Language of document : ECLI:EU:T:2020:301

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

3 juillet 2020 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Opérateurs du marché d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable – Accords d’achat d’électricité – Amendements législatifs avec effet rétroactif consistant à limiter les avantages tarifaires – Plainte auprès de la Commission alléguant l’existence d’une aide au profit des fournisseurs d’énergie – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Qualité d’intéressé – Sauvegarde des droits procéduraux – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑143/19,

Solar Ileias Bompaina AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes A. Metaxas et A. Bartosch, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. K.-P. Wojcik et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, en substance, à l’annulation partielle de la décision C(2018) 6777 final de la Commission, du 10 octobre 2018, relative à l’aide d’État SA.38967 (2014/NN-2) – Grèce – Régime national d’aide au fonctionnement en faveur des installations utilisant les sources d’énergie renouvelable et de production combinée de chaleur et d’électricité à haut rendement,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová-Pelzl, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Solar Ileias Bompaina AE, est un producteur d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, actif sur le marché de l’électricité en Grèce.

2        Le 31 décembre 2014, la République hellénique a informé la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, d’un régime légal d’aide au fonctionnement en faveur des producteurs exploitant les sources d’énergie renouvelable (ci-après les « producteurs SER ») et des producteurs de cogénération chaleur et électricité à haut rendement (ci-après les « producteurs CCE ») prévu par la Nomos 4254/2014, Metra stirixis kai anaptyxis tis ellinikis oikonomias sto plaisio efarmogis tou n. 4046/2012 kai alles diataxeis (loi no 4254/2014, concernant les mesures destinées à soutenir et à développer l’économie grecque, dans le cadre de l’exécution de la loi no 4062/2012 et d’autres dispositions) (FEK A’ 85/7.4.2014, ci-après le « nouvel accord SER ») et entrée en vigueur en avril 2014.

3        Le marché grec de l’électricité, tel qu’organisé avant et au moment de l’entrée en vigueur du nouvel accord SER, comprend les catégories suivantes d’acteurs du marché :

–        les producteurs (et importateurs) qui injectent l’électricité dans le système ;

–        les opérateurs du marché et du système en cause, qui représentent le volet non-concurrentiel du marché, achètent l’électricité produite par les producteurs et gèrent l’ensemble des transactions financières sur le marché ;

–        les fournisseurs qui achètent l’électricité des opérateurs du marché du fonds commun obligatoire et la revendent aux consommateurs finaux.

4        En vertu du système grec, les producteurs SER et CCE sont rémunérés pour l’électricité produite à des prix fixes sous forme de tarifs de rachat. Les revenus des fournisseurs ne sont pas fixes et dépendent des conditions du marché.

5        Afin de financer les tarifs de rachat en faveur des producteurs SER et des producteurs CCE, le compte spécial SER a été créé conformément à la Nomos 2773/1999, Apeleftherosi tis agoras ilektrikis energeias - Rythmisi thematon energeiakis politikis kai loipes diataxeis (loi no 2773/1999, concernant la libéralisation du marché de l’électricité - Réglementation de questions liées à la politique énergétique et autres dispositions) (FEK A’ 286/22.12.99). Il était financé pour l’essentiel au moyen d’une contribution spéciale pour la réduction des gaz à effet de serre, imposée aux consommateurs sur chaque unité d’électricité consommée et d’autres sources telles que les revenus des participants au marché SER/CCE.

6        Le nouvel accord SER a modifié les tarifs de rachat existants pour l’électricité produite en Grèce par les producteurs SER et les producteurs CCE dont les opérateurs ont signé des accords d’achat d’électricité. Pour certains types d’installation, des plafonds technologiques spécifiques fixant la quantité maximale d’électricité produite par des producteurs SER pouvant bénéficier de l’aide au cours d’une année donnée ont été introduits. L’objectif de ces plafonds consistait à limiter les montants globaux d’aide octroyés à des technologies SER spécifiques.

