Language of document : ECLI:EU:F:2007:161

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

18 septembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance maladie – Prise en charge de frais médicaux – Maladie grave – Comité de gestion – Expertise médicale »

Dans l’affaire F‑10/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Patricia Botos, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Meise (Belgique), représentée par Me L. Vogel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2007, Mme Botos demande l’annulation :

–        d’une part, de la décision du 30 octobre 2006 par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de la Commission des Communautés européennes a rejeté sa réclamation dirigée contre plusieurs décisions des autorités gestionnaires du régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes, lesquelles ont refusé de reconnaître son affection (syndrome de fatigue chronique) comme maladie grave ouvrant droit à un remboursement à 100 % des frais exposés et de rembourser certains frais d’analyse ainsi que le produit Lactase au-delà d’une quantité de dix boîtes par an ;

–        d’autre part, de ces décisions de refus.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») :

« Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d’une réglementation établie d’un commun accord par les institutions des Communautés après avis du comité du statut, le fonctionnaire, son conjoint […] sont couverts contre les risques de maladie. Ce taux est relevé à 85 % pour les prestations suivantes : consultations et visites, interventions chirurgicales, hospitalisation, produits pharmaceutiques, radiologie, analyses, examen de laboratoire et prothèses sur prescription médicale à l’exception des prothèses dentaires. Il est porté à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladie mentale et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’[AIPN], ainsi que pour les examens de dépistage et en cas d’accouchement. […] »

3        En vertu de l’article 72, paragraphe 2, du statut, le fonctionnaire titulaire d’une allocation d’invalidité bénéficie, après la cessation de ses fonctions, des dispositions prévues au paragraphe 1 de ce même article.

4        Aux fins de définir les conditions d’application de l’article 72 du statut, les institutions ont adopté une réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes. La version actuellement en vigueur de ladite réglementation (ci-après la « réglementation de couverture ») a été adoptée d’un commun accord par les institutions, constaté le 24 novembre 2005 par le président de la Cour de justice des Communautés européennes, à la suite des modifications du statut résultant du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1). Cette version a pris effet, en vertu de son article 55, le premier jour du mois suivant celui au cours duquel le commun accord susmentionné a été constaté, c’est-à-dire le 1er décembre 2005.

5        L’article 1er de la réglementation de couverture institue un régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (ci-après le « RCAM »).

6        L’article 20, paragraphe 6, de la réglementation de couverture prévoit :

« Conformément à l’article 72, paragraphe 1, du [s]tatut, les frais sont remboursés à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladies mentales et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’[AIPN] après avis du médecin-conseil du [b]ureau liquidateur.

Cet avis est émis sur la base des critères généraux fixés dans les dispositions générales d’exécution après consultation du [c]onseil médical.

[…] »

7        L’article 20, paragraphe 4, de la réglementation de couverture énonce :

« Les frais relatifs à des prestations non prévues par les dispositions générales d’exécution de la présente réglementation peuvent être remboursés à 80 % après avis du médecin-conseil du [b]ureau liquidateur. Cette information est portée régulièrement à la connaissance des affiliés. »

8        Selon l’article 27 de la réglementation de couverture, lorsque, en vertu de ladite réglementation, le remboursement des frais ne peut être effectué qu’après autorisation préalable, la décision est prise par l’AIPN ou par le bureau liquidateur désigné par celle-ci. La demande d’autorisation préalable, accompagnée d’une prescription et/ou d’un devis du dentiste ou du médecin traitant, est présentée par l’affilié au bureau liquidateur qui, le cas échéant, en saisit le dentiste-conseil ou le médecin-conseil. Dans ce cas, ce dernier transmet son avis au bureau liquidateur dans un délai de deux semaines. Le bureau liquidateur statue sur la demande s’il a été désigné à cet effet ou transmet son avis et, le cas échéant, celui du dentiste-conseil ou du médecin-conseil à l’AIPN pour décision. L’affilié est informé immédiatement de cette décision.

9        L’article 35, paragraphe 2, de la réglementation de couverture dispose :

« Avant de prendre une décision sur une réclamation introduite sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du [s]tatut, l’[AIPN] ou, selon le cas, le [c]onseil d’administration doit demander l’avis du [c]omité de [g]estion.

Celui-ci peut charger son président de prendre les mesures permettant d’obtenir un complément d’informations. Lorsque le conflit est d’ordre médical, le [c]omité de [g]estion peut, avant de se prononcer, demander l’avis d’un médecin expert. Les frais d’expertise sont à la charge du [r]égime commun.

Le [c]omité de [g]estion doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande d’avis. Cet avis est transmis simultanément à l’autorité et à l’intéressé.

À défaut d’avis du [c]omité de [g]estion dans ce délai, l’[AIPN] ou, selon le cas, le [c]onseil d’administration peut arrêter sa décision. »

10      Aux termes de l’article 41 de la réglementation de couverture :

« Le [c]omité de [g]estion est assisté d’un [c]onseil médical composé d’un médecin-conseil par institution et des médecins-conseils de chaque [b]ureau liquidateur.

