Language of document : ECLI:EU:F:2010:171

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

16 décembre 2010 (*)

« Fonction publique — Fonctionnaires — Licenciement après la fin de la période de stage — Irrecevabilité manifeste — Tardiveté du recours — Notification par lettre recommandée avec avis de réception »

Dans l’affaire F‑25/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

AG, ancienne fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Rodrigues et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes S. Seyr et V. Montebello-Demogeot, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni (rapporteur), président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : Mme W .Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 28 avril 2010 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 3 mai suivant), AG demande, notamment, l’annulation de la décision du 14 mai 2009 par laquelle le Parlement européen a prononcé son licenciement à l’issue de sa période de stage et de la décision du 21 décembre 2009, par laquelle le Parlement a rejeté sa réclamation contre ladite décision, ainsi que la condamnation du Parlement à réparer les préjudices qu’elle aurait subis du fait de ces décisions.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 34 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« 1. Tout fonctionnaire est tenu d’effectuer un stage de neuf mois avant de pouvoir être titularisé.

Lorsque, au cours de son stage, le fonctionnaire est empêché d’exercer ses fonctions, par suite de maladie, de congé de maternité visé à l’article 58 ou d’accident pendant une durée continue d’au moins un mois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut prolonger le stage pour une durée correspondante.

2. En cas d’inaptitude manifeste du stagiaire, un rapport peut être établi à tout moment du stage.

Ce rapport est communiqué à l’intéressé qui peut formuler, par écrit, dans un délai de huit jours francs, ses observations. Le rapport et les observations sont immédiatement transmis par le supérieur hiérarchique du stagiaire à l’autorité investie du pouvoir de nomination, laquelle recueille, dans un délai de trois semaines, l’avis du comité des rapports, composé de façon paritaire, sur la suite à donner au stage. L’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de licencier le fonctionnaire stagiaire, avant l’expiration de la période de stage, moyennant un préavis d’un mois, sans que la durée du service puisse dépasser la durée normale du stage.

Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, à titre exceptionnel, autoriser la continuation du stage avec affectation du fonctionnaire à un autre service. Dans ce cas, la nouvelle affectation doit comporter une durée minimale de six mois, dans les limites prévues au paragraphe 4.

3. Un mois au plus tard avant l’expiration de la période de stage, le fonctionnaire stagiaire fait l’objet d’un rapport sur ses aptitudes à s’acquitter des attributions que comportent ses fonctions, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service. Le rapport est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit, dans un délai de huit jours francs, ses observations.

S’il conclut au licenciement ou, à titre exceptionnel, à la prolongation du stage, le rapport et les observations sont immédiatement transmis par le supérieur hiérarchique du stagiaire à l’autorité investie du pouvoir de nomination, qui recueille, dans un délai de trois semaines, l’avis du comité des rapports, composé d’une façon paritaire, sur la suite à donner au stage.

Le fonctionnaire stagiaire qui n’a pas fait preuve de qualités professionnelles suffisantes pour être titularisé est licencié. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, à titre exceptionnel, prolonger le stage pour une durée maximale de six mois, éventuellement avec affectation du fonctionnaire à un autre service.

4. La durée totale du stage ne peut en aucun cas dépasser quinze mois.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

3        Lauréate du concours général EPSO/AST/35/06 pour la constitution d’une réserve d’assistants (AST 1) de langue portugaise dans le domaine du secrétariat, la requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire du Parlement à compter du 1er avril 2008.

4        Du 1er avril au 31 décembre 2008, la requérante a effectué un stage de neuf mois au secrétariat de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, relevant de la direction des politiques économiques et scientifiques de la direction générale (DG) « Politiques internes de l’Union ».

5        Avant la fin de cette période, le 23 octobre 2008, un premier rapport de stage a été établi, concluant au licenciement de la requérante à l’expiration de son stage. Dans une note annexée au rapport, le notateur de la requérante, chef d’unité au sein de la DG « Politiques internes de l’Union », soulignait que les performances de la requérante étaient insuffisantes et inadaptées pour le poste d’assistante en secrétariat.

