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Demande de décision préjudicielle présentée par ordonnance de la Court of Appeal (Civil Division) (England and Wales), rendue le 23 novembre 2005, dans l'affaire 1) The International Transport Workers' Federation 2) The Finnish Seamen's Union contre 1) Viking Line ABP 2) OU Viking Line Eesti

(Affaire C-438/05)

(Langue de procédure: l'anglais)

La Cour de justice des Communautés européennes a été saisie d'une demande de décision à titre préjudiciel par ordonnance de la Court of Appeal (Civil Division) (England and Wales), rendue le 23 novembre 2005, dans l'affaire 1) The International Transport Workers' Federation 2) The Finnish Seamen's Union contre 1) Viking Line ABP 2) OU Viking Line Eesti, et qui est parvenue au greffe de la Cour le 6 décembre 2005.

La Court of Appeal (Civil Division) (England and Wales) demande à la Cour de justice de statuer sur les questions suivantes:

Champ d'application des dispositions relatives à la libre circulation

1)    Lorsqu'un syndicat ou une association de syndicats mène une action collective à l'encontre d'une entreprise privée afin d'obliger cette dernière à conclure une convention collective de travail avec un syndicat établi dans un État membre particulier, ce qui a pour effet de rendre inutile pour cette entreprise le changement de pavillon d'un navire au profit de celui d'un autre État membre, cette action échappe-t-elle au champ d'application de l'article 43 CE et/ou du règlement nº 4055/86 1, en raison de la politique sociale communautaire comprenant entre autres le Titre XI du traité CE et, en particulier, par analogie au raisonnement de la Cour dans l'arrêt du 21 septembre 1999, Albany (Rec. p. I-5751, points 52 à 64)?

Effet direct horizontal

2)    L'article 43 CE et/ou le règlement nº 4055/86 ont-ils un effet direct horizontal de manière à conférer des droits à une entreprise privée susceptibles d'être opposés à une autre partie privée et, en particulier, à un syndicat ou à une association de syndicats en ce qui concerne une action collective menée par ce syndicat ou cette association de syndicats?

Existence de restrictions à la libre circulation

3)    Lorsqu'un syndicat ou une association de syndicats mène une action collective à l'encontre d'une entreprise privée afin d'obliger cette dernière à conclure une convention collective de travail avec un syndicat établi dans un État membre particulier, ce qui a pour effet de rendre inutile pour cette entreprise le changement de pavillon d'un navire au profit de celui d'un autre État membre, cette action constitue-t-elle une restriction aux fins de l'article 43 CE et/ou du règlement nº 4055/86?

4)    Une politique menée par une association de syndicats, selon laquelle les navires devraient battre le pavillon du pays dans lequel se trouvent la propriété effective et le contrôle du navire de sorte que les syndicats établis dans le pays de la propriété effective d'un navire ont le droit de conclure des conventions collectives de travail en ce qui concerne ce navire, est-elle une restriction directement discriminatoire, indirectement discriminatoire ou non discriminatoire selon l'article 43 CE ou le règlement nº 4055/86?

5)    En déterminant si l'action collective menée par un syndicat ou une association de syndicats constitue une restriction directement discriminatoire, indirectement discriminatoire ou non discriminatoire selon l'article 43 CE ou le règlement nº 4055/86, l'intention subjective du syndicat menant l'action est elle pertinente, ou la juridiction nationale doit-elle trancher la question en se référant uniquement aux effets objectifs de cette action?

Établissement/services

6)    Lorsqu'une société mère est établie dans un État membre A et qu'elle projette de s'établir dans l'État membre B en y transférant le pavillon d'un navire qui doit être exploité par une filiale à 100 % existant dans l'État membre B et soumise à la gestion et au contrôle de la société mère:

    a)    la menace d'une action collective ou l'action collective même menée par un syndicat ou une association de syndicats, qui tenterait de faire de l'opération décrite ci-dessus un exercice inutile du droit d'établissement que l'article 43 CE confère à la société mère, est-elle susceptible de constituer une restriction de ce droit, et

    b)    après le changement de pavillon du navire, la filiale est-elle en droit de se fonder sur le règlement nº 4055/86 en ce qui concerne les services qu'elle fournit de l'État membre B vers l'État membre A?

Justification

    Discrimination directe

7)    Si l'action collective menée par un syndicat ou une association de syndicats constitue une restriction directement discriminatoire selon l'article 43 CE ou le règlement nº 4055/86, peut-elle en principe être justifiée sur le fondement de l'exception d'ordre public énoncée à l'article 46 CE:

    a)    au motif que l'exercice d'une action collective (dont le mouvement de grève) est un droit fondamental protégé par le droit communautaire; et/ou

    b)    en raison de la protection des travailleurs?

    La politique de l'ITF: justification objective

8)    La mise en œuvre par une association de syndicats d'une politique selon laquelle les navires devraient battre le pavillon du pays dans lequel se trouvent la propriété effective et le contrôle du navire de sorte que les syndicats établis dans le pays de la propriété effective d'un navire ont le droit de conclure des conventions collectives de travail en ce qui concerne ce navire, respecte-t-elle un juste équilibre entre, d'une part, le droit social fondamental de mener une action collective et, d'autre part, la liberté d'établissement et la libre prestation des services, et est-elle objectivement justifiée, appropriée, proportionnée et conforme au principe de reconnaissance mutuelle?

    Les actions du FSU: justification objective

9)    Lorsque:

    -    une société mère établie dans un État membre A est propriétaire d'un navire battant pavillon de l'État membre A et qu'elle fournit des services de ferry entre l'État membre A et l'État membre B en utilisant ce navire;

    -    que la société mère souhaite changer le pavillon du navire au profit de celui de l'État membre B pour appliquer des conditions d'emploi moins favorables que celles en vigueur dans l'État membre A;

    -    que la société mère dans l'État membre A est propriétaire à 100 % d'une filiale établie dans l'État membre B et que cette filiale est soumise à sa gestion et à son contrôle;

    -    qu'il est prévu que la filiale exploitera le navire une fois qu'il aura été transféré sous le pavillon de l'État membre B avec un équipage recruté dans l'État membre B, couvert par une convention collective de travail négociée avec un syndicat affilié à l'ITF, situé dans l'État membre B;

    -    que la société mère conservera la propriété effective du navire et que le navire seul sera affrété auprès de la filiale;

    -    que le navire continuera de fournir quotidiennement des services de ferry entre l'État membre A et l'État membre B;

    -    qu'un syndicat établi dans l'État membre A mène une action collective pour obliger la société mère et/ou la société filiale à conclure une convention collective de travail avec lui, qui appliquera à l'équipage du navire des modalités acceptables pour le syndicat établi dans l'État membre A, même après changement de pavillon, et qui a pour effet de rendre inutile pour la société mère le changement de pavillon du navire au profit de celui de l'État membre B,

ce mouvement de grève collectif respecte-t-il un juste équilibre entre, d'une part, le droit social fondamental de mener une action collective et, d'autre part, la liberté d'établissement et la libre prestation des services, et est-il objectivement justifié, approprié, proportionné et conforme au principe de reconnaissance mutuelle?

10)    La réponse à la question 9) serait-elle différente si la société mère s'engageait devant une juridiction, en son nom propre et au nom de toutes les sociétés du même groupe, à ne pas mettre fin, en raison du changement de pavillon, à l'emploi de toute personne employée par elles (engagement qui n'exigeait pas le renouvellement des contrats de travail à courte durée ni n'empêchait le réaffectation de tout salarié à des conditions équivalentes)?

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1 - Règlement (CEE) nº 4055/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transport maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers.