 3 TUE et les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que le Conseil a considéré que les procédures judiciaires en Égypte concernant le requérant respectaient les droits fondamentaux, de la violation des critères généraux de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011, de la violation des droits de la défense, du droit à une bonne administration et du droit à une protection juridictionnelle effective et de la limitation injustifiée et disproportionnée du droit de propriété et du droit à la réputation.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2017/496 et 2018/466, et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

23      Le premier moyen comporte, en substance, deux branches, tirées, d’une part, d’un défaut de base juridique, et, d’autre part, d’une violation du principe de proportionnalité.

a)      Sur la première branche du premier moyen, tirée du défaut de base juridique de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2017/496 et 2018/466, et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

24      Dans le cadre de la première branche, le requérant soutient que, même dans l’hypothèse où l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 aurait pu être fondé sur les objectifs visés au considérant 1 de cette décision à la date de l’adoption de celle-ci, tel n’était plus le cas à la date de l’adoption des actes attaqués en raison de l’évolution du contexte politique et judiciaire égyptien reflétée par les éléments transmis au Conseil avant ces actes. Ainsi, le requérant soutient que cette disposition ne peut plus reposer sur un objectif de soutien aux nouvelles autorités égyptiennes en raison, premièrement, de la destitution de ces autorités intervenue postérieurement à l’adoption de la décision 2011/172 et du règlement no 270/2011, deuxièmement, de l’évolution du contexte politique égyptien, marqué par des violations des droits fondamentaux et de l’État de droit, et, troisièmement, du fait que le Conseil avait pris connaissance d’informations établissant que les autorités égyptiennes ne garantissaient pas un traitement judiciaire de ses affaires juste, impartial et indépendant ni le respect de l’État de droit à son égard.

25      Le Conseil rétorque que la question du caractère approprié de la base juridique de la décision 2011/172 a déjà été tranchée par le juge de l’Union dans l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), confirmé sur pourvoi par l’arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil (C‑220/14 P, EU:C:2015:147), ainsi que dans l’ordonnance du 15 février 2016, Ezz e.a./Conseil (T‑279/13, non publiée, EU:T:2016:78).

26      À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le contrôle de la base juridique d’un acte permet de vérifier si l’auteur de cet acte est compétent et si la procédure d’adoption de cet acte est entachée d’irrégularité. En outre, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte (voir arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 42 et jurisprudence citée ; ordonnance du 15 février 2016, Ezz e.a./Conseil, T‑279/13, non publiée, EU:T:2016:78, point 47).

27      C’est dans ce contexte que, au point 47 de l’ordonnance du 15 février 2016, Ezz e.a./Conseil (T‑279/13, non publiée, EU:T:2016:78), relative à un litige concernant le maintien de la désignation de plusieurs personnes figurant sur la liste annexée à la décision 2011/172, le Tribunal a considéré que les « développements sociaux et juridiques » intervenus depuis la désignation initiale des requérants dans cette affaire ne pouvaient avoir d’incidence que sur le bien-fondé des motifs des actes attaqués et ne pouvaient être examinés dans le cadre du contrôle du choix de la base juridique desdits actes.

28      Force est de constater que ce raisonnement est applicable en l’espèce.

29      En effet, selon la jurisprudence, ainsi qu’il résulte du considérant 1 de la décision 2011/172, cette dernière s’inscrit dans le cadre d’une politique de soutien aux autorités égyptiennes fondée, notamment, sur les objectifs de consolidation et de soutien de la démocratie, de l’État de droit, des droits de l’homme et des principes du droit international énoncés à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE. Elle relève donc, de ce fait, de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 41 et 44 à 47).

30      Il en va de même des décisions 2017/496 et 2018/466 qui se sont bornées à proroger la décision 2011/172 et s’inscrivent dans le cadre de la même politique.

31      Par conséquent, à supposer même que la situation en Égypte au regard de laquelle le Conseil a adopté la décision 2011/172 ait évolué, y compris dans un sens contraire au processus de démocratisation que vise à soutenir la politique dans le cadre de laquelle cette décision s’inscrit, les finalités poursuivies par les décisions 2017/496 et 2018/466 et les règles dont elles prorogent la validité n’en continuent pas moins à relever du domaine de la PESC (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 juin 2016, Parlement/Conseil, C‑263/14, EU:C:2016:435, points 45 à 54).

32      Ces considérations ne sont pas remises en cause par la jurisprudence citée par le requérant, qui n’est pas pertinente.

33      S’agissant, en premier lieu, de l’arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a. (C‑58/08, EU:C:2010:321), il suffit de relever que la Cour n’y a pas examiné la question de savoir si une disposition du traité UE relevant de la PESC constituait une base juridique appropriée, mais celle de savoir si tel était le cas s’agissant de l’article 95, paragraphe 1, CE, ce qui impliquait un examen du contexte général et des circonstances spécifiques du domaine harmonisé par l’acte adopté sur ce fondement tels qu’ils se présentaient au moment de son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, points 32 à 35 et 39 à 47). Le raisonnement de la Cour dans cet arrêt n’est donc pas transposable en l’espèce.

34      S’agissant, en deuxième lieu, des points 191 à 193 de l’arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil (T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207), ils sont relatifs à l’examen par le Tribunal d’un moyen tiré du défaut de motivation et non d’un moyen tiré du défaut de base juridique. Ils ne sont donc pas pertinents.

35      S’agissant, en troisième lieu, du point 110 de l’arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission (T‑190/12, EU:T:2015:222), il y a lieu de relever qu’il doit être lu dans le contexte du raisonnement du Tribunal dans lequel il s’inscrit. Par ce raisonnement, le Tribunal n’a pas cherché à contrôler le bien-fondé des appréciations portées par le Conseil sur l’évolution de la situation au Zimbabwe et sur la nécessité de maintenir les mesures restrictives adoptées au regard de cette évolution, mais seulement à vérifier si, par ces mesures, le Conseil avait entendu poursuivre des finalités relevant de la PESC (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, points 93 à 111).

36      Dans ces conditions, faute, pour le requérant, d’établir un défaut de base juridique des décisions 2017/496 et 2018/466, en tant qu’elles prorogent l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, le grief du requérant tiré d’un défaut de base juridique du règlement no 270/2011 doit lui-même être rejeté par voie de conséquence. En effet, ce grief repose uniquement sur la prémisse implicite que l’illégalité de cette décision, telle que prorogée par les décisions 2017/496 et 2018/466, prive ledit règlement de sa base légale, formée par la décision en cause elle-même.

37      La première branche du premier moyen doit donc être rejetée.

b)      Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2017/496 et 2018/466, et l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

38      Dans le cadre de la seconde branche, le requérant soutient que les éléments qu’il a présentés pour établir le défaut de base juridique de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011 démontrent également le caractère disproportionné de ces dispositions au regard des objectifs poursuivis par le Conseil dans le cadre de cette décision et de ce règlement.

39      Le Conseil conteste cette argumentation.

40      À cet égard, il convient de rappeler que, au regard de la jurisprudence, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition des critères généraux délimitant le cercle des personnes susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives, au regard des objectifs sur lesquels ces mesures reposent et donc, par voie de conséquence, en ce qui concerne la nécessité de proroger l’application de ces critères (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 48).

41      En l’espèce, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer, dans le cadre du présent recours, sur le bien-fondé de la politique de soutien du Conseil au processus de stabilisation politique en Égypte, visée au considérant 1 de la décision 2011/172. Il ne lui appartient pas non plus de substituer son appréciation à celle du Conseil quant au contexte géographique ou politique auquel la décision 2011/172 se rapporte et à la nécessité de la proroger au regard de ce contexte. Cependant, l’hypothèse que, en raison de l’existence de violations graves et systématiques des droits fondamentaux, la prorogation de la décision 2011/172 et le maintien de l’application du règlement no 270/2011 soient manifestement inappropriés au regard des objectifs de la politique de soutien susmentionnée ne peut être exclue, ces objectifs visant la consolidation et le soutien de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Il appartient donc au Tribunal d’examiner si, pour évaluer la nécessité de proroger ou de maintenir ces actes, le Conseil n’a pas manifestement méconnu l’importance et la gravité des éléments relatifs au contexte politique et judiciaire égyptien invoqués par le requérant et s’il était dans l’obligation de procéder, au vu de ces éléments, à des vérifications complémentaires.

42      En premier lieu, le requérant invoque la destitution des « nouvelles autorités égyptiennes » soutenues par le Conseil et les évolutions du contexte politique égyptien survenues ultérieurement.

43      À cet égard, il convient de rappeler que, selon le considérant 1 de la décision 2011/172, cette dernière s’inscrit dans le cadre d’une « [politique de soutien à] une transition pacifique et sans heurts vers la formation d’un gouvernement civil et démocratique en Égypte reposant sur l’État de droit, dans le strict respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

44      Cependant, contrairement au postulat sur lequel repose l’argument du requérant, les termes de ce considérant n’impliquent pas que le Conseil ait dû renoncer à cette politique, dès lors que le premier président de la République élu en Égypte à la suite des événements de février 2011, en l’espèce M. Mohammed Morsi, et les membres du gouvernement qu’il avait formé avaient été démis de leurs fonctions en juin 2013. En tout état de cause, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si cette politique conservait sa pertinence à la suite de la destitution de ces autorités.

45      Par ailleurs, au regard de l’objet du gel des avoirs des personnes visées par la décision 2011/172, ces mesures doivent, en principe, être maintenues jusqu’à l’aboutissement des procédures judiciaires dont les personnes en cause font l’objet en Égypte, en vue de conserver leur effet utile. Par conséquent, leur prorogation ne saurait être remise en cause uniquement en raison des changements successifs de gouvernement intervenus en Égypte depuis l’adoption de ladite décision.

