Language of document : ECLI:EU:T:2018:921

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 décembre 2018 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du périndopril, médicament destiné au traitement des maladies cardiovasculaires, dans ses versions princeps et génériques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets – Procédure administrative – Protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients – Concurrence potentielle – Restriction de concurrence par objet – Nécessité objective de la restriction – Conciliation entre droit de la concurrence et droit des brevets – Conditions d’exemption de l’article 101, paragraphe 3, TFUE – Amendes – Plafond de 10 % – Imputation du comportement infractionnel »

Dans l’affaire T‑701/14,

Niche Generics Ltd, établie à Hitchin (Royaume-Uni), représentée par M. E. Batchelor, Mmes M. Healy, K. Cousins, solicitors, et Mme F. Carlin, barrister,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes F. Castilla Contreras, T. Vecchi et M. B. Mongin, puis par Mme Castilla Contreras, MM. Mongin et C. Vollrath, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Kingston, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)], en tant qu’elle concerne la requérante et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par ladite décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise et R. da Silva Passos, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Sur le périndopril

1        Le groupe Servier, formé de Servier SAS et de plusieurs filiales (ci-après, prises individuellement ou ensemble, « Servier »), a mis au point le périndopril, médicament indiqué en médecine cardiovasculaire, principalement destiné à lutter contre l’hypertension et l’insuffisance cardiaque, par le biais d’un mécanisme d’inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ci-après l’« ECA »).

2        L’ingrédient pharmaceutique actif (ci-après l’« IPA ») du périndopril, c’est-à-dire la substance chimique biologiquement active qui produit les effets thérapeutiques visés, se présente sous la forme d’un sel. Le sel utilisé initialement était l’erbumine (ou tert-butylamine), qui présente une forme cristalline en raison du procédé employé par Servier pour sa synthèse.

1.      Brevet de molécule

3        Le brevet relatif à la molécule du périndopril (brevet EP0049658, ci-après le « brevet 658 ») a été déposé devant l’Office européen des brevets (OEB) le 29 septembre 1981. Le brevet 658 devait arriver à expiration le 29 septembre 2001, mais sa protection a été étendue dans plusieurs États membres de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni, jusqu’au 22 juin 2003, ainsi que le permettait le règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1). En France, la protection du brevet 658 a été étendue jusqu’au 22 mars 2005 et, en Italie, jusqu’au 13 février 2009.

2.      Brevets secondaires

4        En 1988, Servier a, en outre, déposé devant l’OEB plusieurs brevets relatifs aux procédés de fabrication de la molécule du périndopril qui expiraient le 16 septembre 2008 : les brevets EP0308339, EP0308340, EP0308341 (ci-après, respectivement, le « brevet 339 », le « brevet 340 » et le « brevet 341 ») et EP0309324.

5        De nouveaux brevets relatifs à l’erbumine et à ses procédés de fabrication ont été déposés devant l’OEB par Servier entre 2001 et 2005, dont le brevet EP1294689 (dit « brevet beta », ci-après le « brevet 689 »), le brevet EP1296948 (dit « brevet gamma », ci-après le « brevet 948 ») et le brevet EP1296947 (dit « brevet alpha », ci-après le « brevet 947 »). Le brevet 947, relatif à la forme cristalline alpha de l’erbumine et à son procédé de préparation, a été demandé le 6 juillet 2001 et délivré par l’OEB le 4 février 2004.

3.      Périndopril de deuxième génération

6        À partir de 2002, Servier a commencé à développer un périndopril de deuxième génération, fabriqué à partir d’un autre sel que l’erbumine, l’arginine. Ce périndopril arginine devait présenter des améliorations en termes de durée de conservation, passant de deux à trois ans, de stabilité, permettant un seul type de conditionnement pour toutes les zones climatiques, et de stockage, ne nécessitant aucune condition particulière.

7        Servier a introduit une demande de brevet européen pour le périndopril arginine (brevet EP1354873B) le 17 février 2003. Ce brevet lui a été délivré le 17 juillet 2004, avec une date d’expiration fixée au 17 février 2023. L’introduction du périndopril arginine sur les marchés de l’Union a débuté en 2006.

B.      Sur la requérante

8        Niche Generics Ltd (ci-après la « requérante » ou « Niche ») est une entreprise commune constituée en 2002 et détenue à 60 % par la société pharmaceutique indienne Unichem Laboratories Ltd (ci-après « Unichem ») et à 40 % par des actionnaires dirigeants de Bioglan Generics Ltd, société anglaise de génériques à laquelle elle a succédé. La part d’Unichem dans le capital de Niche a été portée à 100 % en décembre 2006.

9        À l’automne 2004, Servier a commencé à envisager l’acquisition de Niche. Servier a fait établir, à cet effet, un audit préalable, dont la première phase s’est achevée le 10 janvier 2005, date à laquelle il a présenté une offre préliminaire non contraignante d’acquisition du capital de Niche. À la suite de la seconde phase de l’audit préalable, qui s’est déroulée le 21 janvier 2005, Servier a informé Niche oralement le 31 janvier 2005 qu’il ne souhaitait plus procéder à son acquisition.

C.      Sur les activités de Niche relatives au périndopril

10      Niche a repris l’ensemble des obligations et des responsabilités incombant à Bioglan Generics en vertu de l’accord de développement et de licence que celle-ci avait conclu le 26 mars 2001 avec Medicorp Technologies India Ltd (ci-après « Medicorp »), à laquelle a succédé Matrix Laboratories Ltd (ci-après « Matrix »), en vue de commercialiser une forme générique du périndopril (ci-après l’« accord Niche-Matrix »). L’accord Niche-Matrix stipulait que les deux sociétés commercialiseraient le périndopril générique dans l’Union, étant précisé que Matrix était principalement chargée du développement et de la fourniture de l’IPA du périndopril, alors que Niche était principalement responsable des démarches requises en vue de l’obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM) ainsi que de la stratégie commerciale.

11      Matrix a fourni en avril 2003 un lot pilote d’IPA de périndopril ainsi que le dossier permanent de la substance active correspondant en vue de la préparation des demandes d’AMM par Niche.

12      Unichem était, quant à elle, responsable de la production du périndopril sous sa forme pharmaceutique finale, en vertu d’un accord de développement et de fabrication des comprimés de périndopril conclu le 27 mars 2003 avec Medicorp, devenue Matrix, qui s’engageait à développer l’IPA du périndopril et à le lui fournir (ci-après l’« accord Unichem-Matrix »).

D.      Sur les litiges relatifs au périndopril

1.      Litiges devant l’OEB

13      Dix sociétés de génériques, dont Niche, ont formé opposition contre le brevet 947 devant l’OEB en 2004, en vue d’obtenir sa révocation, en invoquant des motifs tirés de l’absence de nouveauté et d’activité inventive et du caractère insuffisant de l’exposé de l’invention. Niche s’est toutefois retirée de la procédure d’opposition le 9 février 2005.

14      Le 27 juillet 2006, la division d’opposition de l’OEB a confirmé la validité du brevet 947 à la suite de légères modifications des revendications initiales de Servier. Sept sociétés ont formé un recours contre cette décision. Par décision du 6 mai 2009, la chambre de recours technique de l’OEB a annulé la décision de la division d’opposition et révoqué le brevet 947. La requête en révision déposée par Servier à l’encontre de cette décision a été rejetée le 19 mars 2010.

15      Niche a également déposé le 11 août 2004 une opposition contre le brevet 948 devant l’OEB, mais elle s’est retirée de la procédure le 14 février 2005.

2.      Litiges devant les juridictions nationales

16      La validité du brevet 947 a, en outre, été contestée par des sociétés de génériques devant les juridictions de certains États membres, notamment au Royaume-Uni.

a)      Litige opposant Servier à Niche

17      Servier a introduit le 25 juin 2004 une action en contrefaçon devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume-Uni], à l’égard de Niche, en invoquant ses brevets 339, 340 et 341, cette dernière ayant déposé des demandes d’AMM au Royaume-Uni pour la version générique du périndopril, développée en partenariat avec Matrix et Unichem (voir points 10 à 12 ci-dessus). Le 9 juillet 2004, Niche a signifié à Servier une demande reconventionnelle en nullité du brevet 947.

18      L’audience devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], portant sur le bien-fondé de la contrefaçon alléguée a finalement été fixée aux 7 et 8 février 2005 mais n’a duré qu’une demi-journée, en raison du règlement amiable conclu entre Servier, Niche et Unichem le 8 février 2005 qui a mis fin au contentieux entre ces parties (voir points 21 à 23 ci-après).

b)      Litige opposant Servier à Apotex

19      Le 1er août 2006, Servier a saisi la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], d’une action en contrefaçon à l’encontre de la société Apotex, en invoquant la violation du brevet 947, cette dernière ayant lancé une version générique du périndopril au Royaume-Uni le 28 juillet 2006. Apotex a formé une demande reconventionnelle en annulation du brevet 947. Une injonction provisoire interdisant à Apotex d’importer, d’offrir à la vente ou de vendre du périndopril a été prononcée le 8 août 2006. Le 6 juillet 2007, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], a jugé que le brevet 947 était invalide, en raison de l’absence de nouveauté et d’activité inventive par rapport au brevet 341. L’injonction a, par conséquent, été immédiatement levée et Apotex a pu reprendre les ventes de sa version générique du périndopril sur le marché du Royaume-Uni. Le 9 mai 2008, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni] a rejeté le recours introduit par Servier contre l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)]. Le 9 octobre 2008, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], a accordé des dommages et intérêts à Apotex pour un montant de 17,5 millions de livres sterlings (GBP), en raison de la perte de chiffre d’affaires subie pendant la mise en œuvre de l’injonction.

E.      Sur l’accord conclu entre Niche, Unichem et Servier

20      Servier a conclu une série d’accords de règlements amiables avec plusieurs sociétés de génériques avec lesquelles il avait des litiges relatifs aux brevets.

21      Le 8 février 2005, Servier a conclu avec Niche et Unichem un accord de règlement amiable (ci-après l’« Accord »). Le champ d’application territorial de l’Accord couvrait tous les pays dans lesquels les brevets 339, 340, 341 et 947 existaient (article 3 de l’Accord).

22      Par cet accord, Niche et Unichem se sont engagées à s’abstenir de fabriquer, de faire fabriquer, de détenir, d’importer, de fournir, de proposer de fournir ou de disposer de périndopril générique fabriqué selon le procédé mis au point par Niche et que Servier considérait comme violant les brevets 339, 340 et 341, tels que validés au Royaume-Uni, selon un procédé substantiellement similaire, ou selon tout autre procédé susceptible de violer les brevets 339, 340 et 341 (ci-après le « procédé litigieux ») jusqu’à l’expiration locale de ces brevets (article 3 de l’Accord) (ci-après la « clause de non-commercialisation »). En revanche, l’Accord stipulait qu’elles seraient libres de commercialiser le périndopril fabriqué à partir du procédé litigieux sans violer ces brevets après l’expiration desdits brevets (articles 4 et 6 de l’Accord). Niche était, en outre, tenue d’annuler, de résilier ou de suspendre, jusqu’à la date d’expiration des brevets, tous ses contrats déjà conclus relatifs au périndopril fabriqué à partir du procédé litigieux ainsi qu’à des demandes d’AMM de ce périndopril (article 11 de l’Accord). Par ailleurs, Niche et Unichem se sont engagées à ne présenter aucune demande d’AMM du périndopril fabriqué à partir du procédé litigieux et à n’aider aucun tiers à obtenir une telle AMM (article 10 de l’Accord). Enfin, elles devaient s’abstenir de toute action en invalidité ou en déclaration de non-contrefaçon à l’encontre des brevets 339, 340, 341, 947, 689 et 948 jusqu’à leur expiration, sauf à titre de défense dans le cadre d’une action en contrefaçon de brevet (article 8 de l’Accord) (ci-après la « clause de non-contestation »). Niche a en outre accepté de retirer ses oppositions contre les brevets 947 et 948 devant l’OEB (article 7 de l’Accord).

23      En contrepartie, Servier s’engageait, d’une part, à ne pas introduire d’action en contrefaçon contre Niche ou ses clients et Unichem fondée sur les brevets 339, 340, 341 et 947 à l’égard de tout acte de contrefaçon alléguée qui serait survenu avant la conclusion de l’Accord (article 5 de l’Accord) et, d’autre part, à verser à Niche et à Unichem une somme de 11,8 millions de GBP en deux versements (article 13 de l’Accord). Cette somme représentait la contrepartie des engagements de Niche et d’Unichem et des « coûts substantiels et responsabilités potentielles qui pourraient être supportés par Niche et Unichem du fait de la cessation de leur programme de développement du périndopril fabriqué selon le procédé [litigieux] ».

F.      Sur les faits postérieurs à la conclusion de l’Accord

24      Matrix a, par courrier du 22 juin 2005 envoyé à Niche, déclaré la suspension avec effet immédiat de l’accord Niche-Matrix jusqu’à l’expiration des brevets 339, 340 et 341 en 2008. L’accord Unichem-Matrix n’a, en revanche, été ni formellement suspendu ni résilié.

G.      Sur l’enquête sectorielle

25      Le 15 janvier 2008, la Commission des Communautés européennes a décidé d’ouvrir une enquête sur le secteur pharmaceutique sur le fondement de l’article 17 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dans le but d’identifier, d’une part, les causes du recul de l’innovation dans ledit secteur, mesurée par le nombre de nouveaux médicaments entrant sur le marché, et, d’autre part, les raisons de l’entrée tardive sur le marché de certains médicaments génériques.

26      La Commission a publié un rapport préliminaire sur les résultats de son enquête le 28 novembre 2008, en vue d’une consultation publique. Le 8 juillet 2009, elle a adopté une communication ayant pour objet la synthèse de son rapport d’enquête sur le secteur pharmaceutique. La Commission a notamment indiqué, dans cette communication, qu’il convenait de continuer à surveiller les règlements amiables des litiges en matière de brevets conclus entre les sociétés de princeps et les sociétés de génériques, afin de mieux comprendre l’usage qui était fait de ces accords et d’identifier les accords retardant l’entrée des médicaments génériques sur le marché au détriment des consommateurs de l’Union et pouvant être constitutifs d’infractions aux règles de concurrence. La Commission a, ensuite, rendu six rapports annuels relatifs à la surveillance des accords de règlements amiables liés aux brevets.

H.      Sur la procédure administrative et la décision attaquée

27      Le 24 novembre 2008, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux des sociétés concernées. La Commission a adressé des demandes de renseignements à plusieurs sociétés en janvier 2009.

28      Le 2 juillet 2009, la Commission a adopté une décision d’ouverture de la procédure contre Servier et la requérante ainsi que d’autres sociétés de génériques.

29      En août 2009, puis de décembre 2009 à mai 2012, la Commission a adressé plusieurs demandes de renseignements à la requérante. De 2009 à 2012, la requérante a été invitée à participer à plusieurs réunions- bilans.

30      Le 27 juillet 2012, la Commission a adopté une communication des griefs, adressée à plusieurs sociétés, dont la requérante, qui y a répondu le 16 novembre 2012.

31      À la suite de l’audition des sociétés concernées du 15 au 18 avril 2013, de nouvelles réunions-bilans ont été organisées et de nouvelles demandes de renseignements ont été envoyées.

32      Le 18 décembre 2013, la Commission a donné accès aux éléments de preuve recueillis ou divulgués plus largement après la communication des griefs et a envoyé un exposé des faits, auquel la requérante a répondu le 21 janvier 2014. La Commission a par ailleurs envoyé, le 4 avril 2014, des exposés des faits concernant la seule question de la responsabilité de la société mère notamment à la requérante, auxquels celle-ci a répondu le 22 avril 2014.

33      Le conseiller-auditeur a présenté son rapport final le 7 juillet 2014.

34      Le 9 juillet 2014, la Commission a adopté la décision C(2014) 4955 final, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)] (ci-après la « décision attaquée »).

35      En vertu de l’article 1er de la décision attaquée, Niche et Unichem ont enfreint l’article 101 TFUE en participant à un accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets contre paiement inversé, couvrant tous les États membres, à l’exception de la Croatie et de l’Italie, pour la période débutant le 8 février 2005, sauf en ce qui concerne la Lettonie (période débutant le 1er juillet 2005), la Bulgarie et la Roumanie (période débutant le 1er janvier 2007) ainsi que Malte (période débutant le 1er mars 2007), et s’achevant le 15 septembre 2008, sauf en ce qui concerne les Pays-Bas (période prenant fin le 1er mars 2007) et le Royaume-Uni (période prenant fin le 6 juillet 2007).

36      La Commission a infligé à Niche et à Unichem, conjointement et solidairement, une amende d’un montant de 13 968 773 euros [article 7, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée]. Niche est par ailleurs contrainte de s’abstenir de renouveler l’infraction sanctionnée et de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire (article 8 de la décision attaquée).

II.    Procédure et conclusions des parties

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 septembre 2014, la requérante a introduit le présent recours.

38      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, les parties entendues, de joindre la présente affaire avec l’affaire T‑705/14, Unichem Laboratories/Commission, aux fins de cette phase orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, il a par ailleurs, d’une part, invité la Commission à déposer deux documents, qui l’ont été dans le délai imparti, et, d’autre part, posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

39      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 15 juin 2017. Lors de l’audience, le Tribunal a demandé à la requérante de produire la version complète d’une annexe de la requête, ce qu’elle a fait dans le délai imparti.

40      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

41      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

42      Dans la réplique, la requérante a demandé que le mémoire en défense soit déclaré irrecevable, au motif qu’il n’aurait pas été signé par le représentant de la Commission, et que le Tribunal rende un arrêt par défaut. La Commission a estimé au contraire que le mémoire en défense avait été valablement signé par son représentant.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité du mémoire en défense

43      La requérante soutient que le mémoire en défense n’est pas recevable, au motif qu’il n’aurait pas été signé par le représentant de la Commission.

44      Il convient de rappeler que l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, applicable en l’espèce, prévoit certes que « [l]’original de tout acte de procédure doit être signé par l’agent ou l’avocat de la partie ». Toutefois, l’article 43 du règlement de procédure du 2 mai 1991 dispose également, en son paragraphe 7, que, « [s]ans préjudice des dispositions d[u] paragraphe[…] 1, premier alinéa, et des paragraphes 2 à 5, le Tribunal peut, par décision, déterminer les conditions dans lesquelles un acte de procédure transmis au greffe par voie électronique est réputé être l’original de cet acte » et que « [c]ette décision est publiée au Journal officiel de l’Union européenne ». Par décision du 14 septembre 2011 relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-Curia (JO 2011, C 289, p. 9), le Tribunal a ainsi institué un mode de dépôt et de signification d’actes de procédure par voie électronique et l’article 3 de cette décision dispose :

« Un acte de procédure déposé par e-Curia est réputé être l’original de cet acte, au sens de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque l’identifiant et le mot de passe du représentant ont été utilisés pour effectuer ce dépôt. Cette identification vaut signature de l’acte en cause. »

45      En l’espèce, le mémoire en défense a été déposé, par la voie de l’application e-Curia, par Mme F. Castilla Contreras, représentante de la Commission, conformément aux dispositions susmentionnées [voir, en ce sens, ordonnance du 12 mars 2014, Xacom Comunicaciones/OHMI – France Telecom España (xacom Comunicaciones), T‑252/13, non publiée, EU:T:2014:163, point 17, et arrêt du 16 juillet 2014, Langguth Erben/OHMI (Forme d’une bouteille de boisson alcoolisée), T‑66/13, non publié, EU:T:2014:681, points 11 à 16].

46      Le mémoire en défense répondant donc aux conditions de l’article 43, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, la fin de non-recevoir soulevée par la requérante ainsi que sa demande tendant à ce que le Tribunal rende un arrêt par défaut doivent être rejetées.

B.      Sur le bien-fondé du recours

1.      Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de consulter le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes

47      Lors de l’audience, la requérante a invoqué un moyen nouveau tiré de la violation de l’obligation de consulter le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes (ci-après le « comité consultatif »), telle qu’elle est prévue par l’article 14 du règlement no 1/2003, et a demandé au Tribunal de soulever d’office un tel moyen.

48      La Commission fait valoir que ce moyen est irrecevable et ne pourrait être soulevé d’office par le Tribunal.

49      Il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 14 du règlement no 1/2003, qui relève du chapitre IV relatif à la coopération entre, d’une part, la Commission et, d’autre part, les autorités de concurrence et les juridictions des États membres, prévoit, en son paragraphe 1, que « [l]a Commission consulte un comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes avant de prendre une décision en application des articles 7, 8, 9, 10 et 23, de l’article 24, paragraphe 2, et de l’article 29, paragraphe 1 ». L’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 dispose que, « [p]our l’examen des cas individuels, le comité consultatif est composé de représentants des autorités de concurrence des États membres ». L’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 précise que le comité consultatif émet un avis écrit sur l’avant-projet de décision de la Commission et l’article 14, paragraphe 5, du même règlement que « [l]a Commission tient le plus grand compte de l’avis du comité consultatif », en « inform[ant] ce dernier de la façon dont elle a tenu compte de son avis ».

50      Selon la jurisprudence relative aux dispositions correspondantes du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204), auquel le règlement no 1/2003 a succédé, la consultation du comité consultatif constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de la décision finale de la Commission s’il est établi que le non-respect des règles de consultation a empêché le comité consultatif de rendre son avis en pleine connaissance de cause. Le contenu et la nature substantielle ou non des obligations, découlant des dispositions régissant la consultation du comité consultatif, doivent ainsi s’apprécier, dans chaque cas d’espèce, en fonction de cette finalité de permettre au comité d’exercer ses fonctions consultatives en toute connaissance de cause(voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T‑69/89, EU:T:1991:39, points 21 et 23, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 742).

51      Ainsi, même à supposer que, en tant que formalité substantielle, la méconnaissance des règles de consultation du comité consultatif puisse, voire doive, être soulevée d’office par le Tribunal, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 50 ci-dessus que la détermination de la nature substantielle des obligations découlant des dispositions régissant cette consultation dépend de données propres à chaque cas d’espèce, qui ne sont pas nécessairement portées à la connaissance du juge. Dans ces circonstances, qui sont d’ailleurs celles de l’espèce, puisqu’il ne ressort ni des pièces du dossier de la présente affaire ni des allégations de la requérante lors de l’audience que des règles de consultation permettant au comité consultatif de se prononcer en toute connaissance de cause ont pu être méconnues, il ne saurait être considéré que le moyen soulevé par la requérante est tiré de la méconnaissance d’une formalité substantielle et constitue ainsi un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le Tribunal.

52      Il s’ensuit également que ce moyen, soulevé pour la première fois par la requérante lors de l’audience, doit être écarté comme irrecevable en raison de sa tardiveté.

53      Il peut être ajouté que ledit moyen devrait, en tout état de cause, être écarté même dans l’hypothèse où il serait considéré en l’espèce que la méconnaissance de l’obligation de consulter le comité consultatif en cause est constitutive d’un moyen d’ordre public.

54      En effet, d’une part, il y a lieu de rappeler qu’une obligation de soulever d’office des moyens d’ordre public ne saurait éventuellement exister que lorsque les éléments versés au dossier permettent au juge de l’Union de déceler et d’identifier une violation des formes substantielles (arrêts du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 134, et du 19 octobre 2017, Possanzini/Frontex, T‑686/16 P, non publié, EU:T:2017:734, point 71), ce qui, ainsi qu’il ressort du point 51 ci-dessus, n’est pas le cas en l’espèce.

55      D’autre part, il ne saurait être considéré que le moyen en cause, à le supposer recevable en dépit de sa tardiveté, répond aux exigences formelles de présentation des moyens, dès lors que la requérante se limite à une énonciation abstraite dudit moyen, ne permettant ni à la Commission de se défendre utilement, ni au juge d’exercer son contrôle juridictionnel.

2.      Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration

a)      Arguments des parties

56      La requérante soutient que la Commission a violé ses droits de la défense et le principe de bonne administration en ne l’ayant pas avertie de son erreur de compréhension de la notion de confidentialité et des conséquences du retrait de sa demande de confidentialité d’un certain nombre de documents, dont un courrier électronique du 5 février 2005 de son conseil en propriété intellectuelle relatif aux avantages d’un accord de règlement amiable qui serait couvert par le secret professionnel. En réponse à la Commission qui lui demandait d’identifier les documents communiqués dont elle souhaitait préserver la confidentialité, elle aurait en effet indiqué que, dans la mesure où elle ne disposait plus d’avocat pour la représenter, elle était contrainte de renoncer à sa demande de confidentialité. La requérante ajoute que, si la Commission n’avait pas eu accès aux données confidentielles en cause, elle n’aurait pas pu retenir le caractère restrictif par objet de l’Accord.

57      La Commission rétorque que le courrier électronique en cause n’était pas couvert pas le secret professionnel, qu’elle n’était soumise à aucune obligation de conseil des entreprises visées par une procédure d’application de l’article 101 TFUE quant aux règles de protection de la confidentialité et qu’elle avait pourtant averti la requérante des conséquences du retrait de sa demande de traitement confidentiel. Elle relève que la requérante avait bénéficié des conseils juridiques du cabinet d’avocats qui la représentait précédemment quant à la confidentialité des documents concernés et qu’elle n’avait pas établi être dans l’incapacité de se faire représenter et conseiller. La Commission ajoute enfin que, même si le courrier électronique en cause ne pouvait être invoqué, la validité de la décision attaquée, fondée sur un grand nombre d’autres éléments de preuve, ne serait pas affectée.

b)      Appréciation du Tribunal

58      Il est de jurisprudence constante que les droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, telle que celle prévue par le règlement no 1/2003, constituent des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge de l’Union assure le respect (voir arrêt du 8 juillet 2008, AC‑Treuhand/Commission, T‑99/04, EU:T:2008:256, point 46 et jurisprudence citée).

59      Il ressort également de la jurisprudence que le principe de confidentialité des communications entre avocats et clients constitue un complément nécessaire du plein exercice des droits de la défense (arrêts du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, EU:C:1982:157, point 23, et du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑125/03 et T‑253/03, EU:T:2007:287, point 120). La protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients s’oppose à ce que la Commission prenne connaissance du contenu de ces communications et, dans l’hypothèse où elle en aurait pris connaissance, la protection de leur confidentialité s’oppose à ce qu’elle fonde une décision imposant une amende pour une infraction au droit de la concurrence de l’Union sur lesdites communications (arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑125/03 et T‑253/03, EU:T:2007:287, point 86).

60      En l’espèce, il ne saurait être considéré que la Commission a méconnu les droits de la défense de la requérante en ne respectant pas la protection de la confidentialité de ses communications avec son avocat, s’agissant en particulier du courrier électronique du 5 février 2005 envoyé à la requérante par son conseil en propriété intellectuelle et fourni à la Commission en réponse à une demande de renseignements, seule pièce précisément mentionnée par la requérante comme ayant été illégalement utilisée par la Commission alors qu’elle serait couverte par le secret professionnel et serait, partant, confidentielle.

61      En effet, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la couverture effective du courrier électronique du 5 février 2005 par le secret professionnel, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence également, si le détenteur d’un élément de preuve obtenu par la Commission décide, en pleine connaissance de ses droits, de ne pas s’opposer à son utilisation par cette dernière, quand bien même il aurait pu le faire, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir utilisé cet élément dans son enquête (voir, en ce sens, arrêts du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, EU:C:1982:157, point 28, et du 12 décembre 2012, Almamet/Commission, T‑410/09, non publié, EU:T:2012:676, point 43).

62      Or, en l’espèce, contrairement à ce que prétend la requérante, cette dernière peut être considérée comme ayant décidé de ne pas s’opposer à l’utilisation du courrier concerné en pleine connaissance de ses droits.

63      En effet, la requérante a renoncé, dans le cadre de ses réponses du 7 mars 2011 à la demande de renseignements de la Commission, au traitement confidentiel qu’elle avait initialement demandé en octobre 2009. Si la Commission n’a pas pris acte de cette renonciation dans son courrier du 6 mai 2011, elle a néanmoins alerté la requérante sur le fait que ses réponses pouvaient être comprises comme une renonciation à la confidentialité, tout en insistant à plusieurs reprises sur les « importantes conséquences juridiques » d’une telle renonciation et en lui demandant de produire des versions non confidentielles des documents en cause. Bien plus, alors que, à la suite de ce courrier, la requérante lui a demandé un modèle de déclaration de renonciation à la confidentialité, la Commission a, dans sa réponse du 20 juillet 2011, une nouvelle fois attiré l’attention de la requérante sur les importantes conséquences juridiques de cette renonciation, en précisant qu’elle pourrait en conséquence utiliser les informations contenues dans les documents en cause contre la requérante au soutien d’une éventuelle communication des griefs et d’une décision relative à une infraction potentielle au droit de la concurrence. La Commission a même, dans ce courrier, donné l’opportunité à la requérante de revenir sur sa renonciation.

64      Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait, dès lors, être reproché à la Commission de ne pas l’avoir avertie des conséquences de sa renonciation à la demande de confidentialité. La circonstance que cet avertissement était d’ordre général et ne visait pas le motif spécifique de renonciation à la confidentialité de la requérante n’est pas de nature à remettre en cause le fait que la Commission a, de manière itérative, attiré l’attention de la requérante sur les conséquences de cette renonciation.

65      En outre, ayant été informée de l’absence de représentation de la requérante au cours de la période concernée – représentation dont il convient de rappeler qu’elle n’est pas obligatoire au cours de la procédure administrative devant la Commission –, cette dernière a non seulement conseillé à la requérante d’avoir recours à un conseil juridique, mais lui a également communiqué, à défaut et à plusieurs reprises, des explications relatives à la notion et aux différents types de données confidentielles ainsi qu’aux méthodes de préparation des versions non confidentielles, tout en se tenant à sa disposition pour l’assister dans l’élaboration des versions non confidentielles des documents concernés (voir le courrier électronique de la Commission à la requérante en date du 1er août 2011).

66      Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir averti la requérante de sa prétendue erreur de compréhension de la notion de confidentialité. En effet, contrairement à ce que prétend la requérante, il ressort clairement des courriers susvisés et en particulier de celui du 20 juillet 2011, non que la requérante avait erronément considéré que la reconnaissance du caractère confidentiel d’un document était subordonnée à sa représentation par un avocat, mais que l’élaboration des versions non confidentielles demandées sans l’aide d’un avocat lui posait des difficultés, difficultés que la Commission a prises en compte, ainsi qu’il ressort du point 65 ci-dessus.

67      Il s’ensuit que la Commission n’a pas davantage méconnu le principe de bonne administration, dès lors qu’il résulte de ce qui précède qu’elle a fait preuve de toute la diligence requise pour s’assurer que la requérante prenne la mesure des enjeux de la confidentialité s’attachant à certains documents et soit mise en capacité de présenter des demandes de confidentialité.

68      En tout état de cause, même à supposer que la Commission ait en l’espèce pris en considération le courrier électronique susvisé du 5 février 2005 en méconnaissance de ses obligations, cette prise en considération illégale ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée. En effet, ce courrier se borne à faire état des motifs qui pourraient justifier la conclusion de l’Accord et ainsi pourrait être interprété comme mettant en évidence l’intention anticoncurrentielle de la requérante lors de la conclusion de l’accord avec Servier. Or, selon la jurisprudence constante rappelée et appliquée en l’espèce par la Commission (voir points 228, 230 et 305 à 307 ci-après), l’intention des parties à un accord peut certes être prise en considération aux fins de qualifier ledit accord de restriction par objet (voir considérants 1356 à 1362 de la décision attaquée), mais elle ne permet pas à elle seule une telle qualification, dès lors que, afin d’apprécier si un accord entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet, il y a lieu de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir considérants 1281 à 1354 de la décision attaquée). En outre, il ressort des pièces du dossier, comme le soulignera ci-après l’examen du bien-fondé du recours, que la Commission a pu retenir à bon droit d’autres éléments pour établir l’intention anticoncurrentielle de la requérante.

69      Partant, il ne saurait être considéré que, en l’absence de prise en compte du courrier électronique susvisé, la Commission n’aurait pu qualifier l’Accord de restriction de concurrence par objet.

70      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration doit être écarté.

3.      Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’analyse de la concurrence potentielle sur le marché

a)      Sur les critères d’appréciation de la concurrence potentielle

1)      Arguments des parties

71      Se fondant sur la jurisprudence, la requérante souligne le caractère objectif du critère de la concurrence potentielle, impliquant qu’il y a concurrence potentielle lorsqu’il existe une possibilité réelle et concrète d’entrer sur le marché, selon une stratégie économique viable, étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché. L’entrée sur le marché devrait en outre intervenir suffisamment rapidement, de sorte que la Commission aurait à tort considéré qu’une perspective d’entrée dans les trois ans serait suffisante et à tort minimisé l’importance de reports d’entrée, en méconnaissance de l’arrêt du 3 avril 2003, BaByliss/Commission (T‑114/02, EU:T:2003:100, point 102), qui porterait au surplus sur des circonstances différentes de celles de l’espèce. Les perceptions et les intentions des parties ne seraient en revanche pas pertinentes selon la jurisprudence.

72      La Commission estime s’être conformée à la jurisprudence relative à la concurrence potentielle, en vérifiant si la société de génériques a exercé une pression concurrentielle sur la société de princeps. Selon cette jurisprudence, l’entrée potentielle devrait pouvoir se faire suffisamment rapidement. La Commission souligne, à cet égard, que sa mention dans la décision attaquée d’une durée de trois ans serait indicative, ainsi qu’il ressortirait d’ailleurs des textes qui la prévoient, et qu’elle aurait pleinement respecté l’arrêt du 3 avril 2003, BaByliss/Commission (T‑114/02, EU:T:2003:100), pertinent en l’espèce. En outre, la perception des opérateurs présents sur le marché pourrait être pertinente pour déterminer s’il existe des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché, de même que l’intention des parties de pénétrer ledit marché, une telle intention n’étant cependant pas une condition préalable nécessaire pour démontrer l’existence d’une concurrence potentielle.

2)      Appréciation du Tribunal

73      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante également citée par la requérante, une entreprise constitue un concurrent potentiel s’il existe des possibilités réelles et concrètes que celle-ci intègre le marché en cause et concurrence les entreprises qui y sont établies. Une telle démonstration ne doit pas reposer sur une simple hypothèse, mais doit être étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché pertinent. Ainsi, une entreprise ne saurait être qualifiée de concurrent potentiel si son entrée sur le marché ne correspond pas à une stratégie économique viable (arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 86 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, points 166 et 167 et jurisprudence citée). Ainsi que l’ont pertinemment souligné les parties, lorsqu’un marché est caractérisé par des obstacles à l’entrée, l’examen de leur caractère insurmontable vient utilement compléter celui des possibilités réelles et concrètes d’entrer de la société en cause, fondé sur la capacité et l’intention d’entrer de ladite société (arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 321).

74      Il ressort en effet de la jurisprudence relative à l’analyse des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur un marché que, si l’intention d’une entreprise d’intégrer ce marché est éventuellement pertinente aux fins de vérifier si elle peut être considérée comme un concurrent potentiel sur ledit marché, l’élément essentiel sur lequel doit reposer une telle qualification est cependant constitué par sa capacité à intégrer ledit marché (arrêts du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 168 ; du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 87, et de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 318). Une restriction de la concurrence potentielle, que peut constituer la seule existence d’une entreprise extérieure au marché, ne saurait être conditionnée par la démonstration de l’intention de cette entreprise d’intégrer à brève échéance ledit marché (arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 169).

75      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, si certes l’intention d’entrer sur un marché n’est ni nécessaire à la reconnaissance de l’existence d’une concurrence potentielle sur ledit marché, ni susceptible de la remettre en cause, elle n’en est pas moins, lorsqu’elle est établie, de nature à conforter la capacité d’entrer et ainsi à contribuer à la qualification d’un opérateur donné de concurrent potentiel (arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 382).

76      De la même manière, et contrairement à ce que prétend également la requérante, la perception des opérateurs présents sur le marché constitue un critère pertinent d’appréciation de la concurrence potentielle. Certes, compte tenu de sa nature subjective et ainsi variable selon les opérateurs en cause, leur connaissance du marché comme leurs rapports avec leurs hypothétiques concurrents, la perception de ces opérateurs, même expérimentés, ne peut à elle seule permettre de considérer qu’un autre opérateur donné est l’un de leurs concurrents potentiels. En revanche, il ressort de la jurisprudence que cette perception est susceptible de conforter la capacité d’un opérateur à entrer sur un marché et, ce faisant, de contribuer à sa qualification de concurrent potentiel [voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, points 103 et 104, et du 8 septembre 2016, Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission, T‑460/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:453, point 88].

