Language of document : ECLI:EU:T:2018:531

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 septembre 2018 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Recrutement – Concours interne – Constitution d’une liste de réserve pour le recrutement d’assistants – Condition d’admission relative au groupe de fonctions dans lequel le candidat est classé au jour de la clôture du délai pour le dépôt des candidatures – Non-admission à participer aux épreuves d’un concours »

Dans l’affaire T‑79/17,

Alain Schoonjans, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Berscheid et Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du jury du concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) portant rejet de la candidature du requérant et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik-Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Alain Schoonjans, a travaillé au sein de la Commission européenne comme agent contractuel du groupe de fonctions III entre le 1er décembre 2010 et le 30 novembre 2013, comme intérimaire entre le 1er et le 31 décembre 2013, à nouveau comme agent contractuel du groupe de fonctions III entre le 1er janvier 2014 et le 15 septembre 2015 et, enfin, comme agent contractuel du groupe de fonctions IV du 16 septembre 2015 au 31 décembre 2016.

2        Le 9 février 2016, la Commission a publié un avis de concours internes sur épreuves, pour la constitution d’une liste de réserve pour le recrutement de secrétaires/commis de grade 2 (AST/SC 2), d’assistants de grade 2 (AST 2) et d’administrateurs de grade 6 (AD 6) (ci-après l’« avis de concours »). Ces trois concours étaient respectivement référencés comme suit : COM/01/AST-SC/16 (AST/SC 2) – Secrétaires/commis, COM/02/AST/16 (AST 2) – Assistants, et COM/03/AD/16 (AD 6) – Administrateurs.

3        Sous le titre III, intitulé « Éligibilité », l’article 2.1, sous c), de l’avis de concours prévoyait ce qui suit s’agissant du statut administratif des candidats :

« [Vous devez] avoir passé au moins les six mois précédant la date de clôture des inscriptions électroniques dans le groupe de fonctions qui est requis au titre III.2.2 pour le concours auquel vous vous êtes inscrit, ou avoir passé la totalité ou une partie de la période de six mois visée ci-dessus dans un groupe de fonctions plus élevé.

Les périodes suivantes sont prises en considération pour le calcul des six mois requis : périodes en position administrative “d’activité”, “congé pour service militaire”, “congé parental ou familial”, “détachement dans l’intérêt du service”, ou “détachement sur demande” (au cours des six premiers mois du détachement sur demande), au sens des articles 37 et suivants du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne]. »

4        Sous le même titre, l’article 2.2 de l’avis de concours prévoyait ce qui suit s’agissant du groupe de fonctions et du grade des candidats :

« À la date de clôture fixée pour l’inscription électronique, vous devez appartenir au groupe de fonctions suivant :

Pour COM/01/AST-SC/16 (AST/SC 2), vous devez être fonctionnaire ou agent temporaire AST/SC ou agent contractuel GFII.

Pour COM/02/AST/16 (AST 2), vous devez être fonctionnaire ou agent temporaire AST ou agent contractuel GFIII.

Pour COM/03/AD/16 (AD 6), vous devez être fonctionnaire ou agent temporaire AD ou agent contractuel GFIV. »

5        À une date indéterminée, le requérant s’est porté candidat au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2).

6        Le 11 avril 2016, le jury du concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) a informé le requérant de sa décision de rejeter sa candidature (ci-après la « décision attaquée »), dès lors qu’il ne remplissait pas la condition fixée par l’avis de concours exigeant d’être classé dans le groupe de fonctions III au jour de la clôture des inscriptions au concours (ci-après la « condition litigieuse »).

7        Le 11 juillet 2016, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

8        Par décision du 27 octobre 2016 notifiée le même jour au requérant, l’autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté la réclamation de celui-ci.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2017, le requérant a introduit le présent recours.

10      Par courrier du 14 février 2017, le requérant a demandé que la présente affaire soit jointe, pour cause de connexité, aux affaires T‑55/17, Healy/Commission, et T‑73/17, RS/Commission, conformément à l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.

11      Par courrier du 15 février 2017, la Commission a été invitée à présenter ses observations sur une éventuelle jonction de la présente affaire et des affaires T‑55/17, Healy/Commission, et T‑73/17, RS/Commission.

