Language of document : ECLI:EU:T:2019:215

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

4 avril 2019 (*)

« REACH – Règlement (CE) no 1907/2006 – Phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP) – Rejet comme non fondée d’une demande de réexamen interne d’une décision d’autorisation de mise sur le marché – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 »

Dans l’affaire T‑108/17,

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. A. Jones, barrister,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Gattinara, R. Lindenthal et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä et M. W. Broere, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 7 décembre 2016 par laquelle cette institution a rejeté une demande de réexamen interne du 2 août 2016 présentée par la requérante à l’encontre de la décision d’exécution C(2016) 3549 final de la Commission, du 16 juin 2016, octroyant une autorisation pour des utilisations du phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP) au titre du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias, président, A. Dittrich (rapporteur) et I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En adoptant le règlement (UE) no 143/2011 de la Commission, du 17 février 2011, modifiant l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) (JO 2011, L 44, p. 2), la Commission européenne a inclus le phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP), un composé organique essentiellement utilisé pour assouplir les plastiques à base de chlorure de polyvinyle (PVC), dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), en raison des propriétés toxiques de cette substance pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), de ce règlement.

2        Le 13 août 2013, trois sociétés de recyclage de déchets (ci-après les « demanderesses à l’autorisation ») ont présenté une demande d’autorisation conjointe au regard de l’article 62 du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement (ci-après la « demande d’autorisation »), en vue de la mise sur le marché du DEHP pour les « utilisations » suivantes :

–        « formulation de polychlorure de vinyle (PVC) souple recyclé contenant du DEHP dans des composés et des mélanges secs ;

–        utilisation industrielle de PVC souple recyclé contenant du DEHP dans le traitement de polymères par calandrage, extrusion, compression et moulage par injection en vue de produire des articles en PVC ».

3        Dans l’analyse des solutions de remplacement accompagnant la demande d’autorisation, les demanderesses à l’autorisation ont indiqué ce qui suit :

« Le DEHP est un plastifiant qui est utilisé depuis plusieurs dizaines d’années pour assouplir le PVC en vue de la fabrication de PVC plastifié ou souple. […]

Le DEHP est donc ajouté au PVC avant que le plastique soit transformé en articles en plastique et avant que ces articles en plastique deviennent des déchets, à savoir un produit potentiellement de valeur pour les demande[resses à l’autorisation]. Au sens strict, le DEHP ne joue donc aucun rôle fonctionnel spécifique pour les demande[resses à l’autorisation] ; il est simplement présent en tant qu’impureté (en grande partie indésirable) dans les déchets qui sont collectés, triés et transformés et qui sont ensuite mis sur le marché sous la forme de « recyclat ». Néanmoins, la présence limitée de DEHP (ou d’autres plastifiants) dans le produit recyclé pourrait théoriquement présenter certains avantages pour les utilisateurs en aval (les transformateurs de PVC) :

–        il peut faciliter la transformation de la matière première à recycler en nouveaux articles en PVC ; et

–        il peut permettre aux transformateurs de PVC de réduire la quantité de DEHP pur (ou “vierge”) (ou autre plastifiants) à ajouter à leurs composés pour produire de nouveaux articles en PVC souple ».

4        Dans la demande d’autorisation, les demanderesses à l’autorisation ont également précisé que le « DEHP ne jou[ait] aucun rôle fonctionnel spécifique pour [elles] ». Cette substance serait simplement présente à titre d’impureté (en grande partie indésirable) dans les déchets qui sont collectés, triés, traités, puis mis sur le marché sous la forme de recyclat. Il ressort également de cette demande d’autorisation que la présence limitée de DEHP dans le recyclat peut faciliter sa transformation en de nouveaux articles en PVC en réduisant la quantité de DEHP pur ou vierge ou d’autres plastifiants qui peuvent être ajoutés aux composés avant la fabrication de nouveaux articles en PVC souple.

5        Le 10 octobre 2014, le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont rendu leurs avis sur la demande d’autorisation. Selon le comité d’évaluation des risques, les demanderesses à l’autorisation n’avaient pas démontré que les risques pour la santé des travailleurs résultant des deux « utilisations » demandées étaient valablement maîtrisés au sens de l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006. Le comité d’analyse socio-économique a, pour sa part, conclu que, nonobstant l’existence de certaines insuffisances dans l’analyse présentée par les demanderesses à l’autorisation pour démontrer les avantages socio-économiques résultant des « utilisations » pour lesquelles la demande d’autorisation avait été soumise, d’une part, et sur le fondement d’une « analyse qualitative » incluant les incertitudes pertinentes, d’autre part, l’autorisation pouvait être accordée en l’espèce.

6        Le 22 octobre 2014, le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique de l’ECHA ont élaboré un document contenant une version commune et consolidée de leurs avis. Ce document, qui porte la référence « ECHA/CER/CASE avis no AFA-0-0000004151-87-17/D », est intitulé « Avis relatif à une demande d’autorisation en vue de l’utilisation du phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP) : [f]ormulation de PVC souple recyclé contenant du DEHP dans des composés et des mélanges secs ». Le 24 octobre 2014, l’ECHA a fait parvenir à la Commission cet avis commun consolidé.

7        Le 12 décembre 2014, l’ECHA a mis à jour et complété l’entrée existante relative au DEHP sur la « liste des substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV » visée à l’article 59, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 (ci-après la « liste des substances candidates ») en l’identifiant en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien, pour laquelle il était scientifiquement prouvé qu’elle pouvait avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitaient un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006, le tout au sens de l’article 57, sous f), de ce même règlement.

8        La demande d’autorisation a été également discutée au sein du comité prévu à l’article 133 du règlement no 1907/2006.

9        Le 16 juin 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2016) 3549 final accordant l’autorisation d’utilisations du phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP) conformément au règlement no 1907/2006 (ci-après la « décision d’autorisation »). Par l’article 1er de cette décision, la Commission a accordé une autorisation pour les « utilisations » suivantes :

–        « formulation de polychlorure de vinyle (PVC) souple recyclé contenant du DEHP dans des composés et des mélanges secs ;

–        utilisation industrielle de PVC souple recyclé contenant du DEHP dans le traitement de polymères par calandrage, extrusion, compression et moulage par injection en vue de produire des articles en PVC, sauf : jouets et articles de puériculture ; gommes à effacer ; jouets pour adultes (sex toys et autres articles pour adultes avec contact intensif avec les muqueuses) ; articles ménagers mesurant moins de 10 cm que les enfants peuvent sucer ou mâchonner ; articles textiles et articles d’habillement destinés à être portés à même la peau ; produits cosmétiques et matériaux en contact avec les denrées alimentaires réglementés par la législation sectorielle de l’Union ».

10      Selon l’article 1er de la décision d’autorisation, en substance, l’autorisation a été accordée en vertu de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, à condition, d’une part, que les mesures de gestion des risques et les conditions opératoires décrites dans le rapport sur la sécurité chimique soumis conformément à l’article 62, paragraphe 4, sous d), du même règlement, soient pleinement appliquées pour chacune des utilisations respectives et, d’autre part, que la proportion de DEHP contenue dans le PVC souple recyclé dans des composés et mélanges secs ne dépasse pas 20 % masse/masse.

11      À l’article 2 de la décision d’autorisation, la Commission a fixé la période de révision de l’autorisation, visée à l’article 60, paragraphe 9, sous e), du règlement no 1907/2006, à quatre ans à partir de la date d’expiration fixée à l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, à savoir au 21 février 2019. À l’article 3 de la décision d’autorisation, la Commission a imposé un suivi au sens de l’article 60, paragraphe 9, sous f), du règlement no 1907/2006.

12      À l’article 4 de la décision d’autorisation, la Commission a précisé que cette décision avait pour destinataires les demanderesses à l’autorisation.

13      Au considérant 8 de la décision d’autorisation, la Commission a déclaré que le règlement no 1907/2006 « ne s’appliquait pas aux déchets tels que définis dans la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil » et que, en conséquence, l’« autorisation de mettre sur le marché et d’utiliser des composés et des mélanges secs de PVC souple recyclé contenant du DEHP conformément à l’article 64 du [règlement no 1907/2006] s’appliquait dans la mesure où ces composés et mélanges secs avaient cessé d’être des déchets conformément à l’article 6 de cette directive ».

14      Par lettre du 2 août 2016 (ci-après la « demande de réexamen interne »), la requérante, ClientEarth, qui est un organisme à but non lucratif ayant pour objet notamment la protection de l’environnement, a demandé à la Commission d’effectuer un réexamen interne de la décision d’autorisation en vertu de l’article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13).

15      Par décision C(2016) 8454 final du 7 décembre 2016 (ci-après la « décision sur la demande de réexamen interne »), la Commission a rejeté la demande de réexamen interne, en substance, au motif qu’elle était dénuée de fondement.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2017, la requérante a introduit le présent recours.

17      Le mémoire en défense a été déposé au greffe du Tribunal le 4 mai 2017.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 mai 2017, l’ECHA a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal du 29 juin 2017, il a été fait droit à la demande d’intervention.

19      La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal respectivement le 22 juin et le 21 août 2017.

20      Le 21 août 2017, l’ECHA a déposé son mémoire en intervention au greffe du Tribunal.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête recevable et fondée ;

–        annuler la décision sur la demande de réexamen interne;

–        annuler la décision d’autorisation ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        « ordonner toute autre mesure jugée appropriée ».

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande d’annulation de la décision d’autorisation

24      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, la Commission, soutenue par l’ECHA, fait valoir l’irrecevabilité partielle du présent recours dans la mesure où la requérante demande, par son troisième chef de conclusions, l’annulation de la décision d’autorisation.

25      En substance, premièrement, selon la Commission, la décision d’autorisation ne fait pas l’objet du présent recours en annulation. Deuxièmement, la requérante n’aurait pas qualité pour agir afin de contester la décision d’autorisation au titre de l’article 263 TFUE.

26      Lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle ne contestait pas directement la décision d’autorisation du fait qu’elle considérait qu’elle ne disposait pas de la qualité pour agir nécessaire pour former un recours fondé sur l’article 263 TFUE et dirigé contre cette décision. Il y a donc lieu de constater que la décision d’autorisation ne fait pas l’objet du présent recours dans la mesure où celui-ci est fondé sur l’article 263 TFUE.

27      Toutefois, selon la requérante, premièrement, une éventuelle annulation de la décision sur la demande de réexamen interne devrait logiquement entraîner l’annulation de la décision d’autorisation.

28      À cet égard, il convient de relever que le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités ne prévoit pas la possibilité, pour le Tribunal, d’annuler une décision qui ne fait pas l’objet d’un recours en annulation direct fondé sur l’article 263 TFUE.

29      Deuxièmement, la requérante ajoute que, en tout état de cause, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, le Tribunal dispose du pouvoir d’exiger, à titre de mesure nécessaire pour donner effet au jugement dans la présente procédure, que la Commission « révoque » la décision d’autorisation. Pour ce motif, la requérante a indiqué à l’audience qu’elle souhaitait maintenir le troisième chef de conclusions.

30      Dans la mesure où la requérante fait référence au fait que le Tribunal dispose du pouvoir, prétendument prévu à l’article 266, premier alinéa, TFUE, de demander à la Commission de « révoquer » la décision d’autorisation, il y a lieu de relever que la requérante part d’une lecture erronée de cette disposition. En effet, d’une part, une annulation par le Tribunal de la décision d’autorisation, telle qu’elle est demandée par la requérante dans le cadre du troisième chef de conclusions, n’a aucun rapport avec une éventuelle révocation, par la Commission, de cette décision. D’autre part, cette disposition ne confère au Tribunal aucun pouvoir qui irait au-delà des compétences juridictionnelles expressément prévues dans les traités. Contrairement à ce que semble suggérer la requérante, l’article 266, premier alinéa, TFUE porte de manière expresse sur l’obligation de l’institution, de l’organe ou de l’organisme dont émane un acte annulé par le juge de l’Union européenne, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation. Selon la jurisprudence, il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce (voir arrêt du 30 mai 2013, Omnis Group/Commission, T‑74/11, non publié, EU:T:2013:283, point 26 et jurisprudence citée). Ainsi, en l’espèce, il n’appartient pas au Tribunal ni d’adresser des injonctions à la Commission, en cas d’annulation de la décision sur la demande de réexamen interne, ni de procéder à la révocation de la décision d’autorisation.

31      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que le troisième chef de conclusions est manifestement irrecevable et doit donc être rejeté.

 Sur la demande d’annulation de la décision sur la demande de réexamen interne

32      Dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du deuxième chef de conclusions, le recours vise l’annulation de la décision sur la demande de réexamen interne, la requérante invoque quatre moyens.

33      Le premier moyen est tiré de ce que la décision sur la demande de réexamen interne serait entachée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la conformité de la demande d’autorisation au regard de l’article 62 et de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006. Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la décision sur la demande de réexamen interne est entachée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’appréciation socio-économique fondée sur l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. Le troisième moyen est tiré de ce que la décision sur la demande de réexamen interne est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’analyse des solutions de remplacement au titre de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006. Par le quatrième moyen, la requérante prétend que la décision sur la demande de réexamen interne est entachée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’application du principe de précaution dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue dans le règlement no 1907/2006.

 Sur le premier moyen, tiré de l’existence d’erreurs de droit et d’appréciation concernant la conformité de la demande d’autorisation au regard de l’article 62 et de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006

34      Le premier moyen se subdivise en quatre branches qui visent à démontrer l’existence, dans la décision sur la demande de réexamen interne, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la conformité de la demande d’autorisation au regard de l’article 62 et de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006, premièrement, dans l’interprétation de la notion d’« utilisation » figurant dans l’article 62, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1907/2006, deuxièmement, en lien avec l’existence de prétendues insuffisances dans le rapport sur la sécurité chimique, troisièmement, en lien avec l’existence de prétendues déficiences lors de l’évaluation des solutions de remplacement appropriées et, quatrièmement, dans l’interprétation de l’article 60, paragraphe 7, et de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006.

–       Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’interprétation de la notion d’« utilisation » figurant à l’article 56, paragraphe 1, sous a), et à l’article 62, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1907/2006

35      En premier lieu, la requérante fait valoir que les demanderesses à l’autorisation n’ont pas défini l’« utilisation ou les utilisations de cette substance » comme le requerrait l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1907/2006. La Commission aurait, elle aussi, donné une interprétation erronée de la notion d’« utilisation » visée à l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1907/2006 et à l’article 62, paragraphe 4, sous c), de ce même règlement.

36      Premièrement, de l’avis de la requérante, cette notion vise les cas dans lesquels une autorisation est demandée pour l’emploi actif ou pour l’introduction d’une substance « dans un processus industriel ». Les notions d’emploi actif et d’introduction d’une substance dans un processus industriel correspondraient à une notion d’utilisation intentionnelle. L’antithèse de cette notion d’emploi actif serait le cas dans lequel la substance est tout simplement présente, en tant qu’élément fortuit d’un processus préexistant. Or, selon la requérante, la présence persistante et fortuite d’une substance dans un processus préexistant ne saurait être qualifiée d’« utilisation » à proprement parler.

37      En l’espèce, la demande d’autorisation aurait été soumise pour des « utilisations de PVC recyclé contenant du DEHP ». Compte tenu des indications contenues dans la demande d’autorisation, ainsi que des indications contenues dans l’analyse des solutions de remplacement élaborée par les demanderesses à l’autorisation, il serait permis de conclure que les demanderesses à l’autorisation n’auraient pas sollicité l’autorisation d’employer activement ou d’introduire le DEHP dans un « processus industriel » réalisé par elles. La demande d’autorisation porterait sur la simple présence involontaire d’une substance dans un processus préexistant et non sur une « utilisation » au sens du règlement no 1907/2006. En réalité, les demanderesses à l’autorisation viseraient uniquement un processus de collecte, de traitement et de mise sur le marché de déchets plastiques qui contiennent une certaine proportion de DEHP en tant qu’ingrédient accessoire. En d’autres termes, il s’agirait en l’espèce d’utilisations de PVC recyclé contenant du DEHP, c’est-à-dire d’un « traitement de déchets plastiques », par opposition au traitement du DEHP en soi.

38      En suivant, dans sa décision sur la demande de réexamen interne, l’interprétation défendue par les demanderesses à l’autorisation à l’égard de la notion d’« utilisation », la Commission aurait commis une erreur de droit « manifeste ». Ce faisant, la Commission aurait, en réalité et à tort, autorisé un « processus dans son ensemble », à savoir le « recyclage de matériaux contenant une substance extrêmement préoccupante », alors que le règlement no 1907/2006 permettrait uniquement d’autoriser l’utilisation intentionnelle d’une substance extrêmement préoccupante au sens de l’article 57 du règlement no 1907/2006 dans un processus industriel.

39      En réponse à l’un des arguments de la Commission, selon lequel la décision d’autorisation aurait été accordée pour une substance, telle que celle‑ci est contenue « dans un mélange », la requérante fait valoir qu’il résulte du groupe de mots « dans un mélange », mentionnés à l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1907/2006, que l’interprétation appropriée devrait plutôt viser l’utilisation de la « substance individuelle dans le contexte du mélange » et non l’utilisation « du mélange dans son ensemble ». Selon la requérante, bien que l’utilisation du mélange s’avère pertinente pour comprendre la valeur ajoutée et la fonction de la substance dans le mélange, la demande d’autorisation aurait dû être formulée autour de l’utilisation spécifique de la substance elle-même dans ce mélange. Or, tel n’aurait pas été le cas en l’espèce.

40      De plus, une des raisons pour lesquelles il serait important que le demandeur d’une autorisation au titre du règlement no 1907/2006 prenne en compte l’utilisation de la « substance extrêmement préoccupante dans un mélange », plutôt que l’« utilisation du mélange », serait que l’exactitude de l’analyse des solutions de remplacement et de l’évaluation socio-économique dépendrait de la définition de l’utilisation. En l’espèce, dans le cadre de leur analyse des solutions de remplacement, les demanderesses à l’autorisation n’auraient pas examiné les substances ou les technologies pouvant remplacer l’utilisation du DEHP dans le mélange. En revanche, la demande d’autorisation aurait couvert uniquement d’autres manières d’obtenir un mélange qui ne contiendrait pas de DEHP, à savoir du PVC exempt de DEHP soit par séparation ou élimination, soit à partir d’autres sources.

41      Enfin, la Commission soutiendrait à tort que les arguments de la requérante, mentionnés aux points 36 à 38 ci-dessus, n’auraient pas été soulevés dans la demande de réexamen interne. Dans la demande de réexamen interne, la requérante aurait expliqué que la définition du terme « utilisation » devait être interprétée comme faisant référence à une « fonction technique » de la substance concernée par opposition à la déclaration effectuée par les demanderesses à l’autorisation affirmant qu’elles « n’utilisent pas la substance [DEHP] elle‑même [et qu’elle] est simplement présente à titre d’impureté (en grande partie indésirable) ». La requérante précise que, même si elle n’avait pas utilisé l’adjectif « actif » dans ce contexte, elle aurait, au point 49 de sa demande de réexamen interne, signalé que la décision d’autorisation ne permettait pas « de continuer à utiliser le DEHP, seul ou dans un mélange ». En d’autres termes, elle aurait signalé que la décision d’autorisation ne permettait pas d’utiliser ou d’employer activement du DEHP.