Le [c]onseil médical peut être consulté par le [c]omité de [g]estion ou le [b]ureau central sur toute question de nature médicale qui se poserait dans le cadre du présent régime. […] »

11      Selon l’article 52 de la réglementation de couverture, les institutions délèguent à la Commission, en vertu de l’article 72, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut, la compétence pour fixer, par des dispositions générales d’exécution, après avis du comité de gestion et consultation du comité du statut, les règles régissant le remboursement des frais dans le but de sauvegarder l’équilibre financier du régime et dans le respect du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

12      L’article 54 de la réglementation de couverture prévoit, à son troisième alinéa, que dans l’attente de l’adoption des dispositions générales d’exécution par la Commission, toute référence aux dispositions générales d’exécution dans la réglementation de couverture doit être comprise comme visant les annexes à la réglementation précédemment en vigueur, modifiée en dernier lieu le 20 janvier 1999.

13      Les dispositions générales d’exécution prévues à l’article 52 de la réglementation de couverture ont été adoptées par la Commission (ci-après les « DGE »). Interrogée sur ce point à l’audience, la Commission n’a pu indiquer à quelle date ces DGE étaient entrées en vigueur.

14      Les DGE prévoient, à leur titre III, chapitre 5, point 1, que sont reconnues comme « autres maladies […] de gravité comparable par l’AIPN » les affections associant, à des degrés variables, les quatre critères de pronostic vital défavorable, d’évolution chronique, de nécessité de mesures diagnostiques et/ou thérapeutiques lourdes et de présence ou risque de handicap grave.

 Faits à l’origine du litige

15      La requérante, fonctionnaire de grade AST 3 de la Commission, en invalidité depuis le 1er avril 2007, souffre du syndrome de fatigue chronique (ci-après le « SFC »).

16      Le professeur M., médecin spécialiste, a diagnostiqué ce syndrome chez la requérante, ainsi qu’en atteste un compte rendu d’analyse daté du 3 janvier 2006 et transmis au médecin traitant de celle-ci, mais a néanmoins estimé que la définition du SFC était « dépassée par l’introduction de nouvelles techniques en médecine de laboratoire [et qu’une] déficience en fructase pourrait être la pathologie initiale sur laquelle [l’intéréssée avait] développé un ‘leaky gut syndrome’ ».

17      Par note du 13 janvier 2006 adressée au « médecin-conseil de la CE », la requérante a indiqué que le professeur M. avait diagnostiqué qu’elle souffrait d’un SFC, dont il résultait une allergie au lactose et une intolérance au fructose avec déficience en fructase. Elle a ainsi sollicité, en application de l’article 72, paragraphe 1, du statut, le remboursement à 100 % des frais médicaux engagés par elle au titre de ces affections, à savoir le remboursement d’analyses médicales réalisées en Belgique par deux laboratoires, RED Laboratories et Ategis, ainsi que le remboursement de deux consultations auprès du professeur M.

18      Par note du 23 janvier 2006 (ci-après la « première décision litigieuse »), signée par le docteur V. et portant l’en-tête de l’office de gestion et de liquidation des droits individuels (PMO), la requérante a été informée que son affection « n’entr[ait] pas dans le cadre des maladies graves ouvrant droit à un [remboursement à] 100 % » et que les analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis « n’[avaie]nt pas fait preuve de leur validité sur le plan scientifique et [n’étaient] pas remboursables par le RCAM suite à l’avis du [c]onseil [m]édical ». Dans la même note, le docteur V. précisait que les compléments alimentaires qui pourraient être prescrits à la requérante dans le cadre de son affection n’étaient pas enregistrés en tant que médicaments et ne seraient pas considérés comme remboursables par le RCAM.

19      Par note de ce même 23 janvier 2006 (ci-après la « deuxième décision litigieuse »), le chef du bureau liquidateur de Bruxelles du RCAM (ci-après le « chef du bureau liquidateur ») a, par délégation de l’AIPN, après avis du médecin-conseil, rejeté la demande de la requérante de remboursement à 100 % de ses frais médicaux. À l’audience, la Commission a confirmé que les frais des analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis n’avaient pas été remboursés par le RCAM, même au taux normal prévu par ce régime.

20      Par lettre du 27 janvier 2006 adressée au docteur V., la requérante a sollicité le réexamen de sa demande de remboursement à 100 % des frais médicaux engagés au titre du SFC et a communiqué un rapport médical ainsi qu’ un avis (Request N° EFSA‑Q‑2005‑085) du comité scientifique compétent, au sein de l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), pour les produits diététiques, la nutrition et les allergies, lequel avis, relatif à l’évaluation du fructose aux fins d’étiquetage des produits (ci-après l’ « avis de l’EFSA »), avait été émis le 5 octobre 2005 à la demande de la Commission. Il ressortait notamment de cet avis l’existence, dans de rares cas, de réactions très défavorables au fructose, source d’énergie très répandue dans l’alimentation humaine, chez des sujets atteints d’anomalies métaboliques héréditaires d’intolérance au fructose.

21      Par note du 9 février 2006 (ci-après la « troisième décision litigieuse »), le docteur V. a répondu à la lettre de la requérante en ces termes :

« J’ai le regret de vous informer que votre affection ne répond pas aux critères définis par le [c]onseil [m]édical pour la reconnaissance en tant que maladie grave.

Seules les formes infantiles sévères accompagnées de manifestations cliniques importantes pourraient entrer dans ce cadre.

[…] »

22      Par note du 9 février 2006 (ci-après la « quatrième décision litigieuse »), rédigée dans des termes identiques à ceux de sa note du 23 janvier 2006, le chef du bureau liquidateur a, par délégation de l’AIPN, après avis du médecin-conseil, rejeté la demande de remboursement à 100 % des frais médicaux de la requérante.

