Language of document : ECLI:EU:C:2019:208

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 14 mars 2019 (1)

Affaire C38/18

Massimo Gambino,

Shpetim Hyka

contre

Procura della Repubblica presso il Tribunale di Bari,

Ernesto Lappostato,

Banca Carige SpA - Cassa di Risparmio di Genova e Imperia

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Bari (tribunal de Bari, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2012/29/UE – Protection des victimes de la criminalité – Article 16 – Droit d’obtenir à ce qu’il soit statué sur l’indemnisation dans un délai raisonnable – Article 18 – Mesures de protection au cours de l’audition – Changement dans la composition de la formation de jugement devant laquelle la victime a été entendue en qualité de témoin – Législation nationale permettant à la personne poursuivie de s’opposer à la lecture du procès-verbal de l’audition et d’exiger la réitération de celle-ci devant la nouvelle formation de jugement – Compatibilité – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 47 et 48 – Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – Article 6, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous d) – Modalités d’application du droit à un procès équitable en cas de modification de la composition de la formation de jugement – Principes d’oralité et d’immutabilité du juge – Principe d’immédiateté »






I.      Introduction

1.        Dans le cadre d’une procédure pénale de type accusatoire, la directive 2012/29/UE (2) s’oppose-t-elle à une législation nationale qui prévoit, en cas de changement de la composition de la formation de jugement devant laquelle la victime a été entendue, un régime procédural en vertu duquel la personne poursuivie peut s’opposer à la lecture des procès-verbaux de l’audition de cette victime, exigeant ainsi la réitération de celle-ci devant la nouvelle formation de jugement ?

2.        Tel est, en substance, l’objet de la question préjudicielle que pose le Tribunale di Bari (tribunal de Bari, Italie).

3.        Cette question s’inscrit dans le cadre d’une procédure pénale engagée à l’encontre de MM. Massimo Gambino et Shpetim Hyka pour des faits d’escroquerie et de blanchiment d’argent et dont la victime a été entendue comme témoin à charge au cours d’une audience publique qui s’est tenue devant la juridiction de renvoi. Dans la mesure où, à la suite de cette audition, l’un des trois juges composant cette formation de première instance a été remplacé, la défense s’est fondée sur les dispositions applicables du codice di procedura penale (code de procédure pénale) pour s’opposer à la lecture du procès-verbal de cette audition devant la nouvelle formation de jugement, exigeant ainsi la réitération de cette audition.

4.        Ce n’est pas la première fois que la Cour est interrogée sur la compatibilité des dispositions de ce code de procédure pénale au regard des mesures de protection dont bénéficient les victimes en droit de l’Union. Dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 16 juin 2005, Pupino (3), et du 21 décembre 2011, X (4), la Cour était appelée à interpréter les dispositions de la décision-cadre 2001/220 dans le contexte de la procédure incidente d’administration anticipée de la preuve prévue dans le système juridique pénal italien en faveur des victimes les plus vulnérables.

5.        Dans le cadre de la présente affaire, la Cour est, cette fois-ci, interrogée sur la portée des mesures de protection édictées par la directive 2012/29, laquelle a remplacé la décision-cadre 2001/220, lorsqu’il est permis, selon la législation nationale en cause, à la personne poursuivie de s’opposer, en cas d’un changement affectant la composition de la formation de jugement, à l’utilisation des procès-verbaux des auditions de la victime.

6.        La Cour devra, notamment, déterminer la portée de ces mesures prévues au chapitre 4 de cette directive en tenant compte des droits fondamentaux dont bénéficie la personne poursuivie au titre des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (5) ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous d), de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (6).

7.        Si ladite directive impose aux États membres de garantir aux victimes de la criminalité un niveau élevé de protection par l’adoption de mesures appropriées relatives à leur audition pendant la procédure juridictionnelle, nous démontrerons, dans les présentes conclusions, que le législateur de l’Union n’a pas entendu limiter le nombre des auditions en audience publique de la victime, à l’exception de la situation dans laquelle la victime est un enfant.

8.        Nous expliquerons que, dans un système juridique tel que celui en cause au principal, le respect du droit à un procès équitable ainsi que le respect des droits de la défense commandent que le juge qui a la charge de statuer sur la culpabilité de la personne poursuivie soit le juge devant lequel s’est, en principe, déroulée l’audition du témoin, en particulier lorsqu’il s’agit d’un témoin décisif, dont le témoignage est susceptible de déterminer l’innocence ou la culpabilité de cette personne. Ceci découle des principes d’oralité et d’immutabilité du juge, entendu comme étant celui de la connaissance directe et immédiate de l’affaire, ainsi que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans ce contexte, lorsque l’audition du témoin est déterminante quant à la culpabilité ou non de la personne poursuivie, le changement de la composition de cette juridiction après l’audition de ce témoin entraîne, en principe, une nouvelle audition de ce dernier.

9.        Dans ces circonstances, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que, à l’exception des mesures prévues en faveur des enfants victimes, aucune des dispositions de la directive 2012/29 ne s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause, qui permet à la personne poursuivie de s’opposer à la lecture des procès-verbaux de l’audition de la victime, exigeant ainsi la réitération de celle-ci devant la nouvelle formation de jugement.

10.      En revanche, nous indiquerons que, dans l’hypothèse où la personne poursuivie exige une nouvelle audition de la victime, les autorités nationales compétentes sont tenues de procéder, conformément aux exigences de la directive 2012/29 à une évaluation personnalisée, afin de déterminer les besoins spécifiques de cette victime et, le cas échant, la mesure dans laquelle celle-ci pourrait bénéficier des mesures de protection spécifiques prévues aux articles 23 et 24 de cette directive. Dans ce contexte, nous pensons qu’il appartient aux juridictions nationales de s’assurer que lesdites mesures ne portent pas atteinte à l’équité de la procédure au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ni aux droits de la défense au sens de l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci.

11.      Enfin, nous préciserons que la directive 2012/29 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre adopte des mesures plus protectrices quant à l’audition des victimes au cours de la procédure pénale, à condition, néanmoins, que ces mesures ne portent pas atteinte aux droits procéduraux de la personne poursuivie.

II.    Le cadre juridique

A.      La CEDH

12.      L’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous d), de la CEDH, intitulé « Droit à un procès équitable », dispose :

« 1.      Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement [...] et dans un délai raisonnable, par un tribunal [...] qui décidera [...] du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. [...]

[...]

3.      Tout accusé a droit notamment à :

[...]

d)      interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. »

B.      Le droit de l’Union

1.      La Charte

13.      L’article 47, deuxième alinéa, de la Charte dispose que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi ».

14.      L’article 48, paragraphe 2, de la Charte précise que « [l]e respect des droits de la défense est garanti à tout accusé ».

2.      La directive 2012/29

15.      La directive 2012/29 tend à réviser et à compléter les principes définis dans la décision-cadre 2001/220 et à renforcer le niveau de protection des victimes, notamment dans le cadre des procédures pénales (7).

16.      Cette directive a pour objet de garantir que les victimes de la criminalité reçoivent des informations, un soutien et une protection adéquats et puissent participer à la procédure pénale (8).

17.      Les considérants 11, 12, 20, 53, 55, 58 et 66 de ladite directive sont rédigés comme suit :

« (11)      La présente directive définit des règles minimales. [...]

(12)      Les droits énoncés dans la présente directive s’entendent sans préjudice des droits de l’auteur de l’infraction. [...]

[...]

(20)      Le rôle attribué aux victimes dans le système de justice pénale et la possibilité qu’elles ont de participer activement aux procédures pénales varient d’un État membre à l’autre en fonction du système national et sont déterminés par un ou plusieurs des critères suivants : [...] la question de savoir si la victime est juridiquement tenue de participer activement à la procédure pénale ou est appelée à y participer activement, par exemple en tant que témoin [...] Il revient aux États membres de déterminer lesquels de ces critères sont applicables pour définir l’étendue des droits énoncés dans la présente directive, lorsqu’il existe des références au rôle attribué aux victimes dans le système de justice pénale concerné.

[...]

(53)      Il convient de limiter le risque que la victime subisse une victimisation secondaire et répétée, des intimidations et des représailles, soit du fait de l’auteur de l’infraction, soit en raison de sa participation à la procédure pénale, en menant cette procédure d’une manière coordonnée et respectueuse, permettant aux victimes de nouer des liens de confiance avec les autorités. L’interaction avec les autorités compétentes devrait être aussi aisée que possible, et le nombre d’échanges inutiles entre celles-ci et la victime limité, par exemple en recourant à l’enregistrement vidéo des auditions et en autorisant leur utilisation durant la procédure juridictionnelle. [...]

[...]

(55)      Pendant la procédure pénale, certaines victimes sont particulièrement exposées au risque de victimisation secondaire et répétée, d’intimidations et de représailles de la part de l’auteur de l’infraction. Il est possible que ce risque résulte des caractéristiques personnelles de la victime, ou du type, de la nature ou des circonstances de l’infraction. Seule une évaluation personnalisée, effectuée dès que possible, peut permettre de déceler effectivement ces risques. Ces évaluations devraient être réalisées pour toutes les victimes afin de déterminer si elles sont exposées au risque de victimisation secondaire et répétée, d’intimidations et de représailles et quelles sont les mesures de protection spécifiques dont elles ont besoin.

[...]