7        Selon le rapport explicatif relatif à la loi no 4254/2014, le nouvel accord SER vise à éliminer le déficit du compte spécial SER géré par l’opérateur grec du marché de l’électricité et à pérenniser ce compte. Pendant la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi no 4254/2014, le compte spécial SER était déficitaire. Le déficit s’expliquait par la combinaison, d’une part, d’une forte augmentation des dépenses résultant de la hausse considérable des centrales utilisant les sources d’énergie renouvelable et des installations de cogénération due à la garantie de retours élevés sur les investissements spécifiques et, d’autre part, de la diminution simultanée ou de l’augmentation non équivalente des entrées (réduction de la contribution spéciale pour la réduction des gaz à effet de serre, imposée aux consommateurs sur chaque unité d’électricité consommée en raison de la crise économique, diminution des revenus provenant des ventes d’électricité).

8        Ainsi, le mécanisme du nouvel accord SER visant à l’élimination du déficit du compte spécial SER consiste, d’une part, en une réduction des tarifs de rachat à inclure dans les contrats de vente d’électricité (sous-paragraphe IG.1 de l’article 1er de la loi no 4254/2014) et, d’autre part, en une introduction de rabais sur la valeur totale de l’énergie injectée dans le réseau par les producteurs SER et les producteurs CCE en 2013 (sous-paragraphe IG.3 de l’article 1er de la loi no 4254/2014), afin de contrebalancer la surcompensation antérieurement octroyée.

9        Le 6 mai 2015, la requérante et une autre entité ont déposé, au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), une plainte auprès de la Commission concernant les mesures du nouvel accord SER en soutenant que les mesures introduites comportaient une aide illégale profitant aux fournisseurs d’énergie locaux. La plainte a été enregistrée sous la référence SA.41794.

10      Dans sa plainte, la requérante a fait valoir que les fournisseurs d’électricité bénéficiaient d’un avantage sélectif du fait que, en application de la loi no 4254/2014, seuls les producteurs SER supporteraient les coûts liés à la réduction du déficit du compte spécial par l’introduction du nouvel accord SER. Cependant, les fournisseurs d’électricité contribueraient eux aussi au déficit du compte spécial, étant donné que les règles du marché et la formation du prix de l’électricité leur permettraient d’acheter à des coûts réduits sur le marché de gros et que les coûts réduits de gros d’électricité moins élevés rapporteraient moins de recettes au compte spécial. En d’autres termes, les producteurs et les fournisseurs d’électricité se trouveraient en réalité dans une situation comparable au regard de l’objectif législatif d’éliminer le déficit du compte spécial SER. Ainsi, le nouvel accord serait sélectif dans la mesure où sa portée exclurait les fournisseurs d’électricité, qui n’ont pas l’obligation de combler le déficit du compte spécial SER.

11      Le 10 décembre 2015, la Commission a reçu une deuxième plainte déposée au nom des producteurs solaires et, le 22 décembre 2017, une troisième plainte au nom de la Pan-Hellenic Rooftop Photovoltaic Association.

12      Le 10 mars 2016, la Commission a transmis les deux premières plaintes aux autorités grecques et a demandé leurs observations sur l’objet des plaintes. Leurs observations ont été présentées le 27 juillet 2016. La dernière plainte n’a pas été transmise aux autorités grecques, la Commission ayant relevé que les questions soulevées étaient déjà couvertes par les deux premières plaintes.

13      Par la décision C(2018) 6777 final, du 10 octobre 2018, concernant l’affaire SA.38967 (2014/NN-2) – Grèce – Régime national d’aide au fonctionnement en faveur des installations utilisant les sources d’énergie renouvelable et de production combinée de chaleur et d’électricité à haut rendement (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a conclu qu’elle ne soulevait aucune objection au régime prévu par les sous-paragraphes IG.1 et IG.3 de l’article 1er de la loi no 4254/2014 concernant le nouvel accord SER qui fixait le réajustement des tarifs de rachat pour les producteurs SER et CCE en Grèce.

