Language of document : ECLI:EU:F:2010:112

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

29 septembre 2010 (*)

«Fonction publique – Concours général – Non-inscription sur la liste de réserve – Déroulement de l’épreuve orale – Stabilité du jury»

Dans l’affaire F‑41/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Stephanie Honnefelder, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me C. Bode, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Berardis-Kayser et B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Tagaras, juges,

greffier: M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mars 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 30 mars 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 3 avril suivant), Mme Honnefelder demande, à titre principal, l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes du 10 mai 2007 de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve du concours général EPSO/AD/26/05 et de la décision de rejet de la réclamation du 14 décembre 2007.

 Cadre juridique

2        L’article 3, premier alinéa, de l’annexe III du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut»), relative au cadre légal de la procédure de concours, dispose:

«Le jury est composé d’un président désigné par l’autorité investie du pouvoir de nomination et de membres désignés en nombre égal par l’autorité investie du pouvoir de nomination et par le comité du personnel.»

3        L’avis de concours général EPSO/AD/26/05, publié au Journal officiel de l’Union européenne (C 178 A, p. 3), prévoit notamment, dans son titre B intitulé «Déroulement du concours», les règles suivantes:

«3. Épreuve orale – Notation

e) Entretien avec le jury, dans la langue principale du candidat, permettant d’apprécier son aptitude à exercer les fonctions mentionnées au titre A, point I. Cet entretien porte notamment sur les connaissances spécifiques liées au domaine et sur les connaissances de l’Union européenne, ses institutions et ses politiques. Les connaissances de la deuxième langue seront également examinées. Cet entretien vise aussi à évaluer la capacité d’adaptation des candidats au travail, au sein de la fonction publique européenne, dans un environnement multiculturel.

Épreuve notée de 0 à 50 points (minimum requis: 25 points).

[…]

5. Inscription sur les listes de réserve

Le jury établit les listes de réserve, par concours, par groupe de mérite (maximum quatre groupes) et par ordre alphabétique à l’intérieur des groupes de mérite, des candidats […] (titre A, nombre de lauréats) ayant obtenu les meilleures notes pour l’ensemble des épreuves écrite d) et orale e) ainsi que le minimum requis à chacune de ces épreuves.

[...]»

 Faits à l’origine du litige

4        Le 20 juillet 2005, la Commission a publié l’avis du concours général EPSO/AD/26/05 destiné à la constitution d’une liste de réserve de 180 administrateurs (AD 5) dans le domaine du droit (ci-après le «concours»). La requérante s’y est portée candidate.

5        Le jury du concours se composait initialement d’une présidente titulaire et de deux membres titulaires, ainsi que d’un président suppléant et de deux membres suppléants par membre titulaire.

6        Le 2 juin 2006, suite à la nomination de la personne exerçant initialement les fonctions de présidente à un nouveau poste au sein de la Commission et à sa démission subséquente de la présidence du jury, une nouvelle présidente du jury a été désignée.

7        Après avoir participé avec succès aux tests de présélection ainsi qu’à l’épreuve écrite, la requérante a été invitée, par lettre du 20 décembre 2006, à participer à l’épreuve orale.

8        Les épreuves orales se sont déroulées entre le 23 janvier 2007 et le 3 mai 2007, soit sur une période d’environ trois mois et demi.

9        La requérante a passé l’épreuve orale le 6 mars 2007. Lors de cette épreuve, le jury du concours était composé de trois personnes, la présidente, un membre titulaire et un membre suppléant.

10      Par lettre du 10 mai 2007, la présidente du jury a fait savoir à la requérante ce qui suit:

«[…] J’ai le regret de devoir vous informer que [le jury] n’a malheureusement pas pu vous inscrire sur la liste de réserve.

L’avis de concours prévoit que, pour toutes les épreuves, une note inférieure au minimum requis entraîne l’élimination.

