Language of document : ECLI:EU:F:2013:82

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

19 juin 2013 (*)

« Personnel de l’AESA – Agent temporaire – Recevabilité – Délais de recours – Rapport d’évaluation défavorable – Réaffectation – Harcèlement moral – Détournement de pouvoir »

Dans l’affaire F‑81/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,

BY, agent temporaire de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, demeurant à Lasne (Belgique), représenté par Me B.‑H. Vincent, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), représentée par M. F. Manuhutu, en qualité d’agent, assisté de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. E. Perillo, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 8 août 2011, BY demande l’annulation de la décision du directeur exécutif de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA ou ci-après l’« Agence »), du 17 décembre 2010, portant réaffectation du requérant à un poste non managérial dans l’intérêt du service.

 Cadre juridique

2        L’AESA a été instituée par le règlement (CE) no 1592/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2002, concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne (JO L 240, p. 1), abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 216/2008 du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 (JO L 79, p. 1).

3        Selon l’article 28 du règlement no 216/2008 :

« 1.      L’Agence est un organisme de [l’Union]. Elle a la personnalité juridique.

[…]

4.      L’Agence est représentée par son directeur exécutif. »

4        L’article 29 du règlement no 216/2008, relatif au personnel, dispose :

« 1.      Le statut des fonctionnaires [de l’Union européenne], le régime applicable aux autres agents [de l’Union européenne] et les règles adoptées conjointement par les institutions [de l’Union européenne] aux fins de l’application de ce statut et de ce régime s’appliquent au personnel de l’Agence […]

2.      Sans préjudice de l’article 42, les compétences conférées à l’autorité investie du pouvoir de nomination par le statut, ainsi que par le régime applicable aux autres agents, sont exercées par l’Agence en ce qui concerne son propre personnel.

[…] »

5        Par ailleurs, l’article 6, paragraphe 1, de la décision 2009/070/E du directeur exécutif, du 30 juin 2010, sur le personnel d’encadrement intermédiaire (ci-après la « décision du 30 juin 2010 ») prévoit que toute personne nouvellement affectée à un poste de chef de département, sans avoir exercé des fonctions d’encadrement intermédiaire pendant au moins deux ans au sein de l’Agence, des institutions européennes ou dans d’autres agences, accomplira une période probatoire de management de neuf mois.

6        L’article 7, point 1.1, de la décision 2009/070/E prévoit la possibilité de réaffecter un membre du personnel d’encadrement intermédiaire, notamment à l’issue de la période probatoire, dans l’hypothèse où l’intéressé fait preuve d’insuffisances managériales en sa qualité de chef de département. L’agent concerné conserve néanmoins son grade.

7        Enfin, le point III, sous B), 3, de l’annexe de la décision 2010/123/E du directeur exécutif, du 23 août 2010, concernant les dispositions contractuelles applicables aux agents temporaires de l’AESA sélectionnés à l’issue de procédures de recrutement (ci-après la « décision du 23 août 2010 ») prévoit l’accomplissement d’une période d’essai de six mois pour toute nouvelle affectation d’un agent temporaire au sein de l’Agence, durant laquelle l’efficacité, les aptitudes et la conduite dans le service font l’objet d’une évaluation spécifique par l’évaluateur et le validateur.

 Faits à l’origine du litige

 Déroulement de la carrière du requérant au sein de l’AESA

8        Le requérant a été recruté au sein de l’AESA en qualité d’agent auxiliaire, pour une durée de six mois, avec effet au 1er mars 2004, sur un poste d’assistant, en vue d’exercer des fonctions dans le domaine informatique.

9        À l’issue de ces six mois, le requérant a été recruté en qualité d’agent temporaire de grade B*5, échelon 2, à compter du 1er septembre 2004, pour une période de cinq années, renouvelable, au titre de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), sur un poste d’assistant, pour exercer des fonctions dans le domaine informatique (marchés publics).

10      Le 2 novembre 2005, suite à une procédure de sélection externe pour le poste de responsable de l’infrastructure informatique au sein de la direction de l’administration de l’AESA, le requérant a été recruté en tant qu’administrateur de grade A*7, échelon 2, pour une période de cinq ans, renouvelable, à compter du 1er novembre 2005. Avec effet au 1er janvier 2009, il a été classé au grade AD 8, échelon 1.

11      Par décisions du directeur exécutif de l’Agence, respectivement du 26 mars 2009 et du 23 octobre 2009, le requérant a été nommé, avec effet au 1er avril 2009, chef adjoint faisant fonction du département des services d’information au sein de la direction des services financiers et des affaires, puis chef faisant fonction du même département, avec effet au 1er septembre 2009.