12      Le 5 avril 2017, la Commission a déposé le mémoire en défense.

13      Par courrier du 18 mai 2017, le requérant a indiqué renoncer à déposer une réplique.

14      Par courrier du 30 mai 2017, le requérant a sollicité la tenue d’une audience.

15      Par décision du 14 novembre 2017, le président de la neuvième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre la présente affaire et les affaires T‑55/17, Healy/Commission, et T‑73/17, RS/Commission.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 19 janvier 2018.

17      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral prétendument subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

19      Au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision attaquée, le requérant soulève une exception d’illégalité de la condition litigieuse en ce que celle-ci violerait l’article 82, paragraphe 7, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») et l’article 27, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

20      D’une part, le requérant considère que le libellé de l’article 82, paragraphe 7, deuxième phrase, du RAA est univoque et ne laisse aucune marge d’appréciation à la Commission, en disposant que les agents contractuels du groupe de fonctions IV peuvent prendre part aux concours notamment pour les grades AST 1 à AST 4.

21      Or, en l’espèce, l’avis de concours prévoirait que seuls les agents contractuels du groupe de fonctions III peuvent participer au concours pour le grade AST 2. Partant, la Commission aurait violé l’article 82, paragraphe 7, deuxième phrase, du RAA et, par conséquent, ledit avis devant être tenu pour illégal, la décision attaquée devrait être annulée.

22      D’autre part, le requérant estime que, même à supposer que la condition litigieuse soit compatible avec l’article 82, paragraphe 7, du RAA, elle viole l’article 27, premier alinéa, du statut en ce qu’elle restreint le champ de recrutement de manière injustifiée et, en toute hypothèse, de façon disproportionnée.

23      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

 Appréciation du Tribunal

24      Aux termes de l’article 27, premier alinéa, du statut :

« Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union. Aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d'un État membre déterminé. »

25      L’article 29, paragraphe 1, quatrième alinéa, du statut dispose :

« Tout en maintenant le principe selon lequel la grande majorité des fonctionnaires doivent être recrutés sur la base de concours généraux, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider, par dérogation au point d) et uniquement à titre exceptionnel, d’organiser un concours interne à l’institution qui soit également ouvert aux agents contractuels tels que définis aux articles 3 bis et 3 ter du [RAA]. Cette dernière catégorie de personnel est soumise à des restrictions en ce qui concerne la possibilité prévue à l'article 82, paragraphe 7, du [RAA] et en ce qui concerne les tâches spécifiques que les membres de cette catégorie étaient habilités à exécuter en tant qu’agents contractuels. »

26      En premier lieu, il convient de rappeler les principes posés par la jurisprudence relatifs aux conditions et aux modalités d’organisation d’un concours.

27      Premièrement, le rôle essentiel de l’avis de concours consiste à informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir arrêt du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 63 et jurisprudence citée).

28      Deuxièmement, l’institution dispose, à cet égard, d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les critères de capacité exigés par les emplois à pourvoir et pour déterminer, en fonction de ces critères et dans l’intérêt du service, les conditions et les modalités d’organisation d’un concours (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, points 76 et 77 et jurisprudence citée ; du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 63 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 36 et jurisprudence citée).

29      Toutefois, l’exercice du pouvoir d’appréciation qui appartient aux institutions en matière d’organisation de concours, en particulier en ce qui concerne la fixation des conditions d’admission, doit être compatible avec les dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, et de l’article 29, paragraphe 1, du statut. C’est de manière impérative que l’article 27, premier alinéa, du statut définit le but de tout recrutement et que l’article 29, paragraphe 1, du statut fixe le cadre des procédures à suivre en vue de pourvoir aux vacances d’emploi. En conséquence, ce pouvoir doit toujours être exercé en fonction des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l’intérêt du service (voir arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 37 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, points 28 et 29 et jurisprudence citée).