46      Le premier argument doit donc être rejeté.

47      En deuxième lieu, le requérant soutient que le régime politique actuel en Égypte porte atteinte aux principes que la décision 2011/172 vise à promouvoir, à savoir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international. Il se fonde, à cet égard, sur un certain nombre de documents parmi lesquels figurent des déclarations des autorités de l’Union ou effectuées au nom de l’Union, des documents émanant d’organisations internationales, des rapports d’organisations non gouvernementales et des articles de presse.

48      Cependant, d’une part, il convient de relever que, même si ces documents reflètent les préoccupations d’un certain nombre d’observateurs, y compris d’acteurs institutionnels, quant à l’évolution de la situation en Égypte en matière de respect de l’État de droit et des droits fondamentaux, il ne ressort pas de ces documents que cette évolution ait influé sur les procédures judiciaires au regard desquelles ont été établies les listes litigieuses.

49      En particulier, il y a lieu de relever que les déclarations effectuées par des autorités de l’Union ou au nom de l’Union, dont le requérant se prévaut, ne concernent pas ces procédures judiciaires. Par ailleurs, dans le cadre d’une politique visant, notamment, au respect de l’État de droit et des droits fondamentaux en Égypte, l’assistance aux autorités égyptiennes en vue de la lutte contre le détournement de fonds publics n’est pas contradictoire avec l’expression de préoccupations ou de demandes tendant au respect de ces principes par ces autorités elles-mêmes, mais en constitue, au contraire, le complément.

50      Par ailleurs, s’agissant des documents portant spécifiquement sur le fonctionnement du système judiciaire en Égypte, ils ne pouvaient conduire le Conseil à présumer que la capacité des autorités judiciaires égyptiennes à garantir les droits fondamentaux des personnes désignées sur la liste annexée à la décision 2011/172 serait systématiquement compromise.

51      Ainsi, en ce qui concerne le rapport de la commission internationale de juristes, de septembre 2016, intitulé « Egypt’s judiciary : A Tool of Repression, Lack of Effective Guarantee of Independance and Accountability », il y a lieu de relever que ce document se concentre sur le comportement des autorités judiciaires à l’égard des opposants au pouvoir politique ou des personnes considérées comme telles. Il ne concerne pas, en revanche, ce comportement dans le cadre de procédures judiciaires pour des faits de détournement de fonds publics telles qu’en l’espèce.

52      De même, il y a lieu de relever que certains documents produits à l’appui du mémoire en adaptation évoquent le risque d’atteintes à l’indépendance du système judiciaire égyptien en raison d’évolutions législatives récentes concernant le mode de nomination des présidents des juridictions suprêmes égyptiennes.

53      Cependant, l’indépendance d’une juridiction ne s’apprécie pas au regard du seul critère du mode de désignation, mais également à la lumière de la durée du mandat de ses membres, de l’existence d’une protection contre les pressions extérieures et de la question de savoir s’il y a ou non apparence d’indépendance. Par ailleurs, il ne convient pas d’apprécier cette indépendance au regard de telle ou telle notion théorique concernant les limites admissibles à l’interaction entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire, mais de déterminer si, dans une affaire donnée, les exigences résultant de ce principe ont été observées (voir, en ce sens, Cour EDH, 6 mai 2003, Kleyn et autres c. Pays-Bas, CE :ECHR :2003 :0506JUD 003934398, points 190 et 193 et jurisprudence citée).

54      Par conséquent, il ne saurait être exigé du Conseil qu’il présume, sur la seule base des évolutions législatives visées par les documents susmentionnés, un défaut d’indépendance des juridictions compétentes dans l’ensemble des procédures judiciaires au regard desquelles les listes litigieuses ont été établies.

55      D’autre part, pour apprécier la nécessité de proroger le régime de mesures restrictives édicté par la décision 2011/172 et le règlement no 270/2011, il appartient au Conseil de mettre en balance les objectifs de la politique dans le cadre de laquelle cette décision s’inscrit et l’objet même de cette décision. Or, ce régime vise seulement à faciliter la constatation par les autorités égyptiennes des détournements de fonds publics commis et à préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de ces détournements. Il ne peut donc être exclu que sa prorogation conserve une pertinence, y compris dans l’hypothèse d’évolutions politiques et judiciaires défavorables au regard des progrès de la démocratie, de l’État de droit ou du respect des droits fondamentaux.

56      En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté aux points 48 à 54 ci-dessus, les éléments fournis par le requérant ne permettent pas, à eux seuls, de conclure que, en raison des évolutions politiques et judiciaires auxquelles il se réfère, le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux dans le cadre des procédures judiciaires au regard desquelles les listes litigieuses ont été établies serait systématiquement compromis. Par ailleurs, ainsi qu’il résulte des pièces du dossier, les autorités égyptiennes ont fourni au Conseil, dans des mémorandums en date du 12 mars 2015 et du 5 décembre 2016, un certain nombre d’informations sur le cadre juridique au sein duquel ces procédures s’inscrivent. Il en résulte que ce cadre juridique offre des garanties effectives en matière de protection juridictionnelle et, notamment, en matière de voies de recours devant la Cour de cassation égyptienne. Au demeurant, il ressort également des pièces du dossier que plusieurs personnes désignées sur les listes en cause, dont le requérant, ont obtenu l’annulation, par cette juridiction, de certaines des condamnations pénales prononcées contre eux.

57      Le deuxième argument doit donc être rejeté.

58      En troisième lieu, le requérant soutient que ses droits fondamentaux ont été violés, de manière flagrante, par les autorités judiciaires égyptiennes, en particulier dans le cadre d’une affaire relative à l’assassinat de manifestants.

59      À cet égard, des violations des droits fondamentaux du requérant ne sauraient affecter la légalité du régime de mesures restrictives mis en œuvre par la décision 2011/172 et le règlement no 270/2011. En effet, ni les critères fixés à l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision et à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, ni les motifs de désignation des personnes figurant sur les listes litigieuses, à la seule exception des motifs de désignation de l’épouse du requérant tels que modifiés par les actes de 2018, ne subordonnent le gel d’avoirs institué par ce régime aux liens existant entre le requérant et ces personnes. En outre, à les supposer avérées, les violations des droits fondamentaux du requérant ne sauraient constituer, à elles seules, l’indice de l’existence de violations analogues affectant, de manière systématique, l’ensemble des personnes désignées sur les listes annexées à la décision 2011/172 et au règlement no 270/2011. Ainsi, le présent argument n’est pertinent que dans le cadre du deuxième moyen, tiré de la violation, par les actes attaqués, de l’obligation de respecter les droits fondamentaux, et il conviendra donc de procéder à son examen dans ce cadre.

60      Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’a pas démontré le caractère manifestement inapproprié de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2017/496 et 2018/466, et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011, au regard des objectifs de ces actes. Il convient donc de rejeter la seconde branche et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 6 TUE, en liaison avec les articles 2 et 3 TUE et les articles 47 et 48 de la Charte

61      Le deuxième moyen comporte deux branches, tirées, d’une part, de ce que le Conseil a omis de s’assurer que les droits fondamentaux du requérant avaient été respectés et a appliqué une présomption irréfragable de respect, par les autorités égyptiennes, de ces droits fondamentaux et, d’autre part, de ce que le maintien de la désignation du requérant sur les listes litigieuses est manifestement contraire aux objectifs visés au considérant 1 de la décision 2011/172, en raison de la violation de ces droits.

a)      Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de ce que le Conseil a omis de s’assurer que les droits fondamentaux du requérant avaient été respectés et a appliqué une présomption irréfragable de respect, par les autorités égyptiennes, de ces droits fondamentaux

62      Dans le cadre de la présente branche, le requérant fait valoir que, en vertu de l’article 6 TUE, en liaison avec l’article 2 et l’article 3, paragraphe 5, TUE, le Conseil a l’obligation de promouvoir les droits fondamentaux. En l’espèce, selon lui, le Conseil, d’une part, a omis de s’assurer que ses droits fondamentaux avaient été respectés et, d’autre part, s’est fondé sur une présomption irréfragable que les autorités égyptiennes observeraient un tel respect, contrairement aux exigences de la jurisprudence (arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a., C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 105 et 106, et du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 139). Ces exigences seraient confirmées par les points 24 à 26 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583). Selon le requérant, le Conseil commet une erreur de droit en considérant que la jurisprudence relative aux mesures visant à lutter contre le terrorisme n’est pas applicable en l’espèce, dès lors que, comme dans le cadre de ces mesures, le gel de ses avoirs repose uniquement sur des éléments de preuve fournis par les autorités égyptiennes. Or, selon lui, en l’espèce, il est tout particulièrement exposé à des violations de son droit à un procès équitable consacré par les articles 47 et 48 de la Charte, et il a fourni au Conseil, au demeurant, des éléments permettant d’établir que ce droit a été effectivement violé, au moins dans deux des procédures judiciaires dont il fait l’objet en Égypte.

63      Pour sa part, le Conseil rétorque que les principes issus de la jurisprudence citée par le requérant ne sont pas pertinents en l’espèce, en particulier, dans la mesure où ces principes ont été consacrés dans le cadre de litiges relatifs au régime de mesures restrictives instauré par la position commune 2001/931/PESC du Conseil, du 27 décembre 2001, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93).

64      À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que la jurisprudence établit, à l’égard du Conseil, une obligation générale, lorsqu’il adopte des mesures restrictives, de respecter les droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 25 et jurisprudence citée).

65      Or il ne saurait être déduit de la jurisprudence que les caractéristiques du régime instauré par la décision 2011/172 justifieraient une exception à cette obligation générale, qui aurait pour effet d’exonérer le Conseil de toute vérification de la protection des droits fondamentaux des personnes visées par les mesures en cause, qui est assurée en Égypte.