6        Le premier rapport de stage a été remis à la requérante le 24 octobre 2008, laquelle l’a retourné à son notateur le 31 octobre suivant en contestant son contenu. Dans ses observations écrites, la requérante a notamment affirmé avoir « toujours essayé […] d’améliorer [ses] connaissances » et a indiqué également qu’elle souhaitait prolonger sa période de stage et « faire la preuve de [ses] capacités et de [sa] volonté de remplir les tâches qui lui seraient assignées dans un autre service ».

7        Le comité des rapports a été saisi de ce premier rapport de stage le 7 novembre 2008 et a, dans son avis du 11 novembre 2008, conclu qu’il y aurait lieu de prolonger le stage de la requérante à titre exceptionnel pour une durée maximale de trois mois avec affectation dans un autre service de l’institution.

8        Par décision du 24 novembre 2008, le stage de la requérante a été prolongé pour la période allant du 1er janvier au 28 février 2009. Durant cette période, la requérante a été affectée au service de la formation et de l’assistance aux commissions, dépendant également de la DG « Politiques internes de l’Union ».

9        Le 30 janvier 2009, un deuxième rapport de stage a été établi, concluant une nouvelle fois au licenciement de la requérante à l’expiration de sa période de stage. Dans ses commentaires écrits annexés à ce rapport, la notatrice de la requérante indiquait notamment que celle-ci s’était montrée incapable de remplir avec exactitude et dans le respect des délais attribués, des tâches relatives au secrétariat ou à l’organisation du service, à l’exception des tâches auxiliaires de base.

10      Ce deuxième rapport a été remis à la requérante le 2 février 2009, laquelle l’a retourné à sa notatrice le 10 février 2009 en contestant son contenu.

11      Le 13 février 2009, le comité des rapports, saisi de ce deuxième rapport de stage, a rendu un avis conforme aux conclusions de ce rapport. Trois jours plus tard, la requérante a adressé à la directrice de la gestion administrative du personnel des observations complémentaires sur son deuxième rapport de stage. Dans ses observations, la requérante renouvelait le souhait de prolonger son stage dans un autre service, en précisant qu’elle avait fait preuve de motivation et d’efficacité lors d’un précédent stage de cinq mois réalisé avec succès à la Commission européenne, au sein de l’unité chargée de la planification de tous les événements organisés au siège de la Commission européenne à Bruxelles (Belgique).

12      Par décision du 18 février 2009, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a licencié la requérante. Cette décision a toutefois été retirée et remplacée par une décision du 25 février 2009, aux termes de laquelle le stage de la requérante était à nouveau prolongé pour une durée de deux mois, jusqu’au 30 avril 2009.

13      Du 1er mars au 15 mai 2009, le stage ayant finalement été prolongé de 15 jours par décision du 14 mai 2009, la requérante a rejoint le centre des visiteurs, relevant de la direction des relations avec les citoyens de la DG « Communication ».

14      Un troisième et dernier rapport de stage a été établi, le 28 avril 2009, concluant de la même manière au licenciement de la requérante à l’expiration de sa période de stage. Dans sa note accompagnant ce rapport, le troisième notateur relevait notamment que, bien que la requérante avait certainement fait des efforts pour améliorer ses performances par rapport à ses périodes de stage précédentes, en particulier au regard de sa capacité d’initiative, de son rythme de travail et de son comportement, il n’avait pu identifier d’éléments factuels pouvant justifier une évaluation différente de celle figurant dans les deux premiers rapports de stage.

15      Le comité des rapports, saisi de ce troisième rapport le 11 mai 2009, a émis son avis le 13 mai 2009. Il a précisé que le licenciement de la requérante « serait justifié à l’expiration de la période totale de stage ».

16      Le 14 mai 2009, l’AIPN a décidé de licencier la requérante avec effet au soir du 15 mai (ci-après la « décision litigieuse »).

