Language of document : ECLI:EU:F:2016:74

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE
(deuxième chambre)

11 avril 2016

Affaire F‑77/15

Richard Zink

contre

Commission européenne

« Fonction publique – Fonctionnaires – Indemnité de dépaysement – Erreur administrative ayant entraîné le non-versement de l’indemnité de dépaysement pendant plusieurs années – Acte faisant grief – Bulletins de rémunération ne reflétant pas une décision – Article 82 du règlement de procédure – Fin de non-recevoir d’ordre public – Irrégularité de la procédure précontentieuse – Demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut – Délai raisonnable »

Objet :      Recours, introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis, par lequel M. Richard Zink demande l’annulation de la décision du 23 juillet 2014 de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission européenne (PMO) de limiter le paiement de l’indemnité de dépaysement erronément omis depuis le 1er septembre 2007 à la période de cinq ans précédant la date de la découverte de l’erreur.

Décision :      Le recours est rejeté. M. Richard Zink supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

Sommaire

1.      Recours des fonctionnaires – Acte faisant grief – Notion – Bulletin de rémunération – Inclusion communément admise aux fins de l’exercice des droits de recours – Bulletin de rémunération ne contenant pas l’indemnité de dépaysement, à la suite d’une erreur administrative – Exclusion – Bulletin de rémunération ne reflétant aucune décision pécuniaire

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

2.      Recours des fonctionnaires – Réclamation administrative préalable – Réclamation dirigée contre le défaut de paiement d’une indemnité – Inaction de l’administration n’équivalant pas à un refus d’octroi – Irrecevabilité

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

3.      Recours des fonctionnaires – Délais – Demande d’indemnisation adressée à une institution – Respect d’un délai raisonnable – Violation – Justification tirée de la difficulté des conditions de travail – Inadmissibilité – Justification tirée d’une situation exceptionnelle empêchant de s’apercevoir de l’erreur de l’administration et d’introduire une demande – Admissibilité

(Statut de la Cour de justice, art. 46 ; statut des fonctionnaires, art. 90, § 1)

1.      Si un bulletin de rémunération, de par sa nature et son objet, n’a pas, en tant que tel, les caractéristiques d’un acte faisant grief, dès lors qu’il ne fait que traduire, en termes pécuniaires, la portée de décisions juridiques antérieures relatives à la situation du fonctionnaire, sur le plan de la procédure, un tel bulletin peut constituer un acte produisant des effets juridiques précis à l’égard de son destinataire. Ainsi, la communication du bulletin de rémunération a pour effet de faire courir les délais de réclamation et de recours contre une décision administrative lorsque ce bulletin fait apparaître clairement l’existence et la portée de cette décision. Dans ces conditions, les bulletins de rémunération, transmis mensuellement et contenant le décompte des droits pécuniaires, peuvent constituer des actes faisant grief, susceptibles de faire l’objet d’une réclamation et, le cas échéant, d’un recours.

Toutefois, lorsque, en raison d’une erreur de la part de l’administration dans l’encodage informatique des droits statutaires d’un fonctionnaire, l’indemnité de dépaysement n’a pas été versée, tandis que le droit du fonctionnaire à cette indemnité a été explicitement confirmé par l’institution concernée à la suite de la réintégration du fonctionnaire dans cette institution après un détachement, les bulletins de rémunération dudit fonctionnaire à compter de la confirmation précitée ne reflètent aucune décision pécuniaire, ni ne modifient sa situation juridique, ni ne fixent définitivement la position de l’institution.

Par conséquent, ne reflétant pas une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’institution concernée, lesdits bulletins de rémunération ne peuvent pas avoir pour effet de faire courir le délai de réclamation.

(voir points 34 et 37 à 40)

Référence à :

Cour : arrêt du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87, EU:C:1989:259, point 13

Tribunal de première instance : arrêt du 19 septembre 2008, Chassagne/Commission, T‑253/06 P, EU:T:2008:386, point 139

Tribunal de l’Union européenne : ordonnance du 13 septembre 2013, Conticchio/Commission, T‑358/12 P, EU:T:2013:525, point 23 et jurisprudence citée

Tribunal de la fonction publique : ordonnance du 22 juin 2015, van Oudenaarden/Parlement, F‑139/14, EU:F:2015:64, point 29 et jurisprudence citée

2.      S’agissant de l’introduction d’une réclamation administrative préalable au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre le non-versement d’une l’indemnité à un fonctionnaire, la condition relative à l’existence d’une décision faisant grief n’est pas remplie lorsque le non-paiement de ladite indemnité n’implique pas nécessairement que l’institution concernée a refusé ce droit à l’intéressé.

(voir point 35)

Référence à :

Cour : arrêt du 22 septembre 1988, Canters/Commission, 159/86, EU:C:1988:432, point 7

3.      S’agissant d’une demande en indemnité adressée à une institution par un fonctionnaire détaché auprès d’une délégation de l’Union visant à obtenir la réparation des effets dommageables d’une erreur technique commise par les services d’une institution, aussi difficiles que puissent avoir été les conditions de travail dudit fonctionnaire, ce dernier ne saurait s’en prévaloir en cas de dépassement d’un délai raisonnable pour l’introduction d’une demande en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut visant à corriger les effets de ladite erreur s’il n’a pas démontré qu’il avait été confronté à une situation exceptionnelle qui l’aurait empêché de s’apercevoir de cette erreur et d’introduire une telle demande.

(voir point 48)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : ordonnance du 13 juillet 2010, Allen e.a./Commission, F‑103/09, EU:F:2010:88, point 38, et arrêt du 13 avril 2011, Sukup/Commission, F‑73/09, EU:F:2011:40, point 83