Language of document : ECLI:EU:F:2007:173

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

10 octobre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pensions – Transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service des Communautés – Irrecevabilité »

Dans l’affaire F‑17/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Michel Pouzol, ancien fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes, demeurant à Combaillaux (France), représenté par Mes D. Grisay, I. Andoulsi, et D. Piccininno, avocats,

partie requérante,

contre

Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM. T. Kennedy, J.-M. Stenier et G. Corstens, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 février 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 5 mars suivant), M. Pouzol demande, notamment, l’annulation de la décision du 23 novembre 2006 par laquelle la Cour des comptes des Communautés européennes a rejeté sa réclamation, formée le 16 août 2006, tendant à ce que soit à nouveau calculée la bonification d’annuités de pension communautaire résultant du transfert des droits à pension qu’il avait acquis en France, ainsi que l’annulation de la décision du 18 mai 2006 par laquelle la Commission des Communautés européennes a constaté que les modalités de calcul de ses droits à pension transférés étaient conformes aux dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, telles que modifiées par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1) (ci-après le « statut » ou le « nouveau statut »).

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant est entré au service de la Cour des comptes en 1982. Il a été titularisé à la date du 1er juillet 1983.

3        Auparavant, de 1974 à 1982, le requérant avait été salarié d’une banque française, la Société Générale. Durant cette période, il a versé des cotisations au régime obligatoire français d’assurance vieillesse, géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (ci-après la « CNAV »), et à un régime complémentaire spécifique à la profession bancaire, auprès de la Caisse de retraite de la Société Générale.

4        À partir du 1er janvier 1994, les opérations des régimes spécifiques à la profession bancaire ont été reprises par les régimes complémentaires d’assurance vieillesse de droit commun du secteur privé français, gérés respectivement par l’Association des régimes de retraite complémentaires (ci-après l’« ARRCO ») et l’Association générale des institutions de retraite des cadres (ci-après l’« AGIRC »), ainsi devenus compétents pour servir une retraite complémentaire au requérant au titre de ses droits à pension acquis de 1974 à 1982.

5        Le présent litige ne porte que sur les conditions de transfert, en 2005 et 2006, de ces droits au régime communautaire de pensions et le calcul des annuités de pension en résultant dans ce régime, à l’exclusion des droits acquis auprès de la CNAV, transférés en septembre 1997.

6        Après sa demande initiale de transfert, introduite le 10 novembre 1994, durant de longues années, en dépit du soutien de la Cour des comptes et des démarches de la Commission auprès des autorités françaises, le requérant n’a pu obtenir un quelconque transfert des droits à pension qu’il avait acquis auprès de la Caisse de retraite de la Société Générale. Les autorités gestionnaires de l’ARRCO et de l’AGIRC estimaient en effet que, en l’absence de versement de cotisations à leur profit par cette caisse de retraite, lors de la reprise des activités de celle-ci, elles n’étaient pas en mesure de verser un capital de rachat au régime communautaire de pensions.

7        Après de nombreuses démarches auprès de la Cour des comptes, de la Commission et des autorités françaises, le requérant a, par lettre du 25 août 2004, adressée à la Cour des comptes et dont il a envoyé copie à la Commission, réitéré sa demande de transfert.

8        Le 1er octobre 2004, le secrétaire général de la Cour des comptes a demandé à la Commission d’engager une procédure de manquement à l’encontre de la République française.

9        Par lettre du 27 octobre 2004, le cabinet du vice-président de la Commission chargé de l’administration a indiqué au requérant que l’entrée en vigueur du nouveau statut des fonctionnaires des Communautés européennes, à compter du 1er mai 2004, était de nature à « changer les données de façon significative », notamment en rendant caduc l’accord signé le 27 juillet 1992 entre le gouvernement français et les Communautés européennes, entré en vigueur en 1994 et relatif au transfert de droits à pension entre les principales caisses de retraite françaises et le régime communautaire de pension. Il ressortait en substance de cette lettre que, désormais, la Commission n’envisageait plus de passer de nouvel accord avec les autorités françaises, ce type d’accord ayant été, dans le passé, à l’origine de « rigidités malheureuses », et que les autorités françaises étaient sur le point de lever tous les obstacles à l’application des dispositions des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut, relatives au transfert des droits à pension.

