Language of document : ECLI:EU:C:2015:651

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

6 octobre 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Article 82 CE – Abus de position dominante – Marché de la distribution d’envois postaux en nombre – Publipostage – Système de rabais rétroactif – Effet d’éviction – Critère du concurrent aussi efficace – Degré de probabilité et caractère sérieux d’un effet anticoncurrentiel»

Dans l’affaire C‑23/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal des affaires maritimes et commerciales (Sø- og Handelsretten, Danemark), par décision du 8 janvier 2014, parvenue à la Cour le 16 janvier 2014, dans la procédure

Post Danmark A/S

contre

Konkurrencerådet,

en présence de:

Bring Citymail Danmark A/S,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur) et C. Lycourgos, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 mars 2015,

considérant les observations présentées:

–        pour Post Danmark A/S, par Me S. Zinck, advokat, et Me T. Lübbig, Rechtsanwalt,

–        pour Bring Citymail Danmark A/S, par Me P. Jakobsen, advokat,

–        pour le gouvernement danois, par Mme M. Wolff, en qualité d’agent, assistée de Me J. Pinborg, advokat,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. É. Gippini Fournier et L. Malferrari ainsi que par Mme L. Grønfeldt, en qualité d’agents,

–        pour l’Autorité de surveillance AELE, par MM. X. Lewis et M. Schneider ainsi que par Mme M. Moustakali, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 82 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Post Danmark A/S (ci-après «Post Danmark») au Konkurrencerådet (Conseil de la concurrence) au sujet d’un système de rabais rétroactifs mis en œuvre par cette entreprise dans les années 2007 et 2008 pour les envois publicitaires adressés en nombre.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

3        À l’époque des faits en cause au principal, c’est-à-dire au cours des années 2007 et 2008, Post Danmark était contrôlée par l’État danois et chargée du service postal universel de distribution dans le délai d’une journée, sur l’ensemble du territoire danois, de lettres et de colis, notamment d’envois en nombre, pesant moins de 2 kg. Elle était tenue d’appliquer un régime de tarif selon lequel les prix des prestations relevant de l’obligation de service universel ne pouvaient pas varier quel que soit le lieu de destination.

4        Afin de compenser l’obligation de service universel et le régime de tarif unique qui lui étaient imposés, Post Danmark jouissait d’un monopole légal sur la distribution de lettres, y compris dans le cadre d’envois en nombre, notamment du publipostage, d’un poids maximal de 50 grammes.

5        Le publipostage est un segment du marché des envois en nombre, consistant dans la distribution, dans le cadre de campagnes commerciales, d’envois publicitaires au contenu uniforme, portant l’adresse du destinataire.

6        Il ressort de la décision de renvoi que Post Danmark a mis en œuvre un système de rabais pour le publipostage en 2003, à une époque où il n’existait pas de concurrence sur le marché de la distribution d’envois en nombre et où le monopole sur la distribution de lettres s’appliquait à l’ensemble des lettres d’un poids de 100 grammes maximum.

7        Ces rabais s’appliquaient à des envois remis par le client, comprenant au minimum 3 000 exemplaires à la fois, l’ensemble des envois devant soit atteindre un minimum de 30 000 lettres par an, soit représenter un montant brut de frais de port annuel d’au moins 300 000 couronnes danoises (DKK) (environ 40 200 euros). Ce système de rabais comportait une échelle de taux allant de 6 % à 16 %, ce dernier étant applicable aux clients expédiant plus de 2 millions de courriers par an, ou des courriers pour plus de 20 millions de DKK (environ 2 680 426 euros) par an. L’échelle des rabais était «standardisée», c’est-à-dire que tous les clients pouvaient obtenir le même rabais en fonction de leurs achats cumulés au cours de la période de référence, à savoir une année.

8        Post Danmark et ses clients concluaient, en début d’année, des accords indiquant les quantités d’envois estimées pour cette année. Les rabais étaient accordés et la facturation effectuée périodiquement sur cette base. À la fin de l’année, Post Danmark procédait à un ajustement lorsque les quantités remises n’étaient pas les mêmes que celles ayant fait l’objet de l’estimation initiale. Le prix pour les envois de chaque client était ajusté à la fin de l’année, avec effet rétroactif au début de cette même année, sur la base de la quantité de courriers effectivement expédiés. Le taux de rabais finalement retenu était ainsi applicable à l’ensemble des envois remis au cours de la période concernée et non pas exclusivement aux envois excédant la quantité initialement estimée. De la même manière, un client dont le volume d’envois s’était révélé inférieur à la quantité estimée devait rembourser Post Danmark.