42      Deuxièmement, la Commission aurait tenté d’identifier une utilisation du DEHP conforme au règlement no 1907/2006 en attribuant à la demande d’autorisation l’indication d’une fonction du DEHP qui serait difficilement conciliable avec le règlement no 1907/2006.

43      En effet, dans la décision sur la demande de réexamen interne, la Commission aurait expliqué qu’il y avait lieu d’opérer une distinction entre la « présence de DEHP dans les déchets […] et la fonction que remplit la substance dans le matériau récupéré qui a cessé d’être un déchet ». Selon la Commission, la fonction pertinente du DEHP dans le matériau récupéré serait de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC souple à base du matériau en PVC souple recyclé ».

44      Or, d’une part, cette fonction n’aurait pas été indiquée en tant que telle dans la demande d’autorisation. Au contraire, les demanderesses à l’autorisation auraient déclaré expressément que le « DEHP ne jou[ait] aucun rôle fonctionnel spécifique pour [elles] ». La fonction du DEHP que la Commission a analysée ne refléterait donc pas la demande d’autorisation.

45      D’autre part, et plus important encore, le fait de réduire la quantité d’une substance extrêmement préoccupante vierge utilisée à titre de plastifiant au moyen d’une substance extrêmement préoccupante recyclée ne saurait être qualifié de « fonction » qui pourrait être autorisée en vertu du règlement no 1907/2006.

46      En effet, selon la requérante, si l’on appliquait ce raisonnement en dehors de la présente affaire, toute substance extrêmement préoccupante présente dans un matériau recyclé aurait alors cette fonction, à savoir de réduire la quantité de substance extrêmement préoccupante vierge dans le matériau. Ce raisonnement aurait pour effet que toute utilisation d’une substance extrêmement préoccupante présente dans un matériau récupéré serait autorisée simplement en vertu du fait qu’un matériau recyclé a été utilisé. Dans ces conditions, toutes les demandes d’autorisation concernant une utilisation de matériaux recyclés devraient nécessairement être octroyées. Or, le fait d’autoriser le « recyclage de matériaux contenant une substance extrêmement préoccupante » irait directement à l’encontre des objectifs du règlement no 1907/2006. En effet, ce dernier ne viserait pas à promouvoir le recyclage des matériaux contenant des substances extrêmement préoccupantes, mais au contraire à remplacer, voire à éliminer progressivement ces dernières, où qu’elles se trouvent et quelle que soit leur ancienneté dans certaines applications.

47      De surcroît, si le fait de réduire la quantité de plastifiants vierges était une fonction « conforme à l’article 62 [du règlement no 1907/2006] », l’analyse des solutions de remplacement aurait, de l’avis de la requérante, dû s’articuler autour de cette fonction. Par conséquent, il aurait été nécessaire de déterminer s’il existait des solutions de remplacement à l’utilisation du DEHP recyclé permettant de réduire la quantité de DEHP vierge nécessaire pour produire des articles en PVC. En d’autres termes, si la définition des termes « utilisation » et « fonction » par la Commission était correcte, l’analyse des solutions de remplacement fournie par les demanderesses à l’autorisation aurait dû présenter d’autres manières de réduire la quantité de plastifiants dans le PVC vierge, ce que cette analyse n’aurait pas fait.

48      Qui plus est, la Commission commettrait une autre erreur en soutenant que ce ne serait qu’au stade de la requête que la requérante aurait présenté les arguments liés à l’existence d’une autorisation pour un « processus dans son ensemble », à savoir le recyclage d’un mélange de déchets de PVC contenant du DEHP, par opposition à une autorisation portant sur une utilisation spécifique du DEHP dans ce processus ou ce mélange. Contrairement à ce que prétend la Commission, la requérante aurait indiqué déjà au stade de sa demande de réexamen interne qu’elle s’était en réalité « concentrée sur la substitution d’[un] flux de déchets ». La Commission aurait examiné les solutions de remplacement du déchet recyclé « dans son ensemble » et la requérante aurait critiqué la Commission pour avoir omis d’analyser les substances de remplacement réelles capables de remplir la fonction du DEHP.

49      En second lieu, l’interprétation que la Commission a donnée de la notion d’« utilisation » en l’espèce pourrait interférer à tort avec le régime de réglementation des déchets.

50      En l’absence de critères permettant d’établir à quel moment une substance a obtenu le statut de « fin de qualité de déchet », il serait permis de craindre que, si une autorisation a été accordée au titre du règlement no 1907/2006 pour un déchet, les entreprises pourraient invoquer cette autorisation à titre de preuve de l’évaluation positive des effets sur l’environnement ou sur la santé humaine lorsqu’elles cherchent à prouver que des déchets doivent obtenir le statut de « fin de qualité de déchet ». Ainsi, les entreprises de recyclage pourraient utiliser l’octroi d’une autorisation au titre du règlement no 1907/2006 pour un ancien déchet dans le but d’obtenir le statut de « fin de qualité de déchet » au sens de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3, ci-après la « directive-cadre relative aux déchets »).

51      Enfin, contrairement à ce que soutient la Commission, les arguments de la requérante, mentionnés aux points 49 et 50 ci-dessus, auraient d’ores et déjà été soulevés en substance dans la demande de réexamen interne. En effet, aux points 117 et 118 de cette dernière, la requérante aurait indiqué clairement que la relation entre le règlement no 1907/2006 et la directive-cadre relative aux déchets ne devait pas être perturbée.

52      La Commission conteste cette argumentation.

53      À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, à la différence de ce que semble soutenir la requérante dans certains points de la requête, le présent recours ne peut porter que sur la légalité de la décision sur la demande de réexamen interne et non sur le caractère suffisant ou non de la demande d’autorisation. Les moyens soulevés dans la requête devraient donc viser à démontrer d’éventuelles erreurs de droit ou d’appréciation commises par la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne et non d’éventuelles erreurs commises par les demanderesses à l’autorisation.

54      Dès lors, l’argumentation visant à faire valoir que, premièrement, les demanderesses à l’autorisation n’ont pas défini elles-mêmes correctement l’« utilisation ou les utilisations de cette substance » au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1907/2006 (voir point 35 ci-dessus), que, deuxièmement, selon les indications contenues dans la demande d’autorisation, les demanderesses à l’autorisation n’ont pas sollicité l’autorisation d’employer activement ou d’introduire le DEHP dans un « processus industriel », mais que la demande d’autorisation porterait plutôt sur la simple présence involontaire d’une substance dans un mélange (voir point 37 ci-dessus) et que, troisièmement, les demanderesses à l’autorisation visaient uniquement un processus de collecte, de traitement et de mise sur le marché de déchets plastiques contenant du DEHP (voir point 37 ci‑dessus) ne pourrait avoir une incidence sur le présent recours que si la Commission avait, dans la décision sur la demande de réexamen interne, repris à son compte les éléments contenus dans la demande d’autorisation. Il en va de même pour ce qui est de l’argument selon lequel la demande d’autorisation n’indiquerait pas quelle fonction du DEHP la Commission a retenue dans sa décision sur la demande de réexamen interne (voir point 44 ci-dessus).

55      Ensuite, toujours à titre de remarque liminaire, il y a lieu de relever que les moyens et les arguments soulevés devant le Tribunal dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision portant rejet d’une demande de réexamen interne ne sauraient être considérés comme étant recevables que dans la mesure où ces moyens et ces arguments ont déjà été présentés par le requérant dans la demande de réexamen interne et ce, de manière à ce que la Commission ait pu y répondre (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:736, point 68).

56      Cette conclusion s’impose au regard des termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006. En effet, il ressort de cette disposition qu’une demande de réexamen interne d’un acte administratif adopté par une institution de l’Union au titre du droit de l’environnement doit explicitement indiquer l’acte qu’elle vise et préciser les motifs de réexamen. Il résulte de cette obligation que le demandeur de réexamen interne dispose uniquement du droit à ce que la Commission prenne position sur les motifs qu’il a fait valoir dans sa demande. En revanche, il ne dispose d’aucun droit à ce que la Commission prenne position sur des questions qui n’ont pas été soulevées, à tout le moins, de façon raisonnablement reconnaissable dans une telle demande.

57      À cet égard, il convient de souligner également que, afin de préciser les motifs de réexamen de la façon requise, le demandeur de réexamen interne d’un acte administratif adopté au titre du droit de l’environnement est tenu d’indiquer tout élément de fait et de preuve ou tout argument juridique suscitant des doutes sérieux quant à l’appréciation portée par l’institution ou par l’organe de l’Union dans l’acte visé. Le tiers contestant l’autorisation de mise sur le marché doit donc apporter des éléments de preuve substantiels susceptibles de fonder des doutes sérieux quant à la légalité de l’octroi de cette autorisation (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 21 mai 2015, Schräder/OCVV, C‑546/12 P, EU:C:2015:332, point 57, et du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:736, points 66 et 67).

58      La conclusion énoncée au point 55 ci-dessus s’impose également eu égard au libellé de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement no 1367/2006. Selon cette disposition, l’institution saisie d’une demande de réexamen interne prend en considération toutes les demandes de ce type, à moins qu’elles ne soient manifestement infondées. En vertu de cette disposition, il incombe donc à la Commission d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments invoqués dans une demande de réexamen interne à moins qu’ils ne soient manifestement dépourvus de fondement. D’une part, il n’incombe pas à la Commission d’examiner d’autres motifs que ceux soulevés par le demandeur de réexamen interne. D’autre part, afin que la Commission puisse répondre de manière satisfaisante à un demandeur de réexamen interne, ce dernier doit mettre la Commission en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques formulées à l’encontre de l’acte administratif contesté (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:736, points 262 à 264).

59      En l’espèce, la Commission fait valoir que l’argument de la requérante, selon lequel la notion d’« utilisation » impliquerait l’introduction ou le déploiement « actif » d’une certaine substance dans un processus industriel, est un argument nouveau en ce sens qu’il n’aurait pas figuré dans la demande de réexamen interne.

60      Il ressort du point 49 de la demande de réexamen interne que, selon la requérante, premièrement, l’autorisation en cause en l’espèce est liée à l’utilisation d’un « matériau contenant du DEHP qui est introduit comme partie d’un flux de déchets plastiques dans lequel le DEHP n’a pas une fonction technique ». Deuxièmement, il ressort également de ce point de la demande de réexamen interne que, selon la requérante, « l’autorisation [en cause en l’espèce] n’est donc pas censée permettre au demandeur d’utiliser le DEHP en tant que tel, dans une préparation, ni d’introduire [cette substance] dans un article ».

61      Or, force est de constater que, lorsque, dans le cadre du présent recours, la requérante fait valoir que la notion d’« utilisation » implique une introduction ou un déploiement « actif » d’une certaine substance dans un « processus industriel », elle formule un grief qui n’était indiqué ni de manière claire et spécifique ni de manière raisonnablement évidente pour la Commission dans la demande de réexamen interne. Insister, à l’instar de ce que fait la requérante dans le cadre du présent recours, sur le fait que le DEHP est utilisé « comme partie d’un flux de déchets » ou demander à ce que cette substance soit utilisée « dans une préparation », voire introduite « dans un article », d’une part, et considérer que seule l’introduction active ou le déploiement actif d’une substance « dans un processus industriel » correspond à la notion d’« utilisation », d’autre part, sont deux choses différentes.

62      Cela étant, il y a lieu de conclure que l’argument de la requérante, selon lequel la notion d’« utilisation » impliquerait l’introduction ou le déploiement « actif » d’une certaine substance dans un « processus industriel » n’avait pas été présenté à la Commission dans le cadre de la demande de réexamen interne et est, de ce fait, irrecevable.

63      À titre subsidiaire, s’agissant du fond de cet argument, c’est-à-dire, s’agissant de la question de savoir quelle interprétation il convient de donner à la notion d’« utilisation » figurant à l’article 56, paragraphe 1, sous a), et à l’article 62, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1907/2006, il y a lieu de relever que cette notion est définie à l’article 3, point 24, du même règlement. Selon cette disposition, doit être considérée comme une utilisation « toute opération de transformation, de formulation, de consommation, de stockage, de conservation, de traitement, de chargement dans des conteneurs, de transfert d’un conteneur à un autre, de mélange, de production d’un article ou tout autre usage ».

64      Contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante (voir point 36 ci-dessus), la notion d’« utilisation » figurant à l’article 3, point 24, du règlement no 1907/2006 ne se limite pas à l’introduction active d’une substance « dans un processus industriel ». De plus, rien dans cette disposition n’indique que, pour conclure qu’une substance est « utilisée », cette substance doit être intentionnellement introduite dans un tel processus.

65      Au contraire, les termes de l’article 3, point 24, du règlement no 1907/2006 permettent de conclure qu’il est possible de parler de l’« utilisation » d’une substance également dans le cas où cette dernière entre dans la composition de plusieurs substances, composition qui a été, à son tour, soumise à l’une des opérations visées à l’article 3, point 24, du règlement no 1907/2006. En d’autres termes, lorsqu’une composition de substances est, par exemple, transformée, formulée, consommée ou stockée, toutes les substances entrant dans cette composition sont « utilisées » au sens du règlement no 1907/2006.

66      Plaide en faveur de cette interprétation, dans un premier temps, l’emploi des termes « tout autre usage » figurant à l’article 3, point 24, du règlement no 1907/2006. Ces termes sont, d’une part, l’expression du fait que relèvent de la notion d’« utilisation » des opérations autres que celles prévues expressément à cette disposition. D’autre part, ces termes sont également l’expression du fait que le législateur a adopté une interprétation large selon laquelle l’emploi actif d’une composition de substances constitue en même temps un emploi actif des substances qui entrent dans la composition.

67      Plaident en faveur d’une telle interprétation, dans un deuxième temps, les termes de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1907/2006. Selon cette disposition, une autorisation est nécessaire non seulement pour l’utilisation d’une substance prise isolément, mais également pour l’utilisation d’une substance contenue dans un « mélange ». Il ressort de l’article 3, point 2, du même règlement qu’un « mélange » au sens de ce règlement est un « mélange ou une solution composés de deux substances ou plus ».

68      Enfin, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission, il ressort également implicitement de l’article 56, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006, qui exonère de l’obligation d’autorisation l’« utilisation de substances lorsque celles-ci sont contenues dans des mélanges » en‑deçà de certains niveaux de concentration y précisés, qu’une autorisation est requise pour l’utilisation des substances visées à l’annexe XIV de ce règlement présentes « dans des mélanges ». La thèse qui fonde cette disposition est, encore une fois, celle qu’une substance faisant partie d’une composition est utilisée à chaque fois que cette composition est utilisée.

69      Contrairement à ce que prétend la requérante (voir point 39 ci-dessus), ce n’est pas uniquement lorsqu’il est démontré qu’une substance possède une fonction spécifique « dans le contexte du mélange » – par opposition à l’utilisation du « mélange dans son ensemble » – qu’il convient de retenir qu’une substance contenue dans un mélange est utilisée.

70      À cet égard, il convient de relever qu’un mélange peut être constitué notamment de substances qui ont une fonction spécifique à l’intérieur du mélange et de substances dont la fonction n’apparaît qu’au moment où le mélange est lui-même utilisé. Ensuite, il peut exister également des mélanges dans lesquels la totalité des composants ne remplissent une fonction que du fait de l’utilisation du mélange en tant que tel. Or, les termes « tout autre usage » prévus à l’article 3, point 24, du règlement no 1907/2006 permettent de conclure que, dans les deux cas, l’utilisation d’un mélange implique l’utilisation de l’intégralité des substances s’y trouvant.

71      En l’espèce, afin de justifier sa conclusion suivant laquelle la décision d’autorisation visait une « utilisation » du DEHP, la Commission a, dans la décision sur la demande de réexamen interne, indiqué, premièrement, que l’autorisation avait été demandée pour le DEHP en tant que substance « présente à titre d’impureté (en grande partie indésirable) dans les déchets qui sont collectés, triés, traités, puis mis sur le marché sous la forme de recyclat ». Deuxièmement, en harmonie avec cette approche et conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, la Commission a indiqué que, dès lors que les déchets n’étaient pas une substance, les exigences prévues dans le règlement no 1907/2006 étaient, en l’espèce, d’application uniquement dans le cas où les déchets contenant du DEHP ont cessé d’être des déchets. À cet égard, il s’agit d’une clarification supplémentaire visant à accentuer la distinction entre, d’une part, les déchets de PVC et, d’autre part, le recyclat de PVC, à savoir des déchets de PVC qui ont perdu leur qualité de déchets et peuvent, dès lors, être mis sur le marché. Il résulte de la décision sur la demande de réexamen interne que l’autorisation n’est d’application que pour ce dernier scénario. Troisièmement, il résulte expressément de cette dernière décision que, lorsque le DEHP est contenu dans du recyclat, il possède une fonction « technique » précise, à savoir celle de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC souple à base du matériau en PVC souple recyclé ». Quatrièmement, il y a lieu de constater que, dans toutes les descriptions des fonctions du DEHP, la Commission est partie de la prémisse, qui était déjà indiquée dans la demande d’autorisation, selon laquelle le DEHP possède en général une fonction de plastifiant (voir point 3 ci-dessus). En résumé, selon la décision sur la demande de réexamen interne, l’autorisation a été octroyée pour le DEHP en sa qualité de plastifiant contenu dans le recyclat de PVC mis sur le marché après que le PVC a perdu sa qualité de déchet. En d’autres termes, la Commission a identifié certaines fonctions du DEHP qui sont activées au plus tard au moment où le recyclat de PVC contenant cette substance est utilisé.

72      Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que la Commission n’a commis aucune erreur de droit en estimant, en substance, dans la décision sur la demande de réexamen interne, que la décision d’autorisation avait été accordée pour une « utilisation » du DEHP au sens de l’article 3, point 24, de l’article 56, paragraphe 1, sous a), de l’article 60 et de l’article 62, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1907/2006.

73      Les autres arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

74      En premier lieu, l’argument de la requérante, selon lequel la Commission a en réalité autorisé un « processus dans son ensemble », à savoir le « recyclage de matériaux contenant une substance extrêmement préoccupante » (voir points 38 et 48 ci-dessus), est voué au rejet.

75      D’une part, ainsi que le soutient la Commission à juste titre, il s’agit d’un argument qui ne figurait aucunement dans la demande de réexamen interne et qui est, dès lors, irrecevable.