(58)      Les victimes identifiées comme vulnérables aux victimisations secondaires et répétées, aux intimidations et aux représailles devraient bénéficier de mesures de protection appropriées durant la procédure pénale. La nature exacte de ces mesures devrait être déterminée au moyen de l’évaluation personnalisée, en tenant compte des souhaits de la victime. L’ampleur de ces mesures devrait être déterminée sans préjudice des droits de la défense et dans le respect du pouvoir discrétionnaire du juge. Les préoccupations et craintes de la victime concernant la procédure devraient être un élément essentiel pour déterminer si elle a besoin de mesures particulières.

[...]

(66)      La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes consacrés par la [Charte]. Elle vise en particulier à promouvoir [...] le droit à un procès équitable. »

18.      Le chapitre 3 de la directive 2012/29 est relatif à la « [p]articipation à la procédure pénale » de la victime. Son article 16, paragraphe 1, est libellé comme suit :

« Les États membres veillent à ce que la victime ait le droit d’obtenir qu’il soit statué dans un délai raisonnable sur l’indemnisation par l’auteur de l’infraction dans le cadre de la procédure pénale, sauf dans le cas où le droit national prévoit que cette décision est prise dans le cadre d’une autre procédure judiciaire. »

19.      Le chapitre 4 de cette directive, relatif à la « [p]rotection des victimes et [à la] reconnaissance des victimes ayant des besoins spécifiques en matière de protection », contient les articles 18 à 24.

20.      L’article 18 de ladite directive, intitulé « Droit à une protection », dispose :

« Sans préjudice des droits de la défense, les États membres s’assurent que des mesures sont mises en place pour protéger la victime et les membres de sa famille d’une victimisation secondaire et répétée, d’intimidations et de représailles, y compris contre le risque d’un préjudice émotionnel ou psychologique, et pour protéger la dignité de la victime pendant son audition et son témoignage. Au besoin, ces mesures incluent également des procédures établies en vertu du droit national permettant la protection de l’intégrité physique de la victime et des membres de sa famille. »

21.      Les articles 19 à 21 de la directive 2012/29 concernent les mesures de protection générales dont bénéficient les victimes au cours de leur audition ou de leur témoignage.

22.      L’article 20 de cette directive, expressément visé par le juge de renvoi, intitulé « Droit de la victime à une protection au cours de l’enquête pénale », prévoit :

« Sans préjudice des droits de la défense et dans le respect du pouvoir discrétionnaire du juge, les États membres veillent à ce que, au cours de l’enquête pénale :

[...]

b)      le nombre d’auditions de la victime soit limité à un minimum et à ce que les auditions n’aient lieu que dans la mesure strictement nécessaire au déroulement de l’enquête pénale ;

[...] »

23.      L’article 22 de ladite directive est relatif à l’évaluation personnalisée dont les victimes doivent faire l’objet afin que soient déterminés leurs besoins spécifiques en matière de protection.

24.      Les articles 23 et 24 de la directive 2012/29 concernent, quant à eux, les mesures de protection spécifiques dont les victimes les plus vulnérables peuvent bénéficier.

C.      Le droit italien

25.      L’article 111 de la Costituzione (Constitution italienne) concerne les garanties de la procédure pénale et souligne, notamment, l’importance du contradictoire et le caractère oral de la procédure pénale italienne, ainsi que ses exceptions dans les formalités d’obtention de la preuve. Il dispose (9) :

« La juridiction s’exerce au moyen du juste procès réglementé par la loi.

Tout procès a lieu dans le respect du principe de la contradiction, dans des conditions d’égalité pour les parties, devant un juge tiers et impartial. La loi en garantit une durée raisonnable.

Dans le procès pénal, la loi garantit que la personne accusée d’une infraction [...] aura la possibilité, devant le juge, d’interroger ou de faire interroger les personnes qui font des déclarations à charge [...]

Le procès pénal est soumis au principe de la contradiction dans la formation de la preuve. [...]

La loi réglemente les cas dans lesquels la formation de la preuve n’a pas lieu contradictoirement du fait du consentement donné par le prévenu, du fait d’une impossibilité établie de nature objective ou du fait d’une conduite contraire à la loi dont la preuve est établie.

[...] »

26.      L’article 511 du code de procédure pénale, intitulé « Lectures autorisées », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Le juge décide, le cas échéant d’office, qu’il soit procédé à la lecture, intégrale ou partielle, des pièces du dossier aux fins des débats.

2.      La lecture des procès-verbaux des témoignages n’est décidée qu’après l’audition du témoin, sauf en l’absence d’audition. »

27.      L’article 525 du code de procédure pénale, intitulé « Immédiateté de la décision », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Le jugement est rendu immédiatement après la clôture des débats.

2.      Sous peine de nullité absolue, les juges qui rendent le jugement sont ceux devant lesquels se sont déroulés les débats. [...] »

III. Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

28.      MM. Gambino et Hyka font l’objet d’une procédure pénale engagée pour des faits de blanchiment d’argent et d’escroquerie devant le Tribunale di Bari (tribunal de Bari), statuant en première instance. L’une des victimes s’est constituée partie civile et a demandé à obtenir une indemnisation en raison du préjudice subi par l’escroquerie perpétrée par M. Gambino.

29.      Les victimes de ces délits ont été entendues comme témoins lors d’une audience en date du 14 avril 2015.

30.      À la suite de la modification de la composition de la formation de jugement, l’un des trois juges ayant été remplacé, M. Gambino, en qualité de partie défenderesse, a demandé, lors de l’audience des débats du 21 février 2017 et sur le fondement des articles 511 et 525 du code de procédure pénale, une nouvelle audition des victimes. Il ressort de la décision de renvoi que cette partie n’a pas précisé les points sur lesquels il était absolument nécessaire de procéder de nouveau à l’audition de ces victimes.

31.      Ainsi que le souligne le juge de renvoi, dans l’hypothèse d’un changement affectant la composition de la formation de jugement, la législation italienne prévoit, en effet, la réitération des débats, ce qui implique la répétition de la procédure et, par conséquent, une nouvelle audition des témoins (10). Lorsque le juge admet la preuve par témoignage, il n’est dès lors possible de procéder à la lecture du procès-verbal des témoignages déjà effectués qu’en présence de l’accord de toutes les parties à la procédure.

32.      La Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) aurait ainsi jugé que « [l]a réitération des débats en raison de changement d’un juge unique ou d’un des juges d’une juridiction collégiale entraîne l’impossibilité d’utiliser pour le jugement le témoignage déjà rendu devant ledit magistrat, sur la base de la seule lecture du procès-verbal, sans renouveler l’audition du témoin, dans le cas où une nouvelle audition est encore possible et qu’elle a été demandée par l’une des parties » (11).

33.      La défense a renouvelé sa demande visant à obtenir une nouvelle audition des victimes lors de l’audience du 10 octobre 2017, au cours de laquelle le Pubblico Ministero (parquet, Italie) a demandé l’introduction d’une demande de décision préjudicielle. En effet, l’une des preuves demandées par le parquet pour établir la culpabilité des personnes poursuivies est constituée par les témoignages des victimes de l’escroquerie et par le caractère utilisable de ceux-ci.

34.      Le juge de renvoi partage les doutes exprimés par le parquet quant à la compatibilité des dispositions prévues à l’article 511, paragraphe 2, et à l’article 525, paragraphe 2, du code de procédure pénale avec la directive 2012/29.

35.      Alors que cette directive exigerait de garantir aux victimes de la criminalité une protection adéquate au cours de la procédure pénale, les dispositions italiennes, en tant qu’elles permettraient à la défense de s’opposer à l’utilisation des procès-verbaux des déclarations et d’exiger ainsi la réitération des auditions, aboutiraient non seulement à infliger aux victimes une souffrance psychologique supplémentaire contraire à la finalité de la directive 2012/29, mais permettraient également aux personnes poursuivies d’instrumentaliser le droit à un procès équitable afin d’allonger la durée de la procédure, réduisant ainsi à néant le droit à la réparation du dommage dans un délai raisonnable. Selon le juge de renvoi, la réitération des auditions serait ainsi contraire aux principes dégagés par la Cour dans l’arrêt du 16 juin 2005, Pupino (12).

36.      Le juge de renvoi considère que, à partir du moment où les auditions des victimes ont été rendues publiquement dans le respect du contradictoire et devant un juge impartial, la lecture des procès-verbaux de ces auditions ne porterait nullement atteinte au droit au procès équitable dont bénéficient les personnes poursuivies. Il souligne que, en tout état de cause, il serait nécessaire d’appliquer le principe de proportionnalité et de mettre ainsi en balance la nécessité de garantir le respect de la dignité de la victime, conformément à la directive 2012/29, avec celle de respecter le droit à un procès équitable consacré à l’article 47 de la Charte et à l’article 6 de la CEDH.

37.      Dans ces conditions, le Tribunale di Bari (tribunal de Bari) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 16 et 18 ainsi que l’article 20, sous b), de la directive 2012/29 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que la victime soit de nouveau soumise à une audition devant le nouveau juge lorsqu’une des parties au procès refuse, conformément à l’article 511, paragraphe 2, et à l’article 525, paragraphe 2, du code de procédure pénale (tel qu’interprété par la jurisprudence constante en la matière), de donner son accord pour que soit lu au nouveau juge siégeant le procès-verbal des déclarations déjà effectuées par la même victime dans le respect du contradictoire devant un juge différent dans le même procès ? »

IV.    Observations liminaires

38.      L’examen de la question préjudicielle nécessite de formuler quelques observations liminaires.

39.      En premier lieu, il ressort clairement de la décision de renvoi que, dans le cadre de l’affaire au principal, la victime est appelée à participer à la procédure pénale engagée contre MM. Gambino et Hyka en qualité de témoin à charge. Néanmoins, le Tribunale di Bari (tribunal de Bari) n’indique pas si la déclaration de ce témoin est déterminante quant à la culpabilité ou non des personnes poursuivies. De la même façon, il ne précise pas si ce témoin présente une vulnérabilité particulière. Nous pouvons en revanche exclure que la victime de cette escroquerie soit un enfant.