9        Le système de rabais en cause au principal était applicable à tous les courriers publicitaires portant l’adresse du destinataire, qu’ils relevaient ou non du monopole de Post Danmark et que la distribution ait eu lieu ou non dans des zones non couvertes par d’autres opérateurs. Il ressort de la décision de renvoi que la progressivité des rabais appliqués aux services de publipostage bénéficiait davantage aux clients de taille moyenne, les quantités remises par les clients très importants dépassant largement l’échelon supérieur.

10      Bring Citymail Danmark A/S (ci-après «Bring Citymail»), une filiale de Poste Norge AS, société qui est chargée du service postal universel en Norvège, a, le 1er janvier 2007, commencé à distribuer du courrier d’affaires, y compris sous la forme de publipostage, au Danemark. Bring Citymail offrait un service de distribution de ce courrier non pas dans le délai d’un jour à partir de l’envoi, mais dans le délai de trois jours. Ce service bénéficiait à environ 1 million de ménages à Copenhague (Danemark) et aux alentours, ce qui correspondait à environ 40 % de la totalité des ménages concernées.

11      Pendant la période pertinente, Bring Citymail était la seule concurrente sérieuse de Post Danmark sur le marché des envois en nombre.

12      Bring Citymail s’est retirée du marché danois en 2010 après avoir subi de lourdes pertes. D’après les explications fournies à ce propos, elle aurait subi un préjudice de 500 millions de DKK (environ 67 010 654 euros) en raison de frais d’établissement et de résultats négatifs pendant les exercices comptables 2006 à 2009.

13      À la suite d’une plainte déposée par Bring Citymail, le Conseil de la concurrence a considéré, par décision du 24 juin 2009, que Post Danmark avait abusé d’une position dominante sur le marché de la distribution d’envois en nombre en appliquant, dans les années 2007 et 2008, des rabais pour le publipostage qui ont eu pour effet de fidéliser la clientèle et de «verrouiller» le marché, sans avoir pu justifier de gains d’efficacité qui auraient pu profiter aux consommateurs et neutraliser les effets restrictifs de concurrence desdits rabais.

14      Le Conseil de la concurrence a estimé notamment que Post Danmark était un partenaire commercial incontournable sur le marché des envois en nombre, puisqu’elle détenait plus de 95 % d’un marché dont l’accès était rendu difficile par d’importantes barrières et qui se distinguait par des économies d’échelle. De plus, Post Danmark jouissait d’importants avantages structurels conférés notamment par le monopole prévu par la loi, puisque, au cours de la période pertinente, plus de 70 % de tous les envois en nombre au Danemark relevaient de ce monopole, ainsi que d’une couverture géographique unique englobant tout le Danemark.

15      Selon le Conseil de la concurrence, ces éléments ont contraint la clientèle de ce type de services à s’adresser à Post Danmark pour 70 % des envois sur lesquels cette dernière détenait un droit exclusif et pour la part significative des envois en nombre qui devaient être effectués au-delà de la couverture géographique de Bring Citymail, de telle sorte que, dans sa propre zone géographique, Bring Citymail ne pouvait exercer une concurrence que sur environ 30 % des envois.

16      En outre, le Conseil de la concurrence a insisté sur la structure et le contenu du système de rabais, notamment son caractère rétroactif avec une période d’acquisition de droits d’un an et l’amplitude des taux appliqués aux rabais. Selon les constatations du Conseil de la concurrence, environ deux tiers des envois effectués au titre du publipostage hors monopole ne pouvaient être transférés de Post Danmark à Bring Citymail sans répercussions négatives sur l’échelle des rabais.

17      Il en a déduit que ledit système entraînait un effet d’éviction anticoncurrentiel sur le marché. À cet égard, le Conseil de la concurrence a estimé, contrairement à Post Danmark, qu’il n’était pas pertinent de fonder l’évaluation de l’effet d’éviction anticoncurrentiel provoqué sur le marché par le système de rabais sur le critère dit «du concurrent aussi efficace», impliquant une comparaison des prix avec les coûts de l’entreprise dominante. En effet, selon cette autorité, compte tenu des caractéristiques particulières du marché concerné, il ne saurait être exigé, aux fins de cette comparaison, qu’un nouveau concurrent soit aussi efficace à court terme que Post Danmark.