10      Le 11 janvier 2005, le directeur des ressources humaines de la Cour des comptes, se référant à la prise de position ainsi exprimée par la Commission, a répondu au requérant qu’il était raisonnable d’espérer que son dossier pourrait trouver une issue favorable dans un avenir proche.

11      Le 6 mars 2005, le requérant a formé une réclamation, estimant qu’aucune réponse satisfaisante n’avait été apportée à sa lettre du 25 août 2004.

12      Par lettre du 28 juin 2005, le secrétaire général de la Cour des comptes a rejeté cette réclamation, précisant au requérant que son dossier était en cours de traitement par l’ARRCO et que celle-ci allait, dans un délai raisonnable, lui adresser une proposition de transfert de ses droits à pension acquis de 1974 à 1982.

13      Auparavant, le 21 juin 2005, le requérant avait présenté une demande de mise à la retraite anticipée sans réduction de ses droits à pension, sur le fondement de l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Le 7 juillet 2005, il a demandé au secrétaire général de la Cour des comptes de lui communiquer une évaluation du montant de sa pension et son mode de calcul.

14      Par décision du chef de la division des ressources humaines de la Cour des comptes, du 25 juillet 2005, le requérant a été mis à la retraite avec effet au 31 août suivant et admis au bénéfice d’une pension d’ancienneté, sans réduction de ses droits à pension, à compter du 1er septembre 2005.

15      Le requérant a contesté cette décision, par une note du 5 août 2005, dans laquelle il a indiqué au secrétaire général de la Cour des comptes qu’il avait subordonné son départ à la retraite au règlement du problème relatif au transfert de ses droits à pension et qu’il était disposé à accepter un report de son départ à la retraite au 1er janvier 2006 si ce problème trouvait une solution en 2005. Ce même 5 août 2005, il a adressé une plainte au Médiateur européen.

16      Tenant compte du souhait du requérant, la Cour des comptes a reporté au 1er janvier 2006 la date de sa mise à la retraite et celle de l’entrée en jouissance de sa pension, afin de permettre la prise en compte, dans le calcul de cette pension, des droits que l’ARRCO et l’AGIRC étaient sur le point de transférer au régime communautaire.

17      Le 7 octobre 2005, l’AGIRC a informé la Commission du montant du forfait de rachat transférable au profit du requérant. Le 14 novembre 2005, l’ARRCO a procédé à la même démarche en ce qui la concernait.

18      Par deux notes du 6 décembre 2005, concernant les droits acquis auprès de l’ARRCO et de l’AGIRC, le chef de la division des ressources humaines de la Cour des comptes a transmis au requérant les propositions de bonification d’annuités de pension à laquelle le montant des forfaits de rachat transférables lui donnerait droit, respectivement un an, six mois et trois jours et deux ans, deux mois et sept jours (ci-après les « notes du 6 décembre 2005 »).

19      Par note du 7 décembre 2005, le requérant a accusé réception de ces propositions de transfert de droits à pension et, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, a introduit une réclamation à leur encontre. Dans cette réclamation, il faisait valoir, notamment, que la bonification d’annuités de pension proposée dans lesdites notes était nettement inférieure à celle qu’il attendait, laquelle serait supérieure à dix années. Selon lui, la bonification proposée résultait de ce que la Cour des comptes aurait, à tort, déduit du montant transférable un intérêt simple annuel de 3,5 %, pour la période allant de la date de titularisation à la date du transfert effectif, en application de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, de la décision 92/38 de la Cour des comptes portant dispositions générales d’exécution de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après les « DGE »). Cette disposition n’aurait pas dû s’appliquer en l’espèce. En effet, le second alinéa de l’article 4, paragraphe 2, des DGE aurait prévu que cet intérêt « n’est pas déduit pour les périodes durant lesquelles le montant transférable n’a pas été revalorisé ou majoré d’intérêts par la caisse de pension dont relevait l’intéressé avant l’entrée en service des Communautés ». Or, les montants transférés par l’ARRCO et l’AGIRC n’auraient pas été revalorisés ni majorés d’intérêts.

20      Le 9 décembre 2005, la Cour des comptes a adressé à l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels de la Commission l’avis de fixation de la pension d’ancienneté du requérant. Cet avis ne prenait en considération que la bonification d’annuités résultant des droits transférés par la CNAV.