40.      En deuxième lieu, il faut mettre l’accent sur le fait que la procédure pénale en cause se déroule devant une juridiction de première instance. Nos conclusions seront donc limitées aux règles et aux principes gouvernant l’audition des témoins dans le cadre des procédures de première instance, dans la mesure où, lorsqu’une audience publique a eu lieu en première instance, l’absence de débats publics en appel peut se justifier par les particularités de la procédure en question, eu égard à la nature du système d’appel interne, à l’étendue des pouvoirs de la juridiction d’appel selon le système juridique national et à la nature des questions qu’elle avait à trancher.

41.      Enfin, en troisième lieu, la question que nous adresse le Tribunal di Bari (tribunal de Bari) nécessite de rappeler la nature de la procédure pénale italienne (13) et les principes qui gouvernent celle-ci. En effet, on distingue traditionnellement deux modèles procéduraux et institutionnels permettant de comprendre l’organisation des juridictions pénales et la place qu’elles réservent aux différents acteurs de la scène judiciaire répressive : le modèle accusatoire et le modèle inquisitoire.

42.      L’article 111 de la Constitution italienne consacre les principes de base d’une procédure accusatoire, parmi lesquels figure le principe d’oralité. Cette disposition prévoit ainsi que, « [d]ans le procès pénal, la loi garantit que la personne accusée d’une infraction [...] aura la possibilité, devant le juge, d’interroger ou de faire interroger les personnes qui font des déclarations à charge », le procès pénal étant « soumis au principe de la contradiction dans la formation de la preuve ».

43.      Dans le cadre du système juridique pénal italien, l’article 525 du code de procédure pénale consacre, ainsi que le précise le juge de renvoi dans sa décision, le principe d’immédiateté, tant dans son aspect temporel que spatial.

44.      Le principe d’immédiateté, en tant qu’il est entendu comme étant celui de la connaissance directe et immédiate de l’affaire, relève des principes d’oralité et d’immutabilité du juge.

45.      La Cour ne s’est pas encore prononcée sur la portée de ces principes. Seul l’avocat général Philippe Léger dans ses conclusions dans l’affaire Baustahlgewebe/Commission a évoqué leurs contours (14). Lesdits principes, tels qu’ils sont garantis dans le droit des États membres, apparaissent comme des principes à multiples facettes.

46.      Entendu largement, les principes d’oralité et d’immutabilité comprennent le caractère direct de la procédure juridictionnelle, selon lequel le juge doit avoir un contact personnel et direct avec les différents acteurs du procès pénal, c’est‑à‑dire les parties, les témoins, les experts, les avocats des parties et le parquet (15).

47.      En droit pénal français, ces principes impliquent que les juridictions de jugement sont, en principe, tenues de former leur conviction sur des preuves administrées devant elles, oralement et directement, c’est‑à‑dire qu’elles doivent décider sur ce qu’elles entendent (ou voient) lors de l’audience, et non sur les pièces écrites du dossier de police ou d’instruction (16).

48.      Le principe d’oralité suppose que le juge ne se prononce pas seulement sur un dossier, mais après une expérience personnelle et humaine des auteurs et des témoins de l’infraction, ce qui implique notamment que les témoins, qu’ils aient ou non déposé au cours de l’instruction, soient entendus oralement (17). En effet, s’agissant d’un témoignage, l’administration de la preuve n’apparaît pas uniquement nécessaire au regard du contenu de ce témoignage, mais, lorsque le jugement dépend de façon décisive du comportement du témoin, de la manière dont celui-ci témoigne et de l’impression qu’il dégage.

49.      Ce principe est une déclinaison du principe du contradictoire qui exige que les éléments de preuve produits devant la formation de jugement aient pu être discutés par les parties au cours d’un débat public. Lorsque l’accusation repose en tout ou partie sur un témoignage, le débat contradictoire ne peut être pleinement éclairant que s’il permet d’apprécier le degré de crédibilité du témoin et donc la solidité de son témoignage (18). Ainsi, lorsque la composition de la formation de jugement est modifiée, il est nécessaire, pour garantir le respect de ces principes, que le témoin soit auditionné de nouveau par la formation de jugement différemment composée, en particulier lorsque le témoignage constitue une preuve essentielle et décisive dont la force probante dépend de l’impression dégagée.

50.      Le principe d’immédiateté rend parfaitement compte des exigences posées par le principe d’oralité. Ce premier principe recouvre deux aspects, l’un temporel, l’autre spatial, dont on trouve, en l’espèce, la traduction à l’article 525 du code de procédure pénale.

51.      L’immédiateté dans le temps relève davantage du domaine du délai raisonnable. Il exige des autorités juridictionnelles qu’elles statuent dans un délai raisonnable afin d’éviter que, en raison du temps qui s’est écoulé entre l’audience et l’arrêt, les souvenirs se soient effacés dans l’esprit des juges (19). La violation de ce principe n’a pas d’incidence sur la solution retenue.

52.      L’immédiateté dans l’espace désigne le fait que le juge ne puisse pas instituer un intermédiaire entre lui et le justiciable ou son représentant et suppose qu’un juge qui n’a pas assisté à l’audience de plaidoiries ne soit pas admis à participer au règlement de l’affaire (20). L’arrêt rendu en violation de ce principe risque de méconnaître des aspects essentiels de l’affaire. Aux termes de l’article 32, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, « [l]orsqu’une audience de plaidoiries a eu lieu, seuls les juges ayant participé à celle‑ci [...] prennent part aux délibérations ». Dans l’affaire au principal, ce principe est traduit à l’article 525, paragraphe 2, du code de procédure pénale, aux termes duquel « les juges qui rendent le jugement sont ceux devant lesquels se sont déroulés les débats ». Dans sa décision de renvoi, le Tribunale di Bari (tribunal de Bari) indique que, en vertu de cette disposition, les juges statuant sur la responsabilité pénale du prévenu doivent être les mêmes juges que ceux ayant assisté à la formation des preuves.

53.      C’est sur ce point que porte la présente question préjudicielle.

V.      Notre analyse

54.      Par sa question, le Tribunale di Bari (tribunal de Bari) vise, en substance, à déterminer si, en cas de changement de la composition de la juridiction de première instance devant laquelle la victime d’une infraction pénale a été entendue comme témoin à charge, les articles 16 et 18 ainsi que l’article 20, sous b), de la directive 2012/29 s’opposent à une législation nationale qui, dans un système juridique tel que celui en cause au principal, prévoit un régime procédural en vertu duquel la personne poursuivie peut s’opposer à la lecture des procès-verbaux de l’audition de la victime devant la formation de jugement différemment composée, exigeant ainsi une nouvelle audition de celle-ci.

55.      Dans une situation telle que celle de l’espèce, la réponse à cette question est clairement négative.

56.      En effet, dans la mesure où la victime de l’infraction pénale en cause n’est pas un enfant, il ressort nettement d’un examen des termes et de l’économie de la directive 2012/29 qu’aucune des mesures de protection générales ou particulières qu’elle édicte n’oblige les États membres à dispenser la victime d’une nouvelle audition en cas de changement de la composition de la formation de jugement devant laquelle celle-ci a été entendue. Il résulte des principes d’oralité et d’immutabilité du juge, étant entendu comme celui de la connaissance directe et immédiate de l’affaire, que le juge en charge de statuer sur la culpabilité de la personne poursuivie dans le cadre d’une procédure pénale doit être celui devant lequel s’est, en principe, déroulée l’audition du témoin. Cela doit garantir le respect du droit à un procès équitable au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ainsi que le respect des droits de la défense au sens de l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci.

57.      Si la Cour n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la portée des principes d’oralité et d’immutabilité du juge, la Cour européenne des droits de l’homme a développé, à cet égard, une jurisprudence riche, aux termes de laquelle elle considère que le changement de la composition d’un tribunal après l’audition d’un témoin décisif entraîne, en principe, une nouvelle audition de ce dernier.

58.      Ce sont chacun de ces arguments que nous allons à présent développer dans le cadre de la première partie de notre raisonnement. La seconde partie de celui-ci sera dédiée à l’examen des règles encadrant l’indemnisation de la victime d’une infraction pénale et sera plus concise, car il ne s’agit pas du cœur de la présente affaire.

A.      Les règles relatives à la protection de la victime durant son audition au cours d’une procédure pénale

1.      Les dispositions prévues au chapitre 4 de la directive 2012/29

59.      Le chapitre 4 de la directive 2012/29 est intitulé « Protection des victimes et reconnaissance des victimes ayant des besoins spécifiques en matière de protection ».

60.      Au sein de ce chapitre, l’article 18 de la directive 2012/29, dont l’interprétation est ici demandée, est un article introductif établissant le principe général selon lequel, pendant son audition ou lors de son témoignage, la victime d’une infraction pénale doit bénéficier d’une protection, sous réserve, néanmoins, du respect des droits de la défense de l’auteur présumé de l’infraction.