17      Par note du 2 juillet 2009, la requérante a adressé au secrétaire général du Parlement ses observations sur ses trois rapports de stage et sur la décision litigieuse.

18      Le 30 juillet 2009, la requérante a formé une réclamation contre la décision litigieuse.

19      Par décision du 21 décembre 2009, l’AIPN a rejeté cette réclamation. Le Parlement a envoyé copie de cette décision au domicile de la requérante, par lettre recommandée avec accusé de réception. Un avis de passage a été déposé le 23 décembre 2009 dans la boîte aux lettres de la requérante. Toutefois, quinze jours plus tard, cette lettre recommandée a été renvoyée par la poste au Parlement avec la mention « non réclamé ».

20      Le Parlement soutient qu’il aurait, le 15 janvier 2010, envoyé à la requérante un courriel comportant en pièce jointe la décision du 21 décembre 2009. La requérante soutient qu’elle n’aurait pu prendre connaissance de la décision litigieuse à cette date, ce courriel ayant été adressé à une personne ayant le même patronyme qu’elle mais portant un prénom différent du sien.

21      Par lettre simple du 15 janvier 2010, que la requérante indique avoir reçue le 18 janvier 2010, le Parlement a envoyé copie de la décision du 21 décembre 2009.

 Conclusions des parties

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision litigieuse et la décision du 21 décembre 2009 ;

–        indiquer à l’AIPN les effets qu’emporte l’annulation de la décision litigieuse et de la décision du 21 décembre 2009, notamment la possibilité d’accomplir un deuxième stage ou la prolongation du stage à l’issue duquel interviendra une nouvelle appréciation de ses prestations ;

–        condamner le Parlement à réparer les préjudices professionnel, financier et moral résultant de son licenciement illégal ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

23      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux entiers dépens.

24      Par mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a, d’une part, informé la requérante que, au vu des pièces produites par le Parlement et des doutes sérieux exprimés par celui-ci sur le respect du délai de recours, il envisageait de déclarer le recours tardif et, d’autre part, demandé que lui soit apporté tout élément de nature à justifier le respect dudit délai.

25      Par acte du 6 septembre 2010, la requérante a présenté des observations sur la recevabilité de son recours.

26      Par lettre du 6 octobre 2010, la requérante a été invitée à indiquer au Tribunal si elle souhaitait que son nom soit omis dans les publications relatives à la présente affaire. Par lettre du 14 octobre 2010, la requérante a répondu qu’elle souhaitait bénéficier de l’anonymat. En conséquence, le Tribunal a accordé l’anonymat à la requérante.

 En droit

27      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

28      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Arguments des parties

29      Le Parlement émet de sérieux doutes sur la recevabilité du recours, qui lui paraît tardif. En effet, la requérante n’aurait déposé son recours au greffe du Tribunal que le 28 avril 2010 alors que la décision du 21 décembre 2009 rejetant sa réclamation lui aurait été dûment notifiée le 23 décembre 2009. La décision du 21 décembre 2009 aurait été envoyée par lettre recommandée avec avis de réception le 23 décembre 2009 et la requérante ne justifierait aucunement avoir été dans l’impossibilité de retirer ce pli recommandé. En outre, le Parlement fait valoir que la décision du 21 décembre 2009 a également été notifiée à la requérante par courriel du 15 janvier 2010.

30      En second lieu, le Parlement fait valoir que les conclusions tendant à ce que le Tribunal indique à l’AIPN les effets qu’emporte l’annulation de la décision litigieuse et de la décision du 21 décembre 2009, dès lors qu’il s’agit de conclusions aux fins d’injonction, sont irrecevables. En effet, selon une jurisprudence constante, il n’appartiendrait pas au juge d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union.

