Language of document : ECLI:EU:T:2019:427

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

19 juin 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque figurative de l’Union européenne représentant trois bandes parallèles – Motif absolu de nullité – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, et article 52, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 7, paragraphe 3, et article 59, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Forme d’usage ne pouvant être prise en considération – Forme qui diffère de la forme sous laquelle la marque a été enregistrée par des variations non négligeables – Inversion du schéma de couleurs »

Dans l’affaire T‑307/17,

adidas AG, établie à Herzogenaurach (Allemagne), représentée par Mmes I. Fowler et I. Junkar, solicitors,

partie requérante,

soutenue par

Marques, établie à Leicester (Royaume-Uni), représentée par Me M. Treis, avocat,

partie intervenante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Rajh et M. H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Shoe Branding Europe BVBA, établie à Oudenaarde (Belgique), représentée par Me J. Løje, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 7 mars 2017 (affaire R 1515/2016‑2), relative à une procédure de nullité entre Shoe Branding Europe et adidas,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, R. da Silva Passos, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur) et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Hendrix, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mai 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 10 août 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 12 juillet 2017,

vu l’ordonnance du 5 décembre 2017 admettant Marques à intervenir au soutien des conclusions de la requérante,

vu le mémoire en intervention de Marques déposé au greffe du Tribunal le 22 janvier 2018,

vu les observations de la requérante déposées au greffe du Tribunal le 19 février 2018,

vu les observations de l’EUIPO déposées au greffe du Tribunal le 28 février 2018,

vu les observations de l’intervenante déposées au greffe du Tribunal le 28 février 2018,

à la suite de l’audience du 24 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 18 décembre 2013, la requérante, adidas AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est reproduite ci-après :

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3        Dans la demande d’enregistrement, la marque est identifiée en tant que marque figurative et est décrite de la manière suivante :

« La marque consiste en trois bandes parallèles équidistantes de largeur égale, appliquées sur le produit dans n’importe quelle direction. »

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements ; chaussures ; chapellerie ».

5        La marque a été enregistrée le 21 mai 2014 sous le numéro 12442166.

6        Le 16 décembre 2014, l’intervenante, Shoe Branding Europe BVBA, a introduit une demande en nullité à l’encontre de la marque en cause sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

7        Le 30 juin 2016, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité formée par l’intervenante, au motif que la marque en cause était dépourvue de tout caractère distinctif, tant intrinsèque qu’acquis par l’usage.

8        Le 18 août 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation. Dans ce recours, elle n’a pas contesté l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque en cause, mais elle a, en revanche, fait valoir que cette marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenus article 7, paragraphe 3, et article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001).

9        Par décision du 7 mars 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

10      D’abord, la chambre de recours a indiqué que la marque en cause avait été valablement enregistrée en tant que marque figurative (point 20 de la décision attaquée). Ensuite, elle a confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle cette marque était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque (point 22 de la décision attaquée). Enfin, elle a examiné les éléments de preuve produits par la requérante et a considéré que celle-ci n’avait pas apporté la preuve que ladite marque avait acquis, dans l’ensemble de l’Union européenne, un caractère distinctif par l’usage (point 69 de la décision attaquée). Par conséquent, la chambre de recours a estimé que la marque en cause avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et que, partant, elle devait être déclarée nulle (point 72 de la décision attaquée).

II.    Conclusions des parties

11      La requérante, soutenue par l’association Marques (ci-après l’« association intervenante »), conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        condamner l’association intervenante à supporter ses propres dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante, soutenue par l’association intervenante, soulève un unique moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, du même règlement ainsi qu’avec les principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

15      Ce moyen peut être analysé comme comportant deux branches, dans la mesure où la requérante soutient, en substance, en premier lieu, que la chambre de recours a écarté, à tort, de nombreux éléments de preuve au motif que ceux-ci étaient relatifs à des signes autres que la marque en cause et, en second lieu, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant qu’il n’était pas démontré que la marque en cause avait acquis un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en a été fait dans le territoire de l’Union.

A.      Considérations liminaires

16      D’une part, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), ce motif absolu de refus est applicable même s’il n’existe que dans une partie de l’Union. Cependant, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, ledit motif ne s’oppose pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

17      D’autre part, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité d’une marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsque la marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement. Toutefois, en vertu de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, lorsque la marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

18      Il résulte ainsi de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 que, dans le cadre d’une procédure de nullité, l’absence de caractère distinctif intrinsèque d’une marque enregistrée n’entraîne pas la nullité de cette marque si cette dernière a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, soit avant son enregistrement, soit entre son enregistrement et la date de la demande en nullité [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, bet365 Group/EUIPO – Hansen (BET 365), T‑304/16, EU:T:2017:912, point 23 et jurisprudence citée].