23      Par note du 20 février 2006 (ci-après la « cinquième décision litigieuse »), le chef du bureau liquidateur a informé la requérante que le médecin-conseil avait émis un avis favorable au remboursement du produit Lactase, utilisé par elle dans le traitement de son affection, mais seulement dans la limite de dix boîtes achetées pendant la période comprise entre le 8 décembre 2005 et le 7 décembre 2006.

24      C’est dans ces circonstances que, par un décompte daté du 23 février 2006 (ci-après la « sixième décision litigieuse »), le bureau liquidateur de Bruxelles, saisi par la requérante d’une demande de remboursement de diverses prestations médicales, a refusé toute prise en charge par le RCAM de certains produits et prestations considérés comme non remboursables.

25      Par lettre du 24 avril 2006, la requérante a, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation auprès de l’AIPN à l’encontre des six décisions litigieuses.

26      Le 10 mai 2006, le comité de gestion du RCAM a été saisi pour avis par l’AIPN, en application de l’article 35, paragraphe 2, de la réglementation de couverture. Dans son avis du 5 octobre 2006, le comité de gestion a estimé à l’unanimité que la réclamation de la requérante devait être rejetée en ce qui concerne la reconnaissance du SFC comme maladie grave, au motif que ce syndrome ne remplissait pas les « [quatre] critères fixés par le contrôle médical pour la reconnaissance de la maladie grave, particulièrement le critère du pronostic vital défavorable ». En revanche, s’agissant des deux autres aspects de la réclamation, relatifs au refus de remboursement des analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis et à la limitation à dix boîtes par an du remboursement du produit Lactase, le comité de gestion « n’a pas été en mesure d’émettre un avis ».

27      L’avis du 5 octobre 2006 a été transmis à la requérante et à l’AIPN par note du même jour de la présidente du comité de gestion du RCAM, « conformément à l’article 16 de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie » (il s’agit de l’article 16 de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version modifiée le 20 janvier 1999, lequel correspond à l’article 35 de la réglementation de couverture).

28      Par décision du 30 octobre 2006 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »), notifiée à la requérante par note du 31 octobre suivant, l’AIPN a rejeté la réclamation.

29      Par décision du 8 mars 2007, l’AIPN a admis la requérante au bénéfice d’une allocation d’invalidité, fixée conformément à l’article 78, troisième alinéa, du statut et au vu de l’avis de la commission d’invalidité. Dans cet avis, la commission d’invalidité avait estimé nécessaire que la requérante subisse un examen médical de révision tous les deux ans afin que l’administration s’assure qu’elle remplit toujours les conditions requises pour bénéficier de l’allocation d’invalidité.

 Conclusions des parties

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la réclamation et, pour autant qu’il soit nécessaire, les six décisions litigieuses ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur les conclusions dirigées contre les première, deuxième, troisième et quatrième décisions litigieuses ainsi que contre la décision de rejet de la réclamation, en tant que ces décisions refusent la reconnaissance de l’affection de la requérante comme maladie grave dont le traitement est pris en charge à 100 % par le RCAM

 Arguments des parties

32      La requérante soulève deux moyens à l’appui des conclusions susmentionnées.

33      En premier lieu, la requérante fait valoir que la décision de rejet de sa réclamation et la troisième décision litigieuse sont insuffisamment motivées et s’appuient sur des avis préalables dont la motivation est également insuffisante.

34      En second lieu, la requérante soutient que les décisions refusant de reconnaître sa maladie comme grave au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut ont été prises en méconnaissance totale des pièces médicales qu’elle avait fournies et, de manière plus générale, des progrès de la science médicale, à la lumière des recherches récentes en matière de SFC. L’appréciation de l’AIPN portée dans la décision de rejet de la réclamation, relative à l’absence de pronostic vital défavorable, serait contredite de manière très précise par une étude scientifique réalisée à la demande de la Commission elle-même. En effet, l’avis de l’EFSA établirait que, à défaut de traitement approprié, le mal dont souffre la requérante, à savoir une intolérance héréditaire au fructose, serait susceptible de donner lieu à un pronostic vital défavorable. En outre, l’affirmation de l’AIPN contenue dans ladite décision de rejet de la réclamation, selon laquelle le critère de présence ou de risque d’un handicap grave ne serait pas rempli, serait incompréhensible. La requérante serait depuis de nombreux mois en incapacité de travail en raison de sa maladie, son médecin redoutant que cette situation soit irréversible.

35      La Commission, n’a pas présenté d’observations relatives au premier moyen dans son mémoire en défense mais a soutenu, lors de l’audience, que les décisions litigieuses étaient dûment motivées.

36       En ce qui concerne le second moyen, la Commission rétorque que les voies de recours prévues par le statut ne peuvent être utilisées pour mettre en cause des appréciations purement médicales. Le refus de reconnaître le SFC comme maladie grave au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut relèverait de ce type d’appréciations. Prononcé après un examen approfondi de l’état de santé de la requérante, sur la base de deux avis médicaux convergents et au vu de critères définis par le conseil médical, ce refus ne serait entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

 Appréciation du Tribunal

37      En ce qui concerne le premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation, il convient de relever que tant la troisième décision litigieuse que la décision de rejet de la réclamation, en se référant notamment aux critères de qualification d’une affection comme maladie grave, font apparaître les raisons de fait et de droit pour lesquelles cette qualification n’a pas été retenue pour l’affection de la requérante. Si la motivation de ces deux décisions est certes concise, elle n’en demeure pas moins suffisante pour que la requérante ait été en mesure de connaître les motifs du refus qui lui a été opposé et de les contester utilement devant le juge communautaire. De même, la brièveté de cette motivation n’est pas de nature à faire obstacle au contrôle que le Tribunal doit exercer sur de telles décisions.