31      La requérante soutient que son recours ne serait pas tardif. En effet, le délai de recours contentieux aurait commencé à courir au plus tôt le 18 janvier 2010, date à laquelle elle aurait reçu la décision du 21 décembre 2009 envoyée par le Parlement en lettre simple. En revanche, la notification le 23 décembre 2009, par lettre recommandée, de la décision du 21 décembre 2009 n’aurait eu aucun effet sur le déclenchement du délai de recours contentieux, dès lors que la requérante aurait été absente de son domicile ce jour là, de même que pendant toute la période au cours de laquelle ladite lettre a été conservée par les services postaux. La requérante se serait ainsi vainement rendue à la poste à son retour de congés pour retirer la lettre recommandée. Le Parlement ne pourrait pas davantage se prévaloir de l’envoi d’un courriel le 15 janvier 2010, qui aurait été envoyé à une autre personne que la requérante.

 Appréciation du Tribunal

32      Selon l’article 91, paragraphe 3, du statut, le recours doit être introduit « dans un délai de trois mois qui court du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation ». Aux termes de l’article 100, paragraphe 3, du règlement de procédure, « les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours ».

33      Selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, s’ils sont respectés. Ces délais répondent à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, point 18, et du 29 juin 2000, Politi/Fondation européenne pour la formation, C‑154/99 P, Rec. p. I‑5019, point 15 ; ordonnance du Tribunal du 15 mai 2006, Schmit/Commission, F‑3/05, RecFP p. I‑A‑1‑9 et II‑A‑1‑33, point 24).

34      Il appartient à la partie qui se prévaut d’un dépassement du délai d’apporter la preuve de la date à laquelle ledit délai a commencé à courir (arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Belfiore/Commission, 108/79, Rec. p. 1769, point 7 ; arrêt du Tribunal du 7 octobre 2009, Pappas/Commission, F‑101/08, RecFP p. I‑A‑1‑399 et II‑A‑1‑2133, point 43).

35      Pour qu’une décision soit dûment notifiée au sens des dispositions du statut, il faut non seulement qu’elle ait été communiquée à son destinataire mais aussi que celui-ci ait été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu (arrêt de la Cour du 15 juin 1976, Jänsch/Commission, 5/76, Rec. p. 1027, point 10 ; arrêts du Tribunal de première instance du 8 juin 1993, Fiorani/Parlement, T‑50/92, Rec. p. II‑555, point 16, et du 3 juin 1997, H/Commission, T‑196/95, RecFP p. I‑A‑133 et II‑403, points 32 à 35 ; arrêt du Tribunal du 25 avril 2007, Lebedef-Caponi, F‑71/06, RecFP p. I‑A‑1‑115 et II‑A‑1‑629, points 29 à 31).

36      Rappelant que les délais de recours sont d’ordre public et qu’il n’appartient pas aux parties de les fixer à leur convenance, la Cour a jugé, certes à propos d’une personne morale, que le point de départ du délai de recours ne saurait varier au gré des statuts ou des pratiques de la personne morale ni, par conséquent, être fixé au jour où l’organe compétent, siégeant dans des conditions régulières, prend valablement connaissance de la décision à contester (arrêt de la Cour du 11 mai 1989, Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes, 193/87 et 194/87, Rec. p. 1045, point 39).

37      Il a par ailleurs été jugé, à propos du délai de réclamation visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut, que la « connaissance » d’un acte à laquelle fait référence cette disposition est la connaissance résultant de la notification ou de la publication d’un tel acte, (arrêt du Tribunal de première instance du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T‑35/96, RecFP p. I‑A‑61 et II‑187, point 40).

38      Si la notification par lettre recommandée avec avis de réception postal n’est pas le seul mode de notification possible des décisions administratives, elle n’en demeure pas moins, grâce aux garanties particulières qu’elle présente tant pour le fonctionnaire que pour l’administration, une solution particulièrement sûre. Elle a d’ailleurs été retenue par le législateur de l’Union, à l’article 26, troisième alinéa, du statut, comme un mode approprié de notification au fonctionnaire des actes intéressant sa carrière. En effet, cet article prévoit que la communication de toute pièce du dossier individuel du fonctionnaire est certifiée par la signature du fonctionnaire ou, à défaut, faite par lettre recommandée à la dernière adresse indiquée par le fonctionnaire.