14      Aux considérants 111 à 121 de la décision attaquée, la Commission a examiné les allégations formulées dans les plaintes incluant celle de la requérante, et a conclu que :

–        les plaignants n’ont fourni aucun argument à l’appui de la thèse selon laquelle les fournisseurs d’électricité avaient partiellement causé le déficit du compte spécial SER ;

–        les producteurs SER et les fournisseurs d’électricité ne se trouvaient pas dans une situation juridique et factuelle comparable ;

–        l’objectif poursuivi par le nouvel accord SER était de réduire le déficit du compte spécial SER en contrebalançant la surcompensation, antérieurement octroyée, par le réajustement des tarifs de rachat pour les producteurs SER ;

–        dès lors, le régime notifié ne procurait aucun avantage sélectif au moyen de ressources d’État aux fournisseurs d’énergie et aucune aide ne leur avait été octroyée.

15      La communication succincte de cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 7 décembre 2018.

16      Le 18 décembre 2018, la requérante a adressé une lettre à la Commission par laquelle elle lui demandait si elle considérait la décision C(2018) 6777 final dans l’affaire SA.38967 comme un rejet officiel de la plainte dans l’affaire SA.41794 ou si elle considérait que l’affaire SA.41794 était toujours pendante.

17      Par lettre du 8 février 2019, la Commission a répondu à la requérante que « la décision adoptée le 10 octobre 2018 couvr[ait sa] plainte[, que, p]lus particulièrement, la section 3.4. de la décision vis[ait], par son argumentation, l’évaluation de [la] plainte[et que, s]ur cette base, [elle] met[tait] un terme à la plainte ». Une version non confidentielle de la décision attaquée a été transmise à la requérante conformément à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2019, la requérante a introduit le présent recours.

19      Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés au greffe du Tribunal respectivement les 25 juin, 27 septembre et 11 novembre 2019.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler les considérants 111 à 121 de la décision attaquée, en tant qu’elle rejette sa plainte, ainsi que la lettre du 8 février 2019 (portant la référence B.2 VI/MJ/mkl D*2019/019026) ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        en tout état de cause, rejeter le recours comme dénué de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22      Selon l’article 129 du règlement de procédure du Tribunal, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties principales entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée sur les fins de non-recevoir d’ordre public.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

24      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission a fait valoir dans son mémoire en défense, en premier lieu, que la lettre du 8 février 2019 n’est pas un acte attaquable et, en second lieu, que le recours est irrecevable en raison du défaut de qualité pour agir de la requérante.

25      Sur invitation du Tribunal, la requérante a pris position sur cette fin de non-recevoir dans la réplique. Dans ladite réplique, la requérante fait observer qu’elle est une « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 et soutient que la Commission a adopté la décision attaquée sans ouvrir une procédure formelle d’examen, en violation de ses droits procéduraux.

26      Ainsi que l’avance la Commission à juste titre, la lettre du 8 février 2019 transmettant une copie de la décision attaquée, conformément à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, ne saurait être qualifiée d’acte attaquable. À cet égard, il découle de la jurisprudence que c’est la décision adressée à l’État membre qui doit, le cas échéant, faire l’objet d’un recours en annulation de la part du plaignant et non pas la lettre adressée à celui-ci l’informant de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 45).

27      En tout état de cause, il y a lieu de relever que le recours en annulation ne vise pas en réalité la lettre litigieuse en tant que telle. En effet, par son recours, la requérante demande surtout l’annulation partielle de la décision attaquée au motif qu’elle a été prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE sans que la Commission ait préalablement ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qui lui aurait permis de présenter des observations.

28      S’agissant d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, doivent être distinguées, d’une part, la phase d’examen préliminaire des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause et, d’autre part, la phase d’examen, visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire. Ce n’est que dans le cadre de la procédure prévue par cette dernière disposition que le traité FUE prévoit la garantie procédurale consistant dans l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 22 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 16, et du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 35).

29      Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une mesure étatique ne constitue pas une aide incompatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires de cette garantie procédurale ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union européenne. Pour ces motifs, le juge de l’Union déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 36).