12      À l’issue d’une nouvelle procédure de sélection externe, le requérant a été nommé, à compter du 1er avril 2010, chef du département des services d’information, de grade AD 10, au sein de la direction des services financiers et des affaires. À ce titre, le requérant a dû accomplir à la fois une période d’essai de six mois, conformément au point III, sous B), 3, de l’annexe de la décision du 23 août 2010, et une période probatoire de management de neuf mois, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la décision du 30 juin 2010.

13      Entre-temps, pour l’année 2009, le requérant s’était vu attribuer, dans son rapport d’évaluation annuelle, la note de 5 sur 7, correspondant à une évaluation « au-dessus du niveau requis pour la fonction occupée » de son efficacité, de ses aptitudes et des aspects liés à son comportement, les notes 6 et 7 correspondant à des niveaux « sensiblement au-dessus » d’un tel niveau.

14      Par avenant du 18 mai 2010, le contrat à durée déterminée (cinq ans) du requérant a été remplacé par un contrat à durée indéterminée.

15      Le 30 septembre 2010, à l’issue de sa période d’essai de six mois, au titre du point III, sous B), 3, de l’annexe de la décision du 23 août 2010, le requérant a obtenu la confirmation par le directeur exécutif de l’Agence, sur la recommandation de son évaluateur, le directeur des services financiers et des affaires, de sa désignation comme chef du département des services d’information au sein de la direction des services financiers et des affaires. L’évaluateur a néanmoins fait état, dans sa recommandation, de certaines insuffisances managériales dues, notamment, aux absences du requérant, pour des raisons d’ordre personnel, à la fin de la période d’essai.

16      Le 8 novembre 2010, le requérant s’est absenté pour cause de maladie. Initialement d’une durée de 22 jours, la période d’absence s’est, à la suite du dépôt de certificats médicaux successifs, prolongée jusque fin 2011.

17      Dans le rapport d’évaluation de la période probatoire de management de neuf mois du requérant, finalisé le 17 décembre 2010, au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la décision du 30 juin 2010, l’évaluateur, après avoir fait mention de sérieuses difficultés rencontrées par le requérant pour accomplir ses tâches d’ordre managérial, a conclu à l’insuffisance des performances du requérant. Ces commentaires avaient été communiqués, le 26 novembre 2010, au requérant pour observations, sans que, selon l’AESA, ce dernier ait donné suite à cette invitation.

18      Sur la base dudit rapport et conformément à l’article 7, point 1.1, de la décision du 30 juin 2010, le directeur exécutif de l’AESA a, par décision du 17 décembre 2010, réaffecté le requérant, dans l’intérêt du service et avec effet au 1er janvier 2011, du poste de chef du département des services d’information au sein de la direction des services financiers et des affaires sur un poste non managérial d’agent du même département, sans changement de grade (ci-après la « décision attaquée »).

19      Le 29 décembre 2010, le requérant a introduit, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), une réclamation à l’encontre de la décision attaquée. Cette réclamation a été rejetée par décision, du 13 mai 2011, de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement au sein de l’AESA (ci-après l’« AHCC »).

20      Pour l’année 2010, le requérant s’est vu attribuer, dans son rapport d’évaluation annuelle, qui lui a été soumis le 21 mars 2011, la note de 1 sur 7, correspondant à une évaluation de son efficacité, de ses aptitudes et des aspects liés à son comportement considérée comme inacceptable compte tenu du niveau requis pour le poste occupé. Le 1er avril 2011, le requérant a introduit un recours contre cette évaluation devant le comité paritaire de notation et de reclassement (ci-après le « JARC »), lequel a émis, le 1er juillet 2011, l’avis que le rapport d’évaluation était entaché d’un certain nombre de vices de procédure ne lui permettant pas de se prononcer sur le contenu de l’évaluation et que des éléments extérieurs aux performances professionnelles auraient pu influencer l’exercice d’évaluation.

21      Enfin, par lettre du 10 juin 2011, le directeur exécutif de l’AESA a notifié au requérant sa décision de résilier son contrat à durée indéterminée, conformément à l’article 47, sous c), i), du RAA, avec effet au 15 décembre 2011 (ci-après la « décision de licenciement »). Le 20 juin 2011, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de cette décision, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Cette réclamation, qui comportait également une demande indemnitaire, a été rejetée par décision de l’AHCC, du 27 octobre 2011. Le requérant a introduit, le 20 janvier 2012, un recours indemnitaire devant le Tribunal fondé notamment sur le caractère prétendument illégal de la décision de licenciement, lequel a été enregistré sous la référence F‑8/12. Ce recours a été joint au présent recours aux fins de la procédure orale et fait l’objet de l’arrêt du Tribunal en date de ce jour, BY/AESA (F‑8/12).