18      Par une décision du 10 mai 2010, la Commission de recours de la concurrence (Konkurrenceankenævnet) a confirmé la décision du Conseil de la concurrence du 24 juin 2009.

19      Post Danmark a porté l’affaire devant le Tribunal des affaires maritimes et commerciales qui a considéré que, s’il est constant que, pour être contraire à l’article 82 CE, un système de rabais, tel que celui en cause au principal, doit être susceptible d’avoir un certain effet d’éviction sur le marché, il existe toutefois un doute quant aux critères qu’il convient d’appliquer pour déterminer si un tel système est susceptible d’avoir concrètement un effet d’éviction contraire à l’article 82 CE.

20      Dans ces conditions, le Tribunal des affaires maritimes et commerciales a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Quelles lignes directrices doivent être suivies pour déterminer si l’utilisation par une entreprise dominante d’un système de rabais appliquant des seuils de volume standardisés, et présentant par ailleurs les caractéristiques décrites aux points 10 à 11 de la décision de renvoi, constitue un abus de position dominante contraire à l’article 82 CE?

Il est demandé à la Cour, dans le cadre de sa réponse, de préciser l’importance que présente, dans l’appréciation, le fait que les échelons du système de rabais soient ou non fixés de manière telle que le système est applicable à la majeure partie de la clientèle sur le marché.

Il est demandé à la Cour, dans le cadre de sa réponse, de préciser également l’importance que présentent, le cas échéant, les prix et les coûts de l’entreprise dominante dans l’appréciation d’un tel système de rabais au regard de l’article 82 CE (soit l’importance d’un critère de type ‘concurrent aussi efficace’).

Parallèlement, il est demandé à la Cour de préciser l’importance que présentent à ce propos les caractéristiques du marché, et notamment si celles-ci peuvent justifier le recours à des examens et des analyses autres qu’un critère [du] concurrent aussi efficace pour démontrer l’effet d’éviction (voir, à cet égard, point 24 de la communication de la Commission [intitulée] ‘Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes’ [(JO 2009, C 45, p. 7)]).

2)      À quel point l’effet anticoncurrentiel d’un système de rabais présentant les caractéristiques décrites aux points 10 à 11 de la décision de renvoi doit-il être probable et grave pour justifier l’application de l’article 82 CE?

3)      Compte tenu des réponses apportées aux première et deuxième questions, quelles sont les circonstances précises que la juridiction nationale doit prendre en considération pour apprécier si un système de rabais, dans un contexte tel que celui qui est décrit dans la décision de renvoi (c’est-à-dire en tenant compte des caractéristiques du marché et de celles du système de rabais), a ou est à même d’avoir concrètement un effet d’éviction sur le marché tel qu’il constitue un abus tombant sous le coup de l’article 82 CE?

Est-il requis, à cet égard, que l’effet d’éviction sur le marché soit notable?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question, premier et deuxième alinéas, et la troisième question, premier alinéa

21      Par la première question, premier et deuxième alinéas, et la troisième question, premier alinéa, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour de préciser les critères qu’il convient d’appliquer pour déterminer si un système de rabais, tel que celui en cause au principal, est susceptible d’avoir un effet d’éviction sur le marché, en violation de l’article 82 CE. La juridiction de renvoi demande également quelle importance doit être attribuée, dans le cadre de cette appréciation, au fait que ledit système de rabais est applicable à la majeure partie de la clientèle sur le marché.

22      Il ressort du dossier soumis à la Cour que le système de rabais pratiqué par Post Danmark pendant les années 2007 et 2008 présentait trois caractéristiques principales.

23      Premièrement, l’échelle des rabais, qui comportait des taux de 6 % à 16 %, était «standardisée», c’est-à-dire que tous les clients pouvaient obtenir la même remise en fonction de leurs achats cumulés au cours d’une période de référence annuelle.

24      Deuxièmement, les rabais étaient «conditionnels», en ce sens que Post Danmark et ses clients concluaient, en début d’année, des accords où étaient indiquées les quantités d’envois estimées pour ladite année. À la fin de l’année, Post Danmark effectuait un ajustement lorsque les quantités remises ne coïncidaient pas avec celles qui avaient été estimées à l’origine.