19      Il y a également lieu de rappeler que le caractère distinctif d’une marque, qu’il soit intrinsèque ou acquis par l’usage, signifie que cette marque est apte à identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 46, et du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, EU:C:2002:377, point 35).

20      Ce caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir, par analogie, arrêts du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, EU:C:2002:377, points 59 et 63, et du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, EU:C:2004:86, points 34 et 75).

21      En l’espèce, le public pertinent pour les produits pour lesquels la marque en cause a été enregistrée, à savoir les vêtements, les chaussures et la chapellerie, est constitué de l’ensemble des consommateurs potentiels de ces produits dans l’Union, c’est-à-dire tant le grand public que le public spécialisé.

22      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les deux branches du moyen unique mentionnées au point 15 ci-dessus.

B.      Sur la première branche, tirée de la mise à l’écart injustifiée de certains éléments de preuve

23      Dans le cadre de la première branche du moyen, la requérante, soutenue par l’association intervenante, reproche à la chambre de recours d’avoir écarté de nombreux éléments de preuve au motif que ceux-ci étaient relatifs à des signes autres que la marque en cause. Ce motif reposerait, premièrement, sur une mauvaise interprétation de la marque en cause et, deuxièmement, sur une application erronée de la « loi des variantes autorisées ». Il convient d’examiner successivement ces deux griefs.

1.      Sur le premier grief, tiré de l’interprétation erronée de la marque en cause

24      Dans le cadre du premier grief, la requérante, soutenue par l’association intervenante, soutient que, en estimant que la marque en cause n’était revendiquée que dans certaines dimensions et, en particulier, dans un certain rapport entre sa hauteur et sa largeur, la chambre de recours a mal interprété cette marque. En effet, ladite marque représenterait un « motif de surface » pouvant être reproduit dans des dimensions et des proportions différentes en fonction des produits sur lesquels elle est appliquée. En particulier, les trois bandes parallèles équidistantes constituant la marque en cause seraient susceptibles d’être prolongées ou d’être coupées de différentes façons, y compris en oblique. Elle ajoute, en se fondant sur les directives d’examen de l’EUIPO et sur la confiance légitime qui en résulte, qu’elle peut se prévaloir du fait que la marque en cause constitue une marque de motif, alors même que cette marque a été enregistrée en tant que marque figurative.

25      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante et de l’association intervenante.

26      Afin de répondre à l’argumentation de la requérante et de l’association intervenante, en premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 4 du règlement no 207/2009 (devenu article 4 du règlement 2017/1001), peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes susceptibles d’une représentation graphique à condition que ces signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

27      En deuxième lieu, il importe de noter que l’enregistrement ne peut avoir lieu que sur le fondement et dans les limites de la demande d’enregistrement présentée à l’EUIPO par le demandeur. Il s’ensuit que l’EUIPO ne peut pas prendre en compte les caractéristiques de la marque demandée qui ne sont pas indiquées dans la demande d’enregistrement ou dans les documents l’accompagnant [voir arrêt du 25 novembre 2015, Jaguar Land Rover/OHMI (Forme d’une voiture), T‑629/14, non publié, EU:T:2015:878, point 34 et jurisprudence citée].

28      À cet égard, les caractéristiques d’une marque doivent être appréciées au regard de plusieurs éléments.

29      D’abord, en vertu de la règle 1, paragraphe 1, sous d), et de la règle 3, paragraphes 2 et 5, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenues article 2, paragraphe 1, sous d), et article 3, paragraphes 6 à 8 et paragraphe 3, sous b) et f), du règlement d’exécution (UE) 2018/626 de la Commission, du 5 mars 2018, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2017/1431 (JO 2018, L 104, p. 37)], lorsqu’est revendiquée une représentation graphique ou une couleur particulière, la demande de marque de l’Union européenne doit contenir la représentation graphique, le cas échéant en couleur, de la marque.