 Prétendu harcèlement moral dont le requérant aurait été victime

22      À partir du mois d’avril 2010, les relations de travail se sont sérieusement détériorées entre le requérant et l’un de ses subordonnés, M. M., lequel soupçonnait le premier d’entretenir une liaison avec son épouse, également subordonnée du requérant. Il ressort du dossier que les deux subordonnés du requérant étaient en instance de divorce. Le requérant fait état d’une lettre anonyme calomnieuse à son égard ayant été adressée, le 1er juin 2011, au département des ressources humaines de l’Agence. Le requérant prétend n’avoir jamais été formellement informé par ses supérieurs hiérarchiques de l’existence de cette lettre et soupçonne M. M. d’en être l’auteur. À de nombreuses reprises, le requérant s’est plaint de l’attitude de ce dernier et, en particulier, de son manque de collaboration et de son insubordination, par courriels adressés au directeur exécutif, au directeur des services financiers et des affaires, ainsi qu’au directeur des ressources humaines, en leur demandant conseil et assistance. Selon le requérant, ces appels à l’aide seraient restés vains. De plus, le requérant reproche à M. M. de s’être immiscé dans sa vie privée en le faisant filmer par un détective privé en compagnie de Mme M. et en divulguant ces images auprès de la hiérarchie ; le requérant lui reproche également d’être l’auteur de plusieurs actes malveillants comme la mise à feu d’une partie de son jardin privé, la crevaison de pneus, des appels anonymes, l’envoi de courriels anonymes au requérant ainsi qu’à Mme M. La situation serait devenue à ce point intenable que le requérant, par courriel du 9 août 2010, a demandé au directeur exécutif un changement d’affectation. Son état de santé s’est également fortement dégradé puisque, de novembre 2010 à fin décembre 2011, le requérant s’est trouvé en arrêt de travail pour dépression, ce qui signifie que, compte tenu de son licenciement intervenu avec effet au 15 décembre 2011, il n’a plus été en mesure de reprendre ses fonctions au sein de l’AESA.

23      Le 21 octobre 2010, le requérant a adressé un courriel au directeur exécutif et à son supérieur hiérarchique direct, le directeur des services financiers et des affaires, pour leur demander de diligenter une enquête externe à l’encontre de M. M. Cette demande étant restée sans suite, le requérant a formellement introduit, le 13 décembre 2010, par avocat, une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut, concernant des faits allégués de harcèlement moral depuis avril 2010, et ce, de la part tant de M. M. que du directeur exécutif, du directeur des ressources humaines et de son supérieur hiérarchique direct. Une procédure d’enquête administrative interne a été ouverte, le 24 janvier 2011, sur décision du directeur exécutif, ce dont le requérant avait été informé, le 14 janvier précédent, par le chef du service juridique de l’Agence. Le 11 février 2011, un premier rapport, clôturant une phase dite de vérification, a conduit à la désignation d’une commission d’enquête, laquelle fut constituée le 18 mars suivant. Par lettre du 8 avril 2011, le requérant a exprimé ses doutes sur l’impartialité et l’indépendance de certains de ses membres. La commission d’enquête a rendu son rapport le 25 juillet 2011, aux termes duquel elle conclut à l’absence de toute preuve quant à l’existence d’un harcèlement moral envers le requérant et recommande le classement du dossier sans suite. Par décision du 2 novembre 2011, après l’introduction du présent recours, le directeur exécutif a classé sans suite la demande d’assistance du 13 décembre 2010 et un résumé et les conclusions du rapport de la commission d’enquête ont été communiqués au requérant le 24 novembre 2011.

 Conclusions des parties et procédure

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’AESA à lui verser une somme fixée ex æquo et bono à 350 000 euros en réparation du préjudice moral et professionnel, à majorer des intérêts de retard au taux légal à partir de la date à laquelle elle devient exigible ;

–        condamner l’AESA aux dépens.

25      L’AESA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée dans son ensemble ;

–        rejeter plus particulièrement la demande de réparation du préjudice prétendument subi ;

–        condamner le requérant aux dépens.

26      Par lettres du greffe du 23 septembre 2011, le Tribunal a attiré l’attention des parties sur les faits suivants :

« Après avoir transmis par télécopie, le 8 août 2011, soit avant l’expiration du délai de recours, une requête visant à l’annulation d’une décision de l’[AESA], MVincent, l’avocat du requérant, a envoyé au greffe du Tribunal sept exemplaires de la même requête.

Un de ces sept exemplaires apparaissait comme étant l’original de la requête envoyée par télécopie. Cinq autres étaient également de nouvelles impressions informatiques de la même requête, sur lesquelles MVincent avait apposé sa signature manuscrite. Le septième est également une nouvelle impression de la requête, mais sans la signature de MVincent.

Ces sept exemplaires sont parvenus au greffe le 11 août 2011, à savoir après l’expiration du délai de recours, mais dans le délai de dix jours prévu pour le dépôt de l’original à la suite d’une transmission par télécopie.

