Language of document : ECLI:EU:F:2007:145

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

17 juillet 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Incidents de procédure – Exception d’irrecevabilité »

Dans l’affaire F‑141/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Marc Hartwig, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me T. Bontinck, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. J. F. De Wachter et Mme A. Lukosiute, en qualité d’agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Kraemer, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 11 décembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 18 décembre suivant), M. Hartwig demande l’annulation de la décision du Parlement européen, du 27 mars 2006, et de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 12 avril 2006, en ce qu’elles fixent son classement au grade B*3.

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant a été engagé, par contrat, comme agent temporaire de grade B*7 au sein de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), pour une période de trois années, courant du 1er mai 2003 au 30 avril 2006. Par décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats du 2 juin 2005, ce contrat a été prolongé jusqu’au 30 avril 2011.

3        Le requérant avait été lauréat du concours général PE/34/B, publié le 12 mars 2004 (JO C 64 A, p. 10), organisé par le Parlement, visant à constituer une liste d’aptitude servant de réserve de recrutement d’assistants adjoints de carrière B 5/B 4.

4        Le poste que le requérant occupait en qualité d’agent temporaire au sein de l’OLAF étant ouvert à la vacance pour un fonctionnaire de grade B, la Commission a, par lettre du 31 janvier 2006, demandé au Parlement de procéder au recrutement de l’intéressé, puis à son transfert dans ses services.

5        Faisant suite à cette demande, le Parlement a, par décision du 27 mars 2006, nommé le requérant fonctionnaire stagiaire au grade B*3, échelon 1, et l’a transféré à la Commission.

6        Par décision du 12 avril 2006, la Commission a nommé le requérant fonctionnaire au grade B*3, échelon 2, et l’a affecté auprès de l’OLAF, au sein de l’unité « Enquêtes internes », au même poste que celui qu’il occupait en qualité d’agent temporaire et pour y exercer les mêmes fonctions.

7        Le 26 juillet 2006, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci‑après le « statut »), contre la décision de la Commission du 12 avril 2006, en ce qu’elle fixe son classement au grade B*3.

8        Le 27 juillet 2006, le requérant a introduit une seconde réclamation, cette fois contre la décision du Parlement du 27 mars 2006. Cette réclamation a été transmise par voie électronique à l’adresse « julian.pristley@europarl.europa.eu ».

9        Les deux réclamations susmentionnées sont restées sans réponse de la part des autorités investies du pouvoir de nomination du Parlement et de la Commission. Cette dernière institution a néanmoins fait savoir au requérant qu’elle lui appliquerait la solution dégagée par le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans des litiges similaires et toujours pendants devant cette juridiction.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du Parlement, du 27 mars 2006, et la décision de la Commission, du 12 avril suivant, en ce qu’elles fixent son classement au grade B*3 ;

–        condamner les parties défenderesses à l’ensemble des dépens.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 24 janvier 2007, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

13      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre lui ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

14      La Commission et le requérant ont déposé leurs observations écrites sur l’exception d’irrecevabilité respectivement les 14 et 22 février 2007.

 Sur l’exception d’irrecevabilité

15      Aux termes de l’article 114, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, si une partie demande, par acte séparé, que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur la demande est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

16      En l’espèce, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces produites par les parties, le Tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’entendre ces dernières en leurs explications orales.

 Arguments des parties

17      Selon le Parlement, le recours en annulation est irrecevable en tant qu’il est dirigé contre lui du fait de l’absence de réclamation préalable contre la décision du 27 mars 2006, ce contrairement à la règle de l’article 91, paragraphe 2, premier tiret, du statut. La réclamation, qui aurait été adressée au Parlement par voie électronique, ne lui serait jamais parvenue en raison d’une erreur commise par le requérant dans le libellé de l’adresse du destinataire.

18      En effet, le Parlement européen observe que la réclamation a été envoyée à son secrétaire général à l’adresse « julian.pristley@europarl.europa.eu », alors que l’adresse exacte est « julian.priestley@europarl.europa.eu ».

19      À titre subsidiaire, le Parlement fait valoir, d’une part, qu’il ne ressort pas de la version imprimée du courrier électronique produite par le requérant qu’une réclamation y avait effectivement été jointe, un courrier électronique auquel une annexe est jointe portant normalement, dans son en-tête, la mention « pièce jointe » (« attachment »).

20      D’autre part, une réclamation introduite uniquement sous forme de courrier électronique ne pourrait être considérée comme valablement introduite dès lors qu’elle ne comporte par nature pas de signature manuscrite. Une telle signature serait, en effet, le seul moyen permettant de prouver que la réclamation émane effectivement du fonctionnaire intéressé ou de son avocat.

21      La Commission doute elle aussi de la recevabilité du recours à son encontre, étant donné que la décision prise par elle le 12 avril 2006 ne ferait que confirmer le grade fixé par le Parlement au moment du recrutement du requérant.