77      En particulier, dans l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, point 115), invoqué par la requérante, le Tribunal a jugé que l’existence d’un accord, et ainsi la perception des parties à cet accord, ne pouvait à elle seule suffire à démontrer ou n’impliquait pas nécessairement l’existence d’une concurrence potentielle à la date de la signature de l’accord. Contrairement à ce que soutient la requérante, cet arrêt a conclu, non à l’absence de pertinence du critère de la perception de l’opérateur en place, mais uniquement à l’insuffisance de la seule perception de cet opérateur pour établir l’existence d’une concurrence potentielle en l’absence de tout autre élément de nature à permettre une telle démonstration.

78      Dans l’arrêt du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission (T‑112/07, EU:T:2011:342), également cité par la requérante, le Tribunal a clairement pris en compte le critère de la perception de l’opérateur en place aux fins d’établir l’existence d’une concurrence potentielle. Il ressort ainsi des points 90, 226 et 319 de cet arrêt, rappelés au considérant 1160 de la décision attaquée, que non seulement les accords en cause conclus entre des producteurs européens et japonais constituaient des indices sérieux de ce que ces derniers étaient perçus par les premiers comme des concurrents potentiels crédibles, mais également qu’ils révélaient l’existence de possibilités pour les producteurs japonais de pénétrer le marché européen (voir également, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T‑519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 231). Contrairement à ce que prétend la requérante, le Tribunal a par ailleurs procédé dans cet arrêt à une analyse objective de la situation concurrentielle, en examinant notamment la capacité des producteurs japonais à entrer sur le marché européen (arrêt du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, EU:T:2011:342, points 157, 160 et 319 à 332).

79      Il s’ensuit que le critère subjectif de la perception de l’opérateur en place constitue uniquement un critère parmi d’autres pour apprécier l’existence d’une concurrence potentielle et c’est d’ailleurs à ce titre que la Commission l’a pris en compte dans la décision attaquée (voir considérant 1163 de la décision attaquée et points 101 à 107 ci-après).

80      Il s’ensuit également que, parmi les éléments permettant d’attester de la perception de l’existence d’une concurrence potentielle par l’opérateur en place, le fait même qu’une entreprise déjà présente sur le marché cherche à conclure des accords avec des entreprises ayant des activités similaires dans le même secteur mais non présentes sur le marché aux fins de s’accorder sur leur entrée sur ledit marché, et a fortiori la conclusion de tels accords, bénéficient d’une force probante particulière (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 144). Ainsi, dans la mesure où Servier a conclu un tel accord avec la requérante, l’allégation de cette dernière selon laquelle il ressortirait d’une de ses notes internes datant de novembre 2004 que Servier ne percevait pas les sociétés de génériques comme des contraintes concurrentielles ne saurait prospérer.

81      En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, l’analyse, d’un point de vue temporel, de la concurrence potentielle effectuée par la Commission dans la décision attaquée est conforme aux principes applicables.

82      En effet, selon une jurisprudence constante rappelée par la Commission dans la décision attaquée (considérant 1158), pour qu’un opérateur puisse être qualifié de concurrent potentiel, son entrée potentielle doit pouvoir se faire suffisamment rapidement aux fins de peser et ainsi d’exercer une pression concurrentielle sur les participants au marché (arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 189 ; voir également, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 114). Cette jurisprudence se réfère aux lignes directrices sur l’applicabilité de l’article [101 TFUE] aux accords de coopération horizontale (JO 2001, C 3, p. 2, ci-après les « lignes directrices sur les accords de coopération horizontale de 2001 ») [voir également les lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 [TFUE] aux accords de coopération horizontale (JO 2011, C 11, p. 1, ci-après les « lignes directrices sur les accords de coopération horizontale de 2011 »)], qui non seulement affirment l’exigence d’une entrée suffisamment rapide, mais également donnent des durées indicatives de ce que peut être une entrée suffisamment rapide, n’excédant pas, selon les cas, un ou trois ans, en se fondant sur d’autres lignes directrices ainsi que sur des règlements d’exemption par catégorie.

83      Cependant, comme le précisent tant ces lignes directrices (note en bas de page no 9 des lignes directrices sur les accords de coopération horizontale de 2001 et note en bas de page no 3 des lignes directrices sur les accords de coopération horizontale de 2011) que la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, points 171 et 189), ces délais ne sont qu’indicatifs et la notion d’entrée « suffisamment rapide » est fonction des faits de l’affaire traitée ainsi que du contexte juridique et économique dans lequel celle-ci s’inscrit, qui devront être pris en compte aux fins de déterminer si l’entreprise extérieure au marché exerce une pression concurrentielle sur les entreprises opérant actuellement sur ce marché (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 169).

84      Or, en l’espèce, d’une part, la Commission a pris en compte les spécificités du contexte économique et juridique de l’espèce, en évaluant les durées de chacune des étapes requises pour entrer sur le marché du périndopril (considérant 1182 et note en bas de page no 1669 de la décision attaquée). Contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’existence de différentes étapes devant être franchies pour avoir accès au marché n’implique pas que seuls les opérateurs étant sur le point de franchir ces étapes sont des concurrents potentiels. Outre le fait qu’une telle allégation revient à nier la différence entre concurrence potentielle, correspondant à l’exercice d’une pression concurrentielle, et concurrence réelle, correspondant à une entrée sur le marché, il convient de souligner que, en raison précisément des particularités du secteur pharmaceutique et notamment des diverses étapes devant être franchies ainsi que de l’existence de brevets, les sociétés de génériques entament souvent les démarches visant à entrer sur le marché bien avant l’expiration des brevets, de manière à avoir franchi les étapes requises au plus tard au moment de cette expiration. Ces démarches sont alors susceptibles d’exercer une pression concurrentielle sur la société de princeps, dès avant, voire bien avant, l’expiration des brevets et l’entrée effective des sociétés de génériques sur le marché [voir point 123 ci-après ; voir également, en ce sens, arrêts du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 108 ; du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 163, et du 8 septembre 2016, Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission, T‑460/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:453, points 77 à 79].

85      Par ailleurs, la Commission a certes rappelé, dans la note en bas de page no 1840 sous le considérant 1296 de la décision attaquée, le délai de trois ans mentionné dans les lignes directrices sur les accords de coopération horizontale de 2011, mais n’en a tiré aucune conséquence décisive en l’espèce, de sorte que les griefs lui reprochant la prise en compte de ce délai, au regard notamment du temps requis pour développer le périndopril (considérant 3137 de la décision attaquée), doivent être écartés comme inopérants.

86      D’autre part, la Commission s’est fondée sur l’idée de pression concurrentielle inhérente à la concurrence potentielle pour considérer que les retards dans le processus d’entrée sur le marché éventuellement subis par les sociétés de génériques ne suffisaient pas à eux seuls pour exclure leur qualité de concurrent potentiel lorsqu’elles continuent à exercer une telle pression du fait de leur capacité à entrer et a cité, en ce sens, l’arrêt du 3 avril 2003, BaByliss/Commission (T‑114/02, EU:T:2003:100). Contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’en a ainsi pas déduit qu’elle était libre de ne pas tenir compte de ces retards dans son appréciation de la concurrence potentielle. La Commission s’est par ailleurs fondée à bon droit sur l’arrêt du 3 avril 2003, BaByliss/Commission (T‑114/02, EU:T:2003:100, points 102 à 106), dès lors que, même si le Tribunal s’est prononcé dans cet arrêt dans le cadre d’un contexte très différent de celui de l’espèce, il n’en a pas moins pris position sur l’impact sur la qualité de concurrent potentiel de BaByliss de plusieurs reports de son entrée sur le marché, impact qui est précisément analysé dans la décision attaquée. Le Tribunal a jugé, à cet égard, que les reports d’entrée ne remettaient pas en cause la qualité de concurrent potentiel de BaByliss, en se fondant sur plusieurs éléments attestant de sa capacité d’entrer.

87      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas retenu en l’espèce des critères d’appréciation erronés de la concurrence potentielle.

b)      Sur les erreurs d’appréciation de la concurrence potentielle

1)      Arguments des parties

88      La requérante fait valoir, en premier lieu, que des barrières insurmontables à l’entrée sur le marché s’opposaient à l’existence d’une concurrence potentielle. Parmi ces barrières, pourraient figurer, ainsi qu’il ressortirait de la jurisprudence comme de la pratique décisionnelle de la Commission, les brevets et des obstacles d’ordre réglementaire et financier. La requérante conteste en particulier, s’agissant des brevets, la présentation par la Commission des droits de brevet comme des droits incertains ou potentiels ainsi que la prise en compte des perceptions subjectives des parties quant à leurs chances de succès dans le contentieux en matière de brevets comme celle des voies alternatives d’accès au marché. Elle renvoie par ailleurs, à cet égard, à ses arguments exposés dans un « Mémorandum sur les questions relatives aux brevets » joint en annexe à la requête.

89      La requérante estime, en second lieu, qu’elle n’avait en l’espèce pas de possibilité réelle et concrète, voire qu’elle n’avait aucune possibilité, d’entrer sur le marché dans un délai raisonnable. Elle aurait en effet été confrontée à quatre types d’obstacles, dont la décision attaquée n’établit pas qu’ils pouvaient être surmontés.

90      S’agissant des obstacles financiers, la requérante prétend que sa situation financière s’est rapidement détériorée fin 2004 et qu’elle allait, selon des experts externes, se trouver en cessation de paiement à compter de mars 2005, et ce indépendamment même des frais contentieux qu’elle aurait dû exposer dans les litiges en matière de brevets et des dédommagements que pourraient lui réclamer ses clients à la suite de l’annulation probable des contrats passés avec eux. Elle écarte la pertinence de la mention des bénéfices escomptés dans la décision attaquée, comme reposant sur une prévision de date de lancement du périndopril qui ne s’est pas réalisée. La requérante souligne, à cet égard, que le périndopril était son seul produit en cours de développement et en voie de commercialisation. Elle ajoute que la décision attaquée ne retient aucun indice crédible prouvant qu’il était possible de remédier à sa situation financière. Se fondant sur un rapport d’expertise dont elle souligne le caractère équilibré et complet, la requérante estime en particulier que son contrat d’affacturage, l’acompte non remboursable de Servier, la garantie de sa société mère et le partage des frais contentieux auraient été soit hypothétiques, soit insuffisants. La requérante reproche à cet égard à la Commission d’avoir, par l’allégation de nouvelles sources de financement – résultant en l’occurrence de l’accord de licence et de fourniture conclu entre Niche et Biogaran et de l’aide d’Unichem – non mentionnées en tant que telles au cours de la procédure administrative et dans la décision attaquée, méconnu ses droits de la défense ainsi que l’obligation de motiver la décision attaquée. Elle réitère ce même reproche s’agissant de l’allégation par la Commission de la poursuite de travaux dans son usine irlandaise ne produisant pas du périndopril aux fins d’établir que le périndopril n’aurait pas été le produit phare de Niche.

91      S’agissant des obstacles juridiques en matière de brevets, la requérante fait valoir que les brevets de procédé (brevets 339, 340 et 341) et le brevet 947 créaient, une fois combinés, une barrière insurmontable à son entrée sur le marché. Elle aurait en effet produit un mélange des formes alpha et bêta pour minimiser le risque de contrefaçon du brevet 947 et aurait considérablement investi dans un nouveau procédé non contrefaisant des brevets de procédé, dont elle aurait toutefois découvert en novembre 2004 qu’il risquait de contrefaire le brevet 947, découverte qui aurait par ailleurs conduit à écarter la pertinence de ses déclarations antérieures relatives à sa confiance dans ses chances de succès dans le contentieux en matière de brevets. Quant aux brevets de procédé, les éléments de preuve dont se prévaut la Commission confirmeraient que la requérante nourrissait un certain nombre d’inquiétudes quant à un risque de contrefaçon, et ce d’autant plus que ce risque était mis en évidence par l’un de ses clients.

92      S’agissant des obstacles techniques et réglementaires, la requérante souligne que la modification susvisée du procédé de fabrication aurait abouti à la création d’un IPA et de comprimés techniquement défaillants (taille des particules, présence d’impuretés, problèmes de stabilité). Ces défauts, soulignés en particulier par Unichem, auraient conduit la requérante à demander l’arrêt de leur production et, selon un rapport d’expertise, à empêcher ou, à tout le moins, à retarder l’obtention d’une AMM, en particulier au Royaume-Uni. Il ressortirait en particulier de ce rapport que les difficultés techniques étaient diverses, de grande ampleur, portaient sur des aspects fondamentaux et que les efforts déployés pour les résoudre étaient désordonnés et mal orientés. En réponse à la contestation de la force probante de ce rapport, la requérante a produit, en annexe à sa réplique, un autre rapport d’expertise, qui aurait confirmé à la fois la qualité, l’objectivité et le contenu du précédent rapport.

93      La requérante estime en outre que l’AMM délivrée à l’un de ses partenaires commerciaux aux Pays-Bas ne permet pas de prouver son entrée imminente sur le marché, une telle AMM étant inutilisable compte tenu de la modification ultérieure du procédé de fabrication. Seraient par ailleurs indifférents le fait que Matrix avait commencé à produire l’IPA à une échelle commerciale, de même que les contrats conclus avec plusieurs clients, dès lors qu’ils étaient antérieurs aux difficultés, notamment techniques, susvisées ou indépendants de ces difficultés et pouvaient s’expliquer par la volonté de maintenir la confiance des clients de la requérante. La requérante écarte également la pertinence de la supposée confiance de Matrix dans la possibilité de surmonter les obstacles concernés, dans la mesure où la déclaration en cause ne serait fondée sur aucun élément de preuve direct.

94      S’agissant des obstacles commerciaux, la requérante indique que, en raison du refus de Matrix de lui fournir l’IPA et de l’aider à compléter les dossiers réglementaires déposés ainsi que de l’absence de source alternative d’approvisionnement, elle aurait été totalement empêchée d’entrer sur le marché.

95      La Commission souligne, en premier lieu, qu’il n’a jamais été jugé et qu’il ne résulterait pas davantage de sa pratique décisionnelle que l’existence d’un brevet constitue une barrière insurmontable à l’entrée sur le marché. En effet, un brevet ne conférerait pas un droit absolu d’exclure des concurrents potentiels, dès lors qu’une société serait toujours libre de pénétrer le marché avec un produit n’enfreignant pas le brevet ou de contester la validité dudit brevet. La Commission souligne que la prise en compte, à cet égard, des perceptions subjectives des parties serait conforme à la jurisprudence et qu’une société de princeps pourrait commencer à ressentir la pression concurrentielle exercée par les sociétés de génériques avant même l’expiration du brevet de molécule, sous peine d’estomper la distinction entre concurrence effective et concurrence potentielle. Elle estime enfin que les arguments exposés dans le « Mémorandum sur les questions relatives aux brevets » auxquels la requérante renvoie devraient être rejetés comme irrecevables et, en tout état de cause, comme faiblement probants. De même, le fait qu’une société rencontre des difficultés financières ne signifierait pas que cette situation constitue une barrière insurmontable à son entrée sur le marché.

96      La Commission rappelle, en second lieu, les différentes données, telles qu’étayées par des éléments de preuve et exposées dans la décision attaquée, démontrant, selon elle, qu’il existait une possibilité réelle et concrète pour Niche d’entrer sur le marché dans un délai relativement court et d’exercer une pression concurrentielle sur Servier pendant la période ayant précédé la signature de l’Accord. Elle estime que l’analyse de la requérante ne correspondrait pas à ces éléments de preuve et serait fondée sur des inexactitudes factuelles et des exagérations flagrantes non étayées. La Commission ajoute, en se fondant sur la jurisprudence, que, compte tenu du volume conséquent d’éléments de preuve contemporains des faits à sa disposition, elle n’avait pas à solliciter l’avis d’experts supplémentaires.

97      Quant aux prétendus obstacles financiers à l’entrée sur le marché, la Commission souligne que le caractère financièrement très attrayant du transfert de valeur prévu par l’Accord ne signifie pas que Niche était confrontée à des difficultés financières insurmontables. Elle estime qu’aucune des pertes financières alléguées et qu’aucun risque de telles pertes ne seraient corroborés par des éléments de preuve probants, en relevant notamment que le rapport d’expertise cité par la requérante aurait été rédigé huit ans après les faits, que les frais contentieux auraient dû être anticipés puis partagés et, en tout état de cause, supportés par la partie perdante, que son activité commerciale n’était pas fondée sur le seul périndopril, que ses résultats commerciaux ne suggéraient pas un désastre imminent et que ses clients n’auraient pas annulé leurs contrats en exigeant un dédommagement. La Commission considère, en revanche, que Niche disposait ou, à tout le moins, était capable d’obtenir des fonds supplémentaires considérables, en évoquant notamment ceux pouvant être versés par sa société mère et les avances résultant de contrats en cours de négociation. Elle ajoute, en réponse à l’allégation de méconnaissance des droits de la défense et de l’obligation de motivation, que les éléments en cause avaient été avancés aux fins de répondre aux arguments de la requête.

98      Quant aux prétendus obstacles relatifs aux brevets, la Commission relève que des litiges étaient en cours et que Niche et Matrix étaient convaincues de l’absence de contrefaçon des brevets de procédé de Servier et de l’invalidité du brevet 947. Forte de cette conviction, la requérante aurait, d’une part, demandé à Servier de la poursuivre en contrefaçon des brevets de procédé devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], afin de « dégager la voie » et, d’autre part, introduit une action en invalidité du brevet 947 devant l’OEB, tout en tentant de fabriquer un produit n’enfreignant pas ce brevet. La Commission souligne que la requérante n’a certes pas été en mesure de contester le brevet 947 devant les juridictions nationales, mais que Servier n’a pas non plus introduit d’action en contrefaçon de ce brevet. Elle ajoute que le jugement d’invalidité du brevet 947 à la suite de l’action d’Apotex confirmerait l’absence de caractère insurmontable de l’obstacle lié à ce brevet. Quant aux brevets de procédé, la Commission relève qu’ils n’étaient pas protégés dans quatre États membres de l’Union.

99      Quant aux prétendus obstacles techniques et réglementaires à l’entrée sur le marché, la Commission déduit de la chronologie des faits, tels qu’étayés et exposés dans la décision attaquée, que, malgré les difficultés rencontrées, il ressortirait des éléments du dossier que Niche, Matrix et leurs partenaires commerciaux œuvraient activement à la résolution des problèmes techniques décelés et estimaient, de même d’ailleurs que Servier, que l’AMM serait accordée. Elle souligne en particulier, s’agissant de Matrix, que la suspension de l’accord Niche-Matrix serait la conséquence de son accord de règlement amiable conclu avec Servier et non d’inquiétudes relatives à des problèmes techniques ou réglementaires posés par le produit. La Commission conteste par ailleurs la force probante du rapport d’expertise sur lequel la requérante fonde ses allégations dans la requête, en relevant qu’il a été commandé par Niche aux fins du présent recours à l’un de ses anciens employés, de même que celle du rapport d’expertise joint à la réplique, en soulignant notamment son analyse sélective des éléments de preuve existants et, de plus, l’inadéquation de ceux-ci à ses conclusions. Elle ajoute enfin que l’AMM obtenue aux Pays-Bas aurait pu faire l’objet d’une actualisation, laquelle n’a pas pu être demandée en raison de l’Accord.

100    Quant aux prétendus obstacles commerciaux à l’entrée sur le marché, la Commission fait valoir que la requérante ne saurait se fonder sur les obligations résultant de l’accord restrictif de concurrence pour écarter sa qualité de concurrent potentiel. Elle estime en outre qu’Azad Pharmaceutical Ingredients AG aurait pu constituer une solution de remplacement pour son approvisionnement en IPA.

2)      Appréciation du Tribunal

101    Il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que « Niche/Unichem » était un concurrent potentiel clé de Servier qui avait l’intention et la capacité d’entrer sur le marché dans un court laps de temps (considérants 1282, 1292 et 1298), en se fondant sur les cinq considérations suivantes.

102    Premièrement, la Commission a relevé que « Niche/Unichem » avait, depuis plusieurs années, investi des ressources, avec Matrix, en vue de la mise au point d’un produit générique de substitution au périndopril de Servier et que ce projet avait bien progressé. En auraient attesté, d’une part, les démarches entreprises aux fins de se voir octroyer des AMM, dont l’obtention était prévue pour 2005 et dont l’une avait effectivement été obtenue aux Pays-Bas par un client de Niche en mai 2005, et, d’autre part, les lots commerciaux d’IPA en cours de préparation pour le lancement commercial prévu, lots que Matrix considérait comme suffisants pour satisfaire aux prévisions de commande (considérant 1283 de la décision attaquée).

103    Deuxièmement, la Commission a souligné que Niche avait conclu quatorze accords avec des partenaires commerciaux souhaitant vendre du périndopril générique en Europe, ce qui démontrerait qu’elle était confiante dans sa capacité à commercialiser ce périndopril rapidement. Elle a précisé qu’une réponse aurait été apportée aux notifications d’irrégularité des autorités réglementaires reçues par Niche ainsi que ses partenaires. La Commission a également précisé que Niche avait demandé à l’un de ses clients, en octobre 2004, de lui communiquer ses commandes pour 2005 afin de planifier sa production pour 2005 et qu’elle négociait, quelques jours seulement avant la conclusion de l’Accord, un accord de fourniture avec l’une des plus grandes sociétés de génériques, Teva (considérant 1284 de la décision attaquée).

104    Troisièmement, selon la Commission, un document datant de l’époque suggérait que l’entrée sur le marché de « Niche/Unichem » (et Matrix) aurait été économiquement viable, eu égard au montant du bénéfice brut annuel escompté pour l’exercice 2003/2004 (considérant 1285 de la décision attaquée).

105    Quatrièmement, la Commission a constaté que Servier lui-même considérait « Niche/Unichem » comme une menace générique, en se fondant notamment sur un audit qu’il avait réalisé en vue de l’acquisition de Niche, mettant en évidence la situation financière de cette dernière (considérant 1286 de la décision attaquée).

106    Cinquièmement, la Commission a évoqué la situation de Niche au regard des litiges en matière de brevets. Quant au litige devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], portant sur les brevets de procédé de Servier, il ressortirait de plusieurs déclarations de Niche que cette dernière était confiante dans la perspective de l’emporter (considérants 1288 et 1289 de la décision attaquée). Quant au litige relatif au brevet 947, Niche aurait opté pour une action devant l’OEB et n’aurait pas entamé, malgré une tentative en 2004, d’action devant une juridiction nationale (considérants 1290 et 1291 de la décision attaquée).

107    Enfin, la Commission a ajouté, en réponse à diverses allégations avancées par Niche et par Servier au cours de la procédure administrative, qu’il n’y avait pas eu de rejet d’AMM, malgré des notifications d’irrégularité, que les difficultés financières alléguées par Niche devaient être nuancées, eu égard aux fonds obtenus ou pouvant l’être au cours de la période en cause, et qu’il n’était pas nécessaire qu’un concurrent potentiel dispose d’un produit prêt à être commercialisé, pour autant qu’il soit en mesure d’entrer rapidement et qu’il ne se heurte pas à des problèmes qui, pris ensemble, auraient représenté des difficultés insurmontables. L’absence de telles difficultés aurait notamment été attestée en l’espèce par la poursuite de la coopération entre Niche et Matrix en vue de les résoudre (considérants 1293 à 1297 de la décision attaquée, renvoyant notamment aux considérants 471 et suivants de ladite décision).

108    Il importe de souligner, à titre liminaire, que la requérante ne conteste pas que son partenaire Matrix avait commencé à préparer des lots d’IPA de périndopril pour un lancement commercial, qu’elle avait entrepris des démarches en vue de l’octroi d’AMM (voir point 102 ci-dessus) et qu’elle avait conclu quatorze accords avec des partenaires commerciaux souhaitant vendre du périndopril générique en Europe (voir point 103 ci-dessus).

109    Or, de tels éléments, en ce qu’ils attestent de démarches visant à la production et à la commercialisation prochaine de périndopril, permettent d’établir que Niche avait non seulement l’intention de prendre le risque d’entrer sur le marché européen, mais également la capacité d’y entrer.

110    Il convient, dès lors, de déterminer si les allégations de la requérante relatives aux obstacles liés aux brevets de Servier ainsi qu’aux difficultés techniques, réglementaires, financières et commerciales sont susceptibles de remettre en cause sa capacité et son intention d’entrer sur le marché, telles que déduites des éléments susvisés, et ainsi ses possibilités réelles et concrètes de concurrencer Servier (voir, en ce sens, arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, points 386 et 441).

i)      Sur les obstacles liés aux brevets de Servier

111    La requérante se fonde sur la jurisprudence et la pratique décisionnelle de la Commission pour contester l’appréciation de la décision attaquée selon laquelle les brevets ne constitueraient pas des obstacles insurmontables à la concurrence potentielle et, en particulier, la prise en compte pour ce faire des perceptions subjectives par les parties de la contrefaçon ou de la validité des brevets ainsi que celle de voies alternatives d’accès au marché, telles que le lancement à risque ou l’adaptation du produit (voir point 88 ci-dessus). Elle estime en outre que, contrairement à ce qu’a considéré la Commission, elle ne disposait pas de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché en raison des brevets de Servier (voir point 91 ci-dessus).

112    Il convient, à titre liminaire, de se prononcer sur la recevabilité de l’annexe A.24 de la requête intitulée « Mémorandum sur les questions relatives aux brevets », contestée en l’espèce par la Commission. Cette annexe, datée du 22 septembre 2014, a été établie par un membre du cabinet d’avocats représentant la requérante dans la présente affaire et présentait le système du brevet ainsi que la stratégie de la requérante dans le cadre de son contentieux en matière de brevets l’opposant à Servier. La requérante y a renvoyé dans la requête pour contester la prétendue position de la Commission selon laquelle les brevets seraient des droits incertains ou potentiels et non des droits exclusifs clairement délimités, en précisant, dans une note en bas de page, pour chacun des considérants de la décision attaquée exprimant une telle position, les références de la partie de l’annexe présentant des arguments visant le considérant en cause. Elle y a également renvoyé, dans la requête et la réplique, au soutien de ses arguments relatifs à la contrefaçon du brevet 947 de Servier.

113    Or, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en application de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, applicable au moment de l’introduction du recours, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du 29 juin 1995, ICI/Commission, T‑37/91, EU:T:1995:119, point 42 ; du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, EU:T:2000:54, point 66, et du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd/Commission, T‑157/01, EU:T:2004:76, point 45).

114    Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée).

115    Par conséquent, en l’espèce, le Tribunal ne peut prendre en considération l’annexe A.24 de la requête que dans la mesure où elle étaye ou complète des moyens ou des arguments expressément invoqués par la requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elle contient qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 99).

116    Il s’ensuit que les arguments exposés dans cette annexe et auxquels la requérante se contente de renvoyer en faisant référence à une ou plusieurs sections de ladite annexe, sans aucunement les présenter, même sommairement, sont irrecevables. Sont, en revanche, recevables les données figurant dans ladite annexe et visant à étayer des arguments exposés dans la requête et la réplique.

117    Sur le fond, il convient de rappeler que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les parties avaient tort de prétendre, en se fondant notamment sur l’arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362), que l’entrée sur le marché était impossible, au motif que l’existence d’un brevet excluait toute possibilité de concurrence, et d’en conclure que les brevets de Servier créaient un « blocage unilatéral » au sens des lignes directrices de la Commission relatives à l’application de l’article [101 TFUE] aux accords de transfert de technologie (JO 2004, C 101, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie »), lesquelles ne seraient au surplus pas applicables en l’espèce (considérants 1167 et 1168 ainsi que note en bas de page no 1638).

118    La Commission a ajouté que, en tout état de cause, les sociétés de génériques avaient la possibilité, premièrement, de contester la validité des brevets de Servier. Elle a rappelé, à cet égard, l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75, point 92), en vertu duquel il est de l’intérêt public d’éliminer, notamment par des actions contestant la validité des brevets, tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort, ainsi que l’arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 108), qui aurait affirmé que la concurrence potentielle pouvait exister même avant l’expiration du brevet de molécule (considérants 1132, 1165 et 1169 ainsi que note en bas de page no 1640 de la décision attaquée). La Commission a ajouté que le fait que Servier avait ou allait invoquer une contrefaçon de ses brevets était sans importance afin de déterminer si ces brevets étaient en mesure de bloquer l’entrée des médicaments génériques, en soulignant l’absence de présomption de contrefaçon et l’absence de décision de justice ayant constaté pendant la période pertinente une telle contrefaçon (considérants 1169 à 1171 de la décision attaquée). Elle a précisé qu’elle se fonderait, en ce qui concerne la possibilité perçue d’invalidité ou de contrefaçon des brevets de Servier, sur les évaluations réalisées par les parties elles-mêmes ainsi que par des tiers, telles qu’exposées dans des documents antérieurs à ou contemporains de la conclusion des accords litigieux (considérant 1172 de la décision attaquée).

119    La Commission a estimé que les sociétés de génériques avaient également la possibilité, deuxièmement, d’avoir recours à des voies alternatives pour accéder aux marchés où les litiges se déroulaient (considérant 1175 de la décision attaquée). D’une part, les sociétés de génériques demeuraient libres de lancer le périndopril à risque, c’est-à-dire avec le risque que la société de princeps engage une action en contrefaçon. La Commission a souligné, à cet égard, que, compte tenu de la pratique du dépôt de brevets de procédé à la suite de l’expiration du brevet de molécule, la quasi-totalité des ventes après cette expiration étaient à risque et que l’entrée sur le marché à risque d’Apotex en 2006 s’était soldée par un jugement d’invalidité du brevet 947 et l’octroi de dommages et intérêts par Servier (considérants 1176 et 1177 de la décision attaquée). D’autre part, les sociétés de génériques auraient pu adapter leurs procédés, soit directement, soit en changeant de fournisseur d’IPA, pour éviter les allégations de contrefaçon. Bien que, le cas échéant, sources de retards réglementaires, ces changements représentaient, selon la Commission, une voie alternative viable pour accéder au marché (considérant 1178 de la décision attaquée).

120    La Commission a conclu, au considérant 1179 de la décision attaquée, comme suit :

« […] les règlements amiables ont été conclus dans un contexte où le brevet de molécule avait expiré, et où toutes les parties génériques étaient impliquées, directement ou indirectement, dans des actions en justice ou litiges concernant un ou plusieurs des brevets restants de Servier, que ce soit sous la forme d’une défense contre des actions en contrefaçon, ou par des actions ou des demandes reconventionnelles visant à invalider lesdits brevets. Les sociétés de génériques pouvaient également choisir d’autres mesures brevetaires comme pistes potentielles d’accès au marché. La Commission examinera en détail si les sociétés de génériques cherchant à surmonter les obstacles en matière de brevets et à lancer leur périndopril générique étaient une source de pression concurrentielle vis-à-vis de Servier en dépit de ses brevets. Il convient de rappeler, à cet égard, que tous les accords visés par la présente décision ont été conclus à un moment où il y avait une incertitude quant au fait de savoir si l’un quelconque des brevets avait été violé et en particulier si le brevet 947 pouvait être invalidé. La simple existence, et l’invocation, des brevets de Servier n’ont donc pas empêché toute possibilité de concurrence potentielle ou réelle. »

121    Contrairement à ce que prétend la requérante, ces considérations de la Commission ne sont pas entachées d’erreurs.

122    En effet, si, comme le souligne la requérante, le droit exclusif que constitue le brevet a normalement pour conséquence de tenir les concurrents à l’écart, ces derniers étant tenus de respecter ce droit exclusif en vertu de la réglementation publique (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362), cet effet d’exclusion de la concurrence concerne les concurrents réels commercialisant des produits contrefaisants. Le brevet confère à son titulaire le droit exclusif d’utiliser une invention en vue de la fabrication et de la première mise en circulation de produits industriels ainsi que le droit de s’opposer à toute contrefaçon (arrêts du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, point 9 ; du 14 juillet 1981, Merck, 187/80, EU:C:1981:180, point 9, et du 16 juillet 2015, Huawei Technologies, C‑170/13, EU:C:2015:477, point 46), mais ne s’oppose pas, par lui-même, à ce que des opérateurs entament les démarches requises pour être en mesure d’entrer sur le marché en cause à l’expiration du brevet et, ainsi, exercent une pression concurrentielle sur le titulaire du brevet caractéristique de l’existence d’une concurrence potentielle avant cette expiration. Il ne s’oppose pas davantage à ce que des opérateurs procèdent aux opérations nécessitées par la fabrication et la commercialisation d’un produit non contrefaisant, leur permettant d’être considérés comme des concurrents réels du titulaire du brevet à compter de leur entrée sur le marché et, le cas échéant, comme des concurrents potentiels jusqu’à cette entrée (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 164).

123    Statuant sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266), la Cour a d’ailleurs elle-même reconnu, dans son arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 108), qu’une concurrence potentielle pouvait exister sur un marché même avant l’expiration d’un brevet. Plus précisément, la Cour a jugé, dans cet arrêt, repris par la Commission aux considérants 1165 et 1169 de la décision attaquée, que des certificats complémentaires de protection qui visent à prolonger les effets d’un brevet entraînaient un effet d’exclusion important après l’expiration des brevets, mais qu’ils étaient « également susceptibles d’altérer la structure du marché en portant atteinte à la concurrence potentielle même avant cette expiration », ce constat relatif à l’exercice d’une concurrence potentielle avant l’expiration des brevets étant indépendant du fait que les certificats complémentaires de protection en cause avaient été obtenus de manière frauduleuse et irrégulière (arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 164).

124    Il en est d’autant plus ainsi dans le secteur pharmaceutique, dans lequel la législation relative à l’octroi des AMM qui sont requises pour qu’un médicament puisse être commercialisé sur le marché permet aux autorités compétentes d’accorder une AMM à un produit générique alors même que le produit de référence est protégé par un brevet. En effet, il ressort de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée, que les demandes d’AMM pour des produits génériques peuvent suivre une procédure abrégée s’appuyant sur les résultats des tests et des essais communiqués dans la demande d’AMM du produit de princeps et que les données relatives à ces résultats peuvent être utilisées et permettent, partant, l’octroi d’une AMM avant l’expiration du brevet sur le produit de princeps (article 10 de la directive 2001/83 ; voir également considérants 74 et 75 de la décision attaquée). Ainsi, la législation relative à la commercialisation des produits pharmaceutiques prévoit elle-même qu’une société de génériques peut entrer sur le marché grâce une AMM légalement octroyée ou, à tout le moins, entamer la procédure d’obtention de l’AMM au cours de la période de protection du brevet de la société de princeps.

125    Bien plus, le système de protection des brevets est conçu de telle sorte que, si les brevets sont présumés valides à compter de leur enregistrement (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362), cette présomption de validité n’implique pas ipso facto le caractère contrefaisant de tous les produits introduits sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, points 121 et 122). Comme le souligne à juste titre la Commission dans la décision attaquée (considérants 1169 à 1171), il n’existe pas de présomption de contrefaçon, une telle contrefaçon devant être constatée par un juge. En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75, point 52), si un opérateur privé titulaire d’un brevet pouvait substituer sa propre appréciation de l’existence d’une infraction à son droit de brevet à celle de l’autorité compétente, il pourrait utiliser cette appréciation aux fins d’étendre le champ de protection de son brevet (voir également considérant 1171 et note en bas de page no 1642 de la décision attaquée). Il convient de souligner que la même absence de présomption de contrefaçon s’applique en cas de déclaration de validité du brevet en cause par une autorité compétente. En effet, dès lors qu’un brevet n’empêche pas en tant que tel l’entrée effective ou potentielle de concurrents sur le marché, la déclaration de validité dudit brevet, si elle n’est pas combinée à une déclaration de contrefaçon, n’exclut pas davantage une telle concurrence.

126    Il est par conséquent possible pour un opérateur de prendre le risque d’entrer sur le marché y compris avec un produit potentiellement contrefaisant du brevet en vigueur, cette entrée ou ce lancement à risque (voir notamment considérants 75 et 1176 de la décision attaquée) pouvant être couronnés de succès si le titulaire du brevet renonçait à introduire une action en contrefaçon ou si cette action en contrefaçon était rejetée dans l’hypothèse où elle aurait été introduite (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, points 128 et 165).