25      Troisièmement, les rabais étaient «rétroactifs», en ce sens que, lorsque le seuil d’envois fixé initialement était dépassé, le taux de rabais retenu à la fin de l’année s’appliquait à l’ensemble des envois remis pendant la période concernée et non exclusivement aux envois excédant le seuil initialement estimé.

26      En ce qui concerne l’application de l’article 82 CE à un système de rabais, il y a lieu de rappeler que, en interdisant l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché dans la mesure où le commerce entre les États membres serait susceptible d’en être affecté, cet article vise les comportements qui sont de nature à influencer la structure d’un marché où le degré de concurrence est déjà affaibli, en raison, précisément, de la présence d’une entreprise occupant une telle position, et qui ont pour effet de faire obstacle au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (voir, en ce sens, arrêts Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 70, et British Airways/Commission, C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 66).

27      Il ressort également d’une jurisprudence constante que, à la différence d’un rabais de quantité, lié exclusivement au volume des achats effectués auprès du producteur concerné qui n’est pas, en principe, de nature à enfreindre l’article 82 CE, un rabais de fidélité, tendant à empêcher, par l’octroi d’avantages financiers, l’approvisionnement des clients auprès de producteurs concurrents pour la totalité ou une partie importante de ses besoins, constitue un abus au sens de cet article (voir arrêts Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 71, ainsi que Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 70).

28      S’agissant du système de rabais en cause au principal, il y a lieu d’observer que ce système ne peut pas être considéré comme un simple rabais de quantité lié exclusivement au volume des achats, dans la mesure où les rabais en cause sont accordés non pas pour chaque commande individuelle, correspondant ainsi aux économies de coûts réalisées par le fournisseur, mais en fonction de l’ensemble des commandes passées au cours d’une période donnée. Par ailleurs, il n’était pas non plus assorti d’une obligation ou d’une promesse des acheteurs de s’approvisionner exclusivement ou pour une certaine quotité de leurs besoins auprès de Post Danmark, ce qui le distinguait des rabais de fidélité au sens de la jurisprudence indiquée au point précédent.

29      Dans ces conditions, afin de déterminer si l’entreprise en position dominante a exploité de manière abusive cette position en appliquant un système de rabais tel que celui en cause au principal, la Cour a itérativement jugé qu’il faut apprécier l’ensemble des circonstances, notamment les critères et les modalités de l’octroi du rabais, et examiner si ce rabais tend, par un avantage qui ne repose sur aucune prestation économique qui le justifie, à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix, en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement, à barrer l’accès du marché aux concurrents, à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée (arrêts British Airways/Commission, C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 67, ainsi que Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 71).

30      Compte tenu des particularités de la présente affaire, il y a encore lieu de tenir compte, dans le cadre de l’examen de l’ensemble des circonstances pertinentes, de l’étendue de la position dominante de Post Danmark et des conditions de concurrence spécifiques du marché en cause.

31      À cet égard, il convient, d’abord, de vérifier si ces rabais peuvent produire un effet d’éviction, c’est-à-dire s’ils sont à même, d’une part, de rendre plus difficile, voire impossible, l’accès au marché des concurrents de l’entreprise en position dominante et, d’autre part, de rendre plus difficile, voire impossible, pour les cocontractants de cette entreprise, le choix entre plusieurs sources d’approvisionnement ou partenaires commerciaux. Il y a lieu, ensuite, de rechercher s’il existe une justification économique objective aux rabais consentis (arrêt British Airways/Commission, C‑95/04 P, EU:C:2007:166, points 68 et 69).

32      S’agissant, en premier lieu, des critères et des modalités d’octroi des rabais, il importe de rappeler que les rabais en cause au principal étaient «rétroactifs», en ce sens que, si le seuil fixé initialement au début de l’année pour les quantités de courrier était dépassé, le taux de rabais retenu à la fin de l’année était applicable à l’ensemble des envois remis au cours de la période de référence et non exclusivement aux envois excédant le seuil initialement estimé. En revanche, un client dont le volume d’envois s’était révélé inférieur à la quantité estimée devait rembourser Post Danmark.