66      En particulier, contrairement à ce que le Conseil laisse entendre dans la duplique, l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), ne saurait être invoqué pour remettre en cause la pertinence des griefs du requérant dans le cadre du présent moyen.

67      À cet égard, dans l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), relatif à un litige portant sur le gel des avoirs d’une personne désignée sur la liste annexée à la décision 2011/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L. 28, p. 62), le Tribunal n’a pas écarté, comme le Conseil l’affirme, l’existence d’une obligation générale, pour ce dernier, de vérifier le respect des droits fondamentaux dans le cadre de la procédure judiciaire tunisienne sur laquelle reposait ledit gel des avoirs.

68      En effet, aux points 64 et 65 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), le Tribunal a considéré que, au regard des obligations du Conseil dans le cadre de la PESC et des objectifs de cette politique de promotion des droits de l’homme et de l’État de droit dans le reste du monde, lesquels sont visés au considérant 1 de la décision 2011/72, il ne pouvait être exclu que le Conseil procède aux vérifications nécessaires, en présence d’éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à un délai raisonnable de jugement (arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, points 64 et 65).

69      Ce raisonnement est, mutatis mutandis, applicable, en l’espèce, en ce qui concerne le droit au procès équitable et au respect de la présomption d’innocence du requérant, le régime de mesures restrictives instauré par la décision 2011/172 étant analogue à celui édicté par la décision 2011/72.

70      Certes, dans l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), le Tribunal n’a pas considéré que le Conseil devait systématiquement procéder, d’office, à la vérification du respect de ces droits dans le cadre de la procédure judiciaire dont le requérant dans cette affaire faisait l’objet en Tunisie. Toutefois, en l’espèce, comme le requérant l’a précisé dans la réplique, il ne soutient pas que le Conseil devrait procéder à une telle évaluation systématique, en vue de la désignation de toute personne concernée ou du maintien de celle-ci sur les listes litigieuses, mais qu’il a l’obligation de le faire, dès lors qu’il a connaissance, avant de prendre de telles décisions, de preuves établissant des violations des droits fondamentaux de la personne en cause. Or, force est de constater que ce raisonnement est compatible avec celui retenu dans ledit arrêt.

71      Par ailleurs, s’il est vrai qu’il existe des différences entre le mécanisme établi par la position commune 2001/931, auquel une partie de la jurisprudence citée par le requérant est relative, et le régime de mesures restrictives instauré par la décision 2011/172, elles ne privent pas, pour autant, les griefs étayés par ces références de toute pertinence.

72      En effet, d’une part, s’agissant du régime instauré par la décision 2011/172, il résulte, certes, de la jurisprudence que l’existence de procédures judiciaires en cours en Égypte peut constituer une base factuelle suffisamment solide pour la désignation des personnes sur les listes litigieuses ainsi que pour le maintien de celle-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 156, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 65 et 68 et jurisprudence citée).

73      Toutefois, les exigences découlant du droit à un procès équitable et au respect de la présomption d’innocence visent, notamment, à garantir qu’une décision telle que celle qui doit être prise à l’issue de ces procédures judiciaires soit fiable et à éviter qu’elle ne soit entachée d’un déni de justice, voire d’arbitraire [voir, en ce sens et par analogie, Cour EDH, 17 janvier 2012, Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, CE :ECHR :2012 :0117JUD 000813909, point 260, et 21 juin 2016, Al-Dulimi et Montana Management Inc. c. Suisse, CE :ECHR :2016 :0621JUD 000580908, points 145 et 146].

74      Par conséquent, les procédures judiciaires en Égypte ne sauraient constituer une base factuelle suffisamment solide lorsque, en raison de violations du droit à un procès équitable et à la présomption d’innocence entachant lesdites procédures, le Conseil peut raisonnablement présumer que la décision prise à l’issue de celles-ci ne sera pas fiable, d’autant plus qu’il ne lui appartient pas, en principe, d’apprécier l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels elles sont fondées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 66 et jurisprudence citée).

75      D’autre part, s’agissant du mécanisme établi par la position commune 2001/931, dans l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 25 et 26), la Cour a considéré que l’exigence prévue à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, selon laquelle l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur la liste litigieuse doit être fondée sur une décision adoptée par une autorité compétente, visait à protéger les personnes ou les entités concernées, en assurant que l’inscription initiale de leur nom sur cette liste n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide. Or, selon la Cour, cet objectif ne peut être atteint que si les décisions des États tiers sur lesquelles le Conseil fonde les inscriptions initiales du nom de personnes ou d’entités sur ladite liste sont adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 25 et 26).

76      Certes, il paraît résulter de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), que, dans le contexte de la position commune 2001/931, l’obligation de vérification du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective revêt, pour le Conseil, un caractère systématique, chaque fois qu’il procède à l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur la liste qui y est annexée, sur la base de la proposition d’un pays tiers (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 26 et 27).

77      En revanche, en l’espèce, comme il a déjà été relevé aux points 68 à 70 ci-dessus, une telle obligation ne peut exister qu’en présence d’informations de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect de tels droits fondamentaux. Toutefois, comme il a également été rappelé, le requérant a lui-même précisé qu’il ne considérait pas que cette obligation devait revêtir un caractère systématique.

78      C’est à la lumière de ces considérations qu’il appartient au Tribunal d’exercer un contrôle, en principe, entier (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 49 et jurisprudence citée) sur la question de savoir si le Conseil a satisfait à son devoir d’examen soigneux et impartial en s’assurant qu’il pouvait considérer comme fiables les procédures judiciaires visant le requérant sur la base des informations à sa disposition ou s’il était nécessaire, pour satisfaire cette exigence, qu’il procède à des vérifications auprès des autorités égyptiennes.

79      En vue de démontrer que le Conseil a violé ses obligations, le requérant soutient qu’il lui a présenté des éléments de preuve relatifs à la violation flagrante de ses droits fondamentaux. Ces éléments de preuve se rapportent à deux des procédures judiciaires dont le requérant a fait l’objet en Égypte, à savoir, d’une part, l’affaire no 3642 de 2011, relative à l’assassinat de manifestants, et, d’autre part, l’affaire no 8897 de 2013, relative à la rénovation de résidences privées de la famille du requérant. Le requérant invoque également les documents relatifs à la situation générale de l’État de droit et des droits fondamentaux en Égypte qu’il a invoqués dans le cadre du premier moyen (voir point 47 ci-dessus).

80      D’une part, en ce qui concerne les documents se rapportant à la situation générale de l’État de droit et des droits fondamentaux en Égypte, il suffit de relever que ces documents ne présentent pas de lien apparent avec la situation concrète du requérant, et plus précisément avec les procédures judiciaires dont il fait l’objet en Égypte. La seule référence à ces dernières, dans une résolution du Parlement européen versée au dossier, ne paraît pas viser à illustrer la violation des droits fondamentaux du requérant par les autorités judiciaires égyptiennes, mais plutôt la différence de traitement dont bénéficie celui-ci par rapport aux opposants politiques. En outre, ces documents ne traduisent pas un caractère systémique des atteintes au droit au procès équitable par les autorités judiciaires égyptiennes tel que le risque que ces atteintes affectent les procédures judiciaires dont le requérant fait l’objet doive être considéré par le Conseil comme plausible.

81      D’autre part, les éléments mis en avant par le requérant en ce qui concerne les violations alléguées de son droit au procès équitable dans le cadre des procédures judiciaires dont il a lui-même fait l’objet n’étaient pas de nature à susciter, de la part du Conseil, des interrogations légitimes.

82      En ce qui concerne la procédure judiciaire dans l’affaire no 3642 de 2011, il y a lieu de relever ce qui suit.

83      Premièrement, le chef de poursuites dans le cadre duquel seraient intervenues les violations alléguées, qui concerne des faits de complicité dans le meurtre de manifestants, ne présente aucun lien apparent avec des faits de détournement de fonds publics tels que ceux visés dans les motifs de désignation du requérant sur les listes litigieuses. Ce chef de poursuites n’était donc pas au nombre des éléments factuels sur lesquels le Conseil pouvait se fonder pour geler les avoirs du requérant et maintenir cette mesure. En outre, à supposer même avérées les violations en cause, le requérant n’indique pas explicitement les motifs pour lesquels le Conseil devait en inférer le risque qu’elles se reproduisent également dans le contexte des procédures judiciaires liées à des faits de détournement de fonds publics dont il fait, par ailleurs, l’objet. Le fait que ces procédures judiciaires aient été ouvertes à son égard à la suite de la cessation de ses fonctions de président de la République et qu’elles portent sur des faits s’étant produits à la date où il exerçait celles-ci ne saurait constituer, par lui-même, un tel motif.

84      Deuxièmement, l’acquittement du requérant dans cette affaire ayant été confirmé à la suite de l’arrêt du 2 mars 2017 de la Cour de cassation égyptienne, les violations alléguées n’ont pu, en tout état de cause, avoir d’incidence sur la détermination finale de la responsabilité pénale du requérant.

85      Troisièmement, s’agissant de la violation alléguée du principe du délai raisonnable, il résulte des éléments fournis par le requérant que, si l’ouverture du procès en révision devant la Cour de cassation égyptienne semble avoir connu un retard certain, la durée totale de la procédure, ouverte en 2011, n’apparaît pas, en tout état de cause, de nature à susciter des interrogations légitimes à cet égard, compte tenu de la complexité de l’affaire, de son importance et des différentes étapes procédurales intervenues.

86      En ce qui concerne les violations qui auraient été commises par la Cour de cassation égyptienne dans son arrêt du 9 janvier 2016 rejetant le pourvoi du requérant et de ses fils dans le cadre de la procédure judiciaire dans l’affaire no 8897 de 2013, force est de constater que de telles violations ne ressortent pas, de manière flagrante, des documents destinés à étayer cette allégation.