21      Par lettre du 27 janvier 2006, le président de la Cour des comptes a transmis au Médiateur ses observations sur la plainte déposée par le requérant.

22      Le 17 février 2006, l’autorité investie, au sein de la Cour des comptes, du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation introduite le 7 décembre 2005, aux motifs, d’une part, que, en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice, les modalités de calcul par les caisses de retraite nationales des montants transférés ne relevaient que de la compétence des autorités nationales et, d’autre part, que la Cour des comptes avait fait une exacte application de la règle de déduction d’intérêt énoncée à l’article 4, paragraphe 2, des DGE, l’ARRCO et l’AGIRC actualisant les montants concernés.

23      Par lettre du 27 mars 2006, le requérant a sollicité du vice-président de la Commission chargé de l’administration qu’il prenne position sur la légalité, au regard du droit communautaire, des modalités de calcul des montants de droits à pension transférables proposés à la Commission par l’ARRCO et l’AGIRC, contestant par ailleurs que ces montants aient été revalorisés à hauteur de 3,5 % depuis la date de sa titularisation, en 1983.

24      Par lettre du 18 mai 2006, que le requérant soutient avoir reçue à son domicile le 27 mai suivant, le vice-président de la Commission chargé de l’administration a répondu à celui-ci, notamment, que, depuis le 1er mai 2004, date d’entrée en vigueur du statut, il était exigé que le capital transféré soit actualisé jusqu’à la date du transfert effectif et que la Commission ne cessait d’intervenir auprès des caisses de pension pour leur signaler cette nouvelle règle. L’ARRCO aurait d’ailleurs confirmé à la Commission, par lettre du 17 mars 2006, que le capital représentant les droits à pension était calculé sur la base du salaire de référence en vigueur à la date du transfert effectif. Le vice-président de la Commission a également rappelé au requérant, comme l’AIPN l’avait fait antérieurement, qu’il relevait de la compétence exclusive du régime de pension national de déterminer le montant représentatif des droits à pension à transférer, et a conclu que « sur base des informations en sa possession, la Commission ne [pouvait] que constater que les modalités de calcul du montant transférable par l’ARRCO et l’AGIRC [étaient] conformes aux nouvelles dispositions statutaires et que [la jurisprudence] ne lui permet[tait] pas de contester la méthode d’actualisation retenue par ces régimes ».

25      Par note du 16 août 2006, le requérant a présenté une nouvelle réclamation, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, adressée à l’AIPN, tendant à l’obtention d’une bonification globale d’annuités de pension de dix ans, trois mois et vingt-quatre jours et à ce que la Cour des comptes l’indemnise du préjudice subi du fait du retard et des difficultés de traitement de son dossier. Dans cette réclamation, il soutenait que les notes du 6 décembre 2005 n’étaient que des propositions de transfert de droits à pension et qu’elles n’étaient devenues définitives que par la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006. Le délai de réclamation de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut n’aurait donc couru qu’à partir du 27 mai 2006, date de réception de ladite lettre du 18 mai 2006.

26      Le 23 novembre 2006, l’AIPN a rejeté cette réclamation comme irrecevable, l’analysant comme dirigée contre les notes du 6 décembre 2005. L’AIPN a considéré que ces notes étaient des actes faisant grief, devenues définitives dès leur transmission au requérant, le 7 décembre 2005, et non à compter de la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006 et que, dans ces conditions, la réclamation du requérant avait été introduite largement en dehors du délai statutaire.

 Procédure et conclusions des parties

27      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 23 novembre 2006 par laquelle l’AIPN a rejeté sa réclamation ainsi que la décision du vice-président de la Commission du 18 mai 2006 ;

–        en conséquence, lui reconnaître une bonification d’annuités de pension complémentaire de six ans, dix mois et un jour, soit une bonification globale d’annuités de pension de dix ans, trois mois et vingt-quatre jours ;

–        condamner la Cour des comptes à traduire cette bonification d’annuités en un complément de pension mensuelle de 1 232,32 euros ;

–        condamner la Cour des comptes à réparer le préjudice financier qu’il a subi, évalué, au jour du dépôt de la requête, à la somme de 17 252,48 euros, correspondant à un manque à gagner de 1 232,32 euros mensuels pour la période du 1er janvier 2006 au 1er mars 2007 ;

–        condamner la Cour des comptes à réparer le préjudice moral qu’il a subi durant plus de treize ans, le montant des dommages et intérêts étant à déterminer ultérieurement à l’amiable entre les parties ;

–        condamner la Cour des comptes aux dépens.