30      Ainsi, il y a lieu de considérer que toute partie intéressée doit être considérée comme étant directement et individuellement concernée par une décision constatant l’absence d’aide au terme de la phase d’examen préliminaire (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 68), étant rappelé que, lorsqu’une telle partie a introduit une plainte, le refus de la Commission de faire droit à cette plainte doit en tout état de cause s’analyser comme un refus d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, points 51 à 54).

31      Aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, sont considérés comme étant des « parties intéressées » tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises, dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires. Cette disposition n’exclut toutefois pas qu’une entreprise qui n’est pas une concurrente directe du bénéficiaire de l’aide soit qualifiée de « partie intéressée », pour autant qu’elle fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de cette aide. Il suffit que cette entreprise démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 à 65 et jurisprudence citée).

32      C’est à la lumière des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus qu’il convient d’examiner la recevabilité du présent recours, en particulier au regard de la fin de non-recevoir invoquée par la Commission.

33      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la décision attaquée est une décision adoptée à l’issue de la phase d’examen préliminaire des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE et non d’une procédure formelle d’examen. Partant, elle comporte un refus implicite d’ouverture de la procédure formelle. Par ailleurs, le refus d’ouvrir la procédure formelle ressort également de la lettre du 8 février 2019 de la Commission (voir point 17 ci-dessus) par laquelle elle a confirmé avoir mis un terme à la plainte de la requérante.

34      Au demeurant, pour autant que la requérante estime qu’elle a qualité pour agir du fait qu’elle a introduit une plainte, il y a lieu de remarquer que le fait qu’elle a déposé une plainte en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, ne suffit pas à lui seul pour la qualifier de partie intéressée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 95). En outre, il y a lieu de constater que la plainte ne se trouve pas à l’origine de l’ouverture de la phase d’examen préliminaire. En effet, la loi no 4254/2014 a été notifiée à la Commission par les autorités grecques et c’était cette notification et non pas l’introduction de la plainte de la requérante qui avait permis l’examen de sa compatibilité avec le marché commun.

35      En second lieu, il y a lieu de constater que le moyen unique invoqué par la requérante vise effectivement la violation de ses droits procéduraux, au sens de la jurisprudence évoquée au point 29 ci-dessus.

36      Il ressort donc de ce qui précède que la recevabilité du recours dépend essentiellement de la question de savoir si la requérante a établi être une « partie intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

37      À cet égard, la requérante doit, pour pouvoir être qualifiée de partie intéressée, soit établir qu’elle se trouve dans un rapport de concurrence directe ou indirecte avec les bénéficiaires de l’aide, soit démontrer que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation, faussant le rapport de concurrence.

38      Premièrement, selon la jurisprudence, lorsque la partie requérante est une entreprise concurrente de la société bénéficiaire des mesures dénoncées, elle figure incontestablement parmi les parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 41 ; voir également arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 59).

39      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante n’est pas une concurrente des fournisseurs d’électricité, bénéficiaires de la prétendue aide.

40      En effet, il ressort de la structure du marché grec de l’énergie que les fournisseurs d’électricité achètent de l’énergie à un consortium obligatoire et vendent l’électricité au détail aux consommateurs finaux, tandis que des producteurs SER, tels que la requérante, injectent de l’énergie dans le système en la vendant au consortium obligatoire.

41      Au demeurant, la requérante ne nie pas que les fournisseurs d’électricité et les producteurs SER opèrent sur des marchés distincts, raison pour laquelle il n’y a pas de concurrence entre eux.

42      Deuxièmement, il est certes exact, ainsi que le souligne la requérante dans la réplique, que la définition de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 ne se limite pas aux seuls concurrents du bénéficiaire de l’aide, mais se réfère à un « ensemble indéterminé de destinataires ». Ainsi qu’il a déjà été rappelé ci-dessus, cette définition comprend toutes les personnes, entreprises ou associations d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide (voir arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 et 64 et jurisprudence citée).