Le greffe a considéré qu’aucun original de la requête ne pouvait être identifié parmi les sept exemplaires parvenus au greffe le 11 août, dès lors, d’une part, que, sur la première page de ces sept exemplaires, figurait le tampon ‘copie conforme’ et que, sur la dernière page de six des sept exemplaires, était également apposé, à côté de la signature de MVincent, un tampon relatif au cabinet d’avocat de celui-ci (alors que ce tampon ne figurait pas sur l’exemplaire envoyé par télécopie).

Le greffe a donc appelé le cabinet de l’avocat pour lui demander de déposer un original de la requête.

Le 19 août 2011 est parvenu au greffe un exemplaire de la requête avec la mention ‘original’. Toutefois, celui-ci était signé non pas par MVincent mais par un autre avocat. »

27      Les parties ont donc été invitées à formuler, le cas échéant, toute observation quant à la recevabilité de la requête. Le requérant a fait parvenir des observations par lettre du 12 octobre 2011 et l’AESA a fait valoir sa position à cet égard dans son mémoire en défense.

 Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

28      L’AESA conteste la recevabilité de la requête en raison du non-respect du délai de recours et de l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure.

29      En effet, ainsi que cela ressortirait des termes de la lettre du 23 septembre 2011, adressée aux parties par le greffe du Tribunal, l’original de la requête adressée par télécopie le 8 août 2011 n’aurait, à ce jour, pas été déposé par le requérant au greffe du Tribunal, en méconnaissance de l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure. De fait, la première soumission effectuée le 11 août 2011 ne comporterait pas d’original dans la mesure où aucun des sept exemplaires déposés ne serait identique au document envoyé par télécopie ; quant à la seconde soumission effectuée le 19 août suivant, elle serait intervenue en dehors du délai de dix jours prévu audit article 34, paragraphe 6, et comporterait une signature différente de celle figurant sur la télécopie.

30      Or, selon l’AESA, il découle d’une jurisprudence constante que l’application stricte des règles de procédure répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice. En particulier, le défaut de présentation de l’original de la requête ne ferait pas partie des vices régularisables.

31      Le requérant fait valoir que le dernier exemplaire de la requête, parvenu au greffe le 19 août 2011 avec la mention « original », a été signé par l’associé de son conseil, MVincent, alors en congé.

 Appréciation du Tribunal

32      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 34, paragraphe 1, du règlement de procédure :

« L’original de tout acte de procédure doit être signé par le représentant de la partie.

Cet acte, accompagné de toutes les annexes qui y sont mentionnées, est présenté avec cinq copies pour le Tribunal et autant de copies qu’il y a de parties en cause. Ces copies sont certifiées conformes par la partie qui les dépose. »

33      De plus, selon le paragraphe 6 du même article, « la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure […] parvient au greffe par tout moyen technique de communication dont dispose le Tribunal, est prise en considération aux fins du respect des délais de procédure, à condition que l’original signé de l’acte, accompagné des annexes et des copies visées au paragraphe 1, deuxième alinéa, soit déposé au greffe au plus tard dix jours après la réception de la copie de l’original ».

34      Dans la mesure où le conseil du requérant a envoyé, par télécopie, une copie de l’original de la requête, il convient de déterminer si, en application de l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure, l’original signé de la requête a été déposé au plus tard dix jours après la réception de la copie de cet original.

35      À cet égard, un examen attentif des sept exemplaires, déposés au greffe le 11 août 2011, met en évidence que l’un d’entre eux est bien l’original formel et matériel de la requête envoyée, par télécopie, le 8 août 2011, soit moins de dix jours auparavant. Il suffit, en effet, de comparer la signature du conseil du requérant figurant sur cet exemplaire et sur la télécopie pour écarter tout doute raisonnable sur cette question.

36      Il est vrai que, par une ordonnance du 18 juin 2010, Bell & Ross/OHMI (T‑51/10), le Tribunal de l’Union européenne a rejeté comme irrecevable une requête introduite dans des conditions, à première vue, proches de celles du cas d’espèce. En effet, dans l’affaire jugée par le Tribunal de l’Union européenne, après avoir transmis au greffe une requête par télécopie, la requérante avait envoyé sept exemplaires de la même requête dans le délai de dix jours. Le Tribunal de l’Union ayant refusé de les prendre en considération au motif qu’il ne s’agissait que de photocopies de la requête, il avait été demandé à la requérante de produire l’original de celle-ci. Cet original avait finalement été communiqué au greffe du Tribunal de l’Union, mais postérieurement à la date d’expiration du délai de dix jours, ce qui avait entraîné l’irrecevabilité de la requête.