30      L’exigence de la représentation graphique a pour fonction notamment de définir la marque elle-même afin de déterminer l’objet exact de la protection conférée par la marque enregistrée à son titulaire (voir, par analogie, arrêts du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, EU:C:2002:748, point 48, et du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, point 27). Par conséquent, il incombe au demandeur de déposer une représentation graphique de la marque correspondant précisément à l’objet de la protection qu’il souhaite obtenir. Une fois que la marque est enregistrée, le titulaire de celle-ci ne peut pas prétendre à une protection plus large que celle conférée par cette représentation graphique [voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2017, Red Bull/EUIPO – Optimum Mark (Combinaison des couleurs bleue et argent), T‑101/15 et T‑102/15, sous pourvoi, EU:T:2017:852, point 71].

31      Ensuite, la règle 3, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 prévoit que la demande d’enregistrement « peut contenir une description de la marque ». Dès lors, dans l’hypothèse où une description est présente dans la demande d’enregistrement, cette description doit être examinée conjointement avec la représentation graphique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 novembre 2017, Combinaison des couleurs bleue et argent, T‑101/15 et T‑102/15, sous pourvoi, EU:T:2017:852, point 79).

32      Enfin, l’EUIPO doit également examiner le caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé au regard de la catégorie de marque choisie par le demandeur dans sa demande d’enregistrement (voir, en ce sens, ordonnance du 21 janvier 2016, Enercon/OHMI, C‑170/15 P, non publiée, EU:C:2016:53, points 29, 30 et 32).

33      En troisième lieu, il convient de relever que, contrairement au règlement d’exécution (UE) 2017/1431 de la Commission, du 18 mai 2017, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement no 207/2009 (JO 2017, L 205, p. 39) (remplacé par le règlement d’exécution 2018/626), ni le règlement no 207/2009 ni le règlement no 2868/95, applicables à la date de dépôt de la demande en nullité, ne mentionnent les « marques de motif », non plus d’ailleurs que les « marques figuratives », en tant que catégories particulières de marques.

34      Cependant, avant même l’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2017/1431, le Tribunal a reconnu qu’un signe désigné comme une marque figurative pouvait se composer d’une série d’éléments qui se répètent régulièrement [voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2016, Birkenstock Sales/EUIPO (Représentation d’un motif de lignes ondulées entrecroisées), T‑579/14, EU:T:2016:650, points 43, 49, 53 et 62]. Ainsi, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2017/1431, une marque de motif pouvait être enregistrée en tant que marque figurative, dès lors qu’elle consistait en une image [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2012, Fraas/OHMI (Motif à carreaux gris clair, gris foncé, beige, rouge foncé et brun), T‑326/10, non publié, EU:T:2012:436, point 56].

35      En l’espèce, conformément à la demande d’enregistrement, la marque en cause a été enregistrée en tant que marque figurative et sur le fondement de la représentation graphique et de la description reproduites aux points 2 et 3 ci-dessus.

36      Au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a interprété la marque en cause de la façon suivante :

« Elle consiste en trois fines bandes noires verticales et parallèles sur un fond blanc, environ cinq fois plus hautes que larges. Elle présente relativement peu de caractéristiques : le rapport hauteur/largeur (à peu près 5 :1), l’espace blanc équidistant entre les bandes noires et le fait que les bandes sont parallèles. »

37      Force est de constater que cette interprétation de la marque en cause correspond fidèlement à la représentation graphique sur la base de laquelle cette marque a été enregistrée. En particulier, la chambre de recours a justement relevé qu’il existait un rapport d’environ 5 à 1 entre la hauteur totale et la largeur totale de la marque en cause. Par ailleurs, la chambre de recours a correctement pris en compte l’égale épaisseur des trois bandes parallèles noires et des deux espaces blancs séparant ces bandes.

38      La requérante critique néanmoins cette interprétation de la marque en cause en arguant, d’une part, qu’une marque figurative peut être enregistrée sans indication de ses dimensions ou de ses proportions (voir, en ce sens, et par analogie, arrêt du 10 juillet 2014, Apple, C‑421/13, EU:C:2014:2070, points 19 et 27) et, d’autre part, que la marque en cause constitue une marque de motif. Dans ces conditions, la représentation graphique de la marque en cause aurait pour seule fonction de montrer un dessin constitué de trois bandes parallèles équidistantes, sans préjuger de la longueur des bandes ou de la façon dont ces bandes sont coupées.

