Language of document : ECLI:EU:F:2008:164

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

10 décembre 2008 (*)

« Cour des comptes – Régime pécuniaire des membres – Pensions – Pension de survie »

Dans l’affaire F‑46/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 230 CE,

Thérèse Nicole Thoss, demeurant à Dommeldange (Luxembourg), représentée par Me P. Goergen, avocat,

partie requérante,

contre

Cour des comptes des Communautés européennes,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2008, Mme Thoss, veuve de M. Thoss, ancien membre de la Cour des comptes des Communautés européennes, demande notamment au Tribunal d’annuler la décision de la Cour des comptes du 20 mars 2006 lui refusant l’allocation de la pension de survie prévue par l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 2290/77 du Conseil, du 18 octobre 1977, portant fixation du régime pécuniaire des membres de la Cour des comptes (JO L 268, p. 1).

 Cadre juridique

2        L’article 230 CE prévoit :

« La Cour de justice [des Communautés européennes] contrôle la légalité des actes adoptés conjointement par le Parlement européen et le Conseil [de l’Union européenne], des actes du Conseil, de la Commission [des Communautés européennes] et de la [Banque centrale européenne], autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement […] destinés à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers.

À cet effet, la Cour [de justice] est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du présent traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir, formés par un État membre, le Parlement […], le Conseil ou la Commission.

La Cour de justice est compétente, dans les mêmes conditions, pour se prononcer sur les recours formés par la Cour des comptes et par la BCE, qui tendent à la sauvegarde des prérogatives de celles-ci.

Toute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

Les recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. »

3        L’article 236 CE prévoit :

« La Cour de justice est compétente pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions déterminées au statut [des fonctionnaires des Communautés européennes] ou résultant du régime applicable à ces derniers. »

4        L’article 247 CE prévoit :

« 1. […]

2. Les membres de la Cour des comptes sont choisis parmi des personnalités appartenant ou ayant appartenu dans leur pays respectif aux institutions de contrôle externe ou possédant une qualification particulière pour cette fonction. Ils doivent offrir toutes garanties d’indépendance.

3. Les membres de la Cour des comptes sont nommés pour six ans. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après consultation du Parlement […], adopte la liste des membres établie conformément aux propositions faites par chaque État membre. Le mandat des membres de la Cour des comptes est renouvelable.

[…]

6. En dehors des renouvellements réguliers et des décès, les fonctions de membre de la Cour des comptes prennent fin individuellement par démission volontaire ou par démission d’office déclarée par la Cour de justice conformément aux dispositions du paragraphe 7.

L’intéressé est remplacé pour la durée du mandat restant à courir.

Sauf en cas de démission d’office, les membres de la Cour des comptes restent en fonctions jusqu’à ce qu’il soit pourvu à leur remplacement.

7. Les membres de la Cour des comptes ne peuvent être relevés de leurs fonctions ni déclarés déchus de leur droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu que si la Cour de justice constate, à la demande de la Cour des comptes, qu’ils ont cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux obligations découlant de leur charge.

8. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, fixe les conditions d’emploi, et notamment les traitements, indemnités et pensions, du président et des membres de la Cour des comptes. Il fixe également, statuant à la même majorité, toutes indemnités tenant lieu de rémunération.

9. Les dispositions du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes qui sont applicables aux juges de la Cour de justice sont également applicables aux membres de la Cour des comptes. »

5        L’article 21 du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés, annexé initialement au traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes (JO 1967, 152, p. 13), puis, en vertu du traité d’Amsterdam, au traité CE (ci-après le « protocole ») prévoit :

« Les articles 12 à 15 et l’article 18 sont applicables aux juges, aux avocats généraux, au greffier et aux rapporteurs adjoints de la Cour [de justice], ainsi qu’aux membres et au greffier du Tribunal de première instance [des Communautés européennes], sans préjudice des dispositions de l’article 3 du protocole sur le statut de la Cour de justice relatives à l’immunité de juridiction des juges et des avocats généraux. »