33      Or, il ressort de la jurisprudence que les obligations contractuelles qui pèsent sur les cocontractants de l’entreprise en position dominante et la pression exercée sur eux peuvent être particulièrement fortes lorsqu’un rabais ne se rapporte pas seulement à l’accroissement des achats des produits de cette entreprise réalisés par ces cocontractants durant la période prise en considération, mais s’étend également à l’ensemble de ces achats. De cette manière, des variations proportionnellement modestes des ventes des produits de l’entreprise en position dominante produisent des effets disproportionnés sur les cocontractants (voir, en ce sens, arrêt British Airways/Commission, C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 73).

34      De plus, il y a lieu de souligner que le système de rabais en cause au principal était fondé sur une période de référence d’une année. Or, il est inhérent à tout système de rabais accordés en fonction des quantités vendues au cours d’une période de référence relativement longue que la pression, pour l’acheteur, de réaliser le chiffre d’achats nécessaire afin d’obtenir l’avantage ou de ne pas subir la perte prévue pour l’ensemble de la période, s’accroît à la fin de la période de référence (arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 81).

35      Par conséquent, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 37 et 38 de ses conclusions, un tel système de rabais est susceptible de permettre à l’entreprise en position dominante de fidéliser plus facilement ses clients et d’attirer les clients de ses concurrents, et ainsi d’aspirer à son profit la partie de la demande soumise à concurrence sur le marché pertinent. Cet effet d’aspiration est encore renforcé par le fait que, dans l’affaire au principal, les rabais s’appliquaient indistinctement à la partie disputable et à la partie non-disputable de la demande, c’est-à-dire, dans ce dernier cas, aux courriers publicitaires adressés d’un poids inférieur à 50 grammes relevant du monopole légal de Post Danmark.

36      Dans l’affaire au principal, il ressort du dossier soumis à la Cour que, pour 25 des clients les plus importants de Post Danmark, représentant à peu près la moitié du volume des opérations sur le marché concerné pendant la période en cause, environ deux tiers des envois réalisés sous la forme de publipostage hors monopole ne pouvaient pas être transférés de Post Danmark à Bring Citymail sans répercussions négatives sur l’échelle des rabais. Si une telle constatation était avérée, ce qu’il incombe au juge de renvoi de vérifier, l’incitation à s’approvisionner exclusivement ou substantiellement auprès de Post Danmark serait particulièrement forte, réduisant de façon significative la liberté de choix des clients quant à leurs sources d’approvisionnement.

37      Par ailleurs, en ce qui concerne la standardisation de l’échelle des rabais, consistant en ce que tous les clients pouvaient obtenir le même rabais en fonction de leurs achats cumulés au cours de la période de référence, une telle caractéristique permet, certes, de conclure que, en principe, le système de rabais mis en œuvre par Post Danmark ne se traduisait pas par l’application aux partenaires commerciaux de conditions inégales à des prestations équivalentes, au sens de l’article 82, sous c), CE.

38      Toutefois, le simple fait qu’un système de rabais ne soit pas discriminatoire ne fait pas obstacle à ce qu’il soit considéré comme étant susceptible de produire un effet d’éviction sur le marché, en violation de l’article 82 CE. En effet, dans l’arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, points 86 et 91), la Cour, après avoir rejeté le grief de la Commission selon lequel le système de rabais appliqué par Michelin était discriminatoire, a néanmoins jugé qu’il violait l’article 82 CE, dès lors qu’il créait un lien de dépendance des revendeurs à l’égard de cette société.

39      S’agissant, en second lieu, de l’étendue de la position dominante de Post Danmark et des conditions de concurrence spécifiques du marché des envois postaux en nombre, il ressort de la décision de renvoi que Post Danmark détenait 95 % de ce marché dont l’accès était protégé par d’importantes barrières et qui se distinguait par l’existence d’économies d’échelle significatives. Post Danmark jouissait également d’avantages structurels conférés notamment par le monopole légal sur la distribution de lettres d’un poids maximal de 50 grammes qui concernait 70 % de tous les envois en nombre. De plus, Post Danmark bénéficiait d’une couverture géographique unique englobant tout le Danemark.

