Language of document : ECLI:EU:C:2020:146

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

3 mars 2020 (*)

« Pourvoi – Protection des obtentions végétales – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑886/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 décembre 2019,

Pink Lady America LLC, établie à Yakima, Washington (États-Unis), représentée par MR. Manno, puis par Mes R. Manno et S. Sabino, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office communautaire des variétés végétales (OCVV),

partie défenderesse en première instance,

Western Australian Agriculture Authority (WAAA), établie à South Perth (Australie), représentée par Mes T. Bouvet et L. Romestant, avocats,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, Mme L. S. Rossi et M. F. Biltgen (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Pink Lady America demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2019, Pink Lady America/OCVV – WAAA (Cripps Pink) (T‑112/18, non publié, EU:T:2019:380), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la chambre de recours de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV) du 14 septembre 2017 (affaire A 007/2016), relative à une procédure de nullité entre la WAAA et Pink Lady America.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’OCVV est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphe 3, de ce règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission de ce pourvoi, la requérante fait valoir que le pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union justifiant son admission.

7        En premier lieu, s’agissant du critère relatif à l’unité du droit de l’Union, la requérante reproche, tout d’abord, au Tribunal d’avoir méconnu l’article 10 du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO 1994, L 227, p. 1) en jugeant que, malgré les preuves d’une intense commercialisation en Australie de la variété de pommiers Cripps Pink depuis 1985, la nouveauté de cette variété végétale n’était pas remise en cause, étant donné que d’autres éléments de preuve permettaient d’établir que les cessions de spécimens de cette variété avaient été effectuées « à des fins d’essais et d’évaluation ». Ce faisant, le Tribunal aurait effectué une lecture erronée de l’article 10, paragraphe 2, dudit règlement.

8        Ensuite, la requérante fait valoir que l’arrêt attaqué procède d’une application sélective de la jurisprudence du Tribunal, dès lors que ce dernier a rappelé qu’une cession d’une variété végétale à des fins d’essais ne remet pas en cause la nouveauté au sens de l’article 10 du règlement n° 2100/94 en omettant, cependant, d’examiner si les conditions d’application d’une telle exception étaient remplies s’agissant de la variété végétale dont elle conteste la protection communautaire.

9        Enfin, la requérante soutient que, en jugeant que l’OCVV ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire pour accepter des faits et des éléments de preuve soumis en dehors des délais qu’il a imparti dans le cadre d’une procédure, le Tribunal a sensiblement restreint l’intérêt public qui s’attache au critère de la nouveauté d’une variété végétale.

10      En deuxième lieu, en ce qui concerne le critère relatif à la cohérence du droit de l’Union, la requérante reproche au Tribunal d’avoir fondé ses conclusions sur une interprétation erronée de sa propre jurisprudence, en considérant, d’une part, que la cession par l’obtenteur de matériel de la variété protégée, en l’absence de mention expresse de l’autorisation en vue d’un usage commercial, ne valait pas consentement aux fins d’une exploitation commerciale et, d’autre part, que l’échelle à laquelle la variété contestée avait été exploitée n’était pas un élément prouvant l’intention commerciale d’une telle exploitation.

11      En troisième lieu, s’agissant du critère relatif au développement du droit de l’Union, la requérante met en avant le caractère inédit de l’interprétation de l’article 53 bis, paragraphe 4, du règlement no 874/2009 à laquelle a procédé le Tribunal dans l’arrêt attaqué. Or, cette interprétation serait d’autant plus cruciale que le Tribunal y aurait retenu une approche restrictive de cette disposition, déniant à l’OCVV toute marge d’appréciation dans l’admission d’éléments de faits et de preuves. Partant, le pourvoi soulèverait une question de droit nouvelle.

12      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut a pour objectif de limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par la requérante doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14 et jurisprudence citée).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt attaqué, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

15      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

16      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation figurant aux points 7 et 9 de la présente ordonnance, il convient de rappeler que la requérante au pourvoi doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi, et, en définitive, celui de son pourvoi (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 18).

17      Or, une telle démonstration ne ressort pas d’une telle argumentation. En effet, la requérante cherche, en définitive, à obtenir une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve qu’elle a soumis à l’appréciation du Tribunal. Cependant, un argument qui vise à remettre en cause l’appréciation des faits ou des éléments de preuve effectuée par le Tribunal ne saurait soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 10 octobre 2019, KID-Systeme/EUIPO, C‑577/19 P, non publiée, EU:C:2019:854, point 20).

18      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’argumentation évoquée aux points 8 et 10 de la présente ordonnance, tirée de ce que le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence pertinente, il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur de la demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que le présent pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 17). Or, en l’occurrence, la requérante, sans respecter de telles exigences, se borne à affirmer que le Tribunal n’a pas respecté sa propre jurisprudence.

19      S’agissant, en troisième lieu, de l’argument invoqué au point 11 de la présente ordonnance, selon lequel le pourvoi soulèverait une question de droit nouvelle, il y a lieu de rappeler qu’une telle circonstance ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour le développement du droit de l’Union, la requérante étant toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère nouveau de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard d’un tel développement (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 19). Or, en l’espèce, la requérante est restée en défaut d’apporter de telles indications.

20      En tout état de cause, par son argument relatif à la prise en compte des documents présentés dans les délais prescrits par l’OCVV, la requérante remet en cause les appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal, en contestant la date à laquelle lesdits documents ont été présentés. Or, ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée au point 17 de la présente ordonnance, un tel argument ne saurait soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

21      Dans ces conditions, il convient de considérer que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

24      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Pink Lady America LLC supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.