28      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2007, la Cour des comptes a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier. Dans cette exception, la Cour des comptes conclut à ce que le recours soit rejeté comme manifestement irrecevable et à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit.

29      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 juillet 2007, le requérant a fait part de ses observations sur cette exception d’irrecevabilité.

 En droit

 Observations préalables

30      Le requérant a indiqué au Tribunal, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Cour des comptes, que les propositions de transfert que celle-ci lui a soumises par notes du 10 mai 2007 ont « remplacé » celles qui lui avaient été faites par les notes du 6 décembre 2005. Cette indication n’est cependant pas de nature à rendre le recours sans objet, ce que le requérant ne soutient d’ailleurs pas. En effet, à supposer même que le recours puisse être analysé comme visant, au moins indirectement, les notes du 6 décembre 2005, sur lesquelles la Cour des comptes s’est fondée pour fixer les droits à pension du requérant, il tend à l’annulation d’autres décisions, en particulier de la décision du vice-président de la Commission du 18 mai 2006. En outre, il est assorti de conclusions tendant à la réparation du préjudice moral qu’aurait subi le requérant, du fait du règlement tardif de son dossier de transfert de droits à pension.

31      Il y a donc lieu de statuer sur le recours.

 Sur la recevabilité

32      Conformément à l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur la demande est orale, sauf décision contraire de ce dernier. En l’espèce, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces produites par les parties, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale ni de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

33      Par ailleurs, étant saisi d’une exception de la Cour des comptes présentée par acte séparé, l’invitant à se prononcer directement sur la recevabilité sans engager le débat au fond, le Tribunal estime, compte tenu de la clarté des pièces du dossier et des motifs d’irrecevabilité invoqués par la Cour des comptes, qu’il n’y a pas lieu d’examiner d’abord les moyens du recours et de réserver l’examen de sa recevabilité. Il ne peut donc être fait droit, dans le présent litige, à la demande du requérant, présentée dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, tendant à ce que le Tribunal apprécie si, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le recours devrait, en tout état de cause, être rejeté au fond, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

 Sur les conclusions à fin d’annulation

34      En premier lieu, il convient de déterminer à l’encontre de quelles décisions le recours est dirigé.

35      Il y a lieu de rappeler que, même formellement dirigé contre la décision rejetant la réclamation du requérant, le recours a pour effet de saisir le Tribunal de la décision contre laquelle la réclamation a été présentée. Le recours doit donc être considéré comme dirigé contre ladite décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8).

36      En l’espèce, contrairement à ce que le requérant soutient, en particulier dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, il ressort des termes de la réclamation du 16 août 2006 qu’il ne s’est pas borné à contester la légalité de la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006. Il a également entendu remettre en cause la légalité des notes du 6 décembre 2005.

37      En effet, d’une part, le requérant a soutenu dans sa réclamation du 16 août 2006 que ce n’est qu’à compter de la prise de position de la Commission, institution ayant des responsabilités spécifiques en matière de transfert de droits à pension, qu’il aurait acquis la certitude qu’aucune démarche ne serait plus effectuée par les autorités communautaires en vue de satisfaire sa demande de transfert. Le requérant prétend que la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006 aurait donné un caractère définitif aux notes du 6 décembre 2005, qui n’auraient constitué avant ce 18 mai 2006 que des propositions de décisions. Le requérant a ainsi établi un lien entre ladite lettre et ces notes, en considérant que celles-ci n’avaient acquis la nature d’acte faisant grief qu’au moment de la réponse de la Commission à sa lettre du 27 mars 2006. La circonstance que la réclamation n’a été introduite que le 16 août 2006, après l’expiration du délai de réclamation ouvert à l’encontre desdites notes du 6 décembre 2005, n’est donc pas de nature à démontrer que le requérant avait renoncé à contester lesdites notes.

38      D’autre part, force est de constater que la réclamation a été introduite auprès de la Cour des comptes et contient d’amples développements relatifs aux diverses illégalités qu’aurait commises cette institution dans le traitement de la situation du requérant, notamment en adoptant les notes du 6 décembre 2005.

