Language of document : ECLI:EU:F:2008:27

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

6 mars 2008 (*)

« Fonction publique – Ancien agent temporaire – Recours – Recours en indemnité – Non-renouvellement de contrat à durée déterminée – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑55/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Giuseppe Tiralongo, ancien agent temporaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Ladispoli (Italie), représenté par Mes F. et R. Sciaudone et S. Frazzani, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme M. Velardo, en qualité d’agents, assistés par Me S. Corongiu, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni, (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 30 mai 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 1er juin suivant), M. Tiralongo demande, notamment, la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi et découlant d’une série de comportements illicites dont la Commission se serait rendue coupable dans le cadre du renouvellement de son contrat.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 2 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA ») :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :

a)      l’agent engagé en vue d’occuper un emploi compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution et auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire ;

[…] »

3        L’article 8, paragraphe 1, du RAA dispose :

« L’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, [sous] a), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Le contrat de cet agent engagé pour une durée déterminée ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée déterminée. Tout renouvellement ultérieur de cet engagement devient à durée indéterminée. »

4        Il résulte de l’article 2 de la décision de la Commission, du 28 avril 2004, relative à une nouvelle politique en matière d’engagement et d’emploi des agents temporaires (publiée aux Informations administratives n° 74-2004 du 23 juin 2004, ci-après la « décision de la Commission relative aux agents temporaires ») que la durée maximale d’engagement des agents temporaires est fixée à six ans.

5        L’article 2 de la décision de la Commission, du 28 avril 2004, relative à la durée maximale du recours au personnel non permanent dans les services de la Commission (publiée aux Informations administratives n° 75-2004 du 24 juin 2004, ci-après la « décision de la Commission relative au personnel non permanent ») précise que cette durée maximale est calculée sur une période de douze ans. L’article 3, paragraphe 1, de ladite décision dispose, à sa première phrase, que « la durée totale cumulée de prestation de services d’un agent non permanent, tous types de contrats ou d’affectations confondus, est limitée à six années décomptées sur une période de douze ans ».

6        En vertu de l’article 1er, second alinéa, de la décision de la Commission relative aux agents temporaires, cette décision ne s’applique pas, compte tenu de la situation particulière de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), à l’engagement des agents temporaires pour cet office, dont la politique sera définie dans une décision distincte. De même, l’article 3, paragraphe 1, de la décision de la Commission relative au personnel non permanent prévoit, à sa seconde phrase, que le « personnel temporaire engagé par l’OLAF peut y exercer pendant une période plus longue dont la durée sera fixée dans une décision distincte ».

7        Le directeur général de l’OLAF a adopté, le 30 juin 2005, la « décision distincte » applicable au personnel de l’Office, visée par les deux décisions susmentionnées de la Commission (ci-après la « décision relative au personnel non permanent de l’OLAF »). L’article 4 de cette décision fixe la durée maximale d’engagement des agents temporaires à huit ans, calculés sur une période de seize ans. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de ladite décision, les agents qui, au 30 avril 2004, à la veille de l’entrée en vigueur de la décision de la Commission relative au personnel non permanent, étaient titulaires d’un contrat d’agent temporaire occupant les emplois visés à l’article 2, sous a), du RAA et qui avaient déjà bénéficié à cette date d’une prorogation de ce contrat, pouvaient bénéficier d’une extension de cette prorogation dans la limite des huit ans de service prévus selon l’intérêt du service.

 Faits à l’origine du litige

8        Le requérant, qui était à l’origine fonctionnaire de l’administration italienne des douanes, a été employé, pour une période de trois ans à compter de novembre 1996, par l’Unité de coordination de la lutte antifraude, devenue l’OLAF en juin 1999, en qualité d’expert national détaché.

9        L’OLAF a ensuite employé le requérant en qualité d’agent auxiliaire, sur la base d’un contrat d’un mois, du 1er au 30 novembre 1999, contrat qui a été prorogé à plusieurs reprises, sur demande des supérieurs hiérarchiques du requérant, initialement jusqu’au 31 décembre 1999, puis jusqu’au 31 mars 2000, ensuite jusqu’au 31 octobre 2000, et enfin jusqu’au 31 décembre 2000.