87      En particulier, le requérant a produit un mémorandum de l’avocat ayant assuré sa défense devant cette juridiction, qui expose les réponses apportées par cette dernière aux 35 moyens de pourvoi qu’il a soulevés et les raisons pour lesquelles il considère ces réponses comme insuffisantes ou erronées en droit.

88      Cependant, le seul fait que cet avocat n’a pas considéré comme satisfaisantes ces réponses ne saurait révéler une violation du droit au procès équitable du requérant. En effet, le fait que la Cour de cassation égyptienne ait rejeté les moyens de pourvoi du requérant ne saurait être, en elle-même, constitutive d’une telle violation.

89      Ainsi, c’est seulement la question de savoir si cette juridiction a satisfait à son obligation de se livrer à un examen effectif de ces moyens et des arguments et offres de preuves fournis à leur appui qui est pertinente à cet égard, compte tenu du fait que l’obligation de motivation ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 mai 2007, Boldea c. Roumanie, CE :ECHR :2007 :0215JUD 001999702, points 28 et 29).

90      Or il ne résulte pas des documents fournis par le requérant que la juridiction en cause ait omis, de manière flagrante, d’examiner effectivement l’ensemble de ces moyens, en particulier ceux qui sont spécifiquement mentionnés dans le mémoire en adaptation, et d’y répondre à suffisance de droit, quand bien même cette réponse serait succincte.

91      Par ailleurs, si la Cour de cassation égyptienne semble, en réponse à certains de ces moyens, avoir refusé de se prononcer sur l’appréciation par le juge du fond des faits de l’espèce, il convient de relever, à la lumière, notamment, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, que la spécificité du rôle joué par une cour de cassation, dont le contrôle est limité au respect du droit, n’est pas, par lui-même, contraire au droit d’accès à un tribunal, les conditions de recevabilité d’un pourvoi pouvant être plus rigoureuses que celles d’un appel (voir, en ce sens, Cour EDH, 17 avril 2008, Vasilakis c. Grèce, CE :ECHR :2008 :0117JUD 002514505, points 27 et 30).

92      Enfin, le requérant invoque également le traitement contraire au droit à un procès équitable qui résulterait de l’approche du procureur général, dans le cadre de cette affaire, s’agissant de la procédure de conciliation qui a fait suite au prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation égyptienne du 9 janvier 2016. Selon lui, la position du procureur général, selon laquelle la procédure de conciliation entre le requérant et l’État égyptien n’aurait pas abouti au règlement du litige dans l’affaire no 8897 de 2013, serait entachée d’un détournement de pouvoir et répondrait à des objectifs politiques. Elle aboutirait à priver injustement le requérant du bénéfice de cette procédure de conciliation et donc à violer son droit à une procédure équitable.

93      À cet égard, à supposer que les principes relatifs à la violation du droit au procès équitable soient applicables en l’espèce, il ne résulte pas des pièces du dossier que l’approche du procureur général égyptien critiquée par le requérant, même à la supposer erronée, soit entachée d’un détournement de pouvoir ou réponde à des considérations purement politiques.

94      Dans ces conditions, le fait que le procureur général considère que les exigences de la législation égyptienne relatives à la procédure de conciliation ne sont pas remplies en l’espèce, en raison, notamment, de l’incompétence du comité auquel le requérant s’est adressé, ne saurait constituer, par lui-même, une violation du droit du requérant à un procès équitable.

95      Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des éléments mis en avant par le requérant à l’appui de ses allégations relatives à la violation du droit au procès équitable n’était de nature à susciter des interrogations légitimes quant au risque que l’issue des procédures judiciaires dont il fait l’objet soit altérée par de telles violations. Le Conseil n’était donc pas tenu, au regard de ces éléments, de procéder à des vérifications complémentaires, de sorte que la première branche doit être rejetée.

b)      Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de ce que la prorogation de la désignation du requérant est manifestement contraire aux objectifs visés au considérant 1 de la décision 2011/172

96      Comme il a été indiqué au point 58 ci-dessus, le requérant soutient que la violation flagrante de ses droits fondamentaux, notamment de son droit à un procès équitable, est manifestement contraire aux objectifs de la décision 2011/172 et du règlement no 270/2011. Il considère que les éléments qu’il a soumis au Conseil démontrent que ce dernier doit s’attendre à ce que les autorités égyptiennes ne lui offrent pas un traitement équitable, indépendant et impartial dans le cadre des procédures pénales dont il fait l’objet.

97      Cependant, pour que cette argumentation soit accueillie, il est nécessaire que les éléments fournis par le requérant se réfèrent, de manière manifeste, à des violations suffisamment graves du droit au procès équitable pour convaincre le Conseil, au vu de leur seul examen, qu’il ne pouvait plus maintenir davantage le gel des avoirs du requérant, sauf à adopter une décision manifestement inappropriée au regard de ses objectifs. Or, au regard des considérations énoncées aux points 80 à 95 ci-dessus dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, force est de constater que les éléments produits par le requérant ne sauraient satisfaire à ces exigences. En effet, si ces éléments ne soulevaient pas d’interrogations légitimes de nature à justifier que le Conseil procédât à des vérifications auprès des autorités égyptiennes, ils ne pouvaient, à plus forte raison, être de nature à le convaincre, au vu de leur seul examen, de mettre fin au maintien dudit gel des avoirs.

98      Dès lors, il convient de rejeter la seconde branche et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation des critères généraux visés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

99      Selon le requérant, le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que les éléments de preuve dont il disposait pour maintenir sa désignation sur les listes litigieuses respectaient les critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011. En effet, selon lui, il ne fait l’objet d’aucune procédure judiciaire dans les sept affaires mentionnées dans les documents que le Conseil lui a transmis. Par ailleurs, il considère qu’il ne fait l’objet d’aucune procédure de recouvrement des avoirs, du moins en en ce qui concerne des fonds publics détournés. En outre, il affirme que le Conseil ne peut pas non plus se fonder sur les ordonnances de gel d’avoirs mentionnées par les autorités égyptiennes dans le courrier du 22 février 2016. Enfin, il fait valoir qu’il a apporté des éléments solides et pertinents pour remettre en cause les allégations des autorités égyptiennes qui auraient dû être pris en compte par le Conseil, d’autant plus que les courriers de ces autorités seraient entachés d’erreurs manifestes.

100    Le Conseil conteste cette argumentation.

a)      Considérations générales

101    En premier lieu, il convient de rappeler que la notion de détournement de fonds publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011, englobe toute utilisation illicite de ressources qui appartiennent aux collectivités publiques égyptiennes ou qui sont placées sous leur contrôle à des fins contraires à celles prévues pour ces ressources, en particulier à des fins privées et dont il résulte pour ces collectivités un préjudice financier (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 98). Par ailleurs, si cette notion doit recevoir une interprétation autonome, elle vise, à tout le moins, des agissements susceptibles de recevoir la qualification, en droit pénal égyptien, de détournement de fonds publics (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 98).

102    En deuxième lieu, il n’appartient pas, en principe, au Conseil d’examiner et d’apprécier lui-même l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels sont fondées les procédures pénales visant le requérant, mais de vérifier si, comme l’indiquent les motifs de désignation du requérant, ce dernier fait l’objet d’une ou de plusieurs procédures judiciaires en cours relatives à des poursuites pénales pour des faits susceptibles de relever du détournement de fonds publics (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, points 158 et 160, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 65 et 66). L’obligation de vérifier les informations fournies par les autorités égyptiennes et de solliciter, de leur part, des éléments de preuve additionnels ne peut exister pour le Conseil en l’absence d’éléments concrets de nature à susciter, de sa part, des interrogations légitimes concernant l’existence ou le fondement des procédures judiciaires en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 115, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 68).

103    En troisième lieu, c’est à tort que le requérant soutient que les critères visés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011 doivent être interprétés en ce sens qu’il incomberait au Conseil de vérifier si les faits de détournement de fonds publics qui sont en cause dans le cadre des procédures judiciaires le visant sont susceptibles, eu égard à leur montant ou au type de fonds détournés ou au contexte dans lequel ils se sont produits, de porter atteinte à l’État de droit en Égypte.

104    D’une part, une telle limitation de la portée de la notion de détournement de fonds publics ne résulte pas de la jurisprudence rappelée au point 102 ci-dessus. En outre, il convient de rappeler que la Cour a confirmé le raisonnement du Tribunal dans une affaire dans lequel ce dernier avait jugé que le Conseil avait pu, à bon droit, inscrire le nom des requérants en cause dans cette affaire sur les listes litigieuses au seul motif qu’ils faisaient l’objet d’une procédure judiciaire en Égypte présentant un lien, quel qu’il soit, avec des investigations portant sur des faits de détournement de fonds publics (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, points 71 à 73, et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 67, 95 et 97).

105    D’autre part, le requérant ne saurait se référer à la jurisprudence du Tribunal relative aux mesures restrictives édictées dans le cadre des décisions adoptées par le Conseil au regard de la situation en Ukraine. À cet égard, il y a lieu de constater, au regard du considérant 2 de la décision 2014/119/PESC du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26), que le renforcement et le soutien de l’État de droit et du respect des droits de l’homme en Ukraine constituent l’objet du gel des avoirs des personnes identifiées dans cette décision, notamment, comme étant responsables de détournement de fonds publics. C’est dans ce contexte que le Tribunal a pu considérer que le critère d’inscription édicté par cette décision devait être interprété en ce sens qu’il ne visait pas, de façon abstraite, tout acte de détournement de fonds publics, mais qu’il visait plutôt des faits de détournement de fonds ou d’avoirs publics qui, eu égard au montant ou au type de fonds ou d’avoirs détournés ou au contexte dans lequel ils s’étaient produits, étaient, à tout le moins, susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques de l’Ukraine (arrêts du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 91, et du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑348/14, EU:T:2016:508, point 102).