39      Par ailleurs, indépendamment même de l’argumentation du requérant, il convient de relever que tant la Cour des comptes, institution au sein de laquelle celui-ci a exercé ses fonctions, que la Commission ont été conduites à connaître de la demande de transfert des droits à pension du requérant et sont intervenues dans le traitement de sa situation administrative. Comme l’indique à juste titre le requérant et ainsi que l’a admis la Cour des comptes au point 10 de sa réponse à la réclamation du 16 août 2006, la Commission a des responsabilités particulières dans les procédures de transfert de droits à pension, en qualité d’interlocutrice des autorités nationales. Elle est notamment chargée de veiller au respect des règles applicables aux transferts par lesdites autorités et ses services sont destinataires des montants transférés par les caisses de retraite nationales. Les faits du présent litige, tels qu’ils sont exposés dans la présente ordonnance, démontrent que la Commission a été partie prenante du dossier de transfert des droits à pension du requérant. Le vice-président de la Commission, en analysant les arguments du requérant, n’a d’ailleurs nullement laissé penser, dans la lettre du 18 mai 2006, que ce dernier se serait adressé à une institution incompétente pour connaître des aspects communautaires de sa demande de transfert.

40      Il résulte de ce qui précède que la réclamation doit être analysée comme dirigée à la fois contre la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006 et les notes du 6 décembre 2005.

41      En deuxième lieu, en ce qui concerne les conclusions dirigées contre la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006, force est de constater d’emblée, ainsi que le fait valoir à juste titre la Cour des Comptes dans son exception d’irrecevabilité, et sans qu’il soit besoin d’examiner si ladite lettre constitue un acte faisant grief ni si elle présente un caractère confirmatif des notes du 6 décembre 2005, que la réclamation dirigée contre ladite lettre a été adressée à une autre autorité que celle dont cet acte émane.

42      Pour contester le contenu de la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006, dont il soutient qu’elle lui fait grief, le requérant s’est en effet tourné vers la Cour des comptes, et non vers la Commission. Or, si la Cour des comptes, en qualité d’AIPN, avait compétence pour statuer sur le bien-fondé de la réclamation en tant que cette dernière visait la légalité de ses actes ou les conséquences dommageables de ses agissements, elle n’avait aucun titre à se prononcer sur la légalité d’un acte adopté par la Commission (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, points 31 à 33). Dans sa réponse à la réclamation du 16 août 2006, l’AIPN a ainsi indiqué, au point 7, que ladite réclamation ne pouvait être interprétée « qu’en ce sens qu’elle [était] dirigée exclusivement contre les propositions de transfert de droits à pension que la Cour [des comptes] [avait] faites [au requérant] le 6 décembre 2005 ». L’AIPN s’est ensuite bornée à écarter la thèse du requérant selon laquelle la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006 aurait donné un caractère définitif aux notes du 6 décembre 2005 et à en tirer la conséquence que la réclamation formée à l’encontre desdites notes était tardive.

43      Le recours, en tant qu’il est dirigé contre la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006, n’a donc pas été précédé d’une réclamation préalable, invitant l’auteur de cet acte à se prononcer sur les griefs formés à l’encontre dudit acte. Or, cette exigence, à laquelle l’article 91, paragraphe 3, du statut subordonne la recevabilité d’un recours, est requise par ledit statut notamment afin de permettre et favoriser un règlement amiable du différend entre le fonctionnaire et l’administration. Par ailleurs, le présent litige ne se rattache à aucune des hypothèses dans lesquelles la jurisprudence a admis que l’absence de réclamation préalable ne constituait pas un obstacle à la recevabilité d’un recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 janvier 1985, Pasquali-Gherardi/Parlement, 168/83, Rec. p. 83, point 11).

44      Certes, en disposant qu’un recours n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation, l’article 91, paragraphe 2, du statut paraît exiger du fonctionnaire qu’il adresse sa réclamation, dans tous les cas, à l’AIPN de l’institution qui l’emploie.