10      Par lettre du 22 février 2001, le requérant s’est vu proposer un contrat d’agent temporaire, au titre de l’article 2, sous a), du RAA, d’une durée d’un an et huit mois et demi, courant à compter du 16 février 2001. Par décision du directeur général de l’OLAF, ce contrat, qui venait à expiration le 31 octobre 2002, a été prorogé de deux ans, jusqu’au 31 octobre 2004.

11      Le 3 février 2003, le directeur général de l’OLAF a décidé de créer une « Temporary Task Force Recovery » (« Groupe de travail temporaire ‘Recouvrement’ », ci-après la « TTFR »), et de nommer le requérant auditeur au sein de celle-ci. Le 20 juillet 2004, ledit directeur général a décidé, au vu de la nécessité de poursuivre l’activité de la TTFR, de prolonger sa mission jusqu’au 31 décembre 2006. Au point 6 de la décision du 20 juillet 2004, le directeur général désignait le requérant comme l’un des auditeurs de l’OLAF dans la TTFR, en précisant que ces auditeurs y travailleraient à plein temps pendant la durée de la TTFR.

12      Le 11 octobre 2004, à l’approche de l’échéance de son contrat, le requérant a envoyé un courriel à l’OLAF dans lequel il a fait valoir que ses fonctions auprès de la TTFR justifiaient la prorogation de son contrat jusqu’au 31 décembre 2006, soit la date fixée pour la fin de la mission de la TTFR. Suite à ce courriel et à la demande des supérieurs hiérarchiques du requérant, satisfaits de l’excellence de ses services, le directeur général de l’OLAF a, par décision du 3 novembre 2004, prorogé le contrat d’agent temporaire du requérant jusqu’au 30 avril 2005.

13      Par lettres du 2 février 2005, adressée au directeur général de l’OLAF, et du 14 février 2005, adressée notamment au vice-président de la Commission chargé de l’administration, de l’audit et de la lutte antifraude, le requérant a contesté la durée de la prorogation ainsi accordée, en indiquant qu’il avait pensé, sur la base de la décision du directeur général de l’OLAF du 20 juillet 2004, que son contrat aurait été prorogé jusqu’au 31 décembre 2006, date prévue pour la fin des missions de la TTFR.

14      Le directeur général de l’OLAF a répondu à ces deux courriers par lettre du 22 mars 2005, dans laquelle il a notamment affirmé que le requérant avait été clairement informé par le service du personnel de l’OLAF, lors de la dernière prorogation de son contrat, qu’il ne serait pas possible de proroger son engagement au-delà du 30 avril 2005, date à laquelle la durée totale de son service atteindrait le maximum de huit années autorisé par l’OLAF. Dans la même lettre, le directeur général précisait que l’argument du requérant tiré de la décision du 20 juillet 2004 relative à la durée de la mission de la TTFR ne pouvait être accueilli, l’affectation du requérant au sein de la TTFR n’ayant emporté aucune prorogation de son contrat.

15      Le requérant soutient que le contrat d’une de ses collègues, Mme D., placée dans la même situation que la sienne, aurait été prorogé. La Commission ne conteste pas que le contrat de Mme D. ait été prorogé mais explique que la situation de celle-ci différait à plusieurs égards de celle du requérant.

16      Après avoir quitté ses fonctions et réintégré l’administration italienne des douanes, le requérant a, par lettre du 18 octobre 2005, sollicité sa réintégration dans l’emploi qu’il occupait auprès de l’OLAF, en invoquant notamment la décision relative au personnel non permanent de l’OLAF. Cette lettre était adressée au directeur général de l’OLAF, au président de la Commission, au vice-président de la Commission chargé de l’administration, de l’audit et de la lutte antifraude, au directeur général du service juridique de la Commission, au directeur général du personnel et de l’administration de la Commission, au secrétaire politique du syndicat des fonctionnaires européens (SFE), au représentant permanent de l’Italie auprès de l’Union européenne et, pour information, au Médiateur européen.

17      Par lettre du 19 décembre 2005, le directeur général de l’OLAF a rejeté cette demande, en estimant que la réintégration du requérant n’était pas juridiquement possible.