37      Or, en l’espèce, il s’avère que l’un des exemplaires de la requête déposés le 11 août 2011 est précisément l’original de la requête précédemment envoyée par télécopie. Les circonstances que MVincent, le conseil du requérant, a apposé sur la page de garde de cet original le tampon « copie conforme » et que, à côté de sa signature manuscrite figurant à la dernière page de ce document, il a apposé un tampon relatif à son cabinet d’avocat ne sauraient faire perdre à l’exemplaire en question sa qualité d’original de la requête envoyée par télécopie, de la même manière que l’apposition d’un tampon « original » sur un original ne lui ferait pas perdre cette qualité, alors même qu’il serait ainsi modifié par l’apposition du tampon. L’apposition du tampon « copie conforme » par MVincent sur l’original de la requête doit être considérée comme une simple erreur matérielle, laquelle ne saurait entraîner l’irrecevabilité de la requête.

38      La circonstance que le nombre de copies de la requête, en dehors de l’original, serait, compte tenu de l’examen ci-dessus, inférieur à sept ne saurait non plus justifier l’irrecevabilité de la requête. Une conclusion contraire serait d’une sévérité excessive, au regard du principe de proportionnalité et du droit du requérant à un recours effectif, en l’absence de toute atteinte au principe de sécurité juridique. Il doit être rappelé, à cet égard, que le non-respect de l’article 34, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure, prévoyant le nombre de copies certifiées conformes devant accompagner l’original, peut, le cas échéant, trouver sa sanction dans l’application de l’article 94, sous a), du règlement de procédure.

39      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’AESA.

 Sur le fond

 Sur les conclusions en annulation

40      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève deux moyens tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation et, le second, d’un détournement de pouvoir.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

41      Le requérant estime que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu des différents rapports dont il aurait fait l’objet au cours d’une période de quelques mois ayant précédé l’adoption de cette décision.

42      Le requérant se réfère, d’abord, au rapport d’évaluation pour l’année 2009, dans lequel il a obtenu les notes de 4/5 concernant la capacité à gérer des ressources, de 3/5 concernant l’analyse et la résolution des problèmes, les aptitudes générales, orales et écrites de communication, ainsi que les aptitudes de management et de leadership, de 5/5 concernant l’esprit d’initiative et la motivation. Le requérant souligne qu’après être passé du grade AD 7 au grade AD 8, il a été engagé, suite à une nouvelle procédure de sélection externe, au grade AD 10 au 1er avril 2010.

43      Le requérant se prévaut ensuite d’un projet de rapport du service d’audit interne de la Commission européenne du 16 novembre 2010, évaluant les risques des technologies de l’information au sein de l’AESA et dans lequel le travail du requérant aurait été positivement apprécié, puisque, notamment, la note de 4/5 aurait été attribuée pour la définition des plans stratégiques et pour la gestion des investissements, et celle de 3/5, pour l’organisation du département informatique.

44      Or, soudainement, le rapport d’évaluation de la période probatoire de management du requérant, couvrant la période du 1er avril 2010 au 31 décembre 2010, contient des appréciations négatives concernant les aptitudes managériales du requérant. Ces appréciations seraient non seulement en contradiction avec celles qui précèdent, mais elles feraient fi des absences du requérant pour dépression profonde, à partir de la fin du mois d’août 2010, et du travail de destruction entrepris par M. M. au sein du département.

45      De même, les appréciations totalement insuffisantes contenues dans le rapport d’évaluation pour l’année 2010 seraient difficilement compréhensibles au regard du déroulement de la carrière du requérant, de l’avis extrêmement favorable émis par le service d’audit interne de la Commission au cours de cette même période, étant rappelé que le requérant a été absent pour cause de maladie durant la moitié de cette année. L’évaluation du directeur des services financiers et des affaires serait également entachée de plusieurs vices de procédure, mises en avant par le JARC dans son avis du 1er juillet 2011. Le requérant souligne qu’il n’a pas été consulté par l’évaluateur, que ni les appréciations de ce dernier ni les prochains objectifs n’ont été discutés et qu’il n’a pas été en mesure d’effectuer son autoévaluation dès lors que l’accès au réseau intranet de l’Agence lui aurait été refusé à partir de janvier 2011.

46      L’AESA rétorque, tout d’abord, que la décision attaquée se fonde exclusivement sur le rapport de la période probatoire de management du requérant.

47      Ensuite, chacun des rapports dont le requérant fait état documenterait un aspect différent des activités du requérant. Ainsi, le rapport d’évaluation pour l’année 2009 concernerait les prestations du requérant en ses qualités successives de chef de section, de chef adjoint faisant fonction du département des services d’information au sein de la direction des services financiers et des affaires et de chef faisant fonction dudit département, autant de fonctions distinctes de celles de chef du département des services d’information, exercées à titre probatoire en 2010. De plus, l’évaluation d’un agent ou d’un fonctionnaire pour un exercice donné ne lierait pas l’évaluateur pour l’exercice suivant. Il ne saurait donc exister de contradiction entre les évaluations en cause dans la mesure où elles se rapportent à des périodes d’activités différentes. L’AESA souligne néanmoins que l’évaluation effectuée pour l’année 2009 mentionne déjà les difficultés rencontrées par le requérant dans sa communication avec les collègues.