38      Dès lors, le premier moyen doit être écarté.

39      En ce qui concerne le second moyen, tiré de ce que le refus de reconnaissance de la maladie de la requérante comme grave serait erroné, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance que les voies de recours prévues par le statut ne peuvent, en principe, être utilisées pour mettre en cause des appréciations médicales proprement dites, lesquelles doivent être tenues pour définitives, lorsqu’elles sont intervenues dans des conditions régulières (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes, 2/87, Rec. p. 143, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89, Rec. p. II‑249, point 44). Le Tribunal a ainsi jugé qu’il ne lui appartient pas d’examiner si les modalités selon lesquelles un examen médical a été réalisé sont conformes aux meilleures pratiques médicales, ni si elles sont le mieux à même de révéler l’état de santé de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Beau/Commission, F‑39/05, RecFP p. I‑A‑1‑51 et II‑A‑1‑175, point 74), ni si un diagnostic posé par un médecin sur la santé mentale d’un fonctionnaire est justifié (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, De Brito Sequeira Carvalho/Commission, F‑17/05, RecFP p. I‑A‑1‑149 et II‑A‑1‑577, point 85).

40      Sans remettre en cause les appréciations médicales soutenant les décisions litigieuses susmentionnées, il appartient cependant au Tribunal d’examiner si l’AIPN, en refusant de reconnaître que l’affection de la requérante était une maladie grave, a correctement apprécié les faits et exactement appliqué les dispositions légales pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 7 novembre 2002, G/Commission, T‑199/01, RecFP p. I‑A‑217 et II‑1085, point 59, et du 12 mai 2004, Hecq/Commission, T‑191/01, RecFP p. I‑A‑147 et II‑659, point 63). Dans le cadre de cet examen, le Tribunal de première instance a ainsi vérifié si des frais médicaux se rapportaient directement à une maladie grave et pouvaient, dès lors, être intégralement remboursés (arrêt Hecq/Commission, précité, notamment points 80 à 108).

41      Il revient donc au Tribunal, dans le cadre du contrôle juridictionnel limité qu’il est appelé à exercer en matière médicale, d’examiner si, pour refuser de qualifier le SFC de maladie grave, l’autorité compétente s’est, d’une part, effectivement fondée sur les critères auxquels cette qualification est subordonnée et, d’autre part, n’a pas commis d’erreur manifeste en déduisant des constatations médicales qui ont été portées à sa connaissance, sur lesquelles le Tribunal ne saurait se prononcer à moins que l’administration n’en dénature la portée, que ces critères n’étaient pas cumulativement remplis.

42      Dans le présent litige, la requérante ne conteste pas le bien-fondé des quatre critères cumulatifs auxquels la réglementation subordonne la reconnaissance d’une affection comme maladie grave, à savoir le pronostic vital défavorable, l’évolution chronique, la nécessité de mesures diagnostiques et/ou thérapeutiques lourdes et la présence ou le risque de handicap grave. Elle fait néanmoins valoir que c’est à tort que l’administration a estimé que le SFC dont elle souffre ne remplissait pas ces quatre critères.

43      Même si l’AIPN a brièvement relevé, dans la décision de rejet de la réclamation, en se fondant sur l’avis du médecin-conseil, que cette affection ne remplissait aucun des quatre critères précités, il paraît ressortir de certaines des pièces du dossier, notamment de l’avis du comité de gestion du RCAM émis le 5 octobre 2006, que le motif déterminant du refus opposé à la requérante est tiré de ce que le SFC dont celle-ci est atteinte ne satisferait pas au critère du pronostic vital défavorable. Selon la Commission, les membres du comité de gestion du RCAM auraient même considéré que la requérante n’aurait contracté qu’une forme bénigne de SFC, à la différence des formes infantiles sévères de cette maladie, accompagnées de manifestations cliniques importantes.

44      À cet égard, compte tenu du caractère cumulatif des quatre critères exigés pour la qualification d’une affection comme maladie grave, il suffit que l’administration ait considéré à bon droit que le SFC dont souffre la requérante ne met pas sa vie en danger pour que les décisions litigieuses soient légalement fondées.

45      Or, il ne ressort d’aucune des pièces du dossier que cette affection aurait donné lieu à un pronostic vital défavorable pour la requérante.

46      Certes, il n’est pas contesté que la maladie de la requérante ait un caractère invalidant et qu’elle comporte ainsi un certain degré de gravité, confinant au handicap. L’intéressée a d’ailleurs été admise par la Commission au bénéfice du régime d’invalidité prévu par le statut en raison de ses absences pour maladie. Toutefois, la Commission soutient à juste titre que le refus de reconnaissance de cette maladie comme maladie grave au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut se fondait sur deux avis médicaux relatifs à l’état de santé de la requérante, convergents dans leurs résultats, desquels il ne ressortait nullement que cet état de santé répondait au degré de gravité exigé par les dispositions applicables, en particulier s’agissant du critère du pronostic vital défavorable.

47      Ni l’avis de l’EFSA, invoqué par la requérante, ni les certificats médicaux annexés à la requête ne permettent d’infirmer cette conclusion.