18      Le 7 novembre 2006 le requérant a présenté une demande d’indemnisation pour le préjudice subi en raison de décisions illégales prises par l’OLAF. Cette demande a été adressée au directeur général de l’OLAF, au président de la Commission, au vice-président de la Commission chargé de l’administration, de l’audit et de la lutte antifraude, au directeur général du personnel et de l’administration de la Commission et au directeur général du service juridique de la Commission.

19      Par lettre du 22 janvier 2007, l’OLAF a rejeté cette demande, au motif que le requérant n’avait pas, dans les trois mois suivant la notification de la décision du directeur général de l’OLAF du 19 décembre 2005, introduit de recours à l’encontre de cette dernière décision, et qu’il n’était donc plus recevable à introduire une demande en indemnité.

20      Par courrier du 13 mars 2007, adressé à nouveau au directeur général de l’OLAF, au président de la Commission, au vice-président de la Commission chargé de l’administration, de l’audit et de la lutte antifraude, au directeur général du personnel et de l’administration de la Commission et au directeur général du service juridique de la Commission, le requérant a contesté le rejet de ses prétentions indemnitaires. Cette contestation a été rejetée par une décision du directeur général de l’OLAF du 12 avril 2007.

 Conclusions des parties et procédure

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission au versement d’une somme de 460 000 euros, ou d’une autre somme que le Tribunal considérera équitable, à titre de réparation du préjudice matériel allégué ;

–        condamner la Commission au versement d’une somme de 100 000 euros, ou d’une autre somme que le Tribunal considérera équitable, à titre de réparation du préjudice moral allégué ;

–        ordonner à la Commission de fournir les informations et de produire les documents relatifs à l’embauche et aux renouvellements du contrat de Mme D. au sein de l’OLAF et assigner cette dernière à comparaître en qualité de témoin ;

–        adopter toutes les mesures d’organisation de la procédure et d’instruction nécessaires afin d’apprécier la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination commise par la Commission ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

23      Par lettre du 2 octobre 2007, le requérant a sollicité l’autorisation de répliquer, notamment, aux exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission. Le Tribunal n’a pas fait droit à la demande du requérant relative au dépôt d’un mémoire en réplique mais l’a invité, par lettre du greffe du 15 novembre 2007, à présenter ses observations sur lesdites exceptions. Le requérant a déféré à cette invitation par des observations parvenues au greffe le 28 novembre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 29 novembre suivant).

 En droit

24      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, adopté le 25 juillet 2007 (JO L 225, p. 1) et entré en vigueur le 1er novembre 2007, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

25      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur (voir arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55, et du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, non encore publié au Recueil, point 58). Néanmoins, il est de jurisprudence bien établie que la recevabilité d’un recours s’apprécie au moment de son introduction (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50/84, Rec. p. 3991, point 8 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 8 octobre 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R II, Rec. p. II‑2943, point 49).

26      Il résulte de ces considérations que si la règle énoncée à l’article 76 du règlement de procédure, selon laquelle le Tribunal peut, par ordonnance, rejeter un recours qui apparaît manifestement voué au rejet, est une règle de procédure, qui s’applique dès la date de son entrée en vigueur à tous les litiges pendants devant le Tribunal, il n’en va pas de même des règles de droit sur le fondement desquelles le Tribunal peut, en application de cet article, regarder un recours comme manifestement irrecevable. Ainsi, s’agissant, comme en l’espèce, des règles fixant les conditions de recevabilité de la requête, elles sont nécessairement celles, ainsi qu’il a été dit, qui étaient applicables à la date d’introduction de celle-ci.

27      Dans le présent litige, le recours a été introduit le 30 mai 2007. Or, à cette date, les règles fixant les conditions de recevabilité de la requête étaient celles auxquelles renvoyait l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7). En effet, ledit article 111 est la disposition qui, dans le règlement de procédure du Tribunal de première instance, correspond à l’article 76 du règlement de procédure.

28      Par conséquent, il y a lieu d’appliquer, d’une part, la règle de procédure visée par l’article 76 du règlement de procédure, et, d’autre part, les règles de recevabilité auxquelles renvoyait l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance (voir ordonnance du 11 décembre 2007, Martin Bermejo/Commission, F‑60/07, non encore publiée au Recueil, points 23 à 27).