Vos résultats aux tests de présélection, ainsi qu’aux épreuves écrite et orale sont les suivants:

Test a):                    40,5/60  (minimum requis: 30)

Test b):                    19,5/20 (minimum requis: 10)

Test c):                    31,795/40  (minimum requis: 20)

Épreuve d):           33/50           (minimum requis: 25)

Épreuve e):           23/50           (minimum requis: 25)

[…]»

11      Par courrier du 24 mai 2007, la requérante a formulé une demande de réexamen de sa note de l’épreuve orale.

12      Par lettre datée du 25 juin 2007, la présidente du jury a informé la requérante que le jury avait confirmé la note qu’elle avait obtenue à l’épreuve orale, et que ce résultat était insuffisant pour permettre son inscription sur la liste de réserve.

13      En date du 9 août 2007, la requérante a introduit, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation dirigée contre la décision du 10 mai 2007 de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve et contre la décision du jury dont fait état la lettre du 25 juin 2007.

14      Par décision du 14 décembre 2007, notifiée à la requérante par courrier électronique le 21 décembre 2007 et par courrier postal le 7 janvier 2008, l’autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté la réclamation de la requérante.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision de la Commission du 10 mai 2007 et la décision de rejet de la réclamation du 14 décembre 2007;

–        ordonner que la Commission se prononce sur son inscription sur la liste de réserve dans le respect du principe de l’égalité de traitement et dans le cadre d’une procédure conforme aux dispositions légales;

–        condamner la Commission aux dépens;

–        le cas échéant, rendre un jugement par défaut.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours;

–        condamner la requérante aux dépens de l’instance.

 Sur l’objet du recours

17      Il y a lieu tout d’abord de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8; arrêt du Tribunal de première instance du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T‑33/91, Rec. p. II‑2499, point 23; arrêt du Tribunal du 19 septembre 2007, Talvela/Commission, F‑43/06, non encore publié au Recueil, point 36). Aussi, lorsque, en l’espèce, la requérante conclut à l’annulation de la décision du 10 mai 2007 et de la décision de rejet de la réclamation du 14 décembre 2007, il y a lieu de considérer que ces conclusions en annulation sont uniquement dirigées contre la décision du 10 mai 2007 de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve (ci-après la «décision attaquée»).

18      En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne que la Commission se prononce sur l’inscription de la requérante sur la liste de réserve dans le respect du principe de l’égalité de traitement et dans le cadre d’une procédure conforme aux dispositions légales, il convient de faire observer qu’il n’appartient pas au Tribunal de faire des déclarations ou constatations de principe, ni d’adresser des injonctions à une institution de l’Union, étant précisé qu’au cas où le Tribunal prononce l’annulation d’un acte d’une institution, l’institution concernée est tenue à l’obligation générale, énoncée à l’article 266 TFUE, de prendre les mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt prononçant l’annulation (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 28 octobre 2004, Meister/OHMI, T‑76/03, RecFP p. I‑A‑325 et II‑1477, point 38; ordonnance du Tribunal du 16 mai 2006, Voigt/Commission, F‑55/05, RecFP p. I‑A‑1‑15 et II‑A‑1‑51, points 23 et 25).

19      Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a lieu pour le Tribunal que d’examiner les premières conclusions présentées par la requérante en ce qu’elles tendent à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

20      À l’appui de ses conclusions, la requérante invoque deux moyens, tirés de:

–        la violation du principe d’égalité de traitement;

–        la violation des règles de procédure.

21      Il y a lieu d’examiner plus particulièrement le premier moyen.

 Arguments des parties

22      Par son premier moyen, la requérante allègue, en substance, que le jury aurait violé le principe d’égalité de traitement. Pour soutenir son moyen, la requérante avance plusieurs arguments. Dans les circonstances du cas d’espèce, le Tribunal juge opportun d’examiner dans un premier temps, et conjointement, les arguments de la requérante selon lesquels certaines absences de la présidente du jury seraient injustifiées, les taux de présence des membres du jury auraient été trop faibles, aucun membre du jury n’aurait participé à toutes les épreuves et la fluctuation du jury aurait été importante.

