Language of document : ECLI:EU:F:2013:46

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

15 avril 2013 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Mise à la retraite pour invalidité – Article 78 du statut – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire F‑1/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Henrik Andersen, ancien fonctionnaire de la Cour des comptes de l’Union européenne, demeurant à Hals (Danemark), représenté par Mes S. Rodrigues, A. Blot et A. Tymen, avocats,

partie requérante,

contre

Cour des comptes de l’Union européenne, représentée par M. T. Kennedy, M. N. Scafarto et Mme B. Schäfer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, E. Perillo et R. Barents (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 2 janvier 2012, M. Andersen a introduit le présent recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision du 21 janvier 2011 du secrétaire général de la Cour des comptes de l’Union européenne rejetant sa demande de compensation des pertes subies à la suite de sa mise à la retraite et à la réparation par la Cour des comptes dudit préjudice.

 Cadre juridique

2        L’article 12 bis du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« 1. Tout fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel.

2. Le fonctionnaire victime de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution. Le fonctionnaire ayant fourni des preuves de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi.

3. Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

4. Par harcèlement sexuel, on entend un comportement à connotation sexuelle non désiré par la personne à l’égard de laquelle il s’exerce et ayant pour but ou pour effet de l’atteindre dans sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, offensant ou embarrassant. Le harcèlement sexuel est traité comme une discrimination fondée sur le sexe. »

3        L’article 24, premier alinéa, du statut dispose :

« L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions. »

4        L’article 53 du statut dispose :

« Le fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme remplissant les conditions prévues à l’article 78 est mis d’office à la retraite le dernier jour du mois au cours duquel est prise la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination constatant l’incapacité définitive pour le fonctionnaire d’exercer ses fonctions. »

5        L’article 73 du statut prévoit :

«1. Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des institutions de l’Union, après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. […]

2. Les prestations garanties sont les suivantes :

[…]

b)      [e]n cas d’invalidité permanente totale :

[p]aiement à l’intéressé d’un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’accident ;

c)      [e]n cas d’invalidité permanente partielle :

[p]aiement à l’intéressé d’une partie de l’indemnité prévue [sous b)], calculée sur la base du barème fixé par la réglementation prévue au paragraphe 1 […] »

6        L’article 78 du statut prévoit :

« Dans les conditions prévues aux articles 13 à 16 de l’annexe VIII, le fonctionnaire a droit à une allocation d’invalidité lorsqu’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions.

L’article 52 s’applique par analogie aux bénéficiaires d’une allocation d’invalidité. Si le bénéficiaire d’une allocation d’invalidité prend sa retraite avant l’âge de 65 ans sans avoir atteint le taux maximal de droits à pension, les règles générales de la pension d’ancienneté sont appliquées. La pension d’ancienneté est liquidée sur la base du traitement afférent au classement, en grade et en échelon, que le fonctionnaire détenait au moment où il a été mis en invalidité.

Le taux de l’allocation d’invalidité est fixé à 70 % du dernier traitement de base du fonctionnaire. Toutefois, cette allocation ne peut être inférieure au minimum vital.

L’allocation d’invalidité est soumise à la contribution au régime de pension, calculée sur la base de ladite allocation.

Lorsque l’invalidité résulte d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions, d’une maladie professionnelle ou d’un acte de dévouement accompli dans un intérêt public ou du fait d’avoir exposé ses jours pour sauver une vie humaine, l’allocation d’invalidité ne peut être inférieure à 120 % du minimum vital. Dans ce cas, l’institution ou l’organisme visés à l’article premier bis prend à sa charge la totalité de la contribution au régime de pensions. »

7        L’article 4 de la décision no 61‑2006, du 17 octobre 2006, de la Cour des comptes, relative à la protection des personnes travaillant à la Cour des comptes contre le harcèlement (ci-après la « décision relative à la protection du personnel contre le harcèlement ») prévoit :

« Résolution du conflit

Toute victime de harcèlement, qu’elle qu’en soit la forme, se préoccupe avant tout de le faire cesser. Il est conseillé à tous de tenter, dans un premier temps, de résoudre le problème à l’amiable. Il se peut en effet que le harceleur présumé ne soit pas conscient de l’incidence de son comportement. Dans certains cas, il peut suffire que la victime présumée lui explique clairement que son comportement l’importune, qu’il est offensant et risque de nuire à sa santé ou à son travail. Cependant, s’il est trop difficile pour la victime présumée de faire cette démarche elle-même, elle doit savoir que les intervenants visés ci-dessus sont à sa disposition pour l’aider à trouver une solution de manière informelle. En tout état de cause, tout sera mis en œuvre pour protéger les intérêts de la victime présumée, de la personne contre laquelle la plainte est dirigée et des éventuels témoins.

a)      Procédure informelle

La victime présumée peut, dans un premier temps, tenter de résoudre le problème, à l’amiable. Si elle estime avoir été victime d’une forme quelconque de harcèlement ou si elle estime que certains types de comportement à son égard sont inconvenants, elle devrait exprimer franchement sa désapprobation, sans craindre d’affirmer clairement qu’une telle conduite est inacceptable.