30      S’agissant spécifiquement des conditions limitant l’inscription de candidats à un concours, si elles sont certes susceptibles de restreindre les possibilités pour l’institution de recruter les meilleurs candidats au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut, il n’en résulte pas pour autant que toute condition portant une telle limitation est contraire à l’article susmentionné. En effet, le pouvoir d’appréciation de l’administration dans l’organisation des concours et, plus généralement, l’intérêt du service permettent à l’institution de poser les conditions qu’elle juge appropriées et qui, tout en limitant l’accès des candidats à un concours, et donc forcément le nombre des candidats inscrits, ne comportent cependant pas le risque de compromettre l’objectif d’assurer l’inscription des candidats qui présentent les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 30).

31      À cet égard et comme le soutient la Commission, la jurisprudence a déjà considéré qu’il n’existait aucune obligation d’admettre à un concours interne à l’institution toutes les personnes se trouvant au service de celle-ci. Une telle obligation porterait, en effet, atteinte au large pouvoir d’appréciation reconnu à cette institution (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, points 70 à 76, et du 24 septembre 2009, Brown/Commission, F‑37/05, EU:F:2009:121, point 68). Aucun droit absolu de participer à un concours interne à une institution ne saurait, dès lors, être reconnu aux agents et aux fonctionnaires de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, point 39, et du 8 novembre 2006, Chetcuti/Commission, T‑357/04, EU:T:2006:339, point 42).

32      Ne sont ainsi jugées contraires à l’article 27, premier alinéa, du statut que les conditions limitant l’accès des candidats à un concours qui comportent le risque de compromettre l’objectif d’assurer l’inscription des candidats qui présentent les plus hautes qualités (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, point 40, et du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 32).

33      Troisièmement, il y a lieu de rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions en ce domaine, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’institution s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T‑88/13 P, EU:T:2015:393, point 106).

34      En second lieu, il convient de déterminer la portée de l’article 82, paragraphe 7, première et deuxième phrases, du RAA.

35      L’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA prévoit que les agents contractuels relevant des groupes de fonctions II à IV ne peuvent être autorisés à participer à des concours internes que s’ils ont accompli trois années de service au sein de l’institution. L’article 82, paragraphe 7, deuxième phrase, du RAA précise notamment que les agents contractuels du groupe de fonctions III ne peuvent prendre part qu’aux concours pour les grades AST 1 et AST 2 et que les agents contractuels du groupe de fonctions IV ne peuvent prendre part qu’aux concours pour les grades AST 1 à AST 4 ou AD 5 et AD 6.

36      S’agissant de l’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA, le Tribunal a jugé, par arrêt de ce jour, Healy/Commission (T‑55/17), que l’institution qui décide d’organiser, à titre exceptionnel, un concours interne ouvert aux agents contractuels relevant des groupes de fonctions II à IV est tenue de respecter le seuil des trois années d’ancienneté de service imposé par cette disposition. Il est toutefois loisible à cette institution, compte tenu de son large pouvoir d’appréciation et dans le respect des dispositions impératives prévues par l’article 27, premier alinéa, et l’article 29, paragraphe 1, du statut, de fixer, pour certains emplois ou pour certains groupes de fonctions, des conditions plus sévères en exigeant notamment de disposer d’une ancienneté de service supérieure au minimum prévu par l’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, EU:C:1989:325, point 24).

37      En ce qui concerne l’article 82, paragraphe 7, deuxième phrase, du RAA, il y a lieu de considérer que les agents contractuels du groupe de fonctions IV, tel le requérant, sont, en principe, habilités par le législateur de l’Union européenne à participer aux concours pour les grades AST 1 à AST 4 ou AD 5 et AD 6.

38      Cette conclusion s’impose eu égard à la divergence des expressions utilisées par le législateur de l’Union, respectivement, dans la première et dans la deuxième phrase de l’article 82, paragraphe 7, du RAA. Dans la première phrase, ledit législateur précise que les agents contractuels concernés « peuvent être autorisés » – « podrá autorizarse » en langue espagnole, « kann […] erteilt werden » en langue allemande, « may be authorised » en langue anglaise, « possono essere autorizzati » en langue italienne, « może być upoważniony » en langue polonaise et « podem ser autorizados » en langue portugaise – à participer aux concours internes s’ils justifient d’une ancienneté de service d’au moins trois ans. En revanche, dans la deuxième phrase, celui-ci n’évoque aucune autorisation. Au contraire, il habilite les agents contractuels du groupe de fonctions IV à participer aux concours pour les grades AST 1 à AST 4 ou AD 5 et AD 6, sans pour autant étendre ce droit aux concours pour les autres grades. À cet égard, si la version française recourt à une formulation négative – « ne peuvent prendre part qu’aux concours » –, la même idée est exprimée de façon positive dans d’autres versions linguistiques : « solo tendrán acceso » en langue espagnole, « haben Zugang […] nur für » en langue allemande, « may have access only » en langue anglaise, « possono partecipare unicamente » en langue italienne, « może mieć dostęp jedynie » en langue polonaise et « apenas podem ter acesso » en langue portugaise.