23      Tout d’abord, la requérante relève que, selon une jurisprudence constante, le président du jury ne peut être remplacé que lorsqu’il a démissionné ou qu’il est dans l’impossibilité de siéger à la suite d’événements qui ne dépendent pas de la volonté de l’administration. Or, en l’espèce, la présidente du jury aurait été à de nombreuses reprises remplacée par son suppléant alors qu’il aurait été possible pour la Commission de garantir en pratique sa présence permanente à l’ensemble des épreuves. En effet, à l’exception de l’absence due aux obsèques d’un proche, les autres absences de la présidente du jury n’auraient pas été indépendantes de la volonté de l’administration, comme exigé par la jurisprudence.

24      Ensuite, la requérante fait observer que, pour garantir une application cohérente et uniforme des critères de sélection ainsi que la comparaison objective des prestations de tous les candidats, la jurisprudence exigerait que les examinateurs aient assisté à un grand nombre d’épreuves. La requérante relève que, en l’espèce, les taux de présence des membres titulaires du jury ont été, en ce qui concerne la présidente du jury, de 77,5 % et, en ce qui concerne les deux autres membres titulaires, respectivement de 65,5 % et de 19 %.

25      Enfin, la requérante allègue que la fluctuation du jury a été excessive. Elle constate en effet, que, en plus de leurs faibles taux de présence respectifs, aucun des membres du jury n’a assisté à toutes les épreuves et que, en outre, le jury a siégé en de nombreuses formations différentes.

26      Selon la requérante, les faits susmentionnés démontreraient que la composition du jury aurait été entachée d’irrégularités ayant eu pour conséquence la violation du principe d’égalité de traitement. Par suite, la décision attaquée devrait être annulée pour ce motif. Cette conclusion ne serait pas remise en cause par la circonstance que le jury s’était préalablement mis d’accord sur les critères d’évaluation et sur les questions à poser aux candidats avant le début des épreuves orales, ni par la circonstance que la présidente du jury et son suppléant ont assisté à un nombre important d’épreuves, dont une partie conjointement, car les mesures ainsi prises ne seraient pas, selon la requérante, de nature à garantir le respect du principe d’égalité de traitement.

27      En défense, la Commission relève que, selon la jurisprudence, la composition du jury ne doit rester stable que dans toute la mesure du possible. Ainsi, selon elle, il n’existerait pas de règle exigeant la présence permanente d’un noyau d’examinateurs au sein du jury lors des épreuves orales. En effet, d’après la Commission, la jurisprudence ne se fonderait pas exclusivement sur cet élément, mais sur une série d’indices pour déterminer, au cas par cas, en tenant compte des caractéristiques particulières du concours, si le jury a pris les mesures nécessaires pour assurer une évaluation des candidats dans des conditions d’égalité et d’objectivité.

28      Pour soutenir sa thèse, la Commission s’appuie principalement sur l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 mars 2008, Giannini/Commission (T‑100/04, non encore publié au Recueil). Selon elle, dans cet arrêt, le Tribunal de première instance aurait considéré que, indépendamment de la stabilité du jury, il serait suffisant, pour que le déroulement des épreuves orales soit régulier que, premièrement, le président du jury et son suppléant aient assisté à la grande majorité des épreuves, et conjointement à la partie initiale, afin que ledit suppléant ait pu assimiler la manière dont les critères d’évaluation étaient mis en œuvre par le président du jury et, deuxièmement, que le jury de concours se soit préalablement mis d’accord sur les modalités d’évaluation.

29      Ayant relevé que dans la présente affaire, le jury avait adopté les mêmes mesures que celles ayant été retenues par le Tribunal de première instance dans l’arrêt Giannini/Commission, précité, la Commission en déduit que la solution dégagée dans ledit arrêt devrait être transposée et que, par conséquent, le présent recours devrait être rejeté sans qu’il soit nécessaire de déterminer si les absences de la présidente du jury ont été régulières ou si un noyau d’examinateurs a assisté à un nombre suffisant d’épreuves.