6        L’article 1er de l’annexe du statut de la Cour de justice prévoit :

« Le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, ci-après dénommé ‘Tribunal […]’, exerce en première instance les compétences pour statuer sur les litiges entre les Communautés et [leurs] agents en vertu de l’article 236 […] CE et de l’article 152 […] CEEA, y compris les litiges entre tout organe ou organisme et son personnel, pour lesquels la compétence est attribuée à la Cour de justice. »

7        L’article 8, paragraphe 2, de l’annexe du statut de la Cour de justice dispose :

« Lorsque le Tribunal […] constate qu’il n’est pas compétent pour connaître d’un recours qui relève de la compétence de la Cour [de justice] ou du Tribunal de première instance, il le renvoie à la Cour [de justice] ou au Tribunal de première instance. […] »

8        Aux termes de l’article 225, paragraphe 1, premier alinéa, CE :

« Le Tribunal de première instance est compétent pour connaître en première instance des recours visés aux articles 230, 232, 235, 236 et 238, à l’exception de ceux qui sont attribués à une chambre juridictionnelle et de ceux que le statut réserve à la Cour de justice. […] »

9        L’article 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice prévoit :

« Par dérogation à la règle énoncée à l’article 225, paragraphe 1, […] CE et à l’article 140 A, paragraphe 1, […] CEEA, sont réservés à la Cour de justice les recours visés aux articles 230 et 232 […] CE et 146 et 148 […] CEEA, qui sont formés par un État membre […]

Sont également réservés à la Cour [de justice] les recours, visés aux mêmes articles, qui sont formés par une institution des Communautés ou par la [BCE] contre un acte ou une abstention de statuer du Parlement […], du Conseil, de ces deux institutions statuant conjointement ou de la Commission ainsi que par une institution des Communautés contre un acte ou une abstention de statuer de la [BCE]. »

10      L’article 73 du règlement de procédure prévoit :

« 1. Conformément à l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe […] du statut de la Cour de justice, lorsque le Tribunal constate que le recours, dont il est saisi, relève de la compétence de la Cour de justice ou du Tribunal de première instance, il le renvoie à la Cour de justice ou au Tribunal de première instance.

2. Le Tribunal statue par voie d’ordonnance motivée. »

11      L’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2290/77 dans sa version consolidée prévoit :

« Le conjoint survivant et les enfants à charge au moment du décès du membre de la Cour des comptes ayant acquis des droits à pension au moment de son décès bénéficient d’une pension de survie.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

12      La requérante est la veuve de M. Thoss, ancien membre de la Cour des comptes de 1989 à 1995. À ce titre, celui-ci avait bénéficié d’une pension à compter du 19 juillet 1999, date à laquelle il avait atteint l’âge de 60 ans.

13      Suite au décès de M. Thoss le 9 novembre 2003, la requérante a été informée, par courrier en date du 19 novembre 2003 adressé par le secrétaire général de la Cour des comptes, qu’elle ne pourrait être admise au bénéfice de la pension de survie.

14      La requérante a adressé au secrétaire général de la Cour des comptes, par courrier du 22 juillet 2005, une demande visant à obtenir le bénéfice d’une pension de survie.

15      Par décision du 20 mars 2006, le président de la Cour des comptes a rejeté la demande de la requérante.

 Conclusions de la requérante

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Cour des comptes du 20 mars 2006 lui refusant l’allocation de la pension de survie prévue par l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2290/77 ;

–        ordonner à la Cour des comptes de lui allouer la pension de survie prévue par l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2290/77 ;

–        condamner la Cour des comptes aux dépens.

 En droit

17      Aux termes de l’article 73 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal constate que le recours dont il est saisi relève de la compétence de la Cour de justice ou du Tribunal de première instance, il le renvoie à la Cour de justice ou au Tribunal de première instance par voie d’ordonnance motivée.

18      Tel est le cas en l’espèce.

 Sur la compétence du Tribunal

19      La requérante introduit son recours sur le fondement « de l’article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et de l’article 230 CE ».

20      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la compétence du Tribunal est définie par l’article 1er de l’annexe du statut de la Cour de justice, qui se réfère aux « litiges entre les Communautés et [leurs] agents en vertu de l’article 236 […] CE et de l’article 152 […] CEEA, y compris les litiges entre tout organe ou organisme et son personnel, pour lesquels la compétence est attribuée à la Cour de justice ».