76      D’autre part et en tout état de cause, sur le fond, ainsi qu’il a d’ores et déjà été relevé au point 71 ci-dessus, la Commission a expliqué dans la décision sur la demande de réexamen interne que l’autorisation avait été accordée pour l’utilisation de la substance DEHP telle que contenue dans un mélange, à savoir le DEHP tel que contenu dans le PVC recyclé, et non pour le « recyclage de matériaux contenant une substance extrêmement préoccupante » ou encore un « processus dans son ensemble ». Par ailleurs, l’utilisation d’un mélange contenant du DEHP a été expressément décrite dans la demande d’autorisation. Ainsi que l’a fait valoir la Commission à juste titre, cela ne signifie toutefois pas que l’autorisation porte sur un mélange, mais bien sur une substance contenue dans un mélange.

77      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, d’une part, l’indication que la fonction du DEHP de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC souple à base du matériau en PVC souple recyclé », telle qu’identifiée par la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne, aurait figuré dans la demande d’autorisation a été donnée pour la première fois dans cette décision, et selon lequel, d’autre part, cette fonction irait à l’encontre de l’objectif du règlement no 1907/2006 de remplacer progressivement les substances extrêmement préoccupantes (voir points 44 et 46 ci-dessus), il y a lieu de relever ce qui suit.

78      Premièrement, cette fonction n’a pas été attribuée au DEHP par la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne. À cet égard, la première branche du premier moyen procède d’une mauvaise lecture, par la requérante, des documents que les demanderesses à l’autorisation avaient soumis à la Commission. En effet, déjà au stade de la demande d’autorisation, celles-ci avaient indiqué que la fonction plastifiante du DEHP était pertinente pour le PVC souple recyclé dans le sens où la présence de cette substance dans ce matériau contribue à la souplesse de celui-ci, ce qui réduirait la quantité de plastifiants à ajouter lors de sa transformation en article en PVC souple (voir points 3 et 4 ci-dessus). De plus, il ressort du point 51 de la demande de réexamen interne que la requérante était bien consciente de ce que les demanderesses à l’autorisation avaient évoqué la fonction du DEHP dans la demande d’autorisation.

79      Deuxièmement, la fonction du DEHP mentionnée par la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne ne va pas à l’encontre de l’objectif de remplacer progressivement les substances extrêmement préoccupantes visé notamment au considérant 70 et à l’article 55 du règlement no 1907/2006. À cet égard, il convient de souligner que le but visé dans ces dispositions est celui de remplacer « progressivement » les substances extrêmement préoccupantes par des substances appropriées. Le terme « progressivement » a une importance particulière dans ce contexte. Le fait d’utiliser du DEHP déjà existant dans du PVC recyclé permet d’éviter de produire de nouvelles quantités de DEHP. Une mesure visant notamment à réduire, au fur et à mesure, la production de DEHP vierge ne saurait donc aller à l’encontre de l’objectif de remplacer « progressivement » les substances extrêmement préoccupantes.

80      De plus, la requérante n’a pas démontré quelle substance ou technologie « appropriée » au sens de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec le considérant 73 de ce règlement, pourraient remplacer le DEHP dans le PVC employé lors des utilisations visées au point 9 ci‑dessus.

81      En troisième lieu, ne saurait convaincre l’argument de la requérante selon lequel le raisonnement de la Commission lié à une fonction telle que celle examinée par cette institution dans la décision sur la demande de réexamen interne aurait pour effet que toute utilisation d’une substance extrêmement préoccupante présente dans un matériau récupéré serait autorisée simplement en vertu du fait qu’un matériau recyclé a été utilisé et que, dans ces conditions, toutes les demandes d’autorisation concernant l’utilisation de matériaux recyclés devraient nécessairement être octroyées (voir point 46 ci‑dessus).

82      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission, cette interprétation de la notion d’« utilisation », figurant dans le règlement no 1907/2006, ne conduit pas à ce que toutes les demandes d’autorisation pour l’utilisation de matériaux recyclés doivent nécessairement être accordées. En effet, pour qu’une autorisation soit octroyée, encore faut-il que toutes les conditions prévues à l’article 60, paragraphe 2 ou 4, du règlement no 1907/2007 soient remplies.

83      En quatrième lieu, à l’égard de l’ensemble des arguments de la requérante concernant l’octroi de l’autorisation en cause en l’espèce pour un prétendu « traitement de déchets » et concernant une prétendue discordance entre cette autorisation et le régime de la législation de l’Union sur les déchets (voir points 37 et 50 ci-dessus), il y a lieu de relever les éléments suivants.

84      Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, l’autorisation a été accordée pour un « traitement de déchets plastiques », ce qui ne serait pas conforme à la législation (voir point 37 ci-dessus), ne peut être que rejeté.

85      Certes, aux points 117 et 118 de la demande de réexamen interne, la requérante a invoqué de manière relativement imprécise une prétendue discordance entre la décision d’autorisation et la législation en matière de déchets, de sorte qu’il ne peut pas être considéré que cet argument a été invoqué pour la première fois dans le cadre du présent recours et qu’il est irrecevable.

86      Toutefois, cet argument est non fondé. En effet, d’une part, il convient de relever que, ainsi que l’a souligné la Commission en substance au point 1.1. de la décision sur la demande de réexamen interne, il ressort de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006 que les déchets tels que définis dans la directive-cadre relative aux déchets ne sont pas une substance, un mélange ou un article au sens de ce règlement. D’autre part, ainsi qu’il résulte en substance du même point de ladite décision, lorsqu’un mélange de PVC contenant du DEHP est utilisé sans que ce mélange ait perdu sa qualité de déchet, l’autorisation en cause en l’espèce n’est pas applicable à ce mélange. Il n’existe donc aucune discordance entre la décision d’autorisation et la législation en matière de déchets.

87      Deuxièmement, dans la mesure où la requérante se réfère au statut de « fin de qualité de déchet » (voir point 50 ci-dessus), force est, en revanche, de constater que ce grief n’a été soulevé ni de manière spécifique ni de manière raisonnablement évidente dans la demande de réexamen interne. Cet argument n’a donc été soulevé qu’au stade de la requête. Partant, compte tenu des considérations figurant aux points 55 à 58 ci-dessus, il doit être rejeté comme irrecevable.

88      En tout état de cause, sur le fond, ainsi que l’a fait valoir la Commission à juste titre, les inquiétudes de la requérante liées au prétendu fait que, en l’absence de critères tirés du droit ou d’une pratique à l’échelle de l’Union permettant d’établir le statut de « fin de qualité de déchet », l’octroi d’une autorisation « pour un déchet » empêcherait que le PVC souple recyclé contenant du DEHP cesse d’« être un déchet », ne sont pas fondées.

89      À cet égard, sans compter le fait que cet argument revêt un caractère spéculatif en ce qu’il se fonde sur des scénarios dont il n’est pas certain qu’ils soient déjà survenus ou qu’ils puissent encore survenir dans les États membres, il convient de noter que, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 4, de la directive-cadre relative aux déchets, il incombe aux États membres de décider si des déchets ont cessé d’être des déchets. Cette décision doit être prise au cas par cas, à la lumière de la jurisprudence de l’Union applicable en la matière. Même si un État membre avait choisi, pour adopter une telle décision, prise dans le cadre de l’application de la notion de « fin de qualité de déchet », de s’appuyer sur une décision d’autorisation accordée en vertu du règlement no 1907/2006, telle que celle en cause, cela n’aurait pas pu constituer un motif de refus pour la décision d’autorisation. En effet, une décision sur le statut de « fin de qualité de déchet » ne relève pas du règlement no 1907/2006 ni non plus de la décision d’autorisation.

90      En cinquième lieu, l’argument de la requérante selon lequel, si le fait de réduire la quantité de plastifiants vierges était une fonction « conforme à l’article 62 du règlement no 1907/2006 », l’analyse des solutions de remplacement effectuée par la Commission aurait dû s’articuler autour de cette fonction (voir point 47 ci-dessus) ne saurait convaincre.

91      Il est vrai que la question de savoir quelle interprétation il convient de donner à la notion d’« utilisation » peut avoir une incidence sur la portée de l’analyse des différentes conditions énoncées à l’article 60, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1907/2006. Quoi qu’il en soit, ainsi qu’il ressort des considérations précédentes, il est possible de parler d’« utilisation » également lorsque, comme en l’espèce, il s’agit d’une substance présente dans un mélange et que les caractéristiques de la substance ont une certaine fonction dans le cadre de ce mélange, en l’occurrence celle de plastifiant, ainsi qu’une fonction qui ne se révèle qu’au moment de l’utilisation du mélange, telle, en l’espèce, la fonction liée à la réduction progressive de la production de DEHP vierge. Dans un tel contexte, il n’est pas incorrect de considérer comme étant des solutions de remplacement possibles d’autres mélanges qui ne contiennent pas du tout la substance ou d’autres procédés dans lesquels la fonction conférée par la substance peut être assurée par d’autres moyens. En particulier et en tout état de cause, la Commission n’était pas tenue de vérifier dans quelle mesure précise l’utilisation autorisée permettrait de réduire la présence de la substance extrêmement préoccupante sur le marché.

92      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme irrecevable et, en tout état cause, comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche, tirée de l’existence d’erreurs de droit et d’appréciation en lien avec des déficiences dans le rapport sur la sécurité chimique

93      Selon la requérante, les appréciations développées par la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne au sujet du rapport sur la sécurité chimique sont entachées d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation.

94      En premier lieu, la demande d’autorisation ne serait pas conforme à l’article 62, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006. L’absence de conformité avec cette disposition constituerait une erreur entachant non seulement l’application de l’article 60, paragraphe 7, de ce règlement dans le cadre de la décision d’autorisation, mais également les appréciations de la Commission quant à l’application de cette dernière disposition, telles que figurant dans la décision sur la demande de réexamen interne.

95      En effet, le rapport sur la sécurité chimique joint à la demande d’autorisation n’aurait pas examiné de manière adéquate les risques pour la santé de toute une catégorie de personnes concernées, à savoir les travailleurs exposés au DEHP. Les données fournies dans la demande d’autorisation à propos de l’exposition des travailleurs ne comprendraient qu’une biosurveillance minimale et des mesures de l’air. Or, ces données seraient insuffisantes pour évaluer correctement les risques pour la santé des travailleurs. Le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique auraient tous deux relevé le caractère insuffisant du rapport sur la sécurité chimique à cet égard. En particulier, le comité d’évaluation des risques aurait estimé que les informations fournies dans ce rapport avaient une « valeur informative limitée » et que l’évaluation de l’exposition de la population des travailleurs présentée n’était pas représentative pour la demande d’autorisation. Dans la décision d’autorisation, la Commission aurait également indiqué que le comité d’analyse socio-économique « avait reconnu les déficiences de l’évaluation de l’exposition sur le lieu de travail identifiées par le comité d’évaluation des risques et l’absence d’évaluation de l’effet sur la santé dans l’analyse socio-économique ».

96      En réponse aux griefs présentés par la requérante dans le cadre de sa demande de réexamen interne tirés de ce que, d’une part, la demande d’autorisation ne contiendrait pas de rapport sur la sécurité chimique examinant de manière adéquate les risques pour la santé humaine ou l’environnement et, d’autre part, en conséquence, la décision d’autorisation serait incorrecte, la Commission se serait contentée d’indiquer dans la décision sur la demande de réexamen interne que le comité d’évaluation des risques avait constaté des déficiences dans l’évaluation des risques résultant du DEHP, sans toutefois adopter elle-même, après un réexamen approfondi de preuves contradictoires, une position motivée à propos de la conformité du rapport sur la sécurité chimique.

97      La Commission n’aurait même pas relevé l’incohérence figurant dans l’avis du comité d’évaluation des risques, qui avait déclaré, d’une part, que la demande d’autorisation était conforme aux exigences du règlement no 1907/2006, tout en reconnaissant clairement, d’autre part, des déficiences dans les informations soumises.

98      Loin de remédier à l’insuffisance évidente du rapport sur la sécurité chimique, la Commission aurait, au point 1.2 de la décision sur la demande de réexamen interne, constaté que, finalement, « bien que le [comité d’évaluation des risques] ait effectivement considéré dans son avis que l’évaluation de l’exposition présentait certaines déficiences, il a estimé que la demande contenait les informations nécessaires […] et la Commission a considéré que la demande était conforme à l’article 62 [du règlement no 1907/2006] ».

99      Or, selon la requérante, ce raisonnement est à l’évidence erroné. En effet, selon la requérante, la décision sur la demande de réexamen interne s’appuierait sur l’avis du comité d’évaluation des risques comme s’il s’agissait d’un élément de preuve convaincant. Or, le simple fait que le comité d’évaluation des risques ait déclaré dans son avis que la demande d’autorisation était conforme ne lierait pas la Commission. Le raisonnement de cette institution consistant à invoquer uniquement la conclusion du comité d’évaluation des risques relative à la conformité, voire la légalité, de la demande d’autorisation à titre de preuve convaincante serait de toute évidence insuffisante. De surcroît, en mentionnant le même raisonnement dans sa décision sur la demande de réexamen interne, la Commission démontrerait qu’elle s’est appuyée sur le fait que la décision d’autorisation avait jugé la demande d’autorisation conforme au règlement no 1907/2006. En d’autres termes, la Commission se serait prévalue de la décision d’autorisation à titre de preuve de sa conformité effective. La décision sur la demande de réexamen interne présumerait donc comme étant établi l’élément même, en l’occurrence la conformité du processus décisionnel au stade de l’autorisation, que la Commission était censée vérifier au stade du réexamen interne.

100    En second lieu, il conviendrait de retenir l’existence d’erreurs de droit « manifestes » dans l’interprétation de l’article 61 du règlement no 1907/2006, relatif à la révision de l’autorisation, lu conjointement avec l’article 60, paragraphe 7, de ce règlement. En effet, dans sa décision sur la demande de réexamen interne, la Commission aurait indiqué avoir tenu compte de la conclusion du comité d’évaluation des risques relative aux déficiences de la demande d’autorisation, d’une part, en fixant une période de révision très brève pour l’autorisation, expirant le 21 février 2019, et, d’autre part, en imposant un suivi aux titulaires de l’autorisation. Cette motivation suggérerait que des déficiences dans une demande d’autorisation, même si celles-ci sont aussi graves que celles identifiées par le comité d’évaluation des risques, peuvent être corrigées par la fixation d’une « période de révision très brève ». Or, de l’avis de la requérante, l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 ne conférerait pas à la Commission un « pouvoir réparateur » ayant pour effet qu’elle puisse faire droit à une demande ne répondant pas à des conditions restrictives, que ce soit en fixant une brève période de révision ou d’une autre manière. L’objectif d’une révision ne serait pas de donner à une entreprise la possibilité de combler les déficiences contenues dans une demande d’autorisation antérieure, mais de donner à une entreprise la possibilité de « mettre à jour » sa demande d’autorisation initiale compte tenu des changements de circonstances, et, en particulier, les informations sur les solutions de remplacement disponibles.

101    Enfin, dans le prolongement de ce raisonnement, la requérante soutient que, lorsqu’elle a indiqué que la décision d’autorisation expirerait le 21 février 2019, la Commission a interprété de manière erronée les implications juridiques de l’octroi d’une brève période de révision. En effet, l’article 61 du règlement no 1907/2006 stipulerait que les autorisations « sont considérées comme valables jusqu’à ce que la Commission décide de modifier ou de retirer l’autorisation dans le cadre d’une révision ». En estimant que les déficiences de la demande d’autorisation avaient été dûment prises en compte en accordant une période de révision très brève, la Commission aurait commis une erreur « manifeste » de droit qui priverait sa conclusion de toute plausibilité.

102    La Commission conteste cette argumentation.

103    À titre liminaire, il y a lieu de noter que les arguments invoqués par la requérante dans la cadre de la deuxième branche du premier moyen visent l’existence d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation qui, selon elle, entachent l’application de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 pour des motifs liés à une lecture de cet article conjointement avec deux dispositions différentes. Plus précisément, le premier grief de cette branche vise à démontrer une application erronée de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 lu conjointement avec l’article 62, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006, tandis que le second grief de cette branche concerne une interprétation de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 lu conjointement avec l’article 61 de ce règlement.

104    S’agissant du premier grief mentionné au point 103 ci-dessus, il y a lieu de relever que l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 vise à permettre à la Commission de vérifier si une demande d’autorisation est conforme aux prescriptions de l’article 62 de ce même règlement d’un point de vue formel. Plus précisément, la Commission est tenue de vérifier si les éléments mentionnés à l’article 62, paragraphe 4, sous a) à f), du règlement no 1907/2006 sont effectivement contenus dans la demande d’autorisation ou non. Certes, les documents que les demandeurs d’autorisation soumettent pour se conformer à l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 doivent être vérifiables. En particulier, le rapport sur la sécurité chimique doit être élaboré conformément aux modalités indiquées dans l’annexe I du même règlement. Néanmoins, l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 soumet la Commission à une obligation d’ordre formel et procédural et non à l’obligation d’examiner le bien-fondé des éléments visés à l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

105    De même, l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 indique, quant à lui, les informations que le demandeur d’une autorisation doit présenter au moment de la soumission de sa demande. Conformément à cette disposition, les demandes d’autorisation, qui sont, par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 62, paragraphe 1, du même règlement, introduites auprès de l’ECHA, sont accompagnées, notamment, d’un rapport sur la sécurité chimique et d’une analyse des solutions de remplacement. L’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 revêt également un caractère formel et procédural.

106    En revanche, ni l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 ni l’article 62 du même règlement ne concerne les conditions matérielles de l’octroi d’une autorisation ou les obligations pesant sur la Commission lors de l’appréciation des faits et des éléments de preuve permettant la délivrance d’une autorisation. En particulier, ce n’est pas sur le fondement de ces dispositions qu’il incombe à la Commission d’examiner notamment si le rapport sur la sécurité chimique concernant une substance tire les bonnes conclusions en ce qui concerne les propriétés d’une substance chimique ou encore si le comité d’évaluation des risques a commis des erreurs lorsqu’il a examiné ce rapport dans le cadre de l’élaboration de l’avis visé à l’article 60, paragraphe 4, et à l’article 64, paragraphe 4, sous a), du règlement no 1907/2006.

107    En réalité, de telles exigences incombent à la Commission en vertu de l’article 60, paragraphes 2, 4 et 5, du règlement no 1907/2006.

108    Lors de l’audience, les parties ont été entendues au sujet des appréciations du Tribunal relatées aux points 104 à 107 ci-dessus. En réponse aux questions du Tribunal, la requérante a fait savoir que, selon elle, dans « l’architecture du règlement [no 1907/2006] », certes, il existe, d’une part, une étape visant l’examen, par la Commission, de la conformité de la demande d’autorisation avec les prescriptions de celui-ci et, d’autre part, une étape visant l’examen au fond des conditions d’octroi d’une autorisation. Toutefois, la première étape ne pourrait se réduire à un simple exercice consistant à cocher des cases, car il y aurait de véritables exigences visant la substance des documents soumis, comme, par exemple, celles ressortant de l’annexe I du règlement no 1907/2006. Celle-ci indiquerait, par exemple, ce qui doit être inclus dans un rapport sur la sécurité chimique.