30      En ce qui concerne spécifiquement les absences de la présidente du jury, la Commission estime de surcroît que cette dernière pouvait justifier ses absences, pas seulement par des raisons impératives liées à sa vie privée, mais également en invoquant des obligations professionnelles rendant sa présence impossible. La seule distinction à opérer pour déterminer le caractère justifié ou non d’une absence consisterait à distinguer les obligations prioritaires des travaux administratifs courants, ces derniers n’étant pas admis comme une excuse valable. En l’espèce la nécessité pour la présidente du jury d’assurer la représentation de la Commission devant la Cour de justice de l’Union européenne s’inscrirait parmi les obligations prioritaires ne dépendant pas de l’administration et serait, à ce titre, admise comme une excuse valable. La Commission observe que la fixation de la date d’audience ne relève pas de sa volonté et que les agents ne peuvent pas être remplacés à sa discrétion car seuls ceux ayant été assignés à un dossier connaissent suffisamment l’affaire pour répondre à toutes les questions qui pourraient être posées lors de l’audience. En outre, la Commission estime que, pour être en mesure de participer efficacement à une audience, l’agent doit également s’y préparer et s’y rendre suffisamment à l’avance, ce qui peut avoir pour conséquence qu’il soit indisponible dès la veille. De même, pour assurer correctement le suivi des dossiers, les agents doivent pouvoir s’absenter le lendemain de l’audience. La Commission admet cependant qu’elle n’est pas en mesure de fournir de justification précise en ce qui concerne l’absence de la présidente du jury le 1er février 2007, mais considère que, eu égard aux états de service de ce fonctionnaire, son absence ne pouvait être que légitime.

31      S’agissant des taux de présence des autres membres du jury, la Commission estime que cet argument n’est pas pertinent dès lors que le jury a pris les mesures nécessaires pour garantir la constance des critères de notation employés, à savoir que la présidente du jury et son suppléant ont assisté à la grande majorité des épreuves, et conjointement à la partie initiale, et que les modalités d’évaluation ont été définies par le jury préalablement au début des épreuves. En tout état de cause, la Commission précise qu’en dehors de la présidente, le faible taux de présence d’un des deux autres membres titulaires du jury s’expliquerait par la désignation inopinée de celui-ci en tant que chef d’unité.

32      Au sujet de la fluctuation de la composition du jury, la Commission conteste également la pertinence de cet argument pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent du présent arrêt.

 Appréciation du Tribunal 

33      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, si un jury dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer les candidats lors d’un concours, il doit en contrepartie mener ses travaux dans le respect scrupuleux des règles régissant l’organisation des épreuves (voir en ce sens, notamment, arrêts du Tribunal de première instance du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T‑165/03, RecFP p. I‑A‑343 et II‑1575, point 39, et du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, RecFP p. I‑A‑75 et II‑341, point 38). Le respect scrupuleux des règles régissant l’organisation des épreuves s’impose d’autant plus en ce qui concerne l’épreuve orale que celle-ci est par nature moins uniformisée que l’épreuve écrite (voir, sur ce point, arrêt du Tribunal de première instance du 17 décembre 1997, Moles García Ortúzar/Commission, T‑216/95, RecFP p. I‑A‑403 et II‑1083, point 77).

34      Parmi les règles régissant l’organisation des épreuves figurent les principes d’égalité de traitement et d’objectivité des notations (voir, notamment, arrêt Christensen/Commission, précité, point 43).

35      Pour pouvoir garantir que les appréciations du jury sur tous les candidats examinés lors des épreuves orales seront portées dans des conditions d’égalité et d’objectivité, il importe que les critères de notation soient uniformes et appliqués de manière cohérente à ces candidats (arrêt du Tribunal de première instance du 7 février 2002, Felix/Commission, T‑193/00, RecFP p. I‑A‑23 et II‑101, point 37).