21      En l’espèce, le recours est dirigé contre la Cour des comptes, une institution communautaire figurant dans le chapitre premier (« Les institutions ») du titre I (« Dispositions institutionnelles ») de la cinquième partie (« Les institutions de la Communauté ») du traité CE. Il ne s’agit donc pas d’un « organe » ou d’un « organisme » au sens de l’article 1er de l’annexe du statut de la Cour de justice. Le Tribunal n’est compétent pour statuer sur le présent litige que dans la mesure où le recours peut être regardé comme ayant été introduit sur le fondement de l’article 236 CE.

22      L’article 236 CE accorde compétence juridictionnelle à la Cour de justice pour « tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions déterminées au statut [des fonctionnaires des Communautés européennes] ou résultant du régime applicable à ces [agents] ». Par suite, en vertu de cet article, les limites de la compétence juridictionnelle de la Cour de justice sont précisées par le statut des fonctionnaires (ci-après le « statut ») et le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA »).

23      S’agissant des « conditions déterminées par le statut », l’article 91, paragraphe 1, du statut, applicable non seulement aux fonctionnaires, mais également, par renvoi du RAA, aux autres agents des Communautés européennes, à l’exception des agents locaux, dispose que la Cour de justice est compétente pour statuer sur tout litige entre les Communautés et l’« une des personnes visées au […] statut ».

24      Ainsi, la notion d’« agents » – au sens de l’article 236 CE – inclut, au-delà des fonctionnaires et des autres agents qui sont en fonction, toutes les personnes visées par le statut. C’est le cas notamment d’un candidat à un concours, d’un ancien fonctionnaire, ou du conjoint survivant d’un fonctionnaire décédé, catégories pour lesquelles il existe des dispositions du statut leur étant consacrées (notamment, pour la première de ces catégories, l’annexe III du statut relative à la procédure de concours, pour la deuxième, le chapitre 2 de l’annexe VIII du statut relatif à la pension d’ancienneté et à l’allocation de départ, et pour la troisième, le chapitre 4 de l’annexe VIII du statut relatif à la pension de survie).

25      En l’espèce, la requérante est la veuve d’un ancien membre de la Cour des comptes, M. Thoss. Elle demande l’annulation d’une décision lui refusant l’allocation d’une pension de survie. La nature du litige qui oppose la requérante à la Cour des comptes dépend donc de la nature des liens juridiques qui existaient entre M. Thoss et la Cour des comptes. Il faut donc de déterminer si, en sa qualité de membre de la Cour des comptes, M. Thoss pouvait être regardé comme un « agent » au sens de l’article 236 CE, c’est-à-dire comme une « personne[…] visée[…] au […] statut » au sens de l’article 91, paragraphe 1, dudit statut. Dans la mesure où tel serait le cas, Mme Thoss pourrait alors également être regardée, par voie de conséquence, comme une « personne[…] visée[…] au […] statut ».

26      En premier lieu, les dispositions du traité CE distinguent très clairement la situation des membres des institutions communautaires, de celle des fonctionnaires et agents des Communautés.

27      Ainsi, en vertu de l’article 247 CE, les membres de la Cour des comptes sont nommés par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, après consultation du Parlement. De plus, en vertu du même article, leurs fonctions prennent fin individuellement par démission volontaire ou par démission d’office déclarée par la Cour de justice.

28      De plus, l’article 247, paragraphe 9, CE prévoit que les dispositions du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, relatives aux membres de la Cour de justice, s’appliquent aux membres de la Cour des comptes. Or, l’article 21 dudit protocole, relatif aux membres de la Cour de justice, n’est pas inséré dans le chapitre V de ce protocole, consacré aux fonctionnaires et agents des Communautés, mais dans le chapitre VII qui concerne des dispositions générales.