109    Or, cet argument doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, l’annexe I du règlement no 1907/2006 décrit les éléments que doivent nécessairement contenir certains documents soumis par le demandeur d’une autorisation, tels qu’un rapport sur la sécurité chimique. Toutefois, bien qu’elle prévoie l’obligation pour le demandeur d’une autorisation de faire référence à certains éléments précis dans sa demande d’autorisation et les documents y afférents, cette annexe, de par son libellé, n’impose pas à la Commission, dans le cadre de l’examen incombant à cette institution sur le fondement de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec l’article 62 de ce dernier, d’examiner ces éléments sur le fond.

110    Enfin, lors de l’audience, la requérante a souligné, en substance, que, selon elle, en tout état de cause, la demande d’autorisation contenait des déficiences violant non seulement les exigences d’évaluation incombant à la Commission en vertu de l’article 60, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1907/2006, mais également les prescriptions de l’examen de la conformité de la demande en vertu de l’article 62 de ce règlement. Ce faisant, la requérante semble admettre que l’article 62, paragraphe 4, de ce même règlement édicte les conditions formelles d’octroi d’une autorisation.

111    Cet argument ne peut toutefois être que rejeté également comme étant non fondé. En effet, d’une part, la requérante semble partir de la prémisse qu’il doit être fait une évaluation préalable de la question de savoir si une demande d’autorisation qui contient tous les éléments mentionnés à l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 et à l’annexe I dudit règlement présente des déficiences tenant au fond de la demande d’une telle gravité qu’il serait permis de conclure que cette demande est non conforme au règlement no 1907/2006 déjà d’un point de vue formel. Or, une telle évaluation préalable n’est pas prévue dans le règlement no 1907/2006. D’autre part, au cas où la requérante ne partirait pas de cette prémisse, mais plutôt de l’hypothèse qu’il s’agit de l’examen prévu à l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, force est de constater qu’elle n’indique pas quel pourrait être le critère objectif qui permettrait de déterminer, de manière précise, ou à tout le moins de manière pertinente et convaincante, le seuil de déficiences d’une demande d’autorisation qui pourrait entraîner une violation des conditions formelles prévues à cette dernière disposition.

112    En l’espèce, il est constant que la demande d’autorisation était accompagnée de tous les éléments visés à l’article 62 du règlement no 1907/2006 et que la condition, formelle, figurant à l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006, relative à la présentation d’un rapport sur la sécurité chimique était remplie. Était également remplie en l’espèce la condition selon laquelle les documents visés à l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 doivent être vérifiables. En effet, ni les comités de l’ECHA ni la Commission n’ont fait valoir que les documents présentés par les demanderesses à l’autorisation n’étaient pas vérifiables. La requérante n’a pas non plus soutenu de manière spécifique et à l’appui d’éléments de preuve que les documents qui accompagnaient la demande d’autorisation étaient invérifiables. De plus, il est constant entre les parties que, en ce qui concerne le rapport sur la sécurité chimique, les demanderesses à l’autorisation s’étaient conformées aux exigences de l’annexe I du règlement no 1907/2006. Aucun des acteurs impliqués n’a soutenu que ce rapport n’était pas conforme aux exigences de l’annexe I du règlement no 1907/2006. La requérante n’a pas non plus apporté d’éléments de preuve dans sa demande de réexamen interne, qui permettraient de parvenir à une autre conclusion à cet égard.

113    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante visant l’existence de prétendues insuffisances entachant l’avis du comité d’évaluation des risques et l’incidence de celles-ci sur l’octroi de l’autorisation en cause en l’espèce, d’une part, et le fait que la Commission n’aurait pas remédié à ces insuffisances, mais se serait bornée à invoquer l’avis dudit comité et la décision d’autorisation à titre de preuves convaincantes, d’autre part, n’ont aucune incidence sur le sort à réserver à la question de savoir si la Commission a manqué ou non à l’obligation lui incombant en vertu de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec l’article 62 de ce règlement. En effet, ces arguments ont trait à des questions visant l’appréciation de faits complexes ayant servi de fondement à l’élaboration de l’avis du comité d’évaluation des risques, ainsi qu’au pouvoir de la Commission d’évaluer ces faits complexes et, partant, à la légalité matérielle de la décision d’autorisation.

114    Ainsi, dans la mesure où la requérante conteste la légalité formelle de la décision d’autorisation en faisant valoir des arguments qui ont trait aux conditions matérielles de son adoption, il convient de constater, à titre de première conclusion intermédiaire, que ces arguments sont inopérants.

115    S’agissant du second grief présenté dans la cadre de la deuxième branche du premier moyen (voir point 103 ci-dessus), il convient de relever que l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 ne renvoie pas à l’article 61 de ce règlement et ne présente pas de lien avec celui-ci.

116    Dès lors, il convient de constater, à titre de deuxième conclusion intermédiaire, que l’argument de la requérante tiré de la combinaison de ces deux dispositions pour démontrer une violation de l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 est également inopérant.

117    Qui plus est, l’argument lié à la fixation d’une « brève période de réexamen » et à l’objectif d’une « révision » au titre de l’article 61 du règlement no 1907/2006 (voir point 100 ci-dessus) semble plutôt susceptible d’être avancé pour démontrer l’existence d’une insuffisance dans la légalité matérielle de la décision d’autorisation. Tel est également le cas de l’argument de la requérante portant sur la prétendue absence d’un « pouvoir réparateur » de la Commission pour remédier au contenu de la demande d’autorisation par le truchement de l’imposition d’une brève période de révision. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 104 et 106 ci-dessus, l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006 ne concerne pas la légalité matérielle d’une décision d’autorisation.

118    À titre de troisième conclusion intermédiaire, il convient donc de constater que l’argument tiré de la fixation d’une « brève période de réexamen », qui serait contraire à l’objectif d’une « révision » au titre de l’article 61 du règlement no 1907/2006, n’est pas pertinent pour trancher la question de savoir si la Commission a violé ou non les prescriptions formelles de l’article 60, paragraphe 7, de ce règlement. Cet argument est donc, lui aussi, inopérant.

119    Les trois conclusions intermédiaires mentionnées aux points 114, 116 et 118 ci-dessus pourraient, en principe, suffire pour rejeter la deuxième branche du premier moyen.

120    Toutefois, se pose la question de savoir si les arguments de la requérante mentionnés aux points 94 à 101, 113 et 117 ci-dessus peuvent servir de fondement pour étayer des griefs tirés d’une violation de dispositions autres que l’article 60, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006, à savoir l’article 60, paragraphe 4, de ce règlement, d’une part, et l’article 60, paragraphes 8 et 9, du même règlement, lu conjointement avec l’article 61, paragraphe 1, première phrase, de ce règlement, d’autre part.

121    À cet égard, il convient de rappeler qu’une autorisation au titre du règlement no 1907/2006 peut être octroyée selon ce qu’il est convenu d’appeler une procédure de « contrôle adéquat », telle que celle visée à l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, ou, de manière alternative, selon une procédure dite « socio-économique », telle que celle visée à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. Une procédure de « contrôle adéquat » se distingue d’une procédure « socio-économique » en ce sens que cette dernière n’a vocation à s’appliquer que lorsqu’il n’a pas été démontré que le risque que représente pour la santé humaine ou pour l’environnement l’utilisation d’une substance en raison de ses propriétés intrinsèques, visées à l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, est valablement maîtrisé conformément à l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement.

122    Ensuite, il convient de relever que, compte tenu du droit à un recours effectif, tel que prévu à l’article 47, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lorsqu’un requérant a présenté des éléments factuels et des arguments pour démontrer la violation d’une disposition de droit qui s’avère non pertinente, mais que ces éléments et arguments sont susceptibles d’étayer la violation d’une autre disposition, rien n’empêche le Tribunal de replacer lesdits éléments factuels et arguments dans le contexte juridique pertinent. En d’autres termes, le Tribunal n’est pas empêché de considérer ces éléments factuels et ces arguments comme se rapportant à la disposition pertinente. En effet, il n’est pas exigé qu’une partie invoque expressément les dispositions aux termes desquelles elle est habilitée à intenter son action en justice ou, plus généralement, sur lesquelles elle fonde les griefs qu’elle invoque [voir arrêt du 13 juin 2012, XXXLutz Marken/OHMI – Meyer Manufacturing (CIRCON), T‑542/10, non publié, EU:T:2012:294, point 21 et jurisprudence citée].

123    Toutefois, dans le contexte d’un recours portant sur une décision telle qu’une décision sur une demande de réexamen interne au titre de l’article 10 du règlement no 1367/2006, l’interprétation visant à replacer certains éléments factuels et arguments du requérant dans le contexte juridique pertinent, ne saurait être retenue que dans la mesure où il n’y a pas de violation des limites imposées au Tribunal par cet article 10, telles que décrites aux points 55 à 58 ci-dessus.

124    Enfin, une telle interprétation ne saurait être effectuée sans que le requérant soit d’accord, à tout le moins, implicitement, avec cette manière de procéder.

125    En l’espèce, lors de l’audience, les parties au litige ont été entendues par le Tribunal à l’égard du caractère inopérant des arguments de la requérante mentionnés aux points 94 à 101, 113 et 117 ci-dessus. En particulier, le Tribunal a posé à la requérante la question de savoir à quel autre moyen de la requête pourraient être rattachés ses arguments.

126    En réponse à cette question, la requérante a rappelé que, dans le cadre des deuxième et troisième moyens, elle avait fait valoir l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, ce qui équivaudrait à une violation du droit matériel, à savoir, en particulier, de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006. De plus, la requérante a indiqué, en substance, que, au cas où les arguments soulevés dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen n’aboutiraient pas dans le cadre de cette branche, ces arguments devraient être pris en considération dans le cadre des deuxième et troisième moyens.

127    Dans ces conditions, peut être interprété comme étant un grief tiré d’une violation de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 l’argument de la requérante selon lequel, en substance, premièrement, la Commission aurait, dans la décision sur la demande de réexamen interne, omis d’adopter, elle-même, après un réexamen approfondi de preuves contradictoires, une position motivée à propos de la conformité du rapport sur la sécurité chimique, dont les données avaient été jugées insuffisantes en ce qui concerne l’exposition des travailleurs au DEHP par le comité d’évaluation des risques (voir points 94 à 97 ci-dessus), et selon lequel, deuxièmement, la Commission se serait simplement bornée à indiquer dans cette décision, en guise de preuve convaincante, que ce comité avait constaté des « déficiences » dans l’évaluation des risques émanant du DEHP (voir points 98 et 99 ci-dessus).

128    De même, peut être interprété comme étant un grief tiré d’une violation de l’article 60, paragraphes 8 et 9, du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec l’article 61, paragraphe 1, première phrase, de ce règlement, l’argument relatif à l’imposition d’une « brève période de révision » (voir points 100 et 101 ci-dessus).

129    En premier lieu, les arguments de la requérante mentionnés aux points 94 à 99 ci-dessus doivent toutefois être rejetés, même après leur réinterprétation en des arguments visant l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

130    En effet, lorsqu’une évaluation du risque qu’entraîne l’utilisation d’une substance pour la santé humaine ou pour l’environnement contenue dans un rapport sur la sécurité chimique est entachée d’incertitudes ou de déficiences, il peut être conclu qu’il n’a pas été démontré que ce risque est valablement maîtrisé. Lorsque tel est le cas, l’autorisation ne peut être octroyée selon la « procédure de contrôle adéquat » visée à l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006.

131    En revanche, cette circonstance peut être l’occasion de se poser la question de savoir si, sur le fondement des éléments factuels et de preuve dont la Commission dispose, l’autorisation est susceptible d’être octroyée en application de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, selon la « procédure socio-économique ».

132    En l’espèce, en prétendant, en substance, que la Commission a, dans la décision sur la demande de réexamen interne, omis d’adopter, elle‑même, après un réexamen approfondi de preuves contradictoires, une position motivée à propos de la conformité du rapport sur la sécurité chimique avec les dispositions du règlement no 1907/2006 (voir points 94 à 97 ci-dessus), la requérante remet en cause un élément qui aurait pu avoir une incidence sur l’application de l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement et non sur l’application de l’article 60, paragraphe 4, du même règlement.

133    Tel est également le cas de l’argument selon lequel la Commission se serait bornée à indiquer dans ses décisions, à titre de preuve convaincante, que le comité d’évaluation des risques avait constaté des déficiences dans l’évaluation des risques émanant du DEHP (voir points 98 et 99 ci-dessus).

134    Dans la mesure où ils se fondent, en substance, sur la prémisse que l’existence d’incertitudes quant à la maîtrise des risques découlant de l’utilisation du DEHP constituait une entrave en tant que telle à l’application de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, les arguments mentionnés aux points 94 à 99 ci‑dessus sont inopérants.

135    De plus, il convient de relever que, ainsi que l’a évoqué la Commission sans être contredite sur ce point de manière étayée par la requérante, le rapport sur la sécurité chimique contenait des informations sur la surveillance biologique effectuée dans deux États membres et sur des mesures réalisées dans l’air, correspondant à des études sur l’exposition de travailleurs du secteur du PVC utilisant du PVC vierge et du DEHP, plutôt que du PVC recyclé. Ces études comprenaient des données concernant les travailleurs de deux États membres, relevant des informations sur la surveillance biologique, ainsi que des données provenant d’Allemagne, de France, des Pays-Bas et de Finlande relatives au contrôle de la pollution de l’air. Les entreprises sur lesquelles portent les données sont actives dans la formulation et la transformation du PVC. Bien que les informations fournies ne concernent pas spécifiquement l’utilisation de PVC recyclé contenant du DEHP, elles ont trait à des activités utilisant du PVC vierge additionné de DEHP vierge et à la transformation ultérieure de cette substance. De plus, les demanderesses à l’autorisation avaient modélisé les expositions de travailleurs se rapportant au transfert de PVC souple recyclé de petits ou grands sacs, ce qui constitue une activité spécifique à l’utilisation du PVC recyclé qui n’était pas couverte par les mesures tirées des études liées au PVC vierge.

136    Or, ainsi que l’a fait valoir la Commission à juste titre, le fait que le comité d’évaluation des risques avait conclu qu’il existait des incertitudes dans l’évaluation de l’exposition des travailleurs et que les informations fournies n’étaient pas représentatives pour toutes les utilisations couvertes par la demande d’autorisation ne signifie pas qu’aucune information relative à l’exposition des travailleurs n’avait été présentée ni qu’aucune conclusion ne pouvait en être tirée.

137    La requérante n’a pas contesté de manière étayée cette constatation de la Commission. Au-delà du fait de contester de manière générale le rapport sur la sécurité chimique, elle ne démontre pas qu’aucune conclusion utile ne pouvait être tirée de ce rapport.

138    En l’absence d’une telle contestation, l’argument de la requérante visant à reprocher à la Commission d’avoir omis d’adopter, après un examen approfondi des différents éléments de preuve, une position motivée à propos du rapport sur la sécurité chimique n’est pas suffisant pour démontrer une violation de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. Il ne saurait donc prospérer. Tel est également le cas des autres arguments mentionnés aux points 97 à 99 ci-dessus.

139    En second lieu, l’argument relatif à la fixation d’une « brève période de révision », ce qui constituerait, selon la requérante, une tentative de la Commission pour remédier aux déficiences du rapport sur la sécurité chimique (voir points 100 et 101 ci-dessus), est susceptible d’étayer une violation de l’article 60, paragraphes 8 et 9, du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec l’article 61, paragraphe 1, première phrase, de ce règlement. Afin de vérifier son bien-fondé, il y a lieu de relever les éléments suivants.

140    Selon l’article 60, paragraphe 8, première phrase, du règlement no 1907/2006, les autorisations sont soumises à une « période limitée de réexamen, sans préjudice de toute décision concernant une future période de réexamen ». Selon l’article 60, paragraphe 9, sous e), du règlement no 1907/2006, « la période limitée de révision » doit être précisée dans l’autorisation. Enfin, selon l’article 61, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1907/2006, les autorisations octroyées conformément à cet article 60 sont considérées comme étant valables « jusqu’à ce que la Commission décide de modifier ou de retirer l’autorisation dans le cadre d’une révision, pour autant que le titulaire de l’autorisation introduise un rapport de révision au moins dix-huit mois avant l’expiration de la période limitée de révision ».

141    À cet égard, il y a lieu de souligner d’emblée que, ainsi qu’il résulte, à titre d’exemple, des versions anglaise et allemande du règlement no 1907/2006, ainsi que du contexte de ces dispositions, les termes « réexamen » et « révision » utilisés dans la version française des trois dispositions mentionnées au point 140 ci-dessus sont synonymes.

142    Ensuite, il y a lieu de souligner que, en principe, quel que soit leur contenu, les conditions imposées conformément à l’article 60, paragraphe 8, et paragraphe 9, sous d) et e), du règlement no 1907/2006 ne sauraient, certes, viser à remédier aux éventuelles carences d’une demande d’autorisation ou de l’analyse des solutions de remplacement présentée par un demandeur d’autorisation ou encore aux éventuelles insuffisances de l’examen, par la Commission, des conditions prévues à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

143    En d’autres termes, la possibilité d’assortir une autorisation de certaines conditions, telle que prévue à l’article 60, paragraphe 8, et paragraphe 9, sous d), du règlement no 1907/2006, ne saurait être interprétée en ce sens qu’il serait permis à la Commission de laisser ouverte la question de savoir si les conditions de l’article 60 du règlement no 1907/2006 sont réunies et de réagir face à cette situation en assortissant l’autorisation des conditions visant à remédier aux éventuelles insuffisances ou lacunes de l’évaluation lui incombant en vertu de cette dernière disposition.

144    En effet, dans le cadre de l’examen des conditions prévues à l’article 60 du règlement no 1907/2006, la Commission doit établir si l’ensemble des faits pertinents et les appréciations techniques et économiques s’y rapportant permettent de conclure que les conditions prévues à cette disposition sont effectivement remplies. Si tel n’est pas le cas, la Commission n’est pas en droit d’octroyer une autorisation, même conditionnelle.

145    Néanmoins, en l’espèce, contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, il ne peut être constaté que la période de révision fixée dans la décision d’autorisation a servi d’instrument pour pallier, en vertu d’un « pouvoir réparateur » dévolu à la Commission, les déficiences contenues dans le rapport sur la sécurité chimique soumis par les demanderesses à l’autorisation.

146    En effet, au moment où la Commission a fixé une période de révision, en l’occurrence courte, il n’y avait pas lieu de remédier aux déficiences relevées par le comité d’évaluation des risques.

147    D’une part, la seule conséquence des incertitudes liées au rapport sur la sécurité chimique a été que le fondement juridique de la décision d’autorisation n’a pas été celui figurant à l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, mais celui prévu à l’article 60, paragraphe 4, du même règlement. Il n’y avait donc pas lieu de remédier aux déficiences entachant le rapport sur la sécurité chimique sous l’angle de l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006.

