Language of document : ECLI:EU:F:2011:75

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

10 juin 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Prise en charge à 100 % de frais médicaux – Décision implicite de rejet – Réclamation prématurée – Irrecevabilité »

Dans l’affaire F‑56/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

André Hecq, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Chaumont-Gistoux (Belgique), représenté par Me L. Vogel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney (rapporteur), président, Mmes I. Boruta et M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2010, M. Hecq demande l’annulation de la décision du 20 octobre 2009 par laquelle la Commission des Communautés européennes a rejeté sa demande du 25 septembre 2009 tendant au remboursement de médicaments à hauteur de 100 %.

 Cadre juridique

 Dispositions relatives à la couverture des risques de maladie

2        L’article 72, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d’une réglementation établie d’un commun accord par les institutions de l’Union après avis du comité du statut, le fonctionnaire, son conjoint, lorsque celui-ci ne peut pas bénéficier de prestations de même nature et de même niveau en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires, ses enfants et les autres personnes à sa charge […] sont couverts contre les risques de maladie. […]

[…] »

 Dispositions relatives à la couverture des risques de maladie professionnelle et d’accident

 Statut

3        L’article 73 du statut prévoit :

« 1. Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des institutions de l’Union après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. […]

2. Les prestations garanties sont les suivantes :

a)      […]

b)      [e]n cas d’invalidité permanente totale :

[p]aiement à l’intéressé d’un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’accident ;

c)      [e]n cas d’invalidité permanente partielle :

[p]aiement à l’intéressé d’une partie de l’indemnité prévue [sous] b), ci-dessus, calculée sur la base du barème fixé par la réglementation prévue au paragraphe 1 ci-dessus.

[…]

Les prestations énumérées ci-dessus peuvent être cumulées avec celles qui sont prévues au chapitre 3 ci dessous.

3. Sont en outre couverts, dans les conditions fixées par la réglementation prévue au paragraphe 1 ci-dessus, les frais médicaux, pharmaceutiques, d’hospitalisation, chirurgicaux, de prothèse, de radiographie, de massage, d’orthopédie, de clinique et de transport, ainsi que tous les frais similaires nécessités par l’accident ou la maladie professionnelle.

Toutefois, ce remboursement n’interviendra qu’après épuisement et en supplément de ceux que le fonctionnaire percevra par application des dispositions de l’article 72. »

 Réglementation de couverture prise en application de l’article 73 du statut

4        Le 13 décembre 2005, les institutions de l’Union ont arrêté une réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires de l’Union, laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 2006 (ci-après la « réglementation de couverture »).

5        L’article 9, paragraphe 1, de la réglementation de couverture dispose :

« L’assuré victime d’un accident ou d’une maladie professionnelle a droit au remboursement de tous les frais nécessités pour le rétablissement aussi complet que possible de son intégrité physique ou psychique et pour tous les soins et traitements nécessités par les suites des lésions subies et leurs manifestations, et s’il y a lieu, des frais nécessités par la réadaptation fonctionnelle et professionnelle de la victime.

Toutefois, si l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’institution dont relève l’assuré considère certains frais comme excessifs ou non nécessaires, elle peut, sur avis du médecin désigné par elle, les réduire à un montant jugé raisonnable ou, le cas échéant, refuser le remboursement.

Les frais mentionnés aux premier et deuxième alinéas sont remboursés à l’assuré, au titre de la présente réglementation, par l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’institution dont relève l’assuré, après la prise en charge, par le régime d’assurance maladie prévu à l’article 72 du statut, de la part incombant à ce régime dans les conditions y prévues. »

 Faits à l’origine du litige

 Cadre général du litige

6        Le requérant a été recruté par la Commission en 1967, en qualité de technicien chauffagiste. Affecté aux services techniques de la Commission, il a notamment travaillé à l’achèvement, à l’aménagement et à l’entretien du bâtiment dénommé « Berlaymont » situé à Bruxelles (Belgique). À cette occasion, il a été particulièrement exposé au risque de contamination due à l’amiante. En 1997, dans le cadre d’examens médicaux organisés par la Commission pour son personnel, une « fibro-hialinose pleurale d’origine asbestique », c’est-à-dire provoquée par l’inhalation de poussières d’amiante, a été diagnostiquée chez le requérant.

7        Par décision du 23 juin 1998, la Commission a reconnu l’origine professionnelle des lésions pleurales caractéristiques d’une exposition à l’amiante présentées par le requérant, mais a considéré, conformément à l’avis du médecin-conseil de l’institution, que ces lésions « ne pouv[ai]ent [alors] donner lieu à la reconnaissance d’un taux d’invalidité permanente partielle [sur le fondement de l’article 73 du statut], […] celles-ci n’[ayant] aucune incidence invalidante sur la fonction respiratoire ».

