Language of document : ECLI:EU:T:2019:746

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

15 octobre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale ULTRARANGE – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑434/18,

Vans, Inc., établie à Costa Mesa, Californie (États-Unis), représentée par Mes M. Hirsch et M. Metzner, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 25 avril 2018 (affaire R 2544/2017-2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal ULTRARANGE comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. P. Nihoul, faisant fonction de président, J. Svenningsen et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juillet 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 28 septembre 2018,

à la suite de l’audience du 18 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Vans, Inc., est une entreprise de droit américain fabriquant des chaussures, des textiles et des accessoires à l’échelle mondiale.

2        Le 28 avril 2017, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].  

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ULTRARANGE.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Sacs de mode pour le rangement et le transport d’ordinateurs portables » ;

–        classe 18 : « Sacs à anses tous usages, bourses, sacs à bandoulière, sacs à main, sacs de plage, sacs à courrier, sacs de week-end, sacs à bandoulière, sacs à dos ; portefeuilles » ;

–        classe 25 : « Chaussures ; vêtements, chemises, tee-shirts, pulls sans manches, pull-overs, vestes, caleçons, jeans, leggings, shorts, shorts de surf, jupes, robes, costumes de bain [maillots de bain], chaussettes, harnais (ceintures), foulards, sous-vêtements, gants ; chapellerie ».

5        Par décision du 7 novembre 2017, l’examinateur a partiellement rejeté la demande d’enregistrement de la marque demandée, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, pour les produits relevant de la classe 25, visés au point 4 ci-dessus.

6        Le 27 novembre 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.

7        Par décision du 25 avril 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et confirmé la décision de l’examinateur.

8        Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, bien que le signe en cause puisse être facilement mémorisé par le public pertinent, celui-ci ne présentait aucune originalité ou résonnance particulière. En effet, aucune des conditions nécessaires pour que ce signe soit considéré comme distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 n’était remplie en l’espèce. En outre, quand bien même les éléments de la marque demandée, pris séparément, auraient pu avoir plusieurs significations, la marque en cause devait être appréciée dans son ensemble.

9        En particulier, la chambre de recours a considéré que les éléments de la marque demandée décrivaient la finalité des produits concernés en ce que ces éléments étaient laudatifs au regard desdits produits. La chambre de recours en a conclu que la marque demandée était intrinsèquement dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante en se limitant, en substance, à renvoyer le Tribunal aux arguments formulés dans la décision attaquée.

14      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans leurs écrits, les parties ont examiné la marque demandée au regard de la jurisprudence développée à partir de l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29), relatif à un slogan publicitaire pouvant contenir un élément distinctif.

15      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante et l’EUIPO ont toutefois convenu que cette jurisprudence n’était pas applicable en l’espèce, car la marque demandée ne constituerait pas un slogan publicitaire mais un néologisme.

16      À cet égard, il convient de constater que la jurisprudence issue de l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29) concerne de manière spécifique des marques ayant la forme d’un slogan publicitaire. Partant, dès lors que la marque demandée ne se présente pas comme tel, cette jurisprudence ne saurait être appliquée au cas d’espèce.

17      Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que le niveau d’attention du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services visés [voir arrêt du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut-parleur), T‑460/05, EU:T:2007:304, point 32 et jurisprudence citée].

18      Or, contrairement à l’allégation de la requérante, la chambre de recours a correctement défini le niveau d’attention du public puisque, dans le cas d’espèce, les produits relevant de la classe 25 sont des produits de consommation courante à l’égard desquels le niveau d’attention du consommateur moyen est moindre que celui consacré à des biens durables ou à des biens d’une plus grande valeur ou d’un usage plus exceptionnel. Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a décidé que les produits concernés s’adressaient essentiellement au grand public dont le niveau d’attention était moyen.

19      En l’espèce, la requérante ne conteste pas les définitions de la chambre de recours relatives aux éléments verbaux « ultra » et « range », courants en anglais.

20      En effet, selon la chambre de recours, le terme « ultra » signifie « qui va au-delà de ce qui est habituel ou ordinaire », « excessif », « extrême », « immodéré » et désigne également une course de très longue distance, en particulier une course plus longue qu’un marathon.

21      Ainsi, le terme « ultra » est synonyme de « au-delà de quelque chose », de « extra », qui est un superlatif, désignant une qualité élevée et intense, qui est souvent utilisé dans le langage publicitaire [voir, par analogie, arrêt du 28 avril 2015, Volkswagen/OHMI (EXTRA), T‑216/14, non publié, EU:T:2015:230, points 21 et 23].

22      En outre, la chambre de recours a constaté que le terme « range » désignait l’ensemble des produits d’un fabricant, d’un créateur ou d’un revendeur ; lorsque des objets varient entre deux points ou vont d’un point à un autre, ils varient entre ces points sur une échelle de mesure ou de qualité.

23      Par ailleurs, il résulte de la décision attaquée, en particulier des points 3, 7, 39 et 41 à 43, que, à l’instar de l’examinateur, la chambre de recours a considéré que le terme « ultra » et, plus généralement, la marque demandée, présentaient un lien avec certaines activités sportives.

24      Toutefois, selon la requérante, les définitions figurant dans la décision attaquée des termes « ultra » et « range » ne permettent pas de déduire que lesdits termes, pris isolément ou même ensemble, ont une signification laudative, dès lors que le terme « ultra » peut avoir une connotation négative et qu’il n’est pas employé principalement ou même exclusivement pour souligner les caractéristiques positives d’une chose ou d’une personne.

25      Ainsi, selon la requérante, ce terme peut être compris tant dans le sens d’« extrême » ou d’« excessif » que comme un substantif désignant un représentant radical d’une tendance politique (l’« ultradroite ») ou également un « hooligan » dans le cadre du football (« les ultras »). En outre, le terme anglais « range » peut être compris dans le sens d’« offre » ou d’« assortiment », mais aussi comme synonyme de « portée ».