45      Toutefois, cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant, dans des circonstances telles que celles du présent litige, que l’AIPN d’une autre institution que celle qui a adopté l’acte litigieux se prononce sur la légalité de cet acte. Au contraire, il résulte de l’article 90, paragraphe 2, du statut, auquel l’article 91, paragraphe 2, du statut renvoie, que la réclamation doit être adressée à l’autorité qui a pris la décision litigieuse ou s’est abstenue de prendre une mesure imposée par le statut, en l’occurrence la Commission.

46      En outre, le requérant a lui-même insisté sur la nature d’acte faisant grief de la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006 et sur les compétences particulières de la Commission en matière de transfert de droits à pension. C’est après avoir formé une première réclamation devant l’AIPN, à l’encontre des notes du 6 décembre 2005, qu’il a choisi, au lieu d’introduire un recours contre le rejet de cette première réclamation, de saisir la Commission d’une demande tendant à ce que cette institution examine la conformité au droit communautaire des modalités de calcul des montants transférés par l’ARRCO et l’AGIRC. Il ne saurait donc être regardé comme ayant eu des difficultés particulières à déterminer à quelle institution il devait adresser sa réclamation après l’introduction de cette demande (voir, en ce sens, a contrario, arrêt de la Cour du 30 septembre 1975, Asmussen e.a./Commission et Conseil, 50/74, Rec. p. 1003, points 15 à 17). Le requérant ne prétend d’ailleurs pas avoir été confronté à de telles difficultés.

47      Dans ces conditions, le recours, en tant qu’il est dirigé contre la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006, n’a, en tout état de cause, pas été précédé d’une procédure de réclamation régulière.

48      En troisième et dernier lieu, en ce qui concerne les conclusions dirigées contre les notes du 6 décembre 2005, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, s’ils sont respectés. Ces délais répondent à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, point 18, et du 29 juin 2000, Politi/ETF, C‑154/99 P, Rec. p. I‑5019, point 15 ; ordonnance du Tribunal du 15 mai 2006, Schmit/Commission, F‑3/05, RecFP p. I‑A‑1‑9 et II‑A‑1‑33, point 24).

49      Ainsi que l’a souligné à juste titre l’AIPN dans sa réponse à la réclamation du 16 août 2006, les notes du 6 décembre 2005 ont fait l’objet d’une réclamation que ladite AIPN a explicitement rejetée, par décision du 17 février 2006. Le requérant a indiqué à la Commission, dans sa lettre du 27 mars 2006, qu’il avait reçu ladite décision de l’AIPN le 25 février 2006 et que « [cette] réponse […] détermin[ait] le moment ultime où [il pouvait] saisir le juge communautaire ». Le requérant était donc pleinement conscient de ce que la prise de position de l’AIPN avait déclenché le délai de recours.

50      Or, le recours n’a été enregistré au greffe du Tribunal que le 23 février 2007, bien au-delà du délai de trois mois, fixé par l’article 91, paragraphe 3, du statut, qui a couru à compter du 25 février 2006.

51      Le requérant fait vainement valoir à cet égard que les notes du 6 décembre 2005 n’auraient acquis un caractère définitif qu’à compter de la lettre du vice-président de la Commission du 18 mai 2006.

52      En effet, ces notes avaient bien pour objet d’indiquer au requérant quelle bonification d’annuités serait retenue par la Cour des comptes au titre des droits transférés. Ces notes constituaient bien des actes à caractère unilatéral, n’appelant aucune autre mesure de la part de l’institution compétente et faisant grief au requérant. Ce dernier l’a d’ailleurs reconnu lorsqu’il a présenté sa première réclamation à la Cour des comptes, le 7 décembre 2005, dans laquelle il a indiqué que « [cette] proposition constituant un acte [lui] faisant grief car elle a[vait] pour effet de diminuer abusivement les annuités de pension reconnues […], [il introduisait] donc réclamation dans les formes prévues à l’article 90, [paragraphe] 2, du statut ».