61.      Conformément à cette disposition, les États membres sont tenus d’adopter des mesures permettant, au cours de l’audition ou du témoignage de la victime, de protéger la victime d’une atteinte à sa dignité, d’une victimisation secondaire et répétée ou bien encore d’actes d’intimidation et de représailles, qui seraient engendrés soit par le comportement de l’auteur de l’infraction, soit par la participation de la victime à la procédure pénale.

62.      Ce droit implique l’adoption d’un éventail de mesures que le législateur de l’Union veut « aussi large que possible » (21). Néanmoins, à l’exception des mesures de protection destinées aux enfants victimes, aucune des mesures générales ou particulières instituées par la directive 2012/29 n’oblige les États membres à dispenser la victime d’une nouvelle audition en qualité de témoin, au cours d’une procédure pénale, en cas de changement de la composition de la formation de jugement.

a)      La nature des mesures de protection dont bénéficie la victime pendant son audition

63.      Les mesures de protection dont bénéficie la victime d’une infraction pénale sont visées aux articles 19 à 24 de la directive 2012/29.

64.      Les mesures de protection, énoncées aux articles 19 à 22 de cette directive, sont générales (22). Ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt du 15 septembre 2011, Gueye et Salmerón Sánchez (23), ces mesures sont d’ordre préventif et pratique et visent à garantir que la victime puisse prendre part au procès pénal de manière adéquate sans que cette participation soit compromise par des risques pesant sur sa sécurité et sa vie privée (24). Elles comprennent ainsi des mesures applicables à l’ensemble de la procédure pénale permettant, d’une part, d’éviter tout contact entre la victime et l’auteur de l’infraction dans les locaux où la procédure pénale se déroule (article 19) et, d’autre part, de garantir la protection de la vie privée de la première (article 21).

65.      Lesdites mesures comprennent, également, des mesures spécifiquement applicables à la phase de l’enquête pénale. Ainsi, aux termes de l’article 20, sous b), de la directive 2012/29, les auditions ne doivent avoir lieu que dans la mesure strictement nécessaire au déroulement de l’enquête et leur nombre doit être limité à un minimum. Si, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi se réfère expressément à cet article afin de contester la légalité de la législation italienne, cette disposition n’est pas pertinente compte tenu de son champ d’application. En effet, si le législateur de l’Union a repris ici la mesure instituée à l’ancien article 3, paragraphe 2, de la décision-cadre 2001/220 en encadrant le nombre d’auditions de la victime, il a néanmoins fait le choix de limiter expressément son application à la phase de l’enquête pénale, à l’exclusion de la procédure juridictionnelle (ce qui n’était pas le cas antérieurement), et de la soumettre au plein respect des droits de la défense de la personne poursuivie.

66.      Enfin, en application de l’article 22 de la directive 2012/29, ces mesures de protection générales exigent des États membres qu’ils procèdent à une évaluation personnalisée des victimes de façon à déterminer leurs besoins spécifiques. Ce n’est qu’à l’égard des victimes qui, à la suite de cette évaluation, ont été identifiées comme étant particulièrement vulnérables, telles que les enfants, les victimes de terrorisme ou de violences domestiques, que le législateur de l’Union prévoit des mesures de protection spécifiques relatives à leur audition, visées à l’article 23 de cette directive et, s’agissant des enfants, à l’article 24 de celle-ci, ces mesures s’ajoutant aux mesures de protection générales.

67.      S’agissant, en particulier, des dispositions prévues à l’article 23 de ladite directive, le législateur de l’Union distingue les mesures spécifiques applicables à l’audition de la victime au cours de l’enquête pénale et celles applicables pendant la procédure juridictionnelle. Si les premières ne sont pas pertinentes compte tenu du cadre de l’affaire au principal (25), les secondes illustrent, en revanche, particulièrement bien la volonté du législateur de l’Union de ne pas affecter le déroulement de la procédure pénale et, en particulier, de ne pas amoindrir l’importance de la phase de l’audition de la victime.

68.      En effet, si le législateur de l’Union permet à la victime, notamment, d’être entendue lors de l’audience sans y être présente, par des moyens de communication appropriés, ou au cours d’une audience à huis clos, force est de constater que, à l’exception de la situation dans laquelle la victime est un enfant (26), il ne prévoit pas de limiter le nombre d’auditions au cours de cette phase de la procédure pénale, même dans l’hypothèse où celle-ci présente un besoin spécifique de protection en raison de sa vulnérabilité, « le défaut d’audition pouvant porter préjudice à la victime, à une autre personne ou au déroulement de la procédure » (27).

69.      L’examen des termes de l’article 18 de la directive 2012/29, ainsi que de l’économie du chapitre 4 dans lequel s’insère cette disposition, démontre avec force que le législateur de l’Union n’a pas entendu limiter le nombre d’auditions de la victime pendant la procédure juridictionnelle, que ce soit dans le cadre des mesures de protection générales ou dans le cadre des mesures de protection spécifiques destinées aux victimes les plus vulnérables, à l’exception des mesures destinées aux enfants victimes.

b)      La portée des mesures de protection dont bénéficie la victime pendant son audition

70.      Les mesures de protection dont nous venons de faire état peuvent revêtir une portée limitée.

71.      Premièrement, il ressort des considérants 11 et 67 de la directive 2012/29 que les règles applicables à la protection des victimes sont ici des normes minimales, laissant ainsi aux États membres un large pouvoir d’appréciation quant aux modalités concrètes de mise en œuvre de ces mesures. Une telle réserve permet de tenir compte des différences existant entre les systèmes juridiques nationaux et, en particulier, de la nature orale ou écrite de la procédure pénale et de la place de la victime dans le procès pénal.

72.      Deuxièmement, le législateur de l’Union a d’emblée pris le soin de préciser au considérant 12 de la directive 2012/29, à savoir immédiatement après le rappel du contexte historique de celle-ci, que « [l]es droits énoncés dans [cette] directive s’entendent sans préjudice des droits de l’auteur de l’infraction ». Il a, en outre, précisé, au considérant 66 de ladite directive, que celle-ci respecte les droits fondamentaux et observe les principes consacrés par la Charte, en particulier notamment, celui tendant à promouvoir le droit à un procès équitable.

73.      Le législateur de l’Union consacre ainsi au bénéfice de la victime des droits dont l’exercice ne peut porter atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense de la personne poursuivie, respectivement consacrés à l’article 47, deuxième alinéa, et à l’article 48, paragraphe 2, de la Charte.

74.      Il ressort d’ailleurs très clairement des termes de l’article 18 de la directive 2012/29, mais également du libellé de l’ensemble des dispositions qui composent le chapitre 4 de celle-ci, que les États membres ne peuvent adopter de mesures de protection concernant l’audition des victimes que pour autant que les droits procéduraux des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales sont dûment protégés.

75.      Le législateur de l’Union a formulé cette réserve à l’occasion de l’énonciation du droit à une protection pendant l’audition figurant à l’article 18 de cette directive. Il a renouvelé ladite réserve aux articles suivants. Ainsi, à l’article 19 de ladite directive, les mesures qui tendent à garantir, au cours de la procédure pénale, l’absence de contact entre la victime et l’auteur de l’infraction sont applicables « à moins que la procédure pénale n’impose un tel contact » ; à l’article 20 de la directive 2012/29, les mesures qui tendent à limiter le nombre des auditions des victimes sont applicables « [s]ans préjudice des droits de la défense et dans le respect du pouvoir discrétionnaire du juge » et ne sont d’ailleurs prévues que pour la phase de l’enquête pénale ; à l’article 21 de cette directive, les mesures visant à protéger la vie privée de la victime doivent toujours être « conformes au droit à un procès équitable » (28), et, enfin, à l’article 23 de ladite directive, les mesures relatives à l’audition des victimes les plus vulnérables sont applicables « [s]ans préjudice des droits de la défense et dans le respect du pouvoir discrétionnaire du juge » (29).

76.      Si la directive 2012/29 impose aux États membres de garantir aux victimes un niveau élevé de protection pendant leur audition et leur offre même la possibilité d’élargir les droits définis dans cette directive afin d’offrir un degré de protection plus élevé, ces derniers restent néanmoins tenus de ne pas porter atteinte aux droits procéduraux des personnes poursuivies.

77.      Dans les arrêts du 16 juin 2005, Pupino (30), et du 9 octobre 2008, Katz (31), la Cour a d’ailleurs rappelé, au sujet de l’interprétation des articles 2 (« [r]espect » de la dignité personnelle de la victime et « [r]econnaissance » des droits et intérêts légitimes de celle-ci), 3 (« [a]udition et fourniture de preuves ») et 8 (« [d]roit à une protection ») de la décision-cadre 2001/220, que celle-ci doit être interprétée de manière à ce que soient respectés les droits fondamentaux et, en particulier, le droit à un procès équitable, tel qu’il est énoncé à l’article 6 de la CEDH (32). Selon la Cour, il appartient ainsi aux juridictions nationales « de s’assurer plus particulièrement que l’administration des preuves dans le cadre de la procédure pénale, considérée dans son ensemble, ne porte pas atteinte à l’équité de la procédure au sens de l’article 6 de la CEDH, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme » (33).

78.      Cette jurisprudence est évidemment applicable dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 2012/29.

79.      Troisièmement, cette réserve relative au respect des droits de la défense a une portée d’autant plus importante que la victime occupe une place décisive dans le cadre de la procédure pénale, en tant que témoin, par exemple.

80.      Le législateur de l’Union reconnaît, en effet, expressément au considérant 20 de la directive 2012/29 que l’étendue des droits énoncés dans cette directive varie en fonction du rôle attribué aux victimes dans le système de justice pénale de chacun des États membres et dépend notamment du point de savoir si la victime est juridiquement tenue de participer activement à la procédure pénale ou est appelée à y participer activement, par exemple en tant que témoin.