39      Dans un litige tel que celui dont le Tribunal est saisi, qui porte sur la légalité d’une décision de refus de titularisation, le recours à la notification par lettre recommandée paraît d’autant plus approprié pour la communication de la réponse à une réclamation dirigée contre cette décision, dans la mesure où, dans une telle situation, il n’existe plus de lien d’emploi depuis plusieurs mois entre l’ancien fonctionnaire stagiaire et l’administration.

40      S’agissant d’une notification effectuée par lettre recommandée avec avis de réception postal, il a été jugé que la régularité de la notification était subordonnée au respect des règles nationales en matière de distribution du courrier dans l’État membre concerné (voir en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, points 76 et 77).

41      Lorsqu’une décision est notifiée par lettre recommandée avec avis de réception postal, son destinataire est réputé en prendre connaissance par la signature qu’il appose sur l’avis de réception postal.

42      Toutefois, il peut arriver qu’une lettre recommandée ne puisse être signée par son destinataire, lorsque celui-ci, absent de son domicile au moment du passage du préposé des postes, s’abstient de toute démarche ou ne retire pas la lettre dans le délai pendant lequel elle est normalement conservée par les services postaux.

43      Dans un tel cas, il doit être considéré que la décision a été dûment notifiée à son destinataire à la date d’expiration de ce délai. En effet, s’il était admis qu’un tel comportement du destinataire fasse obstacle à la notification régulière d’une décision par lettre recommandée, d’une part, les garanties présentées par ce mode de notification seraient considérablement affaiblies, alors qu’il constitue un mode particulièrement sûr et objectif de notification des actes administratifs. L’administration serait contrainte d’utiliser d’autres modes de notification, soit moins sûrs, telle la notification par lettre simple, soit coûteux, voire disproportionnés, telle la signification par acte d’huissier. D’autre part, le destinataire aurait une certaine latitude dans la fixation du point de départ du délai de recours, alors que, ainsi qu’il a été dit, un tel délai ne peut être à la disposition des parties et doit répondre aux exigences de sécurité juridique et de bonne administration de la justice. Par ailleurs, le Tribunal observe que la règle selon laquelle une décision est réputée avoir été notifiée à son destinataire, lorsque la procédure d’envoi par lettre recommandée avec avis de réception postal a été régulière, existe dans plusieurs systèmes juridiques nationaux et qu’elle peut même faire l’objet d’une application plus rigoureuse que celle retenue par le Tribunal, la date pertinente pouvant alors être celle du dépôt de l’avis de passage dans la boîte aux lettres du destinataire, interprétation d’ailleurs proposée par le Parlement dans le présent litige.

44      Néanmoins, la présomption que le destinataire a reçu notification de la décision à l’expiration du délai normal de conservation de la lettre recommandée par les services postaux n’a pas un caractère absolu. En effet, son application est subordonnée à la preuve, par l’administration, de la régularité de la notification par lettre recommandée, en particulier par le dépôt d’un avis de passage à la dernière adresse indiquée par le destinataire. En outre, cette présomption n’est pas irréfragable. Le destinataire peut notamment chercher à établir qu’il a été empêché, notamment pour des raisons de maladie ou pour un cas de force majeure indépendant de sa volonté, de prendre utilement connaissance de l’avis de passage.

45      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier et il n’est pas contesté, d’abord, que le Parlement a envoyé la décision du 21 décembre 2009 par lettre recommandée avec accusé de réception à la dernière adresse connue de la requérante, ensuite, que les services postaux belges, en l’absence de la requérante à son domicile à cette date, l’ont avisée de l’existence de cette lettre recommandée en déposant, le 23 décembre 2009, un avis de passage dans sa boîte aux lettres et ont conservé ladite lettre pendant un délai de quinze jours conformément à la réglementation postale belge en vigueur, soit jusqu’au 7 janvier 2010, enfin, que la requérante n’a pas retiré ladite lettre auprès des services postaux dans le délai imparti.