Dans cette perspective, la personne d’écoute pourrait être un interlocuteur privilégié.

La victime présumée peut aussi contacter un supérieur hiérarchique, l’assistant(e) social(e), le médecin-conseil, la division des ressources humaines ou un collègue.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

8        Le 16 avril 2004, le requérant, fonctionnaire de grade B 4 auprès de la Commission des Communautés européennes, a été transféré à la Cour des comptes et nommé à un emploi d’administrateur, avec classement au grade A 7, échelon 1, au sein du groupe d’audit III, relatif à la mobilisation du programme TACIS en Russie.

9        Le 10 décembre 2007, dans ses commentaires sur son évaluation faite dans le cadre de l’exercice de notation pour la période 2006/2007, le requérant s’est plaint d’être victime de harcèlement moral de la part de son institution et a demandé à celle-ci de prendre les mesures nécessaires. Le 14 décembre 2007, le directeur des ressources humaines de la Cour des comptes a invité le requérant à suivre, d’une part, les procédures établies pour contester son rapport d’évaluation, et, d’autre part, les règles et procédures établies dans la décision relative à la protection du personnel contre le harcèlement.

10      Par un courrier électronique du 11 janvier 2008, le requérant a réitéré les termes de ses commentaires sur son évaluation, formulés le 10 décembre 2007, concernant le harcèlement moral dont il aurait été victime de la part de son institution. Ce courrier électronique, enregistré comme une plainte pour harcèlement moral, a été rejeté le 14 mars 2008, par le secrétaire général de la Cour des comptes.

11      Le 27 avril 2008, le requérant a formellement déposé une plainte auprès du président de la Cour des comptes pour harcèlement moral prétendument subi pendant la période 2004/2008, soulevant 21 points de conflit. Par décision du 14 mai 2008, le secrétaire général de la Cour des comptes a ouvert une enquête administrative relative à cette plainte et a chargé M. X, directeur d’un groupe d’audit de la Cour des comptes, de la conduire.

12      Le rapport de l’enquête administrative a été remis le 22 septembre 2008. Les 21 points soulevés par le requérant dans sa plainte du 27 avril 2008 y ont été examinés. Selon ce rapport, une situation de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut n’était pas établie.

13      Le 2 avril 2009, le membre de la Cour des comptes désigné par le président de celle-ci comme autorité investie du pouvoir de nomination, afin d’éviter un conflit d’intérêt (ci-après l’« AIPN ad hoc »), a conclu que l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut n’avait pas été établie et a, par conséquent, rejeté la plainte déposée par le requérant le 27 avril 2008. Il a toutefois noté que les relations entre le requérant et sa hiérarchie étaient tendues.

14      À la suite du rapport de l’enquête administrative et à la suggestion de l’AIPN ad hoc d’organiser une entrevue, le secrétaire général de la Cour des comptes a, le 22 avril 2009, invité le requérant à une réunion pour examiner ensemble les mesures à prendre pour améliorer ses conditions de travail. Cette réunion a eu lieu le 27 avril 2009.

15      Par lettre du 29 octobre 2009 adressée au secrétaire général de la Cour des comptes, le requérant s’est plaint de continuer à être victime de harcèlement moral et de manque de sollicitude de la part de la Cour des comptes, notamment en ce qui concerne ses demandes de passer son congé de maladie dans son pays d’origine. Le secrétaire général de la Cour des comptes a répondu par lettre du 10 décembre 2009.

16      Le 3 mars 2010, alors que le requérant avait déjà pris un congé de maladie au cours de l’enquête administrative, et ce dès le 1er septembre 2008, congé qui sera prolongé jusqu’à sa mise à la retraite pour invalidité, la commission d’invalidité a conclu que le requérant était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer les fonctions pour lesquelles il avait été engagé. Par décision du 5 mars 2010, le requérant a été mis à la retraite pour invalidité avec effet au 31 mars 2010 et admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité conformément à l’article 78, paragraphe 3, du statut.