81.      L’examen des termes et de l’économie de la directive 2012/29 nous permet de tirer les conclusions suivantes.

82.      À l’exception de la situation dans laquelle la victime est un enfant, aucune disposition de la directive 2012/29 n’oblige les États membres à dispenser la victime, même la plus vulnérable, d’une nouvelle audition au cours de la procédure pénale dans l’hypothèse où la composition de la formation de jugement a été modifiée.

83.      Dans ces circonstances, une législation nationale qui, dans un système juridique tel que celui en cause au principal, prévoit, en cas de changement de la composition de la formation de jugement, un régime procédural en vertu duquel la personne poursuivie peut s’opposer à la lecture des procès-verbaux de l’audition de la victime, exigeant ainsi la réitération de celle-ci, n’est pas contraire aux dispositions de la directive 2012/29 et relève de la marge d’appréciation dont dispose l’État membre.

84.      Cette législation apparaît propre à garantir le respect des droits de la défense et l’équité de la procédure, lesquels impliquent, dans un système juridique de type accusatoire, que le juge chargé de statuer sur l’innocence ou la culpabilité de la personne poursuivie soit le juge devant lequel s’est, en principe, déroulée l’audition du témoin. Ceci découle des principes d’oralité et d’immutabilité du juge dont nous avons précédemment exposé la portée. Ainsi, dans un système juridique tel que celui en cause, lorsque le juge unique a changé ou la composition de la formation de jugement a été modifiée avant que le jugement ne soit rendu, le respect des droits et des principes susmentionnés implique, en principe, une nouvelle audition du témoin.

85.      Cette conclusion doit néanmoins être nuancée.

86.      D’une part, comme nous l’avons vu, cette législation ne doit pas dispenser les États membres de procéder, conformément à l’article 22 de la directive 2012/29, à une évaluation personnalisée afin de déterminer les besoins spécifiques de la victime et, le cas échant, la mesure dans laquelle celle-ci pourrait bénéficier des mesures de protection spécifiques prévues aux articles 23 et 24 de cette directive (34).

87.      À cet égard, il ressort de l’arrêt du 21 décembre 2011, X (35), que, dans le cadre du système juridique italien et sous réserve des modifications législatives susceptibles d’être intervenues depuis, la victime d’une infraction pénale est protégée conformément à plusieurs dispositions du code de procédure pénale, qui prévoient, notamment, lorsque les exigences de protection des personnes le rendent nécessaire ou opportun, le huis clos et la possibilité de recourir aux différentes modalités prévues à l’article 398, paragraphe 5 bis, de ce code (36).

88.      D’autre part, il faut rappeler que la directive 2012/29 édicte des règles minimales. Cela signifie, ainsi que le relève expressément le législateur de l’Union au considérant 11 de cette directive, que « [l]es États membres peuvent élargir les droits définis dans [ladite] directive pour offrir [à la victime] un degré de protection plus élevé ».

89.      Aucune disposition de la directive 2012/29 ne s’oppose donc à ce qu’un État membre adopte des mesures plus protectrices quant à l’audition des victimes au cours de la procédure pénale, à condition, néanmoins, que celles-ci ne portent pas atteinte à l’équité de la procédure au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ni aux droits de la défense de la personne poursuivie au sens de l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci.

90.      Si la Cour n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur les principes gouvernant le respect desdites dispositions et, en particulier, sur les règles relatives à l’audition des témoins dans le cadre d’une procédure pénale, la Cour européenne des droits de l’homme a, en revanche, été saisie d’un contentieux abondant dont il convient de résumer les principes.

91.      En effet, ainsi qu’il ressort des explications relatives à la Charte (37), le droit à un procès équitable garanti à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et les droits de la défense consacrés à l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci correspondent respectivement à l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la CEDH. Or, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le sens et la portée de ces droits sont les mêmes que ceux que leur confère la CEDH.

2.      La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’audition de la victime dans le cadre d’une procédure pénale

92.      L’article 6, paragraphe 1, de la CEDH consacre le droit à un procès équitable. Ce droit implique en particulier sur le fondement du paragraphe 3, sous d), de cet article, le droit pour tout accusé à « interroger ou faire interroger les témoins à charge ».

93.      Sur le fondement de ces dispositions, la Cour européenne des droits de l’homme recherche si la procédure pénale, considérée dans son ensemble et, en particulier, le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (38). Dans le cadre de son examen, cette Cour tient compte de la nature des questions à trancher ainsi que du système juridique national et, notamment, des spécificités de la procédure, de la nature et de l’étendue des pouvoirs des juridictions nationales. Elle juge ainsi que, en matière pénale, il doit généralement y avoir un tribunal de première instance répondant pleinement aux exigences de l’article 6 de la CEDH, et devant lequel la personne poursuivie peut légitimement exiger d’entendre les dépositions à charge des témoins (39).

94.      Selon la Cour européenne des droits de l’homme, le respect de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la CEDH implique que tous les éléments à charge soient produits devant l’accusé, en audience publique, en vue d’un débat contradictoire avant qu’il ne puisse être déclaré coupable (40). Un procès équitable implique donc, en principe, que ceux qui ont la responsabilité de décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé entendent les témoins en personne (41). Cela doit permettre à l’accusé de se confronter au témoin à charge et de contester son témoignage en la présence du juge qui doit, en dernier lieu, rendre sa décision. Il s’agit ici de la traduction du principe d’immédiateté. D’après cette Cour, ce principe est une garantie importante d’une procédure pénale, puisqu’il permet au juge qui doit statuer d’apprécier la crédibilité et la fiabilité des déclarations incriminantes et, par-là, du bien-fondé des chefs d’accusation, ce qui peut avoir des conséquences déterminantes pour l’accusé (42). Cette Cour relève qu’il s’agit là d’une tâche complexe, qui nécessite de la part du juge une appréciation directe des moyens de preuve (43) et qui ne peut pas être accomplie par la simple lecture des procès-verbaux des déclarations (44).

95.      Dans ces circonstances, la Cour européenne des droits de l’homme juge que le principe d’immédiateté implique que la décision soit rendue par les juges qui ont statué tout au long de la procédure et qui ont assisté à la production de toutes les preuves. Par conséquent, selon cette Cour, « le changement de composition d’un tribunal après l’audition d’un témoin décisif entraîne normalement une nouvelle audition de ce dernier » (45).

96.      Ladite Cour admet néanmoins des exceptions au principe d’immédiateté, à condition que les mesures adoptées par les juges du fond permettent de garantir le caractère globalement équitable de la procédure pénale et le respect des droits garantis à l’article 6 de la CEDH (46).

97.      En premier lieu, la Cour européenne des droits de l’homme considère que, compte tenu des raisons administratives ou procédurales qui rendent parfois impossible la participation continue d’un juge dans une affaire donnée, le principe d’immédiateté ne s’oppose pas à un changement dans la composition d’une formation de jugement au cours de la procédure pénale, à condition que l’accusé ait eu la possibilité « adéquate et suffisante » de contester les témoignages à charge et d’en interroger les auteurs soit au moment de leur déposition, soit à un stade ultérieur (47).

98.      Afin de procéder à cet examen, cette Cour étudie si l’audition du témoin a révélé des doutes quant à la crédibilité de ce dernier, auquel cas l’utilisation des procès-verbaux des témoignages n’est pas suffisante pour garantir le respect de l’article 6 de la CEDH, ou si cette audition est susceptible de constituer une preuve déterminante aux fins du jugement de l’intéressé, auquel cas elle juge que la réitération de cette audition s’impose.

99.      Ainsi, lorsqu’il s’avère qu’une condamnation se fonde, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur les dépositions d’un témoin que l’accusé n’a eu la possibilité d’interroger ou de faire interroger ni au stade de l’instruction ni pendant les débats, ladite Cour jugera cette exception au principe d’immédiateté incompatible avec les garanties de l’article 6 de la CEDH.

100. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 décembre 2014, Cutean c. Roumanie (48), la Cour européenne des droits de l’homme a ainsi conclu à une violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la CEDH dans la mesure où l’utilisation des procès-verbaux des déclarations des témoins ne compensait pas l’absence d’immédiateté de la procédure. Malgré les raisons procédurales objectives ayant justifié la saisine d’une nouvelle formation de jugement, cette Cour a constaté, en effet, que la formation de jugement nouvellement saisie n’était composée d’aucun des membres du collège initial de juges devant lesquels le requérant et les témoins avaient été entendus, que la crédibilité des témoins avait été expressément remise en cause par le requérant et que les déclarations des premiers constituaient des preuves déterminantes aux fins de la condamnation du second (49).

101. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu dans le même sens dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, Cerovšek et Božičnik c. Slovénie (50). Elle était également interrogée sur l’équité de la procédure pénale engagée contre les requérants, la juge statuant en qualité de juge unique ayant pris sa retraite après avoir jugé et reconnu coupables ces derniers de vol, mais avant qu’elle ne motive son jugement de condamnation, un jugement écrit ayant donc été rendu trois ans plus tard par deux juges qui n’avaient pas participé au procès, sur la base des pièces écrites du dossier. La condamnation des requérants fut confirmée en appel sans qu’aucun témoin fût à nouveau entendu.

102. Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme a également conclu à la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la CEDH, dans la mesure où, conformément au principe d’immédiateté dans la procédure pénale, l’observation par la juge du comportement des témoins et des requérants ainsi que l’appréciation qu’elle avait faite de leur crédibilité avaient dû jouer un rôle important, si ce n’est décisif, dans l’établissement des faits sur lesquels elle a fait reposer son jugement de condamnation. S’agissant de la raison ayant justifié un changement de la composition de la formation de jugement, cette Cour a noté que le départ en retraite de la juge en charge de l’affaire ne pouvait être considéré comme étant une circonstance exceptionnelle justifiant une entorse à la procédure interne normale, la juge devant nécessairement connaître à l’avance la date de son départ. Ladite Cour a alors considéré qu’il était par conséquent possible, pour les autorités nationales compétentes, d’adopter des mesures visant soit à ce que cette dernière achève elle-même le traitement de l’affaire en cause, soit à ce qu’un autre magistrat intervienne plus tôt dans la procédure. En tout état de cause, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la seule façon de compenser l’incapacité de la juge à produire les raisons justifiant la condamnation des requérants aurait été d’ordonner un nouveau procès, la cour d’appel renvoyant, par exemple, l’affaire en première instance aux fins d’organiser une nouvelle audience.

103. En revanche, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 février 2005, Graviano c. Italie (51), la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que le rejet des demandes de l’accusé tendant à obtenir une nouvelle audition des témoins n’avait pas porté atteinte à ses droits de la défense au point d’enfreindre l’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous d), de la CEDH. Dans cette affaire, cette Cour était invitée à apprécier si la procédure pénale, diligentée à l’encontre du requérant pour meurtre et association de type mafieux, avait été équitable au sens de ces dispositions en raison du remplacement de l’un des huit juges composant la chambre de la cour d’assises et du rejet de ses demandes visant à obtenir une nouvelle convocation des témoins, parmi lesquels figuraient notamment des mafieux repentis.

104. Dans le cadre de son examen, ladite Cour a relevé, premièrement, que la condamnation du requérant était fondée sur les affirmations de plusieurs témoins, deuxièmement, que le changement de l’un des huit juges composant la formation de jugement n’avait pas privé le requérant de son droit d’interroger les témoins en question, ceux-ci ayant été entendus lors des débats publics en présence du requérant et de son avocat, lesquels avaient eu l’occasion de leur poser les questions qu’ils estimaient utiles pour la défense, troisièmement, que le requérant n’avait pas indiqué en quoi la réitération des auditions aurait pu apporter des éléments nouveaux et pertinents et, enfin, quatrièmement, que les sept autres juges avaient pu assister à la production de toutes les preuves. Dans ces circonstances, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le fait que le juge suppléant ait eu la possibilité de lire les procès-verbaux des audiences dans lesquelles les témoins en question ont été interrogés compensait son absence pendant ces audiences (52).

105. En second lieu, la Cour européenne des droits de l’homme admet des exceptions au principe d’immédiateté lorsque, en raison de la vulnérabilité de la victime, celle-ci n’a pas comparu au procès, la formation de jugement se fondant à titre de preuves sur les procès-verbaux de ses déclarations antérieures.

106. Cette Cour procède alors à une mise en balance des intérêts concurrents de la défense, de la victime, des témoins et de l’intérêt public à assurer une bonne administration de la justice (53) et, dans le cadre de cet exercice, elle porte son attention non seulement sur le nécessaire respect des droits de la défense, mais également sur celui des droits des victimes et des témoins (54).

107. Afin de s’assurer que l’accusé a bénéficié d’une occasion « adéquate et suffisante » de contester les témoignages à charge et d’en interroger les auteurs (55), la Cour européenne des droits de l’homme analyse trois critères (56).

108. Premièrement, elle examine s’il existe un motif sérieux et suffisant justifiant l’absence d’audition du témoin tel que le décès du témoin (57), son état de santé, sa vulnérabilité particulière ou bien encore ses craintes (58).

109. Deuxièmement, elle examine si l’audition du témoin constitue la preuve unique ou déterminante sur laquelle se fonde la condamnation de la personne poursuivie. Si les motifs justifiant l’absence de comparution du témoin sont jugés sérieux, il n’en reste pas moins qu’ils peuvent se révéler insuffisants au regard du poids et du caractère décisif que peut revêtir l’audition du témoin pour la détermination de la culpabilité de l’accusé ainsi que de l’intérêt en jeu pour ce dernier (59).

110. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juillet 2013, Vronchenko c. Estonie (60), la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, bien que la formation de jugement avait agi dans le meilleur intérêt de l’enfant en renonçant à procéder à son audition en audience publique et bien que la diffusion lors de l’audience de l’enregistrement vidéo de son audition avait permis aux juges comme à la défense d’observer le comportement et d’apprécier la crédibilité de la victime, les mesures insuffisantes pour garantir le respect des droits de la défense, compte tenu de l’importance de ce témoignage (61).

111. Enfin, troisièmement, cette Cour examine s’il existe des éléments compensateurs suffisants et, en particulier, des garanties procédurales solides, permettant de contrebalancer les difficultés causées à la défense en raison de l’admission à titre de preuve des déclarations d’un témoin absent.

112. Dans ce contexte, la Cour européenne des droits de l’homme examine, en particulier, si d’autres éléments de preuve ont été produits afin de corroborer la déposition du témoin, tels que des expertises relatives à la crédibilité de la victime. Elle examine, également, si la défense a eu la possibilité d’interroger le témoin au stade de l’enquête et si la diffusion lors de l’audience d’un enregistrement vidéo de l’audition du témoin est de nature à permettre au tribunal, au ministère public et à la défense d’observer le comportement du témoin et de se former leur propre opinion quant à sa fiabilité. Elle tient, en outre, compte de la manière avec laquelle les juges du fond ont abordé l’examen des déclarations d’un témoin absent et les raisons pour lesquelles ils ont jugé ces dernières fiables tout en appréciant d’autres éléments de preuve disponibles (62).

113. Cet examen de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme nous apporte les précisions suivantes.

114. Nous constatons que cette Cour part du principe que l’audition, devant la formation de jugement appelée à statuer, de la victime participant à la procédure pénale en tant que témoin est la règle. Ceci est également le principe que défend le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 2012/29, puisqu’aucune de ses dispositions, à l’exception de celle consacrée aux enfants victimes, ne dispense la victime, même la plus vulnérable, d’une audition au cours de la procédure pénale, ou n’en limite le nombre.

115. La Cour européenne des droits de l’homme admet néanmoins des exceptions à ce principe en appréciant, au cas par cas, l’équité globale de la procédure. À cet égard, elle tient compte de la vulnérabilité de la victime, mais également de son rôle et de l’importance de son témoignage dans le cadre de la procédure pénale. Ce sont également des circonstances que les États membres doivent prendre en considération lors de la mise en œuvre de la directive 2012/29. Si la CEDH peut paraître plus protectrice à l’égard de la victime lorsqu’elle admet que celle-ci a pu légitimement être dispensée de comparaître en audience publique, rappelons que la directive 2012/29 n’édicte que des règles minimales. Elle ne s’oppose donc pas à ce que les États membres élargissent les droits qui y sont définis afin d’offrir un degré de protection plus élevé aux victimes particulièrement vulnérables, en autorisant, par exemple, l’utilisation à titre de preuve des procès-verbaux de leurs déclarations.

116. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’adoption d’une telle mesure devrait donc être précédée d’une mise en balance de l’ensemble des intérêts en jeu. Dans ce contexte, les États membres devraient, en particulier, prendre le soin d’examiner si l’audition de la victime est susceptible de revêtir un caractère déterminant aux fins du jugement de la personne poursuivie ou de révéler un doute quant à sa crédibilité et d’assurer, par des garanties procédurales solides, que l’administration des preuves dans le cadre de la procédure pénale ne porte pas atteinte à l’équité de la procédure au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ni aux droits de la défense au sens de l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci.

117. C’est au regard de l’ensemble de ces considérations que nous proposons à la Cour de dire pour droit que l’article 18 de la directive 2012/29 ne s’oppose pas à une législation nationale qui, dans un système juridique tel que celui en cause au principal, prévoit, en cas de changement de la composition de la formation de première instance devant laquelle la victime a été entendue en qualité de témoin, un régime procédural en vertu duquel la personne poursuivie peut s’opposer à la lecture des procès-verbaux de l’audition de la victime, exigeant ainsi la réitération de celle-ci, en particulier lorsque la victime est un témoin décisif, dont le témoignage est susceptible de déterminer l’innocence ou la culpabilité de la personne poursuivie.

118. En outre, nous estimons que, lorsque, sur le fondement de cette législation nationale, la personne poursuivie exige une nouvelle audition de la victime, les autorités nationales compétentes sont tenues de procéder, conformément à l’article 22 de la directive 2012/29, à une évaluation personnalisée afin de déterminer les besoins spécifiques de cette victime et, le cas échant, la mesure dans laquelle celle-ci pourrait bénéficier des mesures de protection spécifiques prévues aux articles 23 et 24 de cette directive. Dans ces circonstances, nous pensons qu’il appartient aux juridictions nationales de s’assurer que lesdites mesures ne portent pas atteinte à l’équité de la procédure au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ni aux droits de la défense au sens de l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci.

119. Enfin, nous invitons également la Cour à préciser que la directive 2012/29 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre adopte des mesures plus protectrices quant à l’audition des victimes au cours de la procédure pénale, à condition, néanmoins, que ces mesures ne portent pas atteinte auxdits droits fondamentaux.