39      Il découle de la lecture combinée des deux premières phrases de l’article 82, paragraphe 7, du RAA qu’une institution peut organiser, à titre exceptionnel, un concours interne ouvert aux agents contractuels disposant d’une ancienneté de service de trois ans au moins. Mais si cette institution décide d’ouvrir un concours interne aux agents contractuels qui remplissent cette condition d’ancienneté de service, elle est tenue de respecter l’habilitation conférée par le législateur de l’Union auxdits agents et, par conséquent, de permettre à ceux desdits agents qui relèvent du groupe de fonctions IV de prendre part aux concours pour les grades AST 1 à AST 4 ou AD 5 et AD 6 qu’elle a choisi d’organiser.

40      Dans le respect de ces limites posées par le législateur de l’Union et compte tenu de son large pouvoir d’appréciation, l’institution concernée peut toutefois, ainsi que le soutient la Commission et conformément à la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, restreindre l’accès des agents contractuels du groupe de fonctions IV aux concours pour les grades AST 1 à AST 4 ou AD 5 et AD 6 en fixant des critères de capacité supplémentaires qui seraient exigés par les emplois à pourvoir ou l’intérêt du service.

41      En l’espèce, il est patent que la condition litigieuse exclut la participation de tous les agents contractuels du groupe de fonctions IV au concours COM/02/AST/16 (AST 2), alors même qu’ils rempliraient les autres conditions fixées par l’avis de concours. La Commission a, ce faisant, méconnu l’article 82, paragraphe 7, deuxième phrase, du RAA, lequel habilite expressément lesdits agents à prendre part aux concours pour le grade AST 2.

42      La Commission affirme cependant dans le mémoire en défense que la condition litigieuse est compatible avec l’article 27, premier alinéa, et l’article 29 du statut. En substance, elle estime que ladite condition est en relation directe avec l’intérêt du service, lequel vise à disposer d’un personnel hautement qualifié et immédiatement opérationnel. En effet, les tâches et les responsabilités à accomplir par les agents du groupe de fonctions III et celles à accomplir par les agents du groupe de fonctions IV seraient aussi différentes que celles qui séparent les tâches et les responsabilités des fonctionnaires relevant des grades AST et AD, comme en témoigneraient l’annexe I, section A, du statut et l’article 80 du RAA.

43      Cette argumentation ne saurait néanmoins être retenue dans la mesure où elle revient, en substance, à écarter, au seul motif qu’ils seraient considérés comme surqualifiés pour les emplois du grade AST 2, tous les agents contractuels du groupe de fonctions IV, même ceux qui auraient accompli antérieurement, en tant qu’agents du groupe de fonctions III, des tâches comparables à celles des postes à pourvoir.

44      En effet, il a déjà été jugé que le rejet d’une candidature à un concours pour la seule raison que le candidat était surqualifié faisait obstacle au but assigné de manière impérative à toute procédure d’engagement d’un fonctionnaire ou d’un agent par l’article 27, premier alinéa, du statut, à savoir assurer à l’institution le concours de personnes possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité. Un tel rejet est, en revanche, admissible si l’institution avance des éléments qui permettent d’inférer que cette surqualification empêcherait les candidats concernés d’accomplir les tâches liées aux emplois à pourvoir ou qu’elle aurait des effets négatifs sur la qualité du travail des intéressés, sur leur rendement ou sur leur motivation (voir, en ce sens, arrêt du 11 février 1999, Jiménez/OHMI, T‑200/97, EU:T:1999:26, points 47 à 49 ; voir également, par analogie, arrêt du 28 mars 1996, Noonan/Commission, T‑60/92, EU:T:1996:44, points 38 à 44).