127    Il peut d’ailleurs être relevé à cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, que la Commission a, à juste titre, estimé, aux considérants 1132 et 1169 de la décision attaquée, que la contestation des brevets et des décisions relatives à ces brevets constituait une « expression […] de la concurrence » en matière de brevets. En effet, eu égard au risque de contrefaçon auquel est exposée toute société de génériques et à l’incompétence des opérateurs privés pour juger de la réalité de la contrefaçon, précédemment relevés (voir point 125 ci-dessus), l’action contentieuse constitue l’un des moyens à la disposition de la société de génériques pour réduire ce risque et entrer sur le marché, en obtenant soit une déclaration de non-contrefaçon, soit une invalidation du brevet potentiellement contrefait (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 122). Il en résulte également que tant que des voies contentieuses sont ouvertes à la société de génériques pour contester les brevets concernés et ainsi lui ouvrir un accès au marché, il peut être considéré que lesdits brevets ne constituent pas des obstacles insurmontables à cet accès et, partant, n’empêchent pas une concurrence potentielle de se déployer.

128    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a estimé sans commettre d’erreur que les brevets de Servier ne constituaient pas en l’espèce des obstacles insurmontables à l’entrée des sociétés de génériques sur le marché. En effet, à la date de conclusion des accords litigieux, aucune décision définitive statuant sur une action en contrefaçon n’avait constaté le caractère contrefaisant des produits desdites sociétés, en ce compris celui de la requérante.

129    Ces considérations ne sont remises en cause ni par la jurisprudence ni par d’autres décisions de la Commission citées par la requérante.

130    Quant à la jurisprudence invoquée, il convient de relever que les arrêts du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission (T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, EU:T:1998:198), et du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332), ne concernaient pas des droits de propriété intellectuelle, mais portaient sur des droits exclusifs empêchant en droit ou en fait la prestation des services en cause ainsi que l’accès aux infrastructures. En outre, même à considérer que les « monopoles territoriaux de fait » mentionnés dans l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, point 102), ne sont pas sans rappeler les droits exclusifs que constituent les brevets (voir point 122 ci-dessus), il ressort de cet arrêt que le Tribunal a déduit l’absence de concurrence potentielle, non de la seule existence de ces monopoles, mais du fait que la Commission n’avait pas démontré à suffisance de droit qu’il existait des possibilités réelles et concrètes pour un autre fournisseur de gaz d’intégrer le marché allemand du gaz en dépit desdits monopoles, admettant par là même que de tels monopoles ne suffisent pas en eux-mêmes pour exclure l’existence d’une concurrence potentielle (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, points 103 à 107).

131    Si les arrêts du 31 mai 1979, Hugin Kassaregister et Hugin Cash Registers/Commission (22/78, EU:C:1979:138), et du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission (T‑83/91, EU:T:1994:246), portent sur des droits de propriété intellectuelle et, en particulier, s’agissant du second, sur les brevets, il ne saurait cependant en être déduit que les brevets et autres droits de propriété intellectuelle en cause constitueraient des obstacles insurmontables à une entrée sur le marché excluant l’existence d’une concurrence potentielle. En effet, dans l’arrêt du 31 mai 1979, Hugin Kassaregister et Hugin Cash Registers/Commission (22/78, EU:C:1979:138, point 9), la Cour a déduit l’existence d’un monopole, tel qu’au demeurant admis par la partie requérante, et ainsi l’absence de concurrence effective sur le marché des pièces de rechange pour les caisses enregistreuses fabriquées par ladite partie d’un ensemble de « raisons d’ordre commercial », parmi lesquelles, mais pas seulement – ainsi qu’il ressort plus explicitement du rapport d’audience dans cette affaire (p. 1885) –, la législation du Royaume-Uni sur les dessins et modèles et le droit d’auteur. De même, dans l’arrêt du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission (T‑83/91, EU:T:1994:246, point 110), le Tribunal a certes considéré que les nombreux brevets en cause faisaient obstacle à l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché des machines aseptiques. Toutefois, il ne peut en être déduit que les brevets étaient considérés en tant que tels comme des obstacles insurmontables à l’entrée sur le marché concerné, compte tenu de la pluralité de brevets en cause, soulignée par le Tribunal, de l’existence de barrières technologiques également prise en compte aux fins de conclure à l’existence d’obstacles et, surtout, de la présence d’un concurrent détenant 10 % du marché en cause.

132    Quant à la décision 94/770/CE de la Commission, du 6 octobre 1994, relative à une procédure engagée en vertu de l’article [101 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire IV/34.776 – Pasteur Mérieux-Merck) (JO 1994, L 309, p. 1), et à la décision C(2013) 8535 final de la Commission, du 26 novembre 2013, relative à une procédure engagée en vertu de l’article 6 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (affaire COMP/M.6944 – Thermo Fisher Scientific/Life Technologies), mentionnées par la requérante, elles ne sont pas en contradiction avec la décision attaquée. En effet, il convient de rappeler, tout d’abord, que, dans la mesure où les brevets ne constituent pas en principe des obstacles insurmontables à l’entrée d’un concurrent sur le marché, mais peuvent créer de tels obstacles selon l’issue du contentieux en matière de brevets et avoir un impact sur les possibilités réelles et concrètes d’y entrer (voir points 122 à 128 ci-dessus et points 135 à 140 ci-après), il n’est pas exclu que la Commission ait pu, dans certaines de ses décisions, dont notamment les décisions susvisées, se fonder sur l’existence de brevets pour en inférer l’absence de concurrence potentielle. Il y a lieu de relever, ensuite, que, dans ces deux décisions, la Commission a retenu l’existence de barrières à l’entrée sur le marché ou l’absence de concurrence potentielle en se fondant non seulement sur l’existence de brevets ou de litiges en matière de brevets, mais également sur d’autres facteurs, tels que la difficulté d’obtenir des AMM, l’importance des investissements requis ou les relations commerciales existantes, de sorte qu’il ne saurait être déduit que l’existence de brevets ou de litiges en matière de brevets empêche, en tant que telle, la concurrence potentielle de se déployer.

133    Contrairement à ce que fait par ailleurs valoir la requérante, la mention par la Commission des voies alternatives d’accès au marché que sont le lancement à risque et l’adaptation du produit pour échapper à la contrefaçon (voir point 119 ci-dessus) ne dénature pas les règles applicables à la détermination de la concurrence potentielle. En effet, en évoquant ces alternatives dans la partie de la décision attaquée présentant les règles qu’elle comptait appliquer à la détermination de la qualité de concurrent potentiel des sociétés de génériques en cause, la Commission s’est contentée d’évoquer des possibilités d’entrer sur un marché sur lequel des brevets sont en vigueur, possibilités dont elle a examiné ultérieurement dans le cadre de son analyse de chacun des accords litigieux si elles pouvaient être considérées comme réelles et concrètes en fonction des caractéristiques propres à chacune de ces sociétés de génériques. Elle n’a en revanche pas déduit du simple fait de ces alternatives possibles que les sociétés de génériques, et en particulier la requérante, disposaient de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché.

134    De même, contrairement à ce que soutient également la requérante, la prise en compte dans la décision attaquée (considérant 1172 ; voir également point 118 ci-dessus) des perceptions subjectives du contentieux en matière de brevets par les parties n’est pas davantage en contradiction avec l’examen des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur un marché, requis aux fins de déterminer l’existence d’une concurrence potentielle sur ledit marché (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 141). En effet, en l’absence de décision d’une autorité publique relative à la contrefaçon et à la validité des brevets de Servier, les évaluations réalisées par les parties elles-mêmes quant aux possibilités d’invalidation ou de contrefaçon de ces brevets sont susceptibles de donner une indication quant aux intentions, notamment contentieuses, de ces parties. En particulier, lorsqu’elles sont le fait des sociétés de génériques, elles peuvent contribuer à établir leur intention, compte tenu de leur perception subjective des brevets concernés, d’entrer sur le marché, mais non en tant que telles leur capacité d’y entrer, compte tenu de la seule compétence des juridictions nationales et de l’OEB pour établir la contrefaçon et la validité des brevets (voir point 125 ci-dessus et point 241 ci-après). Dès lors que l’intention est considérée comme un critère pertinent de détermination des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché (voir points 74 et 75 ci-dessus), il s’ensuit que les évaluations subjectives des parties peuvent valablement être prises en compte aux fins d’établir de telles possibilités. Il convient néanmoins de préciser que, dans la mesure où l’intention d’intégrer un marché, tout en étant pertinente aux fins de vérifier si une société peut être considérée comme un concurrent potentiel, n’intervient qu’à titre complémentaire, ces évaluations interviendront également uniquement à titre complémentaire dans la détermination de la qualité de concurrent potentiel de ladite société. Elles devront ainsi être confrontées à des éléments permettant d’évaluer la capacité d’entrer sur un marché ainsi que, le cas échéant, à d’autres éléments pouvant tout autant attester des intentions d’une société quant à son entrée sur un marché, aux fins de déterminer s’il peut en être déduit l’existence de possibilités réelles et concrètes de surmonter les obstacles liés aux brevets (arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 384).

135    En l’espèce, la requérante se fonde exclusivement sur des documents attestant de sa propre perception ou de celle de ses conseils pour considérer que son produit contrefaisait les brevets de procédé et le brevet 947 de Servier et en déduire que ces brevets constituaient des obstacles insurmontables à son entrée sur le marché.

136    Or, ainsi qu’il ressort des points 128 et 134 ci-dessus, de telles évaluations subjectives de l’existence d’une contrefaçon ne sauraient équivaloir à une décision d’une autorité publique constatant l’existence d’une contrefaçon, ni a fortiori à une décision définitive en ce sens, faisant de ces brevets des obstacles insurmontables, et doivent être confrontées aux autres éléments du dossier aux fins de déterminer s’il peut en être déduit l’absence de possibilités réelles et concrètes de surmonter ces obstacles liés aux brevets.

137    S’agissant des brevets de procédé, la requérante se fonde sur un de ses documents internes, daté du 10 juin 2004, faisant le point sur l’état d’avancement du développement de son produit et sur un courrier électronique qu’elle a envoyé le 10 août 2004 à Matrix, dont il résulterait qu’elle « nourrissait un certain nombre d’inquiétudes juridiques » quant à la contrefaçon de ces brevets. Il doit cependant être relevé que, si le premier document indique effectivement que des modifications de son procédé de fabrication seraient préférables en vue de s’assurer de l’absence de contrefaçon, il précise également que ces modifications ont été réalisées, ainsi que le confirme par ailleurs le second document. Il ressort en outre de la décision attaquée (considérant 490) comme de la requête elle-même, ainsi que le souligne pertinemment la Commission, que la requérante a invité Servier, par courrier du 27 avril 2004, à reconnaître qu’elle ne méconnaissait aucun de ses brevets de procédé et a, ce faisant, pris l’initiative d’« ouvrir la voie », en demandant en substance à Servier de la poursuivre en contrefaçon de ses brevets de procédé en vue d’obtenir le rejet d’une telle action et ainsi la confirmation par une autorité compétente de l’absence de contrefaçon. Il s’ensuit qu’il ne peut être déduit des documents cités par la requérante son absence d’intention d’entrer sur le marché en raison de risques trop élevés de contrefaçon des brevets de procédé de Servier.

138    S’agissant du brevet 947, la requérante fait état de ses efforts pour mettre au point un produit permettant de limiter le risque de contrefaçon de ce brevet et mentionne plusieurs documents mettant en évidence l’échec de ses tentatives, la forme alpha restant toujours à un niveau important dans le produit obtenu. Il ressort toutefois également du seul document parmi ceux cités par la requérante faisant état de sa propre position, à savoir le compte rendu d’une réunion tenue entre Niche et Matrix le 5 novembre 2004, qu’une action en révocation du brevet 947 était rendue nécessaire par le risque de contrefaçon de ce brevet par le produit de la requérante. La requérante a ainsi formé une opposition contre le brevet 947 devant l’OEB en novembre 2004 (considérants 522 et 1290 de la décision attaquée) et a signifié à Servier, dans le cadre de la procédure de contrefaçon des brevets de procédé, une demande reconventionnelle en nullité du brevet 947 le 9 juillet 2004 (considérant 499 de la décision attaquée), laquelle avait d’ailleurs été annoncée dans son courrier susvisé du 27 avril 2004 (voir point 137 ci-dessus). Il est, dès lors, indifférent que dans les deux autres documents produits par la requérante, l’un daté du 5 février 2005 et émanant d’un de ses conseils externes et l’autre reprenant une déclaration d’un dirigeant d’Unichem de février 2005, ces deux personnes l’aient mise en garde face aux coûts et à la durée probable d’une procédure contentieuse contre Servier. Quant au risque allégué d’injonction provisoire, il y a lieu de constater qu’il est insuffisamment étayé, la requérante se bornant à invoquer l’agressivité de Servier qui résulterait des demandes d’injonction provisoire formées ultérieurement contre Apotex et Krka, et que, au surplus, il ne permet pas, en tant que tel et compte tenu des circonstances de l’espèce, d’exclure la qualité de concurrent potentiel de la requérante. En effet, la procédure d’injonction provisoire implique la poursuite et l’aboutissement rapide du contentieux et offre des possibilités réelles et concrètes de défense contentieuse aux contrefacteurs présumés (voir, en ce sens, arrêt de ce jour, Teva UK e.a./Commission, T‑679/14, points 142 et 143), que la requérante avait déjà mises en œuvre en l’espèce en contestant la validité du brevet qui aurait fondé la procédure d’injonction. Il s’ensuit qu’il ne peut davantage être déduit des allégations et des documents présentés par la requérante son absence d’intention d’entrer sur le marché en raison de risques trop élevés de contrefaçon du brevet 947 de Servier.

139    Il ressort également des arguments et des documents relatifs à la contrefaçon des brevets de procédé et du brevet 947 examinés ci-dessus que la requérante a accompli des démarches tant techniques – consistant en des modifications du procédé de fabrication et de la forme de son produit – que contentieuses – consistant en des actions visant à « ouvrir la voie » et à contester la validité des brevets – pour limiter les risques de l’entrée sur le marché avec son produit et que, ce faisant, elle avait, à tout le moins, l’intention, et même une intention concrétisée et non restée théorique, de surmonter les obstacles liés aux brevets en cause.

140    Les arguments de la requérante relatifs aux obstacles liés aux brevets de Servier ne permettent pas, dès lors, de remettre en cause ses possibilités réelles et concrètes de concurrencer ce dernier.

ii)    Sur les obstacles techniques

141    Il convient de préciser, à titre liminaire, que, dans la mesure où l’examen des possibilités réelles et concrètes de fabriquer un produit diffère de celui des possibilités réelles et concrètes d’obtenir une AMM, mais que certains problèmes de fabrication peuvent avoir des conséquences sur l’obtention d’une AMM, les arguments de la requérante relatifs à ses difficultés techniques doivent être examinés avant ceux relatifs à ses difficultés d’obtenir les AMM demandées.

142    Il y a lieu de relever, s’agissant de ces difficultés techniques, qu’elles ne sont que sommairement évoquées par la Commission dans la partie de la décision attaquée spécifiquement consacrée à l’analyse de la qualité de concurrent potentiel de la requérante (considérants 1282 à 1298 ; voir également points 101 à 107 ci-dessus) et que la Commission ne leur consacre pas de développements dans la partie de la décision attaquée visant à présenter les critères d’appréciation de la concurrence potentielle (considérants 1156 à 1183). Ces difficultés sont en revanche examinées de manière détaillée dans la partie de la décision attaquée relative à la présentation des accords conclus par Servier avec Niche et Matrix et des circonstances de leur conclusion (considérants 463 à 479) et il en ressort que la Commission s’est principalement fondée sur les efforts accomplis pour trouver des solutions aux difficultés techniques en cause et sur l’absence de preuve du caractère insurmontable de ces difficultés (considérant 479 ; voir également considérant 1296).

143    La requérante ne conteste pas qu’elle a, avec Matrix, œuvré pour obtenir un produit commercialisable et fait uniquement valoir, en substance, le caractère insurmontable des obstacles techniques auxquels la fabrication de son produit était confrontée. Pour ce faire, elle se fonde essentiellement sur deux rapports (ci-après le « rapport N. » et le « rapport J. ») qu’elle a commandés aux fins de la présente instance. Ces rapports ne seront pris en considération que dans la seule mesure où ils étayent ou complètent des moyens ou des arguments expressément invoqués par la requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’ils contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (voir point 115 ci-dessus).

144    Il convient de considérer d’emblée que ces deux rapports ne permettent pas d’établir que la fabrication du produit de Niche et de Matrix faisait face à des problèmes insurmontables.

145    En effet, le rapport N. comme le rapport J. font certes état de difficultés de grande ampleur portant sur des aspects fondamentaux du produit ainsi que d’efforts de Niche et de Matrix désordonnés et mal orientés pour les résoudre. Ils évoquent néanmoins l’impossibilité de les résoudre uniquement comme une hypothèse possible et mettent essentiellement en évidence les retards impliqués dans le processus de fabrication et d’approbation réglementaire. Or, de tels retards n’attestent, en tant que tels, ni d’une impossibilité de concevoir et de produire le périndopril générique, ni même d’une absence d’entrée sur le marché suffisamment rapide, dès lors qu’ils interviennent à un stade avancé de la collaboration entre Niche et Matrix, qui a commencé en mars 2001, et qu’ils affectent ainsi en l’espèce leurs derniers efforts avant la finalisation des démarches réglementaires précédant l’entrée sur le marché (arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 459).

146    En outre et même à supposer que les rapports N. et J. aient indiqué que la mise au point du produit de Niche et de Matrix était confrontée à des problèmes insurmontables, ils ne sauraient, dans la mesure où ils ont été établis par des experts, dont l’un a travaillé pour la requérante, à la demande de cette dernière, aux fins de la présente instance, primer les données factuelles contemporaines des faits de l’espèce, telles que décrites ci-après.

147    En effet, selon une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de la libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité (voir conclusions du juge Vesterdorf faisant fonction d’avocat général dans l’affaire Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, EU:T:1991:38, p. 954 et jurisprudence citée). Il faut ainsi vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et, pour ce faire, tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (arrêts du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 1838, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161). Il convient en particulier d’accorder une grande importance à la circonstance que des documents ont été établis de manière contemporaine des faits en cause et manifestement sans qu’on pense qu’ils pourraient être portés à la connaissance de tiers (conclusions du juge Vesterdorf faisant fonction d’avocat général dans l’affaire Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, EU:T:1991:38, p. 956).

148    Or, il ressort précisément des données factuelles contemporaines des faits de l’espèce, telles que ressortant des pièces figurant au dossier de la procédure administrative débattues entre les parties, que les difficultés techniques rencontrées par Niche et Matrix ne constituaient pas un obstacle insurmontable à l’élaboration d’un produit prêt à être commercialisé.

149    Quant aux impuretés décelées, la requérante déduit en substance leur caractère insurmontable de l’arrêt de la production ainsi que du rejet par Unichem de certains lots de son produit consécutifs à la découverte de ces impuretés.

150    Il ne saurait cependant être déduit de l’arrêt de la production demandé par Niche en janvier 2005 que les impuretés décelées dans son produit constituaient un obstacle insurmontable à la poursuite de son processus de mise au point. En effet, il ressort clairement du courrier électronique du 4 janvier 2005 de Niche à Unichem et à Matrix que Niche a demandé à Matrix de poursuivre ses recherches quant à l’origine de l’impureté compte tenu de l’analyse différente à cet égard d’Unichem et d’arrêter, si possible, sa production le temps de trouver une solution au problème d’impureté, dans l’hypothèse où le taux d’impureté dans le matériel déjà produit serait supérieur à 0,1 %. L’arrêt de la production demandé par Niche était donc, d’une part, hypothétique – la Commission prétendant d’ailleurs qu’un arrêt effectif n’aurait pas été établi, en se fondant sur un courrier envoyé par Niche à Matrix le 7 mars 2005, qui indiquait que le processus de fabrication n’avait été stoppé qu’après la conclusion de l’Accord (voir également considérant 626 de la décision attaquée). Cet arrêt était, d’autre part et en tout état de cause, provisoire, car limité au temps requis pour le règlement de la difficulté technique en cause, règlement dont il ressort par ailleurs du dossier qu’il avait déjà été entamé et portait sur un dépassement limité du seuil requis. En effet, il ressort des pièces produites par la requérante elle-même à la fois que le dépassement du taux de 0,1 % oscillait entre 0,01 et 0,03 %, et que Matrix était en contact étroit avec Unichem pour lui fournir tant des résultats d’analyse que des conseils relatifs à la réalisation des analyses du produit, ainsi qu’en attestent les échanges de courriers électroniques intervenus entre Matrix et Unichem du 17 au 24 janvier 2005. Bien plus, quand bien même cet arrêt de la production conduirait au « pire scénario » évoqué par Niche, c’est-à-dire à « reprendre la production à zéro » (considérant 474 de la décision attaquée), il convient de relever qu’une telle reprise démontre précisément que le problème d’impureté n’était pas insurmontable.

151    De même, Unichem a certes, en février 2005, rejeté plusieurs lots du produit en raison de la présence d’impuretés en quantité supérieure au plafond de 0,1 %. Toutefois, même à supposer que, comme le soutient la requérante, ce rejet soit intervenu avant la date de conclusion de l’Accord, il ressort des pièces du dossier attestant de ces rejets qu’Unichem a demandé à Matrix d’enquêter sur la cause du non-respect de ce plafond et au sous-traitant de Matrix de vérifier le processus de fabrication ainsi que de contrôler le niveau d’impuretés de tous les futurs lots qui lui seraient fournis, suggérant par là même que le problème d’impureté n’excluait pas son approvisionnement futur en périndopril de Niche et de Matrix et, ainsi, la poursuite du processus de mise au point de ce périndopril.

152    Quant à l’adhérence de l’IPA et à la dureté des comprimés, la requérante se borne à citer le passage d’un courrier électronique envoyé par le consultant de Niche à Niche le 17 janvier 2005, qu’elle présente à tort comme étant extrait d’un courrier électronique envoyé par Niche à Matrix le 4 janvier 2005, en vertu duquel « les modifications apportées au processus de mélange ne semblaient pas permettre de surmonter de manière systématique le problème d’adhérence ». Elle omet toutefois de citer un autre passage de ce courrier électronique, dont il ressort que ce consultant suivait plusieurs pistes pour résoudre les problèmes d’adhérence et de dureté et demandait à Niche de les approuver en vue de les mettre en œuvre.

153    Quant au profil de dissolution, il convient de relever qu’il ressort du dossier et de la décision attaquée que les problèmes posés par ce profil étaient soit résolus, soit en voie de l’être. En effet, en réponse aux craintes évoquées par Niche fin 2004 quant à d’éventuels problèmes de conformité du nouveau profil de dissolution aux études de bioéquivalence avec le médicament de la société de princeps (considérant 472 de la décision attaquée), le consultant de Niche lui a indiqué, par courrier électronique du 8 février 2005, qu’un des lots ne posait aucun problème de conformité et que, compte tenu du fait qu’un autre lot posait un tel problème, un nouveau lot devrait être produit, ce qui devrait prendre entre 30 et 45 jours selon les estimations de Matrix figurant dans le procès-verbal d’une réunion tenue entre Niche et Matrix en janvier 2004, communiqué en annexe à la requête par la requérante. Or, la requérante ne remet pas en cause la teneur de ce courrier électronique, qu’elle a elle-même produit en annexe à la requête, et se borne à évoquer, en se fondant sur le rapport N., la simple possibilité qu’une nouvelle étude de bioéquivalence soit nécessaire, étude qui, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, n’a finalement pas été rendue nécessaire compte tenu de l’option retenue par Niche et Matrix de fabriquer des lots dont le profil de dissolution serait conforme aux études précédentes de bioéquivalence.

154    Il en résulte que la requérante n’a pas établi que les difficultés techniques rencontrées étaient insurmontables, et ce sans même qu’il soit besoin de se fonder sur les déclarations de Niche et de Matrix ainsi que sur leurs relations avec leurs clients, dont la requérante critique la prise en compte en l’espèce au motif, en substance, qu’elles auraient visé à dissimuler, à l’extérieur et notamment à l’égard de leurs partenaires, les difficultés auxquelles Niche et Matrix étaient confrontées (voir point 93 ci-dessus).

155    Il convient de relever, au surplus, que la Commission n’a pas erronément pris en compte ces déclarations et ces relations. En effet, les difficultés techniques sont par nature exclusivement internes aux entreprises concernées, de sorte que la prise en compte de données émanant de ces entreprises ne saurait être exclue aux fins d’apprécier lesdites difficultés. La Commission a, en outre, correctement pris en compte les déclarations et les relations en cause comme un élément parmi d’autres de son appréciation en les confrontant notamment aux différents échanges internes susvisés ainsi qu’aux circonstances dans lesquelles elles ont été émises ou ont eu lieu, de manière à pouvoir apprécier de la façon la plus objective possible l’existence d’obstacles techniques insurmontables à l’entrée de Niche et de Matrix sur le marché. Elle a ainsi, en particulier, pertinemment pris en compte l’absence de rupture de l’accord Niche-Matrix (considérants 477 et 1297 de la décision attaquée) en ayant recours à la clause résolutoire de cet accord, laquelle permettait de le résilier si les retards rencontrés dans certaines phases du développement et de la commercialisation du produit étaient de nature à retarder le projet dans une mesure telle que le lancement dudit produit ne serait pas rentable. De même, la Commission a pertinemment écarté, eu égard notamment à leur émission au cours de la phase de prise de position sur la conclusion de l’Accord et en vue de cette prise de position, les notes d’un dirigeant d’Unichem faisant état de l’incapacité de Matrix de fournir des quantités commerciales au cours des prochains mois répondant aux spécificités approuvées ainsi que des défaillances d’un lot en matière de stabilité et accordé à juste titre une attention particulière à des échanges internes à Niche attestant de l’absence d’inquiétudes quant à la stabilité de l’IPA (voir également point 175 ci-après).

156    Les arguments de la requérante relatifs aux difficultés techniques rencontrées avec son produit ne permettent pas, dès lors, de remettre en cause ses possibilités réelles et concrètes de concurrencer Servier. Il résulte en particulier de ce qui précède que, même si elles sont prétendument intervenues postérieurement à la préparation par Matrix de lots d’IPA pour le lancement commercial et à la conclusion par Niche de plusieurs accords d’approvisionnement, ces difficultés techniques ne sont pas de nature à remettre en cause la pertinence de cette préparation à un lancement commercial et de la conclusion de ces accords d’approvisionnement aux fins de l’établissement des possibilités réelles et concrètes de Niche d’entrer sur le marché.

iii) Sur les obstacles réglementaires

157    Il convient de souligner, à titre liminaire, que la Commission n’a pas exclu, dans la décision attaquée, que les obstacles réglementaires liés à la procédure d’octroi des AMM puissent constituer des obstacles insurmontables à l’entrée sur le marché. Elle a néanmoins considéré que l’absence d’AMM ne signifiait pas que le produit n’était pas en mesure d’atteindre le marché, aussi longtemps que la société de génériques maintenait ses efforts afin d’obtenir l’approbation réglementaire et que ces tentatives ne faisaient pas face à des problèmes objectivement insurmontables au moment du règlement amiable (considérants 1180 et 1181).

158    Il peut être relevé également que l’arrêt du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission (T‑83/91, EU:T:1994:246, points 110 et 133), ainsi que les décisions de la Commission [décision C(2009) 804, du 4 février 2009, relative à une procédure engagée en vertu de l’article 6 du règlement no 139/2004 (affaire COMP/M.5253 – Sanofi-Aventis/Zentiva) (points 213 et 214), et décision C(2010) 5514, du 3 août 2010, relative à une procédure engagée en vertu de l’article 6 du règlement no 139/2004 (affaire COMP/M.5865 – Teva/Ratiopharm) (point 55)], cités par la requérante, n’ont pas considéré que la nécessaire obtention d’une AMM pour entrer sur le marché et l’absence d’obtention d’une telle AMM formaient une barrière insurmontable à cette entrée, l’arrêt du Tribunal n’évoquant aucune barrière réglementaire de cette nature et les deux décisions de la Commission qualifiant la procédure d’AMM de barrière « significative » ou « élevée » pour en déduire que le temps nécessaire pour entrer sur le marché serait d’au moins un ou deux ans.

159    Il y a lieu de considérer ensuite que les arguments avancés par la requérante ne permettent pas d’établir qu’elle était confrontée à des problèmes objectivement insurmontables dans la procédure d’AMM.

160    D’une part, la requérante se fonde principalement sur les difficultés techniques de fabrication de son périndopril (taille des particules, dureté des comprimés, impuretés, profil de dissolution), qui ont été considérées comme n’étant pas insurmontables et, partant, comme n’empêchant pas la mise au point d’un produit apte à entrer sur le marché (voir point 156 ci-dessus). Il peut ainsi en être déduit que les études et autres démarches supplémentaires prétendument rendues nécessaires du fait de ces difficultés techniques pour obtenir l’AMM, quand bien même elles auraient retardé l’obtention de cette AMM (voir, à cet égard, point 162 ci-après), n’auraient pas rendu cette obtention impossible. Il convient d’ailleurs de relever que la requérante a elle-même établi avoir, à tout le moins, entamé certaines de ces démarches supplémentaires dans le cadre de la procédure d’AMM, dès lors qu’elle a produit, en annexe à la requête, un échange interne prévoyant l’adoption d’une stratégie de réponse cohérente sur les questions des autorités réglementaires relatives à la taille des particules à la suite de la réaction positive de l’autorité néerlandaise à l’égard des explications données sur cet aspect.

161    D’autre part, la requérante évoque, dans la réplique, un courrier de l’autorité réglementaire du Royaume-Uni en date du 19 avril 2005, dont elle déduit, en se fondant sur le rapport J., que les données demandées par ladite autorité impliquaient pour elle un « retour à la case départ ». Outre le fait que la requérante mentionne une seule demande de cette nature alors qu’elle a engagé des procédures d’AMM dans plusieurs pays d’Europe (République tchèque, Danemark, France, Hongrie, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Suède, Royaume-Uni ; voir considérant 454 de la décision attaquée), il convient de relever, à la suite de la Commission, qu’il ressort d’un courrier du 13 mai 2005 envoyé par Niche à Matrix, ignoré par le rapport J., que la requérante était convaincue de pouvoir répondre à la plupart des demandes et qu’elle laissait le soin à Matrix de répondre à deux d’entre elles. Il s’ensuit que la requérante maintenait ses efforts en vue d’obtenir l’AMM concernée, encouragée en ce sens par l’obtention à la même époque d’une AMM pour son produit par l’un de ses partenaires aux Pays-Bas, et qu’il ne saurait être déduit de la demande de l’autorité réglementaire du Royaume-Uni que l’obtention par la requérante de son AMM dans ce pays était confrontée à des problèmes objectivement insurmontables.

162    Enfin et surtout, il y a lieu de souligner que la requérante, ainsi d’ailleurs que les rapports N. et J. sur lesquels elle se fonde, concluent uniquement au retard avec lequel l’AMM serait obtenue et non à l’impossibilité d’obtenir cette AMM. Or, dès lors qu’une pression concurrentielle est susceptible de s’exercer dès le dépôt de la demande d’AMM et aussi longtemps que des efforts sont accomplis en vue d’obtenir l’AMM sans se heurter à des problèmes objectivement insurmontables, les retards subis dans les procédures d’AMM ne suffisent pas à eux seuls à exclure la qualité de concurrent potentiel des demandeurs d’AMM concernés par de tels retards. En outre, dans la mesure où la procédure d’AMM précède généralement l’entrée sur le marché et où l’obtention d’une AMM permet en principe l’entrée immédiate sur le marché et ainsi l’exercice d’une concurrence effective, l’exigence d’une obtention rapide de l’AMM ou d’absence de retard dans cette obtention reviendrait à nier la différence entre concurrence réelle et concurrence potentielle (voir arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 478 et jurisprudence citée).

163    Est par ailleurs indifférent le fait allégué par la requérante que ces retards auraient limité son intérêt commercial à entrer sur le marché, compte tenu de la présence probable à une date ultérieure de nombreuses sociétés de génériques sur le marché en cause et de la baisse corrélative des prix du périndopril. En effet, un tel intérêt pour les sociétés de génériques d’être les premières à entrer sur le marché peut tout au plus avoir un impact sur leur intention d’y entrer, eu égard à l’importance des profits attendus, mais non, en tant que tel, sur leur capacité d’y entrer, laquelle doit être examinée au regard du critère de la stratégie économique viable (voir point 73 ci-dessus), c’est-à-dire correspondre à une entrée simplement rentable, et non à la plus rentable parmi les entrées possibles sur le marché, en ce que la société de génériques en cause serait la première à entrer sur le marché et ainsi la seule à y faire concurrence à la société de princeps pendant une certaine période. L’intérêt invoqué par la requérante d’être la première à entrer sur le marché n’est, dès lors, pas pertinent pour apprécier les retards allégués et, a fortiori, en déduire que l’octroi de l’AMM se heurtait à des problèmes objectivement insurmontables (voir, en ce sens, arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 340 et jurisprudence citée).

164    Les arguments de la requérante relatifs aux difficultés réglementaires rencontrées ne permettent pas, dès lors, de remettre en cause ses possibilités réelles et concrètes de concurrencer Servier.

iv)    Sur les obstacles financiers

165    Il convient de rappeler que, au considérant 1294 de la décision attaquée, en réponse à l’allégation de la requérante selon laquelle sa situation financière était précaire et elle aurait probablement été dissoute si elle n’avait pas conclu l’Accord, la Commission a relevé qu’un accord d’affacturage conclu en décembre 2004 aurait fourni à la requérante des fonds de roulement supplémentaires (voir également note en bas de page no 869 de la décision attaquée), que la requérante aurait reçu en janvier 2005 de la part de Servier un acompte non remboursable d’un montant compris entre 0 et 5 millions d’euros dans le cadre de son acquisition projetée par Servier (voir également considérant 535 de la décision attaquée), et qu’elle aurait pu améliorer sa situation financière en demandant une garantie à sa société mère ou en demandant un partage des coûts contentieux à venir (voir également point 107 ci-dessus). La Commission a par ailleurs constaté que la requérante avait conclu quatorze contrats avec des partenaires commerciaux souhaitant vendre son périndopril et négociait un futur accord de fourniture avec Teva quelques jours seulement avant la conclusion de l’Accord (considérant 1284 de la décision attaquée ; voir également point 103 ci-dessus).

166    Il s’en déduit que la Commission a considéré que l’entrée sur le marché de la requérante ne se heurtait pas à l’obstacle financier insurmontable que constituerait sa faillite et que celle-ci disposait au surplus de la capacité financière requise pour mener à bien cette entrée.

167    La requérante conteste cette appréciation de la Commission, en invoquant le risque de cessation de paiements auquel elle était confrontée.

168    Il y a lieu de relever d’emblée qu’une telle cessation de paiements, même établie, correspond à une impossibilité momentanée de faire face au passif exigible avec l’actif disponible et n’équivaut pas à une impossibilité permanente de faire face à tout le passif, échu et non échu, avec tout l’actif, qui définit une situation de faillite et qui, seule, pourrait représenter un obstacle financier insurmontable à son entrée sur le marché.

169    En revanche, dans la mesure où un état de cessation de paiements a nécessairement un impact sur la capacité financière d’une entreprise et, ainsi, sur sa capacité d’entrer sur le marché, il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante au soutien de son allégation de l’existence d’un risque de cessation de paiements.

170    La requérante se fonde, à cet égard, principalement sur deux rapports établis par ses propres comptables aux fins de la présente instance (ci-après les « rapports F. »), qui auraient conclu à une cessation de paiements imminente au moment de la conclusion de l’Accord. Elle évoque également les risques financiers importants auxquels elle était confrontée du fait de ses litiges en matière de brevets et des contrats conclus avec des partenaires commerciaux, et souligne ses difficultés pour obtenir des financements externes, de la part notamment de sa société mère, Unichem, du fait des problèmes posés par son périndopril, qui constituerait son principal projet commercial.