36      Idéalement, le respect des principes d’égalité de traitement et d’objectivité des notations suppose la présence de tous les membres du jury lors de toutes les épreuves. Dans ce contexte, le degré de présence du président du jury constitue un facteur primordial, étant donné le rôle crucial de coordination lui incombant (voir, sur ce point, arrêt du Tribunal de première instance du 24 septembre 2002, Girardot/Commission, T‑92/01, RecFP p. I‑A‑163 et II‑859, point 31). Cependant, dans un concours à la participation nombreuse, lequel se déroule nécessairement sur une longue période, l’organisation d’épreuves orales suscite d’importantes difficultés pratiques, telles que les problèmes de logistique liés à l’organisation d’épreuves orales pour des candidats appartenant à des groupes linguistiques différents et à la nécessité de respecter les exigences de service des membres du jury (arrêt Giannini/Commission, précité, point 196). Ainsi, lorsque la présence de tous les membres du jury lors de toutes les épreuves s’avère impossible à réaliser, la nécessité d’assurer la continuité du service public peut justifier un assouplissement de la rigueur du principe de stabilité du jury (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 février 1979, Martin/Commission, 24/78, Rec. p. 603, point 10), la stabilité du jury ne devant être assurée que pour autant que possible (voir, notamment, arrêt Vonier/Commission, précité, point 39).

37      Néanmoins, le jury ne peut s’affranchir du respect des garanties fondamentales de l’égalité de traitement. C’est pourquoi le jury doit prendre les mesures de coordination nécessaires afin d’assurer, en cas d’absence de certains de ses membres, le respect de la cohérence de la notation et de la comparaison des prestations des candidats (arrêts Christensen/Commission, précité, point 38, et du Tribunal de première instance du 13 septembre 2005, Pantoulis/Commission, T‑290/03, RecFP p. I‑A‑241 et II‑1123, point 90). Dans ces conditions, si cette cohérence est garantie par d’autres moyens, le fait que plusieurs formations du jury ont apprécié l’aptitude des candidats durant les épreuves orales n’empêche pas que, notamment dans un concours général à la participation nombreuse, la composition du jury soit considérée comme suffisamment stable (arrêt Giannini/Commission, précité, points 208 et 216).

38      La pertinence des mesures adoptées afin d’assurer le respect de la cohérence de la notation et de la comparaison des prestations des candidats doit s’apprécier au cas par cas, selon les caractéristiques particulières de chaque concours et les exigences pratiques inhérentes à l’organisation du concours (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Neophytou/Commission, F‑22/05, RecFP p. I‑A‑159 et II‑A‑1‑617, point 44).

39      C’est à la lumière de la jurisprudence qui vient d’être rappelée qu’il convient d’examiner le bien-fondé des irrégularités alléguées par la requérante et de se prononcer sur les conséquences qui y sont attachées. Afin de déterminer si la procédure qui a été suivie a satisfait aux deux exigences fondamentales d’objectivité et d’égalité dans l’évaluation des candidats, il convient de procéder à un examen global de l’organisation des épreuves orales dans les circonstances particulières de l’espèce, en ayant égard à tous les facteurs pertinents. Ces facteurs comprennent notamment le nombre de candidats admis aux épreuves, la fluctuation dans la composition du jury, une attention particulière étant portée aux présences respectives de la présidente du jury et de son suppléant, et les mesures de coordination prises pour garantir l’application cohérente des critères de notation.

40      Selon la requérante, la décision attaquée violerait le principe d’égalité de traitement car le jury n’aurait pas veillé à la stabilité de sa composition. Pour soutenir son moyen, elle relève notamment trois irrégularités, à savoir le caractère injustifié des absences de la présidente du jury, l’absence de présence continue, à tout le moins, d’un noyau d’examinateurs au sein du jury, la présidente y comprise et la fluctuation excessive du jury.