48      De plus, la circonstance que le requérant a été engagé au grade AD 10 en 2010 découle de sa nomination en tant que chef du département des services d’information intervenue à l’issue d’une procédure de sélection externe et non pas sur la base de son évaluation en 2009.

49      Quant au projet de rapport du service d’audit interne de la Commission, en charge de la supervision des agences de l’Union européenne, l’AESA précise qu’il s’agit d’un exercice d’évaluation des risques dans le domaine des technologies de l’information afin de permettre à l’Agence d’identifier les actions à entreprendre pour réduire de tels risques. Ce rapport contiendrait essentiellement des contributions du personnel en place exerçant des fonctions clefs en la matière et ne se présentait pas comme une opération d’audit à proprement parler ni n’exprimait une opinion du service d’audit interne susmentionné. Il s’agissait plutôt d’une autoévaluation de l’Agence. De plus, aucune des notes positives prétendument attribuées au requérant ne figurerait dans le rapport en cause. Ce rapport ne comporterait aucune appréciation des aptitudes managériales du requérant et ne pourrait, par conséquent, contredire les conclusions du rapport de la période probatoire de management.

50      Quant au rapport d’évaluation pour l’année 2010 et aux prétendues irrégularités procédurales qui l’entacheraient, l’AESA rappelle que ce rapport et le rapport concernant la période probatoire de management comportent des champs et des objectifs différents, reposent sur des procédures différentes et recouvrent des périodes différentes. Le premier concernerait l’année 2010 dans son ensemble et l’ensemble des prestations fournies par le requérant au sens large, tandis que le second concernerait la période d’avril à décembre 2010 et uniquement les prestations accomplies en qualité de chef du département des services d’information. Ce dernier rapport n’aurait pas fait l’objet de l’avis du JARC et ne saurait être entaché d’irrégularités par analogie. Cet avis serait sans pertinence dans le cadre du présent litige.

51      Enfin, s’agissant des absences du requérant pour raisons médicales, lesquelles auraient nécessairement conduit à une diminution de ses performances, l’AESA estime que le rapport concernant la période probatoire de management, en faisant état d’importantes difficultés rencontrées par le requérant dans l’accomplissement de ses tâches d’ordre managérial, aurait précisément pris en compte les périodes d’absence du requérant et la diminution des performances managériales qui s’en serait ressentie.

–       Appréciation du Tribunal

52      À titre liminaire, il convient de rappeler que les institutions jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi (arrêts de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, point 17, et du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, point 11 ; arrêt du Tribunal de première instance du 18 juin 1992, Turner/Commission, T‑49/91, point 34).

53      Compte tenu de ce large pouvoir d’appréciation, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’autorité investie du pouvoir de nomination s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêts du Tribunal de première instance du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T‑80/92, point 53 ; du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, point 53 ; du 21 septembre 2004, Soubies/Commission, T‑325/02, point 50, et arrêt du 5 décembre 2012, Z/Cour de justice, F‑88/09 et F‑48/10, point 122, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑88/13 P).

54      De plus, selon une jurisprudence constante, des difficultés relationnelles, lorsqu’elles causent des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service, peuvent justifier, précisément dans l’intérêt du service, le transfert d’un fonctionnaire, comme d’un agent, et ce, sans qu’il soit nécessaire de déterminer l’identité du responsable des incidents en cause ou le degré de véracité des reproches formulés de part et d’autre (arrêt du Tribunal de première instance du 7 février 2007, Clotuche/Commission, T‑339/03, point 71 ; arrêt du Tribunal du 25 janvier 2007, de Albuquerque/Commission, F‑55/06, points 60 et 61, et Z/Cour de justice, précité, point 123).

55      C’est à la lumière de ces considérations et dans le cadre du contrôle restreint dévolu au Tribunal qu’il convient d’examiner la légalité de la décision attaquée.

56      En l’espèce, l’intérêt du service est expressément invoqué, dans la décision attaquée, pour justifier la mesure de réaffectation du requérant. Il est constant qu’elle a été adoptée en application de l’article 7, point 1.1, de la décision du 30 juin 2010, à la lumière du rapport d’évaluation de la période probatoire de management. Dans ce rapport, le directeur des services financiers et des affaires fait état, en sa qualité d’évaluateur, de sérieuses difficultés rencontrées par le requérant pour accomplir ses tâches d’ordre managérial. En particulier, il souligne que « les relations entre le requérant et le reste de son personnel se sont complètement détériorées » et que le fonctionnement du service en a été profondément affecté. L’évaluateur renvoie également à ses précédentes appréciations, en date du 30 septembre 2010, formulées à l’issue de la période d’essai de six mois, au titre de l’article III, sous B), 3, de l’annexe de la décision du 23 août 2010, dans lesquelles il soulignait déjà certaines insuffisances managériales, dues notamment aux absences du requérant « en raison de questions d’ordre personnel ».