39      Cette argumentation ne peut être accueillie.

40      Premièrement, il y a lieu de constater que, si la chambre de recours a caractérisé dans la décision attaquée la marque en cause en tenant compte des proportions relatives des différents éléments composant cette marque, telle que cette dernière avait été représentée dans la demande d’enregistrement, elle n’a en revanche pas défini la marque en cause en se référant aux dimensions auxquelles cette marque, prise dans sa globalité, pourrait être reproduite sur les produits en cause. Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’interprétation de la marque en cause par la chambre de recours ne remet pas en question le fait que cette marque n’a pas été revendiquée dans des dimensions particulières.

41      Deuxièmement, la requérante reconnaît que la marque en cause a été valablement enregistrée en tant que marque figurative. Or, il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 30 ci-dessus qu’une marque figurative est, en principe, enregistrée dans les proportions apparaissant dans sa représentation graphique. Ce constat ne saurait être remis en cause par l’arrêt du 10 juillet 2014, Apple (C‑421/13, EU:C:2014:2070, points 19 et 27), invoqué par la requérante. En effet, cet arrêt se borne à indiquer qu’un dessin peut être enregistré en tant que marque alors même qu’il est dépourvu d’indications relatives à la taille et aux proportions de l’objet qu’il représente. En revanche, ledit arrêt n’implique pas qu’une marque puisse être enregistrée sans que soient définies les proportions du signe lui-même.

42      Troisièmement, la requérante soutient en vain que cette marque constitue non une marque figurative ordinaire, mais une marque de motif dont les proportions ne seraient pas figées.

43      À cet égard, d’abord, il ne ressort ni de la représentation graphique de la marque en cause ni de la description de cette marque que celle-ci soit composée d’une série d’éléments qui se répètent régulièrement.

44      Ensuite, l’affirmation de la requérante selon laquelle l’objet de la protection conférée par la marque en cause consisterait en l’utilisation de trois bandes parallèles équidistantes, indépendamment de leur longueur ou de la façon dont elles sont coupées, n’est étayée par aucun élément concret. Or, d’une part, cette affirmation contredit la représentation graphique de la marque en cause, laquelle montre un signe caractérisé par un rapport d’environ 5 à 1 entre sa hauteur totale et sa largeur totale ainsi que par sa forme rectangulaire, les trois bandes le composant étant coupées à angle droit. D’autre part, ladite affirmation n’est pas corroborée par la description de la marque en cause, laquelle se borne à rappeler que cette marque consiste en « trois bandes parallèles équidistantes de largeur égale » et à préciser que ces bandes peuvent être « appliquées sur le produit dans n’importe quelle direction », sans indiquer que la longueur des bandes pourrait être modifiée ou que les bandes pourraient être coupées en oblique.

45      Enfin, s’il est vrai que, avant l’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2017/1431, les directives d’examen de l’EUIPO indiquaient que « les marques illustrant un [motif étaient] des marques “figuratives” selon la pratique de l’[EUIPO] », ces directives ne donnaient pas de ces marques de motif une définition différente de celle résultant de la jurisprudence mentionnée au point 34 ci-dessus. En effet, lesdites directives précisaient qu’une « marque figurative [pouvait] être considérée comme une marque de “motif” lorsqu’elle se [composait] exclusivement d’une série d’éléments qui se [répétaient] régulièrement ».

46      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la marque en cause est une marque figurative ordinaire, et non une marque de motif. Par conséquent, d’une part, la chambre de recours n’a commis aucune erreur dans l’interprétation de la marque en cause et, d’autre part, la requérante n’est pas fondée, en tout état de cause, à se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime aux fins de contester cette interprétation.

47      Il s’ensuit que le premier grief doit être écarté.

2.      Sur le second grief, tiré de l’application erronée de la « loi des variantes autorisées »

48      Dans le cadre du second grief, la requérante, soutenue par l’association intervenante, soutient que la chambre de recours a fait une application erronée de la « loi des variantes autorisées ». Elle définit cette loi comme la règle selon laquelle l’usage d’une marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est également considéré comme un usage de ladite marque. Elle fait valoir que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, l’ensemble des pièces qu’elle a produites sont relatives à des formes d’usage de la marque en cause pour lesquelles le caractère distinctif de cette marque n’est pas altéré. Partant, ces formes d’usage seraient pertinentes aux fins d’apprécier si la marque en cause a acquis un caractère distinctif.

49      Avant d’examiner le bien-fondé de ce grief, il convient, au préalable, de définir la notion d’« usage » de la marque au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

a)      Sur la notion d’usage de la marque au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

50      La requérante, soutenue par l’association intervenante, considère que la notion d’usage de la marque au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 doit être interprétée de la même façon que la notion d’usage sérieux d’une marque figurant à l’article 15, paragraphe 1, du même règlement (devenu article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), laquelle inclut, dans certains cas, l’usage de cette marque sous des formes qui diffèrent de la forme sous laquelle ladite marque a été enregistrée.