148    D’autre part, il convient de rappeler que, dans le cadre de son analyse qualitative, qui incluait les incertitudes relevées par le comité d’évaluation des risques, le comité d’analyse socio-économique avait indiqué, que, à son avis, l’autorisation pouvait être accordée en l’espèce, ce qui indique que les incertitudes liées au rapport sur la sécurité chimique avaient en fin de compte été dissipées.

149    Or, la requérante ne saurait invoquer de manière isolée les insuffisances du rapport sur la sécurité, sans contester de manière étayée l’évaluation du comité d’analyse socio-économique.

150    Par les arguments soulevés dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, la requérante n’a pas démontré que les déficiences que présentait le rapport sur la sécurité chimique ont eu une incidence sur l’application des conditions de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, si bien qu’il n’y pas lieu de considérer que la Commission a tenté d’y remédier en fixant une période de réexamen. Aucune violation de l’article 60, paragraphe 8, et paragraphe 9, sous e), du règlement no 1907/2006 ne saurait donc être retenue.

151    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche comme non fondée.

–       Sur la troisième branche, tirée de l’existence d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne lien avec des déficiences de l’évaluation des solutions de remplacement appropriées

152    Selon la requérante, la Commission a commis une erreur manifeste de droit dans l’interprétation de la notion de « solutions de remplacement » prévue à l’article 62, paragraphe 4, sous e), du règlement no 1907/2006 et, en conséquence, une « erreur manifeste d’appréciation de la conformité de la demande d’autorisation au regard de l’article 60, paragraphe 7, du même règlement ». Ces erreurs priveraient les conclusions exprimées par la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne « de toute plausibilité ».

153    En effet, eu égard au libellé du considérant 74 du règlement no 1907/2006 et compte tenu du rôle que joue l’évaluation des solutions de remplacement, ainsi que du sens habituel de l’expression « solution de remplacement », il y aurait lieu de considérer qu’une demande d’autorisation doit contenir une analyse des substances ou des technologies qui peuvent être utilisées à la place de la substance extrêmement préoccupante « dans le processus […] ou l’utilisation » pour lequel ou pour laquelle l’autorisation est demandée. Selon la requérante, en réalité, l’analyse des « solutions de remplacement » est destinée à permettre d’examiner si une autre substance ou une autre technologie peut être substituée à la substance extrêmement préoccupante « dans le processus envisagé ». En outre, les solutions de remplacement devraient être évaluées au regard de la fonction pour laquelle l’autorisation est demandée. En particulier, une solution de remplacement devrait être comprise par rapport à la fonction de la substance « dans le processus » et également en comparaison avec une substance ou une technologie qui est moins dangereuse.

154    En l’espèce, l’analyse des solutions de remplacement proposée dans la demande d’autorisation aurait été insuffisante. Du fait que cette demande n’aurait pas précisé la fonction du DEHP, elle n’aurait pas indiqué de solutions permettant de remplacer cette substance dans sa fonction.

155    Certes, la Commission aurait indiqué dans la décision sur la demande de réexamen interne que le DEHP avait pour fonction de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC ». De plus, la Commission aurait déclaré dans la décision sur la demande de réexamen interne que la demande d’autorisation contenait en réalité une évaluation des solutions de remplacement « du point de vue des demande[resses à l’autorisation] », notamment la solution consistant à utiliser du PVC vierge.

156    Toutefois, le fait de considérer qu’utiliser du PVC vierge peut être qualifié de « solution de remplacement » alors que la production de PVC vierge utilise également une substance extrêmement préoccupante, constituerait une erreur « manifeste » de droit dans l’interprétation de la notion de « solution de remplacement ».

157    En tout état de cause, la requérante indique que, si, ainsi que l’a relevé la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne, la fonction du DEHP était de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC » et si une telle fonction était vraiment compatible avec le règlement no 1907/2006, cette institution aurait dû examiner l’existence de solutions de remplacement permettant de réduire la quantité de DEHP utilisé dans la fabrication d’articles en PVC. Cet examen aurait dû prendre en compte un nombre beaucoup plus large de solutions pour remplacer le DEHP dans le processus de fabrication d’articles en PVC, notamment, par exemple, l’utilisation de plastifiants qui ne sont pas des substances extrêmement préoccupantes.

158    En l’espèce, en revanche, l’analyse des solutions de remplacement jointe à la demande d’autorisation ne correspondrait même pas à la « fonction » du DEHP qu’avait retenue la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne. Au lieu d’indiquer une solution permettant de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC », la demande d’autorisation aurait fourni des informations à propos de trois autres processus permettant de recycler le PVC, à savoir une solution consistant à séparer et à supprimer du processus de recyclage les déchets de consommation qui contiennent des quantités de DEHP dépassant une certaine concentration (0,3 % masse/masse), une solution consistant à éliminer le DEHP des déchets de PVC et une solution impliquant l’utilisation d’un autre type de déchets de PVC industriel.

159    La Commission conteste cette argumentation.

160    À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé aux points 104 à 106 ci-dessus, l’article 60, paragraphe 7, et l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 concernent la question de savoir si les documents visés ont été soumis à l’appui de la demande d’autorisation. Ces dispositions concernent des aspects formels de la procédure d’autorisation.

161    En l’espèce, il est constant que la demande d’autorisation était accompagnée d’une présentation de solutions de remplacement. Dans la mesure où il est également nécessaire que les documents que doivent soumettre les demandeurs d’autorisation pour se conformer à l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 doivent être vérifiables, il y a lieu de souligner que la requérante n’a pas démontré de manière spécifique et à l’appui d’éléments de preuve que les documents fournis par les demanderesses à l’autorisation ne correspondaient pas à ce critère (voir point 111 ci-dessus).

162    À y regarder de près, les arguments de la requérante visant à faire valoir des insuffisances entachant les solutions de remplacement ont trait au bien-fondé de la décision sur la demande de réexamen interne. Ces arguments sont, dès lors, inopérants dans la mesure où ils ont été invoqués afin de démontrer des erreurs de droit ou des erreurs d’appréciation en ce qui concerne l’application de l’article 60, paragraphe 7, et de l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

163    Certes, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées aux points 122 à 124 ci-dessus, ces arguments peuvent être interprétés comme étant des arguments invoqués à l’appui du moyen tiré d’une violation de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006 par une évaluation erronée, par la Commission, des solutions de remplacement.

164    En effet, dans le cadre du troisième moyen soulevé dans la requête, la requérante invoque précisément une violation de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006 en soulevant des arguments tirés d’une appréciation prétendument erronée des solutions de remplacement. Tant la présente branche du premier moyen que le troisième moyen visent en substance une prétendue erreur de droit en ce qui concerne l’interprétation de la notion de « solutions de remplacement ». De plus, les arguments invoqués par la requérante dans le cadre de la présente branche du premier moyen de la requête et ceux soulevés dans le cadre du premier grief du troisième moyen se recoupent en partie.

165    À cet égard, il y a lieu de souligner que, par le premier grief du troisième moyen, la requérante soulève une violation de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006 en ce qui concerne l’analyse des solutions de remplacement au regard des deux éléments suivants. D’une part, la Commission se serait, dans la décision sur la demande de réexamen interne, tout comme les demanderesses à l’autorisation dans la demande d’autorisation, concentrée sur un « cadre de référence » erroné, à savoir « le remplacement d’un flux de déchets, par opposition au remplacement de la [substance extrêmement préoccupante] dans le processus (la fabrication d’articles en PVC) ». D’autre part, la Commission aurait répété que le DEHP avait pour fonction de réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC (voir point 226 ci-après). Or, la question liée au « cadre de référence » erroné et le point de savoir si l’analyse des solutions de remplacement doit se concentrer sur une substance extrêmement préoccupante « dans un processus », tel que mentionné par la requérante dans le cadre de la présente branche du premier moyen, se recoupent. Se recoupent également le cas du grief relatif à l’existence d’erreurs entachant l’évaluation des solutions de remplacement en raison d’une mauvaise interprétation de la fonction du DEHP (voir point 234 ci-après), d’une part, et les reproches de la requérante figurant dans son argumentation relevée aux points 155 à 158 ci-dessus, d’autre part.

166    En outre, les conditions qui permettent au Tribunal d’interpréter des arguments pour leur donner un effet utile (voir points 122 à 124 ci-dessus) sont remplies. En particulier, il convient de souligner notamment que les précisions apportées par la requérante lors de l’audience quant à l’utilité de ses arguments au regard de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006 – par opposition à leur utilité au regard de l’article 60, paragraphe 7, et de l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 – incluaient également des arguments soulevés à l’appui de la présente branche du premier moyen. Enfin, la Commission a également été entendue à cet égard.

167    Dans ces conditions, il y a lieu d’aborder les arguments mentionnés aux points 152 à 158 ci-dessus en tant que compléments aux arguments soulevés dans le cadre du troisième moyen.

–       Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 60, paragraphe 7, et de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006

168    À l’appui de la quatrième branche du premier moyen, la requérante signale que le comité d’évaluation des risques de l’ECHA avait demandé aux demanderesses à l’autorisation des informations supplémentaires à un moment où, selon ce comité, la demande d’autorisation était déjà conforme aux prescriptions de l’article 62 du règlement no 1907/2006. Or, en procédant de cette manière, ce comité aurait commis une erreur « manifeste » de droit, à savoir une violation de la procédure prévue à l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006. Dans la mesure où la Commission aurait, dans sa décision sur la demande de réexamen interne, entériné cette approche, cette décision serait, elle aussi, entachée d’une erreur « manifeste » de droit. Enfin, la Commission aurait aussi, elle-même, violé non seulement l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, mais également l’article 60, paragraphe 7, du même règlement.

169    De l’avis de la requérante, en vertu de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, lorsqu’une demande a été déclarée conforme aux prescriptions de l’article 62 du règlement no 1907/2006, seul le comité d’analyse socio-économique peut demander des informations supplémentaires et ce, uniquement à propos des solutions de remplacement. En revanche, il découlerait de cette disposition que le comité d’évaluation des risques n’a pas le pouvoir de demander des informations supplémentaires à propos d’une demande qui a déjà été jugée conforme aux prescriptions de l’article 62 du règlement no 1907/2006.

170    La Commission conteste cette argumentation.

171    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte de l’article 64, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1907/2006, les demandes que le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique peuvent adresser à un demandeur d’autorisation sur le fondement de cette disposition visent la question de savoir si la demande d’autorisation comprend l’ensemble des informations pertinentes visées à l’article 62 du règlement no 1907/2006 dont ces comités doivent disposer pour s’acquitter de leur tâches tenant à l’élaboration des avis mentionnés à l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006. En vertu de l’article 64, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1907/2006, ces comités font, le cas échéant, et après s’être consultés, une demande commune au demandeur l’invitant à fournir des informations supplémentaires pour mettre la demande en conformité avec les prescriptions de l’article 62 du règlement no 1907/2006. Il ressort ainsi des deux premières phrases de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006 que la demande commune de ces comités doit viser la question de savoir si la demande d’autorisation est conforme à l’article 62 du règlement no 1907/2006 d’un point de vue formel, c’est-à-dire si elle est accompagnée de la totalité des documents et des informations visés à cette dernière disposition. De plus, la demande commune desdits comités peut viser à obtenir de la part du demandeur de l’autorisation des documents vérifiables.

172    En sus de la compétence conférée par l’article 64, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1907/2006, le comité d’analyse socio-économique peut, sur le fondement de l’article 64, paragraphe 3, troisième phrase, de ce règlement, s’il l’estime nécessaire, demander au demandeur d’autorisation ou à des tiers de présenter dans un délai donné des informations complémentaires sur les éventuelles substances ou technologies de remplacement.

173    À la différence de la demande mentionnée à l’article 64, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1907/2006, la demande mentionnée à l’article 64, paragraphe 3, troisième phrase, du même règlement ne vise pas la question de savoir si les informations visées à l’article 62 du règlement no 1907/2006, telles que soumises par le demandeur d’autorisation, sont complètes ou vérifiables. La demande mentionnée à l’article 64, paragraphe 3, troisième phrase, du règlement no 1907/2006 ne vise donc pas un aspect formel de la demande d’autorisation concernée. En revanche, elle a pour objectif l’obtention d’informations supplémentaires nécessaires pour les appréciations sur le fond du comité d’analyse socio-économique quant à la substance en cause et quant à l’évaluation des solutions de remplacement. Une telle demande peut être utile lors de l’élaboration, par le comité d’analyse socio-économique, de l’avis contenant les éléments précisés à l’article 64, paragraphe 4 sous b), du règlement no 1907/2006. En particulier, lorsque, par exemple, l’analyse des solutions de remplacement soumise par le demandeur d’autorisation présente des insuffisances ou des carences qui peuvent être comblées par celui‑ci, une demande formulée au titre de l’article 64, paragraphe 3, troisième phrase, du règlement no 1907/2006 peut permettre d’éviter que le comité d’analyse socio-économique soit contraint d’attendre, dans l’hypothèse où le demandeur d’autorisation aurait souhaité déposer les observations visées à l’article 64, paragraphe 5, premier alinéa, d’attendre que ce dernier les ait déposées, conformément à l’article 64, paragraphe 5, troisième alinéa, deuxième phrase, du même règlement.

174    Dans le règlement no 1907/2006, il n’existe pas de disposition analogue permettant au comité d’évaluation des risques de poser des questions supplémentaires au demandeur d’autorisation afin d’obtenir les éléments nécessaires pour une évaluation sur le fond des données qui doivent être contenues dans son avis, tel que mentionné à l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

175    Toutefois, lors de l’élaboration de l’avis du comité d’évaluation des risques, il peut également s’avérer nécessaire de demander au demandeur d’autorisation des informations supplémentaires afin de combler les éventuelles insuffisances ou carences que présente un rapport sur la sécurité chimique concernant une certaine substance. Le comité d’évaluation des risques doit être en mesure d’adresser des questions au demandeur d’autorisation, ne serait-ce qu’afin d’accélérer la procédure d’élaboration de son avis et pour éviter d’avoir à attendre que le demandeur d’autorisation soumette des observations, visées à l’article 64, paragraphe 5, troisième alinéa, du règlement no 1907/2006.

176    Dans le cadre de son devoir de sollicitude et dans un souci de bonne administration du dossier dont il est saisi, le comité d’évaluation des risques peut à tout moment avertir le demandeur d’autorisation de l’existence de déficiences contenues dans le rapport sur la sécurité chimique concernant une substance. De plus, ce comité peut choisir de donner également au demandeur d’autorisation la possibilité de présenter toute information nécessaire lui permettant de compléter ou encore d’affiner les appréciations qu’il devra effectuer dans l’exercice de sa tâche d’évaluation des risques de la substance concernée et ce, même si cette faculté n’est pas expressément prévue par le règlement no 1907/2006.

177    Compte tenu de ce qui précède, contrairement à ce que soutient la requérante par l’ensemble de ses arguments mentionnés aux points 168 à 169 ci-dessus, il ne peut être conclu que le comité d’évaluation des risques a violé l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, en posant des questions supplémentaires visant le fond de la demande d’autorisation, alors qu’il avait conclu que la demande d’autorisation était conforme aux prescriptions de l’article 62 du même règlement.

178    Dès lors, aucune erreur de droit ne peut être reprochée à la Commission dans l’adoption de la décision sur la demande de réexamen interne, si bien que la quatrième branche du premier moyen ne peut être que rejetée. Il convient donc de rejeter le premier moyen dans sa totalité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation entachant l’évaluation socio-économique visée à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006

179    Le deuxième moyen invoqué par la requérante est destiné à démontrer l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation entachant l’évaluation socio-économique, telle que prévue à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, sur laquelle la Commission s’est appuyée pour octroyer l’autorisation, puis pour rejeter la demande de réexamen interne. Ce moyen s’articule en trois branches.

–       Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation entachant le cadre de référence de l’évaluation socio-économique

180    La requérante considère que la décision d’autorisation avait pour « cadre de référence » l’utilisation du DEHP, telle que celle-ci avait été mentionnée par les demanderesses à l’autorisation dans la demande d’autorisation.

181    En l’espèce, la prétendue erreur de droit entachant ce « cadre de référence », à savoir l’erreur qui résulterait de l’interprétation, par les demanderesses à l’autorisation, de la notion d’« utilisation » prévue à l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1907/2006, soulevée dans le cadre de la première branche du premier moyen, entacherait également l’évaluation, réalisée par la Commission, des avantages allégués de l’« utilisation » faisant l’objet de la demande d’autorisation. Ainsi qu’elle l’aurait expliqué dans la demande de réexamen interne, aucun avantage socio-économique ne pourrait résulter de l’« utilisation » d’une substance extrêmement préoccupante qui ne remplit aucune fonction. En réponse à cet argument, la Commission aurait une nouvelle fois déclaré dans la décision sur la demande de réexamen interne que la fonction pertinente du DEHP était de « rédui[re] la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC souple ». Or, de l’avis de la requérante, le fait de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC souple » n’est pas une « fonction » conforme aux exigences du règlement no 1907/2006.

182    En outre, en utilisant les « mêmes éléments » pour décrire l’« utilisation » relevant de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1907/2006, d’une part, et pour décrire l’« avantage » socio-économique relevant de l’article 60, paragraphe 4, sous b), du règlement no 1907/2006, d’autre part, la Commission aurait également commis une erreur de droit dans son interprétation de la notion d’« avantage ».

183    La Commission conteste cette argumentation.

184    À titre liminaire, il y a lieu de souligner que l’ensemble des arguments de la requérante invoqués à l’appui de la première branche de son deuxième moyen se fondent sur la prémisse exposée par la requérante dans la cadre de la première branche du premier moyen, selon laquelle la manière dont la Commission a interprété la notion d’« utilisation », visée notamment à l’article 3, point 24, à l’article 56, paragraphe 1, sous a), et à l’article 60 du règlement no 1907/2006, constituerait une erreur de droit.

185    Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 63 à 91 ci-dessus, cette institution n’a commis aucune erreur de droit à cet égard.

186    En outre, s’agissant de l’argument concernant les « mêmes éléments » que la Commission a prétendument utilisés pour décrire l’utilisation en cause en l’espèce et les avantages socio-économiques (voir point 182 ci-dessus), il convient de distinguer ce qui suit.

187    Dans la mesure où, par cet argument, la requérante vise à réitérer son raisonnement fondé sur l’hypothèse selon laquelle la manière dont la Commission a interprété la notion d’« utilisation » aurait conduit à une erreur de droit également en ce qui concerne la notion d’« avantage », cet argument doit être rejeté, sans qu’il y ait même besoin de fournir une définition de la notion d’« avantage ». En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 185 ci-dessus, cette institution n’a commis aucune erreur de droit à cet égard.

188    Si, en revanche, le grief relatif aux « mêmes éléments » que la Commission a prétendument utilisés pour décrire l’utilisation en cause en l’espèce et les avantages socio-économiques (voir point 182 ci-dessus) doit être compris comme étant un argument supplémentaire, il y a lieu de constater que la requérante ne précise pas de manière étayée en quoi consisteraient ces « mêmes éléments ».