22      Le requérant soutient que, malgré l’erreur commise dans le libellé de l’adresse électronique du destinataire de la réclamation qu’il a adressée au Parlement, le courrier électronique est bien parvenu à cette institution.

23      À l’appui de cet argument, le requérant fait valoir qu’aucun message d’erreur n’a été adressé ni à lui-même ni à son conseil et que, dans l’hypothèse où l’orthographe d’un nom serait erronée, le courrier arriverait néanmoins sur le serveur de l’institution destinataire, à une adresse générique.

24      Le requérant a produit une version imprimée du courrier électronique du 27 juillet 2006 afin d’établir que sa réclamation avait effectivement été jointe audit courrier.

25      La réclamation ayant ainsi été valablement introduite, le recours serait recevable à l’encontre du Parlement.

 Appréciation du Tribunal

26      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, une réclamation ne doit pas revêtir de forme particulière. Il suffit qu’elle manifeste clairement et de façon précise la volonté du requérant d’attaquer une décision prise à son égard (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 31 mai 1988, Rousseau/Cour des comptes, 167/86, Rec. p. 2705, point 8, et du 14 juillet 1988, Aldinger et Virgili/Parlement, 23/87 et 24/87, Rec. p. 4395, point 13 ; du Tribunal de première instance du 16 février 2005, Reggimenti/Parlement, T‑354/03, RecFP p. I‑A‑33 et II‑147, point 43).

27      Ainsi, un acte, introduit par voie électronique et manifestant de façon non équivoque la volonté de son auteur d’attaquer une décision prise à son égard, doit être considéré comme une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

28      Il découle également de la jurisprudence qu’une réclamation est réputée introduite lorsqu’elle parvient à l’institution destinataire (arrêt du Tribunal de première instance du 25 septembre 1991, Lacroix/Commission, T‑54/90, Rec. p. II‑749, points 28 et 29 ; ordonnance du Tribunal du 15 mai 2006, Schmit/Commission, F‑3/05, non encore publiée au Recueil, point 28).

29      La question est, en l’espèce, de savoir si une réclamation envoyée à une adresse électronique inexacte, mais susceptible d’arriver sur le serveur général d’une institution, sans que l’expéditeur reçoive de message d’erreur, peut être réputée introduite conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

30      À cet égard, il y a lieu de considérer qu’un fonctionnaire diligent, qui choisit d’adresser sa réclamation par voie électronique, doit s’assurer de l’exactitude de l’adresse du destinataire et de la bonne réception du document, par exemple, en téléphonant à ce destinataire ou en lui demandant un document prouvant la réception du courrier électronique. Cette précaution élémentaire s’impose d’autant plus qu’il n’est pas établi que les techniques de communication, telles qu’elles sont utilisées à l’heure actuelle au sein des institutions, permettent de garantir, particulièrement lorsque les termes précédant l’arobase sont erronés ou inexacts, une redistribution systématique du document en cause à son destinataire ou, à tout le moins, l’envoi à l’expéditeur d’un message d’erreur sous forme de réponse automatique (« autoreply »).

31      L’argument du requérant selon lequel, même avec une erreur dans la première partie de l’adresse électronique, le courrier est stocké dans une boîte fonctionnelle du serveur général de l’institution concernée et est, ensuite, redistribué à son destinataire ne saurait être accueilli, dès lors que le Parlement conteste précisément que la réclamation soit effectivement parvenue à son destinataire et relève que ledit requérant n’a pas fourni de preuve à cet égard.

32      Il y a lieu, en conséquence, de considérer que le courrier électronique, auquel était prétendument annexée la réclamation, envoyé à une adresse électronique inexistante, n’est pas parvenu au Parlement dans les conditions fixées à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

33      Faute d’avoir respecté la procédure précontentieuse préalable, le recours doit être rejeté comme irrecevable en tant qu’il est introduit contre le Parlement.

34      Enfin, s’agissant du doute exprimé par la Commission quant à la recevabilité du recours à son égard, au motif que sa décision du 12 avril 2006 aurait un caractère confirmatif, il sera répondu à cet argument, qui ne fait pas partie de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement, dans le cadre de la décision mettant fin à la présente instance en tant qu’elle est dirigée contre la Commission.

 Sur les dépens

35      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

36      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, en tant qu’il dirigé contre le Parlement, il y a lieu de décider que cette dernière institution supporte ses propres dépens et que les autres parties supportent leurs propres dépens afférents à la procédure sur l’exception d’irrecevabilité, les dépens étant réservés pour le surplus.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le Parlement européen.

2)      Le Parlement européen supporte ses propres dépens.

3)      M. Hartwig et la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens afférents à la procédure sur l’exception d’irrecevabilité.

4)      Les dépens sont réservés pour le surplus.

Fait à Luxembourg, le 17 juillet 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.