41      En ce qui concerne, premièrement, les absences de la présidente du jury, il convient de rappeler que, eu égard au rôle prépondérant joué par le président au sein du jury, celui-ci a, par principe, l’obligation d’assister à toutes les épreuves afin de coordonner les travaux du jury et de veiller à ce que celui-ci applique uniformément les mêmes critères de notation à tous les candidats et procède à une appréciation comparative de tous les candidats (arrêt du Tribunal de première instance du 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, RecFP p. I‑A‑51 et II‑219, points 42 à 47). De façon exceptionnelle le président peut toutefois s’absenter pour des raisons impérieuses ne dépendant pas de l’administration (arrêt Vonier/Commission, précité, point 37, et la jurisprudence citée). Dans un concours général à la participation nombreuse, il est admis que les critères d’évaluation des épreuves orales peuvent être appliqués de manière uniforme et non discriminatoire si le président titulaire préside la grande majorité des épreuves, et si le président suppléant, qui remplace le président titulaire lors des absences de ce dernier, est également présent lors d’une partie des épreuves présidées par le président titulaire afin d’assimiler les lignes directrices en matière d’évaluation telles qu’elles sont mises en œuvre par le jury (arrêt Giannini/Commission, précité, points 209 à 212).

42      En l’espèce, il convient d’observer que la présidente du jury a été présente à environ 77,5 % des épreuves et que ses absences ont concerné huit jours sur les 36 que comptaient les épreuves, à savoir les 1er et 5 février 2007, les 5 (sauf lors de la première épreuve à laquelle elle fut présente), 6, 7, 8, 28, et 29 mars 2007, ainsi que deux épreuves ayant eu lieu le 27 mars 2007.

43      En ce qui concerne les absences des 7 et 29 mars 2007, celles-ci étaient justifiées par un motif impérieux dès lors qu’elles étaient motivées par la nécessité pour la présidente de participer, en tant qu’agent de la Commission, à deux audiences devant la Cour de justice. En effet, d’une part, la fixation de la date d’audience ne relève pas de la volonté de la Commission et compte tenu du rôle d’auxiliaire de justice des agents des institutions il n’est pas envisageable pour ceux-ci de justifier une demande de report d’audience en invoquant des impératifs professionnels telle que la participation à un jury de concours. D’autre part, même si la Commission a désigné à chaque fois deux agents comme étant en charge du dossier, ce qui rendait en théorie possible la présence d’un seul de ces agents à l’audience, la qualité de la représentation de l’institution en aurait forcément été affectée puisque leur connaissance respective du dossier ne portait pas nécessaire sur les mêmes aspects.

44      En ce qui concerne les absences des 5 et 6 mars 2007, ainsi que des 27 et 28 mars, veilles et avant-veilles des audiences à la Cour de justice, il y a lieu de constater qu’il était nécessaire pour la présidente du jury de se préparer auxdites audiences et à plus forte raison de s’y rendre. Quant à savoir si une ou deux journées d’absences étaient nécessaires, cette appréciation, liée à la complexité des affaires concernées, ne dépend pas du Tribunal, de sorte que, sauf si leur nombre avait été manifestement excessif, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les absences de la présidente du jury ne peuvent être considérées comme étant injustifiées.

45      Ne peut non plus être considérée comme injustifiée l’absence du 8 mars 2007, lendemain de l’une des audiences devant la Cour de justice, absence due à ce que la présidente du jury devait rendre compte du déroulement de ladite audience.

46      En revanche, la Commission n’a pas été à même de justifier par des raisons impérieuses l’absence de la présidente du jury le 1er février 2007. Cependant, une seule absence inexpliquée n’est pas de nature à conduire à une violation du principe d’égalité de traitement.

47      En outre, il y a lieu de constater en l’espèce, eu égard au nombre de candidats au concours, que les absences de la présidente du jury sont restées en nombre limité, et que, de ce point de vue, il semble possible de faire le parallèle entre la présente affaire pour laquelle le taux de présence de la présidente du jury aux épreuves est d’environ 77,5 % et l’affaire Giannini/Commission, dans laquelle le président titulaire avait été présent à 85 % des épreuves et n’avait été absent pour des raisons non impérieuses que de façon ponctuelle, lors de cinq épreuves sur un nombre total d’épreuves similaires, à savoir 280 (arrêt Giannini/Commission, précité, points 205 et 215). De plus, pendant les absences de la présidente, le jury du concours a été présidé par le président suppléant, lequel avait assisté conjointement avec la présidente à un total de 216 épreuves sur 279, dont les 63 premières, assurant ainsi, comme dans l’affaire Giannini/Commission, une continuité dans la présidence du jury (arrêt Giannini/Commission, précité, points 209 à 212). Par conséquent, les absences de la présidente du jury, prises isolément, ne sont pas de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée. Ces absences doivent être mises en balance avec les autres facteurs pertinents pour déterminer si une stabilité suffisante dans la composition du jury a été assurée.