106    En revanche, l’objet de la décision 2011/172 et du règlement no 270/2011 est de contribuer à la lutte des autorités égyptiennes contre le détournement de fonds publics, le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux ne constituant qu’un des objectifs généraux de la politique de soutien du Conseil à l’Égypte dans le contexte de laquelle s’inscrivent, notamment, ces actes. En outre, en contribuant à cette lutte, le gel des avoirs des personnes responsables de détournement de fonds publics ou des personnes associées visées à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011 est présumé être cohérent avec lesdits objectifs généraux. Les principes énoncés par le Tribunal dans les arrêts susmentionnés ne sont donc pas transposables en l’espèce.

107    En quatrième lieu, ainsi qu’il a été indiqué au point 2 ci-dessus, dans le cadre des actes de 2017, le motif initial de désignation du requérant sur les listes litigieuses, relatif à l’existence d’une procédure judiciaire le visant, engagée par les autorités égyptiennes pour détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations unies contre la corruption, a été complété par un second motif relatif à l’existence d’une procédure de recouvrement d’avoirs engagée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics.

108    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, ainsi que l’indique la conjonction de coordination « ou » qui relie les deux motifs de désignation du requérant sur les listes litigieuses, ces motifs sont alternatifs, de sorte que chacun d’eux suffit, en soi, pour fonder la désignation du requérant. Par conséquent, conformément à la jurisprudence, il suffit qu’un seul de ces motifs soit étayé (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

109    Ensuite, le fait que des personnes soient désignées sur les listes litigieuses au motif qu’elles font l’objet d’une procédure de recouvrement des avoirs détournés dans une affaire particulière n’exclut pas qu’elles puissent également y être désignées au motif qu’elles continuent à faire l’objet, dans le cadre de la même affaire, d’une procédure judiciaire.

110    En effet, d’une part, il convient de relever que la notion de procédure judiciaire n’est pas nécessairement limitée, dans son acception courante, à la phase précédant une décision judiciaire statuant de manière définitive sur les demandes des parties. En effet, cette notion peut inclure également la phase postérieure à cette décision visant à son exécution, laquelle phase est susceptible, au demeurant, de nécessiter l’intervention de nouvelles décisions judiciaires ayant pour objet ladite exécution.

111    D’autre part, les critères définis à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011 incluent, certes, des personnes poursuivies pénalement au titre de leur implication, à des degrés divers, dans des faits de détournement de fonds publics égyptiens ainsi que des personnes qui leur sont associées, qui font l’objet de procédures connexes à ces poursuites, mais, ainsi qu’il résulte de leur libellé, ils visent aussi, à plus forte raison, des personnes qui, à l’issue d’une procédure judiciaire, ont été jugées coupables de détournement de fonds publics égyptiens et des personnes ayant été reconnues, par une juridiction pénale, comme étant leurs complices (arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 67, confirmé sur pourvoi par arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, points 71 et 72).

112    Ainsi, une personne désignée sur les listes litigieuses, qui a été jugée responsable de détournement de fonds publics ou complice de tels faits par une décision définitive des juridictions égyptiennes, doit être considérée comme faisant l’objet d’une procédure judiciaire, dès lors que l’exécution de cette décision est toujours en cours. Il en va de même des personnes qui font l’objet d’une procédure judiciaire connexe liée à ladite exécution telle qu’un gel ou une saisie conservatoire de leurs avoirs.

113    En cinquième et dernier lieu, indépendamment de la question de savoir si les informations fournies par les autorités égyptiennes suffisent pour considérer que le requérant fait l’objet d’une procédure judiciaire portant sur des faits de détournement de fonds publics, ces informations, contrairement à ce qu’il soutient, ne traduisent pas une intention délibérée des autorités égyptiennes de transmettre des éléments inexacts, incomplets ou trompeurs. Le seul fait que ces informations puissent contenir des inexactitudes ou des incohérences ne saurait, à lui seul, traduire une telle intention. Au demeurant, c’est au Conseil qu’il appartient d’apprécier, le cas échéant, à la lumière des observations du requérant, la fiabilité de ces informations et, sur cette base, de déterminer s’il peut se fonder sur l’ensemble des procédures mentionnées par ces autorités ou seulement sur certaines d’entre elles.

114    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments du requérant et les éléments factuels qu’il a produits en vue de démontrer que les différentes procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes ne pouvaient servir de fondement aux actes attaqués.

b)      Sur les arguments relatifs à chacune des procédures judiciaires sur lesquelles repose la prorogation de la désignation du requérant sur les listes litigieuses

115    À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans le cadre de sa correspondance avec le requérant, le Conseil n’a pas explicitement indiqué s’il entendait se fonder sur l’ensemble des procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes ou seulement sur certaines. Par ailleurs, le fait que, dans le mémoire en défense, le Conseil se soit référé à seulement trois de ces procédures ne signifie pas automatiquement qu’il n’a pas entendu se fonder sur les autres.

116    À cet égard, au regard de l’interprétation retenue par la jurisprudence du motif de désignation des personnes figurant sur les listes litigieuses (arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, points 72 et 73, et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 92 à 95), il convient de considérer que le Conseil a entendu se fonder sur l’ensemble des procédures judiciaires en cours relatives à des faits de détournement de fonds, dont le requérant faisait l’objet, selon les informations des autorités égyptiennes disponibles à la date d’adoption des actes attaqués. En tout état de cause, il résulte de la jurisprudence que l’existence d’une seule procédure judiciaire en cours relative à des faits qualifiables de détournement de fonds publics peut constituer une base factuelle suffisante pour la prorogation de la désignation du requérant (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 49 et 100).

117    Il convient de commencer l’examen des arguments du requérant par ceux relatifs, d’une part, à l’affaire no 8897 de 2013 et, d’autre part, aux affaires no 53 de 2013 et no 756 de 2012.

1)      En ce qui concerne la procédure judiciaire dans l’affaire no 8897 de 2013

118    En ce qui concerne l’affaire no 8897 de 2013, le requérant soutient qu’il a, depuis le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation égyptienne le 9 janvier 2016, conclu un accord avec les autorités égyptiennes, ratifié par le conseil des ministres le 9 mars 2016, aux termes duquel il a remboursé toutes les sommes détournées et qu’il en a informé le Conseil. Il estime que le règlement de la somme en cause le libère de toute obligation à l’égard de l’État égyptien. Ainsi, le maintien des mesures restrictives contre lui est dépourvu, selon lui, de « base juridique », à la suite de l’abandon des procédures judiciaires dans l’affaire en cause et au regard de l’objet de ces mesures, qui est de permettre le recouvrement des fonds détournés par les autorités égyptiennes. Par ailleurs, en raison de l’absence de caractère pénal desdites mesures restrictives, les sanctions financières restantes ne seraient pas concernées. Il affirme, en outre, que, en raison du remboursement des fonds détournés, le Conseil ne peut pas se fonder sur la demande d’entraide judiciaire présentée par les autorités égyptiennes auprès des autorités du Royaume-Uni, laquelle vise seulement, au demeurant, le fils du requérant. Enfin, dans le mémoire en adaptation, le requérant affirme que son droit à un procès équitable a été violé par l’arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 2016.

119    le Conseil conteste cette argumentation.

120    À cet égard, il résulte du libellé de l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien, dont le requérant a annexé une traduction à la requête, que la procédure de conciliation pénale prévue par ce code comporte trois phases. La première consiste en la conclusion d’un règlement amiable entre un comité d’experts institué par décret et les accusés concernés. La deuxième consiste en la ratification du procès-verbal du règlement amiable par le conseil des ministres. Dans le cadre de la troisième phase, lorsque la conciliation est intervenue après le prononcé d’un jugement définitif et que les accusés ont été placés en détention en exécution de ce jugement, la Cour de cassation égyptienne prononce, sur demande desdits accusés transmise par le procureur général, le sursis à exécution de toutes les peines encourues, si cette juridiction a pu s’assurer que le règlement amiable avait été conclu dans le respect des conditions requises.

121    Or il résulte des éléments fournis par le requérant lui-même que la procédure de conciliation à laquelle il se réfère n’avait pas été menée à son terme à la date d’adoption des actes attaqués. En effet, ces éléments renvoient seulement à l’accomplissement des deux premières phases de cette procédure (conclusion du règlement amiable avec le comité d’experts et ratification de celui-ci par le conseil des ministres).

122    Par ailleurs, le requérant ne soutient pas que la troisième et dernière phase de cette procédure (transmission par le parquet à la Cour de cassation égyptienne et prononcé par cette dernière de l’arrêt de l’exécution de toutes les peines encourues) avait déjà eu lieu à la date d’adoption des actes attaqués. Au demeurant, il n’a fourni aucun élément fiable de nature à indiquer, de manière plausible, que cette phase de la procédure était en cours, et encore moins qu’elle était achevée.

123    En revanche, il ressort de ces mêmes éléments, corroborés par les indications des autorités égyptiennes, que le procureur général égyptien considère que la proposition du requérant et de ses fils de restituer les montants détournés dans l’affaire en cause n’a pas été adressée au comité compétent pour conclure cet accord et qu’il a, pour cette raison, refusé d’ouvrir la troisième phase de la procédure de conciliation susmentionnée (voir le courrier de l’avocat du requérant en date du 16 janvier 2017 adressée au procureur général).

124    Or il n’appartient pas au Conseil de remettre en cause la position des autorités égyptiennes selon laquelle le requérant s’est adressé, dans cette affaire, à un comité incompétent, le requérant, qui se borne à invoquer le détournement de pouvoir, n’ayant, au demeurant, présenté aucun élément de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le fondement de cette position.

