Language of document : ECLI:EU:C:2020:212

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

18 mars 2020 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission préalable des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande d’admission ne démontrant pas l’importance d’une question soulevée par le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑908/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 décembre 2019,

European Food SA, établie à Drăgăneşti (Roumanie), représentée par Mes R. Dincă, V. Stănese, I.-F. Cofaru, et I. Speciac, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Société des produits Nestlé SA, établie à Vevey (Suisse), représentée par Mes A. Jaeger-Lenz, C. Elkemann, et A. Lambrecht, Rechtsanwälte,

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, M. S. Rodin et M. N. Piçarra (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, European Food SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 octobre 2019, Société des produits Nestlé/EUIPO – European Food (FITNESS) (T‑536/18, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:737), par lequel celui-ci a annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 6 juin 2018 (affaire R 755/2018-2), relative à une procédure de nullité entre European Food et la Société des produits Nestlé (ci-après la « décision litigieuse »).

2        Cette décision a été adoptée aux fins de l’exécution de l’arrêt du Tribunal du 28 septembre 2016, European Food/EUIPO – Société des produits Nestlé (FITNESS) (T‑476/15, EU:T:2016:568), qui a annulé la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 19 juin 2015 (affaire R 2542/2013–4) (ci-après l’« arrêt en annulation »), ainsi que de l’arrêt de la Cour du 24 janvier 2018, EUIPO/European Food (C‑634/16 P, EU:C:2018:30), lequel a confirmé ledit arrêt du Tribunal (ci-après l’« arrêt sur pourvoi »). Par sa décision du 19 juin 2015, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO avait rejeté comme tardives, sans les prendre en considération, les nouvelles preuves introduites pour la première fois devant elle.

3        La deuxième chambre de recours de l’EUIPO a interprété les arrêts mentionnés au point précédent de la présente ordonnance en ce sens qu’ils l’obligeaient à examiner le recours en tenant compte des éléments de preuve présentés pour la première fois devant la quatrième chambre de recours, dans l’affaire ayant mené à la décision du 19 juin 2015 et, en conséquence, a déclaré la nullité de la marque contestée se fondant sur ces éléments de preuve.

 Sur l’admission du pourvoi

4        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les arrêts ou ordonnances du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

5        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, dudit statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

6        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

7        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

8        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante indique que celui-ci soulève deux questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

9        En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu tant l’arrêt sur pourvoi que l’arrêt en annulation, en violation de l’article 91 du règlement de procédure de la Cour, ainsi que de l’article 76, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), dans la mesure où il a jugé, au point 47 de l’arrêt attaqué, que la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a erronément interprété ces arrêts en ce sens qu’ils l’obligeaient à prendre en compte les éléments de preuve en cause et, par conséquent, a erronément omis d’exercer, à l’égard de ces éléments, le pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 76, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009, ainsi que de motiver sa décision concernant la prise en compte de ces éléments. Cette appréciation du Tribunal serait en contradiction avec le point 42 de l’arrêt sur pourvoi, où la Cour aurait dit pour droit qu’il est toujours possible de présenter de telles preuves en temps utile pour la première fois devant une chambre de recours.

10      Le pourvoi soulèverait ainsi la question de savoir si la chambre de recours de l’EUIPO dispose, en vertu de l’article 76, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009, d’un pouvoir d’appréciation, qui doit nécessairement être exercé, pour décider si elle doit prendre en compte les preuves présentées en temps utile dans la phase de recours. Cette question serait importante pour la prévisibilité, l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union. En particulier, la réponse à cette « question cruciale » concernant l’administration et la recevabilité des preuves aurait un impact majeur sur toutes les procédures dont les chambres de recours de l’EUIPO sont saisies.

11      En second lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009, en ce qu’il a annulé la décision litigieuse, alors que, en l’absence de l’irrégularité constatée par le Tribunal, ladite décision n’aurait pas eu un contenu différent. Le pourvoi soulèverait ainsi la question de savoir si, dans ces conditions, le Tribunal aurait dû s’abstenir d’annuler la décision litigieuse. Cette question serait importante pour la prévisibilité et l’unité du droit de l’Union. En particulier, la clarification de cette question serait d’une importance majeure, y compris pour l’efficacité du système juridictionnel de l’Union et de l’activité de la chambre de recours de l’EUIPO, étant donné que « des décisions telles que celle qui fait l’objet du pourvoi en l’espèce tendent à accroître de manière déraisonnable la charge de travail des institutions de l’Union pour des motifs purement formalistes ».

12      Afin d’examiner la demande d’admission du pourvoi présentée par la requérante, il convient de relever, à titre liminaire, que c’est à celle-ci qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 16 septembre 2019, Kiku/OCVV, C‑444/19 P, non publiée, EU:C:2019:746, point 11).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. Étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois prévu à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions, établis par le requérant, doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 11 février 2020, Rutzinger-Kurpas/EUIPO, C‑887/19 P, non publiée, EU:C:2020:91, point 10 et jurisprudence citée).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer, de manière spécifique, les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

15      En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause, que ceux de l’arrêt ou de l’ordonnance de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

16      Dès lors, une demande d’admission ne contenant pas l’ensemble des éléments énoncés aux points 14 et 15 de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation évoquée aux points 9 et 10 de la présente ordonnance concernant la première question soulevée par le présent pourvoi, il y a lieu de relever que l’appréciation de la Cour figurant au point 42 de l’arrêt sur pourvoi, selon laquelle il est toujours possible de présenter des preuves en temps utile, pour la première fois, devant la chambre de recours dans le cadre d’une procédure de nullité de marque, sans que ces preuves ne deviennent automatiquement recevables, n’est nullement mise en cause par la conclusion de l’arrêt attaqué, fondée sur son point 42, en ce sens que la chambre de recours de l’EUIPO n’est pas obligée de prendre en compte les preuves présentées pour la première fois devant elle, mais doit exercer le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet égard, en vertu de l’article 76, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009, et doit motiver sa décision de prendre, ou non, en compte de telles preuves.

18      Ainsi que la Cour l’a précisé au point 56 de l’arrêt sur pourvoi, il découle de l’article 76, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 que, si la présentation des faits et des preuves par la partie demeure possible après l’expiration des délais auxquels cette présentation se trouve subordonnée, cette présentation tardive n’est pas de nature à conférer à la partie qui y procède un droit inconditionnel à ce que ces faits et preuves soient pris en considération par l’EUIPO, celui-ci disposant d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu, ou non, de prendre en considération lesdits faits et preuves.

19      Ainsi, l’argumentation de la requérante n’est pas susceptible d’établir l’importance de la première question soulevée par le présent pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      En second lieu, s’agissant de l’argumentation évoquée au point 11 de la présente ordonnance concernant la seconde question soulevée par le présent pourvoi, il suffit de constater que des raisons tenant à l’efficacité du système juridictionnel de l’Union et de l’activité de la chambre de recours de l’EUIPO ne sont pas pertinentes aux fins de justifier l’importance d’une question pour l’unité du droit de l’Union.

21      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

24      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      European Food SA supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.