29      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

30      Il est de jurisprudence constante que si un fonctionnaire peut agir par le moyen d’une action en responsabilité sans être astreint par aucun texte à poursuivre l’annulation de l’acte illégal qui lui cause préjudice, il ne saurait tourner par ce biais l’irrecevabilité d’une demande visant la même illégalité et tendant aux mêmes fins pécuniaires (arrêts de la Cour du 15 décembre 1966, Schreckenberg/Commission, 59/65, Rec. p. 785, 797, et du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 31 ; arrêt du Tribunal de première instance du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331, point 26). Une exception a ainsi été posée au principe de l’autonomie des voies de recours, lorsqu’un recours en indemnité a pour objet de permettre à son auteur d’obtenir le même résultat que celui que lui aurait procuré un recours en annulation qui aurait été introduit dans les délais.

31      Ainsi, un fonctionnaire qui a omis d’attaquer les actes lui faisant grief, en introduisant, en temps utile, un recours en annulation, ne saurait réparer cette omission et, dans un certain sens, se ménager de nouveaux délais de recours, par le biais d’une demande en indemnité (arrêts du Tribunal de première instance du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑27/90, Rec. p. II‑35, point 38, et du 13 juillet 1993, Moat/Commission, T‑20/92, Rec. p. II‑799, point 46 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 28 juin 2005, Ross/Commission, T‑147/04, RecFP p. I‑A‑171 et II‑771, point 48).

32      De même, il a été jugé qu’un fonctionnaire qui n’a pas attaqué en temps utile une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination lui faisant grief ne saurait se prévaloir de l’illégalité prétendue de cette décision dans le cadre d’un recours en responsabilité (arrêt de la Cour du 7 octobre 1987, Schina/Commission, 401/85, Rec. p. 3911, point 9 ; arrêt du Tribunal de première instance du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, point 144). Le Tribunal a jugé, dans le même sens, qu’un fonctionnaire qui souhaite introduire une action indemnitaire sur le fondement des illégalités dont un acte faisant grief serait entaché doit initier la procédure précontentieuse prévue par le statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dans les trois mois à compter de la notification de cet acte, en ce qui concerne tant le préjudice matériel que le préjudice moral (voir arrêt du Tribunal du 21 février 2008, Skoulidi/Commission, F‑4/07, non encore publié au Recueil, point 70).

33      Dans le présent litige, le requérant n’a contesté devant le juge communautaire, dans les délais requis par les articles 90 et 91 du statut, aucune des décisions du 3 novembre 2004, des 22 mars et 19 décembre 2005 par lesquelles l’OLAF a respectivement décidé de fixer au 30 avril 2005 la date d’expiration de son contrat, refusé de proroger la durée de celui-ci au-delà de cette date et rejeté la demande de réintégration de l’intéressé. Il soumet au Tribunal un recours en responsabilité qu’il présente comme autonome par rapport à un recours en annulation qu’il n’aurait plus été recevable à introduire en raison du dépassement des délais fixés par lesdits articles du statut.

34      Dans sa requête, comme dans ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission, le requérant soutient, pour démontrer que son recours serait recevable, que la jurisprudence rappelée aux points précédents ne serait pas pertinente. L’action en indemnité qu’il a engagée ne présenterait aucun lien avec une hypothétique action en annulation. Par son recours, le requérant ne chercherait nullement à obtenir sa réintégration dans les services de l’OLAF, où il ne pourrait plus exercer ses fonctions dans des conditions favorables, ni aucune sorte de reconstitution artificielle de carrière, ni même le bénéfice de la somme qu’il aurait obtenue si son contrat avait été prorogé jusqu’au 31 décembre 2006. La somme qu’il réclame en réparation du préjudice matériel qu’il invoque, bien que calculée en fonction de la rémunération qu’il aurait perçue en qualité d’agent temporaire jusqu’à cette date, ne serait présentée qu’à titre indicatif, cette rémunération devant s’entendre comme un simple paramètre de référence. En outre, l’existence de conclusions tendant à la réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi démontrerait que son action en indemnité est autonome par rapport à une éventuelle action en annulation qu’il aurait omis d’engager.

35      Ces arguments ne peuvent être accueillis.

36      En effet, il y a lieu de relever que les trois griefs articulés par le requérant dans sa requête pour établir l’illégalité du comportement de la Commission, illégalité qui constitue la première condition d’engagement de la responsabilité de cette dernière, à savoir la violation des dispositions relatives aux conditions d’engagement des agents temporaires par l’OLAF et de la jurisprudence communautaire pertinente, la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, sont tous trois directement liés à la légalité des trois décisions de l’OLAF mentionnées au point 33 de la présente ordonnance.