125    Il convient d’ajouter que, dans ses écritures, le requérant n’a pas remis en cause l’affirmation du Conseil, dans son courrier en date du 21 mars 2018, selon laquelle il n’a pas mentionné l’introduction d’un recours devant les juridictions égyptiennes pour trancher le litige qui l’oppose au procureur général s’agissant du statut du paiement qu’il a effectué dans le cadre de sa demande de conciliation. À l’audience, l’avocat du requérant, invité à prendre position sur cette question, s’est borné à indiquer qu’il n’avait pas connaissance de l’existence, en droit égyptien, d’une voie de recours permettant de trancher ce litige. Cependant, il n’a fourni aucun élément concret de nature à indiquer qu’il aurait vérifié, notamment auprès des représentants du requérant en Égypte, l’existence ou non d’une telle voie de recours.

126    Par conséquent, le Conseil était en droit de considérer que, dans cette affaire, le requérant continuait de faire l’objet d’une procédure judiciaire au sens indiqué au point 112 ci-dessus, à savoir incluant l’exécution d’une décision judiciaire définitive, pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics.

127    L’argument du requérant selon lequel les sanctions financières qui lui ont été infligées dans le cadre de cette affaire ne justifieraient pas le maintien du gel de ses avoirs dans l’Union, compte tenu du caractère conservatoire de ce dernier, ne saurait remettre en cause ce constat.

128    En effet, il résulte de ce qui précède que le Conseil pouvait considérer, à bon droit, que la procédure de conciliation, qui visait à la restitution des fonds détournés, n’était pas arrivée à son terme. Il pouvait donc logiquement en déduire que l’exécution en cours de la décision prononçant la condamnation du requérant comprenait toujours non seulement le paiement des amendes prévues par cette décision, mais aussi la restitution des montants détournés qu’elle avait ordonnée. La question de savoir si le gel des avoirs du requérant dans l’Union visait à permettre aux autorités égyptiennes non seulement de récupérer le montant des avoirs détournés, mais aussi le montant des sanctions financières infligées à raison des détournements commis, est donc dénuée de pertinence en l’espèce.

129    Pour les raisons exposées aux points 108 à 112 ci-dessus, est également dénuée de pertinence la question de savoir si le Conseil pouvait, à bon droit, considérer que le requérant, dans le cadre de la présente affaire, faisait l’objet d’une procédure de recouvrement d’avoirs engagée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics. En effet, ce motif de désignation du requérant sur les listes litigieuses présentait un caractère surabondant, dès lors que le Conseil pouvait, à bon droit, se fonder sur l’autre motif de désignation, à savoir qu’il faisait l’objet d’une procédure judiciaire en cours.

130    Les arguments du requérant relatifs à l’affaire no 8897 de 2013 doivent donc être rejetés.

2)      En ce qui concerne les procédures judiciaires dans les affaires no 53 de 2013 et no 756 de 2012

131    En ce qui concerne l’affaire no 53 de 2013, d’abord, le requérant soutient qu’il ne fait l’objet d’aucune procédure judiciaire dans cette affaire, les informations des autorités égyptiennes faisant seulement référence à une enquête du procureur général égyptien. Ensuite, les faits mentionnés ne correspondraient pas à des faits qualifiables de détournement de fonds publics au sens de la jurisprudence. Enfin, il aurait remboursé la valeur totale des cadeaux allégués dans cette affaire.

132    Le Conseil conteste cette argumentation.

133    L’affaire no 53 de 2013 porte sur des faits de distribution de cadeaux à des personnes haut placées par un organe de presse appartenant à l’État égyptien, Dar-Al-Tahrir. Les informations des autorités égyptiennes fournies avant les actes de 2017 font référence à l’implication du requérant et des membres de sa famille et indiquent que les investigations du procureur général égyptien sont toujours en cours et n’ont pas encore donné lieu à un renvoi devant une juridiction pénale. Dans le cadre de la réactualisation de ces informations opérée avant l’adoption des actes de 2018, ces autorités ont ajouté qu’ un ordre de paiement d’un montant de 1 398 727 livres égyptiennes (environ 68 500 euros) avait été émis en vue du remboursement des cadeaux.

134    Il convient de rappeler que, conformément aux critères énoncés par la jurisprudence (arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, points 73 et 81, et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 67), le Conseil est en droit, dans le cadre de la décision 2011/172, de prendre en compte des investigations en cours visant à déterminer la responsabilité de la personne en cause dans des faits de détournement de fonds publics, y compris des investigations conduites par le procureur général égyptien, lequel doit être qualifié d’autorité judiciaire.

135    Les investigations dans l’affaire no 53 de 2013, qui étaient toujours en cours lors de l’adoption tant des actes de 2017 que des actes de 2018, constituent donc une procédure judiciaire au sens de la décision 2011/172 et du règlement no 270/2011.

136    Par ailleurs, comme le Conseil le fait valoir, les faits en cause, c’est-à-dire l’achat de biens de consommation de luxe par une entité détenue par l’État égyptien, dont les fonds sont donc susceptibles d’être contrôlés par ce dernier, en vue de les offrir à des hauts responsables de cet État, sont qualifiables de détournement de fonds publics.

137    La circonstance selon laquelle le montant des cadeaux en cause a été remboursé ne saurait remettre en cause la possibilité, pour le Conseil, de se fonder sur ces informations pour adopter les actes attaqués. En effet, c’est aux autorités égyptiennes qu’il appartient de tirer les conséquences des démarches effectuées par le requérant ou pour le compte du requérant pour la poursuite de la procédure judiciaire à son égard.

138    En outre, les avoirs du requérant dans l’Union ne sont pas gelés au motif qu’il aurait été le bénéficiaire supposé de détournements de fonds publics, mais au motif que son implication dans de tels faits, quelle qu’en soit la nature, fait l’objet d’une procédure judiciaire.

139    Enfin, l’affirmation du requérant selon laquelle il conviendrait, pour le Conseil, d’exiger des « documents officiels » prouvant qu’il fait bien l’objet d’une procédure judiciaire dans l’affaire en cause repose uniquement sur la prémisse non étayée que le procureur général aurait fourni, de manière répétée et à dessein, des informations erronées et trompeuses.

140    En tout état de cause, il résulte des pièces du dossier que les autorités égyptiennes ont informé le Conseil de la clôture d’un certain nombre de procédures judiciaires visant le requérant, en particulier dans l’affaire no 756 de 2012 (voir points 142 à 145 ci-après), et que, en ce qui concerne la présente affaire, il a fait procéder à des vérifications auxquelles lesdites autorités ont répondu avant l’adoption des actes de 2018 dans les termes indiqués au point 133 ci-dessus. Le Conseil n’avait donc pas de raison objective de s’interroger sur la fiabilité des informations transmises par ces autorités, notamment en ce qui concerne la question de savoir si la procédure judiciaire en cause était toujours en cours.

141    Il résulte de ce qui précède que, à la date d’adoption des actes de 2017 et de 2018, les éléments relatifs à l’affaire no 53 de 2013, fournis par les autorités égyptiennes, constituaient une base factuelle suffisamment solide pour le maintien de la désignation du requérant sur les listes litigieuses.

142    S’agissant de l’affaire no 756 de 2012, il convient de rappeler que, selon les informations fournies par les autorités égyptiennes avant l’adoption des actes de 2017, le requérant, ses principaux collaborateurs, son épouse, ses fils et ses belles-filles sont soupçonnés d’avoir bénéficié, entre 2006 et 2011, de cadeaux luxueux achetés de manière irrégulière par le journal Al-Arham, dont l’État est propriétaire. Il est également indiqué que le magistrat instructeur à qui l’affaire avait été renvoyée avait récemment décidé de lever les charges à l’encontre des prévenus et de classer l’affaire et que le procureur général égyptien avait fait appel de cette décision. Dans le cadre de la réactualisation de ces informations avant l’adoption des actes de 2018, les autorités égyptiennes ont indiqué que l’affaire avait été clôturée en ce qui concerne les membres de la famille du requérant à la suite du paiement du montant des cadeaux en cause à l’organe de presse susmentionné.

143    Par conséquent, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 134 à 138 ci-dessus, le Conseil était en droit de se fonder sur les investigations en cours dans cette affaire en ce qui concerne les actes de 2017.

144    Le fait que le Conseil n’a pas mentionné cette affaire devant le Tribunal comme étant susceptible d’étayer la désignation du requérant sur les listes litigieuses en 2017 est sans incidence à cet égard. En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 116 ci-dessus, il convient de considérer que le Conseil a entendu se fonder sur l’ensemble des procédures judiciaires en cours relatives à des faits de détournement de fonds, dont le requérant faisait l’objet, selon les informations des autorités égyptiennes disponibles à la date d’adoption des actes attaqués.

145    En revanche, le Conseil ne pouvait plus valablement se fonder sur les éléments relatifs à cette affaire en ce qui concerne les actes de 2018, puisqu’il avait été informé par les autorités égyptiennes, avant de les adopter, que l’affaire avait été classée à l’égard des membres de la famille du requérant à la suite du remboursement de la valeur des cadeaux en cause.

146    Il résulte de ce qui précède que le Conseil était en droit de se fonder, en ce qui concerne les actes de 2017, sur les procédures judiciaires en cours dans les affaires no 53 de 2013 et no 756 de 2012 et, en ce qui concerne les actes de 2018, sur la procédure judiciaire dans la première de ces affaires.

147    Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 116 ci-dessus, le Conseil pouvait se fonder, à suffisance de droit, sur l’existence d’une procédure judiciaire dans l’affaire no 8897 de 2013 pour maintenir sa désignation sur les listes litigieuses tant en 2017 qu’en 2018. En outre et, en tout état de cause, il pouvait également se fonder, à cet égard, ce qui concerne les actes de 2017, sur les procédures judiciaires en cours dans les affaires no 53 de 2013 et no 756 de 2012 et, en ce qui concerne les actes de 2018, sur la procédure judiciaire en cours dans la première de ces affaires. Par conséquent, les arguments du requérant relatifs aux autres procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes doivent être rejetés comme inopérants et il n’est pas nécessaire de les examiner.