29      En second lieu, l’article 247, paragraphe 8, CE ne prévoit pas que les conditions d’emploi des membres de la Cour des comptes relèvent du statut ou du RAA, mais d’un règlement spécifique. C’est sur la base de cet article que le règlement n° 2290/77, relatif au régime pécuniaire des membres de la Cour des comptes, a été adopté par le Conseil le 18 octobre 1977.

30      À cet égard il y a lieu de constater que, si l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut prévoit que « [l]e fonctionnaire qui, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, a connaissance de faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle […] en informe immédiatement son supérieur hiérarchique direct » et que « [l]e présent paragraphe s’applique en cas de manquement grave à une obligation similaire commis par un membre d’une institution », de telles dispositions ne sauraient être regardées comme « visant » les membres des institutions communautaires, dans la mesure où elles ne fixent, à leur égard, aucun droit ou aucune obligation, mais déterminent une obligation pour le fonctionnaire ayant connaissance d’un manquement commis par un membre d’une institution.

31      Par suite, le statut et le RAA ne sont pas directement applicables aux membres de la Cour des comptes. La situation de ces derniers n’est affectée par le statut que de manière indirecte, dans la mesure où le règlement n° 2290/77 y renvoie, comme c’est le cas notamment en matière d’allocations familiales, de couverture des risques de maladie ou de répartition de la pension de survie totale entre les différents ayants droit d’un membre décédé. Mais ce n’est pas parce qu’un texte concernant le régime pécuniaire des membres de la Cour des comptes renvoie au statut, que le statut peut être regardé en conséquence comme « visant » les membres de la Cour des comptes alors même que le traité prévoit l’existence d’un texte spécifique fixant leurs conditions d’emploi.

32      Au regard de l’ensemble des dispositions mentionnées ci-dessus, les membres de la Cour des comptes ne peuvent être regardés comme des « personnes visées au […] statut » au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut et donc, comme des « agents » au sens de l’article 236 CE.

33      Par suite, l’article 1er de l’annexe du statut de la Cour de justice n’est pas applicable au présent litige et le recours ne relève donc pas de la compétence du Tribunal.

34      Par ailleurs, cette conclusion, qui découle de l’examen des textes pertinents applicables, est confirmée par la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance. En effet, si la Cour de justice a semblé dans un premier temps laisser la question ouverte, il ressort de la jurisprudence ultérieure que le recours en annulation introduit par un membre d’une institution communautaire, dirigé contre une décision de l’institution à laquelle il appartient ou appartenait, relève du champ d’application de l’article 230 CE.

35      Dans un arrêt du 12 décembre 1989, Kontogeorgis/Commission (C‑163/88, Rec. p. 4189), la Cour de justice s’est prononcée sur un recours, introduit par un ancien membre de la Commission, qui visait à obtenir l’annulation d’une décision refusant son affiliation au régime d’assurance maladie des fonctionnaires des Communautés européennes.

36      Or, l’arrêt Kontogeorgis/Commission, précité, n’indique pas sur quelle disposition du traité CE le requérant fondait sa requête. La Cour de justice a rejeté la requête au fond sans se prononcer sur la question de savoir si une telle requête devait être introduite sur le fondement de l’article 179 du traité CE (devenu article 236 CE), ou sur le fondement de l’article 173 du traité CE (devenu article 230 CE).

37      De plus, la Cour de justice, dans l’arrêt Kontogeorgis/Commission, précité, a examiné la question des dépens au regard des dispositions de l’article 70 de son règlement de procédure. Or, ces dispositions concernent les litiges entre les Communautés et leurs agents et dispensent ces derniers, lorsque leur recours est rejeté, de l’obligation habituelle de supporter les dépens de la partie défenderesse.

38      Cependant, par la suite, la Cour de justice a fait droit aux prétentions de la veuve d’un ancien membre d’une institution communautaire (arrêt de la Cour du 17 mai 1994, H./Cour des comptes, C‑416/92, Rec. p. I‑1741) et le Tribunal de première instance à celles d’un ancien membre d’une institution (arrêt du Tribunal de première instance du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes, T‑121/97, Rec. p. II‑3885), ces recours étant expressément fondés sur l’article 173 du traité CE (devenu article 230 CE).