40      Or, la possession d’une part de marché extrêmement importante place l’entreprise qui la détient dans une situation de force qui fait d’elle un partenaire obligatoire et qui lui assure une indépendance de comportement (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 41). Dans ces conditions, il est particulièrement difficile pour les concurrents de ladite entreprise de surenchérir face à des rabais fondés sur le volume global des ventes. En raison de sa part de marché sensiblement plus élevée, l’entreprise en position dominante constitue en général un partenaire commercial incontournable sur le marché (voir arrêt British Airways/Commission, C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 75).

41      Cette circonstance, associée aux éléments indiqués au point 39 du présent arrêt qui contribuent à préciser la situation concurrentielle existant sur le marché pertinent, permet de conclure que la concurrence s’y trouvait déjà sensiblement limitée.

42      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu’un système de rabais pratiqué par une entreprise, tel que celui en cause au principal, qui, sans lier par une obligation formelle les clients à cette dernière, tend néanmoins à rendre plus difficile l’approvisionnement de ces clients auprès d’entreprises concurrentes, produit un effet d’éviction anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 72).

43      Par ailleurs, la juridiction de renvoi cherche également à savoir quelle importance il convient d’accorder, dans le cadre de l’appréciation du système de rabais mis en œuvre par Post Danmark, au fait que ce système s’applique à la majeure partie de la clientèle sur le marché.

44      La circonstance que les rabais pratiqués par Post Danmark concernaient une large partie des clients sur le marché ne constitue pas, en soi, un indice d’un comportement abusif de cette entreprise.

45      En effet, dans le cadre d’une affaire qui avait pour objet notamment l’appréciation de rabais de fidélité pratiqués par une entreprise en position dominante, la Cour a jugé qu’il n’y avait pas besoin de vérifier quelle avait été la part respective des contrats comportant la clause litigieuse et des contrats où elle ne figurait pas (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, point 511).

46      Toutefois, le fait qu’un système de rabais, tel que celui en cause au principal, couvre la majeure partie de la clientèle sur le marché peut constituer une indication utile de l’importance de cette pratique et de son impact sur le marché, pouvant renforcer la vraisemblance d’un effet d’éviction anticoncurrentiel.

47      Enfin, dans le cas où la juridiction de renvoi devrait constater l’existence d’effets anticoncurrentiels imputables à Post Danmark, il convient de rappeler qu’une entreprise en position dominante peut néanmoins justifier des agissements susceptibles de relever de l’interdiction énoncée à l’article 82 CE.

48      En particulier, une telle entreprise peut démontrer que l’effet d’éviction qui résulte de son comportement peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d’efficacité qui profitent également aux consommateurs (voir arrêts British Airways/Commission, C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 86, et TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 76).

49      À ce dernier égard, il appartient à l’entreprise en position dominante de démontrer que les gains d’efficacité susceptibles de résulter du comportement considéré neutralisent les effets préjudiciables probables sur le jeu de la concurrence et les intérêts des consommateurs sur les marchés affectés, que ces gains d’efficacité ont été ou sont susceptibles d’être réalisés grâce audit comportement, que ce dernier est indispensable à la réalisation de ceux-ci et qu’il n’élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle (arrêt Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 42).

50      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question, premier et deuxième alinéas, et à la troisième question, premier alinéa, que, pour déterminer si un système de rabais, tel que celui en cause au principal, mis en œuvre par une entreprise en position dominante, est susceptible d’avoir un effet d’éviction sur le marché, en violation de l’article 82 CE, il convient d’examiner l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier les critères et les modalités de l’octroi des rabais, l’étendue de la position dominante de l’entreprise concernée et les conditions de concurrence spécifiques du marché pertinent. La circonstance que ledit système de rabais couvre la majeure partie de la clientèle sur le marché peut constituer une indication utile de l’importance de cette pratique et de son impact sur le marché, pouvant renforcer la vraisemblance d’un effet d’éviction anticoncurrentiel.

 Sur la première question, troisième et quatrième alinéas

51      Par la première question, troisième et quatrième alinéas, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour de préciser l’importance qui doit être attribuée au critère du concurrent aussi efficace dans le cadre de l’appréciation d’un système de rabais au regard de l’article 82 CE.

52      La juridiction de renvoi, ayant évoqué, dans sa première question, quatrième alinéa, la communication de la Commission intitulée «Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [82 CE] aux pratiques d’évictions abusives des entreprises dominantes», il y a lieu de relever à titre liminaire que ce texte se limite à circonscrire l’approche de la Commission quant au choix des affaires qu’elle entend poursuivre de manière prioritaire, si bien que la pratique administrative suivie par cette dernière ne s’impose pas aux autorités de la concurrence et aux juridictions nationales.