8        Par une note du 29 avril 2003, le requérant a sollicité la révision de son dossier, afin de se voir reconnaître un taux d’invalidité permanente. Au soutien de sa demande, le requérant a communiqué un rapport de son médecin traitant faisant apparaître un « déficit de diffusion CO significatif », ainsi qu’une anxiété grandissante face au risque de développement d’affections pulmonaires.

9        Cette demande de révision a été suivie d’une procédure marquée par diverses étapes qu’il n’est pas nécessaire de rappeler dans le cadre du présent litige. Seules les étapes de cette procédure pertinentes pour le présent litige seront résumées ci-après.

10      La commission médicale, constituée conformément aux dispositions de la réglementation de couverture à la suite de sa saisine par le requérant le 7 juillet 2004, a établi un rapport, transmis à l’AIPN le 13 juillet 2009, et concluant « qu’il n’y a pas d’aggravation de la maladie professionnelle reconnue ou d’autres nouvelles maladies d’origine professionnelle ». Ce rapport relève notamment, reprenant sur ce point les conclusions d’un spécialiste consulté par la commission médicale à plusieurs reprises, que « si l’intéressé présente effectivement des traces d’exposition à l’asbeste avec présence de plaques pleurales, celles-ci n’ont aucune incidence sur [s]a fonction pulmonaire ». Par ailleurs, le rapport émet l’avis selon lequel « les troubles psychologiques avancés par l’intéressé sont uniquement en relation avec une frustration liée à la non reconnaissance de ce qu’il considère comme une importante invalidité alors que les éléments objectifs du dossier montrent à suffisance que l’intéressé ne présente aucune invalidité ». En ce qui concerne les frais médicaux, le rapport indique que, « dans l’état actuel de la situation, étant donné l’absence de tout retentissement sur la capacité pulmonaire de l’intéressé, aucun frais futur ne doit être prévu ».

11      Par décision du 7 septembre 2009, l’AIPN, sur la base du rapport de la commission médicale du 13 juillet 2009, a rejeté la demande du requérant tendant à se voir reconnaître un taux d’invalidité permanente partielle ainsi que l’origine professionnelle de ses troubles psychologiques.

12      Le 9 décembre 2009, le requérant a formé une réclamation contre la décision de l’AIPN du 7 septembre 2009.

13      La réclamation du requérant a été rejetée par décision de l’AIPN du 5 mars 2010.

14      Le 18 juin 2010, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours par lequel il demande l’annulation de la décision de l’AIPN du 7 septembre 2009. Ce recours a été enregistré sous la référence F‑47/10.

 Demandes de remboursement de frais médicaux

15      Le 25 septembre 2009, le requérant a sollicité le remboursement à 100 % de diverses prestations médicales, dont des médicaments antidépresseurs prescrits par un médecin psychiatre, pour un montant de 42,23 euros (ci-après la « prestation litigieuse »).

16      La prestation litigieuse a fait l’objet d’un remboursement à 85 %, pour un montant de 35,90 euros, au titre de l’article 72 du statut, selon un décompte no 171 du 20 octobre 2009.

17      Le 20 janvier 2010, le requérant a formé une réclamation contre, notamment, la décision refusant de rembourser à 100 % la prestation litigieuse.

18      Par décision du 13 avril 2010, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant en tant qu’elle concernait la prestation litigieuse.

 Procédure et conclusions des parties

19      Le 18 octobre 2010, le greffe du Tribunal a envoyé au requérant un courrier lui indiquant que, dans la mesure où la décision à intervenir était susceptible de faire mention de données personnelles à caractère médical le concernant, le Tribunal envisageait de lui octroyer d’office l’anonymat. Le requérant a néanmoins répondu au Tribunal, par courrier du 8 novembre 2010, qu’il ne souhaitait pas bénéficier de l’anonymat.

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision adoptée le 20 octobre 2009 par le bureau liquidateur, sous la forme d’un décompte no 171, lui refusant le remboursement intégral de la prestation litigieuse ;

–        annuler, pour autant qu’il soit nécessaire, la décision adoptée par l’AIPN le 13 avril 2010, dans la mesure où elle rejette sa réclamation du 20 janvier 2010 ;

–        condamner la partie défenderesse aux dépens de l’instance, par application de l’article 87 du règlement de procédure, ainsi qu’aux frais indispensables exposés aux fins de la procédure et, notamment, les frais de domiciliation, de déplacement et de séjour, ainsi que les honoraires d’avocats, par application de l’article 91, sous b), du même règlement.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

22      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou de certaines de ses conclusions ou lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur l’objet du recours

24      À titre liminaire, il convient de relever que, outre l’annulation de la décision litigieuse, le requérant sollicite, en tant que de besoin, l’annulation de la décision de rejet de la réclamation.