48      D’une part, l’avis de l’EFSA porte sur le SFC en termes généraux et ne saurait se substituer à des examens ou avis médicaux portant directement sur l’état de santé de la requérante. La constatation ressortant de cet avis, selon laquelle une intolérance au fructose, notamment d’origine héréditaire, pourrait dans de rares cas mettre en danger la vie de certaines personnes, n’est pas de nature à démontrer que la requérante serait personnellement atteinte d’une telle affection.

49      D’autre part, les certificats médicaux figurant au dossier, en particulier le compte rendu d’analyse du 3 janvier 2006 du professeur M., même s’il mentionne que le test d’intolérance au fructose est « positif », font état d’un lien hypothétique entre le SFC de la requérante et une « déficience en fructase » ainsi que d’une interrogation sur l’opportunité d’accorder à la requérante, dans le futur, une incapacité permanente. Aucun de ces documents n’établit donc que la requérante souffrirait d’une des formes graves d’intolérance héréditaire au fructose et, par suite, que son pronostic vital serait défavorable.

50      Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a souligné à l’audience, les données médicales sur lesquelles l’administration s’est appuyée se sont conformées à un avis du conseil médical du RCAM selon lequel, au vu d’études scientifiques récentes, le SFC ne peut être considéré comme une maladie grave. La requérante ne peut donc valablement soutenir que le refus qui lui a été opposé aurait méconnu les progrès de la science médicale.

51      Le second moyen doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

52      Il résulte de ce qui précède que les conclusions susmentionnées doivent être rejetées, sans qu’il soit besoin d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, tirée de ce que les première et troisième décisions litigieuses constitueraient de simples avis médicaux préparatoires et non des décisions faisant grief, seules susceptibles de recours.

 Sur les conclusions dirigées contre la première décision litigieuse et la décision de rejet de la réclamation, en tant que ces décisions refusent le remboursement, même au taux normal prévu par le RCAM, des frais d’analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis

 Arguments des parties

53      La requérante soulève deux moyens à l’appui des conclusions susmentionnées.

54      En premier lieu, la requérante fait valoir que la première décision litigieuse et la décision de rejet de la réclamation, en tant qu’elles refusent tout remboursement des frais d’analyse précités, ne se prononcent pas sur la note établie par RED Laboratories, expliquant le fondement scientifique et la validité des analyses en question. Faute de comporter la moindre réfutation de ce document, présenté à l’administration par la requérante, ces deux décisions seraient insuffisamment motivées.

55      En second lieu, la requérante soutient que c’est à tort que ces frais d’analyse ne lui ont pas été remboursés. Les analyses en cause auraient fait la preuve de leur validité scientifique et auraient été prescrites par un médecin, professeur d’université, spécialisé dans les recherches en matière de SFC et qui constituerait l’une des références mondiales en ce domaine. Tant le médecin-conseil du bureau liquidateur dans la première décision litigieuse, que l’AIPN dans la décision de rejet de la réclamation, auraient procédé par simple affirmation, sans étayer leur avis d’une quelconque analyse scientifique et médicale, ni réfuter le contenu de la note précitée, établie par RED Laboratories. En outre, le comité de gestion du RCAM, saisi à titre consultatif, aurait seulement affirmé « n’avoir pas été en mesure d’émettre un avis ». Pour émettre un avis complet, ledit comité aurait dû, en vertu de l’article 16 de la réglementation de couverture (est ici visé l’article 35, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture), diligenter une expertise médicale.

56      Plus généralement, la requérante a allégué, notamment lors de l’audience, que le médecin-conseil et l’AIPN avaient méconnu la réalité et la nature de sa maladie en adoptant les décisions contestées dans le présent litige.

57      La Commission ne prend pas précisément position sur le premier moyen dans son mémoire en défense. Elle répond, notamment au second moyen, en affirmant que c’est précisément pour éviter des débats quant à la valeur relative des avis de deux ou plusieurs experts que les dispositions régissant le RCAM ont confié à des instances médicales statutaires compétence pour trancher définitivement toute question médicale. En l’occurrence, s’agissant d’une affection peu connue et faisant encore l’objet de recherches, il ne saurait être reproché auxdites instances d’avoir considéré que la validité scientifique des analyses invoquées par la requérante restait à prouver. Le fait que le comité de gestion du RCAM n’ait pu se prononcer sur ce point n’infirmerait en rien la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN pouvant statuer même en l’absence d’avis dudit comité.

 Appréciation du Tribunal

58      En ce qui concerne le premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation des décisions litigieuses susmentionnées, il y a lieu de constater que la première décision litigieuse énonce que « les analyses effectuées par RED Laboratories et [Ategis] n’ont pas fait preuve de leur validité sur le plan scientifique et ne sont pas remboursables par le RCAM suite à l’avis du [c]onseil [m]édical ». Cette décision mentionne ainsi clairement les raisons de fait et de droit pour lesquelles son auteur a rejeté la demande de remboursement présentée par la requérante (voir, par exemple, à propos d’un refus d’autorisation préalable de suivre une cure thermale, arrêt du Tribunal de première instance du 11 mai 2000, Pipeaux/Parlement, T‑34/99, RecFP p. I‑A‑79 et II‑337, point 20).

59      De même, après avoir brièvement rappelé les arguments figurant sur ce point dans la réclamation, l’AIPN reprend intégralement à son compte cette motivation dans la décision de rejet de la réclamation (voir, par analogie, pour un exemple de motivation par référence à l’avis du médecin-conseil, arrêt Pipeaux/Parlement, précité, point 18).