26      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif, visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle consistant à identifier l’origine du produit ou du service afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2002, REWE-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, EU:T:2002:42, point 26, et du 3 septembre 2015, iNET 24 Holding/OHMI (IDIRECT 24), T‑225/14, non publié, EU:T:2015:585, point 43].

27      Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, au regard des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, au regard de la perception qu’en a le public pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 43 et jurisprudence citée).

28      Afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps comme l’a fait la chambre de recours, à un examen de chacun des éléments constitutifs de cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée.

29      Toutefois, l’appréciation du caractère distinctif d’une marque composée de mots qui forment un néologisme ne peut se limiter à une analyse de chacun de ses termes ou de ses éléments, considérés isolément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de cette marque par le public pertinent et non sur la présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, point 41 et jurisprudence citée, et ordonnance du 12 décembre 2013, Getty Images (US)/OHMI, C‑70/13 P, non publiée, EU:C:2013:875, point 24].

30      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 37 de la décision attaquée, que, s’agissant d’un néologisme, comme c’est le cas en l’espèce, un éventuel caractère distinctif pouvait être examiné, en partie, pour chacun de ses éléments verbaux, pris séparément, mais devait, en tout état de cause, dépendre d’un examen de l’ensemble qu’ils composaient.

31      Dès lors, la référence à la connotation négative éventuelle de l’élément « ultra » invoquée par la requérante ne peut être comprise de manière isolée. Autrement dit, l’appréciation du caractère distinctif d’un néologisme ne peut se limiter à une analyse de chacun de ses éléments verbaux, considérés isolément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de cette marque par le public pertinent.

32      En l’espèce, la signification générique tendant à exalter de manière indéterminée la nature, la fonction, la qualité ou l’une des qualités de n’importe quel produit, de l’élément verbal « ultra » et son utilisation habituelle dans le langage courant, comme dans le commerce, en tant que terme laudatif générique contribue au caractère laudatif de la marque demandée [voir, par analogie, arrêt du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, EU:T:2002:279, point 26].

33      De plus, l’association du superlatif « ultra » avec le substantif « range » suggère que les produits visés par la marque ont une qualité supérieure à d’autres produits similaires et permettent ainsi d’aller plus loin. Ainsi, le néologisme « ultrarange » possède un caractère laudatif, dont la fonction est de mettre en relief les qualités positives des produits et des services pour la présentation desquels il est utilisé [voir, par analogie, arrêt du 17 septembre 2015, Volkswagen/OHMI (COMPETITION), T‑550/14, EU:T:2015:640, point 24].

34      Dès lors, la marque demandée ne sert qu’à mettre l’accent sur les aspects positifs des produits concernés, qui se classent dans une certaine catégorie en raison de caractéristiques de qualité, d’innovations et d’avancées suggérant des améliorations en termes de performance.

35      Le néologisme « ultrarange » sera donc immédiatement perçu par le public pertinent comme un message élogieux, qui indique que les produits et services concernés présentent, pour les consommateurs, un avantage en termes de qualité par rapport aux produits et services concurrents.

36      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel il ne saurait être considéré que le public pertinent comprendra et utilisera la marque ULTRARANGE comme une indication descriptive des produits relevant de la classe 25.

37      En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 23 ci-dessus, la chambre de recours s’est limitée à constater que la marque demandée présentait un caractère évocateur à l’égard des produits qu’elle visait et qui relevaient de la classe 25. Cette appréciation doit être approuvée. Pour le surplus, comme cela a été constaté, l’association du superlatif « ultra » avec le substantif « range » suggère que lesdits produits sont d’une qualité supérieure permettant aux utilisateurs d’« aller plus loin ».

38      Par ailleurs, concernant l’argument de la requérante sur la combinaison inhabituelle des éléments de la marque demandée, il convient de confirmer la position de la chambre de recours dans le sens où, en l’espèce, rien dans la signification, la combinaison, la juxtaposition ou l’inversion des éléments « range » et « ultra », ainsi que le prétend la requérante, ne s’écarte des règles de la grammaire anglaise et ne pourrait constituer un jeu de mots ou suggérer un effort mental de la part du consommateur [voir, par exemple, arrêt du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus), T‑360/00, EU:T:2002:244, point 47].

39      Enfin, la référence faite par la requérante aux décisions d’enregistrement de la marque demandée devant plusieurs offices européens de langue anglaise et visant à démontrer que la marque demandée ne contient pas de message laudatif doit être rejetée comme non fondée.

40      En effet, les enregistrements antérieurs représentent tout au plus un indice pouvant être pris en considération, sans qu’il faille leur attribuer une importance fondamentale dans le cadre de la présente demande d’enregistrement [voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, points 65 et 66 ; du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 ; du 16 juillet 2009, American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, C‑202/08 P et C‑208/08 P, EU:C:2009:477, point 58, et du 8 novembre 2018, Perfect Bar/EUIPO (PERFECT Bar), T‑759/17, non publié, EU:T:2018:760, point 64].

41      Il en résulte que le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente de l’Union européenne. L’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par les décisions intervenues dans les États membres qui ne constituent qu’un élément qui, sans être déterminant, peut seulement être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2016, Azur Space Solar Power/EUIPO (Représentation de lignes et de briques noires), T‑614/15, non publié, EU:T:2016:675, point 44].

42      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif et qu’elle ne pouvait être enregistrée pour désigner les produits en cause en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

43      Partant, le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être rejeté.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

45      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vans, Inc. est condamnée aux dépens.

Nihoul

Svenningsen

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.