189    Dans ces conditions, la première branche du deuxième moyen ne peut être que rejetée comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’évaluation de l’équilibre entre les risques et les avantages

190    Selon la requérante, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 entachant la décision sur la demande de réexamen interne serait établie à partir des éléments suivants.

191    Tout d’abord, compte tenu de la circonstance que, selon le comité d’évaluation des risques, le risque pour la santé des travailleurs ne pouvait pas être quantifié, ni le comité d’analyse socio‑économique ni, en conséquence, la Commission n’auraient pu disposer des informations requises pour se prononcer sur l’évaluation socio-économique. En l’absence d’une quantification du risque pour la santé des travailleurs, la mise en balance sous-jacente des risques et des avantages visée à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 n’aurait pas pu être réalisée correctement. De ce fait, la thèse de la Commission exprimée dans la décision sur la demande de réexamen interne, selon laquelle, d’une part, en substance, il convenait de suivre l’approche suivie par le comité d’analyse socio-économique, lequel avait, pour sa part, « conclu, sur la base d’une analyse qualitative des informations disponibles, que les avantages de la poursuite de l’utilisation l’emportaient sur les risques » et, d’autre part, l’évaluation socio-économique aurait donc été satisfaisante, serait absurde. Certes, l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 ne préciserait pas si le risque doit être quantifié. Toutefois, selon les points 6.1 à 6.5 de l’annexe I du règlement no 1907/2006, le rapport sur la sécurité chimique exigerait une quantification du risque pour la santé humaine, à moins qu’il ne soit pas possible de déterminer un niveau dérivé sans effet (« Derived no-effect level », ci-après le « DNEL ») et une concentration prédite sans effet (« Predicted no effect concentration »). Or en l’espèce, la demande d’autorisation estimerait que le DEHP est une « substance seuil », c’est-à-dire qu’un DNEL et une PNEC pouvaient être déterminés.

192    Dans la même ligne, la requérante signale que le comité d’évaluation des risques ne pouvait quantifier le risque non pas parce qu’il considérait que c’était impossible en raison des connaissances scientifiques actuelles, par exemple, parce qu’il n’était pas possible de fixer un DNEL, mais parce que les informations relatives aux scénarios d’expositions des travailleurs étaient insuffisantes. Or, « une telle situation serait contraire au principe de base de l’autorisation », qui exigerait que le demandeur prouve que le risque lié à l’utilisation de la substance est valablement maîtrisé, conformément à l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, ou, s’il ne peut pas démontrer une maîtrise valable, que le demandeur d’autorisation démontre que les avantages de la poursuite de l’utilisation de la substance l’emportent sur les risques, ainsi que cela est prévu à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. En l’espèce, en tout état de cause, les demanderesses à l’autorisation n’auraient pas fourni toutes les données nécessaires pour réaliser l’évaluation.

193    En réponse à la Commission, la requérante soutient avoir soulevé ces arguments pour la première fois non pas dans le cadre du présent recours, mais dans la demande de réexamen interne. En effet, les conclusions du comité d’évaluation des risques et du comité d’analyse socio-économique, qui signaleraient les déficiences que constituent l’absence d’une analyse socio-économique complète et l’absence d’une évaluation de l’effet sur la santé humaine, auraient été expressément citées dans sa demande de réexamen interne.

194    La Commission conteste cette argumentation.

195    À titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’argument visant à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans l’application de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, en ce que cette institution aurait entériné, dans la décision sur la demande de réexamen interne, l’approche suivie par le comité d’analyse socio-économique, lequel avait, pour sa part, « conclu, sur la base d’une analyse qualitative des informations disponibles, que les avantages de la poursuite de l’utilisation l’emportaient sur les risques », n’a pas été soulevé en tant que tel dans la demande de réexamen interne.

196    En effet, les arguments invoqués par la requérante au sujet des avantages et de leur mise en balance avec les risques présentés par le DEHP pour la santé humaine, tels qu’invoqués aux points 93 à 100 de la demande de réexamen interne, visaient, certes, quelques aspects ayant trait à cette problématique. Ces éléments ont été récapitulés par la requérante au point 99 de la demande de réexamen interne. Selon ce point, « [g]lobalement, les demanderesses à l’autorisation n’étaient pas parvenues à démontrer que les avantages socio-économiques de l’utilisation continue de DEHP l’emportaient sur les risques au sens de l’article 60[, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006], dès lors que 1) la substance n’a[vait] pas de fonction ; 2) les demanderesses à l’autorisation avaient déclaré de manière incorrecte que l’utilisation de DEHP n’entraînait pas de risques et 3) l’analyse socio-économique se concentrait essentiellement sur l’impact que pouvait avoir un refus d’autorisation ».

197    En revanche, n’est mentionné nulle part dans la demande de réexamen interne l’argument visant la question de savoir quelle incidence a eu ou a pu avoir l’absence de quantification du risque pour la santé des travailleurs, telle que constatée par le comité d’évaluation des risques dans son avis élaboré en vertu de l’article 60, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec l’article 64, paragraphe 1, de ce règlement, sur la mise en balance entre les risques et les avantages socio-économiques de l’utilisation du DEHP.

198    À cet égard et pour être complet, il y a lieu de souligner que le passage de la décision sur la demande de réexamen interne cité par la requérante pour démontrer que la Commission aurait effectivement traité son argument relatif à l’incidence de l’absence de quantification du risque pour la santé des travailleurs sur la mise en balance entre les risques et les avantages socio-économiques, à savoir le passage aux termes duquel le comité d’analyse socio-économique aurait « conclu, sur la base d’une analyse qualitative des informations disponibles, que les avantages de la poursuite de l’utilisation l’emportaient sur les risques » est tronqué et sorti de son contexte.

199    En effet, dans ce passage de la décision sur la demande de réexamen interne, la Commission n’a pas répondu à l’argument relatif aux insuffisances du rapport sur la sécurité chimique concernant le DEHP du fait de l’absence de quantification des risques pour la santé des travailleurs exposés à cette substance. En réalité, par le membre de phrase mentionné au point 193 ci-dessus, la Commission a répondu à l’argument de la requérante soulevé aux points 95 et 99 de la demande de réexamen interne, selon lequel l’analyse socio-économique soumise par les demanderesses à l’autorisation n’aurait pas démontré que les avantages socio-économiques du DEHP l’emportaient sur les risques présentés par cette substance, car cette analyse partait de la prémisse erronée que cette substance ne présentait absolument aucun risque.

200    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’argument de la requérante exposé aux points 190à 192ci-dessus ne figurait pas dans la demande de réexamen interne. Pour les mêmes motifs que ceux relevés aux points 55 à 58 ci-dessus, il doit, dès lors, être rejeté comme étant irrecevable.

201    En outre et en tout état de cause, sur le fond, cet argument est non fondé.

202    En effet, la requérante soutient, en substance, que la mise en balance entre les avantages socio-économiques et les risques qu’entraîne l’utilisation du DEHP pour la santé humaine, telle qu’effectuée par la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne, serait défaillante du fait qu’un des éléments, à savoir le risque que présente l’utilisation du DEHP pour les travailleurs, n’aurait pu être « quantifié », alors que la Commission, qui n’a, par ailleurs, pas méconnu cet aspect, souligne qu’elle a repris à son compte l’opinion du comité d’analyse socio-économique qui avait effectué une analyse « qualitative » à ce sujet.

203    À cet argument, il y a lieu de répondre que la mise en balance entre les avantages socio-économiques et les risques qu’entraîne l’utilisation du DEHP pour la santé humaine ne devait pas se borner à la prise en compte d’éléments quantitatifs. De plus, lorsqu’il n’existe pas assez d’éléments permettant de « quantifier » un risque, il n’en demeure pas moins que ce dernier peut être évalué également à l’aide d’éléments qualitatifs.

204    Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondée.

–       Sur la troisième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation en raison de la non-prise en compte d’informations dans le cadre de l’évaluation socio-économique

205    Selon la requérante, en ce que, lors de l’application de l’article 60, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006, la Commission n’aurait pas pris en compte les informations relatives aux propriétés du DEHP comme perturbateur endocrinien, cette institution a commis une « erreur manifeste de droit et d’appréciation ».

206    En effet, l’expression « informations disponibles » figurant dans cette disposition devrait être comprise en ce sens qu’elle fait référence à la totalité des informations qui étaient effectivement à la disposition de la Commission au moment de l’évaluation de la demande d’autorisation. Du fait que le DEHP avait été identifié en décembre 2014 par l’ECHA comme constituant une substance extrêmement préoccupante au sens de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 en raison de ses propriétés de perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant (voir point 7 ci-dessus), la Commission aurait, en l’espèce, dû prendre en compte les informations relatives aux propriétés de cette substance comme perturbateur endocrinien au regard de l’article 60, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006. En tout état de cause, le libellé de cette disposition ne préciserait pas que seules les informations qui sont à la « disposition des demandeurs » peuvent être examinées.

207    Selon la requérante, certes, la Commission aurait tenté de justifier cette dernière approche en déclarant, au point 3.2. de la décision sur la demande de réexamen interne, qu’« [o]n ne pouvait pas attendre des demande[resses à l’autorisation] qu’[elles] eussent anticipé l’identification d’une propriété dangereuse supplémentaire du DEHP lorsqu’[elles] ont préparé la demande d’autorisation, au cours des années 2012-2013, [dès] lors que cette propriété n’a été identifiée qu’[en décembre 2014 soit,] 15 mois plus tard ». Toutefois, le libellé de l’article 60, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006 ne contiendrait aucune disposition précisant que seules les informations qui sont à la disposition des demandeurs peuvent être examinées. En réalité, en vertu de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, l’obligation d’évaluation de la Commission ne serait soumise à aucune limite quant au type de danger pour la santé humaine et l’environnement devant être examiné et ne serait pas soumise à la restriction selon laquelle seules les preuves reçues des demandeurs d’autorisation doivent être prises en compte.

208    En l’espèce, il conviendrait de retenir que les textes pertinents pour l’évaluation socio-économique sont l’article 62, paragraphe 5, sous a), et l’annexe XVI du règlement no 1907/2006. Or, cette annexe ne serait pas limitée aux « avantages pour la santé humaine et l’environnement » d’un refus d’autorisation fondé sur les dangers énumérés dans l’annexe XIV du même règlement. De ce fait, il y aurait lieu de conclure que les informations relatives aux propriétés dangereuses qui ne sont pas mentionnées dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006 doivent être prises en compte déjà au stade de l’élaboration de l’évaluation socio-économique fournie en vertu de l’article 60, paragraphe 4, du même règlement.

209    L’argument de la Commission invoqué dans son mémoire en défense, selon lequel le fait d’exiger des demandeurs d’autorisation qu’ils présentent des informations sur le risque découlant lié aux propriétés extrêmement préoccupantes qui n’avaient pas été identifiées lors du dépôt de la demande d’autorisation méconnaîtrait totalement le principe de sécurité juridique, ne saurait, selon la requérante, convaincre. En effet, cet argument serait contredit par la jurisprudence établie sur la confiance légitime, laquelle énoncerait que les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union. Les demandeurs d’autorisation ne pourraient donc pas légitimement s’attendre à ce que les substances qu’ils utilisent ou fabriquent ne suscitent pas de « très graves préoccupations » supplémentaires à celles qui ont déjà justifié leur inclusion dans la liste visée à l’annexe XIV du règlement no 1907/2006.

210    La Commission conteste cette argumentation.

211    À titre liminaire, il convient de relever que, en vertu de l’article 60, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006, la décision d’autorisation est arrêtée par la Commission après la prise en compte des « informations disponibles sur les risques pour la santé humaine ou l’environnement que d’éventuelles substances ou technologies de remplacement présentent pour la santé ou pour l’environnement ».

212    En revanche, contrairement à ce que semble suggérer la requérante (voir points 205 et 206 ci-dessus), l’article 60, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006 ne vise ni de manière explicite ni de manière implicite les propriétés intrinsèques de la substance extrêmement préoccupante concernée.

213    La même conclusion peut être tirée non seulement du libellé de cette disposition mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit. En effet, dans le cadre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, les propriétés intrinsèques des substances extrêmement préoccupantes sont visées de manière implicite à la première phrase, ainsi qu’à la seconde phrase, sous a), de cette disposition.

214    Dès lors, le fait que la Commission n’a pas tenu compte des propriétés intrinsèques du DEHP en tant que perturbateur endocrinien pourrait constituer tout au plus une violation de l’article 60, paragraphe 4, première et seconde phrases, sous a), du règlement no 1907/2006.

215    En revanche, aucune violation de l’article 60, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006 ne saurait être retenue.

216    En outre, à titre subsidiaire, il convient de relever que, dans le cadre de la réponse à donner à la question de savoir s’il est démontré que les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance [extrêmement préoccupante] pour la santé humaine ou l’environnement, tels que ces risques sont mentionnés expressément à l’article 60, paragraphe 4, première phrase, du règlement no 1907/2006 et visés de manière implicite à l’article 60, paragraphe 4, seconde phrase, sous a), dudit règlement, la Commission est, certes, tenue d’examiner d’office la totalité des informations pertinentes dont elle dispose au moment de l’adoption de la décision d’autorisation, sans que l’évaluation des risques ne soit limitée à l’examen des informations fournies dans la demande d’autorisation. En effet, le rôle de la Commission lors d’une évaluation des risques n’est pas celui d’un arbitre dont la compétence se limiterait à trancher uniquement au vu des renseignements et des éléments de preuve fournis par le demandeur d’autorisation.

217    Il est vrai qu’il ne ressort pas directement du libellé de l’article 60, paragraphe 4, première phrase, du règlement no 1907/2006 que l’évaluation des risques que la Commission doit effectuer doit uniquement reposer sur des informations concernant les propriétés intrinsèques de la substance examinée, telles que mentionnées dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, ou si, à cet égard, la Commission est plutôt tenue de prendre en compte également les propriétés d’une substance qui ne sont pas incluses dans cette annexe, mais dans la liste des substances candidates.

218    À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, une autorisation est octroyée si le risque que représente pour la santé humaine ou pour l’environnement l’utilisation d’une substance « en raison de ses propriétés intrinsèques, visées à l’annexe XIV [dudit règlement] » est valablement maîtrisé conformément à l’annexe I, section 6.4, du même règlement, comme le démontre le rapport sur la sécurité chimique du demandeur d’autorisation.

219    En harmonie avec l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, l’article 62, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006 dispose qu’une demande d’autorisation contient notamment, sauf s’il a déjà été présenté dans le cadre de l’enregistrement, un rapport sur la sécurité chimique, établi conformément à l’annexe I de ce règlement, couvrant les risques qu’entraîne pour la santé humaine ou l’environnement l’utilisation de la ou des substances « en raison des propriétés intrinsèques visées à l’annexe XIV [du même règlement] ».

220    Dans ces conditions, à la lumière de l’article 60, paragraphe 2, et de l’article 62, paragraphe 4, sous d), du règlement no 1907/2006, il convient de conclure que seules les données qui ont trait aux propriétés intrinsèques d’une substance qui ont été incluses dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006 sont pertinentes pour l’évaluation des risques, visée à l’article 60, paragraphe 4, première phrase, du règlement no 1907/2006.

221    En revanche, d’éventuelles informations sur les propriétés intrinsèques d’une substance qui n’ont pas fait l’objet d’une inclusion dans cette annexe XIV ne doivent pas être prises en compte lors de l’évaluation et ce, même si ces propriétés intrinsèques ont déjà fait l’objet d’une inclusion dans la liste des substances candidates prévue à l’article 59, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

222    En effet, l’inclusion d’une substance dans la liste des substances candidates, d’une part, et l’inclusion dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, d’autre part, constituent deux phases différentes de la procédure d’autorisation visée dans le règlement no 1907/2006, qui sont régies par leurs propres règles, concernent des objectifs qui ne se recoupent qu’en partie et procèdent, pour partie, de critères d’évaluation différents.

223    De plus, ainsi qu’il découle du terme « peuvent » mentionné à l’article 57 du règlement no 1907/2006, la simple inclusion de certaines propriétés intrinsèques d’une substance dans la liste des substances candidates ne conduit pas nécessairement ou automatiquement à une inclusion de ces propriétés dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006. En revanche, ainsi qu’il ressort de l’article 58 du règlement no 1907/2006, il faut également qu’une décision soit arrêtée à cet égard dans le respect de l’ensemble des conditions visées à cette dernière disposition. La décision d’inclure une substance dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006 est adoptée par la Commission sur le fondement d’une recommandation élaborée par l’ECHA qui tient compte de l’avis préalable de son comité des États membres et des observations, notamment concernant des utilisations qui devraient être exemptées de l’obligation d’autorisation en vertu de l’article 58, paragraphe 2, du même règlement, fournies par les parties intéressées dans le cadre d’une consultation publique prévue à l’article 58, paragraphe 4, deuxième alinéa, dudit règlement (arrêt du 25 septembre 2015, VECCO e.a./Commission, T‑360/13, EU:T:2015:695, point 30).

224    Compte tenu de ce qui précède, les arguments de la requérante avancés au soutien de la troisième branche du deuxième moyen et mentionnés aux points 205 à 209 ci-dessus doivent être rejetés comme non fondés. Par suite, les trois branches du deuxième moyen ayant été rejetées, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation au regard de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006 concernant l’analyse des solutions de remplacement

225    Le troisième moyen invoqué par la requérante s’articule en deux griefs qui visent à démontrer l’existence d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation entachant l’application, par la Commission, de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1907/2006 au cas de l’espèce, et ce, plus précisément, au regard de l’évaluation, par la Commission, de la faisabilité économique, pour les demanderesses à l’autorisation, des solutions de remplacement concernant le DEHP.

226    En premier lieu, l’analyse fournie par les demanderesses à l’autorisation se serait concentrée sur un « cadre de référence » erroné, à savoir le remplacement d’un flux de déchets, par opposition au remplacement du DEHP dans un processus industriel et aurait conduit à une interprétation erronée, par les demanderesses à l’autorisation, des notions d’« utilisation » et de « solution de remplacement », – interprétation, qui a été reprise dans la décision d’autorisation. En réponse à cet argument soulevé par la requérante dans sa demande de réexamen interne, la Commission aurait, dans la décision sur la demande de réexamen interne, répété son évaluation quant à la fonction du DEHP en tant que substance permettant de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC ». Ces erreurs de droit se seraient répercutées sur la décision sur la demande de réexamen interne en ce qui concerne l’analyse des solutions de remplacement et auraient conduit à ce que cette dernière décision soit entachée d’une erreur de droit.

227    En second lieu, la requérante fait valoir que la décision sur la demande de réexamen interne a entériné une interprétation de la notion d’« évaluation » des solutions de remplacement qui serait contraire à l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006.