60      Certes succincte, la motivation de ces deux décisions n’en demeure pas moins suffisante pour que la requérante ait été en mesure de connaître les motifs du refus qui lui a été opposé et de les contester utilement devant le juge communautaire. De même, la brièveté de cette motivation n’est pas de nature à faire obstacle au contrôle que le Tribunal doit exercer sur de telles décisions. Enfin, la circonstance que ces deux décisions ne comportent pas d’analyse ni de réfutation de la note établie par RED Laboratories, à supposer même que cette note ait été portée à la connaissance du médecin-conseil et de l’AIPN, est une critique du bien-fondé de ces actes qui, en tout état de cause, reste sans incidence sur leur régularité formelle.

61      Le premier moyen doit donc être rejeté.

62      En ce qui concerne le second moyen, il convient de rappeler que les affiliés au RCAM n’ont pas un droit automatique au remboursement de tous leurs frais médicaux (voir, en ce sens, arrêt G/Commission, précité, points 41 et 42). En effet, aux fins d’assurer l’équilibre financier du RCAM, les institutions ont notamment prévu, dans la réglementation de couverture, des hypothèses de refus de remboursement de certaines catégories de frais médicaux ou des conditions spécifiques d’ouverture du droit à remboursement de certaines prestations. Ainsi, l’article 20, paragraphe 3, de la réglementation de couverture prévoit que les frais relatifs aux traitements considérés comme non fonctionnels ou non nécessaires par le bureau liquidateur, après avis du médecin-conseil, ne donnent pas lieu à remboursement. De même, en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du même texte, le remboursement des prestations non prévues par les DGE n’est qu’une faculté pour le RCAM et est en toute hypothèse limité à 80 %, ce après avis du médecin-conseil du bureau liquidateur.

63      Par conséquent, si l’affilié au RCAM peut légitimement considérer que ses frais médicaux seront, en principe, remboursés dans la limite des plafonds prévus à l’article 72, paragraphe 1, du statut, le remboursement de certains frais peut néanmoins être légalement refusé par le bureau liquidateur si, après avis du médecin-conseil et, éventuellement, après avis du conseil médical, ledit bureau estime que ces frais se rapportent à un traitement ou à des prestations dont la validité scientifique n’est pas prouvée. Il est en effet pleinement justifié que le coût de traitements ou de prestations, dont l’utilité thérapeutique ou la fiabilité comme moyens de diagnostic est scientifiquement contestée, ne soient pas pris en charge par le RCAM, dont le financement incombe aux affiliés et aux institutions.

64      Comme le soutient la Commission à juste titre, c’est dans l’objectif d’éviter d’interminables ou inextricables débats d’experts que les appréciations portées dans ce cadre ont été confiées aux instances médicales du RCAM, à savoir les médecins-conseils et le conseil médical, à charge pour ces instances de se prononcer sur la base de la littérature scientifique, si nécessaire après avis de spécialistes ou de sommités médicales dans le domaine concerné, comme le précisent les DGE.

65      Dans un tel contexte, dans lequel l’affilié ne peut prétendre disposer d’un droit au remboursement des frais qu’il soumet au RCAM, et compte tenu du caractère limité du contrôle juridictionnel exercé par le juge communautaire sur les appréciations purement médicales, l’affilié ne peut valablement remettre en cause devant le Tribunal un refus de remboursement fondé sur l’absence de validité scientifique d’un traitement ou d’une prestation qu’en établissant l’existence d’une erreur manifeste dont ce motif serait entaché.

66      Tel est le cas dans le présent litige. En refusant le remboursement des frais des analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis, le médecin-conseil puis l’AIPN ont manifestement méconnu la réalité et la nature de l’affection de la requérante.

67      En effet, s’il est en principe loisible à l’AIPN de refuser le remboursement de prestations dont la validité scientifique n’est pas prouvée, un tel motif de refus, dans les circonstances de l’espèce, d’une part, méconnaît les spécificités de ladite affection et la situation particulière des personnes qui en sont atteintes, et, d’autre part, est dénué de pertinence, dans la mesure où le diagnostic de SFC, que les analyses litigieuses ont contribué à établir ou confirmer, a été admis par la Commission elle-même.

68      En premier lieu, ce motif est inapproprié dans le contexte d’une affection telle que le SFC.

69      Par ce motif de refus, la Commission a, implicitement mais nécessairement, laissé entendre que le RCAM ne rembourserait que les seules méthodes de diagnostic du SFC dont la validité scientifique est établie.

70      Or, une affection telle que le SFC fait l’objet d’un intérêt scientifique récent. Les connaissances médicales en la matière, encore lacunaires, sont très évolutives. Si l’existence même de ce type de pathologie en tant qu’affection autonome n’est plus niée, aucune des méthodes permettant de la diagnostiquer ne paraît actuellement présenter une fiabilité incontestée.

71      Certes, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de l’analyse effectuée par RED Laboratories, au moyen du test dénommé « Rnase L Protein Quantification », que l’indication de la présence d’un taux élevé de « low molecular weight (LMW) » par rapport au « high molecular weight (HMW) » permettrait de distinguer les patients atteints de SFC de ceux souffrant d’autres maladies immunitaires chroniques. Red Laboratories précise par ailleurs que les résultats de ce test ne peuvent être utilisés qu’à des fins de recherche (« [t]he presence of this marker may distinguish patients with CFS [SFC] from those suffering from other chronic immune diseases [;] […] [t]his result is for research use only »). Il ne saurait être déduit d’une telle description que le test ainsi réalisé, constitue une méthode parfaitement fiable de diagnostic du SFC.