39      En statuant ainsi, les juridictions communautaires ont implicitement reconnu que de tels recours relevaient du champ d’application de l’article 173 du traité CE (devenu article 230 CE).

40      Dans un arrêt du 21 avril 2004, M/Cour de justice, (T‑172/01, Rec. p. II‑1075), le Tribunal de première instance, a rejeté un recours introduit par la conjointe divorcée d’un ancien membre d’une institution communautaire, décédé depuis, sans indiquer sur le fondement de quel article du traité CE la requête avait été introduite. Quant aux dépens, le Tribunal de première instance a précisé, en se référant sur ce point à l’arrêt Kontogeorgis/Commission, précité, qu’il statuait en appliquant « par analogie » les dispositions de l’article 88 de son règlement de procédure, lesquelles concernent les litiges entre les Communautés et leurs agents et qui, tout comme l’article 70 du règlement de procédure de la Cour de justice, consacrent une dérogation à la règle selon laquelle « toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens ».

41      Par cette précision, le Tribunal de première instance indique que si les dispositions en cause ne sont pas applicables aux membres des institutions communautaires, lesquels ne sont ni des fonctionnaires ni d’autres agents, cependant, lorsqu’un recours introduit par un tel membre est rejeté, la juridiction est susceptible de faire bénéficier, par analogie, ce requérant particulier, des dispositions dérogatoires applicables aux agents des Communautés européennes en matière de dépens.

42      Il résulte de ce qui précède qu’un recours en annulation introduit par un membre de la Cour des comptes, ou par son conjoint survivant, à l’encontre d’une décision de la Cour des comptes relative, notamment, aux conditions de son emploi fixées en vertu de l’article 247, paragraphe 8, CE, relève du champ d’application de l’article 230 CE, comme il a été admis implicitement par la jurisprudence, en particulier par la Cour, dans l’arrêt H./Cour des comptes, précité, puis par le Tribunal de première instance dans l’arrêt Ryan/Cour des comptes, précité.

43      Par suite, un recours en annulation introduit par un membre de la Cour des comptes et, par voie de conséquence, par son conjoint survivant, à l’encontre d’une décision de la Cour des comptes relative aux conditions d’emploi dudit membre, ne relève pas du champ d’application de l’article 236 CE.

44      Il résulte de tout ce qui précède que le Tribunal n’est pas compétent pour statuer sur le présent litige.

 Compétence du Tribunal de première instance et renvoi

45      En vertu de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe du statut de la Cour de justice, le Tribunal, ayant constaté qu’il n’est pas compétent pour connaître d’un recours qui relève de la compétence du Tribunal de première instance, le renvoie à ce dernier.

46      En l’espèce, s’agissant d’apprécier la légalité d’un acte adopté par la Cour des comptes, le recours relève de l’article 230 CE. En effet, la Cour de justice a admis implicitement qu’une décision de la Cour des comptes peut être contestée sur le fondement de cet article, alors même que la Cour des comptes n’est pas expressément mentionnée dans son premier alinéa, lequel détermine les institutions dont les actes peuvent faire l’objet d’un contrôle de légalité par la Cour de justice (arrêt de la Cour du 11 mai 1989, Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes, 193/87 et 194/87, Rec. p. 1045, point 42 ; conclusions de l’avocat général M. Darmon sous cet arrêt, points 50 à 57).

47      Or, en vertu de l’article 225, paragraphe 1, premier alinéa, CE le Tribunal de première instance est compétent pour connaître en première instance des recours visés, entre autres, à l’article 230 CE, à l’exception de ceux que le statut de la Cour de justice réserve à celle-ci. L’article 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice énumère ces exceptions, lesquelles ne sont cependant pas applicables en l’espèce.

48      Dès lors, les conditions de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe du statut de la Cour de justice étant réunies, le Tribunal est tenu de renvoyer l’affaire F‑46/08, Thoss/Cour des comptes, devant le Tribunal de première instance pour que ce dernier statue.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours enregistré sous le numéro F‑46/08, Thoss/Cour des comptes, est renvoyé au Tribunal de première instance des Communautés européennes.

2)      Les dépens de l’instance sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 10 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.