Language of document : ECLI:EU:T:2018:663

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 octobre 2018 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs à la procédure EU Pilot no 8572/16 CHAP(2015) 00353 – Refus d’accès – Article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête – Présomption générale de confidentialité – Intérêt public supérieur »

Dans l’affaire T‑633/17,

Róbert Sárossy, demeurant à Budapest (Hongrie), représenté par Me D. Lazar, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Erlbacher et Mme C. Ehrbar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Hongrie, représentée par MM. M. Fehér, G. Koós et Mme M. Tátrai, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions des 12 juin et 17 juillet 2017 de la Commission refusant d’accorder au requérant l’accès aux documents relatifs à la procédure EU Pilot no 8572/16 CHAP(2015) 00353,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Róbert Sárossy, ressortissant hongrois, qui a contracté en Hongrie une dette libellée en devise étrangère, est membre de l’organisation de protection des consommateurs hongroise Penzügyi Ismeretterjesztö és Érdek-képviseleti Egyesület (ci-après l’« association PITEE »). Par lettre du 17 décembre 2014, cette association a déposé une plainte auprès de la Commission européenne, par laquelle elle a fait valoir, en substance, que la législation hongroise relative à la conversion en monnaie hongroise de crédits libellés en devises étrangères et son application par les juridictions hongroises violaient l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

2        À la suite de cette plainte et d’autres qu’elle a reçues, la Commission a ouvert dans le courant de l’année 2016 la procédure EU Pilot no 8572/16 CHAP(2015) 00353 (ci-après la « procédure EU Pilot en cause »), relative à la compatibilité de diverses lois hongroises avec la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29). La Commission en a informé l’association PITEE par lettre du 4 juillet 2016.

3        En outre, en réponse à une autre demande de l’association PITEE, la Commission lui a fait savoir, par lettre du 8 novembre 2016, qu’elle tiendrait compte, dans son analyse, de ses affirmations concernant l’incompatibilité de la législation hongroise en cause avec les dispositions de la Charte et de la CEDH.

4        Par courriel du 24 mars 2017, le requérant a adressé à la Commission une demande d’accès à l’ensemble des documents relatifs à la procédure EU Pilot en cause (ci-après les « documents demandés »). La Commission a rejeté cette demande par lettre du 12 juin 2017 (ci-après la « décision initiale de refus d’accès »), invoquant l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), concernant, notamment, la protection des objectifs des activités d’enquête.

5        Le 26 juin 2017, le requérant a adressé à la Commission une demande confirmative tendant à ce que cette institution révise sa position et lui donne accès à l’ensemble des documents relatifs à la procédure EU Pilot en cause.

6        Par lettre du 17 juillet 2017, la Commission a maintenu son refus de divulguer les documents demandés.

7        Elle a motivé cette décision en indiquant, en substance, premièrement, que, s’agissant d’une procédure EU Pilot en cours, il existait une présomption générale qu’une divulgation des documents demandés porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, cette présomption existant jusqu’à la clôture de cette procédure et jusqu’à l’adoption d’une décision définitive de ne pas ouvrir une procédure formelle en manquement contre la Hongrie, deuxièmement, que cette présomption couvrait l’ensemble des documents relatifs à la procédure EU Pilot en cause, de sorte qu’elle s’opposait à la possibilité de donner un accès partiel aux documents demandés en application de l’article 4, paragraphe 6, de ce règlement et, troisièmement, qu’aucun des motifs invoqués ne démontrait l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant qu’il soit passé outre au motif de refus d’accès visé à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, dudit règlement.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2017, le requérant a introduit le présent recours.

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision initiale de refus d’accès ;

–        annuler la décision C(2017) 5147 final de la Commission du 17 juillet 2017 ;

–        enjoindre à la Commission de lui octroyer l’accès aux documents demandés, que ceux-ci soient déjà en sa possession ou qu’ils ne lui soient communiqués qu’à l’avenir ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      La Commission, soutenue par la Hongrie, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision initiale de refus d’accès et qu’il vise à ce qu’il lui soit enjoint de donner au requérant accès aux documents demandés ;

–        rejeter le recours comme non fondé pour le surplus ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Observations liminaires

11      S’agissant, en premier lieu, de l’objet de la demande, il y a lieu de relever qu’il résulte du dossier produit par le requérant que la décision par laquelle la Commission a maintenu son refus de divulguer les documents demandés, visée par le deuxième chef de conclusions, est la décision C(2017) 5147 final de la Commission du 17 juillet 2017.