72      Toutefois, aucune des parties n’a allégué que d’autres moyens de diagnostic que celui-ci auraient eu une validité supérieure, ni même qu’ils auraient été disponibles. En outre, les tests dont le remboursement est en litige ont été prescrits par un médecin, le professeur M., dont la Commission n’a pas contesté qu’il constitue l’une des références mondiales en ce domaine. Dans ces conditions, limiter la prise en charge par le RCAM aux seules méthodes d’analyses dont les résultats sont incontestables a pour effet, en l’état actuel des connaissances médicales relatives au SFC, d’exclure du remboursement toute prestation médicale destinée au diagnostic de cette maladie.

73      En second lieu, le motif de refus de remboursement des analyses retenu par le médecin-conseil et l’AIPN ne pouvait être pertinent dans la mesure où la Commission avait abouti au même diagnostic que celui résultant de ces tests.

74      En effet, les analyses dont le remboursement a été refusé ont été prescrites par le professeur M. pour établir ou confirmer le diagnostic de SFC. Or, lorsque le médecin-conseil a été saisi pour avis d’une demande de remboursement de ces tests, il n’a pas nié la réalité de la maladie de la requérante, même s’il n’a pas précisé dans la première décision litigieuse que l’affection en cause était un SFC. De même, l’AIPN, dans la décision de rejet de la réclamation, n’a pas contesté que la requérante était atteinte de SFC mais a seulement dénié à cette maladie la qualification de maladie grave au sens de l’article 72 du statut. La Commission a ensuite expressément admis que la requérante était atteinte de SFC et a tiré des conséquences administratives de la dégradation de l’état de santé de celle-ci. Dans ses écrits comme à l’audience, la Commission a reconnu que le SFC est bien l’affection dont souffre la requérante. De surcroît, celle-ci a finalement été placée en invalidité en raison de son état de santé. Si la Commission a contesté, à l’audience, que la décision de mise en invalidité ait été justifiée par le SFC dont la requérante est atteinte, il paraît difficile qu’une telle décision ait été adoptée sans que cette affection ait été prise en considération par la commission d’invalidité et par l’AIPN.

75      Ainsi, la Commission a refusé le remboursement d’analyses, alors même que celles-ci ont contribué à établir ou confirmer la nature de l’affection de la requérante et que l’institution a abouti au même diagnostic que celui résultant de ces tests. La Commission n’a d’ailleurs pu indiquer, à l’audience, sur la base de quel autre avis médical ou résultat d’analyse elle avait finalement admis que la requérante souffrait de SFC.

76      Dans ces conditions, le motif de refus opposé à la demande de remboursement des analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis, à la fois inapproprié et en contradiction avec la prise de position de l’administration, est, dans les circonstances de l’espèce, entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

77      Dès lors, le second moyen est fondé.

78      À titre surabondant, il appartient au Tribunal d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de la première décision litigieuse (voir arrêt du Tribunal de première instance du 13 juillet 2006, Vounakis/Commission, T‑165/04, RecFP p. I‑A‑2‑155 et II‑A‑2‑735, point 30, et la jurisprudence citée).

79      Il ressort en effet clairement de la lettre même de la première décision litigieuse et de sa présentation, contrairement à ce que prétend la Commission dans son exception d’irrecevabilité, que celle-ci constitue non pas un simple avis émis à l’intention du bureau liquidateur du RCAM, tel qu’exigé par la réglementation de couverture, mais une décision faisant grief, directement adressée par le médecin-conseil à la requérante, en réponse à la demande de celle-ci. En outre, il ne figure au dossier aucune autre décision ayant le même objet, antérieure à celle prise par l’AIPN sur la réclamation de la requérante, qui aurait été prise par le bureau liquidateur. La deuxième décision litigieuse, émanant du chef du bureau liquidateur, a pour unique objet le rejet de la demande de reconnaissance de la maladie de la requérante comme maladie grave justifiant un remboursement à 100 % par le RCAM.

80      Le refus de remboursement des frais d’analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis a donc bien initialement été adopté par le médecin-conseil. Or, celui-ci ne tirait d’aucun texte la compétence pour prendre une telle décision (voir par analogie, arrêt De Brito Sequeira Carvalho/Commission, précité, point 123).

81      Il s’ensuit que la première décision litigieuse est, en tant qu’elle refuse le remboursement des frais d’analyse, entachée d’illégalité et doit être annulée.

82      Il résulte de ce qui précède que les conclusions susmentionnées, dirigées contre la première décision litigieuse et la décision de rejet de la réclamation, doivent être accueillies.

 Sur les conclusions dirigées contre la cinquième décision litigieuse et la décision de rejet de la réclamation, en tant que ces décisions limitent à dix boîtes par an le remboursement du produit Lactase

 Arguments des parties

83      La requérante estime que la limitation du remboursement du produit Lactase à dix boîtes par an reposerait sur une appréciation erronée. Ce produit serait une spécialité pharmaceutique, prescrite par un médecin spécialiste, et non un complément alimentaire. Selon elle, le comité de gestion, pour donner un avis complet, aurait dû solliciter une expertise médicale en application de l’article 35, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture.