48      En ce qui concerne, deuxièmement, la présence, à tout le moins, d’un noyau d’examinateurs au sein du jury, il convient de rappeler que, indépendamment de la présence du président du jury aux épreuves, la présence importante d’un nombre suffisant d’examinateurs est requise pour que soient garanties la cohérence de la notation ainsi que l’appréciation comparative des candidats. Néanmoins, compte tenu des difficultés liées à l’organisation d’un concours à la participation nombreuse, tel celui de l’espèce, pour qu’il existe un noyau d’examinateurs au sein du jury apte à assurer une stabilité suffisante, il n’est pas nécessaire que les membres de ce noyau aient assisté à toutes les épreuves (voir, en ce sens, arrêt Giannini/Commission, précité, point 212).

49      En l’espèce, le Tribunal relève, sur la base du tableau communiqué par la Commission concernant la composition du jury pendant les différentes épreuves que, à l’exception de la présidente qui a été présente à environ 77,5 % des épreuves, les taux de présence des deux autres membres titulaires ont été respectivement d’environ 19 % et 65,5 % et que, en outre, lors de 88 épreuves sur un total de 279 épreuves, aucun des deux membres titulaires n’a siégé au sein du jury.

50      Partant de ces données chiffrées et de la prémisse que l’obligation de participer aux épreuves orales repose de toute évidence au premier chef sur les membres titulaires, il y a lieu de constater qu’en l’espèce les taux de présence des deux membres titulaires autres que la présidente, sont particulièrement bas. Ils sont d’ailleurs largement inférieurs à ceux des deux membres titulaires, hormis le président, ayant les taux de présence les plus élevés dans l’affaire Giannini/Commission (arrêt Giannini/Commission, précité, point 212), lesquels étaient, respectivement, de 81 % et 83,5 %.

51      Si un membre suppléant peut remplacer un membre titulaire en cas d’absence de ce dernier, il n’en demeure pas moins que lorsque, comme en l’espèce, les taux de présence des membres titulaires sont particulièrement bas, une telle absence appelle une justification (voir, a contrario, arrêt Neophytou/Commission, précité, point 56), laquelle n’a pas été fournie par la Commission.

52      Certes, la Commission avance une justification en ce qui concerne les absences du membre du jury titulaire qui n’a été présent qu’à environ 19 % des épreuves, à savoir la nomination inopinée de ce dernier comme chef d’unité, mais il y a lieu de relever que cette raison ne peut pas être considérée comme indépendante de la volonté de l’administration puisque c’est la Commission elle-même qui a procédé à cette nomination et qu’elle aurait pu prendre des mesures pour permettre à ce membre du jury d’assister aux épreuves. Il s’ensuit que cette justification ne saurait être retenue comme valable.

53      En outre, même à inclure les membres du jury suppléants parmi les examinateurs susceptibles de former un noyau, il y a lieu de constater que leurs taux de présence à eux aussi sont faibles, largement en deçà de ceux constatés dans l’affaire Giannini/Commission, puisque le taux de présence le plus élevé chez les membres suppléants atteint en l’espèce seulement 52,5 %.

54      En ce qui concerne, troisièmement, la fluctuation du jury, le Tribunal relève, sur la base du tableau communiqué par la Commission que les membres titulaires n’ont siégé ensemble qu’à environ 15 % des épreuves, qu’aucune formation du jury, même composée d’un ou de plusieurs membres suppléants, n’a siégé à l’identique dans un grand nombre d’épreuves, et que, au mieux, un même membre titulaire du jury, n’a siégé qu’à 77,5 % des épreuves.

