Language of document : ECLI:EU:C:2019:797

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

30 septembre 2019 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne –Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question de droit pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑461/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 juin 2019,

All Star CV, établie à Hilversum (Pays-Bas), représentée par M. S. Malynicz, QC, et M. A. Artinian, solicitor, ainsi que par Me A. Newnes, avocate,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Carrefour Hypermarchés, établie à Évry (France),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, MM. T. von Danwitz et C. Vajda (rapporteur),

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, All Star CV demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 mars 2019, All Star/EUIPO ‑ Carrefour Hypermarchés (Forme d’une semelle de chaussure) (T‑611/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:210), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 27 juin 2017 (affaire R 952/2014-4), relative à une procédure de nullité entre Carrefour Hypermarchés et All Star.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, dudit statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphe 3, de ce règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que le pourvoi soulève une question importante pour le développement et la cohérence du droit de l’Union.

7        En particulier, le pourvoi soulèverait la question de savoir si la notion de « faits notoires » que l’EUIPO peut, en vertu de la jurisprudence de l’Union, examiner au titre de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (ci-après le « règlement n° 207/2009 ») doit être interprétée d’une manière stricte comme ne comprenant que les faits incontestables qui n’exigent aucune preuve ni aucune prise de position de la part des parties ou si, en revanche, cette notion doit être interprétée d’une manière large comme comprenant tout fait, à l’exception des informations hautement techniques, pouvant être connu au moyen de sources facilement accessibles, telles que, notamment, les sites Internet, alors même que de tels faits ne seraient pas nécessairement incontestables et pourraient nécessiter une prise de position des parties en présence.

8        En s’appuyant sur le fait qu’il n’existerait pas de jurisprudence de la Cour énonçant un critère juridique permettant de définir la notoriété d’un fait, la requérante fait valoir que la clarification du sens et de la portée de la notion de « faits notoires » par la Cour est importante pour le développement du droit de l’Union. Dans ce contexte, la requérante soutient que l’interprétation large de cette notion, qui aurait été retenue par le Tribunal, est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense du demandeur à qui l’EUIPO oppose un fait notoire qui n’est pas indéniable.

9        Par ailleurs, en se référant au fait que la plupart des États membres auraient retenu une approche plus étroite de la notion de « faits notoires » que celle adoptée par l’EUIPO et confirmée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, la requérante soutient qu’il serait préjudiciable pour la cohérence du droit de l’Union que, en matière de nullité, l’EUIPO, d’une part, et les juridictions des États membres agissant comme tribunaux des marques de l’Union et appelées à appliquer le règlement nº207/2009 conformément aux articles 95 et suivants de ce règlement, d’autre part, appliquent des critères juridiques différents afin d’apprécier le caractère notoire d’un fait.

 Appréciation de la Cour

10      Il convient d’emblée de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 16 septembre 2019, Kiku/OCVV, C‑444/19 P, non publiée, EU:C:2019:746, point 11).

11      Or, une telle démonstration ne ressort pas de la demande d’admission du pourvoi.

12      En premier lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est admis en partie, l’ordonnance déclarant une telle admission doit préciser les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. Ainsi, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments permettant à la Cour d’effectuer une telle précision.

13      En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis du statut de la Cour vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi.

14      Ainsi, dans sa demande d’admission du pourvoi, le requérant doit, en tout état de cause, indiquer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué.

15      En l’occurrence, la demande d’admission du pourvoi introduite par la requérante n’indique pas les moyens concrets sur lesquels le pourvoi est fondé. Dans de telles conditions, la Cour n’est pas en mesure d’identifier les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse devrait porter en cas d’admission du pourvoi ni, partant, d’effectuer le contrôle prévu à l’article 170 ter, paragraphe 4, de ce règlement.

16      En deuxième lieu, il importe de souligner que, s’agissant de l’argumentation avancée par la requérante quant à l’importance de la question qu’elle invoque pour le développement du droit de l’Union, qui est fondée sur la nouveauté de cette question, le fait qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’examen par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour le développement du droit de l’Union, la requérante étant toujours tenue de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère de nouveauté de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard d’un tel développement.

17      Contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’argumentation avancée par cette dernière n’est pas susceptible de démontrer l’importance de la question de droit qui serait soulevée par le pourvoi pour le développement du droit de l’Union.

18      En effet, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, aux fins de l’examen du caractère distinctif d’une marque, les organes de l’EUIPO peuvent fonder leurs décisions sur des faits notoires. Dans de telles circonstances, les organes de l’EUIPO ne doivent pas établir, dans leurs décisions, l’exactitude de tels faits. Par ailleurs, un demandeur à qui l’EUIPO oppose des faits notoires est en mesure de contester leur exactitude devant le Tribunal, celui-ci devant alors examiner ce fait et son exactitude. Enfin, aux fins de cet examen, l’EUIPO peut avancer des arguments et présenter des éléments de preuve afin de démontrer l’exactitude des faits notoires allégués (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, LG Electronics/OHMI, C‑88/11 P, non publié, EU:C:2011:727, points 27 à 31, ainsi que jurisprudence citée).

19      Ainsi, contrairement à ce que la requérante prétend, la jurisprudence de la Cour fournit des orientations sur le sens et la portée de la notion de « faits notoires » dans le cadre de l’article 76, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009. En effet, en reconnaissant au demandeur à qui l’EUIPO oppose de tels faits le droit de contester leur exactitude devant le Tribunal ainsi que le droit de l’EUIPO de présenter des arguments et des éléments afin d’établir l’exactitude desdits faits, force est de constater que la Cour a admis que l’EUIPO peut considérer comme notoires des faits qui ne sont pas incontestables et qui peuvent nécessiter une prise de position de la part des parties et que, dès lors, elle n’a pas retenu l’interprétation stricte de la notion de « faits notoires » invoquée par la requérante.

20      En outre, la Cour est manifestement partie de cette prémisse en indiquant, au point 54 de l’arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI (C‑25/05 P, EU:C:2006:422), que le Tribunal n’avait pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’EUIPO avait pu légitimement fonder ses constatations sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en cause et susceptibles d’être connus de toute personne.

21      En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation avancée par la requérante quant à l’importance de ladite question pour la cohérence du droit de l’Union, s’il est vrai que des divergences entre les juridictions des États membres seraient susceptibles de compromettre l’unité de l’ordre juridique de l’Union, il n’en demeure pas moins que la procédure du renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE a précisément pour but de garantir l’unité d’interprétation du droit de l’Union et de permettre ainsi d’assurer sa cohérence.

22      Partant, l’argumentation avancée par la requérante n’est pas susceptible de démontrer l’importance de la question de droit qui serait soulevée par le pourvoi pour la cohérence du droit de l’Union.

23      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne  :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      All Star CV supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 30 septembre 2019.

Le greffier

 

La vice-présidente

A. Calot Escobar

 

R. Silva de Lapuerta


*      Langue de procédure : le français.