17      La reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie du requérant au titre de l’article 73 du statut, lui a été accordée le 30 juillet 2010, suite à sa demande en ce sens en date du 26 mars 2009. Le requérant s’est vu attribuer un capital de 24 179,56 euros, après avoir donné son accord à ce sujet.

18      Le 11 octobre 2010, le requérant a introduit auprès de la Cour des comptes une demande de réparation du préjudice subi, notamment financièrement, en raison de sa mise à la retraite pour invalidité, laquelle, selon lui, aurait pour origine le comportement illégal de la Cour des comptes. Cette demande a été rejetée par décision du secrétaire général de la Cour des comptes du 21 janvier 2011.

19      Le 1er mars 2011, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 21 janvier 2011 rejetant sa demande d’indemnisation. Cette réclamation a été rejetée par décision du 22 septembre 2011.

 Conclusions des parties

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 21 janvier 2011 rejetant sa demande de compensation pour les pertes subies du fait de sa mise à la retraite au bénéfice d’une allocation d’invalidité ;

–        le cas échéant, annuler la décision du 22 septembre 2011 rejetant sa réclamation du 1er mars 2011 ;

–        lui allouer la somme de 1 184 421,06 euros en réparation de son préjudice matériel ;

–        lui allouer la somme évaluée ex æquo et bono à 90 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

–        condamner la Cour des comptes à l’ensemble des dépens.

21      La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la présente requête irrecevable ;

–        subsidiairement, rejeter la requête comme non fondée ;

–        rejeter les demandes indemnitaires du requérant ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

22      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur la recevabilité et le bien-fondé du recours et décide de statuer, sans poursuivre la procédure, par voie d’ordonnance motivée.

 Sur les conclusions en annulation

24      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, les conclusions en annulation ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (voir arrêt du Tribunal de première instance du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑209/99, point 32, et la jurisprudence citée).

25      Ainsi, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation formées par le requérant, le présent recours n’ayant pas d’autre objet que celui d’obtenir réparation des préjudices que celui-ci estime avoir subis en raison du comportement illégal de la Cour des comptes.

 Sur les conclusions en indemnité

26      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux chefs de préjudice, tirés, d’une part, d’une mauvaise administration et de la violation des devoirs de sollicitude et de diligence, et, d’autre part, d’un abus de pouvoir et d’un détournement de procédure.

 Sur le premier chef de préjudice, tiré de la mauvaise administration et de la violation des obligations de sollicitude et de diligence

27      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu d’une jurisprudence constante, une demande en indemnité n’est pas recevable lorsque le fonctionnaire cherche ainsi à obtenir un résultat identique à celui que lui aurait procuré le succès d’un recours en annulation qu’il a omis d’intenter en temps utile (arrêt de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, point 32 ; arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE, F‑84/08, point 50).

28      Il est constant que le requérant n’a pas attaqué les décisions de rejet de ses plaintes et réclamations des 14 décembre 2007, 14 mars 2008, 2 avril 2009 et 10 décembre 2009.

29      Ainsi, il y a lieu d’examiner si, et dans quelle mesure, les faits et moyens invoqués par le requérant pour engager la responsabilité à son égard de la Cour des comptes ont fait l’objet des décisions de rejet mentionnées au point précédent et contre lesquelles il n’a pas introduit de recours. En effet, ainsi que l’a fait valoir la Cour des comptes, dans l’hypothèse d’une réponse affirmative, le requérant chercherait à contourner l’irrecevabilité du grief tiré de l’illégalité de ces décisions de rejet, en l’absence d’un recours introduit à l’encontre de ces dernières décisions.

30      Une telle question, qui a trait aux délais de recours, doit être soulevée d’office par le juge (arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Belfiore/Commission, 108/79, point 3 ; arrêt du Tribunal de première instance du 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T‑29/89, point 13).

31      Tout d’abord, le requérant reproche à la Cour des comptes de ne pas avoir pris de mesures à la suite de la dénonciation de harcèlement moral qu’il avait formulée le 10 décembre 2007 dans le cadre de ses commentaires sur son évaluation au titre de l’exercice de notation 2006/2007 ni non plus à la suite de son courrier électronique du 11 janvier 2008. À cet égard, il suffit de constater que la prise de position de la Cour des comptes figure dans ses réponses données les 14 décembre 2007 et 14 mars 2008, prises de position contre lesquelles le requérant n’a pas introduit de recours. De plus, ce point a été examiné dans le cadre de l’enquête administrative.