55      Ces trois indices démontrent que la composition du jury du concours a fluctué de façon importante. Dans cette situation de modification constante de la composition du jury, certains des membres du jury n’ont entendu les prestations que d’un nombre restreint de candidats, et, de ce fait, n’ont pu procéder qu’à une appréciation comparative très partielle de l’ensemble des prestations des candidats.

56      À cet égard, il est à noter que dans la présente affaire, la fluctuation du jury a été considérablement plus marquée que dans l’affaire Giannini/Commission, puisque, en l’espèce, le pourcentage des candidats interrogés par la formation composée de tous les membres titulaires, soit environ 15 %, ainsi que le taux de présence du membre titulaire ayant assisté au plus grand nombre d’épreuves, soit 77,5 %, ont été largement inférieurs à ceux relevés dans l’affaire Giannini/Commission, lesquels étaient, respectivement, de 68 % et de 85 %.

57      Même si en l’espèce, comme dans l’affaire Giannini/Commission, invoquée par la Commission, la continuité de la présidence du jury ne saurait être critiquée en tant que telle en raison des mesures prises pour assurer la coordination entre la présidente du jury et son suppléant, il n’en reste pas moins que le faible taux de présence des membres titulaires ainsi que la fluctuation importante du jury dans son ensemble durant les épreuves orales n’ont pas été compensés par une présence permanente de la même personne au niveau de la présidence du jury.

58      Certes, il faut reconnaître, comme le souligne la Commission, que, compte tenu des difficultés pratiques inhérentes à l’organisation de concours généraux à la participation nombreuse, on ne peut pas exiger, dans de tels concours, le même degré de stabilité dans la composition du jury que dans des concours à la participation réduite (voir, en ce sens, arrêt Neophytou/Commission, précité, point 44). Néanmoins, il résulte de la combinaison des circonstances relevées ci-dessus, à savoir, premièrement, que le noyau d’examinateurs présent aux épreuves se soit limité à la présidente du jury et à son suppléant, faute pour les autres membres du jury d’avoir assisté à un nombre suffisant d’épreuves et, deuxièmement, qu’aucune formation n’a siégé à l’identique à un grand nombre d’épreuves orales, que dans la présente affaire la composition du jury n’a pas fourni un degré de stabilité de nature à assurer le respect des principes d’objectivité des notations et d’égalité de traitement, ce qui doit être qualifié, compte tenu de l’importance de ces principes, de violation des formes substantielles (arrêt Vonier/Commission, précité, point 39).

59      Cette appréciation n’est pas remise en cause par les circonstances que, d’une part, le président suppléant avait assisté, conjointement avec la présidente, à la partie initiale des épreuves afin d’assimiler la manière de mettre en oeuvre les critères d’évaluation et que, d’autre part, le jury s’était préalablement mis d’accord sur les modalités d’évaluation. En effet, si ces circonstances ont été considérées, dans l’affaire Giannini/Commission, comme ayant assuré la cohérence de la notation et l’appréciation comparative du jury, c’est en raison de la stabilité sensiblement plus grande du jury dans ladite affaire. Dans le cas d’espèce, la stabilité du jury ayant été faible, les deux circonstances susmentionnées ne sauraient être considérées comme ayant pu garantir la cohérence de la notation.

60      En conséquence, le recours doit être considéré comme fondé en tant que dirigé contre la décision attaquée. Il s’ensuit que la décision attaquée doit être annulée sans qu’il soit nécessaire ni d’examiner les autres griefs présentés au soutien du premier moyen, ni le second moyen présenté par la requérante.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

62      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la Commission est la partie qui succombe. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé à ce que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête:

1)      La décision de la Commission européenne, du 10 mai 2007, de ne pas inscrire Mme Honnefelder sur la liste de réserve du concours EPSO/AD/26/05 est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à l’ensemble des dépens.

Mahoney

Boruta

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu


* Langue de procédure: l’allemand.