53      Il convient de relever que l’application du critère du concurrent aussi efficace consiste à examiner si les pratiques tarifaires d’une entreprise en position dominante risquent d’évincer du marché un concurrent aussi performant que cette entreprise.

54      Ce critère est fondé sur une comparaison des prix appliqués par une entreprise occupant une position dominante et de certains coûts exposés par cette entreprise ainsi que sur l’analyse de la stratégie de celle-ci (voir arrêt Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 28).

55      Le critère du concurrent aussi efficace a été spécifiquement appliqué par la Cour à des pratiques de prix bas sous la forme de prix sélectifs ou de prix prédateurs (voir, pour les prix sélectifs, arrêt Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, points 28 à 35, ainsi que, pour les prix prédateurs, arrêts AKZO/Commission, C‑62/86, EU:C:1991:286, points 70 à 73, ainsi que France Télécom/Commission, C‑202/07 P, EU:C:2009:214, points 107 et 108) ainsi que de compression de marges (arrêt TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, points 40 à 46).

56      S’agissant de la comparaison des prix et des coûts dans un contexte d’application de l’article 82 CE à un système de rabais, la Cour a jugé que la facturation aux clients de «prix négatifs», c’est-à-dire de prix fixés au-dessous du prix de revient, ne constitue pas une condition préalable au constat du caractère abusif d’un système de rabais rétroactifs par une entreprise en position dominante (arrêt Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 73). Dans cette même affaire, la Cour a précisé que l’absence de comparaison des prix pratiqués et des coûts ne constituait pas une erreur de droit (arrêt Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 80).

57      Il s’ensuit que, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 61 et 63 de ses conclusions, il n’est pas possible de déduire de l’article 82 CE ou de la jurisprudence de la Cour une obligation juridique de se fonder systématiquement sur le critère du concurrent aussi efficace pour constater le caractère abusif d’un système de rabais pratiqué par une entreprise en position dominante.

58      Cette conclusion ne doit néanmoins pas avoir pour effet d’exclure, par principe, le recours au critère du concurrent aussi efficace dans les affaires mettant en cause un système de rabais afin d’en examiner la conformité avec l’article 82 CE.

59      En revanche, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, caractérisée par la détention par l’entreprise en position dominante d’une part de marché très importante et par des avantages structurels conférés notamment par le monopole légal de cette entreprise qui s’appliquait à 70 % des envois sur le marché concerné, l’application du critère du concurrent aussi efficace est dépourvue de pertinence dans la mesure où la structure du marché rend pratiquement impossible l’apparition d’un concurrent aussi efficace.

60      En outre, dans un marché, tel que celui en cause au principal, dont l’accès est protégé par d’importantes barrières, la présence d’un concurrent moins efficace pourrait contribuer à intensifier la pression concurrentielle sur ce marché et, de ce fait, à exercer une contrainte sur le comportement de l’entreprise en position dominante.

61      Le critère du concurrent aussi efficace doit ainsi être considéré comme un instrument parmi d’autres en vue d’apprécier l’existence d’une exploitation abusive d’une position dominante dans le cadre d’un système de rabais.

62      Il convient, par conséquent, de répondre à la première question, troisième et quatrième alinéas, que l’application du critère du concurrent aussi efficace ne constitue pas une condition indispensable pour constater le caractère abusif d’un système de rabais, au regard de l’article 82 CE. Dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, l’application du critère du concurrent aussi efficace est dépourvue de pertinence.

 Sur la deuxième question et la troisième question, second alinéa

63      Par la deuxième question et la troisième question, second alinéa, auxquelles il convient de répondre ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 82 CE doit être interprété en ce sens que, pour relever du champ d’application de cet article, l’effet anticoncurrentiel d’un système de rabais, tel que celui en cause au principal, doit être, d’une part, probable et, d’autre part, grave ou notable.

64      En ce qui concerne, en premier lieu, la probabilité d’un effet anticoncurrentiel, il ressort de la jurisprudence indiquée au point 29 du présent arrêt que, afin de déterminer si une entreprise occupant une position dominante a exploité de manière abusive cette position en appliquant un système de rabais, il faut, notamment, examiner si ce rabais tend à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix, en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement, à barrer l’accès du marché aux concurrents, à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée.