25      Or, il convient de constater, au vu de la jurisprudence (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, point 13) et de la portée de la décision de rejet de la réclamation, laquelle ne fait que confirmer en substance la décision litigieuse, que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome et se confondent en réalité avec les conclusions en annulation de la décision litigieuse.

26      Il y a lieu, dès lors, de considérer que les conclusions en annulation sont dirigées uniquement contre la décision litigieuse.

 Sur la recevabilité du recours

27      Le 25 septembre 2009, le requérant a sollicité le remboursement à 100 % de la prestation litigieuse.

28      Une telle demande de remboursement à 100 % comprend en réalité deux demandes, adressées à deux autorités distinctes sur deux fondements juridiques différents. Elle contient en effet, d’une part, une demande de remboursement adressée au régime commun d’assurance maladie sur le fondement de l’article 72, paragraphe 1, du statut, et, d’autre part, une demande de remboursement complémentaire adressée à l’AIPN de l’institution dont relève l’assuré sur le fondement de l’article 73, paragraphe 3, du statut (voir article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, de la réglementation de couverture).

29      En tant que présentée sur le fondement de l’article 72 du statut, la demande du requérant du 25 septembre 2009 a donné lieu à un remboursement à 85 %, selon un décompte no 171 du 20 octobre 2009.

30      En tant que présentée sur le fondement de l’article 73, paragraphe 3, du statut, la demande du requérant tendant au remboursement à 100 % de la prestation litigieuse n’a fait l’objet d’aucune réponse de l’AIPN dans le délai de quatre mois prescrit à l’article 90, paragraphe 1, du statut.

31      Dès lors, il doit être considéré que le 25 janvier 2010, à savoir à l’expiration du délai de quatre mois suivant l’introduction de la demande de remboursement du 25 septembre 2009, est intervenue une décision implicite de rejet, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut (ordonnance du 31 mars 2011, Hecq/Commission, F‑10/10, points 44 à 47).

32      Contrairement à ce qu’affirme le requérant, le décompte no 171 du 20 octobre 2009 ne peut pas être considéré comme constituant une décision explicite de rejet de sa demande de remboursement complémentaire.

33      En effet, le régime commun d’assurance maladie, qui a établi ce décompte sur le fondement de l’article 72 du statut, n’est pas l’autorité compétente pour adopter une éventuelle décision de remboursement complémentaire au titre de l’article 73, paragraphe 3, du statut, une telle décision étant prise, aux termes de l’article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, de la réglementation de couverture, « par l’[AIPN] de l’institution dont relève l’assuré, après la prise en charge par le régime d’assurance maladie prévu à l’article 72 du statut, de la part incombant à ce régime dans les conditions y prévues ».

34      Le recours ayant pour objet une demande d’annulation du refus d’octroyer au requérant un remboursement complémentaire au titre de l’article 73, paragraphe 3, du statut, et le recours étant expressément dirigé contre le décompte no 171 du 20 octobre 2009, adopté par le régime commun d’assurance maladie sur le fondement de l’article 72 du statut, ledit recours doit être rejeté comme irrecevable, faute d’existence d’un acte faisant grief adopté sur le fondement de l’article 73, paragraphe 3, du statut dans ce décompte.

35      En outre, il y a lieu de constater que même si, afin de donner une portée utile au recours formé par le requérant, ledit recours était requalifié par le Tribunal comme dirigé contre l’acte faisant grief adopté en l’espèce au titre de l’article 73, paragraphe 3, du statut, il devrait également être rejeté comme irrecevable.

36      En effet, la décision implicite de rejet de la demande du requérant fondée sur l’article 73, paragraphe 3, du statut est intervenue le 25 janvier 2010 (voir point 31 supra), alors que le requérant avait déjà, le 20 janvier 2010, formé une réclamation contre, notamment, la décision refusant de rembourser à 100 % la prestation litigieuse.

37      La réclamation du 20 janvier 2010 étant antérieure à la décision implicite de rejet du 25 janvier 2010, qui constitue l’acte faisant grief en l’espèce, elle ne saurait le viser (arrêt du Tribunal de première instance du 1er décembre 1994, Ditterich/Commission, T‑79/92, points 45 à 47, et ordonnance du Tribunal de première instance du 15 novembre 2006, Jiménez Martínez/Commission, T‑115/05, point 33).

38      Ainsi, même si le recours était requalifié par le Tribunal comme dirigé contre l’acte faisant grief du 25 janvier 2010 adopté sur le fondement de l’article 73, paragraphe 3, du statut, il devrait être déclaré manifestement irrecevable en raison du caractère prématuré de la réclamation du 20 janvier 2010.

39      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

41      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable.

2)      M. Hecq supporte l’ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 10 juin 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.