37      Il ressort ainsi des termes de la requête, même si, par celle-ci, le requérant ne cherche pas à obtenir sa réintégration dans les services de l’OLAF ni même une reconstitution de carrière, que le recours vise à réparer l’ensemble des conséquences dommageables résultant de l’illégalité commise par l’OLAF dans l’adoption des décisions mentionnées au point 33 de la présente ordonnance, que le dommage allégué soit matériel, consistant dans la perte des revenus que le requérant aurait perçus si ces décisions n’étaient pas intervenues, ou bien moral, consistant dans un état d’incertitude et de préoccupation quant à la suite de sa carrière lié aux mêmes actes prétendument illicites. Le fait que la somme sollicitée au titre du préjudice matériel soit calculée, même à titre indicatif, par référence aux traitements qu’aurait perçus le requérant si son éviction n’était pas illégalement intervenue, révèle que le préjudice dont la réparation est recherchée a pour origine l’illégalité prétendue des trois décisions susmentionnées.

38      Or, les trois décisions mentionnées au point 33 de la présente ordonnance, qui constituent indéniablement des actes faisant grief, n’ont fait l’objet, ainsi qu’il a été dit, d’aucun recours en annulation, de sorte qu’elles sont devenues définitives. Le requérant n’est donc plus recevable à invoquer l’illégalité dont ces décisions seraient entachées à l’appui de ses prétentions indemnitaires. Il n’invoque d’ailleurs aucun élément nouveau substantiel, postérieur à ces décisions, qui lui permettrait de faire valoir, en dehors des délais normalement fixés pour former une action en annulation, l’illégalité de celles-ci. Il n’allègue pas davantage qu’une circonstance particulière, par exemple celle tenant à l’impossibilité d’attaquer un acte purement préparatoire, aurait pu faire obstacle à une action en annulation qu’il aurait présentée en temps utile.

39      Si le requérant fait valoir qu’il n’aurait plus intérêt à demander aujourd’hui l’annulation des décisions par lesquelles il a été évincé de l’OLAF, cette circonstance, même à la supposer établie, ne permet pas d’établir qu’il aurait été dépourvu d’intérêt, dans les délais exigés par le statut, à contester la légalité desdites décisions ou empêché de le faire, et est donc sans incidence sur l’appréciation de la recevabilité du présent recours.

40      Certes, comme le fait valoir le requérant, le Tribunal de première instance a déjà reconnu la possibilité pour un fonctionnaire d’introduire une demande autonome de réparation du préjudice moral résultant d’un état d’incertitude et de préoccupation quant à son avenir professionnel (voir, en ce sens, arrêt Burban/Parlement, précité, points 27 et 28).

41      Toutefois, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Burban/Parlement, précité, à la différence du présent litige, le préjudice résultait pour le fonctionnaire concerné non pas de l’illégalité d’un acte lui faisant grief mais d’une faute de service, indépendante du contenu même d’un tel acte et constituée par le retard dans l’établissement de son rapport de notation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, Rec. p. 1743, point 11 ; arrêts du Tribunal de première instance du 1er décembre 1994, Ditterich/Commission, T‑79/92, RecFP p. I‑A‑289 et II‑907, point 66, et du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, non encore publié au Recueil, point 100). Dans un tel cas, dans lequel le bien-fondé des prétentions indemnitaires n’est pas lié à la constatation de l’illégalité d’un acte faisant grief, le recours en responsabilité peut revêtir un caractère pleinement autonome par rapport au recours en annulation.

42      Force est donc de constater que, par le biais du présent recours, ainsi que la Commission le soutient à juste titre, le requérant cherche à tourner l’irrecevabilité de l’action en annulation qu’il présenterait, en dehors des délais exigés, à l’encontre des décisions qui lui font grief et qui sont à l’origine des préjudices allégués.

43      Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction sollicitées par le requérant ni sur l’autre fin de non-recevoir soulevée par la Commission, que le recours ne peut qu’être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

44      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

45      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens

Fait à Luxembourg, le 6 mars 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’italien.