12      S’agissant, en second lieu, des documents demandés, le requérant indique dans la requête que le recours concerne le refus opposé par la Commission à la demande d’accès aux documents relatifs à la procédure EU Pilot no 8572/15 CHAP(2015) 00353, par référence à divers courriers émanant de la Commission, notamment une lettre de cette dernière du 4 juillet 2016, constituant l’annexe A.3 de la requête.

13      Dans le mémoire en défense, la Commission précise que, bien qu’elle ait fait état dans certains documents de la procédure EU Pilot no 8572/15 CHAP(2015) 00353, la procédure effectivement concernée par la demande d’accès aux documents demandés est la procédure EU Pilot en cause.

 Sur la recevabilité des premier et troisième chefs de conclusions

14      La Commission conteste à juste titre la recevabilité des premier et troisième chefs de conclusions du requérant.

15      Il y a lieu d’accueillir ces fins de non-recevoir.

16      En effet, d’une part, s’agissant du premier chef de conclusions, visant à l’annulation de la décision initiale de refus d’accès, il suffit de constater que, conformément à l’article 8 du règlement no 1049/2001, la décision adoptée à la suite d’une demande confirmative au sens de cette disposition est en principe seule susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts de la personne sollicitant l’accès à certains documents et, partant, de faire l’objet d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, point 48, et du 23 janvier 2017, Justice & Environment/Commission, T‑727/15, non publié, EU:T:2017:18, point 14 et jurisprudence citée).

17      En conséquence, il y a lieu de considérer que le recours n’est recevable qu’en tant qu’il vise à l’annulation de la décision C(2017) 5147 final de la Commission du 17 juillet 2017 (ci-après la « décision attaquée ») et à la condamnation de la Commission aux dépens.

18      D’autre part, s’agissant du troisième chef de conclusions, visant à ce qu’il soit enjoint à la Commission d’octroyer au requérant l’accès aux documents demandés, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union européenne, même si celles-ci ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 1995, Parlement/Conseil, C‑21/94, EU:C:1995:220, point 33 et jurisprudence citée, et du 17 octobre 2012, Fondation IDIAP/Commission, T‑286/10, non publié, EU:T:2012:552, point 111 et jurisprudence citée).

19      En conséquence, les premier et troisième chefs de conclusions du requérant doivent être rejetés comme étant irrecevables.

 Sur le fond

20      À l’appui du recours, le requérant présente un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

21      Par ce moyen unique, le requérant soutient que la décision attaquée procède d’une erreur de droit en ce qu’elle ne reconnaît pas l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés, conformément à ladite disposition.

22      Cet intérêt public supérieur consisterait dans la nécessité, premièrement, de contribuer potentiellement à la protection des intérêts économiques des consommateurs, deuxièmement, de protéger le marché intérieur, troisièmement, de contrôler les activités de la Commission dans le cadre de la procédure EU Pilot en cause, quatrièmement, de contribuer au renforcement de la démocratie en Hongrie et, cinquièmement, de faire apparaître les avantages de l’appartenance de la Hongrie à l’Union.

23      La Commission, soutenue par la Hongrie, conteste le bien-fondé de ce moyen.

24      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, d’une part, la circonstance, soulignée par la Commission, que la procédure EU Pilot en cause porte principalement sur la compatibilité de la législation hongroise avec la directive 93/13 ne rend pas sans pertinence les considérations émises par le requérant relativement à l’article 47 de la Charte ou à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la CEDH, dont l’importance a été comprise par la Commission, qui a indiqué dans une lettre du 8 novembre 2016 qu’elle examinerait, dans le cadre de cette procédure EU Pilot, les allégations d’incompatibilité de la législation hongroise avec ces actes.

25      D’autre part, pour l’analyse de la pertinence des motifs de divulgation invoqués par le requérant, il ne saurait être présupposé que les lois hongroises concernées par la procédure EU Pilot en cause sont contraires à l’article 47 de la Charte ou à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la CEDH et que les juridictions hongroises faillent à leur mission, car elles appliqueraient ces lois malgré leur contradiction avec le droit de l’Union, s’agissant d’éléments que ladite procédure EU Pilot a, entre autres, pour objet de vérifier.

26      Cela étant, il convient de rappeler que la présomption générale selon laquelle il est nécessaire de protéger la confidentialité des documents relatifs à une procédure EU Pilot n’est pas irréfragable, dès lors qu’elle peut être renversée par la démonstration de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation d’un ou de plusieurs documents donnés (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 46).