171    S’agissant, premièrement, des rapports F., il y a lieu de considérer que, d’une part, ils ne seront pris en considération que dans la seule mesure où ils étayent ou complètent des moyens ou des arguments expressément invoqués par la requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’ils contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (voir point 115 ci-dessus) et que, d’autre part, ces rapports ne sauraient primer les données factuelles contemporaines des faits de l’espèce, dans la mesure où ils ont été établis par la requérante elle-même aux fins de la présente instance (voir points 146 et 147 ci-dessus).

172    En effet, la requérante se borne en l’espèce à présenter des données chiffrées issues des rapports F. relatives aux pertes qu’elle aurait subies en janvier 2005 et lors de l’exercice clos en mars 2005, alors qu’il ressort de ses propres états financiers, annexés au mémoire en défense et qu’elle ne conteste pas, que, lors du dernier trimestre de l’exercice 2003/2004, elle avait dégagé un résultat avant impôts de 100 000 GBP et que ce résultat demeurait largement positif au 31 mars 2005, et ce même après déduction des sommes qui devaient avoir été versées à cette date en vertu de l’Accord (article 13) ainsi qu’en vertu de l’accord conclu entre Niche et Biogaran.

173    En outre, la requérante ne conteste pas avoir reçu ou avoir eu à sa disposition, avant la conclusion des accords avec Servier et Biogaran le 8 février 2005, et ainsi indépendamment de la prise en compte des sommes perçues en application de ces accords, des fonds émanant de diverses sources de financement. En effet, ainsi qu’il ressort d’ailleurs des rapports F., cités par la Commission dans le mémoire en défense, la requérante a reçu plusieurs versements de sa société mère Unichem (2 millions de GBP de capital social et 1 million de GBP au titre d’un prêt non garanti, puis 350 000 GBP en août 2004) et de sa direction (250 000 GBP de capital social puis 29 000 GBP en août 2004) et obtenu un crédit d’escompte, en vertu duquel 80 % de la valeur des factures de vente à des clients du Royaume-Uni lui étaient prêtés (ce qui correspondait à un prêt de 400 000 à 500 000 GBP), ainsi qu’un crédit hypothécaire de 148 000 GBP auprès d’une banque. De surcroît, même si elle souligne leur insuffisance pour couvrir l’ensemble de ses besoins en fonds de roulement, la requérante ne conteste pas davantage le versement d’une somme comprise entre 0 et 5 millions d’euros qu’elle a reçue de Servier en janvier 2005, ni la conclusion de l’accord d’affacturage susvisé en décembre 2004 (voir point 165 ci-dessus).

174    Par ailleurs, quant au courrier électronique envoyé le 29 octobre 2004 par l’un de ses dirigeants visant prétendument à avertir Unichem qu’elle se trouvait au bord de la cessation de paiements, la requérante omet d’indiquer que, dans ce courrier électronique, son directeur financier faisait état de sa confiance dans l’obtention des deux financements attendus et ainsi dans la faible probabilité de la nécessité d’un investissement supplémentaire d’Unichem.

175    S’agissant, deuxièmement, des frais contentieux qui pourraient prétendument être mis à la charge de la requérante, il y a lieu de relever que cette dernière se borne à citer un courrier de l’un de ses dirigeants précédant de quelques jours la conclusion de l’Accord et qui visait, ainsi qu’il ressort d’un courrier électronique interne à la requérante expliquant le but poursuivi par ledit courrier, à convaincre les autres dirigeants de la requérante ainsi qu’Unichem de l’intérêt de conclure l’Accord. Ainsi, même si ce dirigeant y insistait notamment sur les frais suscités par le contentieux en matière de brevets, il ne saurait en être tiré aucune déduction objective quant à l’impact produit par ces frais sur la situation financière de la requérante. Il en est de même de la note d’un dirigeant d’Unichem, également citée par la requérante, dès lors qu’elle se borne à reprendre le courrier susvisé du dirigeant de Niche et à affirmer sans preuve à l’appui que la poursuite du contentieux serait financièrement ruineuse.

176    La requérante a par ailleurs fait état d’estimations tirées des rapports F. relatives aux frais contentieux impliqués par une procédure principale de contestation du brevet 947 (un million de GBP) et une procédure d’appel d’une décision de contrefaçon des brevets de procédé (300 000 à 400 000 GBP) devant les juridictions du Royaume-Uni. Outre le fait qu’aucune de ces procédures n’avait été engagée à la date de conclusion de l’Accord, il y a lieu de relever que ces estimations ne tiennent compte ni des versements et des prêts effectués en août 2004 par Unichem et la direction de la requérante pour faire face aux frais contentieux, soit plus de 350 000 GBP (voir point 173 ci-dessus), ni du partage prévu des frais contentieux, explicitement exclu de l’analyse par les rapports F. au motif que la requérante était dans l’incapacité de faire face à ses échéances indépendamment même des frais contentieux supplémentaires et de leur partage.

177    S’agissant, troisièmement, de ses contrats conclus avec des partenaires commerciaux, la requérante n’a pas établi qu’elle était, au moment de la conclusion de l’Accord, sur le point d’être confrontée à de nombreuses demandes de remboursement de la part de ces partenaires qui auraient mis en péril sa stabilité financière. En effet, elle se contente de soutenir qu’elle souhaitait ne pas révéler ses difficultés à ses partenaires et de faire état de la rupture des relations contractuelles par un client ainsi que des préoccupations d’un autre parmi ses quatorze clients mentionnés dans la décision attaquée (considérant 1284). Il peut également être ajouté que le prétendu montant du remboursement mentionné dans la requête ne ressort nullement des rapports F. auxquels la requérante renvoie pourtant.

178    S’agissant, quatrièmement, du projet de périndopril de la requérante et de Matrix, il résulte des considérations susvisées relatives aux obstacles liés aux brevets ainsi qu’aux obstacles techniques et réglementaires qu’elle disposait avec Matrix de possibilités réelles et concrètes de surmonter ces obstacles et d’entrer de manière suffisamment rapide sur le marché avec ce périndopril (voir points 140, 156 et 164 ci-dessus). Ainsi, même à supposer, comme le prétend la requérante, que le périndopril ait été son principal projet commercial, il ne saurait être considéré que les difficultés auxquelles elle était confrontée avec Matrix pour le mener à bien étaient telles qu’elles auraient nui à ses possibilités d’obtenir un financement externe.

179    S’agissant, cinquièmement, de ces possibilités de financement externes, la requérante n’établit nullement qu’Unichem aurait refusé de lui apporter sa garantie en tant que société mère. En effet, la requérante se fonde principalement sur des documents faisant état de sa propre perception de la possibilité d’une telle garantie et les seuls documents émanant d’Unichem qu’elle produit soit ont été établis aux fins de la présente instance (déclaration d’un dirigeant d’Unichem datant de septembre 2014), soit ne révèlent aucun refus de garantie (extrait du carnet de ce dirigeant daté du 5 août 2004).

180    Il peut encore être ajouté, à la suite de la Commission, que, si la situation financière de la requérante était si dégradée qu’elle le soutient à présent, elle n’aurait pas entamé les coûteux travaux d’extension de son usine irlandaise. Il convient de souligner, à cet égard, que, contrairement à ce que prétend la requérante, il ne ressort pas du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de Niche du 27 octobre 2004, auquel elle renvoie, que ces travaux étaient nécessaires pour augmenter sa capacité et continuer à répondre à la demande. Au contraire, selon ledit procès-verbal, les travaux ne devaient commencer que lorsque la situation financière de Niche serait plus stable, de sorte que la réalisation des travaux en cause ne permet pas de corroborer l’allégation de cessation de paiements imminente de la requérante et, au contraire, conforte l’absence d’une telle cessation de paiements imminente.

181    Il y a lieu d’ajouter que la Commission n’a méconnu ni son obligation de motivation ni les droits de la défense de la requérante, en faisant état des travaux menés par la requérante dans son usine irlandaise pour la première fois dans ses écritures devant le Tribunal. En effet, la Commission est en droit de répondre aux arguments de la requérante, lorsque celle-ci cherche à établir, sur la base d’autres documents qu’elle a déposés devant le Tribunal – en l’occurrence les rapports F. évoquant la large part des travaux susvisés dans les coûts exposés par la requérante –, que la thèse de la Commission est erronée en fait (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 176, et du 13 juillet 2011, ThyssenKrupp Liften Ascenseurs/Commission, T‑144/07, T‑147/07 à T‑150/07 et T‑154/07, EU:T:2011:364, points 146 à 149).

182    Bien plus, si Niche était à ce point dans l’incapacité d’entrer sur le marché en raison de sa situation de cessation de paiements imminente, Servier n’aurait eu aucun intérêt à conclure l’Accord prévoyant le versement d’un montant correspondant à une proportion non négligeable de sa valeur, telle que résultant de l’audit effectué dans le cadre du projet d’acquisition de Niche (considérant 532 de la décision attaquée).

183    Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas établi l’imminence de sa situation de cessation de paiements au moment de la conclusion de l’Accord et n’a ainsi pas remis en cause sa capacité financière à entrer sur le marché, ni a fortiori l’absence d’obstacles financiers insurmontables à cette entrée, telles que constatées par la Commission dans la décision attaquée.

v)      Sur les obstacles commerciaux

184    Il convient de relever d’emblée que l’argumentation de la requérante relative à l’existence d’obstacles commerciaux à son entrée sur le marché ne saurait prospérer.

185    En effet, la requérante fait valoir qu’elle aurait été empêchée d’entrer sur le marché en raison du refus de Matrix de lui fournir de l’IPA de périndopril et de l’aider à compléter son dossier en vue de l’obtention de l’AMM. Or, il ressort de la décision attaquée et la requérante affirme elle-même que ce refus daterait de juin 2005, date à laquelle Matrix a suspendu avec effet immédiat l’accord Niche-Matrix (considérant 631 de la décision attaquée).

186    Il en résulte que le prétendu obstacle commercial invoqué par la requérante, si tant est qu’il soit suffisant pour empêcher Niche d’entrer sur le marché, est intervenu postérieurement à la conclusion de l’Accord le 8 février 2005 et en application de cet accord. Il ne saurait partant permettre d’exclure la qualité de concurrent potentiel de Niche qui s’apprécie au moment de la conclusion de l’Accord (voir arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 385 et jurisprudence citée).

187    Partant, aucune des allégations de la requérante relatives aux obstacles liés aux brevets de Servier ainsi qu’à ses difficultés techniques, réglementaires et financières ne permet de remettre en cause sa capacité et son intention d’entrer sur le marché, telles qu’établies par la Commission dans la décision attaquée (voir point 109 ci-dessus).

188    Par conséquent, le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’analyse de la qualité de concurrent potentiel de la requérante doit être écarté.

4.      Sur les moyens tirés d’erreurs de droit et d’appréciation dans la qualification de l’Accord de restriction de concurrence

a)      Arguments des parties

1)      Sur l’inapplicabilité de l’article 101, paragraphe 1, TFUE aux accords de règlement amiable

i)      Sur l’applicabilité du critère de la nécessité objective

189    La requérante soutient qu’il ressort de la jurisprudence et des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie que les accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets ne tombent pas sous le coup de l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’ils sont conclus de bonne foi, visent à résoudre un véritable litige et que les restrictions qu’ils prévoient s’inscrivent dans le champ du droit de propriété intellectuelle en cause. Les clauses restrictives de tels accords ne seraient en effet que la traduction d’un droit public d’exclure les autres entreprises du marché et seraient objectivement nécessaires pour résoudre à l’amiable un litige légitime.

190    La requérante, premièrement, en déduit que, contrairement à ce qui est affirmé dans la décision attaquée, la Commission ne saurait se borner à conclure que tous les règlements amiables relèvent de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et devrait au contraire apprécier s’il est satisfait au critère de la nécessité objective, en vérifiant si les restrictions imposées par le règlement amiable sont allées au-delà de ce qui était nécessaire et proportionné à son objectif légitime de résoudre le litige. Elle précise que le critère de la nécessité objective n’implique pas d’étudier les conditions économiques d’un accord, et en particulier l’ampleur du transfert de valeur opéré. La requérante critique en outre le fait que la Commission se soit appuyée, au soutien de son analyse, sur l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75, point 92), relatif à une licence de brevet et se prononçant ainsi sur l’objet principal des brevets et non sur celui des règlements amiables, sur l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448, points 15 à 17), affirmant uniquement que certains règlements amiables pouvaient être contraires à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, portant sur un accord ne comportant pas de restriction de concurrence et excluant de son appréciation les transactions judiciaires, telles que celle qui serait intervenue en l’espèce, ainsi que sur l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643, point 21), relatif aux restrictions par objet ne nécessitant pas une analyse de la nécessité objective.

191    La requérante, deuxièmement, fait valoir que l’Accord satisfait au critère de la nécessité objective, dès lors que les règlements amiables poursuivent un objectif légitime, celui de régler efficacement des litiges sources de frais pour les entreprises et de charge de travail pour les juridictions, que les clauses de non-commercialisation et de non-contestation sont nécessaires à l’obtention d’un règlement amiable et que les termes de ces clauses sont proportionnés à l’objectif de règlement amiable recherché.

192    La Commission relève, à titre liminaire, avoir expressément reconnu, dans la décision attaquée, qu’il était peu probable qu’un règlement amiable de litiges en matière de brevets conclu sur la base de l’appréciation par chaque partie du contentieux auquel elle était confrontée enfreigne l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qu’une telle infraction pourrait en revanche résulter d’un accord conclu non en raison de la solidité du brevet, mais en raison du versement d’une somme d’argent considérable par le titulaire du brevet de manière à ce qu’un concurrent potentiel s’abstienne d’entrer sur le marché. Elle estime par ailleurs que la jurisprudence, notamment celle citée par la requérante, n’aurait pas appliqué le critère de la nécessité objective aux accords du type de celui en cause en l’espèce et aurait consacré l’application du droit de la concurrence à l’exercice des droits de propriété intellectuelle. La Commission ajoute que la requérante détournerait la doctrine des restrictions accessoires développée par la Cour, en vertu de laquelle, si une opération principale est exclue du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il en va de même pour la restriction accessoire objectivement nécessaire à cette opération, en tentant de l’appliquer aux accords de règlement amiable, alors que l’opération de règlement amiable ne saurait être exclue du champ d’application de cet article, et ce d’autant plus lorsque le règlement est conclu en raison d’un paiement.

193    La Commission souligne ensuite, premièrement, la pertinence des arrêts sur lesquels la requérante lui reproche de s’être fondée dans la décision attaquée. Ainsi, l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75), serait l’illustration qu’un accord, qu’il soit ou non de règlement amiable, peut être constitutif d’une restriction lorsqu’il porte atteinte à une possibilité de concurrence non limitée par un brevet donné. De même, l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448), aurait expressément inclus les accords de règlement amiable dans le champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, s’agissant d’un cas où, comme en l’espèce, le juge national s’est en réalité limité à prendre acte du règlement amiable. Enfin, l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643), serait pertinent en l’espèce, dès lors qu’il portait sur des accords poursuivant un objectif légitime, dont la Cour a précisé qu’il devait être pris en considération au stade de l’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

194    La Commission estime, deuxièmement, en tout état de cause, que l’Accord ne satisfait pas au critère de la nécessité objective, dès lors que ses clauses de non-commercialisation et de non-contestation, de même surtout que le transfert de valeur, n’étaient ni nécessaires ni proportionnés au regard d’un éventuel objectif légitime de favoriser le règlement du litige.

ii)    Sur l’applicabilité des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie

195    La requérante reproche à la Commission d’avoir écarté l’application en l’espèce des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, qui prévoiraient, en leur paragraphe 209, l’application du critère de la nécessité objective aux accords de règlement amiable en matière de brevets. Elle estime en effet que l’article 6 de l’Accord lui accordait de fait une licence d’exploitation de la technologie couverte par le brevet 947. La requérante ajoute que, en n’appliquant pas à l’Accord les critères posés par les lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, la Commission a méconnu le principe d’égalité de traitement entre la requérante et les autres sociétés ayant procédé à des transferts de technologie.

196    La Commission rétorque qu’il ne saurait être déduit, d’une part, des lignes directrices sur les accords de transfert de technologie de 2004 que l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne s’applique pas aux clauses de non-contestation convenues en raison d’un paiement considérable et s’étendant au-delà de la portée du litige et, d’autre part, de l’article 6 de l’Accord que ce dernier octroyait à la requérante une licence de fait.

2)      Sur la qualification erronée de l’Accord de restriction de concurrence par objet

i)      Sur les erreurs de droit relatives à la qualification de l’Accord de restriction par objet

197    La requérante fait valoir, à titre principal, en se fondant sur l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448, points 17 et 19), que, dans l’hypothèse où un accord de règlement amiable tombe sous le coup de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il pourrait uniquement être restrictif par effet, au terme d’une analyse économique exhaustive de ses effets, et ne pourrait l’être per se, par objet. Elle reproche ainsi à la Commission de ne pas avoir appliqué la solution dégagée par cet arrêt et d’avoir retenu celle issue de l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75), non pertinent en l’espèce.

198    La requérante prétend, à titre subsidiaire, que la Commission n’aurait pas tenu compte des critères pertinents d’appréciation des restrictions de concurrence par objet, en retenant des conditions de qualification de restriction par objet des règlements amiables en matière de brevets ne correspondant pas à ces critères. En effet, ces conditions seraient formulées de telle sorte qu’elles seraient applicables quel que soit l’état du marché, alors que les restrictions par objet doivent être interprétées de manière stricte et que la Commission a elle-même reconnu dans la décision attaquée que la grande majorité des accords de règlement amiable en matière de brevets ne soulèvent pas de problèmes au regard des règles de concurrence. En outre, l’établissement de la première condition, relative à l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties au règlement amiable, et de la deuxième condition, relative à l’existence d’une restriction à l’entrée sur le marché, nécessite une analyse de la validité ou de la contrefaçon des brevets en cause, que la Commission ne serait pas en mesure d’effectuer et qui empêcherait de considérer les règlements amiables comme intrinsèquement préjudiciables. De même, la troisième condition, tenant à l’existence d’une incitation, ne permettrait pas de distinguer les accords restrictifs de concurrence de ceux qui ne le sont pas, dès lors que l’existence d’avantages financiers ou commerciaux est inhérente à la conclusion d’un règlement amiable et, partant, ne présente pas un degré suffisant de nocivité pour la concurrence. Enfin, la Commission méconnaîtrait le contexte économique et juridique adéquat en formulant, dans la décision attaquée, toute une série de déclarations arbitraires inexactes au regard du droit des brevets ou non étayées par la jurisprudence.

199    La Commission, d’abord, critique l’interprétation par la requérante de l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448), dont il ressortirait uniquement que, compte tenu des spécificités du cas d’espèce en cause, l’Accord ne présentait pas un degré suffisant de nocivité pour la concurrence, caractéristique d’une restriction par objet. Elle précise en outre que, dans l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75), la Cour n’a pas considéré que toutes les clauses de non-contestation étaient restrictives de concurrence.

200    La Commission, ensuite, estime avoir appliqué les critères pertinents d’appréciation des restrictions de concurrence par objet de manière conforme à la jurisprudence. Elle souligne en particulier que son analyse est cohérente avec l’interprétation restrictive des restrictions de concurrence par objet. La Commission relève en revanche que l’argumentation de la requérante relative aux première et deuxième conditions de qualification de restriction par objet des accords de règlement amiable conduirait à ce qu’un accord de règlement amiable pourrait être conclu à n’importe quelles conditions tant qu’il existe une forme de litige entre les parties et à nier la différence entre concurrence potentielle et concurrence réelle. Quant à la troisième condition, elle rappelle avoir expressément reconnu, dans la décision attaquée, que, dans certains cas distincts de celui de l’espèce, les accords de règlement amiable comportant des transferts de valeur, y compris de la société de princeps vers la société de génériques, ne méconnaissaient pas l’article 101, paragraphe 1, TFUE. La Commission précise qu’il ne saurait toutefois en être déduit que l’existence d’un paiement en faveur de la société de génériques ne devrait pas être prise en compte, et ce d’autant plus que ce paiement constituait en l’espèce une condition essentielle de l’Accord.

ii)    Sur les erreurs d’appréciation relatives à la qualification de l’Accord de restriction par objet

–       Sur l’absence de restrictions dépassant la portée des brevets litigieux

Sur l’appréciation de la clause de non-commercialisation

201    La requérante soutient que la Commission a erronément considéré, dans la décision attaquée, que l’Accord l’empêchait de lancer une version générique du périndopril dans l’Union, indépendamment de sa nature contrefaisante des brevets de Servier. Elle invoque, au soutien de cette allégation, le fait que le « procédé substantiellement similaire » dont la commercialisation est interdite par l’Accord renverrait à un procédé contrefaisant, le fait que Matrix aurait rompu sa collaboration avec elle indépendamment de l’Accord et le fait que les obligations prévues par l’Accord à l’égard de ses clients et des AMM portaient sur le seul périndopril contrefaisant. La requérante évoque également l’interprétation erronée par la Commission des articles 3 et 6 de l’Accord, selon laquelle elle était empêchée d’entrer sur le marché du périndopril jusqu’en 2021, soit bien après l’expiration des brevets de procédé.

202    La Commission souligne, à titre liminaire, qu’il est indifférent que les restrictions prévues par l’Accord relèvent ou non du champ d’application des brevets, dès lors qu’un accord est anticoncurrentiel par objet lorsqu’un concurrent potentiel accepte de rester hors du marché en échange du paiement d’une somme substantielle par le titulaire d’un brevet, plutôt qu’en raison de la solidité de ce brevet. Elle considère ensuite que la clause de non-commercialisation s’appliquait non seulement au procédé de fabrication de l’IPA mis au point par Matrix, mais également à tout procédé non encore mis au point et considéré comme substantiellement similaire. La Commission ajoute que les obligations prévues par l’Accord à l’égard des clients de la requérante et des AMM sortaient du champ d’application des brevets de procédé. Enfin, elle conteste toute possibilité d’entrée sur le marché dès 2008 en vertu des articles 3 et 6 de l’Accord, ce dernier ne contenant aucune disposition lui permettant de commercialiser un produit fabriqué sur la base du brevet 947 à partir de 2008.

Sur l’appréciation de la clause de non-contestation

203    La requérante souligne que la clause de non-contestation ne l’empêchait pas de contester la validité des brevets de Servier.

204    La Commission rétorque que la requérante ne pouvait contester les brevets litigieux, c’est-à-dire les brevets de procédé, ainsi que les brevets 689, 948 et 947, qu’à titre de défense dans le cadre d’une action en contrefaçon, ce qui irait incontestablement au-delà de la portée des brevets litigieux.

Sur l’appréciation du transfert de valeur

205    La requérante estime que la Commission aurait dû analyser les principales motivations commerciales qui ont incité chacune des parties à transiger, en particulier les risques asymétriques impliqués par l’entrée d’une société de génériques sur le marché, pour en déduire que le transfert de valeur représentait pour Servier une valeur marchande autre que celle consistant à payer les clauses de non-commercialisation et de non-contestation, à savoir celle ayant permis de persuader la société de génériques de régler le litige en matière de brevets à l’amiable.

206    La Commission estime qu’elle a examiné, dans la décision attaquée, tous les éléments de preuve relatifs à la finalité du transfert de valeur prévu par l’Accord, en tenant compte du contexte juridique et économique, pour en déduire que l’Accord comportait un transfert de valeur net d’un montant de 11,8 millions de GBP sans qu’aucune valeur ne soit transférée en retour à Servier, en dehors des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, et que l’objectif de ce transfert était clairement lié aux restrictions apportées à l’entrée de Niche sur le marché, faisant de l’Accord un accord de partage de la rente entre Servier et Niche en contrepartie de ces restrictions.

–       Sur l’absence d’intention anticoncurrentielle

207    La requérante fait valoir que, contrairement à ce qu’a considéré la Commission dans la décision attaquée, elle aurait conclu l’Accord, non à des fins anticoncurrentielles, mais afin de disposer d’une possibilité d’entrée anticipée sur le marché en 2008 et d’éviter des litiges coûteux.

208    La Commission rétorque que le fait que la conclusion de l’Accord était une option rationnelle commercialement favorable à la requérante ne constitue pas une justification au regard du droit de la concurrence. Elle renvoie par ailleurs à sa réponse donnée aux griefs précédents pour contester l’allégation d’entrée anticipée sur le marché de la requérante.

3)      Sur la qualification erronée de l’Accord de restriction de concurrence par effet

209    La requérante fait valoir que la Commission a appliqué de manière erronée le critère juridique permettant de démontrer l’existence d’un effet anticoncurrentiel sensible de l’Accord. La Commission n’aurait en particulier pas tenu compte du cadre concret dans lequel l’Accord s’insère, à la lumière du contexte économique et juridique dans son ensemble, premièrement, en estimant à tort que la requérante était un concurrent réel ou potentiel de Servier, deuxièmement, en définissant de manière erronée le marché pertinent pour en déduire que Servier y disposait d’une part de marché significative et, troisièmement, en effectuant une analyse contrefactuelle erronée. La requérante renvoie principalement, en ce qui concerne la première branche du présent moyen, à ses arguments exposés dans le cadre du moyen relatif à la concurrence potentielle et présente, au soutien des deuxième et troisième branches, les arguments repris ci-après.

i)      Sur la définition erronée du marché pertinent

210    La requérante affirme, en se fondant sur une étude critique de la définition du marché pertinent en l’espèce intitulée « Economic Critique of the Relevant Product Market Definition », jointe en annexe à la requête et qu’elle estime recevable, que la Commission a erronément appliqué le critère de la substituabilité en considérant que le marché pertinent était circonscrit aux seuls périndopril et à ses substituts génériques, alors qu’il existerait une substituabilité entre les inhibiteurs de l’ECA, tels que le périndopril, et les autres thérapies permettant de soigner les insuffisances cardiaques en cause.

211    En particulier, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en occultant la substituabilité progressive entre le périndopril et les médicaments inhibiteurs de l’ECA, alors que les phénomènes dits de « verrouillage » et d’« inertie des médecins » liés au fait que le périndopril est un « produit d’expérience » n’empêcheraient pas l’existence d’une concurrence avec d’autres produits. Elle aurait également erronément fait abstraction, d’une part, des résultats d’une étude produite par Servier établissant que la majorité des patients sous périndopril ont abandonné leur traitement avant la fin du cycle de traitement de cinq ans, d’autre part, des ventes en circuit hospitalier et, enfin, des activités promotionnelles de Servier attestant de manière irréfutable du fait que d’autres thérapies rivalisaient avec le périndopril. La Commission aurait par ailleurs commis une erreur manifeste d’appréciation des résultats d’un sondage auprès des prescripteurs, dont il ressortirait, contrairement à ce qu’elle en a déduit, de nombreux passages à d’autres médicaments chez les patients à usage continu comme chez les patients n’ayant jamais reçu de traitement. Elle se serait enfin, à tort, fondée sur une « analyse des événements naturels » ainsi que sur la capacité de Servier de maintenir les niveaux de prix, en occultant notamment les contrôles et les réglementations relatives aux prix.

212    À titre liminaire, la Commission invoque l’irrecevabilité des arguments figurant dans l’annexe susvisée de la requête, qui n’ont pas été repris dans ladite requête.

213    Ensuite, la Commission rétorque avoir fondé son analyse sur un examen détaillé de la structure de l’offre et de la demande, en prenant notamment en considération les règles et les pratiques de prescription des médicaments, les propriétés techniques et qualitatives particulières du périndopril, les caractéristiques des systèmes réglementaires concernés ainsi que l’évolution du prix et du volume des ventes du périndopril et de certains autres produits. Elle estime en particulier avoir pleinement tenu compte des éléments de preuve relatifs aux changements de traitement au fil du temps, dont notamment l’étude susvisée produite par Servier, qui devrait toutefois être confrontée à d’autres études. Quant au sondage auprès des prescripteurs, la Commission considère qu’il conforte la perception positive du périndopril comme traitement hypertenseur et le fait que, une fois que le traitement réussissait pour un patient donné, ce patient était peu susceptible, pendant une période prolongée, de se voir prescrire un autre traitement. Quant aux ventes de périndopril auprès des hôpitaux, elle estime qu’elles ont été exclues de l’analyse à juste titre compte tenu notamment des chiffres d’affaires limités en cause. La Commission ajoute que l’analyse des événements naturels peut, selon la jurisprudence, être un outil approprié de définition du marché pertinent et qu’elle n’aurait pas, en procédant à une telle analyse, omis les efforts promotionnels de Servier.

ii)    Sur l’analyse contrefactuelle erronée effectuée par la Commission

214    La requérante reproche à la Commission d’avoir fondé son analyse contrefactuelle sur de simples suppositions, qu’elle conteste au surplus en réitérant ses arguments avancés au soutien du moyen relatif à la concurrence potentielle.

215    La Commission renvoie à ses arguments exposés en réponse à ce dernier moyen pour en déduire que, en l’absence de l’Accord, la requérante aurait été en mesure d’entrer sur le marché pertinent.

b)      Appréciation du Tribunal

216    La requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir commis plusieurs erreurs de droit et d’appréciation en qualifiant l’Accord de restriction de concurrence par objet et par effet.

217    L’article 101, paragraphe 1, TFUE dispose que sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui ont « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. Selon une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38, p. 359), le caractère alternatif de ces conditions, marqué par l’emploi de la conjonction « ou », conduit à la nécessité de considérer en premier lieu l’objet même de l’accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Cependant, dans l’hypothèse où l’analyse de la teneur de l’accord ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait d’en examiner les effets et, pour le frapper d’interdiction, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint ou faussé de façon sensible (voir arrêts du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 116 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 30 et jurisprudence citée). En revanche, il n’est pas nécessaire d’examiner les effets d’un accord sur la concurrence dès lors que son objet anticoncurrentiel est établi (voir arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 25 et jurisprudence citée).

218    Il convient, dès lors, de commencer par examiner les griefs de la requérante critiquant l’appréciation de la Commission selon laquelle l’Accord a un objet restrictif de concurrence.

219    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, dans la décision attaquée, la Commission a longuement analysé la façon dont, selon elle, les accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets devraient être appréciés au regard des dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et, en particulier, la possibilité de qualifier de tels accords de restrictions par objet (considérants 1102 à 1155 de la décision attaquée).

220    En substance, tout en reconnaissant, en général, le droit des entreprises de régler à l’amiable un litige, y compris lorsqu’il porte sur des brevets (considérant 1118 de la décision attaquée), la Commission a estimé que les accords de règlement amiable en matière de brevets devaient respecter le droit de la concurrence de l’Union et, plus spécialement, les dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir notamment considérants 1119, 1122 et 1123 de la décision attaquée).

221    La Commission a également tenu compte du contexte particulier dans lequel s’exerce, dans le secteur pharmaceutique, la concurrence entre les sociétés de princeps et les sociétés de génériques. Elle a en particulier relevé l’importance, dans ce secteur, de la contestation des brevets (considérants 1125 à 1132 de la décision attaquée).

222    Au vu de ces éléments, la Commission a estimé que, en principe, il pouvait être justifié pour les parties de conclure un accord de règlement amiable mettant fin à un litige et même d’inclure dans cet accord des clauses de non-commercialisation et de non-contestation (considérants 1133 et 1136 de la décision attaquée).

223    Toutefois, la Commission a considéré que, en fonction des circonstances particulières de l’affaire, un accord de règlement amiable en matière de brevets par lequel une société de génériques accepte des restrictions à sa capacité et à ses incitations à rivaliser avec ses concurrents en échange d’un transfert de valeur, sous la forme du versement d’une somme d’argent significative ou d’une autre incitation significative, pouvait constituer une restriction de concurrence par objet contraire à l’article 101 TFUE (considérant 1134 de la décision attaquée). En effet, dans une telle hypothèse, la renonciation de la société de génériques à ses efforts indépendants en vue d’entrer sur le marché résulterait non de l’appréciation par les parties du bien-fondé du brevet mais du transfert de valeur de la société de princeps vers la société de génériques (considérant 1137 de la décision attaquée) et, partant, d’un paiement d’exclusion constitutif d’un achat de la concurrence (considérant 1140 de la décision attaquée).

224    Par conséquent, la Commission a annoncé que, afin d’apprécier si les accords de règlement amiable en cause constituaient ou non des restrictions de concurrence par objet, elle procéderait à une analyse au cas par cas des faits relatifs à chacun de ces accords. À cette fin, elle a précisé qu’elle s’attacherait plus particulièrement à déterminer, premièrement, si « la société de génériques et la société de princeps étaient des concurrents au moins potentiels », deuxièmement, si « la société de génériques s’[était] engagée dans l’accord à limiter, pour la durée de l’accord, ses efforts indépendants afin d’entrer sur un ou plusieurs marchés de [l’Union] avec un produit générique » et, troisièmement, si « l’accord était lié à un transfert de valeur de la société de princeps qui représentait une incitation significative réduisant sensiblement les incitations de la société de génériques à maintenir ses efforts indépendants pour entrer sur un ou plusieurs marchés de [l’Union] avec un produit générique » (considérant 1154 de la décision attaquée).

225    La Commission a ensuite appliqué les trois critères énumérés au point 224 ci-dessus à chacun des accords de règlement amiable en cause et conclu, pour chacun de ces accords, que ces trois critères étaient satisfaits et que, par conséquent, lesdits accords devaient être qualifiés, notamment, de restrictions de concurrence par objet.

1)      Sur la qualification erronée de l’Accord de restriction par objet

226    La requérante fait valoir, en particulier, que certains accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets ne tombent pas sous le coup de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dès lors que les effets de leurs clauses restrictives se confondraient avec ceux des brevets et que ces clauses seraient objectivement nécessaires pour résoudre à l’amiable un litige légitime. Elle reproche, à cet égard, à la Commission de ne pas avoir fait application de la théorie des restrictions accessoires, permettant de faire échapper un accord à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, lorsqu’il sert un but légitime et que les restrictions de concurrence qu’il impose sont objectivement nécessaires et proportionnées.

i)      Sur les restrictions de concurrence par objet

227    La notion de restriction de concurrence par objet ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, p. 359 ; du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 49, 50 et 58 et jurisprudence citée ; du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 31, et du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 20).

228    Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d’apprécier si un accord entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir arrêt du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 33 et jurisprudence citée). Dans le cadre de l’appréciation du contexte juridique et économique, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 117 et jurisprudence citée). Néanmoins, il importe de rappeler que l’examen des conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché en cause ne saurait conduire le Tribunal à apprécier les effets de la coordination concernée (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 72 à 82), sous peine de faire perdre son effet utile à la distinction prévue par les dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

229    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait qu’un accord ne soit pas suffisamment nocif à première vue ou sans aucun doute et qu’un examen individuel et concret de sa teneur, de son objectif ainsi que de son contexte économique et juridique soit nécessaire pour que la Commission et le juge de l’Union soient en mesure d’identifier une restriction de concurrence par objet n’empêche pas de retenir une telle qualification (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 51, et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 775).

230    En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un type de coordination entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 118 et jurisprudence citée). Toutefois, la seule circonstance qu’un accord poursuive également des objectifs légitimes ne saurait suffire à faire obstacle à une qualification de restriction de concurrence par objet (arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 21 ; voir également, en ce sens, arrêts du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, EU:C:1983:310, point 25, et du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 64).

231    Après ce rappel des conditions d’application de la notion de restriction de concurrence par objet, il convient de relever que, en l’espèce, l’Accord visait, selon la requérante, à régler à l’amiable des litiges entre les parties contractantes et a été conclu dans le contexte particulier du droit des brevets, les litiges en cause portant sur les brevets de Servier. Or, dès lors que la détermination de l’existence d’une restriction par objet suppose l’examen de la teneur de l’accord en cause, de ses objectifs et du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir point 228 ci-dessus), il convient en l’espèce d’analyser les clauses de non-contestation des brevets et les clauses de non-commercialisation des produits contrefaisant ces brevets que contiennent les règlements amiables en général et en particulier l’Accord, au regard de leur objectif de régler à l’amiable les litiges en matière de brevets et de leur contexte spécifique, constitué par les brevets, aux fins de vérifier si la Commission a, à bon droit et selon des critères juridiquement adéquats, qualifié l’Accord de restrictif de concurrence par objet.

ii)    Sur les droits de propriété intellectuelle et, en particulier, les brevets

232    L’objet spécifique de l’attribution d’un brevet est d’assurer à son titulaire, afin de récompenser l’effort créatif de l’inventeur, le droit exclusif d’utiliser une invention en vue de la fabrication et de la première mise en circulation de produits industriels, soit directement, soit par l’octroi de licences à des tiers, ainsi que le droit de s’opposer à toute contrefaçon (arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, point 9). Lorsqu’il est accordé par une autorité publique, un brevet est normalement présumé être valide et sa détention par une entreprise est supposée être légitime. Ainsi que le souligne la requérante, la seule possession par une entreprise d’un tel droit exclusif a normalement pour conséquence de tenir les concurrents à l’écart, ces derniers étant tenus de respecter, en vertu de la réglementation publique, ce droit exclusif (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362).