84      La Commission rétorque que le produit Lactase est un complément alimentaire favorisant la digestion de produits riches en lactose chez les personnes souffrant d’intolérance au lactose, et non un médicament indispensable au sens de l’article 72 du statut et de la réglementation de couverture. La requérante, atteinte de cette affection depuis des années, pourrait sans difficultés limiter sa consommation de produits laitiers lors des repas pris à son domicile. En revanche, elle n’aurait besoin d’un produit tel que le Lactase que pour faciliter la digestion d’aliments pris en dehors de chez elle. La limitation du remboursement de ce produit à dix boîtes par an serait ainsi justifiée par l’état de santé de la requérante et ne serait donc entachée ni d’erreur manifeste d’appréciation ni d’erreur de droit. La Commission estime, par ailleurs, que l’argument tiré de ce que le comité de gestion aurait dû solliciter une expertise médicale ne peut être retenu.

 Appréciation du Tribunal

85      Par la cinquième décision litigieuse et la décision de rejet de la réclamation, qui ne sont sur ce point pas davantage entachées d’insuffisance de motivation que les autres décisions contestées, il a été décidé dans son principe que le produit Lactase pourrait être remboursé par le RCAM, au motif qu’il serait bénéfique au traitement de l’affection dont souffre la requérante, « en complément d’un régime alimentaire spécifique pendant les repas pris en dehors du domicile ». L’AIPN a ainsi admis que ce « produit », dont elle n’a pas précisé la nature, avait des vertus thérapeutiques et ne l’a pas considéré comme un simple complément alimentaire dont le remboursement serait exclu par le RCAM.

86      Par conséquent, la limitation du remboursement de ce produit à hauteur de dix boîtes par an ne résulte pas du refus d’admettre les effets thérapeutiques de ce dernier mais de l’appréciation du médecin-conseil selon laquelle l’état de santé de la requérante ne justifierait pas l’administration de quantités supplémentaires de Lactase, ce produit n’étant prévu qu’en « complément d’un régime alimentaire spécifique pendant les repas pris en dehors du domicile ».

87      Une telle appréciation, d’ordre exclusivement médical, est de celles que le Tribunal ne peut remettre en cause, à moins qu’elle soit manifestement erronée.

88      Or, la requérante se borne à soutenir que le produit Lactase est un médicament dont l’administration est nécessitée par son état de santé et en quantités plus importantes que celles dont le remboursement a été admis par le RCAM, sans critiquer la pertinence des observations du médecin-conseil tirées de ce qu’un régime alimentaire adapté permettrait de limiter la prise de ce produit. Lors de l’audience, le représentant de la requérante n’a d’ailleurs pu indiquer, même de façon approximative, les quantités de produit Lactase estimées nécessaires.

89      Quant à l’argument tiré de ce que le comité de gestion aurait dû, pour rendre un avis complet, solliciter une expertise médicale, il ne peut être utilement soulevé qu’à l’appui des conclusions dirigées contre la décision de rejet de la réclamation. En tout état de cause, cet argument ne peut être accueilli. En effet, lorsque ce comité n’émet pas d’avis dans le délai qui lui est imparti, l’AIPN a la faculté d’arrêter sa décision, en application de l’article 35, paragraphe 2, quatrième alinéa, de la réglementation de couverture. En outre, la décision adoptée en l’espèce par l’AIPN ne fait aucune mention de l’avis du comité de gestion mais est basée uniquement sur l’avis du médecin-conseil. La décision de rejet de la réclamation ne saurait donc être viciée du seul fait que le comité de gestion « n’a pas été en mesure d’émettre un avis » et n’a donc pas choisi, comme il en avait la latitude, de solliciter une expertise médicale.

90      Il s’ensuit que les conclusions dirigées contre la cinquième décision litigieuse et la décision de rejet de la réclamation, en tant que ces décisions limitent à dix boîtes par an le remboursement du produit Lactase, doivent être rejetées.

 Sur les conclusions dirigées contre la sixième décision litigieuse 

91      Ces conclusions ne sont assorties d’aucun moyen critiquant spécifiquement la légalité de la sixième décision litigieuse. Elles ne répondent donc pas à l’exigence selon laquelle une demande d’annulation adressée au Tribunal doit comporter l’exposé, au moins sommaire, des moyens invoqués.

92      À supposer même qu’elles puissent être interprétées comme tendant à l’annulation de la sixième décision litigieuse par voie de conséquence de l’illégalité des première à cinquième décisions litigieuses, ces conclusions ne pourraient être accueillies. En effet, l’imprécision des mentions de ladite décision, qui n’est qu’un décompte de remboursement de frais médicaux émanant du bureau liquidateur de Bruxelles, fait obstacle à l’identification des produits ou prestations qui n’auraient pas été pris en charge par le RCAM.

93      Les conclusions susmentionnées doivent donc être rejetées comme irrecevables.

94      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise médicale, que la requérante n’est fondée à demander l’annulation que de la première décision litigieuse et de la décision de rejet de la réclamation, en tant qu’elles refusent le remboursement au taux normal par le RCAM des frais des analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis.

 Sur les dépens

95      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7).

96      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, étant entendu que, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

97      En l’espèce, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supporte ses propres dépens ainsi que le tiers des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions du 23 janvier 2006 et du 30 octobre 2006 de la Commission des Communautés européennes sont annulées, en tant qu’elles refusent le remboursement à Mme Botos des analyses effectuées par RED Laboratories et Ategis au taux normal du régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Mme Botos supporte les deux tiers de ses propres dépens.

4)      La Commission des Communautés européennes supporte ses propres dépens et le tiers des dépens exposés par Mme Botos.

Kreppel

Tagaras

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.