B.      La portée du droit d’obtenir à ce qu’il soit statué sur l’indemnisation de la victime dans un délai raisonnable

120. Aux termes de l’article 16 de la directive 2012/29, les États membres doivent veiller à ce que la victime d’une infraction pénale ait le droit d’obtenir qu’il soit statué dans un délai raisonnable sur son indemnisation, dans le cadre de la procédure pénale ou dans le cadre d’une autre procédure judiciaire.

121. Compte tenu des termes de cette disposition, le Tribunale di Bari (tribunal de Bari) soutient, dans sa décision de renvoi, que la personne poursuivie pourrait user de la législation nationale en cause dans un but dilatoire, réduisant ainsi à néant la réparation en temps utile du dommage exigée à l’article 16 de la directive 2012/29. La juridiction de renvoi évoque même l’idée d’une manœuvre qui pourrait devenir systématique et qui risquerait d’aboutir, compte tenu de l’allongement des délais, à la prescription de la procédure.

122. Cet argument ne nous convainc pas.

123. En vertu de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, toute personne a effectivement droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. Ainsi que nous l’avons indiqué, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le sens et la portée de ce droit sont les mêmes que ceux que lui confère l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

124. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que le respect de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH implique, en principe, que toutes les phases de la procédure judiciaire, de nature civile ou pénale, aboutissent dans un délai raisonnable, ce qui inclut les phases postérieures aux décisions sur le fond (63), telles que la procédure relative à des frais de justice ou le recouvrement effectif d’une créance.

125. Si les juridictions nationales peuvent tenir compte d’impératifs d’efficacité et d’économie, en jugeant, par exemple, que l’organisation systématique de débats peut constituer un obstacle à la particulière diligence requise et empêcher le respect du délai raisonnable (64), cette Cour rappelle, néanmoins, que la célérité de la procédure ne constitue que l’une des composantes du principe, plus général, de bonne administration de la justice (65) et que « l’article 6[, paragraphe 1, de la CEDH] vis[e] avant tout à préserver les intérêts de la défense et ceux d’une bonne administration de la justice » (66).

126. Dans le cadre de l’affaire au principal, l’exigence de statuer dans un délai raisonnable sur l’indemnisation de la victime ne saurait donc affecter la portée des principes d’oralité et de connaissance directe et immédiate de l’affaire par le juge, indispensable à ce dernier afin qu’il se forge sa propre conviction.

127. L’approche adoptée par le législateur de l’Union est parfaitement conforme aux principes dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi que nous l’avons vu, il ressort des considérants 12 et 66 de la directive 2012/29 que les droits qu’elle énonce, parmi lesquels figure le droit d’obtenir à ce qu’il soit statué sur l’indemnisation dans un délai raisonnable, s’entendent sans préjudice du respect des droits procéduraux de l’auteur de l’infraction et, en particulier, de ses droits de défense et du droit à un procès équitable (67).

128. Par conséquent, le droit reconnu au bénéfice de la victime à l’article 16 de la directive 2012/29 ne saurait affecter la jouissance effective des droits procéduraux reconnus à la personne poursuivie, en particulier dans une situation telle que celle en cause où la composition de la formation de jugement devant laquelle la victime a été entendue a été modifiée en raison de la mutation de l’un de ses magistrats soit, en d’autres termes, en raison de la survenance, au cours de la procédure judiciaire, d’une circonstance qui ne lui est pas imputable. Dans une telle situation, on ne saurait exiger de la personne poursuivie qu’elle renonce à la jouissance effective de ses droits procéduraux au prétexte qu’il convient d’accélérer le cours de la justice afin de statuer, dans un délai raisonnable, sur l’indemnisation due à la victime.

129. Dans la présente affaire, le juge de renvoi évoque l’idée selon laquelle le refus opposé par la personne poursuivie d’utiliser les procès-verbaux de l’audition est susceptible de constituer une obstruction délibérée à la bonne marche de la procédure pénale. Ce risque n’est évidemment pas exclu. Il convient, néanmoins, de relever que deux années se sont presque écoulées entre la première audience des débats au cours de laquelle la victime a été entendue pour la première fois le 14 avril 2015 et la deuxième audience des débats, le 21 février 2017, lors de laquelle la défense a demandé la réitération de son audition à la suite de la modification de la composition de la juridiction de renvoi. Il n’est donc pas exclu non plus que, en raison du temps qui s’est écoulé entre les deux audiences des débats, les souvenirs aient pu s’effacer dans l’esprit des deux juges devant lesquels a eu lieu la première audition. Au regard de ces circonstances et en tenant également compte du fait qu’un juge sur les trois qui composent la juridiction de renvoi a été remplacé, nous pensons que la juridiction de renvoi est avant tout tenue de garantir le principe d’immédiateté, dans sa dimension tant temporelle que spatiale, et d’assurer le respect des droits fondamentaux de la personne poursuivie, en permettant à celle-ci de contester, conformément au principe du contradictoire et en présence de l’ensemble des membres de la formation de jugement appelée à statuer, les déclarations susceptibles de fonder sa condamnation.

130. Au regard de ces éléments, nous proposons, par conséquent, à la Cour de dire pour droit que l’article 16 de la directive 2012/29 ne s’oppose pas à une législation nationale qui, dans un système juridique tel que celui en cause au principal, prévoit, en cas de changement de la composition de la formation de première instance devant laquelle la victime a été entendue comme témoin, un régime procédural en vertu duquel la personne poursuivie peut s’opposer à la lecture des procès‑verbaux de l’audition de la victime, exigeant ainsi la réitération de celle‑ci, en particulier lorsque la victime est un témoin décisif, dont le témoignage est susceptible de déterminer l’innocence ou la culpabilité de la personne poursuivie.

VI.    Conclusion

131. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Tribunale di Bari (tribunal de Bari, Italie) de la manière suivante :

1)      Les articles 16 et 18 de la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale qui, dans un système juridique tel que celui en cause au principal, prévoit, en cas de changement de la composition de la formation de première instance devant laquelle la victime a été entendue en qualité de témoin, un régime procédural en vertu duquel la personne poursuivie peut s’opposer à la lecture des procès-verbaux de l’audition de la victime, exigeant ainsi la réitération de celle-ci, en particulier lorsque la victime est un témoin décisif, dont le témoignage est susceptible de déterminer l’innocence ou la culpabilité de la personne poursuivie.

Lorsque, sur le fondement de cette législation nationale, la personne poursuivie exige une nouvelle audition de la victime, les autorités nationales compétentes sont tenues de procéder, conformément à l’article 22 de la directive 2012/29, à une évaluation personnalisée afin de déterminer les besoins spécifiques de cette victime et, le cas échant, la mesure dans laquelle celle-ci pourrait bénéficier des mesures de protection spécifiques prévues aux articles 23 et 24 de cette directive. Dans ces circonstances, il appartient aux juridictions nationales de s’assurer que lesdites mesures ne portent pas atteinte à l’équité de la procédure au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ni aux droits de la défense au sens de l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci.

2)      La directive 2012/29 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre adopte des mesures plus protectrices quant à l’audition des victimes au cours de la procédure pénale, à condition, néanmoins, que ces mesures ne portent pas atteinte auxdits droits fondamentaux.


1      Langue originale : le français.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (JO 2012, L 315, p. 57).


3      C‑105/03, EU:C:2005:386.


4      C‑507/10, EU:C:2011:873. Dans cet arrêt, la Cour était interrogée sur la conformité, au regard des articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, du 15 mars 2001, relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales (JO 2001, L 82, p. 1), des dispositions prévues dans le code de procédure pénal relatives à la procédure incidente d’administration anticipée de la preuve ou « incident probatoire ».


5      Ci-après la « Charte ».


6      Signée à Rome le 4 novembre 1950, ci-après la « CEDH ».


7      Voir considérant 4 de cette directive.


8      Voir article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2012/29.


9      Traduction publiée par le secrétariat général de la présidence de la République italienne à l’adresse Internet suivante : https://www.quirinale.it/allegati_statici/costituzione/costituzione_francese.pdf.


10      Le juge de renvoi se réfère aux articles 492 à 495 du code de procédure pénale.


11      Arrêt n° 2 de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), assemblée plénière des chambres pénales, du 15 janvier 1999.


12      C‑105/03, EU:C:2005:386.


13      Voir points 19 à 29 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire X (C‑507/10, EU:C:2011:682), dans lesquels il est consacré de longs développements à la nature de la procédure pénale italienne et auxquels nous nous référons.


14      C‑185/95 P, EU:C:1998:37. Nous renvoyons, en particulier, aux points 80 à 83 de ces conclusions.


15      Dans un sens strict, ces principes sont compris comme le droit pour une partie d’être entendue lors d’une audience au cours de laquelle elle ou son représentant aura la faculté de s’exprimer et de répondre aux questions des juges. Les organisations judiciaires des États membres prévoient des régimes mêlant, dans des proportions variables, les caractères oral et écrit des procédures juridictionnelles, mais toutes connaissent le principe d’oralité.


16      Bouzat, P., et Pinatel, J., Traité de droit pénal et de criminologie, tome II, 2e éd., Dalloz, Paris, 1970, point 1336.


17      Bouzat, P., et Pinatel, J., op.cit., point 1336.


18      Desportes, F., et Lazergues-Cousquer, L., Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, Paris, 2013, points 609 à 611.


19      Dans sa décision de renvoi, le Tribunale di Bari (tribunal de Bari) relève ainsi expressément que l’article 525, paragraphe 1, du code de procédure pénale consacre le principe d’immédiateté au sens temporel (« [l]e jugement doit être rendu immédiatement après la clôture des débats »).