27      La mise en œuvre de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, en tant qu’il prévoit des motifs de refus de divulgation de documents liés à la protection de certains intérêts déterminés à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie leur divulgation, suppose la mise en balance d’intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, la décision de donner accès aux documents concernés ou de refuser de les divulguer dépendant de la réponse à la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 42).

28      Dans ce contexte, la personne qui entend s’opposer à un motif de refus de divulgation doit, d’une part, faire valoir l’existence d’un intérêt public susceptible de primer ce motif et, d’autre part, démontrer précisément que, dans le cas d’espèce, la divulgation des documents concernés contribuerait, de manière concrète, à assurer la protection de cet intérêt public à un point tel que le principe de transparence prime la protection des intérêts ayant motivé le refus de divulgation, à savoir, en l’espèce, la protection des objectifs de l’activité d’enquête menée dans le cadre de la procédure EU Pilot en cause (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2017, Justice & Environment/Commission, T‑727/15, non publié, EU:T:2017:18, point 52). Des considérations d’ordre général ne sont pas suffisantes à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2017, Justice & Environment/Commission, T‑727/15, non publié, EU:T:2017:18, point 53 et jurisprudence citée).

29      C’est notamment à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les motifs invoqués par le requérant pour justifier qu’il soit passé outre à la présomption générale de confidentialité qui s’attache, en principe, aux documents afférents à une procédure EU Pilot en cours.

30      S’agissant, premièrement, de la protection des intérêts économiques d’un nombre important de consommateurs, le requérant soutient que la divulgation des documents demandés permettrait aux consommateurs qui sont engagés dans des procédures judiciaires en Hongrie relatives à des contrats de prêt libellés en devise étrangère d’utiliser les documents demandés afin de convaincre les juridictions hongroises de la nécessité de ne pas appliquer les lois hongroises dont il est soutenu qu’elles sont contraires au droit de l’Union, ce qui constituerait un intérêt public majeur eu égard au très grand nombre de consommateurs potentiellement concernés.

31      À cet égard, d’une part, il convient de constater que cette justification est hypothétique, dès lors qu’elle repose sur des suppositions dont il a été constaté au point 25 ci-dessus qu’elles ne pouvaient être tenues pour avérées.

32      D’autre part, il y a lieu de rappeler que l’intérêt consistant à faciliter l’exercice des droits de particuliers dans le cadre de recours juridictionnels en leur permettant d’utiliser des documents afin de faciliter leur défense devant des juridictions nationales constitue un intérêt privé, et non un intérêt public (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, points 97 et 99, et du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑306/12, EU:T:2014:816, point 99). La circonstance que les documents demandés puissent être utilisés dans un grand nombre de procédures ne modifie pas cette analyse, car il ne saurait être considéré que, par principe, l’addition d’intérêts privés transforme ceux-ci en un intérêt public.

33      S’agissant, deuxièmement, de la protection du marché intérieur, le requérant soutient que la divulgation des documents demandés servirait cet intérêt en contribuant à l’harmonisation des conceptions juridiques quant aux rôles respectifs des autorités législatives et des instances judiciaires dans les États membres, alors qu’une nette divergence apparaîtrait à cet égard entre différents États membres.

34      Toutefois, d’une part, il convient de constater que la nécessité de divulguer les documents demandés afin d’assurer la protection de cet intérêt est hypothétique. En effet, l’affirmation de cette nécessité repose sur l’appréciation selon laquelle une divergence existerait entre lesdites conceptions juridiques du fait, en Hongrie, mais aussi dans d’autres États membres, de l’immixtion du pouvoir législatif dans les prérogatives des tribunaux et du refus de ces derniers de laisser inappliquées des règles nationales contraires au droit de l’Union, alors qu’une telle appréciation ne peut pas être tenue pour avérée, ainsi que cela a été relevé au point 25 ci-dessus.

35      D’autre part, conformément à la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, il ne saurait être passé outre à un motif de refus d’accès prévu à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 qu’en démontrant l’existence de circonstances concrètes établissant que le principe de transparence présente, en l’espèce, une acuité particulière qui primerait les raisons justifiant le refus de divulgation des documents demandés. Or, les considérations générales invoquées par le requérant quant à l’utilité de contribuer à l’harmonisation des conceptions juridiques dans l’Union ne satisfont pas à cette exigence.