233    L’exercice des droits découlant d’un brevet octroyé conformément à la législation d’un État membre ne porte cependant pas, en lui-même, infraction aux règles de concurrence fixées par le traité (arrêt du 29 février 1968, Parke, Davis and Co., 24/67, EU:C:1968:11, p. 109). Les règles en matière de propriété intellectuelle sont même essentielles pour le maintien d’une concurrence non faussée sur le marché intérieur (arrêt du 16 avril 2013, Espagne et Italie/Conseil, C‑274/11 et C‑295/11, EU:C:2013:240, point 22). En effet, d’une part, en récompensant l’effort créatif de l’inventeur, le droit des brevets contribue à promouvoir un environnement favorable à l’innovation et à l’investissement et, d’autre part, il vise à rendre publiques les modalités de fonctionnement des inventions et à permettre, ainsi, à d’autres avancées de voir le jour. Le paragraphe 7 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, dont les dispositions sont intégralement reprises par le paragraphe 7 des lignes directrices du 28 mars 2014 concernant l’application de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords de transfert de technologie (JO 2014, C 89, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 sur les accords de transfert de technologie »), reconnaît ainsi ce qui suit :

« [Il n’y a pas] de conflit intrinsèque entre les droits de propriété intellectuelle et les règles de concurrence communautaires. En effet, selon ces dispositions, ces deux corpus législatifs ont le même objectif fondamental, qui est de promouvoir le bien-être des consommateurs ainsi qu’une répartition efficace des ressources. L’innovation constitue une composante essentielle et dynamique d’une économie de marché ouverte et concurrentielle. Les droits de propriété intellectuelle favorisent une concurrence dynamique, en encourageant les entreprises à investir dans le développement de produits et de processus nouveaux ou améliorés. C’est aussi ce que fait la concurrence en poussant les entreprises à innover. C’est pourquoi tant les droits de propriété intellectuelle que la concurrence sont nécessaires pour promouvoir l’innovation et assurer qu’elle soit exploitée dans des conditions concurrentielles. »

234    Selon une jurisprudence constante, le droit de propriété, dont font partie les droits de propriété intellectuelle, constitue un principe général du droit de l’Union (arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae, C‑275/06, EU:C:2008:54, point 62 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 126 et jurisprudence citée).

235    Le droit de propriété intellectuelle, et notamment le droit des brevets, n’apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue, mais il doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société et il convient de le concilier avec d’autres droits fondamentaux, et des restrictions peuvent y être apportées afin de répondre à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union, sans que celles-ci ne constituent cependant, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit garanti (voir arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 126 et jurisprudence citée). La Cour a, par exemple, considéré, dans des litiges relatifs à l’interprétation du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 2009, L 152, p. 1), qu’il convenait de mettre en balance les intérêts de l’industrie pharmaceutique titulaire de brevets avec ceux de la santé publique (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2015, Actavis Group PTC et Actavis UK, C‑577/13, EU:C:2015:165, point 36 et jurisprudence citée).

236    Il convient également de rappeler que l’article 3, paragraphe 3, TUE précise que l’Union établit un marché intérieur, lequel, conformément au protocole no 27 sur le marché intérieur et la concurrence, annexé au traité de Lisbonne (JO 2010, C 83, p. 309) et qui, en vertu de l’article 51 TUE, a même valeur que les traités, comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée. Or, les articles 101 et 102 TFUE sont au nombre des règles de concurrence qui, telles celles visées à l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE, sont nécessaires au fonctionnement dudit marché intérieur. En effet, de telles règles ont précisément pour objectif d’éviter que la concurrence ne soit faussée au détriment de l’intérêt général, des entreprises individuelles et des consommateurs, contribuant ainsi au bien-être dans l’Union (arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, points 20 à 22).

237    Si les traités n’ont jamais expressément prévu de conciliation entre les droits de propriété intellectuelle et le droit de la concurrence, l’article 36 du traité CE, dont les dispositions ont été reprises à l’article 36 TFUE, a cependant prévu une conciliation des droits de propriété intellectuelle avec le principe de libre circulation des marchandises, en indiquant que les dispositions du traité relatives à l’interdiction des restrictions quantitatives entre les États membres ne faisaient pas obstacle aux restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées, notamment, par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, tout en précisant que ces restrictions ne devaient constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. La Cour considère que l’article 36 du traité CE a ainsi entendu établir une distinction entre l’existence d’un droit reconnu par la législation d’un État membre en matière de protection de la propriété artistique et intellectuelle, qui ne peut être affecté par les dispositions du traité, et son exercice, qui pourrait constituer une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1982, Coditel e.a., 262/81, EU:C:1982:334, point 13).

238    Le législateur de l’Union a par ailleurs eu l’occasion de rappeler la nécessité d’une telle conciliation. Ainsi, la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45), qui a pour objectif de rapprocher les législations nationales afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur (considérant 10) et « vise à assurer le plein respect de la propriété intellectuelle, conformément à l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux » (considérant 32), précise qu’elle « ne devrait pas avoir d’incidence sur l’application des règles de concurrence, en particulier les articles [101] et [102 TFUE] », et que « les mesures prévues par la présente directive ne devraient pas être utilisées pour restreindre indûment la concurrence d’une manière qui soit contraire au traité » (considérant 12).

239    Ainsi que l’a rappelé la requérante, la Cour a développé une jurisprudence relative aux différents types de droits de propriété intellectuelle visant à concilier les règles de concurrence avec l’exercice de ces droits, sans porter atteinte à leur substance, en utilisant le même raisonnement que celui lui permettant de concilier ces droits et la libre circulation des marchandises. Il s’agit ainsi, pour la Cour, de sanctionner l’usage anormal des droits de propriété intellectuelle et non leur exercice légitime, qu’elle définit à partir de leur objet spécifique, notion utilisée dans la jurisprudence de la Cour comme synonymes de celle de substance même de ces droits et de prérogatives essentielles du titulaire de ces droits. Selon la Cour, l’exercice de prérogatives qui font partie de l’objet spécifique d’un droit de propriété intellectuelle concerne ainsi l’existence de ce droit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Gulmann dans l’affaire RTE et ITP/Commission, C‑241/91 P, EU:C:1994:210, points 31 et 32 et jurisprudence citée). Néanmoins, la Cour considère que l’exercice du droit exclusif par son titulaire peut, dans des circonstances exceptionnelles, également donner lieu à un comportement contraire aux règles de concurrence (arrêt du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C‑241/91 P et C‑242/91 P, EU:C:1995:98, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 691).

240    S’agissant des brevets, la Cour a dit pour droit qu’il n’était pas exclu que les dispositions de l’article 101 TFUE puissent trouver application au droit de la propriété intellectuelle si l’utilisation d’un ou de plusieurs brevets, concertée entre entreprises, devait aboutir à créer une situation susceptible de tomber sous les notions d’accords entre entreprises, décisions d’association d’entreprises ou pratiques concertées au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 29 février 1968, Parke, Davis and Co., 24/67, EU:C:1968:11, p. 110). Elle a à nouveau considéré, en 1974, que, si les droits reconnus par la législation d’un État membre en matière de propriété industrielle ne sont pas affectés dans leur existence par l’article 101 TFUE, les conditions de leur exercice peuvent cependant relever des interdictions édictées par cet article et que tel peut être le cas chaque fois que l’exercice d’un tel droit apparaît comme étant l’objet, le moyen ou la conséquence d’une entente (arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, points 39 et 40).

241    Il convient de rappeler que, en l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union du droit des brevets applicable dans la présente affaire, l’étendue de la protection conférée par un brevet délivré par un office national des brevets ou par l’OEB ne peut être déterminée qu’au regard de règles qui ne relèvent pas du droit de l’Union, mais du droit national ou de la convention européenne des brevets (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 1999, Farmitalia, C‑392/97, EU:C:1999:416, point 26, et du 24 novembre 2011, Medeva, C‑322/10, EU:C:2011:773, points 22 et 23). Par conséquent, lorsque, dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission, le juge de l’Union est appelé à procéder à l’examen d’un accord de règlement amiable d’un litige relatif à un brevet, régi par d’autres règles que celles du droit de l’Union, il ne lui appartient pas de définir la portée dudit brevet ou de se prononcer sur sa validité. Il convient d’ailleurs de relever que, en l’espèce, dans la décision attaquée, si la Commission a évoqué, aux considérants 113 à 123, une stratégie de Servier de constitution d’un « halo de brevets » et de « brevets de papier », elle ne s’est toutefois pas prononcée sur la validité des brevets litigieux au moment de la conclusion des accords.

242    S’il n’appartient ni à la Commission ni au Tribunal de se prononcer sur la validité d’un brevet, l’existence du brevet doit cependant être prise en compte dans l’analyse effectuée dans le cadre des règles de concurrence de l’Union. En effet, la Cour a déjà indiqué que, s’il n’appartient pas à la Commission de définir la portée d’un brevet, il n’en reste pas moins que cette institution ne saurait s’abstenir de toute initiative lorsque la portée du brevet est pertinente pour l’appréciation d’une violation des articles 101 et 102 TFUE dès lors que, même dans le cas où la portée effective d’un brevet fait l’objet d’un litige devant des juridictions nationales, la Commission doit pouvoir exercer ses compétences conformément aux dispositions du règlement no 1/2003, que les constatations que la Commission peut faire ne préjugent en rien les appréciations que les juridictions nationales porteront sur les différends relatifs aux droits de brevet dont elles sont saisies et que la décision de la Commission est soumise au contrôle du juge de l’Union (arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, EU:C:1986:75, points 26 et 27).

243    Enfin, il importe de souligner que les droits de propriété intellectuelle sont protégés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, à laquelle le traité de Lisbonne a conféré une valeur juridique égale à celle des traités (article 6, paragraphe 1, TUE), « [t]oute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer », « [n]ul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte », et « [l]’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général ». L’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux précise, en outre, que « [l]a propriété intellectuelle est protégée ». Par conséquent, les garanties prévues à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux s’appliquent également à la propriété intellectuelle. Or, la Cour considère que la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle dans la charte des droits fondamentaux implique une exigence de protection élevée de ces derniers et qu’il convient de mettre en balance, d’une part, la préservation du libre jeu de la concurrence au titre duquel le droit primaire et notamment les articles 101 et 102 TFUE prohibent les ententes et les abus de position dominante et, d’autre part, la nécessaire garantie des droits de propriété intellectuelle, qui résulte de l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Huawei Technologies, C‑170/13, EU:C:2015:477, points 42 et 58).

iii) Sur les règlements amiables de litiges en matière de brevets

244    À titre liminaire, il y a lieu de préciser que les développements qui suivent ne concernent pas les cas de brevets obtenus par fraude, de litiges « fictifs » ou de désaccords n’ayant pas atteint un stade juridictionnel. En effet, la Commission a admis au considérant 1170 de la décision attaquée que, au moment de la conclusion des accords de règlement amiable, Servier et les sociétés de génériques étaient tous parties ou associés à un litige devant une juridiction nationale ou l’OEB, portant sur la validité de certains brevets de Servier ou sur le caractère contrefaisant du produit développé par la société de génériques.

245    Tout d’abord, il importe de relever, à l’instar de la requérante, qu’il est a priori légitime, pour les parties à un litige relatif à un brevet, de conclure un accord de règlement amiable plutôt que de poursuivre un contentieux devant une juridiction. Ainsi que l’a indiqué à juste titre la Commission au considérant 1102 de la décision attaquée, les entreprises sont généralement habilitées à régler à l’amiable les contentieux, y compris en matière de brevets, ces règlements amiables bénéficiant souvent aux deux parties au litige et permettant une allocation des ressources plus efficace que si le contentieux s’était poursuivi jusqu’à un jugement. Une partie requérante n’est, en effet, pas tenue de poursuivre un contentieux qu’elle a librement porté en justice. Il convient d’ajouter que le règlement juridictionnel des litiges, outre le fait qu’il occasionne un coût pour la collectivité, ne peut être considéré comme constituant la voie privilégiée et idéale de résolution des conflits. La multiplication des litiges devant les tribunaux peut être le reflet de dysfonctionnements ou d’insuffisances, qui peuvent trouver d’autres formes de remèdes ou faire l’objet d’actions de prévention adaptées. À supposer que les systèmes nationaux de délivrance des brevets ou celui de l’OEB connaissent de telles difficultés, par exemple en accordant trop libéralement une protection à des procédés dénués de caractère inventif, ces problèmes ne sauraient justifier une obligation, ni même un encouragement, des entreprises de poursuivre les litiges en matière de brevets jusqu’à une issue juridictionnelle.

246    De même, les paragraphes 204 et 209 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie citées par la requérante reconnaissent la possibilité de conclure des accords de règlement et de non-revendication incluant la concession de licences et indiquent que, dans le cadre d’un tel accord de règlement et de non-revendication, des clauses de non-contestation sont généralement considérées comme ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Le paragraphe 235 des lignes directrices de 2014 sur les accords de transfert de technologie, qui ont remplacé celles de 2004, énonce également que « les accords de règlement dans le cadre des litiges technologiques constituent en principe, comme dans beaucoup d’autres secteurs des litiges commerciaux, un moyen légitime de trouver un compromis mutuellement acceptable en cas de litige juridique de bonne foi ». Ce paragraphe précise, en outre, que « les parties peuvent préférer mettre un terme au différend ou au litige parce qu’il s’avère trop coûteux en ressources ou en temps et/ou parce que son issue est incertaine » et que « le règlement peut également éviter aux tribunaux et/ou aux organismes administratifs compétents d’avoir à statuer sur le litige et peut donc engendrer des avantages augmentant le bien-être ».

247    La Commission fait d’ailleurs elle-même usage d’une procédure administrative en matière d’ententes, qui s’apparente, à certains égards, à un règlement amiable. En effet, la procédure de transaction, qui a été instituée par le règlement (CE) no 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008, modifiant le règlement (CE) no 773/2004 en ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’entente (JO 2008, L 171, p. 3), a pour objectif de simplifier et d’accélérer les procédures administratives ainsi que de réduire le nombre de recours introduits devant le juge de l’Union, en vue de permettre à la Commission de traiter davantage d’affaires avec les mêmes ressources (arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, points 59 et 60).

248    Selon la jurisprudence, le fait de pouvoir faire valoir ses droits par voie juridictionnelle, et le contrôle juridictionnel qu’il implique, est l’expression d’un principe général de droit qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. L’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’intenter une action en justice est susceptible de constituer une infraction au droit de la concurrence (arrêt du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, EU:T:1998:183, point 60). Ainsi que l’a rappelé la Cour, l’exigence de protection élevée des droits de propriété intellectuelle implique que leur titulaire ne peut, en principe, se voir privé de la faculté de recourir aux actions en justice de nature à garantir le respect effectif de ses droits exclusifs (arrêt du 16 juillet 2015, Huawei Technologies, C‑170/13, EU:C:2015:477, point 58). De manière symétrique, le fait pour une entreprise de décider de renoncer à la voie juridictionnelle en préférant recourir à un règlement extrajuridictionnel du litige n’est que l’expression d’une même liberté de choix des moyens d’assurer la défense de ses droits et ne saurait, en principe, constituer une infraction au droit de la concurrence.

249    Si l’accès au juge constitue un droit fondamental, il ne saurait cependant être considéré qu’il constitue une obligation, quand bien même il contribuerait à aviver la concurrence entre opérateurs économiques. En effet, d’une part, il importe de rappeler que, malgré la diversité des procédures et des systèmes de délivrance des brevets qui prévalait dans les différents États membres de l’Union et devant l’OEB au moment de la survenance des faits de l’espèce, un droit de propriété intellectuelle, accordé par une autorité publique, est normalement présumé être valide et sa détention par une entreprise est supposée être légitime (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362). D’autre part, s’il est certes de l’intérêt public d’éliminer tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, EU:C:1986:75, points 92 et 93) et s’il est généralement admis que les budgets publics, notamment ceux consacrés à la couverture des dépenses de santé, sont soumis à des contraintes importantes et que la concurrence, en particulier celle que représentent les médicaments génériques développés par les sociétés de génériques, peut contribuer efficacement à la maîtrise de ces budgets, il importe également de rappeler, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre au considérant 1201 de la décision attaquée, que toute entreprise demeure libre de décider d’introduire ou de ne pas introduire un recours contre les brevets sur les médicaments princeps détenus par les sociétés de princeps. En outre, une telle décision d’introduire ou non un recours ou de mettre fin à l’amiable à un litige n’empêche pas, en principe, d’autres entreprises de décider de contester lesdits brevets.

250    Il résulte de tout ce qui précède que, aux fins de concilier le droit des brevets et le droit de la concurrence dans le cadre particulier de la conclusion de règlements amiables entre des parties à un litige relatif à un brevet, il convient de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, la nécessité de permettre aux entreprises de procéder à des règlements amiables dont le développement est favorable à la collectivité et, d’autre part, la nécessité de prévenir le risque d’un usage détourné des accords de règlement amiable, contraire au droit de la concurrence, conduisant au maintien de brevets dépourvus de toute validité et, en particulier dans le secteur des médicaments, à une charge financière injustifiée pour les budgets publics.

iv)    Sur la conciliation entre les accords de règlement amiable en matière de brevets et le droit de la concurrence

–       Sur l’erreur de droit

251    Il convient de rappeler que le recours au règlement amiable d’un litige en matière de brevets n’exonère pas les parties de l’application du droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke, 65/86, EU:C:1988:448, point 15, et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 118 ; voir, par analogie, arrêt du 30 janvier 1985, BAT Cigaretten-Fabriken/Commission, 35/83, EU:C:1985:32, point 33 ; voir, également, paragraphe 204 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie ainsi que paragraphe 237 des lignes directrices de 2014 sur les accords de transfert de technologie).

252    La requérante a d’ailleurs admis qu’il ressortait de l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448, point 15), que les accords de règlement amiable n’échappaient pas complètement à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et pouvaient être contraires à cette disposition, mais a contesté l’applicabilité de cette considération au cas d’espèce, en arguant que la Cour aurait exclu de son analyse des règlements amiables les transactions judiciaires intervenues devant une juridiction nationale et constituant un acte judiciaire, telles que l’Accord, qui aurait donné lieu à une ordonnance de consentement délivrée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)]. Il convient toutefois de considérer en l’espèce que, même à supposer que la Cour ait souhaité exclure les transactions judiciaires de son analyse, au motif qu’une validation judiciaire permettait de présumer l’absence d’illégalité, l’Accord ne saurait être qualifié de transaction validée judiciairement. En effet, ainsi que la Commission l’a relevé, sans être contredite à cet égard par la requérante, l’ordonnance de consentement susvisée n’a pas été rédigée par un juge, fait simplement référence à l’Accord sans qu’il y soit joint, ni a fortiori validé, et se borne à prendre acte du retrait de l’action en contrefaçon de Servier au Royaume-Uni sans statuer sur les dépens. Il s’ensuit que cette ordonnance de consentement n’a pas fait perdre à l’Accord sa nature contractuelle et que la Commission a, dans la décision attaquée (voir notamment considérant 1122), à juste titre, fait mention et application de la solution dégagée dans l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448).

253    La Cour a jugé, en particulier, dans l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448, points 14 à 16), qu’une clause de non-contestation d’un brevet, y compris lorsqu’elle était insérée dans un accord visant à mettre fin à un litige pendant devant une juridiction, « p[ouvait] avoir, eu égard au contexte juridique et économique, un caractère restrictif de la concurrence » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

254    Il y a lieu dès lors lieu d’identifier les éléments pertinents qui permettent de conclure au caractère restrictif de concurrence par objet d’une clause de non-contestation d’un brevet et, plus largement, d’un accord de règlement amiable en matière de brevets, étant rappelé que la détermination de l’existence d’une restriction par objet suppose l’examen de la teneur de l’accord en cause, des objectifs qu’il vise à atteindre et du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir point 228 ci-dessus).

255    À titre liminaire, il convient de relever qu’un accord de règlement amiable d’un litige en matière de brevets peut n’avoir aucune incidence négative sur la concurrence. Tel est le cas, par exemple, si les parties s’accordent pour estimer que le brevet litigieux n’est pas valide et prévoient, de ce fait, l’entrée immédiate de la société de génériques sur le marché.

256    Les accords en cause en l’espèce, et en particulier l’Accord, ne relèvent pas de cette catégorie, car ils comportent des clauses de non-contestation de brevets et de non-commercialisation de produits, lesquelles ont, par elles-mêmes, un caractère restrictif de concurrence. En effet, la clause de non-contestation porte atteinte à l’intérêt public d’éliminer tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, EU:C:1986:75, point 92) et la clause de non-commercialisation entraîne l’exclusion du marché d’un des concurrents du titulaire du brevet.

257    Cependant, l’insertion de telles clauses peut être légitime, mais seulement dans la mesure où elle se fonde sur la reconnaissance par les parties de la validité du brevet en cause (et, accessoirement, du caractère contrefaisant des produits génériques concernés).

258    En effet, d’une part et ainsi que le souligne la requérante, les clauses de non-commercialisation et de non-contestation sont nécessaires au règlement amiable de certains litiges relatifs aux brevets. Si les parties à un litige étaient mises dans l’impossibilité de faire usage de telles clauses, le règlement amiable du litige perdrait tout intérêt pour les litiges dans lesquels les deux parties s’accordent sur la validité du brevet. Il importe au demeurant de rappeler à cet égard que la Commission a indiqué, au paragraphe 209 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, qu’« [u]ne caractéristique propre [aux accords de règlement] est que les parties conviennent de ne pas contester a posteriori les droits de propriété intellectuelle qu’ils couvrent[, car] le véritable objectif de l’accord est de régler les litiges existants et/ou d’éviter des litiges futurs ». Or, il est tout autant nécessaire, aux fins d’atteindre cet objectif, que les parties conviennent qu’aucun produit contrefaisant ne puisse être commercialisé.

259    D’autre part et comme le fait également valoir la requérante, l’insertion de clauses de non-commercialisation se borne, pour partie, à conforter les effets juridiques préexistants d’un brevet dont les parties reconnaissent explicitement ou implicitement la validité. En effet, le brevet a normalement pour conséquence, au profit de son titulaire, d’empêcher la commercialisation par des concurrents du produit objet du brevet ou du produit obtenu par le procédé objet du brevet (voir point 232 ci-dessus). Or, en se soumettant à une clause de non-commercialisation, la société de génériques s’engage à ne pas vendre de produits susceptibles d’être contrefaisants à l’égard du brevet en cause. Cette clause, si elle se limite au champ d’application du brevet litigieux, peut alors être regardée comme reproduisant, en substance, les effets de ce brevet, dans la mesure où elle se fonde sur la reconnaissance de la validité de celui-ci.

260    S’agissant des clauses de non-contestation, le brevet ne saurait être interprété comme garantissant une protection contre les actions visant à contester la validité d’un brevet (arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, EU:C:1986:75, point 92). Les effets de ces clauses ne se confondent donc pas avec les effets du brevet.Cependant, lorsqu’une clause de non-contestation est adoptée dans le cadre du règlement amiable d’un véritable litige dans lequel le concurrent a déjà eu l’opportunité de contester la validité du brevet en cause et reconnaît finalement cette validité, une telle clause ne peut être regardée, dans un tel contexte, comme portant atteinte à l’intérêt public d’éliminer tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort (voir point 256 ci-dessus). Contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante à cet égard, la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, déduit de l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75, points 92 et 93), que les clauses de non-contestation étaient toujours contraires à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dès lors qu’elle s’est bornée à reprendre l’analyse de la Cour selon laquelle, dans le contexte particulier d’un contrat de licence de brevet interdisant au preneur de licence de contester la validité du brevet en question, une telle clause de non-contestation restreignait de manière illicite la concurrence.

261    La Commission a d’ailleurs elle-même indiqué, dans la décision attaquée, que les clauses de non-contestation et de non-commercialisation étaient généralement inhérentes à tout règlement amiable. Elle a ainsi considéré qu’il était « peu probable qu’un règlement amiable conclu dans le cadre d’un litige ou d’un contentieux en matière de brevets sur la base de l’appréciation par chaque partie du contentieux auquel elle est confrontée enfreigne le droit de la concurrence, quand bien même l’accord prévoirait l’obligation pour la société de génériques de s’abstenir d’utiliser l’invention couverte par le brevet pendant la durée de protection de celui-ci (par exemple par une clause de non-commercialisation) et/ou de ne pas contester le brevet en cause devant les tribunaux (par exemple par une clause de non-contestation) » (considérant 1136 de la décision attaquée).

262    Ainsi, la seule présence, dans des accords de règlement amiable, de clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont la portée se limite à celle du brevet en cause ne permet pas, malgré le fait que ces clauses ont, par elles-mêmes, un caractère restrictif (voir point 256 ci-dessus), de conclure à une restriction de concurrence présentant un degré suffisant de nocivité pour être qualifiée de restriction par objet, lorsque ces accords se fondent sur la reconnaissance par les parties de la validité du brevet (et, accessoirement, du caractère contrefaisant des produits génériques concernés).

263    La présence de clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont la portée se limite à celle du brevet en cause est, en revanche, problématique lorsqu’il apparaît que la soumission de la société de génériques à ces clauses n’est pas fondée sur la reconnaissance par celle-ci de la validité du brevet. Comme le relève à juste titre la Commission, « même si les limitations contenues dans l’accord [à] l’autonomie commerciale de la société de génériques ne vont pas au-delà du champ d’application matériel du brevet, elles constituent une violation de l’article 101 [TFUE] lorsque ces limitations ne peuvent être justifiées et ne résultent pas de l’évaluation par les parties du bien-fondé du droit exclusif lui-même » (considérant 1137 de la décision attaquée).

264    À cet égard, il convient de relever que l’existence d’un « paiement inversé », c’est-à-dire d’un paiement de la société de princeps vers la société de génériques, est doublement suspecte dans le cadre d’un accord de règlement amiable. En effet, en premier lieu, il importe de rappeler que le brevet vise à récompenser l’effort créatif de l’inventeur en lui permettant de tirer un juste profit de son investissement (voir point 232 ci-dessus) et qu’un brevet valide doit donc, en principe, permettre un transfert de valeur vers son titulaire, et non l’inverse. En second lieu, l’existence d’un paiement inversé introduit une suspicion quant au fait que le règlement amiable ne s’est pas essentiellement fondé sur la reconnaissance par les parties à l’accord de la validité du brevet en cause.

265    Cependant, la seule présence d’un paiement inversé ne saurait permettre de conclure à l’existence d’une restriction par objet. En effet, il n’est pas exclu que certains paiements inversés, lorsqu’ils sont inhérents au règlement amiable du litige en cause, soient justifiés (voir points 291 à 293 ci-après). En revanche, dans l’hypothèse où un paiement inversé non justifié intervient dans la conclusion du règlement amiable, la société de génériques doit être alors regardée comme ayant été incitée par ce paiement à se soumettre aux clauses de non-commercialisation et de non-contestation et il y a lieu de conclure à l’existence d’une restriction par objet. Dans cette hypothèse, les restrictions de concurrence qu’introduisent les clauses de non-commercialisation et de non-contestation ne sont plus liées au brevet et au règlement amiable, mais s’expliquent par le versement d’un avantage incitant la société de génériques à renoncer à ses efforts concurrentiels.

266    Il convient de relever que, si ni la Commission ni le juge de l’Union ne sont compétents pour statuer sur la validité du brevet (voir points 241 et 242 ci-dessus), il n’en demeure pas moins que ces institutions peuvent, dans le cadre de leurs compétences respectives et sans statuer sur la validité intrinsèque du brevet, constater l’existence d’un usage anormal de celui-ci, lequel est sans rapport avec son objet spécifique (voir, en ce sens, arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, points 7 et 8 ; voir également, par analogie, arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, points 104 à 106).

267    Or, le fait d’inciter un concurrent à accepter des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, au sens décrit au point 265 ci-dessus, ou son corollaire, le fait de se soumettre à de telles clauses en raison d’une incitation, constituent un usage anormal du brevet.

268    Ainsi que l’a indiqué à juste titre la Commission au considérant 1137 de la décision attaquée, « le droit des brevets ne prévoit pas un droit de payer ses concurrents réels ou potentiels afin qu’ils restent en dehors du marché ou qu’ils s’abstiennent de contester un brevet avant d’entrer sur le marché ». De même, toujours selon la Commission, « les titulaires de brevets ne sont pas autorisés à payer des sociétés de génériques pour les maintenir en dehors du marché et réduire les risques dus à la concurrence, que ce soit dans le cadre d’un accord de règlement amiable en matière de brevets ou par un autre moyen » (considérant 1141 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a ajouté à bon droit que « payer ou inciter autrement des concurrents potentiels à rester en dehors du marché ne f[ais]ait partie d’aucun droit lié aux brevets et ne correspond[ait] à aucun des moyens prévus par le droit des brevets pour faire respecter les brevets » (considérant 1194 de la décision attaquée).

269    Lorsque l’existence d’une incitation est constatée, les parties ne peuvent plus se prévaloir de leur reconnaissance, dans le cadre du règlement amiable, de la validité du brevet. Le fait que la validité du brevet soit confirmée par une instance juridictionnelle ou administrative est, à cet égard, indifférent.

270    C’est alors l’incitation, et non la reconnaissance par les parties au règlement amiable de la validité du brevet, qui doit être considérée comme étant la véritable cause des restrictions de concurrence qu’introduisent les clauses de non-commercialisation et de non-contestation (voir point 256 ci-dessus), lesquelles, étant dépourvues dans ce cas de toute légitimité, présentent dès lors un degré de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence suffisant pour qu’une qualification de restriction par objet puisse être retenue.

271    En présence d’une incitation, les accords en cause doivent ainsi être regardés comme étant des accords d’exclusion du marché, dans lesquels les restants indemnisent les sortants. Or, de tels accords consistent en réalité en un rachat de concurrence et doivent par conséquent être qualifiés de restrictions de concurrence par objet, ainsi que cela ressort de l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643, points 8 et 31 à 34), et des conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:467, point 75), cités, notamment, aux considérants 1139 et 1140 de la décision attaquée. Contrairement à ce que prétend la requérante (voir point 190 ci-dessus), la Commission a, à juste titre, qualifié de tels accords d’accords d’exclusion du marché, au même titre que les accords examinés dans l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643). En effet, le constat de l’existence d’une incitation dans lesdits accords implique que l’exclusion du marché des sociétés de génériques qu’ils comportent résulte, non des effets des brevets en cause et de l’objectif légitime de régler à l’amiable les litiges relatifs à ces brevets, mais d’un versement financier ou d’un autre avantage commercial, représentant la contrepartie de cette exclusion (voir point 267 ci-dessus), au même titre que la contrepartie financière versée aux entreprises ayant accepté de quitter le marché de la viande bovine irlandaise en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

272    De plus, l’exclusion de concurrents du marché est une forme extrême de répartition de marché et de limitation de la production (arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 435) qui présente, dans un contexte tel que celui des accords en cause, un degré de nocivité d’autant plus élevé que les sociétés exclues sont des sociétés de génériques dont l’entrée sur le marché est, en principe, favorable à la concurrence et contribue par ailleurs à l’intérêt général d’assurer des soins de santé à moindre coût. En outre, cette exclusion est confortée, dans de tels accords, par l’impossibilité pour la société de génériques de contester le brevet litigieux.

273    Il résulte de tout ce qui précède que, dans le contexte des accords de règlement amiable de litiges relatifs à des brevets, la qualification de restriction de concurrence par objet suppose la présence, au sein de l’accord de règlement amiable, à la fois d’un avantage incitatif à l’égard de la société de génériques et d’une limitation corrélative des efforts de celle-ci à faire concurrence à la société de princeps. Lorsque ces deux conditions sont remplies, un constat de restriction de concurrence par objet s’impose eu égard au degré de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence de l’accord ainsi conclu.

274    Ainsi, en présence d’un accord de règlement amiable en matière de brevets comportant des clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont le caractère intrinsèquement restrictif (voir point 256 ci-dessus) n’a pas été valablement mis en cause, l’existence d’une incitation de la société de génériques à se soumettre à ces clauses permet de fonder le constat d’une restriction par objet, et ce alors même qu’il existerait un véritable litige, que l’accord de règlement amiable inclurait des clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont la portée ne dépasserait pas celle du brevet litigieux et que ce brevet pourrait, eu égard, en particulier, aux décisions adoptées par les autorités administratives ou les juridictions compétentes, légitimement être estimé valide par les parties à l’accord au moment de l’adoption de celui-ci.

275    Or, dans la décision attaquée, la Commission a à juste titre examiné si chaque accord de règlement amiable comportait un transfert de valeur de la société de princeps vers la société de génériques représentant une incitation « significative », c’est-à-dire de nature à conduire cette dernière société à accepter de se soumettre à des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, pour en déduire, en présence d’une telle incitation, l’existence d’une restriction de concurrence par objet.

276    Il convient de considérer en outre que, contrairement à ce que soutient la requérante (voir points 197 et 198 ci-dessus), la Commission n’a pas, en retenant cette qualification d’objet restrictif de concurrence dans la décision attaquée, méconnu la distinction entre restriction par objet et restriction par effet ainsi que les critères pertinents d’appréciation des restrictions par objet.

277    D’abord, il ne saurait, à l’instar de la requérante, être déduit de l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448), que les accords de règlement amiable pourraient être restrictifs uniquement par effet et ne pourraient l’être par objet.

278    Certes, selon le point 19 de l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448), dans l’hypothèse où la juridiction nationale estimerait que la clause de non-contestation, contenue dans la licence concédée à titre onéreux, entraîne une atteinte à la liberté d’action du licencié, il lui incomberait encore de vérifier si, compte tenu de la position qu’occupent les entreprises concernées sur le marché des produits en cause, elle est de nature à restreindre la concurrence de manière sensible.

279    Cependant, il ressort des termes mêmes de l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448), que ce renvoi à l’analyse des effets restrictifs de concurrence de la clause de non-contestation vise les cas où une telle clause est insérée dans un accord de licence à titre onéreux convenu dans le cadre d’un règlement amiable. Il ne peut ainsi en être déduit que tous les accords de règlement amiable sont nécessairement soumis à un examen de leurs effets restrictifs et ne peuvent être restrictifs uniquement par leur objet, ni a fortiori que tel devrait être le cas des accords de règlement amiable comportant une incitation à se soumettre à une clause de non-contestation.

280    Ensuite, la Commission n’a pas davantage méconnu la jurisprudence relative à l’interprétation restrictive de la notion de restriction de concurrence par objet.

281    Il importe de rappeler à cet égard que, dans l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 58), cité par la requérante, la Cour a affirmé que la notion de restriction de concurrence par objet ne pouvait être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire et non à des accords dont il n’est en rien établi qu’ils sont, par leur nature même, nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence et a, par conséquent, censuré pour erreur de droit l’affirmation du Tribunal selon laquelle il n’y avait pas lieu d’interpréter la notion d’infraction par objet de manière restrictive. Elle n’a, cependant, pas remis en cause la jurisprudence selon laquelle les types d’accords envisagés à l’article 101, paragraphe 1, sous a) à e), TFUE ne forment pas une liste exhaustive de collusions prohibées (arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 23 ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 58), constat qui ressort de l’emploi du terme « notamment » à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:467, point 46).

282    Il convient de relever également que l’analyse de la Commission ne devait pas, a priori, être conditionnée par une approche plus restrictive que celle impliquée par les critères de la notion de restriction de concurrence par objet, mais elle supposait l’identification d’une restriction de concurrence révélant, par sa nature même, un degré suffisant de nocivité au regard notamment de son contexte économique et juridique (voir points 227 et 228 ci-dessus).

283    Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission a correctement pris en compte chacun de ces éléments participant de la définition et de l’appréciation des restrictions par objet.