43      Il n’est donc pas exclu que la requérante puisse être considérée comme « partie intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 pour autant qu’elle démontre que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide. Pour ce faire, il lui appartient d’établir que la mesure risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 66 à 71).

44      Force est de constater à cet égard que la requérante n’a pas démontré, à suffisance de droit, que l’aide présumée aux fournisseurs d’électricité en Grèce était susceptible d’avoir une incidence particulière sur sa situation. Il ne fait certes pas de doute que la loi no 4254/2014 prévoyant des tarifs réduits pour l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable, adoptée afin de réduire le déficit du compte spécial, a eu un effet sur les producteurs SER. Toutefois, la requérante n’est pas parvenue à démontrer l’existence d’une corrélation entre les tarifs réduits pour les sources d’énergie renouvelable et le non-paiement d’une contribution au compte spécial par les fournisseurs d’électricité ni que l’aide présumée aux fournisseurs d’électricité pourrait avoir affecté sa position sur le marché ou ses intérêts. Par exemple, la requérante n’a pas expliqué de quelle manière la soi-disant exonération des fournisseurs d’électricité par la loi no 4254/2014 aurait pu avoir une influence sur la fixation des nouveaux tarifs de rachat et des rabais des producteurs sachant que les réajustements effectués par le nouvel accord visaient principalement à contrebalancer la surcompensation antérieurement octroyée aux producteurs d’électricité.

45      Dans ce contexte, la requérante invoque l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 novembre 2009, Scheuscher-Fleisch e.a./Commission (T‑375/04, EU:T:2009:445), également connue comme l’affaire des labels « AMA », et avance que cette affaire présente des similitudes remarquables avec le cas d’espèce. Dans l’affaire des labels « AMA », lesdits labels étaient accessibles à un groupe d’entreprises et refusés à un autre alors que ces deux groupes étaient soumis au paiement des contributions à l’Agrarmarkt Austria. Le Tribunal aurait attaché de l’importance au fait que l’ensemble des entreprises appartenaient à la chaîne de production et de distribution spécifique aux labels afin de reconnaître la qualité pour agir.

46      Le parallèle entre la présente affaire et l’affaire des labels « AMA », invoqué par la requérante, fait toutefois défaut. À cet égard, la requérante prétend que le parallèle consiste en ce que, dans les deux affaires, il existe une chaîne de production et de distribution et que les entreprises faisant partie de cette chaîne sont des « parties intéressées ». Toutefois, le Tribunal a considéré que les requérantes dans l’affaire des labels « AMA », en l’occurrence des entreprises spécialisées dans l’abattage et la découpe d’animaux, étaient des « parties intéressées » parce qu’elles étaient en concurrence avec les entreprises d’abattage et de découpe d’animaux bénéficiant des labels « AMA », au même titre que les détaillants. La qualité pour agir des requérantes dans cette affaire a donc été reconnue non parce qu’elles faisaient partie de la même chaîne de production et de distribution que les détaillants, mais en raison de leur rapport de concurrence avec les entreprises d’abattage et de découpe d’animaux. De ce fait, le régime d’aide constitué par les labels « AMA » accordés aux concurrents des requérantes portait atteinte aux intérêts des requérantes.

47      Partant, l’affirmation de la requérante, fondée sur l’affaire des labels « AMA », selon laquelle ses intérêts ont été négativement affectés par l’octroi de l’aide présumée, dans la mesure où elle appartenait à un groupe d’entreprises (les producteurs SER) qui a dû supporter l’intégralité des coûts liés à la réduction du déficit du compte spécial, alors qu’un autre groupe d’entreprises (les fournisseurs d’électricité) en étaient exonérés, bien que les deux groupes aient contribué à la création de ce déficit, ne saurait prospérer.

48      Dès lors, au vu de ce qui précède, la requérante n’a pas établi qu’elle avait la qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

49      En conséquence, le présent recours doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Solar Ileias Bompaina AE supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 3 juillet 2020.

Le greffier

 

La présidente

E. Coulon

 

V. Tomljenović


*      Langue de procédure : l’anglais.