53      S’il est vrai que les modalités d’entrée en vigueur des propositions de transfert de droits à pension sont atypiques (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 janvier 2007, Genette/Commission, F‑92/05, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 55), cela n’affecte pas les conditions dans lesquelles un fonctionnaire qui s’estime insatisfait de la bonification proposée peut contester ces décisions, en formant une réclamation puis, le cas échéant, un recours, dans les conditions prévues par les articles 90 et 91 du statut (voir, par exemple, ordonnance du Tribunal de première instance du 26 novembre 2003, Mc Bryan/Commission, T‑96/02, RecFP p. I‑A‑305 et II‑1449, points 18 à 20 ; arrêt du Tribunal du 14 novembre 2006, Chatziioannidou/Commission, F‑100/05, RecFP p. I‑A‑1‑129 et II‑A‑1‑487, points 15 et 16, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑20/07 P). Si la thèse du requérant, selon laquelle les propositions de transfert ne pourraient pas constituer des décisions faisant grief, était admise, de tels actes seraient, en tant que tels, insusceptibles de contestation contentieuse ou, à tout le moins, ne pourraient faire l’objet d’une réclamation et d’un recours qu’à la suite de l’adoption d’une décision postérieure, à une date indéterminée et émanant d’une autorité autre que l’AIPN. Cette analyse ne serait respectueuse ni du droit des fonctionnaires à une protection juridictionnelle effective ni des exigences de sécurité juridique inhérentes aux règles de délais énoncées par le statut.

54      Quant à l’argument du requérant, tiré de ce que le remplacement des notes du 6 décembre 2005 par les nouvelles propositions de transfert contenues dans les notes du 10 mai 2007 démontrerait que ces premières propositions ne pouvaient être considérées comme définitives, il ne peut être retenu. En effet, la circonstance que l’administration retire une de ses propositions de transfert pour lui en substituer une autre n’est en rien susceptible d’établir que la proposition retirée n’était pas un acte faisant grief, opposable à son destinataire, et à l’encontre duquel celui-ci devait user des voies de recours prévues par les articles 90 et 91 du statut.

55      Par conséquent, le recours, en tant qu’il est dirigé à l’encontre des notes du 6 décembre 2005, a été tardivement introduit.

56      Dès lors, les conclusions à fin d’annulation doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions indemnitaires

57      En premier lieu, il y a lieu de constater que le requérant demande la réparation du préjudice financier résultant directement des illégalités dont seraient entachées les décisions attaquées.

58      À cet égard, il suffit de constater que la demande indemnitaire est étroitement liée aux chefs de conclusions tendant à l’annulation des décisions attaquées. Dès lors que ces conclusions sont irrecevables, ladite demande doit, par voie de conséquence, être déclarée irrecevable (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, RecFP p. I‑A‑75 et II‑341, points 117 et 118, et la jurisprudence citée).

59      Doivent donc être rejetées les conclusions tendant à la reconnaissance d’une bonification d’annuités de pension complémentaire de six ans, dix mois et un jour, à ce que la Cour des comptes traduise cette bonification d’annuités en un complément de pension mensuelle pour le requérant de 1 232,32 euros et à ce que Cour des comptes soit condamnée à verser la somme de 17 252,48 euros, correspondant à un manque à gagner de 1232,32 euros mensuels pour la période du 1er janvier 2006 au 1er mars 2007.

60      En second lieu, le requérant entend voir la Cour des comptes condamnée à réparer le préjudice moral qu’il aurait subi durant plus de treize ans, le montant des dommages et intérêts étant, selon lui, à déterminer ultérieurement à l’amiable entre les parties.

61      Toutefois, de telles conclusions ne tendent pas à obtenir réparation d’un préjudice résultant d’un acte dont l’annulation serait demandée, comme les conclusions précédemment écartées, mais d’un préjudice causé par diverses fautes et omissions prétendument commises par l’administration. Dès lors, la procédure administrative précédant leur introduction devait impérativement débuter par une demande du requérant, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, invitant l’AIPN à réparer cet autre préjudice (voir, en ce sens, par exemple, arrêts du Tribunal de première instance du 13 juillet 1993, Moat/Commission, T‑20/92, Rec. p. II‑799, point 47, et du 28 janvier 2003, F/Cour des comptes, T‑138/01, RecFP p. I‑A‑25 et II‑137, point 57).

62      Or, il ne ressort d’aucune des pièces du dossier que le requérant aurait présenté une telle demande à l’administration. Ce n’est qu’au stade de sa réclamation du 16 août 2006 qu’il a sollicité réparation de ce chef de préjudice. Dès lors, les conclusions tendant à la condamnation de la Cour des comptes à ce titre sont irrecevables.

63      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

64      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (précité, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

65      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 10 octobre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.