51      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette interprétation. Ils font valoir que la notion d’« usage » figurant à l’article 7, paragraphe 3, et à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 est plus étroite que celle d’« usage sérieux » figurant à l’article 15, paragraphe 1, du même règlement. Selon eux, aux fins d’établir qu’une marque a acquis un caractère distinctif, le titulaire de la marque pourrait uniquement se prévaloir de l’usage de la marque telle qu’elle a été enregistrée. Seules des variations insignifiantes pourraient être acceptées.

52      Il convient de déterminer si, s’agissant des formes d’usage d’une marque pouvant être prises en compte, la notion d’« usage » de la marque au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 doit ou non être interprétée de la même façon que la notion d’« usage sérieux » figurant à l’article 15, paragraphe 1, du même règlement.

53      À cet égard, il est utile de rappeler que l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001] prévoit que constitue également un usage sérieux d’une marque enregistrée l’« usage de [cette] marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de [ladite] marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée ». Il résulte de cette disposition qu’une marque enregistrée doit être regardée comme faisant l’objet d’un usage sérieux dès lors qu’est rapportée la preuve de l’usage de cette marque sous une forme légèrement différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée (arrêt du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, EU:C:2007:514, point 86).

54      Il y a lieu d’observer que, en évitant d’exiger une conformité stricte entre la forme utilisée dans le commerce et celle sous laquelle une marque a été enregistrée, l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 vise à permettre au titulaire de cette marque d’apporter à cette dernière, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés (arrêts du 25 octobre 2012, Rintisch, C‑553/11, EU:C:2012:671, point 21, et du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 29).

55      En revanche, contrairement à l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009, l’article 7, paragraphe 3, et l’article 52, paragraphe 2, du même règlement n’envisagent pas expressément l’usage de la marque sous des formes qui diffèrent de celle sous laquelle cette marque a été soumise à l’enregistrement et, le cas échéant, enregistrée.

56      Cette différence de libellé s’explique par le fait que les dispositions mentionnées au point 55 ci-dessus procèdent d’une logique différente. En effet, l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 ne s’applique qu’à une marque déjà enregistrée et dont le caractère distinctif n’est pas contesté. Cet article permet ainsi de maintenir la protection de la marque par la preuve de son usage, le cas échéant sous certaines formes qui diffèrent de la forme sous laquelle elle a été enregistrée. En revanche, l’article 7, paragraphe 3, et l’article 52, paragraphe 2, du même règlement partent de l’idée que l’usage, respectivement, d’un signe intrinsèquement non distinctif et d’une marque enregistrée à tort malgré son absence de caractère distinctif peut, dans certains cas, permettre à ce signe ou à cette marque d’être ou de rester enregistré. Autrement dit, l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 a pour point de départ l’enregistrement d’une marque et implique l’examen ultérieur de son usage, alors que l’article 7, paragraphe 3, et l’article 52, paragraphe 2, du même règlement ont pour point de départ l’usage d’un signe afin de parvenir, le cas échéant, à son enregistrement ou au maintien de celui-ci. 

57      Il n’en demeure pas moins que le besoin, mentionné au point 54 ci-dessus, d’apporter certaines variations à une marque aux fins de son exploitation commerciale est également valable pendant la période durant laquelle cette marque acquiert, le cas échéant, un caractère distinctif à la suite de son usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

58      C’est pourquoi le critère de l’usage ne peut être jugé à l’aune d’éléments différents selon qu’il s’agit de déterminer si ce critère est propre à faire naître des droits concernant une marque ou à assurer le maintien de tels droits. S’il est possible d’acquérir la protection en tant que marque pour un signe à travers un certain usage qui en est fait, cette même forme d’usage doit être susceptible d’assurer le maintien de cette protection. Dès lors, s’agissant des formes d’usage, les exigences prévalant en ce qui concerne la vérification de l’usage sérieux d’une marque sont analogues à celles concernant l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage en vue de son enregistrement (arrêt du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, points 33 et 34 ; voir également, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:61, point 24).