57      Il importe de replacer les appréciations susvisées de l’évaluateur dans leur contexte. Ainsi, à de nombreuses reprises, le requérant s’était plaint auprès de la hiérarchie de l’attitude de M. M. à son égard, depuis le mois d’avril 2010, et, en particulier, de son manque de collaboration et de son insubordination. La situation dans le service était devenue à ce point intenable qu’il avait lui-même, le 9 août 2010, demandé au directeur exécutif un changement d’affectation, ce qui pouvait s’interpréter comme un aveu d’impuissance dans la gestion d’une crise dans le service trouvant son origine dans les difficultés relationnelles opposant le requérant lui-même à l’un de ses subordonnés et ce, à propos d’une situation relevant de la vie privée des deux protagonistes.

58      Il apparaît ainsi que les difficultés mises en avant par l’évaluateur et prises en compte par le directeur exécutif de l’AESA débordaient largement le cadre d’un conflit personnel opposant le requérant à un membre de son département en affectant le fonctionnement du service dans son ensemble. Dans ces conditions, le directeur exécutif a pu valablement, après avoir estimé que le bon fonctionnement du service était objectivement compromis et que le requérant avait fait preuve d’insuffisances managériales en sa qualité de chef de département, réaffecter ce dernier, sur la base de l’article 7, point 1.1, de la décision du 30 juin 2010, sur un poste non managérial du même département.

59      À ce stade, il n’était pas nécessaire, avant que soit prise, dans l’intérêt du service, la décision attaquée, de déterminer l’identité du responsable des incidents en cause ou le degré de véracité des reproches formulés de part et d’autre, d’autant que la sphère privée dans laquelle s’inscrivait une bonne partie de ces reproches ne permettait pas aisément à la hiérarchie de dégager les tenants et les aboutissants du conflit interpersonnel. Au demeurant, il ressort du dossier que, après avoir été, le 13 décembre 2010, formellement saisie par le requérant d’une plainte pour harcèlement moral au titre de l’article 24 du statut, le directeur exécutif a pris la décision, le 24 janvier 2011, d’ouvrir une enquête administrative, laquelle a abouti au classement, le 2 novembre 2011, du dossier pour absence de preuve quant à l’existence de tout harcèlement moral.

60      La circonstance que, dans le passé, le requérant ait été apprécié pour ses qualités professionnelles, ce qui n’est pas contesté par l’Agence, n’est pas de nature à établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation et à remettre en cause, pour ce motif, la légalité de la décision attaquée, laquelle a été prise au regard d’une situation de fait qui, objectivement, révélait une grave détérioration des relations de travail au sein du département, préjudiciant au bon fonctionnement du service et mettait en cause les capacités managériales du requérant.

61      Il découle de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’un détournement de procédure

–       Arguments des parties

62      Le requérant reproche, d’abord, au directeur des services financiers et des affaires d’avoir utilisé sa position hiérarchique et rédigé le rapport d’évaluation du requérant alors qu’il était expressément visé dans une plainte pour harcèlement moral émanant de ce dernier. Cette évaluation, qui occulterait à la fois les réelles qualités du requérant et les traces de crise au sein de son département, aurait été biaisée et donnée à des fins malveillantes. Ledit directeur n’aurait pas tenu compte de l’incapacité de travail et de la dépression nerveuse profonde du requérant, autant de circonstances qui lui auraient permis, au regard des évaluations précédentes, de prolonger la période probatoire, conformément à l’article 34 du statut.

63      Le requérant ajoute que le directeur exécutif de l’Agence, qui a désigné les membres de la commission d’enquête, était également visé par la plainte du requérant pour harcèlement moral. Tant le directeur exécutif que le directeur des services financiers et des affaires auraient ainsi manqué d’impartialité et d’objectivité.

64      Enfin, le requérant estime que la décision attaquée n’est pas valablement motivée.

65      L’AESA observe, à titre liminaire, que le requérant semble se référer à son rapport d’évaluation pour l’année 2010, et non au rapport concernant la période probatoire de management, lequel serait à la base de la décision attaquée. Or, le rapport d’évaluation pour l’année 2010 ne ferait pas l’objet du présent recours de sorte que l’argumentation du requérant à cet égard serait sans pertinence.