148    Le troisième moyen doit donc être rejeté.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit à une bonne administration et du droit à une protection juridictionnelle effective

149    Dans le cadre du présent moyen, le requérant soulève trois griefs. Premièrement, nonobstant le délai écoulé depuis l’adoption de la décision initiale, il soutient qu’il ne s’est vu communiquer aucun élément de preuve sérieux et crédible ni aucun élément de preuve concret au soutien des griefs justifiant les mesures restrictives à son égard. Deuxièmement, il affirme que le Conseil ne l’a pas préalablement informé des « motifs réels » retenus contre lui et ne l’a pas mis en mesure de faire valoir son point de vue préalablement à l’adoption des actes de 2017. En particulier, selon lui, en dépit de ses demandes répétées, le Conseil s’est borné à transmettre des informations émanant des autorités égyptiennes sans préciser leur pertinence pour la prorogation de sa désignation sur les listes litigieuses. Le Conseil n’aurait pas non plus fourni d’explication quant à la portée des notions de procédure de recouvrement d’avoirs et de décision de justice définitive. Troisièmement, il fait valoir qu’il n’y a aucune preuve que le Conseil ait examiné le bien-fondé des motifs allégués avec soin et impartialité en l’absence de réponse de sa part aux éléments à décharge qu’il a présentés antérieurement aux actes attaqués et compte tenu du rejet sommaire de ses arguments dans les courriers du 22 mars 2017 et du 22 mars 2018. En outre, l’absence de documents internes relatifs à l’analyse des informations fournies par les autorités égyptiennes ainsi que le fait que le groupe de travail « Mashreq/Maghreb » avait déjà présenté ses recommandations avant qu’il n’ait pu transmettre ses observations démontrent, à son avis, que le Conseil a simplement entériné ces informations.

150    Le Conseil conteste cette argumentation.

151    Selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent assurer, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, ce qui comprend notamment le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 326, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 97 et 98).

152    En particulier, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision de désigner une personne sur une liste de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés ou de la décision de proroger cette désignation, le respect des droits de la défense exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont dispose cette autorité à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, et ce afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. En outre, lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus contre elle. Enfin, lorsqu’il s’agit d’une décision consistant à maintenir le nom de la personne concernée sur une telle liste, le respect de cette double obligation procédurale doit, contrairement à ce qui est le cas pour une inscription initiale, précéder l’adoption de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 à 113 et jurisprudence citée). En revanche, il résulte de la jurisprudence que, lorsque ladite décision se borne à proroger la désignation de la personne concernée sur une telle liste sans modifier les motifs justifiant ce maintien, le respect de cette double obligation procédurale ne saurait être exigé du Conseil (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, points 26 et 27).

153    Cela étant, le respect du droit d’être entendu suppose que la personne concernée conserve en permanence le droit de présenter des observations, a fortiori lors des réexamens périodiques des mesures restrictives la visant (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 28). Le droit d’être entendu implique également que, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci, l’obligation de motiver la décision en identifiant les raisons individuelles, spécifiques et concrètes, pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que la personne concernée doit faire l’objet de mesures restrictives constituant le corollaire de ce droit (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 88, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 114 et 116).

154    À cet égard, s’agissant du premier grief, d’une part, il résulte des documents versés au dossier par le requérant lui-même que le Conseil lui a transmis, en temps utile, les informations le concernant fournies par les autorités égyptiennes, d’une part, avant l’adoption des actes de 2017 et, d’autre part, avant l’adoption des actes de 2018. Ces informations sont suffisamment détaillées et concrètes en ce qui concerne la nature de la procédure, les faits et les personnes visées, le stade auquel se trouve chacune de ces procédures et elles contiennent, le cas échéant, des éléments de réponse aux observations du requérant sur le fondement desdites procédures (voir, en particulier, les éléments fournis dans les affaires no 8897 de 2013 et no 53 de 2013). Elles lui permettent donc de présenter utilement sa défense. D’autre part, en tant que ce grief vise l’absence d’indices sérieux ou de preuves crédibles de nature à étayer les actes attaqués, il doit être rejeté comme inopérant dans le cadre du présent moyen, dès lors qu’il s’agit là d’une question qui a trait au bien-fondé de ces actes et non à la question de savoir si les droits de la défense ont été respectés lors de leur adoption.

155    S’agissant du deuxième grief, il y a lieu de relever que le fait que le Conseil n’ait pas expressément indiqué au requérant quelle était la pertinence des différentes procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes comme le visant n’a pas d’incidence concrète sur ses droits de la défense. En effet, les motifs de la désignation du requérant figurant sur les listes litigieuses, tels que modifiés par les actes attaqués, le requérant était en mesure de discuter la pertinence desdites procédures judiciaires au regard de ces motifs, ce à quoi il a, au demeurant, procédé dans le cadre du troisième moyen. La seule circonstance que, en l’absence de précisions de la part du Conseil, il ait dû, comme il l’affirme, présenter des observations sur l’ensemble des procédures judiciaires en cause n’a pu affecter ses droits de la défense. Par ailleurs, les notions de procédure de recouvrement d’avoirs et de décision de justice définitive sont suffisamment claires pour lui permettre de présenter ses observations concernant le nouveau motif introduit par les actes de 2017. Le deuxième grief doit donc être rejeté.

156    En ce qui concerne le troisième grief, tout d’abord, il convient de relever que la circonstance que le Conseil n’a pas répondu en détail à l’ensemble des arguments que le requérant a fait valoir dans ses courriers antérieurs à l’adoption de la décision 2017/496 ne signifie pas qu’il ne les a pas examinés à suffisance de droit. Au demeurant, il résulte des courriers du Conseil du 22 mars 2017 et du 21 mars 2018 que ce dernier a répondu, certes de manière succincte, aux principales objections soulevées par le requérant antérieurement aux actes attaqués et, notamment, a présenté sa position en ce qui concerne l’affaire no 8897 de 2013, ainsi que dans le cadre du second de ces courriers, en ce qui concerne l’affaire no 53 de 2013. Il ressort donc de ces courriers que le Conseil a pris en compte les observations du requérant concernant ces deux affaires en vue de l’adoption desdits actes.

157    Ensuite, le fait que le Conseil n’ait pas donné accès au requérant à des documents internes contenant une analyse des informations fournies par les autorités égyptiennes ne signifie nullement qu’une telle analyse n’a pas eu lieu. Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du point 152 ci-dessus, la préservation des droits de la défense du requérant implique seulement que le Conseil lui communique les éléments dont il dispose le concernant et non de lui communiquer, en outre, l’analyse que ses services ont effectuée de ces éléments, sauf dans l’hypothèse où la pertinence et la portée de ces éléments ne se déduiraient pas immédiatement de leur contenu et nécessiteraient des explications, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

158    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, si le respect des droits de la défense exige des institutions de l’Union de permettre aux personnes concernées de faire connaître utilement leur point de vue, il ne peut imposer auxdites institutions d’adhérer à celui-ci (voir arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 126 et jurisprudence citée). Par conséquent, un défaut d’examen soigneux et impartial des informations fournies par les autorités égyptiennes ne peut être déduit du seul fait que le Conseil se soit fondé sur certaines de ces informations, en dépit des observations du requérant tendant à remettre en cause leur pertinence et leur exactitude.

159    En tout état de cause, la question de savoir si le Conseil devait entériner ces informations ou procéder à des vérifications complémentaires se rapporte au bien-fondé des actes attaqués.

160    Enfin, l’argument tiré de la date à laquelle la proposition de prorogation de la désignation du requérant a été présentée par le groupe de travail « Mashreq/Maghreb », à savoir le 20 février 2017, est dénué de pertinence. D’une part, cette proposition constitue un simple acte préparatoire qui ne préjuge pas de la possibilité, pour le Conseil, de prendre en compte les observations ultérieures du requérant dans sa décision finale. D’autre part, s’il est vrai que c’est seulement par son courrier du 9 février 2017 que le Conseil lui a communiqué les informations sur lesquelles il entendait se fonder pour procéder à l’adoption des actes attaqués, le délai dont le requérant disposait était, certes, bref, mais suffisant pour présenter des observations, compte tenu du fait que, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, ces informations constituaient une simple réactualisation d’éléments dont le requérant avait déjà pu prendre connaissance en 2015 et en 2016.

161    Dès lors, aucun des griefs du requérant soulevés dans le cadre du quatrième moyen ne pouvant prospérer, ce moyen doit être rejeté.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une limitation injustifiée et disproportionnée du droit de propriété du requérant et d’une atteinte à sa réputation

162    Selon le requérant, le gel de ses avoirs dans l’Union ne respecterait aucune des deux conditions à la limitation de ses droits, fixées par la jurisprudence, à savoir, d’une part, que ledit gel d’avoirs doit poursuivre un objectif d’intérêt général et, d’autre part, qu’il doit être nécessaire et proportionnel à l’objectif visé.

163    S’agissant de la première condition, il soutient que l’objectif de soutien à l’État de droit en Égypte ne peut pas constituer un objectif crédible du gel de ses avoirs, dès lors que les autorités égyptiennes n’ont entrepris aucune démarche depuis l’année 2011 pour recouvrer ses avoirs dans l’Union, contrairement à ce qu’elles annonçaient dans leur courrier du 22 février 2011, et que le régime égyptien actuel porte atteinte à la démocratie, à l’État de droit, aux droits de l’homme et aux principes du droit international.