284    Quant au « degré suffisant de nocivité », la requérante se méprend sur la notion d’incitation lorsqu’elle affirme qu’une incitation ne suffit pas à distinguer les règlements amiables suffisamment nocifs de ceux qui ne le sont pas. En effet, elle avance, au soutien de cette affirmation, que les avantages au bénéfice de chacune des parties, qu’ils consistent dans le versement d’une somme d’argent ou dans l’octroi d’autres avantages commerciaux, seraient indispensables à la conclusion d’un règlement amiable. Toutefois, il ressort des points 268 et 275 ci-dessus que la Commission n’a pas considéré que tout avantage ou transfert de valeur était révélateur d’un objet restrictif de concurrence, mais que seuls les accords comportant un avantage ou un transfert de valeur incitatif, c’est-à-dire ceux dans lesquels les clauses restrictives s’expliquent par cette incitation et non par les effets des brevets et le règlement amiable des litiges en matière de brevets, étaient suffisamment nocifs pour être qualifiés de restrictions de concurrence par objet (voir également point 270 ci-dessus).

285    Quant au préjudice porté à la concurrence par « sa nature même », il convient de rappeler que les clauses de non-contestation et de non-commercialisation contenues dans les accords de règlement amiable en cause dans la décision attaquée ont par elles-mêmes un caractère restrictif de concurrence (voir point 256 ci-dessus), pouvant conduire à la qualification de ces accords de restriction de concurrence par objet lorsque les restrictions de concurrence introduites par ces clauses s’expliquent par un transfert de valeur incitatif, et ce indépendamment du caractère réel ou non des litiges en cause et de la validité ou de la contrefaçon des brevets concernés (voir points 270 et 274 ci-dessus).

286    Quant à la prise en compte du « contexte économique et juridique » des accords de règlement amiable qui serait constitué en l’espèce par le droit des brevets, il y a lieu de répondre aux arguments avancés à cet égard ressortant de la requête elle-même (voir points 115 et 116 ci-dessus) que les principes et les règles régissant les brevets ont été pleinement pris en compte et respectés, ainsi qu’il ressort tant de l’analyse de la qualité de concurrent potentiel des sociétés de génériques (voir points 117 à 134 ci-dessus) que de celle des accords de règlement amiable en matière de brevets (voir notamment points 267 et 268 ci-dessus). Il s’ensuit également, compte tenu en particulier de cette analyse des accords de règlement amiable en matière de brevets, dont il résulte que seuls sont restrictifs par objet les règlements amiables non légitimes révélant un usage anormal des brevets en cause, qu’il ne saurait être reproché à la Commission de vider de leur contenu l’octroi des brevets et de décourager, par une large interdiction des règlements amiables en matière de brevets, la conclusion de tels règlements.

287    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas entaché la décision attaquée d’une erreur de droit, en retenant le critère de l’incitation aux fins de distinguer les accords de règlement amiable constituant des restrictions par objet de ceux qui ne constituent pas de telles restrictions, critère qui sera désigné ci-après comme étant celui de l’« incitation » ou de l’« avantage incitatif ».

–       Sur les erreurs d’appréciation

288    La Commission n’a pas davantage commis d’erreur d’appréciation en considérant que l’Accord était restrictif de concurrence par objet.

289    En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a valablement retenu l’existence, dans l’Accord, d’une incitation de la requérante à se soumettre aux clauses de non-commercialisation et de non-contestation prévues par l’Accord.

290    Il convient de relever, à cet égard, que la requérante ne remet pas en cause l’existence de clauses de non-commercialisation et de non-contestation dans l’Accord. Elle conteste en revanche que le transfert de valeur prévu par l’article 13 de l’Accord puisse être considéré comme un transfert de valeur incitatif.

291    Afin de déterminer si un paiement inversé, c’est-à-dire un transfert de valeur de la société de princeps en direction de la société de génériques, constitue ou non une incitation à accepter des clauses de non-contestation et de non-commercialisation, il convient d’examiner, en tenant compte de sa nature et de sa justification, s’il ne couvre que des coûts inhérents au règlement amiable du litige. Dans la décision attaquée, la Commission a ainsi, à juste titre, examiné si le transfert de valeur correspondait aux coûts spécifiques du règlement amiable supportés par la société de génériques (voir considérants 1333 à 1337 de la décision attaquée).

292    Dans l’hypothèse où le paiement inversé prévu dans un accord de règlement amiable comportant des clauses restrictives de concurrence viserait à compenser les coûts inhérents au règlement amiable supportés par la société de génériques, ce paiement ne pourrait en principe être considéré comme incitatif. En effet, par leur inhérence au règlement amiable, de tels coûts impliquent qu’ils sont, en tant que tels, fondés sur la reconnaissance de la validité des brevets litigieux que ce règlement amiable vise à entériner en mettant fin à la contestation de cette validité et à la potentielle contrefaçon desdits brevets. Il ne saurait ainsi être considéré qu’un tel paiement inversé introduit une suspicion quant au fait que le règlement amiable est fondé sur la reconnaissance par les parties à l’accord de la validité du brevet en cause (voir points 264 et 265 ci-dessus). La constatation de l’existence d’une incitation et d’une restriction de concurrence par objet n’est pas pour autant exclue dans cette hypothèse. Elle suppose toutefois que la Commission établisse que les montants correspondant à ces coûts inhérents au règlement amiable, même établis et précisément chiffrés par les parties à ce règlement, ont un caractère excessif (voir, en ce sens, considérants 1338, 1465, 1600 et 1973 de la décision attaquée). Une telle disproportion romprait en effet le lien d’inhérence entre les coûts concernés et le règlement amiable et, partant, empêcherait de déduire du remboursement de ces coûts que l’accord de règlement en cause est fondé sur la reconnaissance de la validité des brevets litigieux.

293    Il peut être considéré que les coûts inhérents au règlement amiable du litige recouvrent, notamment, les frais contentieux supportés par la société de génériques dans le cadre du litige qui l’oppose à la société de princeps. Ces frais ont, en effet, été exposés aux seules fins des contentieux de validité ou de contrefaçon des brevets en cause, auxquels le règlement amiable vise précisément à mettre un terme sur la base d’un accord reconnaissant la validité des brevets. Leur prise en charge est donc en lien direct avec un tel règlement amiable. Par conséquent, lorsque les montants des frais contentieux de la société de génériques sont établis par les parties au règlement amiable, la Commission ne peut constater leur caractère incitatif qu’en démontrant que ceux-ci seraient disproportionnés. À cet égard, doivent être considérés comme disproportionnés des montants qui correspondraient à des frais contentieux dont le caractère objectivement indispensable pour la conduite de la procédure litigieuse, eu égard notamment à la difficulté juridique et factuelle des questions traitées ainsi que de l’intérêt économique que le litige présente pour la société de génériques, ne serait pas établi sur le fondement de documents précis et détaillés.

294    En revanche, certains frais incombant à la société de génériques sont, a priori, trop extérieurs au litige et à son règlement pour pouvoir être considérés comme inhérents au règlement amiable d’un litige en matière de brevets. Il s’agit, par exemple, des coûts de fabrication des produits contrefaisants, correspondant à la valeur du stock desdits produits, ainsi que des frais de recherche et de développement exposés pour mettre au point ces produits. En effet, de tels coûts et frais sont a priori exposés indépendamment de la survenance de litiges et de leur règlement et ne se traduisent pas par des pertes du fait de ce règlement, ainsi qu’en atteste en particulier le fait que les produits en cause sont souvent, en dépit de l’interdiction de leur commercialisation par l’accord de règlement, vendus sur des marchés non couverts par ledit accord et que les recherches correspondantes peuvent être utilisées aux fins de la mise au point d’autres produits. Il en est de même des sommes devant être versées par la société de génériques à des tiers en raison d’engagements contractuels conclus en dehors du litige (par exemple des contrats de fourniture). De tels frais de résiliation de contrats conclus avec des tiers ou d’indemnisation de ces tiers sont en effet généralement imposés par les contrats en cause ou en lien direct avec ces contrats, lesquels ont au surplus été conclus par la société de génériques concernée indépendamment de tout litige avec la société de princeps ou de son règlement. Il appartient alors aux parties à l’accord, si elles souhaitent que le paiement de ces frais ne soit pas qualifié d’incitatif et constitutif d’un indice de l’existence d’une restriction de concurrence par objet, de démontrer que ceux-ci sont inhérents au litige ou à son règlement, puis d’en justifier le montant. Elles pourraient également, aux mêmes fins, se fonder sur le montant insignifiant du remboursement de ces frais a priori non inhérents au règlement amiable du litige et, ainsi, insuffisant pour constituer une incitation significative à accepter les clauses restrictives de concurrence prévues par l’accord de règlement (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 360).

295    En l’espèce, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 1322 de la décision attaquée, l’existence d’une telle incitation ressort clairement des termes mêmes de l’Accord, qui stipule en son article 13 que, « [e]n contrepartie des engagements [prévus par l’Accord] et des coûts substantiels et responsabilités potentielles qui pourraient être supportés par Niche et Unichem du fait de la cessation de leur programme de développement du périndopril fabriqué en utilisant le procédé [litigieux], Servier réglera à Niche et à Unichem […] la somme de 11,8 millions de GBP ». En effet, les engagements visés sont les clauses de non-contestation et de non-commercialisation, dont le paiement est ainsi expressément prévu par cet article.

296    Cette interprétation du texte de l’Accord n’est en outre pas remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle le transfert de valeur prévu visait uniquement à la persuader de régler le litige à l’amiable (voir point 205 ci-dessus), dès lors que la somme de 11,8 millions de GBP est clairement présentée comme la contrepartie des engagements restrictifs de concurrence en cause et que le paiement des seuls coûts inhérents au règlement amiable et ainsi justifiés par ce règlement aurait suffi, par définition, à la persuader de conclure un tel règlement (voir points 291 et 292 ci-dessus). Elle ne l’est pas davantage par l’asymétrie alléguée entre les risques encourus par la société de princeps et ceux auxquels est exposée la société de génériques. Certes, une telle asymétrie des risques permet en partie d’expliquer les raisons pour lesquelles la société de princeps peut être conduite à octroyer des paiements inversés importants à la société de génériques. Toutefois, l’octroi d’un paiement important vise précisément à éviter tout risque, même minime, que les sociétés de génériques puissent entrer sur le marché et, ainsi, conforte l’existence d’un achat de la mise à l’écart de ces sociétés par la société de princeps. Il convient en outre de rappeler que le fait que l’adoption d’un comportement anticoncurrentiel puisse se révéler être la solution la plus rentable ou la moins risquée pour une entreprise ou qu’il vise à corriger un déséquilibre à son détriment n’exclut aucunement l’application de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, EU:T:2004:219, point 73 ; du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, EU:T:2004:220, point 211, et du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, EU:T:2005:298, point 81), en particulier lorsqu’il s’agit de payer des concurrents réels ou potentiels pour qu’ils se tiennent à l’écart du marché (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, points 379 et 380).

297    Il est, par ailleurs, indifférent en l’espèce que l’article 13 de l’Accord stipule, selon une proportion non déterminée, que le versement de la somme de 11,8 millions de GBP est la contrepartie non seulement des clauses de non-contestation et de non-commercialisation, mais également d’autres frais, dès lors que cette autre compensation ne remet pas en cause le constat selon lequel les clauses restrictives concernées ont été achetées par Servier et, ainsi, l’existence d’une incitation de la requérante à se soumettre à ces clauses.

298    En effet, ces autres frais, décrits dans l’Accord comme les « coûts substantiels et responsabilités potentielles qui pourraient être supportés par Niche et Unichem du fait de la cessation de leur programme de développement du périndopril fabriqué en utilisant le procédé [litigieux] », ont été présentés par la requérante elle-même, au cours de la procédure administrative, comme correspondant aux coûts de développement de son périndopril, en ce compris les frais de conseil juridique, et à l’indemnisation due à ses clients pour violation de ses obligations contractuelles à leur égard (considérants 601 et 1326 de la décision attaquée). Or, de tels coûts ne sauraient, a priori et en l’absence de justification en ce sens avancée par la requérante, être considérés comme inhérents au règlement amiable d’un litige en matière de brevets (voir point 294 ci-dessus). Ils sont, au surplus, selon leur évaluation en l’espèce par la requérante, variant de 2 à 3 millions de GBP, d’un montant nettement inférieur à 11,8 millions de GBP.

299    Il s’ensuit que la Commission a valablement retenu l’existence dans l’Accord d’une incitation de la requérante à se soumettre aux clauses de non-commercialisation et de non-contestation prévues par ledit accord.

300    Il s’ensuit également que, compte tenu de ce qui précède (voir, en particulier, points 265 à 274 ci-dessus), la Commission a, à juste titre, déduit du constat de cette incitation que l’Accord avait un objet restrictif de concurrence.

301    Il est, dès lors, indifférent que, comme le fait valoir la requérante, les clauses de non-commercialisation et de non-contestation ne dépassaient pas le champ d’application des brevets litigieux. En effet, il convient de rappeler que l’existence d’une incitation de la société de génériques à se soumettre à des clauses de non-commercialisation et de non-contestation permet de fonder le constat d’une restriction de concurrence par objet, et ce alors même que l’accord de règlement amiable inclurait des clauses dont la portée ne dépasserait pas celle du brevet litigieux (voir point 274 ci-dessus). Les arguments de la requérante visant à établir que les obligations imposées par les clauses de non-commercialisation et de non-contestation ne dépassaient pas le champ des brevets litigieux (voir points 201 et 203 ci-dessus) doivent, par conséquent, être écartés comme inopérants (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 495).

302    Il convient d’ajouter que, si l’argument de la requérante relatif au respect du champ d’application des brevets litigieux devait être interprété comme visant à contester le caractère restrictif des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, il ne saurait prospérer.

303    En effet, s’agissant de la clause de non-commercialisation, il peut être constaté, d’une part, que la requérante ne conteste pas que l’article 3 de l’Accord lui interdisait de fabriquer et de commercialiser le périndopril qu’elle avait développé avec Matrix et, d’autre part, qu’il ressort du texte même de l’article 6 de l’Accord que la possibilité de commercialisation prévue ne visait qu’à clarifier la fin de cette interdiction, en prévoyant que la requérante pourrait fabriquer et vendre ce périndopril ainsi que tout périndopril relevant du champ d’application des brevets de procédé après leur expiration, mais non qu’elle pourrait vendre un périndopril relevant du champ d’application du brevet 947 avant son expiration sans s’exposer à des actions en contrefaçon de ce brevet introduites par Servier. Il ressort en effet de l’article 5 de l’Accord que Servier s’engageait à ne pas agir en contrefaçon du brevet 947 uniquement pour les actes contrefaisants antérieurs à la conclusion de l’Accord. La requérante a par ailleurs elle-même reconnu l’utilité et la logique commerciale de l’article 6 de l’Accord indépendamment de l’interprétation qu’elle fait valoir dans le cadre du présent recours, en indiquant que cette stipulation visait à éviter, par l’autorisation de commercialisation du périndopril fabriqué après la date d’expiration des brevets en cause, que les sociétés de génériques soient en mesure de commercialiser leur produit dès le lendemain de cette expiration. La Commission a, dès lors, à juste titre estimé, au considérant 1312 de la décision attaquée, que l’article 6 de l’Accord ne permettait pas une entrée anticipée de Niche sur le marché avant l’expiration du brevet 947, contrairement à ce que prétend la requérante (voir point 201 ci-dessus).

304    S’agissant de la clause de non-contestation, il y a lieu de rappeler que, si elle permet à la requérante de se défendre contre des actions en contrefaçon introduites par Servier, elle prévoit surtout une interdiction générale d’introduire les actions contentieuses destinées à « ouvrir la voie », dans le cadre d’un lancement à risque, que sont les actions en invalidité et en déclaration de non-contrefaçon des brevets.

305    Doit par ailleurs également être écartée comme inopérante l’allégation par la requérante de son absence d’intention anticoncurrentielle et de la poursuite d’objectifs légitimes (voir point 207 ci-dessus). En effet, une telle allégation n’est susceptible de remettre en cause ni l’existence d’un avantage incitatif, ni le caractère restrictif de concurrence des clauses de non-commercialisation et de non-contestation figurant dans l’Accord. Par conséquent, à supposer même que les arguments en cause reposent sur des faits établis, ils ne seraient pas de nature, en toute hypothèse, à invalider la qualification de restriction par objet que la Commission a retenue s’agissant de l’Accord.

306    Il convient également d’ajouter que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un type de coordination entre entreprises (voir point 230 ci-dessus).

307    De plus, en présence de clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont le caractère intrinsèquement restrictif n’a pas été valablement mis en cause, l’Accord a pu être regardé à bon droit par la Commission, du fait du constat de l’existence d’une incitation, comme étant un accord d’exclusion du marché, poursuivant de ce fait un objectif anticoncurrentiel. Or, selon une jurisprudence constante, la seule circonstance qu’un accord poursuive également des objectifs légitimes ne saurait suffire à faire obstacle à une qualification de restriction de concurrence par objet (voir point 230 ci-dessus).

v)      Sur l’applicabilité de la théorie des restrictions accessoires aux accords de règlement amiable

308    La requérante reproche encore à la Commission de ne pas avoir examiné l’Accord au regard du critère de la nécessité objective des restrictions prévues, en faisant application de la théorie des restrictions accessoires.

309    À titre liminaire, il convient de constater que la requérante ne s’était pas prévalue de l’application de la théorie des restrictions accessoires lors de la procédure administrative et que la décision attaquée n’en fait pas mention.

310    Il ressort de la jurisprudence que, si une opération ou une activité déterminée ne relève pas du principe d’interdiction prévu à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en raison de sa neutralité ou de son effet positif sur le plan de la concurrence, une restriction de l’autonomie commerciale d’un ou de plusieurs des participants à cette opération ou à cette activité ne relève pas non plus dudit principe d’interdiction si cette restriction est objectivement nécessaire à la mise en œuvre de ladite opération ou de ladite activité et proportionnée aux objectifs de l’une ou de l’autre (voir arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 89 et jurisprudence citée). En effet, lorsqu’il n’est pas possible de dissocier une telle restriction, qualifiée de restriction accessoire, de l’opération ou de l’activité principale sans en compromettre l’existence et les objets, il y a lieu d’examiner la compatibilité avec l’article 101 TFUE de cette restriction conjointement avec la compatibilité de l’opération ou de l’activité principale dont elle constitue l’accessoire, et cela bien que, prise isolément, pareille restriction puisse paraître, à première vue, relever du principe d’interdiction de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 90).

311    Il convient de considérer d’emblée qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence constante selon laquelle le règlement amiable d’un litige n’exonère pas les parties de l’application des règles de concurrence (voir point 251 ci-dessus) que la condition préalable à l’application du critère de la nécessité objective, à savoir l’existence d’une opération neutre ou positive pour la concurrence, ne peut être remplie pour les règlements amiables en matière de brevets. En effet, cette jurisprudence n’exclut pas qu’un accord de règlement amiable d’un litige ne relève pas du principe d’interdiction prévu à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en raison de sa neutralité ou de ses effets positifs sur le plan de la concurrence (voir point 255 ci-dessus). Or, l’application du critère de la nécessité objective suppose que l’opération ou l’activité principale en cause dans le cas d’espèce soit dépourvue de caractère anticoncurrentiel en raison de sa neutralité ou de son effet positif sur le plan de la concurrence, mais elle n’impose pas que l’opération ou l’activité principale soit, par sa nature même et indépendamment des circonstances de chaque espèce, dépourvue de caractère anticoncurrentiel. La jurisprudence a ainsi rappelé que l’examen de l’opération ou de l’activité principale ne saurait être effectué in abstracto, mais qu’il était fonction des clauses ou des restrictions accessoires propres à chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Pronuptia de Paris, 161/84, EU:C:1986:41, point 14 ; du 15 décembre 1994, DLG, C‑250/92, EU:C:1994:413, point 31, et du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a., C‑399/93, EU:C:1995:434, points 12 à 14). En outre, il importe de rappeler que de nombreuses dispositions du droit de l’Union encouragent le règlement amiable des litiges (voir points 245 à 248 ci-dessus).

312    Ainsi, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne saurait être déduit de l’arrêt du 30 janvier 1985, BAT Cigaretten-Fabriken/Commission (35/83, EU:C:1985:32), ni d’ailleurs de l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448), qu’il convient d’écarter en principe toute possibilité de faire application de la théorie des restrictions accessoires au règlement amiable des litiges. En effet, s’il ressort de l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448, point 21), que la Cour a refusé de suivre le raisonnement proposé par la Commission consistant à considérer une clause de non-contestation d’un brevet insérée dans un accord de licence comme compatible avec l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque certaines conditions sont remplies et a précisé que l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne faisait aucune distinction entre les accords qui ont pour objet de mettre fin à un litige et ceux qui poursuivent d’autres buts, elle n’a cependant pas exclu qu’un accord de règlement amiable d’un litige comportant des clauses de non-contestation et de non-commercialisation puisse, en fonction du contexte juridique et économique, ne pas avoir de caractère restrictif de concurrence. De la même manière, dans l’arrêt du 30 janvier 1985, BAT Cigaretten-Fabriken/Commission (35/83, EU:C:1985:32), la Cour a également reconnu la légalité et l’utilité des accords servant à délimiter, dans l’intérêt réciproque des parties, les sphères d’utilisation respectives de leurs marques en vue d’éviter des confusions ou des conflits, tout en jugeant que l’accord de délimitation qui lui avait été soumis était restrictif de concurrence.

313    Toutefois, si un accord de règlement amiable d’un litige en matière de brevets ayant un effet neutre ou positif sur le plan de la concurrence ne saurait par principe être exclu du champ d’application de la théorie des restrictions accessoires, il convient encore d’examiner la portée de la restriction accessoire de concurrence, ce qui implique un double examen. En effet, il convient de rechercher, d’une part, si la restriction est objectivement nécessaire à la réalisation de l’opération ou de l’activité principale et, d’autre part, si elle est proportionnée par rapport à celle-ci (arrêts du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T‑112/99, EU:T:2001:215, point 106, et du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 64).

314    S’agissant de la première condition, selon la jurisprudence, il convient de rechercher si la réalisation de cette opération ou de cette activité serait impossible en l’absence de la restriction en question. Ainsi, le fait que ladite opération ou ladite activité soit simplement rendue plus difficilement réalisable, voire moins profitable, en l’absence de la restriction en cause ne saurait être considéré comme conférant à cette restriction le caractère objectivement nécessaire requis afin de pouvoir être qualifiée d’accessoire. En effet, une telle interprétation reviendrait à étendre cette notion à des restrictions qui ne sont pas strictement indispensables à la réalisation de l’opération ou de l’activité principale. Un tel résultat porterait atteinte à l’effet utile de la prohibition prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 91).

315    Or, les clauses de non-contestation et de non-commercialisation sont inhérentes à certains règlements amiables, à savoir ceux qui sont fondés sur une reconnaissance de la validité du ou des brevets en cause (voir point 258 ci-dessus). De telles clauses, dès lors qu’elles reflètent la reconnaissance de la validité du brevet par chacune des parties et que leur portée se limite à celle du brevet en cause, sont nécessaires au règlement amiable d’un litige portant sur ce brevet et doivent, par conséquent, être considérées comme pouvant satisfaire à la première condition de la dérogation prévue par la théorie des restrictions accessoires.

316    Toutefois, lorsque l’existence d’une incitation est constatée, les parties ne peuvent plus se prévaloir de leur reconnaissance, dans le cadre du règlement amiable, de la validité du brevet. C’est en effet l’incitation, et non la reconnaissance par les parties au règlement amiable de la validité du brevet, qui est alors la véritable cause des restrictions de concurrence qu’introduisent les clauses de non-commercialisation et de non-contestation (voir points 263 à 270 ci-dessus). Ces restrictions ne peuvent dès lors être regardées comme étant objectivement nécessaires et ainsi comme constituant l’accessoire d’un règlement amiable.

317    Il convient, d’une part, de préciser que cette incitation n’est pas en elle-même une restriction, mais qu’elle conduit à la rupture du lien de nécessité entre le règlement amiable et les clauses restrictives, et, d’autre part, de rappeler que l’établissement de ladite incitation repose non pas uniquement sur une analyse quantitative du montant du transfert de valeur, mais également et principalement sur une analyse qualitative des coûts compensés par ce transfert de valeur (voir points 291 à 294 ci-dessus).

318    Il peut être ajouté, au surplus, que, du fait également de l’incitation de la société de génériques à se soumettre à de telles clauses restrictives, les accords en cause sont des accords d’exclusion du marché (voir point 271 ci-dessus) et non de véritables accords de règlement amiable, excluant partant aussi que puisse être retenue en l’espèce l’existence d’une opération neutre ou positive sur le plan de la concurrence.

319    Par ailleurs, si la requérante fait encore valoir que les clauses restrictives des accords seraient accessoires à la réalisation d’un objectif consistant dans la protection des droits de propriété intellectuelle de la société de princeps, en se fondant sur la jurisprudence relative à l’objet spécifique du droit de propriété intellectuelle (voir point 239 ci-dessus), il suffit de rappeler que le fait d’inciter un concurrent à accepter des clauses de non-commercialisation et de non-contestation constitue un usage anormal du brevet (voir point 267 ci-dessus), ne relevant pas de l’objet spécifique du brevet et, ainsi, non objectivement nécessaire à sa protection (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 458).

320    C’est donc à bon droit que la Commission, dans la mesure où elle a retenu l’incitation comme critère permettant d’identifier les accords constituant des restrictions par objet et où elle a constaté l’existence d’une telle incitation en l’espèce, a pu ne pas se fonder sur la théorie des restrictions accessoires.

321    Il s’ensuit également que, même à supposer, comme le soutient la requérante, que les lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie prévoient l’application du critère de la nécessité objective aux accords de règlement amiable en matière de brevets et qu’elles soient applicables à l’Accord (voir point 195 ci-dessus), la Commission n’avait pas davantage à appliquer ce critère, tel que prévu par ces lignes directrices, et n’a ainsi pas violé le principe d’égalité de traitement en écartant en l’espèce leur application à l’Accord.

322    Il ressort de tout ce qui précède que le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation relatives à la qualification de l’Accord de restriction par objet doit être écarté dans son ensemble.

2)      Sur la qualification erronée de l’Accord de restriction par effet

323    Il convient de rappeler que, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de cette décision sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif. En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu pour le Tribunal d’annuler cette décision, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, points 42 et 43 et jurisprudence citée).

324    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 217 ci-dessus, pour apprécier si un accord est prohibé par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la prise en considération de ses effets concrets est superflue lorsqu’il apparaît qu’il a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

325    Par conséquent, lorsque la Commission fonde le constat d’une infraction à la fois sur l’existence d’une restriction par objet et sur celle d’une restriction par effet, une erreur entachant d’illégalité le motif tiré de l’existence d’une restriction par effet n’a, en tout état de cause, pas une influence déterminante quant au dispositif retenu par la Commission dans cette décision, dans la mesure où le motif tiré de l’existence d’une restriction par objet, qui peut fonder à lui seul le constat d’infraction, n’est pas entaché d’illégalité.

326    En l’espèce, il résulte de l’examen du moyen tiré d’erreurs d’appréciation et de droit relatives à la qualification de restriction de concurrence par objet de l’Accord que la requérante n’a pas établi que la Commission avait commis une erreur en concluant, dans la décision attaquée, que les accords en cause avaient pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

327    Le présent moyen doit donc être écarté comme inopérant.

5.      Sur le moyen tiré de la violation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE

a)      Arguments des parties

328    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir considéré que l’Accord pouvait être exempté en vertu de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

329    La requérante fait valoir, premièrement, que l’Accord a généré des gains d’efficacité favorables à la concurrence, en lui permettant de réaffecter les ressources non consacrées au litige l’opposant à Servier au lancement de nouveaux produits sur le marché, de lancer son périndopril générique de manière anticipée sur le marché en 2008 sans risques de poursuite pour contrefaçon du brevet 947 et de continuer à exister tout en maintenant et en étendant son portefeuille de produits génériques au profit des consommateurs et de la concurrence.

330    La requérante prétend, deuxièmement, que ces gains d’efficacité ont été répercutés sur les consommateurs, qui auraient bénéficié de l’entrée sur le marché anticipée de son périndopril générique et du lancement d’autres produits génériques.

331    La requérante estime, troisièmement, que les clauses de non-commercialisation et de non-contestation étaient indispensables pour parvenir à ces gains d’efficacité, dès lors que Servier n’aurait pas conclu l’Accord si ses brevets n’avaient pas été protégés par de telles clauses.

332    La requérante soutient, quatrièmement, que la concurrence n’a pas été éliminée, dans la mesure où l’Accord l’autorisait à lancer un périndopril non contrefaisant pendant toute sa durée ainsi qu’à lancer son périndopril dès 2008 et que l’Accord lui a même permis d’éviter la cessation de paiements et ainsi d’accroître la concurrence dans le secteur en cause.

333    La Commission estime avoir établi, dans la décision attaquée, que ni la requérante ni Servier n’avaient produit d’éléments de preuve suffisants pour démontrer que l’Accord réunissait les quatre conditions d’exemption prévues par l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

334    Quant aux gains d’efficacité, la requérante n’aurait nullement étayé ni les prétendus frais de justice évités ni le fait que le montant de 11,8 millions de GBP dépassant largement ces frais n’aurait pas simplement servi à accroître sa rentabilité. La Commission estime par ailleurs avoir correctement qualifié la survie de la requérante et la conservation de son portefeuille de génériques de gain d’efficacité indirect. Elle réitère en outre sa critique de l’allégation d’une entrée anticipée sur le marché qu’aurait permise l’Accord.

335    Quant à la répercussion sur les consommateurs, elle ne serait aucunement établie, compte tenu également de l’absence de preuve de l’affectation des bénéfices et de l’absence d’autorisation par l’Accord d’une entrée anticipée sur le marché. La Commission ajoute que le développement d’autres produits génériques correspond à l’activité de toute société de génériques et ne suffit pas à prouver que des gains d’efficacité particuliers ont été répercutés sur les consommateurs.

336    Quant au caractère indispensable des clauses de l’Accord, la Commission rappelle que les clauses de non-commercialisation et de non-contestation vont au-delà du champ d’application des brevets de Servier et estime que la requérante n’essaie même pas d’expliquer le caractère indispensable du montant de 11,8 millions de GBP.

337    Quant à l’absence d’élimination de la concurrence, la Commission soutient que cette allégation serait incompatible avec les termes de l’Accord et que la requérante n’aurait jamais essayé de pénétrer le marché après le terme de l’Accord.

b)      Appréciation du Tribunal

338    L’article 101, paragraphe 3, TFUE prévoit une dérogation aux dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en vertu de laquelle les accords visés au paragraphe 1 qui remplissent les conditions du paragraphe 3 ne sont pas interdits.

339    Les conditions prévues à l’article 101, paragraphe 3, TFUE sont les suivantes : il faut, premièrement, que l’accord concerné contribue à améliorer la production ou la distribution des produits en cause ou à promouvoir le progrès technique ou économique, deuxièmement, qu’une partie équitable du profit qui en résulte soit réservée aux utilisateurs, troisièmement, qu’il n’impose aucune restriction non indispensable aux entreprises participantes et, quatrièmement, qu’il ne leur donne pas la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

340    Ces conditions ont été reprises au paragraphe 34 des lignes directrices sur l’application de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE] (JO 2004, C 101, p. 97, ci-après les « lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE »). Elles présentent un caractère cumulatif (arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 505 ; du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, EU:C:1984:9, point 61, et du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, EU:T:1994:89, point 104).

341    Conformément à l’article 2 du règlement no 1/2003, « [i]l incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article [101, paragraphe 3, TFUE] d’apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies ».

342    La Cour, se fondant sur le règlement no 1/2003 et, en particulier, sur son considérant 5, selon lequel, d’une part, c’est à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence qu’il incombe d’en apporter la preuve et, d’autre part, il appartient à l’entreprise ou à l’association d’entreprises invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, a précisé que, même si la charge légale de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise ou à l’association concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 78 et 79).

343    Ainsi, dans certains cas, les éléments factuels invoqués par une entreprise qui demande à bénéficier de l’exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE peuvent être de nature à obliger la Commission à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (arrêts du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 83, et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 711).

344    Enfin, il convient également de relever que tout accord restreignant la concurrence, que ce soit par ses effets ou par son objet, peut en principe bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496 à 498 et 501 à 505 ; du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C‑439/09, EU:C:2011:649, points 49 et 57, et du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, EU:T:1994:89, point 85).

345    En l’espèce, la Commission a concentré son examen sur la première condition d’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Elle a plus précisément examiné trois types de gains d’efficacité concernant la requérante. S’agissant, premièrement, du gain d’efficacité découlant des frais contentieux évités, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas justifié les prétendues économies tirées des contentieux évités et qu’elle n’avait pas non plus démontré que ces économies avaient généré un effet proconcurrentiel au lieu de simplement accroître ses bénéfices. Elle a ajouté que l’Accord n’était pas indispensable pour réaliser les économies invoquées, dès lors qu’elles auraient pu être obtenues par un règlement amiable sans paiement inversé (considérants 2074 à 2077 de la décision attaquée). S’agissant, deuxièmement, du gain d’efficacité dû au maintien de l’existence commerciale de Niche, la Commission a estimé, d’une part, que le maintien de l’existence de Niche et sa capacité de lancer de nouveaux produits à des prix plus compétitifs correspondait à une allégation indirecte de gain d’efficacité et, d’autre part, que la survie économique de Niche constituait un gain d’efficacité subjectif pour cette dernière et ne générait pas d’effets proconcurrentiels sur le marché (considérants 2109 à 2111 de la décision attaquée). Il convient de préciser que le troisième gain d’efficacité, lié à l’entrée anticipée de Niche sur le marché, n’a pas été examiné spécifiquement s’agissant du cas particulier de la requérante et des conséquences de l’Accord, mais l’a été de manière générale, au titre des conséquences des règlements amiables de litiges en matière de brevets en général (considérants 2112 à 2122 de la décision attaquée).

346    La requérante conteste en particulier l’analyse par la Commission de la première condition d’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE (voir point 329 ci-dessus).

347    Il convient de rappeler, à cet égard, que, pour remplir cette première condition, un accord doit contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique. Cette contribution ne s’identifie pas à tous les avantages que les entreprises participant à cet accord en retirent quant à leur activité, mais à des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients qui en résultent pour la concurrence (arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 502 ; voir, également, arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 247 et jurisprudence citée ; paragraphe 50 des lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE).

348    Il appartient donc à la Commission d’examiner si les arguments de fait et les éléments de preuve qui lui sont présentés démontrent, de manière convaincante, que l’accord en cause doit permettre d’obtenir des avantages objectifs sensibles (voir arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 248 et jurisprudence citée).

349    En l’espèce, la requérante conteste l’analyse par la Commission des trois gains d’efficacité susvisés.

350    S’agissant des deux premiers gains d’efficacité, découlant l’un des frais contentieux évités et l’autre du maintien de l’existence commerciale de la requérante, qui concernent celle-ci au premier chef, ils ont, pour ce motif, été considérés à juste titre par la Commission comme ne constituant pas des avantages objectifs sensibles pour la concurrence.

351    En effet, les gains d’efficacité visés à l’article 101, paragraphe 3, TFUE consistent en la production d’effets proconcurrentiels sur le marché, et ainsi en des avantages objectifs, et ne sauraient être limités à des bénéfices subjectifs pour les parties, tels qu’une augmentation de leurs profits [voir arrêt du 8 septembre 2016, Generics (UK)/Commission, T‑469/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:454, point 354 et jurisprudence citée ; paragraphe 49 des lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE].

352    En outre, si la requérante soutient que les pertes évitées et la poursuite de son existence commerciale lui auraient permis de maintenir, voire d’étendre, son portefeuille de produits génériques au profit des consommateurs et de la concurrence, il y a lieu de rappeler que l’entreprise sollicitant le bénéfice d’une exemption doit démontrer, avec un degré de probabilité suffisant, que l’accord en cause devait permettre l’obtention d’un avantage objectif sensible de nature à compenser l’inconvénient qu’il comportait pour la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, points 93 à 95 ; paragraphe 54 des lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE).