32      En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel la Cour des comptes n’aurait pas pris de mesures d’éloignement afin de le protéger contre le prétendu harcèlement moral de son supérieur hiérarchique, force est de constater que celui-ci a été muté vers un autre groupe d’audit à partir du 1er mai 2008. L’argument du requérant selon lequel cette mutation n’aurait été en réalité que la conséquence de l’application de règles internes de la Cour des comptes sur la mobilité du personnel est sans pertinence à cet égard.

33      Ensuite, le requérant fait valoir que la Cour des comptes aurait manqué à ses obligations dans un certain nombre de cas : en ne prenant pas les mesures nécessaires suite à ses plaintes et communications sur la procédure d’approbation dans la structure de gestion documentaire ASSYST, dans les dossiers russe et albanais, en ne répondant pas à ses communications concernant le comportement de la Cour des comptes russe, concernant une prétendue irrégularité d’une procédure de recrutement, du fait de l’existence, en plus de son dossier personnel, d’un dossier personnel le concernant tenu par son supérieur hiérarchique, par des observations déplacées à son égard et en ne lui confiant plus de charge de travail complète.

34      À cet égard, il y a lieu d’observer que chacun des cas mentionnés au point précédent a été examiné dans le cadre de l’enquête administrative dont la conclusion était, tout en admettant que certaines maladresses avaient été commises, qu’une situation de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut n’était pas établie. Or, force est de constater que le requérant n’a pas contesté le rejet de sa plainte, déposée le 27 avril 2008, par la décision de l’AIPN ad hoc, du 2 avril 2009.

35      Il résulte de tout ce qui précède que les faits et moyens susmentionnés et invoqués par le requérant pour démontrer la mauvaise administration, le manque de sollicitude et la violation de son obligation de diligence par la Cour des comptes sont les mêmes que ceux qui ont fait l’objet des quatre décisions de rejet des plaintes et réclamations du requérant mentionnées au point 28 de la présente ordonnance et à l’encontre desquelles il n’a pas introduit de recours. Il s’ensuit que cette partie de son recours est manifestement irrecevable.

36      Le requérant reproche également à la Cour des comptes de ne pas avoir mis en place le réseau des personnes d’écoute créé par la décision relative à la protection du personnel contre le harcèlement, ni lors l’introduction de sa réclamation, ni au moment de son départ en congé de maladie. Par conséquent, il n’aurait pas pu bénéficier de ce soutien, alors qu’il se sentait harcelé.

37      Cet argument est manifestement irrecevable. La décision relative à la protection du personnel contre le harcèlement prévoit, outre la procédure formelle prévue en matière de harcèlement à la Cour des comptes, la mise en œuvre d’une procédure informelle destinée à prévenir et à tenter de résoudre à l’amiable des situations conflictuelles. Cette décision avait déjà été mise en œuvre le 6 novembre 2006, à l’exception des personnes d’écoute et offrait donc la possibilité au requérant de contacter d’autres personnes comme l’assistante sociale ou le médecin-conseil.

38      Dans le cadre du premier chef de préjudice, le requérant reproche également à la Cour des comptes d’avoir manqué à son obligation de sollicitude du fait que depuis le 1er mai 2008 et jusqu’à son départ en congé de maladie, il avait dû travailler sous le contrôle d’un fonctionnaire du groupe de fonctions des assistants, alors que lui-même relevait du groupe de fonctions des administrateurs et était de grade AD 8.

39      Sans qu’il soit besoin de statuer sur le point de savoir s’il s’agit d’un acte faisant grief, cet argument est manifestement sans fondement. En effet, comme l’a fait valoir la Cour des comptes et sans que cela ait été contredit par le requérant, la personne concernée agissait en tant que chef d’unité faisant fonction, suite à la mutation du chef d’unité, supérieur hiérarchique du requérant.

40      Enfin, le requérant se plaint que la Cour des comptes aurait violé ses obligations de sollicitude et de diligence du fait qu’il n’aurait pas bénéficié d’un traitement respectueux après son départ en congé de maladie. À cet égard, il fait valoir que la Cour des comptes, d’une part, n’aurait pas répondu à plusieurs demandes présentées au titre de l’article 60, second alinéa, du statut, afin de pouvoir passer son congé de maladie dans son pays d’origine et, d’autre part, n’aurait pas versé le montant correct de son allocation d’invalidité.