164    S’agissant de la seconde de ces conditions, il fait valoir que le gel d’avoirs édicté par le Conseil n’est pas nécessaire dans la mesure où, dans son courrier du 21 février 2011, le gouvernement égyptien avait demandé aux autorités judiciaires de certains États membres de geler les avoirs du requérant et des membres de sa famille. Par ailleurs, il indique qu’il n’y a aucune référence à un transfert de ses avoirs vers les États membres de l’Union dans les procédures judiciaires invoquées par le Conseil. En outre, il affirme que le gel de tous ses avoirs dans l’Union n’est pas la mesure la moins contraignante. Enfin, faute d’avoir entrepris des investigations pour déterminer le montant des fonds détournés depuis l’année 2011, le Conseil ne peut plus, selon lui, se fonder sur les considérations du Tribunal au point 208 de l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93). Dans le cadre du mémoire en adaptation, il soutient que le gel de ses avoirs s’applique depuis sept ans et que sa durée renforce son caractère disproportionné.

165    Le Conseil conteste cette argumentation.

166    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, au regard du large pouvoir d’appréciation du Conseil en l’espèce, seul le caractère manifestement inapproprié de mesures restrictives, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter leur légalité. Ce large pouvoir d’appréciation doit être reconnu au Conseil, y compris pour la détermination de la nature et de la portée de ces mesures. Par ailleurs, il y a lieu également de rappeler que le droit de propriété et la liberté d’entreprise constituent des droits fondamentaux qui ne sont cependant pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au droit d’exercer librement une activité professionnelle, tout comme à l’usage du droit de propriété, en particulier dans le cadre d’une décision ou d’un règlement du Conseil prévoyant des mesures restrictives, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 154 à 156 et jurisprudence citée). Le même raisonnement s’applique, mutatis mutandis, au droit à la protection de la réputation du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115).

167    En premier lieu, il convient d’examiner les arguments remettant en cause le fait que le maintien du gel des avoirs du requérant réponde à l’objectif de soutien de l’État de droit en Égypte.

168    S’agissant de l’argument du requérant relatif à la prétendue absence de mesures de la part des autorités égyptiennes en vue de recouvrer les avoirs détournés, il convient de prendre en compte seulement les procédures judiciaires sur lesquelles le Conseil pouvait se fonder pour la prorogation de la désignation du requérant. À cet égard, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013, les procédures judiciaires dans ces affaires n’ont pas abouti à une décision statuant définitivement sur la responsabilité du requérant concernant le détournement de fonds publics. Par ailleurs, en ce qui concerne l’affaire no 8897 de 2013, le requérant a reconnu dans le cadre du troisième moyen que les autorités égyptiennes avaient effectué une demande d’entraide judiciaire, à tout le moins auprès des autorités du Royaume-Uni en vue du recouvrement des fonds détournés.

169    S’agissant de l’argument du requérant tiré de la situation politique actuelle en Égypte, il suffit de rappeler que, pour les raisons énoncées aux points 80 à 95 et 97 ci-dessus, l’argumentation du requérant, dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, tirée du caractère manifestement inapproprié du gel de ses avoirs, au regard des objectifs de la décision 2011/172 et du règlement no 270/2011, doit être rejetée.

170    Par conséquent, le requérant n’établit pas que la condition selon laquelle le gel de ses avoirs doit poursuivre un objectif d’intérêt général, à savoir, en l’espèce, l’objectif de soutien de l’État de droit en Égypte, ne serait pas remplie.

171    En second lieu, il convient d’examiner les arguments tirés de l’absence de nécessité et de proportionnalité du gel des avoirs du requérant dans l’Union.

172    Tout d’abord, le gel des avoirs du requérant constitue une mesure autonome visant à réaliser les objectifs de la PESC et non une mesure visant à répondre à une demande d’assistance judiciaire des autorités égyptiennes (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 151 et jurisprudence citée, et du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 146). La question de savoir si des mesures prises par les autorités judiciaires d’États membres seraient mieux à même de répondre à la demande d’assistance des autorités égyptiennes et de mieux protéger les droits fondamentaux du requérant est donc dénuée de pertinence.

173    En tout état de cause, en ce qu’il s’applique à l’ensemble du territoire du l’Union, ledit gel de fonds est, à l’évidence, mieux à même de garantir l’intégrité des avoirs visés qu’une pluralité de décisions prises individuellement par des autorités nationales.

174    En outre, cette mesure, qui est temporaire et réversible, est soumise à certaines limitations et dérogations visant à préserver la substance du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre du requérant et fait l’objet d’un contrôle, en principe, complet de la part des juridictions de l’Union, au regard des droits fondamentaux et, notamment des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

175    S’agissant du droit à la réputation, d’une part, il suffit de constater que les motifs de la désignation du requérant à l’annexe de la décision 2011/172 et du règlement no 270/2011 ne mentionnent pas les circonstances concrètes des faits qui font l’objet des procédures judiciaires ou des procédures de recouvrement d’avoirs visant le requérant, mais se bornent à mentionner la qualification pénale de ces faits retenue par les autorités égyptiennes. D’autre part, le Conseil s’est limité à mentionner l’existence de telles procédures sans se prononcer sur la question de savoir la culpabilité du requérant était établie ou non (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 juillet 2018, Klyuyev/Conseil, T‑240/16, non publié, EU:T:2018:433, point 182). L’atteinte à la réputation du requérant n’excède donc pas ce qui est strictement nécessaire aux fins du respect de l’obligation de motivation.

176    Dès lors, le requérant n’établit pas que la protection de ses droits serait mieux assurée si le gel de ses avoirs était décidé par les autorités judiciaires des États membres.

177    Ensuite, il résulte de la jurisprudence que la circonstance que les procédures judiciaires dont le requérant fait l’objet en Égypte ne se réfèrent pas à des faits de détention d’avoirs illicites dans l’Union est dénuée d’incidence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 57 et jurisprudence citée).

178    Enfin, s’agissant du caractère disproportionné du gel d’avoirs litigieux, il a été itérativement jugé qu’un gel partiel des avoirs d’une personne telle que le requérant dans l’Union ne permettrait pas de répondre à l’objectif visé (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 233, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 161).

179    Par ailleurs, ainsi qu’il résulte des point 174 et 175 ci-dessus, le gel des avoirs du requérant ne porte pas atteinte à la substance de ses droits fondamentaux.

180    En outre, à supposer même que le Conseil soit en mesure de déterminer le quantum des montants détournés entrés dans le patrimoine du requérant, cette circonstance ne saurait justifier, pour autant, la limitation du gel des avoirs du requérant dans l’Union à une partie de ces avoirs. En effet, la mise en œuvre d’une telle mesure suppose que le Conseil soit à même de déterminer le montant des avoirs détenus par le requérant dans chacun des États membres, ce qui implique la mise en œuvre d’une coopération policière et judiciaire qui, d’une part, relève de la compétence desdits États membres et, d’autre part, n’entre pas dans le champ d’application d’actes à caractère conservatoire et dénués de caractère pénal, tels que les actes attaqués. Dès lors, même dans l’hypothèse où ne serait pas applicable en l’espèce le raisonnement du Tribunal au point 208 de l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), selon lequel, à la date d’adoption de la décision 2011/172 et du règlement no 270/2011, le Conseil ne pouvait pas connaître le montant des éventuels détournements de fonds publics commis par la première partie requérante dans cette affaire, cette circonstance serait sans incidence sur la proportionnalité des actes attaqués.

181    Il convient d’ajouter que, au regard des circonstances particulières propres aux procédures judiciaires, sur lesquelles le Conseil pouvait se fonder (voir point 147 ci-dessus), la durée de ces procédures n’apparaît pas manifestement excessive. Il en va donc de même du gel des avoirs du requérant dans l’Union.

182    Par conséquent, le requérant n’établit pas que le gel de ses avoirs dans l’Union ne serait pas nécessaire ou serait disproportionné.

183    Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

184    Dès lors, aucun des moyens du présent recours ne pouvant prospérer, il convient de le rejeter dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du chef de conclusions tendant à l’annulation du règlement d’exécution 2018/465, en tant qu’il s’applique au requérant (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2017, Ben Ali/Conseil, T‑149/15, non publié, EU:T:2017:693, points 64 et 65).

 Sur les dépens

185    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

186    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il convient de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mohamed Hosni Elsayed Mubarak est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2018.

Signatures



Table des matières


I. Antécédents du litige et cadre factuel

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la demande tendant à l’adoption, par le Tribunal, de mesures d’organisation de la procédure

B. Sur le fond

1. Sur le premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2017/496 et 2018/466, et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

a) Sur la première branche du premier moyen, tirée du défaut de base juridique de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2017/496 et 2018/466, et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

b) Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2017/496 et 2018/466, et l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 6 TUE, en liaison avec les articles 2 et 3 TUE et les articles 47 et 48 de la Charte

a) Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de ce que le Conseil a omis de s’assurer que les droits fondamentaux du requérant avaient été respectés et a appliqué une présomption irréfragable de respect, par les autorités égyptiennes, de ces droits fondamentaux

b) Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de ce que la prorogation de la désignation du requérant est manifestement contraire aux objectifs visés au considérant 1 de la décision 2011/172

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation des critères généraux visés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

a) Considérations générales

b) Sur les arguments relatifs à chacune des procédures judiciaires sur lesquelles repose la prorogation de la désignation du requérant sur les listes litigieuses

1) En ce qui concerne la procédure judiciaire dans l’affaire no 8897 de 2013

2) En ce qui concerne les procédures judiciaires dans les affaires no 53 de 2013 et no 756 de 2012

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit à une bonne administration et du droit à une protection juridictionnelle effective

5. Sur le cinquième moyen, tiré d’une limitation injustifiée et disproportionnée du droit de propriété du requérant et d’une atteinte à sa réputation

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.