65      À cet égard et ainsi que Mme l’avocat général l’a précisé au point 80 de ses conclusions, l’effet anticoncurrentiel d’une pratique déterminée ne doit pas avoir un caractère purement hypothétique.

66      La Cour a également jugé que, afin d’établir le caractère abusif d’une telle pratique, l’effet anticoncurrentiel de celle-ci sur le marché doit exister, mais il ne doit pas être nécessairement concret, étant suffisante la démonstration d’un effet anticoncurrentiel potentiel de nature à évincer les concurrents au moins aussi efficaces que l’entreprise en position dominante (arrêt TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 64).

67      Il s’ensuit que ne relèvent du champ d’application de l’article 82 CE que les entreprises en position dominante dont le comportement est susceptible d’avoir un effet anticoncurrentiel sur le marché.

68      À cet égard, il y a lieu de souligner que l’appréciation de la capacité d’un système de rabais à restreindre la concurrence doit être effectuée en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes, notamment des modalités et des critères selon lesquels les rabais sont accordés, du nombre de clients concernés et des caractéristiques du marché sur lequel opère l’entreprise dominante.

69      Une telle appréciation vise à déterminer si le comportement de l’entreprise en position dominante a pour résultat l’éviction effective ou probable des concurrents, au détriment du jeu de la concurrence et, de ce fait, des intérêts des consommateurs (arrêt Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 44).

70      S’agissant, en second lieu, du caractère grave ou notable d’un effet anticoncurrentiel, s’il est vrai que la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique par elle-même aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée (arrêt Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 21), le comportement d’une telle entreprise, du fait que la structure concurrentielle du marché est déjà affaiblie, peut donner lieu à une exploitation abusive de sa position dominante (voir, en ce sens, arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 123, et France Télécom/Commission, C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 107).

71      Ainsi, la Cour a jugé itérativement que pèse sur l’entreprise qui détient une position dominante la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur (voir arrêt Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 23 et jurisprudence citée).

72      De plus, dans la mesure où la structure concurrentielle du marché est déjà affaiblie par la présence de l’entreprise dominante, toute restriction supplémentaire de cette structure concurrentielle est susceptible de constituer une exploitation abusive de position dominante (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 123).

73      Il en découle que la fixation d’un seuil de sensibilité (de minimis) en vue de déterminer une exploitation abusive d’une position dominante ne se justifie pas. En effet, cette pratique anticoncurrentielle est, de par sa nature même, susceptible de provoquer des restrictions de concurrence non négligeables, voire d’éliminer la concurrence sur le marché sur lequel opère l’entreprise concernée.

74      Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 82 CE doit être interprété en ce sens que, pour relever du champ d’application de cet article, l’effet anticoncurrentiel d’un système de rabais opéré par une entreprise en position dominante, tel que celui en cause au principal, doit être probable, sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il revêt un caractère grave ou notable.

  Sur les dépens

75      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      Pour déterminer si un système de rabais, tel que celui en cause au principal, mis en œuvre par une entreprise en position dominante est susceptible d’avoir un effet d’éviction sur le marché, en violation de l’article 82 CE, il convient d’examiner l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier les critères et les modalités de l’octroi des rabais, l’étendue de la position dominante de l’entreprise concernée et les conditions de concurrence spécifiques du marché pertinent. La circonstance que ledit système de rabais couvre la majeure partie de la clientèle sur le marché peut constituer une indication utile de l’importance de cette pratique et de son impact sur le marché, pouvant renforcer la vraisemblance d’un effet d’éviction anticoncurrentiel.

2)      L’application du critère dit «du concurrent aussi efficace» ne constitue pas une condition indispensable pour constater le caractère abusif d’un système de rabais, au regard de l’article 82 CE. Dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, l’application du critère dit «du concurrent aussi efficace» est dépourvue de pertinence.

3)      L’article 82 CE doit être interprété en ce sens que, pour relever du champ d’application de cet article, l’effet anticoncurrentiel d’un système de rabais opéré par une entreprise en position dominante, tel que celui en cause au principal, doit être probable, sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il revêt un caractère grave ou notable.

Signatures


* Langue de procédure: le danois.