228    Premièrement, la requérante signale que, compte tenu du fait que les demanderesses à l’autorisation avaient fourni un rapide calcul contenant des informations confidentielles sur les coûts et étant donné que le comité d’analyse socio-économique n’était pas parvenu à trouver des informations adéquates dans le domaine public, ce comité n’a pu vérifier la « fourchette des prix de ces flux de déchets ». La Commission aurait, pour sa part, signalé cet élément dans la décision sur la demande de réexamen interne. À cet égard, elle aurait ajouté que « comme la consultation publique n’avait pas livré d’informations contradictoires à propos des chiffres avancés par [les demanderesses à l’autorisation], le comité d’analyse socio-économique a conclu qu’ils étaient réalistes ».

229    Or, ce faisant, la Commission aurait, en réalité, estimé qu’il était légal pour le comité d’analyse socio-économique de présumer la fiabilité des informations fournies par les demanderesses à l’autorisation jusqu’à ce que ces informations soient directement contredites par les observations soumises par des tiers. Cette approche irait toutefois à l’encontre de l’obligation, pour la Commission, d’évaluer tous les aspects pertinents des solutions de remplacement, y compris leur faisabilité économique, obligation qui incomberait à cette institution en vertu de l’article 60, paragraphe 4, et de l’article 60, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1907/2006. À cet égard, il s’agirait d’une erreur manifeste pour laquelle il n’existerait aucune justification plausible. En effet, selon la requérante, l’obligation d’évaluer « tous les aspects pertinents » des solutions de remplacement, y compris leur « faisabilité économique », n’aurait de sens que si elle constituait un contrôle réel d’informations vérifiables de manière indépendante. Appliquer une « règle procédurale » qui présume leur fiabilité constituerait un raccourci visant à éviter cette évaluation. Elle ne constituerait donc absolument pas une évaluation économique.

230    Deuxièmement, selon la requérante, une approche qui consiste à présumer comme fiables les informations fournies par les demandeurs à moins que des tiers prouvent le contraire, compromettrait l’efficacité de la procédure d’autorisation, car elle inciterait les demandeurs à dissimuler les informations qui seraient contraires à leurs intérêts. De surcroît, étant donné que les informations économiques peuvent également être soumises à des restrictions de confidentialité commerciale, il ne serait pas raisonnable de compter sur le fait que ces informations soient découvertes et communiquées par des tiers au cours de la procédure de consultation.

231    Troisièmement, la requérante affirme que la Commission a, au point 5.2. de la décision sur la demande de réexamen, tenté de justifier cette approche en déclarant qu’« exiger du comité [d’analyse socio-économique] qu’il entreprenne une recherche indépendante à propos de ces données spécifiques constituerait une charge disproportionnée pour la procédure ». Toutefois, ces motifs seraient manifestement erronés. Dans un cas comme celui de l’espèce, la « solution évidente » consisterait à simplement exiger des demandeurs d’autorisation qu’ils fournissent un ensemble suffisant de preuves fiables et vérifiables.

232    La Commission conteste cette argumentation.

233    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 167 ci-dessus, les développements de la requérante dans le cadre de la troisième branche du premier moyen (voir points 152 à 158 ci-dessus) doivent être considérés comme étant soulevés au soutien du présent moyen et seront abordés dans le cadre de l’examen de celui-ci. En effet, dans la mesure où ils visent à établir l’existence d’une erreur de droit par la Commission dans son interprétation de la notion de « solution de remplacement » (voir points 153 à 156 ci-dessus), ces développements constituent en substance un complément au premier grief soulevé dans le cadre du présent moyen. En revanche, les autres arguments articulés par la requérante au soutien de la troisième branche du premier moyen sont censés étayer l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation (voir points 157 et 158 ci-dessus).

234    En premier lieu, il convient de rejeter d’emblée comme irrecevable l’argument de la requérante selon lequel l’analyse des solutions de remplacement proposée dans la demande d’autorisation a été insuffisante car, selon elle, cette demande ne précisait pas la fonction du DEHP (voir point 154 ci-dessus).

235    En effet, le présent recours ne peut porter que sur la légalité de la décision sur la demande de réexamen interne et non pas sur le caractère suffisant ou non de la demande d’autorisation. L’orientation générale du troisième moyen de la requête devrait donc être celle de démontrer l’existence d’éventuelles erreurs commises par la Commission et non d’erreurs commises par les demanderesses à l’autorisation dans la demande d’autorisation.

236    En revanche, dans la mesure où il vise à illustrer l’existence d’erreurs entachant la décision sur la demande de réexamen interne, à savoir dans l’hypothèse où il conviendrait de conclure que cette décision reprend et fait siens des éléments contenus dans la demande d’autorisation, l’argument mentionné au point 234 ci-dessus doit être rejeté comme non fondé. En effet, indépendamment de ce que les demanderesses à l’autorisation ont indiqué ou non dans la demande d’autorisation, la Commission a expressément identifié une fonction du DEHP aux fins de l’autorisation en cause en l’espèce.

237    En deuxième lieu, s’agissant du raisonnement développé par la requérante pour démontrer que l’analyse des solutions de remplacement doit être une évaluation des substances ou des technologies qui peuvent être substituées à la substance extrêmement préoccupante « dans un processus » pour lequel l’autorisation est demandée (voir point 165 ci‑dessus), force est de constater que ce raisonnement présente un lien avec l’argument présenté dans le cadre du présent moyen, selon lequel l’analyse fournie par les demanderesses à l’autorisation s’est concentrée sur un « cadre de référence » erroné, à savoir « le remplacement d’un flux de déchets, par opposition au remplacement du DEHP dans un processus industriel », ce qui aurait conduit à une interprétation erronée, par les demanderesses à l’autorisation, des notions d’« utilisation » et de « solution de remplacement » dans la demande d’autorisation (voir point 226 ci-dessus). De plus, ce raisonnement présente un lien avec l’argument consistant à faire valoir que la Commission aurait allégué que le DEHP possède une fonction qui serait inacceptable au regard du règlement no 1907/2006, de sorte que, finalement, l’interprétation erronée des notions d’« utilisation » et de « solution de remplacement » apparaissant tant dans la demande d’autorisation que dans la décision d’autorisation, se serait répercutée en tant qu’erreur de droit sur la décision sur la demande de réexamen interne (voir point 226 ci-dessus).

238    Or, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre des appréciations concernant la première branche du premier moyen, pour les motifs exposés aux points 63 à 91 ci‑dessus, il est possible de parler de l’« utilisation » d’une substance même si celle-ci n’est pas introduite activement « dans un processus industriel ». La Commission n’a donc pas commis d’erreur en concluant que, en l’espèce, il s’agissait d’une « utilisation » de la substance en cause, telle que contenue « dans un mélange ». Dans ce contexte, c’est sans erreur de droit que la Commission a retenu qu’une des fonctions du DEHP était de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC souple à base du matériau en PVC souple recyclé ». C’est également sans erreur de droit que la Commission est partie de la prémisse, indiquée déjà dans la demande d’autorisation, selon laquelle le DEHP possède en général une fonction de plastifiant. Ces fonctions, qui sont activées au plus tard au moment où le recyclat de PVC contenant cette substance est utilisé (voir point 71 ci-dessus), ont permis de conclure que la décision d’autorisation pouvait être accordée pour une « utilisation » au sens de l’article 3, point 24, de l’article 56, paragraphe 1, sous a), et de l’article 60 du règlement no 1907/2006.

239    Dans ces conditions, ainsi que l’a fait valoir la Commission à juste titre, l’évaluation des solutions de remplacement pouvait, en l’espèce, se concentrer sur le mélange plutôt que sur la substance contenue dans celui-ci. En revanche, contrairement à ce que prétend la requérante, l’analyse des solutions de remplacement ne devait pas être une évaluation des substances ou des technologies qui peuvent remplacer le DEHP « dans un processus industriel ».

240    Dès lors, l’argument relatif à l’analyse des solutions de remplacement portant sur des substances ou des technologies qui peuvent être substituées à la substance extrêmement préoccupante « dans un processus industriel » est voué au rejet, tout comme les reproches liés à la fonction du DEHP identifiée par la Commission.

241    En troisième lieu, doit également être rejeté l’argument selon lequel il serait erroné de considérer qu’utiliser du PVC vierge peut être qualifié de « solution de remplacement », dès lors que la production de PVC vierge utiliserait également une substance extrêmement préoccupante (voir point 156 ci-dessus).

242    D’une part, il appert, en substance, de la décision sur la demande de réexamen interne que, selon la Commission, le fait de réduire la quantité d’une substance extrêmement préoccupante vierge utilisée à titre de plastifiant en utilisant une substance extrêmement préoccupante recyclée peut constituer une fonction conforme au règlement no 1907/2006. C’est au regard de cette fonction que la Commission a examiné les solutions de remplacement. En revanche, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, la Commission n’a pas, dans la décision sur la demande de réexamen interne, considéré ni de manière expresse ni de manière implicite que l’utilisation du PVC vierge correspondait à une solution de remplacement en tant que telle.

243    D’autre part, une utilisation qui permet de réduire la quantité de DEHP, pur ou vierge, qui doit être ajoutée à des composés pour produire de nouveaux articles en PVC souple ne contrevient ni aux exigences expresses ni aux objectifs du règlement no 1907/2006.

244    En effet, l’objectif visé à l’article 55 du règlement no 1907/2006 ne s’y oppose pas. Le but visé à cette disposition n’est pas de remplacer les substances extrêmement préoccupantes par des substances ou des technologies de remplacement appropriées d’une manière inconditionnelle, unilatérale et immédiate. En revanche, ainsi qu’il ressort du libellé de cet article, l’objectif y visé est celui de remplacer « progressivement » les substances extrêmement préoccupantes par des substances ou des technologies de remplacement appropriées « lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables ». Par ailleurs, cet objectif est réitéré en des termes presque identiques au considérant 70 du règlement no 1907/2006.

245    En quatrième lieu, s’agissant des arguments concernant l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation au motif que, même si on acceptait la fonction alléguée par la Commission, cette institution n’aurait, en tout état de cause, pas examiné l’existence des solutions de remplacement permettant de réduire la quantité de DEHP dans la fabrication d’articles en PVC en prenant en compte un grand nombre de solutions incluant notamment l’utilisation de plastifiants qui ne sont pas des substances extrêmement préoccupantes (voir point 157 ci-dessus), il convient de relever les éléments suivants.

246    Selon la jurisprudence, afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 86 et jurisprudence citée). Par conséquent, le moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par le requérant, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable. Il en est particulièrement ainsi lorsque la décision en cause est entachée d’erreurs qui, fussent-elles prises dans leur ensemble, ne présentent qu’un caractère mineur insusceptible d’avoir déterminé l’administration (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 87 et jurisprudence citée).

247    En l’espèce, force est de constater, d’une part, que les demanderesses à l’autorisation avaient fait valoir une indisponibilité de solutions de remplacement dans la demande d’autorisation. À cet égard, il s’agissait de solutions de remplacement pour les transformateurs en aval de PVC souple recyclé, telles que l’utilisation de PVC vierge contenant des plastifiants qui ne sont pas des substances extrêmement préoccupantes. Bien que cette perspective n’ait pas présentée comme une solution de remplacement par les demanderesses à l’autorisation, ladite solution a été considérée par le comité d’analyse socio-économique comme n’étant pas appropriée, en particulier, comme n’étant pas faisable économiquement pour les utilisateurs en aval des produits des demanderesses à l’autorisation, ou du moins pour une partie d’entre eux.

248    Contrairement à ce qu’il incombe à un requérant, qui se prévaut d’une erreur manifeste d’appréciation selon les règles établies par le juge de l’Union, telles qu’exposées au point 246 ci-dessus, de prouver, la requérante n’a fourni aucun élément qui priverait de plausibilité les appréciations des faits retenues dans la décision sur la demande de réexamen interne en ce qui concerne l’indisponibilité des solutions de remplacement.

249    D’une part, la requérante n’explique pas sur le fondement de quels éléments autres que ceux indiqués par les demanderesses à l’autorisation, par les tiers entendus lors de la consultation publique visée à l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006 et par les États membres qui se sont exprimés sur le sort à réserver à la demande d’autorisation lors des débats du comité prévu à l’article 133 du même règlement, la Commission aurait pu, au stade de l’adoption de la décision sur la demande de réexamen interne, parvenir à un autre résultat que celui contenu dans l’avis du comité d’analyse socio-économique au sujet des solutions de remplacement fondées sur des plastifiants qui ne sont pas des substances extrêmement préoccupantes. En effet, la requérante n’indique pas quelle autre substance, qui ne constitue pas une substance extrêmement préoccupante, aurait pu être prise en compte par la Commission.

250    D’autre part et en tout état de cause, la requérante n’a pas contesté, de manière spécifique, dans sa demande de réexamen interne, la conclusion globale tirée par la Commission quant à l’indisponibilité de solutions de remplacement.

251    Par ailleurs, il convient de souligner qu’exiger, comme cela vient d’être relevé aux points 249 et 250 ci-dessus, que la requérante précise les éléments qui pourraient remettre en cause la conclusion tirée par la Commission quant à l’indisponibilité de solutions de remplacement dans le cadre du présent recours, ou encore dans le cadre de la demande de réexamen interne, ne revient pas à renverser la charge de la preuve incombant au demandeur de l’autorisation, telle que visée à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec le considérant 69 de ce dernier. En revanche, il s’agit, d’une part, d’exigences liées à la nécessité que, dans le cadre d’un recours en annulation, les arguments et les moyens du recours soient indiqués clairement de manière que le Tribunal puisse les analyser dûment, sans devoir conjecturer ce que le requérant souhaite et sans devoir substituer ses motifs. D’autre part, il s’agit d’exigences de précision telles que celles qui ressortent de l’article 10 du règlement no 1367/2006 (voir points 56 et 57 ci-dessus).

252    Dans ces conditions, il convient d’écarter l’argument mentionné au point 245 ci-dessus comme non fondé.

253    En cinquième lieu, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la Commission aurait présumé la fiabilité des données sur les prix, telles qu’indiquées par les demanderesses à l’autorisation dans leur analyse des solutions de remplacement et telles qu’acceptées par le comité d’analyse socio-économique, sans que celui-ci ait réalisé lui-même une évaluation indépendante de leur fiabilité, ce qui reviendrait, en fin de compte, à une interprétation de la notion d’« évaluation » des solutions de remplacement qui serait contraire à l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006, doit être également rejeté comme non fondé.

254    À cet égard, il convient de relever, premièrement, que, contrairement à ce que suggère la requérante, lors de l’examen de la faisabilité économique des solutions de remplacement proposées par les demanderesses à l’autorisation conformément à l’article 60, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1907/2006, la Commission n’a pas « présumé » l’exactitude des données sur les prix présentées par celles-ci.

255    En effet, en réponse à cet argument de la requérante et sans être contredite par cette dernière sur ce point, la Commission a relevé au point 5.2. de la décision sur la demande de réexamen interne que les demanderesses à l’autorisation avaient fourni des prix non disponibles publiquement pour les déchets post-industriels. Le comité d’analyse socio-économique a, pour sa part, réalisé son évaluation concernant les données sur les prix indiquées dans la demande d’autorisation en tentant d’obtenir des informations supplémentaires relevant du domaine public et en vérifiant toutes les informations pertinentes soumises dans le cadre de la consultation publique visée à l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006.

256    Cette approche consistant à chercher des informations supplémentaires est une indication du fait que le comité d’analyse socio-économique a effectivement procédé à un examen des informations soumises par les demanderesses à l’autorisation.

257    Lorsque la Commission a fait sien cet examen du comité d’analyse socio-économique, elle n’a donc pas non plus présumé l’exactitude desdites informations. De plus, c’est notamment parce qu’il n’existait pas de preuve contredisant l’exactitude des données fournies par les demanderesses à l’autorisation que la Commission a repris à son compte les appréciations de ce comité à l’égard des prix pour les déchets post-industriels.

258    Deuxièmement, il convient, dans un souci de précision, d’indiquer que le reproche de la requérante selon lequel la Commission a « présumé » que les données de nature économique indiquées par les demanderesses à l’autorisation étaient exactes ne concerne pas une question de droit.

259    En effet, selon l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006, lors de l’évaluation de la disponibilité de substances ou de technologies de substitution appropriées, tous les aspects pertinents sont pris en compte par la Commission, et notamment, selon ledit article 60, paragraphe 5, sous b), la faisabilité technique et économique de solutions de remplacement pour le demandeur. Toutefois, l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006 ne définit pas de méthode particulière permettant de mettre en œuvre l’« évaluation » prévue à cette disposition, qui pourrait être considérée comme étant une méthode requise par le droit et qui fait, en d’autres termes, partie intégrante de la notion juridique d’« évaluation ».

260    En revanche, l’évaluation de la disponibilité de substances ou technologies de substitution appropriées prévue à l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006 vise un processus d’appréciation de questions d’ordre technique, économique et scientifique, ainsi que de faits complexes, qui est destiné à vérifier tous les aspects pertinents en la matière, et notamment les aspects visés à l’article 60, paragraphe 5, sous a), et b), et ce, en fonction des éléments d’informations dont la Commission pouvait disposer au moment où elle a arrêté sa décision d’autorisation.

261    Dans cette optique, le reproche de la requérante, selon lequel la Commission aurait « présumé » que certaines données indiquées par les demanderesses à l’autorisation étaient exactes, vise, en réalité, une violation de l’article 60, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1907/2006 sous l’angle de l’existence d’une éventuelle erreur (manifeste) d’appréciation plutôt qu’une violation de la notion d’« évaluation » en tant qu’élément de droit, ainsi que l’affirme la requérante.

262    À cet égard, indépendamment du fait que la Commission n’a pas « présumé » certains éléments en l’espèce mais a fait siens les résultats d’un examen du comité d’analyse socio-économique, après avoir indiqué qu’il n’existait pas de preuves contredisant les informations présentées par les demanderesses à l’autorisation (voir point 257 ci-dessus), il y a lieu de noter que la requérante n’avance, en l’espèce, aucun argument susceptible de démontrer quels éléments de fait ou de preuve le comité d’analyse socio-économique ou la Commission auraient pu prendre en compte pour vérifier, voire invalider au terme d’une telle vérification, la fiabilité des données indiquées dans la demande d’autorisation. De plus, la requérante n’explicite pas quelle aurait pu être la méthode particulière de nature technique, économique ou scientifique qui aurait pu permettre de combler l’existence d’éventuels doutes quant à la fiabilité des informations soumises par les demanderesses à l’autorisation sur les prix pour les déchets post-industriels.

263    Par ailleurs, à l’instar de ce qui a été relevé au point 251 ci-dessus s’agissant de l’indisponibilité de solutions de remplacement, il convient de souligner qu’exiger que la requérante précise les éléments qui pourraient remettre en cause les conclusions tirées par la Commission au sujet de la fiabilité des données indiquées dans la demande d’autorisation ne revient pas à renverser la charge de la preuve incombant au demandeur de l’autorisation, telle que visée à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec le considérant 69 de ce dernier. En revanche, il s’agit d’exigences tenant à la jurisprudence mentionnées au point 246 ci-dessus.