45      Or, d’une part, la Commission souligne que les tâches et le niveau de responsabilité des agents contractuels dans le groupe de fonctions III ne sont pas les mêmes que ceux des agents contractuels du groupe de fonctions IV et, d’autre part, qu’il en est de même pour les grades de fonctions AST et AD.

46      D’autre part, la Commission affirme que, pour les agents contractuels, le groupe de fonctions III est l’équivalent des grades AST 1 et AST 2 pour les fonctionnaires et que le groupe de fonctions IV est l’équivalent du grade AD pour les fonctionnaires.

47      De cette double prémisse et compte tenu de la nécessité de disposer de personnes immédiatement opérationnelles, la Commission déduit que les agents contractuels du groupe de fonctions III ne pouvaient participer qu’au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) et que ceux du groupe de fonctions IV ne pouvaient participer qu’au concours interne COM/03/AD/16 (AD 6).

48      Ainsi, contrairement aux principes rappelés au point 44 ci-dessus, l’argumentation de la Commission n’est étayée par aucun élément de nature à établir que la surqualification des agents contractuels du groupe de fonctions IV aurait pu avoir des effets négatifs sur la qualité de leur travail, sur leur rendement ou sur leur motivation dans l’exercice d’un emploi du grade AST 2.

49      Dans ces conditions, la Commission a usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée en interdisant aux agents du groupe de fonctions IV de se présenter au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2).

50      Au surplus, à supposer que les agents contractuels du groupe de fonctions IV ne pussent pas, en règle générale, participer à des concours pour des emplois du grade AST 2 au motif que ce groupe de fonctions serait l’équivalent du grade AD pour les fonctionnaires, l’article 82, paragraphe 7, deuxième phrase, du RAA serait privé d’effet utile, puisque celui-ci habilite justement lesdits agents contractuels à prendre part à de tels concours.

51      Compte tenu de ces éléments, il y a lieu d’accueillir l’exception d’illégalité de la condition litigieuse et, par voie de conséquence, d’annuler la décision attaquée.

 Sur les conclusions indemnitaires

52      Dès lors que l’annulation de la décision attaquée ne saurait, d’après le requérant, suffire à réparer le préjudice moral qu’il estime avoir subi, il demande au Tribunal de condamner la Commission au paiement d’une somme de 5 000 euros. La Commission rétorque que, en l’absence d’illégalité entachant la décision attaquée, ces conclusions, formulées pour la première fois devant le Tribunal, doivent être rejetées. En tout état de cause, à supposer cette décision illégale, son annulation serait suffisante pour réparer le préjudice moral allégué.

53      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé (arrêt du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, EU:T:2004:325, point 127 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, EU:C:1987:348, point 22).

54      Toutefois, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité ne peut constituer en elle-même une réparation adéquate lorsque, d’une part, l’acte attaqué comporte une appréciation explicitement négative des capacités de la partie requérante susceptible de la blesser (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 à 29 ; du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, EU:T:2000:86, point 98, et du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, EU:T:2005:447, points 205 et 206) et, d’autre part, la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (arrêts du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131, et du 19 novembre 2009, Michail/Commission, T‑49/08 P, EU:T:2009:456, point 88).

55      En l’espèce, le requérant affirme que son préjudice moral résulte de l’incapacité de la Commission à le replacer dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles le concours aurait dû être organisé pour que soient garanties l’égalité de traitement entre tous les candidats et l’objectivité de la notation.

56      Force est de constater que, d’une part, le requérant ne reproche à la Commission aucune appréciation négative de ses capacités susceptible de le blesser et, d’autre part, il ne démontre pas avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation.

57      Dans ces conditions et en application de la jurisprudence rappelée aux points 53 et 54 ci-dessus, le Tribunal estime que tout préjudice moral que le requérant pourrait avoir subi en raison de l’illégalité de la décision attaquée est réparé de manière adéquate et suffisante par l’annulation de celle-ci. Les conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées.

58      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être accueilli en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée et rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la Commission ayant, pour l’essentiel, succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) portant rejet de la candidature de M. Alain Schoonjans est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.


Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.