353    Or, la requérante se borne, pour remettre en cause la considération de la Commission selon laquelle, en substance, ces gains d’efficacité objectifs allégués n’ont pas été suffisamment établis (considérants 2109 et 2110 de la décision attaquée), d’une part, à renvoyer sans autre précision à une annexe de la requête et, d’autre part, à faire valoir la méconnaissance du paragraphe 43 des lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

354    Quant au renvoi à une annexe de la requête, il a déjà été jugé que les arguments exposés dans cette annexe et auxquels la requérante se contente de renvoyer en faisant référence à une ou à plusieurs sections de ladite annexe, sans aucunement les présenter, même sommairement, sont irrecevables (voir point 116 ci-dessus).

355    Quant à la méconnaissance alléguée du paragraphe 43 des lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, en ce que la Commission n’aurait, à tort, pas pris en compte les avantages dont auraient bénéficié les marchés des autres médicaments produits par Niche, il convient de considérer que la disposition en cause, prévoyant que les gains d’efficacité obtenus sur des marchés séparés peuvent être pris en compte, ne saurait suffire, en tant que telle, à établir le lien entre les bénéfices retirés de l’Accord et le développement de ces autres médicaments.

356    S’agissant du troisième gain d’efficacité, lié à son entrée sur le marché en 2008, également invoqué par la requérante, il y a lieu de rappeler que l’Accord ne prévoit nullement la possibilité pour Niche de vendre un périndopril relevant du champ d’application du brevet 947 avant la fin de validité dudit brevet, en 2021 (voir point 303 ci-dessus).

357    Il s’ensuit que la Commission a considéré, à juste titre, que la première condition prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE n’était pas remplie par l’Accord.

358    Il en résulte également que, compte tenu du caractère cumulatif des quatre conditions d’exemption (voir point 340 ci-dessus), la Commission a valablement décidé que l’Accord ne pouvait bénéficier d’une exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

359    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE doit être écarté.

6.      Sur les moyens, soulevés à titre subsidiaire, relatifs à la fixation du montant de l’amende

a)      Sur la violation du principe d’égalité de traitement

1)      Arguments des parties

360    La requérante fait valoir, en premier lieu, que la Commission a méconnu le principe d’égalité de traitement en utilisant des méthodes différentes pour calculer l’amende qui lui a été infligée et celle infligée à Servier, aboutissant à ce que l’amende imposée à Servier corresponde à 11 % de ses ventes de périndopril sur une période comprise entre trois et quatre années alors que celle qui lui a été imposée équivalait à 100 % de ses prévisions de ventes de périndopril sur dix années. En effet, la Commission aurait calculé l’amende infligée à Servier sur la base de ses ventes de périndopril sur les territoires concernés au cours du dernier exercice social et celle infligée à la requérante à partir du transfert de valeur prévu par l’Accord, en application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes »). La requérante estime, à cet égard, que le pouvoir d’appréciation conféré à la Commission par le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ne saurait lui permettre de retenir une base de calcul différente dans une hypothèse où, comme en l’espèce, celle-ci connaissait avec précision ses prévisions de ventes de périndopril sur les territoires concernés pendant la période infractionnelle, dès lors que ces prévisions avaient servi de référence pour la fixation du montant du transfert de valeur prévu par l’Accord.

361    La requérante soutient, en second lieu et à titre subsidiaire, que la Commission lui a appliqué un traitement discriminatoire par rapport à Servier lors de son appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination du coefficient appliqué au titre de l’effet dissuasif de l’amende.

362    Quant à la gravité de l’infraction, la requérante reproche à la Commission d’avoir appliqué à Servier un coefficient de gravité correspondant à une infraction grave, alors que, en retenant comme base de calcul le montant du transfert de valeur en application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, le montant de l’amende qui lui a été infligée correspondrait à celui d’une infraction très grave. La requérante soutient par ailleurs que la méthode retenue par la Commission ne lui permettait pas de prendre en compte la gravité de l’infraction et les circonstances particulières de l’affaire.

363    Quant au coefficient de dissuasion, la requérante soutient que le montant de l’amende qui lui a été infligée est supérieur à la valeur des bénéfices prétendument illicites obtenus, compte tenu de divers coûts qu’il conviendrait de prendre en compte. Elle reproche également à la Commission de ne pas avoir pris en compte sa capacité économique effective à créer un dommage important à la concurrence, au regard notamment de sa taille et de ses difficultés financières.

364    La Commission, en premier lieu, rétorque que la requérante se trouvait dans une situation très différente de celle de Servier, dès lors qu’elle n’avait pas réalisé de ventes de périndopril dans la zone géographique concernée au cours de l’exercice social précédent, précisément parce qu’elle avait accepté de rester en dehors du marché en vertu de l’Accord, et que l’application de la méthode de calcul proposée par la requérante aboutirait à ce que celle-ci conserve une grande partie des 11,8 millions de GBP reçus au titre de l’Accord.

365    La Commission, en second lieu, conteste le traitement prétendument discriminatoire qu’aurait subi la requérante concernant la gravité de l’infraction et l’effet dissuasif de l’amende. Quant à la gravité de l’infraction, elle estime avoir retenu un montant correspondant à une infraction grave tant pour Servier que pour la requérante. Quant au coefficient de dissuasion, la Commission soutient que le montant de l’amende infligée à la requérante était nécessaire aux fins d’assurer un effet dissuasif en l’espèce et précise qu’elle n’avait pas, dans le cadre de cette appréciation, à déduire les impôts payés et autres coûts exposés.

2)      Appréciation du Tribunal

366    À titre liminaire, la requérante invoque le point 273 de l’arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission (T‑279/02, EU:T:2006:103), qui imposerait, selon elle, à la Commission de prendre en considération la capacité effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important à la concurrence ainsi que les ressources des parties à la date à laquelle l’amende est infligée.

367    S’agissant tout d’abord de la capacité effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important à la concurrence, il convient de relever que le point 273 de l’arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission (T‑279/02, EU:T:2006:103), ne comporte qu’un renvoi à des conditions exposées dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3). Or, ces conditions ne sont pas applicables en l’espèce. En effet, les lignes directrices pour le calcul des amendes adoptées en 2006, qui ne mentionnent plus la nécessité, afin d’apprécier la gravité d’une infraction, de prendre en considération « la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs » (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Telefónica/Commission, T‑216/13, EU:T:2016:369, point 272), s’appliquent, en vertu de leur paragraphe 38, à toutes les affaires pour lesquelles une communication des griefs a été notifiée après la date de publication de ces lignes directrices, ce qui est le cas en l’espèce.

368    S’agissant ensuite des ressources des parties, il convient de relever que le point 273 de l’arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission (T‑279/02, EU:T:2006:103), ne comporte pas une mention relative auxdites ressources. En revanche, le paragraphe 35 des lignes directrices pour le calcul des amendes, adoptées en 2006, lequel n’est pas pertinent en l’espèce étant donné que la Commission a fait application à bon droit de l’article 37 de ces lignes directrices (voir point 377 ci-après), ne prévoit, en tout état de cause, la réduction du montant de l’amende compte tenu de l’absence de capacité contributive d’une entreprise que « sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par les présentes lignes directrices, mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur ». Or, la requérante n’a pas mis en avant une telle situation. 

369    Pour le reste, les griefs de la requérante peuvent se décomposer en deux branches. D’une part, elle soutient que la méthode retenue par la Commission n’est pas justifiée. D’autre part, elle indique que la Commission a méconnu le principe d’égalité de traitement en favorisant Servier par rapport à elle.

370    Il convient tout d’abord d’examiner la première branche.

371    Premièrement, en ce qui concerne le caractère prétendument injustifié du recours aux dispositions du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, il convient de rappeler qu’il est possible pour la Commission, en vue de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise, lequel constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, que de la part de ce chiffre qui provient des produits faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 62).

372    Ainsi, le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit que, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ». Ces lignes directrices précisent, à leur paragraphe 6, que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée [de celle-ci] est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction ».

373    Il s’ensuit que le paragraphe 13 desdites lignes directrices a pour objectif de retenir, en principe, comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise, un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 64).

374    Ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 65), le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes énonce cependant que, « [b]ien que [ces lignes] directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ».

375    En l’occurrence, il est constant que, en raison de l’objet même de l’Accord, qui est un accord d’exclusion du marché en cause, Niche n’était pas présente sur celui-ci pendant la période d’infraction.

376    Partant, la Commission était dans l’impossibilité de retenir la valeur des ventes réalisées par Niche sur le marché en cause au cours de l’infraction et, en particulier, lors de la dernière année complète de sa participation à l’infraction, c’est-à-dire la période à laquelle renvoie le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

377    Ces circonstances particulières permettaient à la Commission, sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de s’écarter de la méthodologie exposée dans lesdites lignes directrices (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 67, et du 6 février 2014, AC-Treuhand/Commission, T‑27/10, EU:T:2014:59, points 301 à 305).

378    Le Tribunal a d’ailleurs déjà jugé, dans des circonstances analogues, qu’il ne pouvait être sérieusement contesté que, eu égard à l’absence de ventes sur le marché réalisées par une société de génériques, la Commission devait s’écarter de cette méthodologie (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 421).

379    Deuxièmement, en ce qui concerne la prétendue absence de prise en compte par la Commission de la gravité de l’infraction, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, EU:C:1996:130, point 54 ; arrêts du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, EU:C:1997:375, point 33, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 241).

380    Figurent parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celle-ci, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, EU:C:1983:158, point 129, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 242).

381    Or, il convient de relever que la valeur retenue en l’espèce par la Commission aux fins de déterminer le montant de base de l’amende, à savoir le montant du transfert de valeur dont a bénéficié la société de génériques, équivaut au prix que Servier était prêt à payer pour exclure un concurrent du marché et au prix que la société de génériques était prête à accepter pour se retirer du marché, ce qui, au regard de la jurisprudence citée au point 380 ci-dessus, donne une indication fiable de la gravité de l’infraction et des circonstances particulières de l’affaire. En effet, cette valeur est le résultat des négociations auxquelles la société de génériques a participé et rend compte à la fois du comportement de cette société, du rôle qu’elle a joué dans l’infraction et du profit qu’elle a pu tirer de celle-ci, ainsi que de la valeur des marchandises concernées, telle qu’estimée par les parties à l’Accord.

382    La valeur retenue par la Commission aux fins de fixer un montant de l’amende tenant compte de la gravité de l’infraction est, en tout état de cause, plus adaptée que celle proposée par la requérante.

383    En effet, le montant des transferts de valeur, considérés comme incitatifs,dont Niche a bénéficié du fait de l’Accord donne une meilleure estimation des profits que Niche a tirés de sa participation à l’infraction que la valeur des ventes prévisionnelles qu’elle aurait pu réaliser au cours de la période d’infraction si elle n’avait pas participé à celle-ci.

384    De plus, le montant du transfert de valeur finalement retenu dans l’Accord est, ainsi qu’il ressort du point 381 ci-dessus, le résultat d’une négociation à laquelle Niche a participé. De ce fait, il rend mieux compte du comportement de celle-ci et du rôle qu’elle a joué dans l’infraction que la méthode proposée par la requérante, laquelle prend en considération une valeur des ventes qui n’ont pas été réalisées au cours de l’infraction.

385    Enfin, la méthode proposée par la requérante ne reflète pas de manière aussi adéquate que celle de la Commission l’importance économique de l’infraction. En effet, la méthode de la requérante se fonde sur le prix du périndopril qu’aurait vendu la société de génériques si elle était entrée sur le marché, alors que l’importance économique de l’infraction dépend, dans une large mesure, du prix, en principe plus élevé, du périndopril vendu par la société de princeps au cours de la période de l’infraction. L’importance économique de l’infraction est donc reflétée de façon plus adéquate dans le montant de l’amende grâce à la méthode retenue par la Commission, puisque les parties ont nécessairement pris en compte le maintien du prix du périndopril aux fins d’évaluer le montant du transfert de valeur qu’il convenait d’octroyer à Niche.

386    À cet égard, il convient de préciser que l’importance économique de l’infraction est l’un des éléments mis en avant au paragraphe 6 des lignes directrices pour le calcul des amendes, lequel peut utilement être pris en compte en l’espèce, alors même que la Commission n’a pas appliqué la méthode prévue par ces lignes directrices, dès lors que cet élément ne figure pas dans la partie desdites lignes directrices consacrée à la description de cette méthode, mais dans leur partie introductive.

387    Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen doit être écartée.

388    Il convient d’examiner la seconde branche du moyen, laquelle porte spécifiquement sur la méconnaissance du principe d’égalité de traitement.

389    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ne saurait être opéré, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à une même infraction à l’article 101 TFUE (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 62 et jurisprudence citée).

390    Il y a lieu également de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination ou d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements soient objectivement justifiés (voir arrêt du 8 janvier 2003, Hirsch e.a./BCE, T‑94/01, T‑152/01 et T‑286/01, non publié, EU:T:2003:3, point 51 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 octobre 1986, Christ-Clemen e.a./Commission, 91/85, EU:C:1986:373, point 19).

391    La requérante soutient, en substance, que la Commission a appliqué à Servier un traitement plus favorable que celui qu’elle lui a appliqué.

392    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il existe des différences fondamentales entre la méthode exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes que la Commission a appliquée à Servier et celle que la Commission a appliquée aux sociétés de génériques (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 423).

393    En effet, dans le cadre de la méthode prévue dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, la prise en compte de la valeur des ventes au paragraphe 13 desdites lignes directrices a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci. Ensuite, en application des paragraphes 19 et 21 des lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission, selon la gravité de l’infraction, fixe la proportion de cette valeur des ventes à retenir aux fins de la détermination du montant de base. Cette proportion peut en principe aller jusqu’à 30 % et doit être multipliée par un coefficient en fonction de la durée de l’entente, conformément au paragraphe 24 de ces lignes directrices. Puis, en application du paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à une infraction, la Commission inclut dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, ou même à d’autres infractions (arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 424).

394    En revanche, la méthode retenue à l’égard des sociétés de génériques ne prévoit pas toutes ces étapes, étant donné que la Commission a utilisé directement comme montant de base de l’amende, mais aussi comme montant final de l’amende, sous réserve de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, les transferts de valeur effectués par Servier (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 425).

395    Par son argument, la requérante invite le Tribunal, d’une part, à évaluer le montant de l’amende qui lui aurait été infligée si une méthode analogue à celle appliquée à Servier, mais fondée sur la valeur prévisionnelle de ses ventes, avait été appliquée à son égard par la Commission et, d’autre part, à déduire de l’écart entre le montant ainsi obtenu et celui de l’amende qui lui a été imposée l’existence d’un traitement défavorable injustifié.

396    À cet égard, il faut souligner que, compte tenu de l’objet même de l’Accord, qui est un accord d’exclusion du marché conclu entre une société de princeps et une société de génériques, le comportement infractionnel reproché à chacune des parties à l’Accord est fondamentalement différent, contrairement à ce qu’il en est, par exemple, dans un accord de répartition du marché ou de fixation des prix. En effet, la société de princeps qui est parvenue à éviter l’entrée sur le marché de la société de génériques vend ses produits à un prix en principe plus élevé que celui qui aurait pu s’appliquer en l’absence d’accord, alors que la société de génériques n’entre pas sur le marché mais bénéficie, en échange de sa renonciation à entrer sur celui-ci, d’une compensation.

397    Au vu de ce qui précède, il serait paradoxal d’établir le montant de l’amende de la société de génériques exclue du marché en se fondant sur une valeur, même estimée, de ses ventes, dès lors que l’infraction consiste justement, pour cette société, à ne pas vendre ses produits. L’usage d’une méthode de calcul de l’amende basée sur une telle valeur ne rendrait donc pas compte, de manière adéquate, de la nature de l’infraction en cause.

398    De plus, en l’absence de vente réalisée par la société de génériques au cours de la période de l’infraction, toute méthode de calcul de l’amende reposant sur la valeur de ses ventes aurait nécessairement un caractère artificiel et hypothétique et ne prendrait pas en compte de manière adéquate et précise la gravité de l’infraction.

399    Le seul élément objectif et certain dont dispose la Commission, puis le juge de l’Union, est le montant du transfert de valeur qui, ainsi qu’il ressort du point 381 ci-dessus, rend compte de manière adéquate de la gravité de l’infraction et des circonstances particulières de l’affaire.

400    C’est donc, en principe, sur la base de ce montant que l’amende de la société de génériques peut, de la manière la plus adéquate, être calculée.

401    Au contraire, s’agissant de la société de princeps, la prise en compte de la valeur de ses ventes, eu égard à la nature même de son comportement infractionnel, rend compte, de manière appropriée, de la gravité de l’infraction et constitue une méthode adéquate de calcul de l’amende.

402    Le raisonnement qui précède est conforté par le fait que les différences de comportement infractionnel entre la société de princeps et la société de génériques ont pour conséquence que les profits que l’une et l’autre tirent de l’infraction sont d’une nature différente. Ainsi, le profit de la société de princeps dépend des bénéfices liés aux ventes de son produit réalisées au cours de la période de l’infraction, alors que le profit de la société de génériques est déconnecté de toute vente.

403    Au regard des considérations développées aux points 396 à 402 ci-dessus, il convient de constater que Niche et Servier ne se trouvaient pas dans une situation comparable, ce qui justifiait de ne pas appliquer à la première une méthode de calcul de l’amende analogue à celle appliquée au second.

404    Ainsi, le constat d’un écart entre le montant de l’amende infligée à Niche et celui qui lui aurait été imposé si une méthode analogue à celle appliquée à Servier, mais fondée sur la valeur prévisionnelle de ses ventes, avait été appliquée ne révèle ni une inégalité de traitement ni une discrimination.

405    À titre surabondant, il convient de relever que la méthode que la requérante souhaiterait se voir appliquer se distingue, de manière injustifiée, de celle appliquée à Servier.

406    En effet, cette méthode se fonde sur le prix du périndopril qu’aurait vendu la société de génériques si elle était entrée sur le marché, alors que, ainsi qu’il a été dit au point 385 ci-dessus, l’importance économique de l’infraction dépend, dans une large mesure, du prix, en principe plus élevé, du périndopril vendu par la société de princeps au cours de la période de l’infraction. Ainsi, alors que la méthode appliquée par la Commission à Servier se fonde, à juste titre, sur le prix du périndopril vendu par celui-ci au cours de la période de l’infraction, la requérante demande qu’il lui soit appliqué une méthode à la fois plus favorable et moins représentative de l’importance de l’infraction.

407    Il peut être ajouté qu’il convenait, comme l’a fait à juste titre la Commission dans la décision attaquée (considérant 3128), de prendre en compte la circonstance que Servier avait commis plusieurs infractions, certes distinctes, mais ayant trait au même produit, le périndopril, et, dans une large mesure, aux mêmes zones géographiques et aux mêmes périodes. Dans ce contexte particulier, il était justifié, aux fins d’éviter un résultat potentiellement disproportionné, de limiter, pour chaque infraction, la proportion de la valeur des ventes réalisées par Servier prise en compte aux fins de déterminer le montant de l’amende.

408    S’agissant de l’argumentation subsidiaire de la requérante relative à la nécessité de réduire de deux tiers le montant du transfert de valeur aux fins de déterminer le montant de l’amende, il convient de préciser que, selon la requérante, une telle réduction se justifierait par le fait que la part de la valeur des ventes retenue aux fins de calculer le montant de l’amende de Servier n’a été que de 11 %, alors qu’elle aurait pu s’élever à 30 %. À gravité égale, il conviendrait donc, selon elle, d’appliquer le même facteur d’environ un tiers au montant du transfert de valeur.

409    En substance, la requérante demande ainsi au Tribunal de faire application, par analogie, de la méthode exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, alors même, d’une part, qu’une telle méthode, fondée sur la valeur des ventes, ne s’applique pas de manière adéquate à la situation de Niche du fait de l’objet même de l’accord que celle-ci a passé avec Servier (voir points 375 et 376 ainsi que 382 à 385 ci-dessus) et, d’autre part, que le montant du transfert de valeur donne, sans qu’il soit nécessaire de lui appliquer un coefficient de réduction, une indication appropriée de la gravité de l’infraction commise par Niche (voir point 381 ci-dessus).

410    L’argumentation de la requérante doit donc être écartée.

411    S’agissant de l’argumentation encore plus subsidiaire relative à la déduction du montant du transfert de valeur des coûts légitimes supportés par Niche, que la Commission aurait dû opérer, il convient de l’écarter.

412    Tout d’abord, la requérante n’établit pas que le paiement inversé prévu dans l’Accord visait à compenser les frais dont elle se prévaut aux fins d’obtenir la réduction du montant de l’amende, à savoir les coûts engendrés par la résiliation d’accords de fourniture de périndopril conclus par la requérante ainsi que des honoraires d’avocats, des coûts de développement, des coûts salariaux et des impôts versés. Or, pour que le paiement inversé prévu dans un accord de règlement amiable comportant des clauses restrictives de concurrence puisse ne pas être regardé comme étant incitatif, il faut qu’il vise à compenser des coûts supportés par la société de génériques (voir point 292 ci-dessus).

413    À supposer même que les frais dont se prévaut la requérante correspondent à ceux que le paiement inversé prévu dans l’Accord visait à compenser (voir point 295 ci-dessus), ils ne sauraient être considérés, a priori et en l’absence de justification en ce sens avancée par la requérante, comme inhérents au règlement amiable d’un litige en matière de brevets (voir point 298 ci-dessus). S’agissant, en particulier, des honoraires d’avocats, il convient de rappeler que les frais de conseil juridique que le paiement inversé visait à compenser ont été présentés par la requérante elle-même, au cours de la procédure administrative, comme correspondant aux coûts de développement de son périndopril (voir point 298 ci-dessus).

414    En outre, le but d’une amende n’est pas simplement d’éliminer les bénéfices qu’une entreprise a tirés de son comportement anticoncurrentiel mais également, ainsi que cela ressort d’ailleurs du paragraphe 4 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de dissuader cette entreprise et d’autres entreprises de s’adonner à de tels comportements (arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 429). Si la fonction de l’amende était réduite au simple anéantissement du profit ou du bénéfice escompté, il ne serait pas suffisamment tenu compte du caractère infractionnel du comportement en cause au vu de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et du caractère répressif de l’amende par rapport à l’infraction concrète effectivement commise (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, EU:T:2006:268, point 141).

415    En l’espèce, si le montant de base de l’amende infligée à Niche devait être fixé à un niveau inférieur à celui de l’avantage incitatif dont elle a bénéficié du fait de l’infraction, cette amende n’aurait pas d’effet dissuasif.

416    Certes, l’Accord étant un accord d’exclusion, il entraîne, pour la société de génériques exclue, une perte quant aux gains qui auraient pu résulter de son entrée sur le marché.

417    Cependant, une telle perte résulte directement du comportement infractionnel de la société de génériques. En effet, elle est la conséquence nécessaire et prévisible du choix, opéré par cette société, de ne pas entrer sur le marché. Cette perte ne saurait donc être prise en compte aux fins de réduire le montant de base de l’amende qui vise à sanctionner cette infraction.

418    De plus, au moment où une société de génériques est en position d’entrer sur le marché ou, au contraire, de bénéficier d’un transfert de valeur pour ne pas le faire, les paiements pouvant découler d’un accord passé avec une société de princeps présentent pour elle un caractère certain, alors que les gains pouvant résulter de son entrée sur le marché sont soumis aux aléas d’une telle opération commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 432), ces aléas étant d’autant plus forts lorsqu’il s’agit d’une entrée à risque.

419    Ainsi, si le montant de base de l’amende infligée à une société de génériques devait être fixé à un niveau inférieur à celui de l’avantage incitatif dont elle bénéficierait du fait d’une infraction, cette société risquerait de considérer qu’il est préférable de conclure un accord avec une société de princeps permettant, même dans l’hypothèse où un tel accord donnerait lieu à une sanction, de conserver une partie de l’avantage incitatif résultant de l’infraction, plutôt que d’entrer à risque sur le marché.

420    Au regard des considérations qui précèdent, l’effet dissuasif de l’amende justifie que son montant ne soit pas inférieur au montant du transfert de valeur incitatif prévu dans l’accord litigieux.

421    Par conséquent, les frais mentionnés au point 411 ci-dessus ne doivent pas être déduits, aux fins du calcul de l’amende, du montant du transfert de valeur dont a bénéficié Niche.

422    Par ailleurs, l’invocation par la requérante de sa taille réduite et de ses difficultés financières, circonstances qui s’opposeraient à l’application d’un traitement discriminatoire par rapport au traitement qui a été appliqué à Servier, doit être écartée, puisque l’existence d’un tel traitement n’a pas été constatée (voir point 404 ci-dessus). En tout état de cause, de telles circonstances ne justifiaient pas que la Commission s’écarte de la méthode qu’elle appliquait aux autres sociétés de génériques, d’autant plus que, en l’espèce, l’effet dissuasif de l’amende imposait de ne pas retenir un montant d’amende inférieur à celui du transfert de valeur incitatif (voir points 414 à 420 ci-dessus).

423    S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante par lequel celle-ci se prévaut du fait que la Commission aurait pu appliquer une méthode, fondée sur le différentiel de prix entre le périndopril vendu avant et après l’entrée sur le marché des produits génériques, permettant de calculer de manière plus précise le profit que Servier a tiré de l’infraction, il convient de rappeler que la méthode exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes était adaptée à la situation de Servier et que l’application concomitante d’une méthode nécessairement distincte à Niche n’entraînait pas une méconnaissance des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination (voir points 396 à 404 ci-dessus). En tout état de cause, il n’est pas établi que l’application de la méthode proposée par la requérante serait moins favorable à Servier en ce sens qu’elle conduirait nécessairement la Commission à lui appliquer un montant d’amende supérieur à celui qu’elle a retenu dans la décision attaquée.

424    Il résulte de ce qui précède qu’il convient d’écarter la seconde branche du présent moyen ainsi que celui-ci dans son ensemble.

b)      Sur la violation du principe de proportionnalité

425    La requérante fait valoir que la Commission a méconnu le principe de proportionnalité en ne tenant pas suffisamment compte de plusieurs circonstances atténuantes.

1)      Sur le caractère nouveau de l’infraction

i)      Arguments des parties

426    La requérante soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité en ne tenant pas suffisamment compte du caractère nouveau de l’infraction en cause, attesté notamment par le fait, reconnu par la Commission, que la requérante a sollicité un avis juridique sur la légalité de l’Accord. Elle critique en particulier l’assimilation de l’Accord à un accord d’exclusion d’un concurrent potentiel du marché faite par la Commission, en excluant toute analogie avec les accords en cause dans l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643), en invoquant l’absence de caractère manifestement anticoncurrentiel des restrictions prévues par l’Accord et en affirmant qu’elle ne pouvait prévoir qu’elle serait considérée comme un concurrent potentiel.

427    La Commission renvoie à la décision attaquée et à ses arguments présentés en réponse à d’autres moyens du présent recours pour considérer, en particulier, que le caractère restrictif par objet d’accords de règlement amiable, tels que celui de l’espèce, n’est pas nouveau, et ce indépendamment de l’absence de décision de la Commission s’étant prononcée en ce sens.

ii)    Appréciation du Tribunal

428    À titre liminaire, il convient de souligner que la répression efficace des infractions en matière de droit de la concurrence ne peut aller jusqu’à méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, tel que consacré à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux (voir, par analogie, s’agissant de sanctions pénales et de l’obligation des États membres de lutter contre les activités illicites portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, point 61).

429    Il importe ensuite de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le principe de légalité des délits et des peines exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 40 et jurisprudence citée).

430    Le principe de légalité des délits et des peines ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 41 et jurisprudence citée).

431    La portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de l’affaire, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 42 et jurisprudence citée).

432    Il convient d’ajouter que le recours aux conseils de professionnels apparaît d’autant plus évident lorsqu’il s’agit, comme c’était le cas en l’espèce, de préparer et de rédiger un accord censé prévenir ou régler à l’amiable un litige.

433    Dans ce contexte, même si, à l’époque des infractions constatées dans la décision attaquée, les juridictions de l’Union n’avaient pas encore eu l’occasion de se prononcer spécifiquement sur un accord de règlement amiable du type de celui conclu par Servier et Niche, celle-ci aurait dû s’attendre, au besoin après avoir recouru à des conseils éclairés, à ce que son comportement puisse être déclaré incompatible avec les règles de concurrence du droit de l’Union, eu égard, notamment, à la portée large des notions d’« accord » et de « pratique concertée » résultant de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 43).

434    Niche pouvait en particulier supposer que le fait d’accepter de se soumettre à des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, par elles-mêmes restrictives de concurrence, sur la base d’une incitation et non de la reconnaissance de la validité du brevet, faisait perdre toute légitimité à l’insertion de telles clauses dans un accord de règlement amiable en matière de brevets et constituait un usage anormal du brevet, sans rapport avec son objet spécifique (voir points 267 et 270 ci-dessus). Niche pouvait donc raisonnablement prévoir qu’elle adoptait un comportement relevant de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 46, et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 764).

435    Au surplus, il y a lieu de relever que, bien avant la date de la conclusion de l’Accord, la jurisprudence s’était prononcée sur la possibilité de faire application du droit de la concurrence dans des domaines caractérisés par la présence de droits de propriété intellectuelle (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, points 314 et 315).

436    À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que la Cour a considéré, dès 1974, que si les droits reconnus par la législation d’un État membre en matière de propriété industrielle ne sont pas affectés dans leur existence par l’article 101 TFUE, les conditions de leur exercice peuvent cependant relever des interdictions édictées par cet article et que tel peut être le cas chaque fois que l’exercice d’un tel droit apparaît comme étant l’objet, le moyen ou la conséquence d’une entente (arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, points 39 et 40).

437    Ensuite, depuis l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448), il est clair que les règlements amiables des litiges relatifs à des brevets peuvent être qualifiés d’accords au sens de l’article 101 TFUE.

438    Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, par l’Accord, Niche et Servier ont, en réalité, décidé de conclure un accord d’exclusion du marché (voir point 271 ci-dessus). Or, s’il est vrai que ce n’est que dans un arrêt prononcé postérieurement à la conclusion de l’Accord que la Cour a jugé que les accords d’exclusion du marché, dans lesquels les restants indemnisent les sortants, constituent une restriction de concurrence par objet, elle a cependant précisé que ce type d’accords se heurtait « de manière patente » à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché (arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, points 8 et 32 à 34). En concluant un tel accord, la requérante ne pouvait donc ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement.

439    Si, certes, du fait que l’Accord avait été conclu sous la forme d’un règlement amiable relatif à un brevet, son caractère infractionnel pouvait ne pas apparaître, de manière claire, à un observateur extérieur tel que la Commission, il n’en allait pas de même pour les parties à l’Accord.

440    Ainsi, la requérante n’est pas fondée à se prévaloir de l’absence de tout précédent et du caractère nouveau de l’infraction pour remettre en cause le principe d’imposition d’une amende et le montant de celle-ci.

441    La conclusion qui précède ne saurait être remise en cause par les autres arguments présentés par la requérante.

442    En premier lieu, si la requérante fait référence à l’existence d’un avis juridique qu’elle avait sollicité et qui est mentionné au considérant 3074 de la décision attaquée, elle n’apporte pas suffisamment d’éléments pour qu’il puisse être conclu qu’il existait une réelle incertitude quant au caractère infractionnel de l’Accord au regard des règles de l’Union en matière de droit de la concurrence.

443    En deuxième lieu, l’argument tiré de l’existence d’une pratique de la Commission selon laquelle un degré considérable d’incertitude quant au caractère infractionnel des comportements en cause était pris en considération par la Commission en tant que circonstance atténuante ne saurait être retenu, car, ainsi qu’il a été dit au point 434 ci-dessus, Niche pouvait raisonnablement prévoir que, en agissant ainsi qu’elle l’a fait, c’est-à-dire en acceptant de se faire payer pour rester en dehors du marché, elle adoptait un comportement relevant de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

444    En outre, ainsi qu’il a été dit au point 438 ci-dessus, Niche ne pouvait ignorer en l’espèce le caractère anticoncurrentiel de son comportement.

445    En tout état de cause, selon la jurisprudence, la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence. Le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions, en l’occurrence des amendes symboliques à des infractions de caractère inédit, ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement no 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence de l’Union. L’application efficace des règles de l’Union en matière de concurrence exige au contraire que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 773).

446    En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission s’est à juste titre référée à l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643), et n’a pas, ce faisant, négligé le fait que l’Accord portait sur des droits de propriété intellectuelle mis en œuvre dans le cadre du règlement amiable d’un litige.

447    En effet, le constat de l’existence d’une incitation implique que l’exclusion de la requérante du marché que l’Accord comporte résulte, non des effets des brevets en cause et de l’objectif légitime de régler à l’amiable les litiges relatifs à ces brevets, mais d’un transfert de valeur, représentant la contrepartie financière de cette exclusion, au même titre que l’exclusion de certaines entreprises du marché de la viande bovine irlandaise résultait d’une contrepartie financière qui leur était versée par leur concurrent dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643) (voir point 271 ci-dessus).

448    Il convient encore de souligner que la Commission a respecté les conditions d’application du droit de la concurrence aux droits de propriété intellectuelle ainsi que la présomption de validité attachée à de tels droits, dès lors qu’elle a réservé la qualification de restriction par objet aux accords révélant un usage anormal du brevet en ce qu’ils sont fondés sur une incitation financière et non sur la reconnaissance de la validité du brevet (voir également point 286 ci-dessus).

449    En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les clauses de non-commercialisation et de non-contestation prévues dans l’Accord devaient être perçues par les signataires de cet accord comme restrictives de concurrence.

450    En effet, s’agissant de la clause de non-commercialisation, d’une part, la requérante ne conteste pas que l’article 3 de l’Accord lui interdisait de fabriquer et de commercialiser le périndopril qu’elle avait développé avec Matrix et, d’autre part, il ressort du texte même de l’article 6 de l’Accord que la possibilité de commercialisation prévue ne visait qu’à clarifier la fin de cette interdiction (voir point 303 ci-dessus).

451    S’agissant de la clause de non-contestation, il y a lieu de rappeler que, si elle permettait à la requérante de se défendre contre des actions en contrefaçon introduites par Servier, elle prévoyait surtout une interdiction générale d’introduire les actions contentieuses destinées à « ouvrir la voie » dans le cadre d’un lancement à risque que sont les actions en invalidité et en déclaration de non-contrefaçon des brevets (voir point 304 ci-dessus).

452    Enfin, malgré l’absence, à la supposer établie, de dépassement par les clauses de non-commercialisation et de non-contestation du champ d’application des brevets litigieux, celles-ci devaient être perçues par les signataires de l’Accord comme restrictives de concurrence.

453    Niche, en particulier, pouvait raisonnablement prévoir que le fait d’accepter de se soumettre à des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, par elles-mêmes restrictives de concurrence, sur la base d’une incitation et non de la reconnaissance de la validité des brevets en cause, faisait perdre toute légitimité à l’insertion de telles clauses dans un accord de règlement amiable en matière de brevets et constituait un usage anormal du brevet, sans rapport avec son objet spécifique, alors même que le champ d’application de ces clauses ne dépassait pas celui des brevets (voir points 430 et 434 ci-dessus).

454    En cinquième lieu, il convient d’écarter l’argument de la requérante fondé sur l’absence de caractère prévisible du constat par la Commission de l’existence d’une concurrence potentielle entre Servier et Niche. En effet, au regard de l’analyse consacrée au moyen relatif à la contestation de l’existence d’une concurrence potentielle entre Servier et Niche (voir points 101 à 188 ci-dessus) et compte tenu également de la jurisprudence de la Cour qui admet la possibilité d’une clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par la jurisprudence (voir point 430 ci-dessus), Niche pouvait raisonnablement prévoir qu’elle serait considérée par la Commission comme étant un concurrent potentiel de Servier. Il convient d’ajouter que la présence même dans l’Accord d’une clause de non-commercialisation est un élément qui permet également de conclure que Niche se percevait comme étant un concurrent, au moins potentiel, de Servier.

455    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le présent grief.

2)      Sur la stratégie d’éviction menée par Servier

i)      Arguments des parties

456    La requérante estime que la Commission aurait dû tenir compte, lors de la fixation du montant de l’amende, du fait qu’elle n’était autre qu’une victime de la stratégie de Servier consistant à évincer les sociétés de génériques du marché. Elle ajoute que, en ne prenant pas en compte ce comportement de Servier, la Commission l’aurait en outre traitée de façon discriminatoire par rapport au traitement qu’elle aurait appliqué, dans le cadre de sa pratique décisionnelle, aux sociétés ayant conclu des accords verticaux.