264    Dans ces conditions, le fait de purement et simplement reprocher à la Commission d’avoir « présumé » l’exactitude des données qui avaient été indiquées par les demanderesses à l’autorisation dans la demande d’autorisation et ensuite acceptées par le comité d’analyse socio-économique lors de l’élaboration de son avis visé à l’article 64, paragraphe 4, sous b), du règlement no 1907/2006 n’est pas suffisant pour étayer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

265    Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

266    Premièrement, doit être rejeté l’argument selon lequel une approche qui consiste à présumer comme fiables les informations fournies par les demandeurs d’une autorisation « à moins que des tiers prouvent le contraire » compromettrait l’efficacité de la procédure d’autorisation, car elle inciterait les demandeurs à dissimuler les informations qui sont contraires à leurs intérêts. Il en va de même pour ce qui est de l’argument selon lequel, étant donné que les informations économiques peuvent également être soumises à des restrictions de confidentialité commerciale, il ne serait pas raisonnable de compter sur le fait que ces informations soient découvertes et communiquées par des tiers au cours de la procédure de consultation (voir point 230 ci-dessus).

267    À cet égard, il convient de relever qu’il est certes vrai qu’il existe un intérêt à ce que les demandeurs d’une autorisation ne dissimulent pas les informations pertinentes dans le cadre d’une procédure d’autorisation, ce qu’ils pourraient être enclins à faire si ces informations sont contraires à leurs intérêts.

268    Toutefois, il y a lieu de noter à nouveau que la requérante n’indique pas la méthode qui pourrait convenir le mieux pour pallier le risque qu’un demandeur d’autorisation cache des informations pertinentes qui ne sont connues que de lui seul. D’une part, ni la Commission ni les comités de l’ECHA visés à l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 n’ont de pouvoirs similaires à ceux d’une autorité de la concurrence, voire du ministère public d’un État membre, qui permettraient de vérifier l’exactitude des faits par le truchement de mesures coercitives comme des mesures de perquisition et de saisie. D’autre part, la solution que la requérante décrit comme « évidente », selon laquelle il pourrait être simplement « exigé des demandeurs d’autorisation qu’ils fournissent un ensemble suffisant de preuves fiables et vérifiables » (voir point 231 ci-dessus), est loin d’en être une. En effet, le problème de l’existence d’informations confidentielles connues seulement du demandeur se pose à chaque fois qu’il y a lieu de lui demander de compléter ou d’expliciter des informations qu’il est le seul à détenir.

269    Deuxièmement, il convient de rejeter la critique de la requérante concernant l’argument de la Commission soulevé au point 5.2. de la décision sur la demande de réexamen interne, selon lequel « exiger du comité [d’analyse socio-économique] qu’il entreprenne une recherche indépendante à propos de ces données spécifiques constituerait une charge disproportionnée pour la procédure » (voir point 231 ci‑dessus).

270    En effet, abstraction faite de la problématique de la « charge disproportionnée pour la procédure », telle qu’invoquée par la Commission, la requérante ne démontre pas, concrètement, ce que le comité d’analyse socio-économique aurait pu faire de plus afin de répondre aux soucis exprimés par la requérante.

271    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation en raison d’une méconnaissance du principe de précaution dans le cadre de la procédure d’autorisation

272    Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir une violation du principe de précaution, tel que visé à l’article 191, paragraphe 2, TFUE.

273    En premier lieu, selon la requérante, une application correcte du principe de précaution exige que la charge de prouver qu’une substance devrait être autorisée repose sur le demandeur d’autorisation. Au cas où il demeure des incertitudes à propos des risques pour la santé humaine ou l’environnement même après que le demandeur a présenté ses preuves, la Commission devrait conclure que la charge de la preuve n’a pas été acquittée et que l’utilisation de la substance ne peut pas obtenir d’autorisation.

274    En l’espèce, d’une part, le comité d’évaluation des risques aurait conclu qu’il « ne pouvait pas quantifier » les risques pour la santé des travailleurs. D’autre part, les propriétés de perturbation endocrinienne du DEHP n’auraient pas été prises en compte dans le processus décisionnel. Dès lors, la Commission n’aurait pas respecté le principe de précaution lorsqu’elle a néanmoins décidé d’octroyer une autorisation pour l’utilisation du DEHP. Cette erreur se serait répercutée également sur le bien-fondé de la décision sur la demande de réexamen interne.

275    Deuxièmement, compte tenu des propriétés du DEHP en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant, qui impliqueraient que cette substance soulève des préoccupations d’un niveau équivalent à celles qui ont conduit à son inclusion dans la liste prévue à l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, la Commission aurait dû, selon la requérante, demander aux demanderesses à l’autorisation d’actualiser la demande d’autorisation en application du principe de précaution.

276    Troisièmement, en réponse à l’argument invoqué par la Commission dans le mémoire en défense, selon lequel une prise en compte, dans le cadre de l’évaluation des risques, de propriétés qui n’avaient pas été identifiées au moment de la soumission de la demande d’autorisation, méconnaîtrait le principe de sécurité juridique, la requérante rappelle que, selon la jurisprudence du juge de l’Union concernant le principe de protection de la confiance légitime, qui est un corollaire du principe de sécurité juridique, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union.

277    En second lieu, et indépendamment de ce qui précède, la Commission n’aurait fourni aucune explication sur la manière dont elle a appliqué le principe de précaution en l’espèce.

278    La Commission conteste cette argumentation.

279    À cet égard et en premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 191, paragraphes 1 et 2, TFUE, la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement doit contribuer à la poursuite de l’objectif de la protection de la santé des personnes et se fonde, notamment, sur le principe de précaution. Ce principe s’applique lorsque les institutions de l’Union prennent des mesures de protection de l’environnement. De plus, le principe de précaution a vocation à s’appliquer lorsque les institutions de l’Union adoptent des mesures de protection de la santé humaine (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 72).

280    En particulier, il ressort de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006 que les dispositions de ce règlement reposent sur ce principe.

281    Il découle du principe de précaution que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir arrêt du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 73 et jurisprudence citée). Une application correcte de ce principe présuppose, en premier lieu, l’identification des conséquences potentiellement négatives pour la santé de l’utilisation proposée de la substance en cause et, en second lieu, une évaluation complète du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (voir arrêt du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 75 et jurisprudence citée).

282    Dans cette optique, selon la jurisprudence, lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée d’un risque en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (voir arrêt du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 76 et jurisprudence citée). Lors de l’adoption d’une mesure restrictive ayant pour but la protection de l’environnement ou de la santé humaine, l’institution compétente à cet égard est tenue de procéder à une juste articulation entre le principe de précaution et le principe de proportionnalité. Telle est la conséquence d’une lecture de la jurisprudence citée au point 281 ci-dessus à la lumière du principe de proportionnalité qui est énoncé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, et qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Cela étant, il y a lieu de considérer que le principe de précaution ne justifie l’adoption de mesures restrictives qu’à la condition qu’elles soient non seulement non-discriminatoires et objectives mais également proportionnées (conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Confédération paysanne e.a., C‑528/16, EU:C:2018:20, point 51).

283    En l’espèce, la requérante fait valoir, en substance, que, en vertu du principe de précaution, l’existence d’incertitudes quant aux risques pour les travailleurs constatées par le comité d’évaluation des risques s’opposait à l’octroi de l’autorisation accordée par la Commission au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. En d’autres termes, de l’avis de la requérante, la Commission aurait dû refuser totalement d’octroyer l’autorisation en cause en l’espèce.

284    Or, premièrement, il y a lieu de relever que le principe de précaution, tel que prévu à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, s’adresse à l’action de l’Union et qu’il ne peut être interprété en ce sens qu’une institution de l’Union est tenue, sur le fondement de ce principe, d’adopter une mesure précise, telle que le refus d’une autorisation envisagé par la requérante. En effet, cette disposition se borne à définir les objectifs généraux de l’Union en matière d’environnement dans la mesure où l’article 192 TFUE confie au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, le soin de décider de l’action à entreprendre en vue de réaliser ces objectifs. De plus, s’il est vrai que ce principe peut justifier l’adoption d’une mesure restrictive par une institution, il n’en reste pas moins qu’il ne l’impose pas.

285    Au demeurant, il y a lieu d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006 ne saurait étayer non plus, à lui seul, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû refuser d’octroyer l’autorisation en cause.

286    Deuxièmement, en l’espèce, contrairement à ce que suggère la requérante (voir point 273 ci-dessus), il n’y avait pas d’incertitudes à propos des risques pour la santé humaine. Au contraire, il était sûr et certain que le DEHP présentait des risques pour la santé humaine. Ainsi qu’il l’a été relevé au point 1 ci-dessus, cette substance possède des propriétés toxiques pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), de ce même règlement. En l’espèce, le comité d’évaluation des risques avait attiré l’attention de la Commission sur l’existence d’incertitudes quant aux allégations des demanderesses à l’autorisation en ce qui concerne la maîtrise des risques découlant du DEHP lorsque des travailleurs sont exposés à cette substance. De l’avis de ce comité, les demanderesses à l’autorisation n’avaient pas démontré que les risques pour la santé des travailleurs résultant des deux utilisations demandées étaient valablement maîtrisés conformément à l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006. C’est en substance la raison pour laquelle la Commission a opté pour la « procédure socio-économique » prévue à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

287    Toutefois, il ne saurait être considéré que le choix de la Commission d’appliquer la « procédure socio-économique » de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 constitue une violation du principe de précaution. La procédure d’autorisation selon cette procédure a justement été conçue pour permettre aux entreprises de commercialiser des substances qui présentent notamment un risque pour la santé humaine, mais dont les avantages socio-économiques prévalent.

288    Ainsi qu’il découle du considérant 69 du règlement no 1907/2006, d’une part, et de l’article 60, paragraphe 4, de ce règlement, d’autre part, lorsqu’il n’a pas été établi que les risques qu’entraîne l’utilisation d’une substance pour la santé humaine ou l’environnement sont valablement maîtrisés, une autorisation peut être accordée s’il peut être démontré que les avantages socio-économiques qu’offre l’utilisation de la substance en cause l’emportent sur les risques liés à son utilisation et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées qui soient économiquement et techniquement viables.

289    En l’espèce, il y a lieu de rappeler, que, ainsi qu’il résulte des points 211 à 223 ci‑dessus, l’allégation de la requérante selon laquelle les propriétés du DEHP en tant que perturbateur endocrinien auraient dû être prises en considération dans l’évaluation des risques visés à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 a dû être écartée, étant donnée l’interprétation systématique des paragraphes 2 et 4 de cet article. Or, le principe de précaution ne saurait être interprété de manière à remettre en cause la cohérence existant entre ces deux paragraphes de l’article 60 du règlement no 1907/2006.

290    Troisièmement, lorsqu’elle a adopté une mesure restrictive ayant pour but la protection de l’environnement ou de la santé humaine, l’institution compétente est tenue de procéder à une juste articulation entre le principe de précaution et le principe de proportionnalité (voir point 282 ci-dessus).

291    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 48 et jurisprudence citée).

292    À cet égard, il convient de constater que l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 constitue, de manière abstraite, l’expression de l’articulation entre le principe de précaution et le principe de proportionnalité dans le cas où l’une des conditions prévues à l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement n’est pas remplie, en l’occurrence celle concernant la preuve de la maîtrise du risque que présente pour la santé humaine ou pour l’environnement l’utilisation d’une certaine substance en raison de ses propriétés intrinsèques, visées à l’annexe XIV du règlement no 1907/2006.

293    En effet, en ce qu’il a permis l’octroi d’une autorisation dans une situation dans laquelle tous les risques liés à l’utilisation d’une substance extrêmement préoccupante ne sont pas valablement maîtrisés, mais que les avantages socio-économiques qu’offre l’utilisation de la substance en cause l’emportent sur les risques liés à son utilisation et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées qui soient économiquement et techniquement viables, le législateur de l’Union a procédé à une mise en balance entre, d’une part, la protection de la santé humaine et de l’environnement et, d’autre part, les intérêts du demandeur d’autorisation, ainsi que les avantages socio-économiques résultant de l’utilisation de la substance concernée.

294    Certes, dans un cas tel que celui de l’espèce, la mise en balance, de manière concrète, des intérêts en cause peut justifier l’imposition, par la Commission, d’un suivi spécifique et d’une courte période de réexamen. Il résulte toutefois de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 que, si les conditions de cette disposition sont remplies, la Commission ne saurait refuser une autorisation, sous peine de violer le principe de proportionnalité.

295    Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, le principe de précaution ne saurait être interprété en ce sens qu’il permettrait de refuser une autorisation qui pourrait être accordée sur le fondement de l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

296    En deuxième lieu, quant au grief de la requérante fondé sur la thèse, selon laquelle, compte tenu des propriétés du DEHP en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant, la Commission aurait dû demander aux demanderesses à l’autorisation d’actualiser la demande d’autorisation en application du principe de précaution (voir point 275 ci-dessus), il y a lieu de relever que, par cet argument, la requérante semble considérer que la Commission aurait pu demander aux demanderesses à l’autorisation de lui fournir des informations supplémentaires avant de prendre sa décision. Or, un tel argument n’a pas été soulevé par la requérante en tant que tel dans la demande de réexamen interne. En effet, la requérante n’a allégué dans aucune partie de la demande de réexamen interne que, en vertu du principe de précaution, la Commission était tenue de demander aux demanderesses à l’autorisation de lui fournir des informations supplémentaires et donc d’actualiser la demande d’autorisation. En revanche, dans la demande de réexamen interne, la requérante visait une violation dudit principe du fait que la Commission n’aurait pas tenu compte des propriétés du DEHP en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant.

297    Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 55 ci-dessus, cet argument doit être rejeté comme irrecevable.

298    Qui plus est, à titre superfétatoire, sur le fond, le grief de la requérante lié à la nécessité, pour les demanderesses à l’autorisation, d’actualiser la demande d’autorisation, compte tenu des propriétés du DEHP en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant, est non fondé. En effet, dès lors que, à la date de la décision d’autorisation, les propriétés du DEHP en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant ne figuraient pas dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, la Commission n’avait pas l’obligation de les prendre en compte. Ces propriétés ne font pas partie de la totalité des éléments pertinents que la Commission doit prendre en compte de manière impérative, telles les informations pertinentes mentionnées au point 216 ci-dessus.

299    Dans ces conditions, l’argument de la requérante exposé au point 275 ci-dessus doit être rejeté.

300    En troisième lieu, compte tenu de ce qui précède, le grief de la requérante selon lequel, en substance, au cas où la Commission aurait pris en compte les propriétés du DEHP en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant avant l’octroi de la décision d’autorisation, les demanderesses à l’autorisation n’auraient pas été en mesure de placer leur confiance légitime dans le fait que la Commission ne leur demande pas une actualisation des données pour tenir compte de ces propriétés, est inopérant.

301    Il en va de même, en quatrième lieu, pour ce qui est de l’argument de la requérante, exposé au point 270 ci-dessus, tendant à démontrer que la Commission ne saurait se fonder sur le principe de sécurité juridique pour pallier le fait que, au moment du dépôt de la demande d’autorisation, les demanderesses à l’autorisation n’avaient pas connaissance des propriétés du DEHP en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant.

302    Doit enfin être rejeté, en cinquième lieu, l’argument de la requérante, exposé au point 277 ci-dessus, tiré de ce que la Commission n’aurait fourni aucune explication sur la manière dont elle a appliqué le principe de précaution en l’espèce.

303    Pour autant que cet argument doive être interprété comme un grief visant à démontrer l’existence d’une défaillance dans la motivation de la décision sur la demande de réexamen interne, il y a lieu de rappeler les éléments suivants.

304    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 1er février 2018, Schenker/Commission, C‑263/16 P, non publié, EU:C:2018:58, point 51 et jurisprudence citée).

305    Toutefois, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 1er février 2018, Schenker/Commission, C‑263/16 P, non publié, EU:C:2018:58, point 51 et jurisprudence citée).

306    Or, en l’espèce, au point 7 de la décision sur la demande de réexamen interne, la Commission a déclaré que « si, sur la base du principe de précaution, toutes les utilisations d’une substance inscrite dans l’annexe XIV [du règlement no 1907/2006] devaient être interdites parce que cette substance a été identifiée comme un perturbateur endocrinien, l’objectif et l’efficacité de l’obligation d’autorisation seraient réduits à zéro ». Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’invoque la requérante, la Commission a bel et bien expliqué comment elle entendait appliquer le principe de précaution en l’espèce.

307    Dans ces conditions, tous les arguments invoqués au soutien du quatrième moyen ayant été rejetés, le quatrième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

308    Compte tenu de ce qui précède, les quatre moyens soulevés au soutien du troisième chef de conclusions ayant été rejetés, ainsi que le deuxième chef de conclusions, le recours doit être rejeté dans son intégralité, y compris le cinquième chef de conclusions, au demeurant non étayé d’une quelconque argumentation, tendant à ce que soit ordonnée toute autre mesure appropriée.

 Sur les dépens

309    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

310    En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement de procédure, le terme « institutions » désigne les institutions de l’Union visées à l’article 13, paragraphe 1, TUE ainsi que les organes ou organismes créés par les traités ou par un acte pris pour leur exécution et qui peuvent être parties devant le Tribunal. Selon l’article 100 du règlement no 1907/2006, l’ECHA est un organisme de l’Union. Il s’ensuit que l’ECHA supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      ClientEarth est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne.

3)      L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supportera ses propres dépens.

Gratsias

Dittrich

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 avril 2019.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la demande d’annulation de la décision d’autorisation

Sur la demande d’annulation de la décision sur la demande de réexamen interne

Sur le premier moyen, tiré de l’existence d’erreurs de droit et d’appréciation concernant la conformité de la demande d’autorisation au regard de l’article 62 et de l’article 60, paragraphe 7, du règlement n o 1907/2006

– Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’interprétation de la notion d’« utilisation » figurant à l’article 56, paragraphe 1, sous a), et à l’article 62, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1907/2006

– Sur la deuxième branche, tirée de l’existence d’erreurs de droit et d’appréciation en lien avec des déficiences dans le rapport sur la sécurité chimique

– Sur la troisième branche, tirée de l’existence d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne lien avec des déficiences de l’évaluation des solutions de remplacement appropriées

– Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 60, paragraphe 7, et de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation entachant l’évaluation socio-économique visée à l’article 60, paragraphe 4, du règlement n o 1907/2006

– Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation entachant le cadre de référence de l’évaluation socio-économique

– Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’évaluation de l’équilibre entre les risques et les avantages

– Sur la troisième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation en raison de la non-prise en compte d’informations dans le cadre de l’évaluation socio-économique

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation au regard de l’article 60, paragraphes 4 et 5, du règlement n o 1907/2006 concernant l’analyse des solutions de remplacement

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation en raison d’une méconnaissance du principe de précaution dans le cadre de la procédure d’autorisation

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.