41      Les arguments présentés par le requérant quant à la violation par la Cour des comptes de ses obligations de sollicitude et de diligence sont manifestement infondés. En effet, en ce qui concerne son obligation de diligence, comme la Cour des comptes l’a fait observer, il était d’usage que des demandes présentées au titre de l’article 60, second alinéa, du statut, étaient accueillies automatiquement et que seuls les refus d’autorisation étaient communiqués par écrit. Il convient aussi de relever, quant à son devoir de sollicitude, que le directeur des ressources humaines de la Cour des comptes, par un courrier électronique du 20 février 2009, s’est excusé auprès du requérant de ne pas lui avoir fourni de réponse. Quant aux erreurs de calcul de l’allocation d’invalidité du requérant, il suffit d’observer que le secrétaire général a, par sa note du 22 décembre 2010, répondu aux courriers électroniques du requérant, datés respectivement des 8 et 15 décembre 2010 et qu’il a chargé les services compétents d’effectuer un contrôle approfondi des droits du requérant et des montants payés.

42      Il s’ensuit que le premier chef de préjudice doit être écarté comme manifestement irrecevable, s’agissant des faits et moyens qui ont fait l’objet des décisions de rejet de la Cour des comptes des réclamations du requérant et à l’encontre desquelles il n’a pas introduit de recours, et comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit, pour le surplus.

 Sur le deuxième chef de préjudice, tiré d’un abus de pouvoir et d’un détournement de procédure

43      Le requérant reproche à la Cour des comptes d’avoir commis un abus de pouvoir et un détournement de procédure en essayant de retarder la procédure prévue à l’article 78, paragraphe 5, du statut, après que la Cour des comptes a été informée, le 31 août 2010, que sa maladie avait été reconnue comme maladie professionnelle.

44      À cet égard, il y lieu de constater que le requérant a refusé la transmission de son dossier médical de la Commission à la Cour des comptes, avec pour conséquence que la commission d’invalidité, réunie le 20 mai 2011, s’est trouvée dans l’impossibilité de prendre position sur la demande du requérant de mise en œuvre de l’article 78, alinéa 5, du statut. La commission d’invalidité n’a pu statuer qu’en date du 23 mars 2012 en faveur de la reconnaissance que l’invalidité du requérant résulte de sa maladie professionnelle, conformément à l’article 78, alinéa 5, du statut, lorsque ce dernier a accordé la transmission de son dossier médical.

45      Ensuite, le requérant fait valoir que le secrétaire général de la Cour des comptes aurait essayé de contourner les procédures de mise en œuvre des articles 73 et 78 du statut en adoptant, le 29 octobre 2010, la décision no 81‑2010 visant à retirer à la Commission la délégation de pouvoirs d’AIPN, en matière de couverture de risque de maladie et de couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle « pour autant qu’elle [le] concerne ».

46      Cet argument manque de pertinence. En effet, ainsi qu’il résulte de deux notes du secrétaire général de la Cour des comptes à l’intention du requérant, des 12 novembre et 7 décembre 2010, la décision du 29 octobre 2010 a été prise dans le souci de veiller aux intérêts du requérant et compte tenu des informations contradictoires reçues de la Commission concernant la procédure de reconnaissance de la maladie du requérant comme maladie professionnelle. Il est également constant qu’à la suite des contacts avec la Commission à ce sujet, le secrétaire général a retiré la décision du 29 octobre 2010 dès le 12 novembre suivant, de sorte qu’elle n’a eu aucune conséquence sur la gestion du dossier du requérant, ainsi qu’il résulte d’une lettre du directeur général adjoint de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission adressée par courrier électronique au requérant le 17 mars 2011. De plus, dans sa note du 7 décembre 2010, le secrétaire général de la Cour des comptes a attiré l’attention du requérant sur son droit d’introduire un recours contre la réponse donnée à ses demandes des 11 et 28 octobre 2010 et des 15, 17 et 25 novembre 2010, ce qu’il n’a pas fait.

47      Enfin, le requérant reproche à la Cour des comptes d’avoir mis à profit la procédure de mise à la retraite pour invalidité dans le but de ne plus avoir à recourir à ses services.

48      À cet égard, il suffit de constater que le requérant n’a pas contesté la décision du 5 mars 2010 relative à sa mise à la retraite pour invalidité à partir du 31 mars 2010, avec bénéfice d’une allocation d’invalidité conformément à l’article 78, paragraphe 3, du statut.

49      Dès lors, le deuxième chef de préjudice doit être écarté comme manifestement non fondé.

50      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

52      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Cour des comptes a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Cour des comptes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

2)      M. Andersen doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Cour des comptes de l’Union européenne.

Fait à Luxembourg, le 15 avril 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l’anglais.