36      S’agissant, troisièmement, du contrôle des activités de la Commission dans le cadre de la procédure EU Pilot en cause, le requérant soutient que cette procédure serait caractérisée par une inertie inhabituelle de cette institution, puisqu’elle ne serait pas clôturée après deux ans et demi, outre que ladite institution n’aurait émis aucun avis quant aux questions juridiques soulevées, de sorte que la divulgation des documents demandés contribuerait à améliorer l’efficacité de la Commission et à renforcer sa légitimité.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il incombe à la Commission, lorsqu’elle considère qu’un État membre a manqué à ses obligations, d’apprécier l’opportunité d’agir contre cet État, de déterminer les dispositions qu’il aurait violées et de choisir le moment où elle engagera la procédure en manquement à son égard (voir arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 61 et jurisprudence citée). En conséquence, un plaignant dans le cadre d’une procédure en manquement ne dispose pas du droit d’exiger de la Commission qu’elle prenne une position dans un sens déterminé ou d’attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre (voir arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 60 et jurisprudence citée).

38      Ces considérations valent également en ce qui concerne les procédures EU Pilot, dès lors que celles-ci constituent une organisation de la phase informelle de la phase précontentieuse de la procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 43).

39      Or, l’objectif invoqué par le requérant pour justifier la divulgation des documents demandés, consistant à exercer un contrôle sur l’action de la Commission dans le cadre de la procédure EU Pilot en cause, revient à nier l’existence du pouvoir d’appréciation discrétionnaire dont jouit cette institution dans le cadre des procédures en manquement et des procédures EU Pilot, alors que la présomption générale de confidentialité s’attachant à l’ensemble des documents relatifs à de telles procédures vise précisément à protéger, entre autres, le caractère utile de l’action de la Commission dans le cadre de celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 61, 63 et 65, et du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, points 40, 43 et 45).

40      Au demeurant, il convient de souligner que la confidentialité nécessaire à la préservation de l’efficacité de l’action de la Commission dans le cadre d’une procédure EU Pilot ne signifie pas que cette action échappe au droit d’accès aux documents inscrit à l’article 15, paragraphe 3, TFUE et régi par le règlement no 1049/2001, dès lors que la présomption générale de confidentialité des documents relatifs à une telle procédure disparaît lorsque cette dernière est clôturée et que l’engagement d’une procédure formelle en manquement est définitivement écarté.

41      En outre, il découle de cette dernière considération que l’argumentation complémentaire présentée par le requérant dans la réplique relativement à la suspension de la procédure EU Pilot en cause décidée par la Commission dans le courant du mois de novembre 2017 eu égard à l’existence de plusieurs renvois préjudiciels portant sur des questions présentant un rapport avec l’objet de cette procédure, indépendamment du fait qu’il s’agit d’une circonstance postérieure à la décision attaquée, ne saurait avoir d’incidence quant à la persistance de la présomption générale de confidentialité qui s’attache aux documents afférents à ladite procédure, dès lors que cette suspension n’équivaut pas à la clôture de celle-ci.

42      S’agissant, enfin, des quatrième et cinquième motifs invoqués par le requérant (voir point 22 ci-dessus), ce dernier soutient que la divulgation des documents demandés est de nature, d’une part, à contribuer au renforcement de la démocratie, car de nombreux consommateurs dont les droits sont affectés par les lois hongroises visées par la procédure EU Pilot en cause placeraient leurs espoirs dans des partis antieuropéens faute de recevoir des tribunaux hongrois la protection attendue dans un État de droit et, d’autre part, à faire apparaître les avantages de l’appartenance de la Hongrie à l’Union, dès lors que la divulgation des documents demandés démontrerait auxdits consommateurs que les valeurs de l’Union les protègent de l’arbitraire de l’État.

43      Il convient toutefois de constater que ces deux motifs, d’une part, reposent sur des suppositions concernant l’incompatibilité avec le droit de l’Union des lois hongroises visées par la procédure EU Pilot en cause, alors qu’une telle appréciation ne peut pas être tenue pour avérée, ainsi que cela a été constaté au point 25 ci-dessus, et, d’autre part, consistent en des considérations générales. Il ne saurait dès lors être considéré que ces motifs correspondent à la preuve de l’existence de circonstances concrètes établissant que le principe de transparence présente, en l’espèce, une acuité particulière qui primerait les raisons justifiant le refus de divulgation des documents demandés, conformément à la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus.

44      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il apparaît que le requérant n’a pas démontré que la divulgation des documents demandés serait justifiée par un intérêt public supérieur.

45      En conséquence, il y a lieu d’écarter le moyen unique comme étant non fondé et, dès lors, de rejeter le recours.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

47      Le requérant ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

48      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La Hongrie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Róbert Sárossy supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      La Hongrie supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 octobre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.