20      Voir conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Baustahlgewebe/CommissionBaustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:37, point 83).


21      Voir considérant 53 de la directive 2012/29.


22      La finalité de ces mesures est clairement exposée aux considérants 53 et 54 de la directive 2012/29.


23      C‑483/09 et C‑1/10, EU:C:2011:583.


24      Point 64 de cet arrêt, relatif à l’interprétation de l’article 8, paragraphes 2 à 4, de la décision-cadre 2001/220.


25      Conformément à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2012/29, les mesures prévues pendant l’enquête pénale consistent à garantir à la victime le droit d’être auditionnée dans des locaux conçus à cet effet, par des professionnels qui soient formés et qui, « sauf si cela est contraire à la bonne administration de la justice », soient toujours les mêmes et, enfin, si cela est nécessaire et « pour autant que cela ne nuise pas à la procédure pénale », soient du même sexe que la victime. Ces mesures ne sont pas pertinentes dans le cadre de l’affaire au principal, puisqu’elles ne visent pas la phase de la procédure juridictionnelle.


26      Conformément à l’article 24, paragraphe 1, sous a), de la directive 2012/29, les États membres doivent veiller à ce que, « dans le cadre de l’enquête pénale, toutes les auditions de l’enfant victime puissent faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel, cet enregistrement pouvant servir de preuve pendant la procédure pénale ». Cette disposition est en ligne avec la jurisprudence dégagée par la Cour dans le contexte d’une procédure relative au droit de garde d’un enfant, en vertu de laquelle, « tout en restant un droit de l’enfant, l’audition ne peut pas constituer une obligation absolue, mais doit faire l’objet d’une appréciation en fonction des exigences liées à l’intérêt supérieur de l’enfant dans chaque cas d’espèce, conformément à l’article 24, paragraphe 2, de la [Charte] » [arrêt du 22 décembre 2010, Aguirre ZarragaAguirre Zarraga (C‑491/10 PPU, EU:C:2010:828, point 64)].


27      Article 23, paragraphe 1, de la directive 2012/29.


28      Voir considérant 54 de la directive 2012/29.


29      Conformément au considérant 58 de la directive 2012/29, « [l]’ampleur de ces mesures [doit] être déterminée sans préjudice des droits de la défense ». Ce principe figurait déjà à l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre 2001/220.


30      C‑105/03, EU:C:2005:386.


31      C‑404/07, EU:C:2008:553.


32      Voir arrêt du 9 octobre 2008, Katz (C‑404/07, EU:C:2008:553, point 48 et jurisprudence citée).


33      Arrêt du 9 octobre 2008, Katz (C‑404/07, EU:C:2008:553, point 49 et jurisprudence citée). La Cour a adopté ici la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme, aux termes de laquelle « [l]a mission confiée à la Cour par la [CEDH] ne consiste pas à se prononcer sur le point de savoir si des dépositions de témoins ont été à bon droit admises comme preuves [ceci relevant de l’appréciation des juridictions nationales], mais à rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable » (voir Cour EDH, 10 février 2005, Graviano c. Italie, CE:ECHR:2005:0210JUD001007502, § 36 et jurisprudence citée).


34      Voir point 66 des présentes conclusions.


35      C‑507/10, EU:C:2011:873.


36      Voir point 40 de cet arrêt.


37      JO 2007, C 303, p. 17.


38      Voir Cour EDH, 10 février 2005, Graviano c. Italie (CE:ECHR:2005:0210JUD001007502, § 36).


39      Cour EDH, 23 novembre 2006, Jussila c. Finlande (CE:ECHR:2006:1123JUD007305301, § 40 et jurisprudence citée).


40      Voir Cour EDH, 5 décembre 2002, Craxi c. Italie (CE:ECHR:2002:1205JUD003489697, § 85 et jurisprudence citée), ainsi que 14 juin 2005, Mayali c. France (CE:ECHR:2005:0614JUD006911601, § 31).


41      Voir Cour EDH, 29 juin 2017, Lorefice c. Italie (CE:ECHR:2017:0629JUD006344613, § 43 et jurisprudence citée) ; 10 octobre 2017, Daştan c. Turquie (CE:ECHR:2017:1010JUD003727208, § 33 et jurisprudence citée), ainsi que 9 janvier 2018, Ghincea c. Roumanie (CE:ECHR:2018:0109JUD003667606, § 40 et jurisprudence citée).


42      Voir Cour EDH, 10 février 2005, Graviano c. Italie (CE:ECHR:2005:0210JUD001007502, § 38 et jurisprudence citée), ainsi que 5 mars 2013, Manolachi c. Roumanie (CE:ECHR:2013:0305JUD003660504, § 48 et 49).


43      Voir Cour EDH, 29 juin 2017, Lorefice c. Italie (CE:ECHR:2017:0629JUD006344613, § 36 et jurisprudence citée).


44      Voir Cour EDH, 29 juin 2017, Lorefice c. Italie (CE:ECHR:2017:0629JUD006344613, § 43 et jurisprudence citée), ainsi que 9 janvier 2018, Ghincea c. Roumanie (CE:ECHR:2018:0109JUD003667606, § 40 et jurisprudence citée).


45      Cour EDH, 10 février 2005, Graviano c. Italie (CE:ECHR:2005:0210JUD001007502, § 38), italique ajouté par nos soins.


46      Cour EDH, 19 décembre 2013, Rosin c. Estonie (CE:ECHR:2013:1219JUD002654008, § 59 et 62 ainsi que jurisprudence citée).


47      Cour EDH, 10 février 2005, Graviano c. Italie (CE:ECHR:2005:0210JUD001007502, § 37).


48      CE:ECHR:2014:1202JUD005315012. Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme était interrogée sur l’équité de la procédure pénale engagée contre le requérant, le collège initial de juges chargé d’examiner son affaire en première instance ayant été modifié et aucun des juges du collège qui l’avaient ultérieurement condamné n’ayant entendu ni le requérant ni les témoins directement, ce qui n’avait pas été corrigé en appel.


49      § 60 à 73 de cet arrêt.


50      CE:ECHR:2017:0307JUD006893912 (§ 37 à 48).


51      CE:ECHR:2005:0210JUD001007502.


52      Voir arrêt Cour EDH, 10 février 2005, Graviano c. Italie (CE:ECHR:2005:0210JUD001007502, § 39).


53      Voir Cour EDH, 15 décembre 2011, Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2011:1215JUD002676605, § 146).


54      Voir Cour EDH, 15 décembre 2011, Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2011:1215JUD002676605, § 120 et suiv.), ainsi que 15 décembre 2015, Schatschaschwili c. Allemagne (CE:ECHR:2015:1215JUD000915410, § 101 et jurisprudence citée).


55      Cour EDH, 10 février 2005, Graviano c. Italie (CE:ECHR:2005:0210JUD001007502, § 37).


56      Voir Cour EDH, 15 décembre 2015, Schatschaschwili c. Allemagne (CE:ECHR:2015:1215JUD000915410, § 107 et jurisprudence citée)


57      Voir Cour EDH, 8 juin 2006, Bonev c. Bulgarie (CE:ECHR:2006:0608JUD006001800, § 44).


58      Voir Cour EDH, 15 décembre 2011, Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2011:1215JUD002676605, § 121 et 122).


59      Voir, à cet égard, Cour EDH, 5 juillet 2011, Dan c. Moldavie (CE:ECHR:2011:0705JUD000899907, § 31) ; 15 décembre 2011, Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2011:1215JUD002676605, § 126 et suiv.), ainsi que 29 juin 2017, Lorefice c. Italie (CE:ECHR:2017:0629JUD006344613, § 41).


60      CE:ECHR:2013:0718JUD005963209. Arrêt relatif à l’absence au procès de la victime mineure d’une infraction sexuelle aux fins de la protection du bien-être de l’enfant. Voir, également, Cour EDH, 19 décembre 2013, Rosin c. Estonie (CE:ECHR:2013:1219JUD002654008, § 57 et 60).


61      § 65 de cet arrêt. Dans son arrêt du 15 décembre 2011, Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2011:1215JUD002676605, § 125), la Cour européenne des droits de l’homme avait déjà relevé que, « compte tenu de la mesure dans laquelle l’absence d’un témoin nuit aux droits de la défense, [...] [a]vant de pouvoir dispenser un témoin de comparaître au motif qu’il craint de se présenter au procès, le juge doit estimer établi que toutes les autres possibilités, telles que l’anonymat ou d’autres mesures spéciales, seraient inadaptées ou impossibles à mettre en œuvre ».


62      Voir Cour EDH, 15 décembre 2015, Schatschaschwili c. Allemagne (CE:ECHR:2015:1215JUD000915410, § 125 et suiv.).


63      Cour EDH, 23 septembre 1997, Robins c. Royaume-Uni (CE:ECHR:1997:0923JUD002241093, § 28), et 21 avril 1998, Estima Jorge c. Portugal (CE:ECHR:1998:0421JUD002455094, § 45).


64      Cour EDH, 23 novembre 2006, Jussila c. Finlande (CE:ECHR:2006:1123JUD007305301, § 42).


65      Cour EDH, 12 octobre 1992, Boddaert c. Belgique (CE:ECHR:1992:1012JUD001291987, § 39).


66      Cour EDH, 21 novembre 1995, Acquaviva c. France (CE:ECHR:1995:1121JUD001924891, § 66).


67      Voir point 72 des présentes conclusions.