66      À titre subsidiaire, l’AESA fait valoir que la plainte pour harcèlement moral du requérant, datant du 13 décembre 2010, est postérieure à l’appréciation de l’évaluation, en date du 25 novembre 2010, contenue dans le rapport concernant la période probatoire de management. Dans ces conditions, toutes les allégations formulées par le requérant seraient sans objet.

67      L’AESA ajoute que, lors de l’établissement du rapport concernant la période probatoire de management, le prolongement de la période d’essai avait été envisagé par la hiérarchie, en raison des absences répétées du requérant. Toutefois, par sollicitude, compte tenu des assurances fournies par le requérant quant à son engagement dans ses fonctions nouvelles et après discussion avec le directeur exécutif, cette voie avait été écartée et le requérant confirmé dans son poste. Il serait donc inexact de prétendre que la hiérarchie n’aurait pas tenu compte des périodes d’incapacité de travail du requérant. Une prolongation de la période probatoire, qui n’aurait d’ailleurs pas été demandée par le requérant, n’aurait pas été envisageable dès lors que ce dernier n’avait, selon l’AESA, pas respecté ses promesses.

68      Enfin, l’AESA conteste le défaut de motivation de la décision attaquée, laquelle doit être lue avec le rejet de la réclamation dirigée contre celle-ci.

–       Appréciation du Tribunal

69      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir, dont le détournement de procédure constitue une manifestation, a une portée bien précise qui se réfère à l’usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt de la Cour du 5 juin 2003, O’Hannrachain/Parlement, C‑121/01 P, point 46 ; arrêts du Tribunal de première instance du 11 juin 1996, Anacoreta Correia/Commission, T‑118/95, point 25 ; du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, point 139, et du 14 octobre 2004, Sandini/Cour de justice, T‑389/02, point 123).

70      Il y a également lieu de rappeler que, dans le cas d’une mesure de réaffectation, lorsque celle-ci n’a pas été jugée comme étant contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 14 juillet 1983, Nebe/Commission, 176/82, point 25 ; arrêts du Tribunal de première instance du 10 juillet 1992, Eppe/Commission, T‑59/91 et T‑79/91, point 57 ; du 17 novembre 1998, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, T‑131/97, point 62).

71      En l’espèce, ainsi qu’il a été établi dans le cadre du premier moyen, le requérant n’a pas démontré que la décision attaquée n’était pas motivée par l’intérêt du service. En conséquence, aucun détournement de pouvoir ne saurait être caractérisé.

72      En tout état de cause, le requérant n’a pas établi par des indices objectifs, pertinents et concordants une quelconque intention malveillante à son égard dans le chef du directeur des services financiers et des affaires. En particulier, la circonstance que ce dernier ait été visé par la plainte pour harcèlement du requérant ne saurait comme telle, en dehors de toute autre circonstance, être de nature à mettre en cause son impartialité, la plainte étant d’ailleurs, ainsi que l’a souligné l’AESA, postérieure au rapport concernant la période probatoire de management.

73      Il s’ensuit que le second moyen doit également être rejeté comme non fondé, et, par voie de conséquence, les conclusions en annulation de la requête.

 Sur les conclusions indemnitaires

74      Le requérant estime, compte tenu de l’illégalité soulevée de la décision attaquée, avoir subi un préjudice moral qu’il évalue à 350 000 euros. L’annulation de ladite décision ne saurait constituer une réparation adéquate de ce préjudice, compte tenu de l’atteinte à la progression de sa carrière, qui résulte de la décision attaquée. Le requérant se réfère également aux mentions contenues dans « l’évaluation », lesquelles porteraient gravement atteinte à son honorabilité et à ses compétences professionnelles et contiendraient des termes brutaux, trahissant l’intention de l’auteur de ladite « évaluation » de « tuer » sa carrière. Cette « évaluation » aurait été établie alors qu’il était en incapacité de travail, ce qui constituerait une circonstance aggravante.

75      L’AESA rétorque que la dépression nerveuse du requérant était préexistante à l’adoption de la décision attaquée. Par ailleurs, les mentions contenues dans le rapport concernant la période probatoire de management, lequel aurait été adopté trois semaines à peine après le début du congé de maladie du requérant, ne feraient qu’attester l’inaptitude de celui-ci à satisfaire aux attentes de l’Agence. Enfin, le montant de la réparation réclamé ne serait nullement étayé.

76      À cet égard, il suffit de constater que les conclusions indemnitaires tendant, aux termes de la requête, à obtenir la réparation du « préjudice moral et professionnel » subi par le requérant présentent un lien direct avec les conclusions en annulation. Par voie de conséquence, elles doivent également être rejetées comme non fondées.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

78      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, l’AESA a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par l’AESA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      BY supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par l’Agence européenne de la sécurité aérienne.

Van Raepenbusch

Boruta

Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2013.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.