457    La Commission rétorque que les accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets ne sont pas intrinsèquement anticoncurrentiels et que la requérante n’était nullement contrainte de conclure un accord de règlement amiable contenant des clauses restrictives de concurrence.

ii)    Appréciation du Tribunal

458    En premier lieu, la requérante soutient qu’elle aurait été contrainte par Servier, sans pouvoir s’y opposer, de signer l’Accord, ce qui justifierait qu’elle soit moins sanctionnée qu’il ne l’a été.

459    Cependant, l’existence d’une telle contrainte n’est pas établie. En effet, la présence même d’un avantage incitatif, laquelle a été constatée au point 299 ci-dessus, démontre que Niche a tiré bénéfice de l’Accord, ce qui contredit la thèse selon laquelle elle aurait été contrainte par Servier de passer cet accord. Cette thèse est d’autant moins crédible que le montant du transfert de valeur dont Niche a bénéficié, soit 11,8 millions de GBP, est important, ce qui est un indice de l’influence dont elle disposait dans la négociation.

460    En tout état de cause, à supposer que des pressions irrésistibles aient été effectivement exercées par Servier à l’encontre de Niche au point qu’elle ait été contrainte de signer l’Accord, cette dernière aurait pu les dénoncer aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 369 et 370 ; du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 79, et du 6 avril 1995, Sotralentz/Commission, T‑149/89, EU:T:1995:69, point 53). Niche disposait donc toujours d’une possibilité d’empêcher la réalisation de l’infraction en cause. Étant donné qu’elle a choisi de ne pas dénoncer cette infraction, le Tribunal estime qu’elle ne doit pas bénéficier d’une réduction au titre des circonstances atténuantes (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 367 à 370, et du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, EU:T:2011:560, point 212).

461    En second lieu, s’agissant de l’invocation d’une pratique décisionnelle appliquée par la Commission en matière d’accords verticaux entre un fournisseur et son réseau de distribution, il a été jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne servait pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ne revêtaient qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une discrimination (arrêt du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 104).

462    En outre, il convient de relever que l’argument de la requérante repose sur le fait que, dans les affaires en cause, le fournisseur se serait vu infliger un montant d’amende supérieur à celui infligé à ses distributeurs alors que, en l’espèce, Niche aurait été traitée de manière aussi sévère, voire plus sévère, que Servier. À cet égard, il convient de rappeler que le montant de l’amende infligée à Servier au titre de l’Accord a été de 131 532 600 euros, alors que le montant de l’amende infligée à Niche n’a été que de 13 968 773 euros. L’argument de la requérante manque donc en fait.

463    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le présent grief.

3)      Sur l’étendue géographique de l’infraction

i)      Arguments des parties

464    La requérante soutient qu’il est disproportionné de la condamner à une amende couvrant l’ensemble de l’espace économique européen (EEE), alors que la Commission a présenté des éléments de preuve concernant sa capacité d’obtenir une AMM et de surmonter les obstacles liés aux brevets uniquement concernant le Royaume-Uni.

465    La Commission estime avoir tenu compte de la portée géographique particulièrement large de l’Accord, couvrant tout le territoire de l’Union, et renvoie à ses arguments présentés en réponse au moyen relatif à la concurrence potentielle pour écarter la pertinence des arguments de la requérante relatifs aux preuves rapportées pour le seul Royaume-Uni.

ii)    Appréciation du Tribunal

466    En substance, la requérante soutient que l’existence d’une concurrence potentielle ne serait établie, tout au plus, que pour le Royaume-Uni.

467    Il y a lieu de renvoyer aux considérations développées en réponse au moyen contestant l’analyse de la concurrence potentielle sur le marché (voir points 73 à 87 et 101 à 188 ci-dessus).

468    En particulier, s’agissant de l’obstacle constitué par les brevets de Servier dans d’autres États membres que le Royaume-Uni, il convient de relever que la requérante ne fait état d’aucune décision définitive, adoptée à la date de conclusion de l’Accord, statuant sur une action en contrefaçon et constatant le caractère contrefaisant du produit de Niche.

469    S’agissant de l’obstacle constitué par l’absence d’obtention d’une AMM dans d’autres États membres que le Royaume-Uni, il convient de rappeler l’existence d’une procédure de reconnaissance mutuelle en vertu de laquelle les États membres reconnaissent la validité de l’AMM octroyée par un autre État membre. À cet égard, il est indiqué, au considérant 12 de la directive 2001/83, qu’« une autorisation de mise sur le marché délivrée par une autorité compétente d’un État membre devrait être reconnue par les autorités compétentes des autres États membres, à moins qu’elles aient de sérieux motifs de supposer que l’autorisation du médicament en question puisse présenter un danger pour la santé publique ». Ainsi, la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu et selon laquelle les arguments de la requérante relatifs aux difficultés réglementaires rencontrées ne permettaient pas de remettre en cause ses possibilités réelles et concrètes d’obtenir les AMM requises pour entrer sur le marché au Royaume-Uni (voir points 161 et 164 ci-dessus), permet, en l’absence d’éléments identifiant des difficultés particulières quant à l’obtention de l’AMM dans certains autres États membres, de ne pas douter de l’existence d’une concurrence potentielle dans l’ensemble des États membres pour lesquels la Commission a constaté une infraction.

470    En outre, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, les clauses restrictives figurant dans l’Accord s’appliquaient à tous les États membres pour lesquels la Commission a constaté une infraction. Ainsi, Niche, en échange d’un transfert de valeur incitatif, a accepté de limiter ses efforts pour entrer sur les marchés de l’ensemble de ces États membres et non, uniquement, sur celui du Royaume-Uni.

471    Il convient également de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne lui a pas infligé une amende couvrant l’ensemble de l’EEE. En effet, il ressort notamment de l’article 1er de la décision attaquée que l’infraction constatée par la Commission à l’encontre de la requérante couvrait « l’ensemble des États membres à l’exception de l’Italie et de la Croatie ».

472    Il y a enfin lieu d’ajouter que la menace concurrentielle que Niche représentait en dehors du Royaume-Uni était suffisante pour que Servier soit prêt à conclure avec elle un accord ayant précisément pour objet de l’exclure des marchés en cause et, par le biais de cet accord, à lui verser la somme de 11,8 millions de GBP pour mettre fin à cette menace (voir point 80 ci-dessus).

4)      Sur la coopération de la requérante

i)      Arguments des parties

473    La requérante reproche à la Commission d’avoir considéré qu’elle ne lui avait pas volontairement fourni d’informations l’ayant aidée de manière significative à établir l’existence de l’infraction, alors qu’elle lui avait fourni, même si elle croyait à tort qu’elle y était contrainte (voir point 56 ci-dessus), des informations confidentielles sur lesquelles la Commission s’est fondée pour retenir l’existence d’une restriction par objet. Elle ajoute que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, une réduction du montant de l’amende en raison d’une coopération au cours de la procédure administrative ne devrait pas intervenir uniquement dans des cas exceptionnels.

474    La Commission fait valoir que la requérante n’a pas coopéré avec elle d’une manière allant au-delà de ses obligations légales de coopérer, dès lors que les documents concernés ont été communiqués à la suite d’une demande d’informations de la Commission. La non-application du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes était donc, selon la Commission, pleinement justifiée.

ii)    Appréciation du Tribunal

475    La requérante fait valoir en substance que la Commission lui a, à tort, refusé le bénéfice d’une réduction du montant de l’amende au titre de sa coopération.

476    Cependant, pour que la requérante puisse revendiquer le bénéfice des dispositions du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes, il lui appartient d’établir que sa coopération est allée au-delà de son obligation légale de coopérer et a eu une utilité objective pour la Commission, celle-ci ayant pu se reposer, dans sa décision finale, sur des éléments de preuve qu’elle lui aurait fournis dans le cadre de sa coopération et en l’absence desquels la Commission n’aurait pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, EU:T:2011:218, points 168 à 171, et du 15 juillet 2015, Socitrel et Companhia Previdente/Commission, T‑413/10 et T‑414/10, EU:T:2015:500, points 328 à 330).

477    Tel n’est pas le cas en l’espèce.

478    En effet, le seul document émanant de Niche mentionné dans les considérants de la décision attaquée auxquels la requérante fait référence est un courrier électronique dans lequel un conseiller juridique de Niche donne un avis sur l’accord de règlement amiable envisagé avec Servier.

479    Or, la requérante se borne à soutenir que, sans ce courrier électronique, la Commission n’aurait « peut-être » pas été en mesure d’étayer l’existence d’une restriction par objet dans la mesure où, dans certains considérants de la décision attaquée, ce courrier serait utilisé par la Commission comme « base générale pour établir sa théorie du préjudice “par objet” » et donc pour « appliquer par analogie l’arrêt [du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643)] ».

480    L’affirmation de la requérante présente un caractère trop incertain pour lui permettre, au regard de la jurisprudence citée au point 476 ci-dessus, de se voir appliquer une réduction au titre des dispositions du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes.

481    De plus, il ne saurait être fait application des dispositions citées au point 480 ci-dessus lorsque, comme en l’espèce, l’entreprise concernée allègue seulement que l’« élément de preuve » censé établir sa coopération a aidé la Commission à développer le raisonnement juridique sur lequel elle fonde sa décision et non qu’il lui a permis d’établir l’existence de l’infraction.

482    Enfin, le courrier électronique en cause ne saurait être considéré comme ayant servi à la Commission de « base générale pour établir sa théorie du préjudice “par objet” », même s’il a pu lui permettre de conforter son analyse relative à la référence, par analogie, pour les accords en cause, à l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643).

483    En effet, alors que cette partie du raisonnement de la Commission est développée aux considérants 1133 à 1144 de la décision attaquée, la mention du courrier électronique en cause n’apparaît que de manière incidente au considérant 1140, dans lequel il est indiqué ce qui suit :

« La Cour de justice de l’Union européenne a conclu dans Irish Beef que les accords en question, basés sur des paiements d’exclusion, constituaient une restriction par objet. L’Avocat général Trstenjak a défini l’accord comme “l’‘achat’ de la concurrence”. Ceci est proche de la façon dont l’un des accords amiables avait été décrit en interne et par une partie tierce, comme si la société de génériques avait “pris l’argent en contrepartie d’avoir été achetée” par Servier. »

484    Par ailleurs, la référence, faite par la requérante, au point 104 de l’arrêt du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission (T‑48/02, EU:T:2005:436), n’est pas pertinente en l’espèce, car ce point portait sur l’application de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4), remplacée depuis par la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3). Or, il est expressément prévu par les dispositions du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes que ces dispositions ne s’appliquent que lorsque la coopération de l’entreprise en cause se situe en dehors du champ d’application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes.

485    Il résulte de tout ce qui précède que le présent grief ainsi que le moyen dans son ensemble doivent être écartés.

c)      Sur la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003

1)      Arguments des parties

486    La requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, en calculant le montant maximal de l’amende qui lui a été infligée sur la base du chiffre d’affaires mondial d’Unichem, sa société mère. En effet, le chiffre d’affaires de la société mère ne pourrait être pris en compte aux fins du calcul du plafond de 10 % que lorsque la société mère et la filiale forment une entité économique unique, ce qui n’aurait été démontré par la Commission ni pour la période au cours de laquelle Unichem détenait 60 % du capital de la requérante ni pour celle au cours de laquelle elle en détenait 100 %.

i)      Pendant la période de détention par Unichem de 60 % du capital de la requérante

487    La requérante soutient que la Commission n’a pas établi que, au cours de cette période, Unichem pouvait exercer ou avait exercé une influence déterminante sur sa stratégie commerciale.

488    Premièrement, la nomination par Unichem de la majorité des membres du conseil d’administration de la requérante ne lui donnerait pas en tant que telle le pouvoir d’exercer une influence déterminante sur le comportement commercial de sa filiale. Deuxièmement, les droits de veto détenus par Unichem lui permettraient uniquement de veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à la valeur de son investissement dans sa filiale. Troisièmement, l’exercice d’une surveillance financière par Unichem ne permettrait pas d’établir l’exercice d’une influence déterminante sur les décisions commerciales stratégiques de la requérante. Quatrièmement, les flux d’informations entre la requérante et Unichem à propos du projet de périndopril et du règlement amiable s’expliqueraient par l’intérêt légitime et distinct d’Unichem d’être informée, en tant qu’investisseur dans la requérante et fabricant des comprimés de périndopril en vertu de l’accord Unichem-Matrix. Il en serait de même s’agissant de la signature par Unichem de l’Accord. Cinquièmement, l’objectif déclaré d’Unichem d’utiliser la requérante dans le cadre de sa « volonté d’internationalisation de son activité » ne suffirait pas en tant que tel à établir l’exercice réel d’une influence déterminante sur la requérante pendant la période pertinente.

489    La Commission estime avoir clairement établi, dans la décision attaquée, qu’Unichem a exercé une influence déterminante sur la requérante au cours de la période durant laquelle elle en était actionnaire à 60 %.

490    La Commission précise, premièrement, que la requérante n’explique pas pourquoi la désignation par Unichem de la majorité des membres de son conseil d’administration serait dénuée de pertinence et omet les autres éléments de preuve attestant des liens étroits entre les conseils d’administration d’Unichem et de la requérante. Elle souligne, deuxièmement, que les droits de veto d’Unichem portaient précisément sur des décisions de stratégie commerciale. La Commission estime, troisièmement, que la surveillance par Unichem des résultats financiers de la requérante est assurément un facteur pertinent en l’espèce, tout comme la consolidation des comptes de la requérante avec ceux d’Unichem. Elle prétend, quatrièmement, qu’Unichem n’aurait pas uniquement un intérêt propre dans l’Accord en tant qu’investisseur et fabricant de comprimés, ainsi qu’en attesterait le fait que la requérante ait cherché à obtenir son consentement avant de le signer. La Commission relève, cinquièmement, que la requérante omet de mentionner les effets pratiques découlant de son rôle essentiel dans la stratégie d’Unichem en Europe.

ii)    Pendant la période de détention par Unichem de 100 % du capital de la requérante

491    La requérante soutient que la prétendue présomption simple d’exercice par Unichem d’une influence déterminante sur sa stratégie commerciale à compter de la détention de 100 % de son capital en décembre 2006 serait indifférente en l’espèce, dès lors que l’infraction aurait pris fin en mai 2005, date à laquelle Matrix a résilié l’accord Niche-Matrix, empêchant ainsi la requérante d’entrer sur le marché indépendamment de l’Accord.

492    La Commission estime qu’aucune raison logique n’explique pourquoi la résiliation de l’accord Niche-Matrix par Matrix devrait empêcher de retenir la responsabilité d’Unichem en tant que société mère de la requérante, qui avait mis en œuvre l’Accord et continuait d’être liée par celui-ci.

2)      Appréciation du Tribunal

493    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’Unichem devait être tenue pour responsable de l’infraction au titre de sa participation directe à cette infraction, mais aussi en tant que société mère de Niche, qui avait elle-même également pris part à ladite infraction. Elle s’est fondée sur six considérations qui démontreraient qu’Unichem exerçait une influence déterminante sur Niche, dont elle détenait 60 % du capital, dès avant la conclusion de l’Accord et jusqu’à l’acquisition de 100 % de ce capital en décembre 2006, date à partir de laquelle la présomption d’influence déterminante s’appliquait (considérants 3015, 3023 et 3024 de la décision attaquée).

494    Premièrement, la Commission a relevé que la majorité des membres du conseil d’administration de Niche étaient nommés par Unichem et que ce conseil d’administration comprenait notamment le directeur exécutif d’Unichem ainsi que le président du conseil d’administration d’Unichem, qui présidait également le conseil d’administration de Niche. Elle a ajouté que le conseil d’administration de Niche se réunissait régulièrement, avait traité des questions relatives au périndopril et contrôlait les activités du président-directeur général (PDG) de Niche (considérant 3017 de la décision attaquée).

495    Deuxièmement, selon la Commission, le consentement préalable d’Unichem était requis pour de nombreuses décisions de Niche, notamment de nature financière et commerciale (considérant 3018 de la décision attaquée).

496    Troisièmement, la Commission a déduit du nécessaire accord préalable d’Unichem pour l’obtention de certains financements par Niche, de la communication régulière de comptes et de rapports, de la soumission du plan annuel d’affaires de Niche à Unichem ainsi que de la consolidation des comptes de Niche avec ceux d’Unichem que la société mère surveillait la performance financière de sa filiale (considérant 3019 de la décision attaquée).

497    Quatrièmement, la Commission a évoqué les flux d’informations de Niche vers Unichem, relatifs notamment aux accords envisagés par Niche, comme constituant une indication supplémentaire d’influence déterminante (considérant 3020 de la décision attaquée).

498    Cinquièmement, la Commission a relevé qu’Unichem et Niche étaient cosignataires de l’accord conclu avec Servier, ce qui impliquerait qu’Unichem avait donné son accord aux restrictions imposées à Niche dans le contexte de l’Accord (considérant 3021 de la décision attaquée).

499    Sixièmement, la Commission a souligné que l’objectif déclaré de l’acquisition de Niche par Unichem n’était pas uniquement d’investir dans celle-ci mais surtout d’intégrer le marché européen et d’élargir son activité (considérant 3022 de la décision attaquée).

500    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Cette notion doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 54 à 56 et jurisprudence citée, et du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 42 et jurisprudence citée).

501    En particulier, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 58 ; voir, également, arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 43 et jurisprudence citée).

502    En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 59 ; voir, également, arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 44 et jurisprudence citée).

503    Il importe également de rappeler que, afin de pouvoir imputer le comportement d’une filiale à la société mère, la Commission ne saurait se contenter de constater que la société mère est en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, mais doit également vérifier si cette influence a effectivement été exercée sur la base d’un ensemble d’éléments factuels, au nombre desquels figure, en particulier, l’éventuel pouvoir de direction de la société mère sur sa filiale (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, EU:C:1983:293, point 50 ; du 11 juillet 2013, Commission/Stichting Administratiekantoor Portielje, C‑440/11 P, EU:C:2013:514, point 44, et du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 67). Il convient de préciser, à cet égard, que l’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de la filiale peut être déduit d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun des éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle influence (arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 65, et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 47).

504    Toutefois, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 60, et du 8 septembre 2016, Merck/Commission, T‑470/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:452, point 433 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, EU:C:1983:293, point 50).

505    Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère ou sa filiale, auxquelles il incombe de renverser cette présomption, n’apportent des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 61, et du 8 septembre 2016, Merck/Commission, T‑470/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:452, point 434 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 29).

506    La requérante fait valoir qu’elle ne formait pas une unité économique avec Unichem au cours de la période pendant laquelle cette dernière détenait 60 % de son capital et que la Commission ne pouvait davantage imputer à Unichem l’infraction qu’elle aurait prétendument commise pour la période pendant laquelle celle-ci détenait 100 % de son capital. Dans ce contexte, il convient d’examiner successivement ces deux périodes.

i)      Concernant la période de détention par Unichem de 60 % du capital de la requérante

507    Il convient, à titre liminaire, de relever, d’une part, que la Commission a, conformément à la jurisprudence (arrêts du 16 juin 2011, FMC/Commission, T‑197/06, EU:T:2011:282, point 100, et du 15 juillet 2015, HIT Groep/Commission, T‑436/10, EU:T:2015:514, point 126 ; voir, également, la jurisprudence citée au point 501 ci-dessus), déduit l’exercice par Unichem d’une influence déterminante sur la requérante de six considérations relatives aux liens économiques, organisationnels et juridiques les unissant (considérants 3015 à 3024 de la décision attaquée, tels que résumés aux points 493 à 499 ci-dessus).

508    Il y a lieu de rappeler, d’autre part, qu’il ressort de la jurisprudence que l’exercice d’une influence déterminante sur la politique commerciale d’une entreprise n’exige pas la démonstration d’une immixtion dans la gestion quotidienne des activités de ladite entreprise, ni d’une influence sur la politique commerciale stricto sensu de cette dernière, telle que sa stratégie de distribution ou de prix, mais plutôt sur la stratégie commerciale générale qui définit les orientations de l’entreprise. Une politique commerciale uniforme au sein d’un groupe peut par ailleurs résulter indirectement de l’ensemble des liens économiques et juridiques entre la société mère et ses filiales. À titre d’exemple, l’influence de la société mère sur ses filiales en ce qui concerne la stratégie d’entreprise, la politique d’entreprise, les projets d’exploitation, les investissements, les capacités, les ressources financières, les ressources humaines et les affaires juridiques peut avoir indirectement des effets sur le comportement des filiales et de l’ensemble du groupe sur le marché. Le point déterminant est finalement de savoir si la société mère exerce une influence suffisante pour orienter le comportement de la filiale dans une mesure telle que les deux doivent être considérées comme une unité sur le plan économique (arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 121, et conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:262, points 89 à 93 ; voir également, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 64).

509    Ainsi, un degré d’autonomie, plus ou moins grand, d’une filiale dans sa gestion commerciale quotidienne n’est pas nécessairement incompatible avec une influence déterminante de la société mère sur cette filiale (arrêt du 12 décembre 2012, 1. garantovaná/Commission, T‑392/09, non publié, EU:T:2012:674, point 48 ; voir également, en ce sens, arrêts du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, EU:C:2013:289, point 64, et du 16 juin 2011, FMC/Commission, T‑197/06, EU:T:2011:282, point 122).

510    De même, l’appréciation de l’influence déterminante de la société mère sur sa filiale ne se limite pas à l’examen de la politique commerciale stricto sensu, dont la politique des prix, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le « cash flow », les stocks et le marketing (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, EU:T:2007:381, point 64 ; du 16 juin 2011, FMC/Commission, T‑197/06, EU:T:2011:282, point 106 ; du 27 septembre 2012, Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06, EU:T:2012:480, point 48, et du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 31). En effet, il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 74 ; voir, également, la jurisprudence citée au point 507 ci-dessus).

511    Dans la mesure où la requérante conteste par ailleurs chacun des éléments relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques entre elle et sa société mère retenus par la Commission dans la décision attaquée pour constituer le faisceau d’indices établissant l’influence déterminante d’Unichem sur son comportement, il convient de répondre ce qui suit.

512    S’agissant, en premier lieu, de la composition du conseil d’administration de la requérante, cette dernière fait valoir que la présence prédominante de membres nommés par Unichem au sein de ce conseil d’administration serait insuffisante pour démontrer que celle-ci pouvait exercer ou exerçait effectivement une influence déterminante sur elle.

513    Il importe de relever d’emblée que la requérante ne conteste pas que les membres nommés par Unichem étaient majoritaires au sein de son conseil d’administration au cours de la période infractionnelle. Or, il ressort de la jurisprudence que la participation, en particulier majoritaire, de personnes nommées par la société mère au sein du conseil d’administration de sa filiale constitue un indice pertinent de l’exercice d’un contrôle effectif de cette société mère sur sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, points 38 et 76 et jurisprudence citée). En effet, en présence d’une telle majorité, le conseil d’administration ne peut prendre aucune décision sans l’accord des membres nommés par la société mère et, inversement, ces membres du conseil d’administration de la filiale, choisis par la société mère, sont toujours en mesure de former une majorité et de prendre des décisions, sans obtenir l’accord des autres membres (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, 1. garantovaná/Commission, T‑392/09, non publié, EU:T:2012:674, point 40).

514    La requérante ne conteste pas davantage que le président de son conseil d’administration était également le président du conseil d’administration et le directeur général d’Unichem et que le directeur exécutif d’Unichem, par ailleurs membre du conseil d’administration d’Unichem, était également membre de son conseil d’administration (considérant 3017 de la décision attaquée). Or, il ressort de la jurisprudence que l’exercice effectif d’un pouvoir de direction par la société mère sur sa filiale peut également être attesté par la présence, à la tête de la filiale, de personnes occupant des fonctions de direction au sein de la société mère. Un tel cumul de fonctions place nécessairement la société mère en situation d’influencer de manière déterminante le comportement de sa filiale sur le marché, dans la mesure où il permet aux membres de la direction de la société mère de veiller, dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions dirigeantes au sein de la filiale, à ce que la ligne d’action de cette dernière sur le marché soit conforme aux orientations dégagées par les instances dirigeantes de la société mère (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, EU:T:2011:344, points 184 et 199 ; du 27 septembre 2012, Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06, EU:T:2012:480, points 47 et 56, et du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, points 100 et 115 et jurisprudence citée).

515    S’agissant, en deuxième lieu, des droits de veto dont disposait Unichem, la requérante fait valoir qu’ils seraient typiques de la protection des investissements et ne permettraient pas d’établir que sa société mère exerçait une influence déterminante sur elle.

516    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’il ressort de la jurisprudence que l’obligation pour la filiale de consulter préalablement la société mère ou d’obtenir son approbation préalable constitue un indice fort de l’exercice effectif d’une influence déterminante de ladite société mère sur sa filiale. En particulier, dans l’hypothèse où la société mère doit approuver les propositions de sa filiale, l’obligation d’obtenir cette approbation et donc la possibilité pour la société mère de ne pas la donner en opposant son veto témoignent d’une influence déterminante (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission, T‑24/05, EU:T:2010:453, points 183 à 187, et du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 84).

517    Selon la jurisprudence également, les droits de veto qui donnent lieu à un contrôle de la société mère sur sa filiale portent sur les décisions relatives à des questions de stratégie commerciale, telles que le plan de développement de l’entreprise ou la ligne d’action sur le marché, mais également, eu égard à la nécessaire prise en compte de l’ensemble des liens économiques et juridiques entre la société mère et sa filiale (voir points 508 et 510 ci-dessus), sur le budget, les projets d’investissement ou d’acquisition majeurs, ou encore la nomination de l’encadrement supérieur (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, EU:T:2007:381, point 82 ; du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, EU:T:2011:217, point 103 ; du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, T‑206/06, non publié, EU:T:2011:250, point 97, et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, points 71 et 72).

518    Or, selon les stipulations de l’accord d’actionnaires conclu entre Niche et Unichem le 15 avril 2002, telles qu’elles sont reprises en substance au considérant 3018 de la décision attaquée, les droits de veto détenus par Unichem portaient précisément sur des décisions de stratégie commerciale (transferts de licences et d’AMM, décision de développer de nouveaux produits) ainsi que sur des décisions relatives aux actifs les plus importants (achat ou vente d’actifs d’une valeur supérieure à 50 000 GBP) et au personnel d’encadrement (engagement de nouveaux employés dont l’enveloppe salariale excède 50 000 GBP).

519    S’agissant, en troisième lieu, des flux d’informations vers sa société mère, la requérante fait valoir qu’Unichem aurait un intérêt légitime à recevoir de telles informations en sa qualité d’investisseur dans sa filiale et de fabricant sous-traitant des comprimés de périndopril.

520    Il y a lieu de constater que, ce faisant, la requérante ne conteste ni l’existence des échanges d’informations en cause, ni l’objet des informations échangées (portant notamment sur le développement du produit), ni la régularité de ces échanges (une fois par trimestre dans le cadre du conseil d’administration et de manière ponctuelle dans le cadre d’échanges informels). Or, un tel flux d’informations entre une société mère et sa filiale, et, a fortiori, une obligation de rendre des comptes à la société mère, constitue un indice de l’exercice d’un contrôle sur les décisions de la filiale (voir, en ce sens, arrêts du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, EU:C:2011:21, point 107 ; du 6 mars 2012, FLSmidth/Commission, T‑65/06, non publié, EU:T:2012:103, point 31, et conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2015:529, point 75). En effet, de tels informations et rapports attestent des liens organisationnels entre la société mère et sa filiale et permettent à la société mère de suivre et de contrôler les activités de sa filiale aux fins de prendre des mesures concrètes à son égard. Il importe par ailleurs de préciser qu’une société mère peut exercer une influence déterminante sur sa filiale même sans faire usage d’un droit de regard et sans donner d’instructions ou de directives concrètes à la suite de la communication par ladite filiale de ces informations et rapports. De telles instructions sont simplement un indice particulièrement évident de l’exercice d’une influence déterminante de la société mère sur la politique commerciale de sa filiale, mais leur absence n’impose nullement de conclure à une autonomie de la filiale (arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 121 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 73).

521    Ainsi, sans même qu’il soit nécessaire, à la lumière des constatations qui précèdent, d’examiner les autres indices retenus à cet égard dans la décision attaquée, dont la pertinence a également été mise en cause par la requérante, il y a lieu de conclure que la preuve de l’exercice effectif par Unichem d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale a été rapportée à suffisance de droit par la Commission au regard du faisceau constitué par les seuls indices, réunis dans la décision attaquée, tirés de la nomination par Unichem de la majorité des membres du conseil d’administration de la requérante, des postes de direction croisés entre la filiale et sa société mère, des droits de veto à la disposition d’Unichem ainsi que des échanges d’informations entre les deux sociétés.

522    Il s’ensuit que la Commission a établi et considéré, sans commettre d’erreur, qu’Unichem n’était pas qu’un investisseur passif dans la requérante et qu’elle formait avec sa filiale une unité économique au cours de la période pendant laquelle elle détenait 60 % de son capital.

ii)    Concernant la période de détention par Unichem de 100 % du capital de la requérante

523    La requérante n’a pas contesté qu’Unichem détenait 100 % de son capital depuis décembre 2006. Elle n’a par ailleurs invoqué aucun argument ni a fortiori fourni d’élément de preuve de nature à démontrer qu’elle se comportait de façon autonome sur le marché au cours de la période ayant suivi cette prise de contrôle.

524    Il s’ensuit que la Commission a, à bon droit, présumé qu’Unichem exerçait une influence déterminante sur la requérante et, en l’absence de renversement de cette présomption, imputé l’infraction à Unichem pour la période en cause.

525    Cette conclusion n’est nullement remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle l’infraction ne pourrait lui être imputée, dès lors que cette infraction aurait pris fin au moment de la suspension de l’accord Niche-Matrix en mai 2005 (voir point 491 ci-dessus).

526    Outre que cette allégation devrait également conduire à remettre en cause l’imputation de l’infraction à Unichem pour une partie de la période antérieure à l’acquisition en décembre 2006 de 100 % du capital de la requérante et qu’elle n’a pourtant pas été avancée à cette fin, il y a lieu de relever qu’il ressort du point 186 ci-dessus que la suspension de l’accord Niche-Matrix en mai 2005 est intervenue en application de l’Accord. Cette suspension atteste ainsi de la mise en œuvre de l’Accord et ne permet, dès lors, pas de considérer que l’infraction a pris fin à cette date.

527    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a établi et considéré, à bon droit, qu’Unichem formait une unité économique avec la requérante au cours de la période infractionnelle et que l’infraction commise par sa filiale pouvait lui être imputée. Il s’ensuit également que la Commission a valablement calculé le montant maximal de l’amende infligée à la requérante sur la base du chiffre d’affaires total d’Unichem.

528    Le présent moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, doit par conséquent être écarté.

d)      Sur la violation de l’obligation de motivation

1)      Arguments des parties

529    La requérante reproche à la Commission d’avoir méconnu son obligation de motivation du calcul de l’amende qui lui a été infligée, en omettant de fournir la motivation permettant de comprendre la majoration bien plus élevée de son amende au titre de la gravité et de la dissuasion que celle appliquée à l’amende imposée à Servier.

530    La Commission renvoie au moyen relatif au principe d’égalité de traitement pour considérer qu’elle n’avait pas à justifier une différence de traitement qu’elle estime non avérée.

2)      Appréciation du Tribunal

531    Par ce moyen, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment justifié, dans la décision attaquée, le fait qu’elle lui appliquait, selon elle, un « coefficient de gravité » plus élevé que celui qu’elle appliquait à Servier et plus élevé même que le plafond de 30 % prévu au paragraphe 20 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

532    À cet égard, il convient de constater, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 392 à 404 ci-dessus, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas appliqué à Niche un « coefficient de gravité » plus élevé que celui qu’elle appliquait à Servier. Elle a seulement fait usage, à bon droit, en explicitant les raisons de ce choix, d’une méthode qui se distinguait de la méthode générale exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes précisément en ce qu’elle ne se fondait pas sur le recours à un tel coefficient.

533    Le moyen doit, par conséquent, être écarté.

534    De plus, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le montant de l’amende n’est pas disproportionné. Il n’y a donc pas lieu de le réduire.

535    Aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de sa demande d’annulation de la décision attaquée n’étant fondé ou opérant et l’examen des arguments avancés au soutien de sa demande de réformation du montant de l’amende n’ayant pas permis de relever d’éléments inappropriés dans le calcul du montant de celle-ci effectué par la Commission, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

536    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Niche Generics Ltd est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2018.

Signatures

Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Sur le périndopril

1. Brevet de molécule

2. Brevets secondaires

3. Périndopril de deuxième génération

B. Sur la requérante

C. Sur les activités de Niche relatives au périndopril

D. Sur les litiges relatifs au périndopril

1. Litiges devant l’OEB

2. Litiges devant les juridictions nationales

a) Litige opposant Servier à Niche

b) Litige opposant Servier à Apotex

E. Sur l’accord conclu entre Niche, Unichem et Servier

F. Sur les faits postérieurs à la conclusion de l’Accord

G. Sur l’enquête sectorielle

H. Sur la procédure administrative et la décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité du mémoire en défense

B. Sur le bien-fondé du recours

1. Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de consulter le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes

2. Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration

a) Arguments des parties

b) Appréciation du Tribunal

3. Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’analyse de la concurrence potentielle sur le marché

a) Sur les critères d’appréciation de la concurrence potentielle

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

b) Sur les erreurs d’appréciation de la concurrence potentielle

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

i) Sur les obstacles liés aux brevets de Servier

ii) Sur les obstacles techniques

iii) Sur les obstacles réglementaires

iv) Sur les obstacles financiers

v) Sur les obstacles commerciaux

4. Sur les moyens tirés d’erreurs de droit et d’appréciation dans la qualification de l’Accord de restriction de concurrence

a) Arguments des parties

1) Sur l’inapplicabilité de l’article 101, paragraphe 1, TFUE aux accords de règlement amiable

i) Sur l’applicabilité du critère de la nécessité objective

ii) Sur l’applicabilité des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie

2) Sur la qualification erronée de l’Accord de restriction de concurrence par objet

i) Sur les erreurs de droit relatives à la qualification de l’Accord de restriction par objet

ii) Sur les erreurs d’appréciation relatives à la qualification de l’Accord de restriction par objet

– Sur l’absence de restrictions dépassant la portée des brevets litigieux

– Sur l’absence d’intention anticoncurrentielle

3) Sur la qualification erronée de l’Accord de restriction de concurrence par effet

i) Sur la définition erronée du marché pertinent

ii) Sur l’analyse contrefactuelle erronée effectuée par la Commission

b) Appréciation du Tribunal

1) Sur la qualification erronée de l’Accord de restriction par objet

i) Sur les restrictions de concurrence par objet

ii) Sur les droits de propriété intellectuelle et, en particulier, les brevets

iii) Sur les règlements amiables de litiges en matière de brevets

iv) Sur la conciliation entre les accords de règlement amiable en matière de brevets et le droit de la concurrence

– Sur l’erreur de droit

– Sur les erreurs d’appréciation

v) Sur l’applicabilité de la théorie des restrictions accessoires aux accords de règlement amiable

2) Sur la qualification erronée de l’Accord de restriction par effet

5. Sur le moyen tiré de la violation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE

a) Arguments des parties

b) Appréciation du Tribunal

6. Sur les moyens, soulevés à titre subsidiaire, relatifs à la fixation du montant de l’amende

a) Sur la violation du principe d’égalité de traitement

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

b) Sur la violation du principe de proportionnalité

1) Sur le caractère nouveau de l’infraction

i) Arguments des parties

ii) Appréciation du Tribunal

2) Sur la stratégie d’éviction menée par Servier

i) Arguments des parties

ii) Appréciation du Tribunal

3) Sur l’étendue géographique de l’infraction

i) Arguments des parties

ii) Appréciation du Tribunal

4) Sur la coopération de la requérante

i) Arguments des parties

ii) Appréciation du Tribunal

c) Sur la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003

1) Arguments des parties

i) Pendant la période de détention par Unichem de 60 % du capital de la requérante

ii) Pendant la période de détention par Unichem de 100 % du capital de la requérante

2) Appréciation du Tribunal

i) Concernant la période de détention par Unichem de 60 % du capital de la requérante

ii) Concernant la période de détention par Unichem de 100 % du capital de la requérante

d) Sur la violation de l’obligation de motivation

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.