46      Certes, la requérante fait valoir qu’elle était en vacances au Portugal pendant toute la période au cours de laquelle ce pli recommandé a été conservé par les services postaux belges, entre le 23 décembre 2009 et le 9 janvier 2010, et qu’en conséquence, elle n’a pas pris effectivement connaissance de la décision du 21 décembre 2009 avant le 18 janvier 2010, date de réception de cette décision envoyée par lettre simple.

47      Toutefois, cette circonstance, même à la supposer établie, ne constitue pas, en l’espèce, un motif permettant de considérer que la décision du 21 décembre 2009 n’a pas été régulièrement notifiée par lettre recommandée à la requérante, au plus tard à l’expiration du délai de conservation de ladite lettre par les services postaux.

48      En effet, d’une part, une absence seulement motivée par des vacances ne peut être considérée comme un motif légitime faisant obstacle à la présomption de notification visée au point 43 de la présente ordonnance. Si de pures raisons de convenance personnelle permettaient de renverser cette présomption, le destinataire de l’acte pourrait, dans une certaine mesure, choisir le moment où il estime en avoir pris effectivement connaissance. Une personne peu diligente, par exemple ne faisant pas suivre son courrier pendant des vacances prolongées, pourrait prétendre ne pas avoir été mise à même de prendre connaissance de la décision qui la concerne et fixer à sa guise le point de départ du délai de recours.

49      D’autre part, il ressort de la lettre du 15 janvier 2010 et de ses annexes que la requérante a eu connaissance, par lettre simple reçue le 18 janvier 2010, de la circonstance que la décision du 21 décembre 2009 lui avait déjà été régulièrement notifiée par lettre recommandée et que l’avis de passage qu’elle avait trouvé dans sa boîte aux lettres à son retour de vacances concernait bien cette lettre. Ainsi, la requérante, à tout le moins son avocat, pouvait raisonnablement considérer que le délai de recours contentieux avait commencé à courir au plus tard à compter du 7 janvier 2010, date d’expiration du délai de conservation par les services postaux belges de la lettre recommandée envoyée par le Parlement. En tenant pour établi que le délai de recours ne commençait à courir qu’à compter du 18 janvier 2010, date de réception de la décision du 21 décembre 2009 envoyée par lettre simple, la partie requérante s’est méprise sur les conséquences de la notification de cette décision par lettre recommandée et de l’absence de retrait de cette lettre auprès des services postaux belges.

50      Le Tribunal souligne enfin que la présomption de notification visée au point 43 de la présente ordonnance n’est nullement attentatoire au droit à un recours effectif, en particulier à la prévisibilité des règles devant gouverner l’accès au juge. En effet, le délai de recours de trois mois et dix jours est suffisamment long pour qu’une situation d’absence comme celle de la requérante entre le 23 décembre 2009 et le 9 janvier 2010 ne soit pas préjudiciable aux possibilités de recours.

51      Il résulte de ce qui précède que la requérante doit être regardée comme ayant été mise en mesure de prendre utilement connaissance de la décision du 21 décembre 2009 le 7 janvier 2010 au plus tard. En effet, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le déclenchement des délais de recours puisse être laissé à la disposition de l’une des parties, a fortiori lorsque celle-ci s’avère peu diligente, comme en l’espèce. Il s’ensuit que le présent recours, enregistré au greffe du Tribunal le 28 avril 2010, alors qu’il doit être considéré que la décision du 21 décembre 2009 a été régulièrement notifiée au plus tard le 7 janvier 2010 par lettre recommandée, a été présenté au-delà du délai de trois mois et dix jours prévu par les dispositions de l’article 91, paragraphe 3, du statut et de l’article 100, paragraphe 3, du règlement de procédure.

52      Le recours est donc tardif et doit, pour ce motif, être rejeté comme manifestement irrecevable dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre fin de non-recevoir soulevée par le Parlement.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

54      Il résulte des motifs du présent arrêt que la requérante est la partie qui succombe. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de décider que la requérante supporte l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      AG supporte l’ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 16 décembre 2010.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.