59      Il s’ensuit que les formes d’usage d’une marque visées par l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, y compris celles qui ne différent que par des « éléments n’altérant pas le caractère distinctif de [cette] marque », doivent être prises en compte non seulement aux fins de vérifier si ladite marque a fait l’objet d’un usage sérieux au sens de ladite disposition, mais également aux fins de déterminer si cette marque a acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

60      Il est vrai que, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, il serait impropre de parler d’altération du caractère distinctif avant même d’avoir déterminé si la marque a acquis ou non un tel caractère.

61      Or, il a été jugé que l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 vise les situations dans lesquelles la forme du signe utilisée dans le commerce diffère de la forme sous laquelle ce signe a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux formes peuvent être considérées comme globalement équivalentes [voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 18 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27].

62      Dans ces conditions et ainsi que le soutient à juste titre la requérante, la notion d’usage d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 doit être interprétée comme renvoyant non seulement à l’usage de la marque sous la forme sous laquelle celle-ci a été soumise à l’enregistrement et, le cas échéant, enregistrée, mais également à l’usage de la marque sous des formes qui ne diffèrent de cette forme que par des variations négligeables et qui, de ce fait, peuvent être considérées comme globalement équivalentes à ladite forme.

63      En l’espèce, il y a lieu de relever que la chambre de recours a, en substance, mis en œuvre le critère énoncé au point 61 ci-dessus. En effet, la chambre de recours a mentionné l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 (point 30 de la décision attaquée) et a précisé que cette disposition permettait de prendre en compte l’usage d’un signe qui différait de la forme sous laquelle un signe avait été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes pouvaient être considérés comme globalement équivalents (point 32 de la décision attaquée). Elle a également indiqué que, en principe, il n’était pas nécessaire, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, que la marque soit reproduite dans les éléments de preuve exactement telle qu’elle avait été enregistrée (point 69 de la décision attaquée).

b)      Sur l’application de la « loi des variantes autorisées »

64      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu la « loi des variantes autorisées » en estimant, à tort, premièrement, que, en présence d’une marque extrêmement simple, même une légère variation pouvait entraîner une altération significative des caractéristiques de la marque telle qu’elle avait été enregistrée, deuxièmement, que l’usage de la marque en cause sous la forme d’un schéma de couleurs inversé altérait nécessairement le caractère distinctif de cette marque, troisièmement, que certains des éléments de preuve montraient un signe comportant deux bandes au lieu de trois et, quatrièmement, que l’usage de bandes inclinées modifiait le caractère distinctif de ladite marque.

65      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

66      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante vise essentiellement à contester la partie de la décision attaquée dans laquelle la chambre de recours a examiné si la marque en cause était présente ou non dans les éléments de preuve produits par la requérante (points 29 à 45 de la décision attaquée). Ces éléments de preuve consistent pour la plupart en des images, issues de catalogues ou d’autres supports publicitaires, qui montrent des produits revêtus de différents signes.

67      Au terme de son examen, la chambre de recours a estimé, comme avant elle la division d’annulation, que la grande majorité des pièces produites par la requérante n’avaient pas trait à la marque en cause elle-même, mais à d’autres signes qui différaient significativement de cette marque (voir, notamment, points 33, 42 et 69 de la décision attaquée).

68      En particulier, aux points 39, 40 et 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a reproduit les exemples d’éléments de preuve suivants, n’étant, selon elle, pas de nature à prouver l’usage de la marque en cause :

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69      C’est au vu de ces éléments qu’il convient d’examiner les quatre reproches formulés par la requérante à l’encontre de la décision attaquée (point 64 ci-dessus) puis de déterminer si la chambre de recours a pu, à bon droit, écarter les pièces produites par la requérante.

1)      Sur la prise en compte du caractère extrêmement simple de la marque en cause

70      La chambre de recours a qualifié la marque en cause d’« extrêmement simple », dans la mesure où cette marque présentait relativement peu de caractéristiques et consistait en trois lignes noires parallèles dans une configuration rectangulaire sur un fond blanc (points 37, 38 et 69 de la décision attaquée). Elle a considéré que, eu égard à l’extrême simplicité de la marque en cause, même une légère variation pouvait entraîner une altération significative des caractéristiques de la marque telle qu’elle a été enregistrée (point 69 de la décision attaquée).

71      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas le caractère extrêmement simple de la marque en cause.

72      D’autre part, contrairement à ce que prétend la requérante, il convient de considérer que, en présence d’une marque extrêmement simple, même de légères modifications apportées à cette marque sont susceptibles de constituer des variations non négligeables, de sorte que la forme modifiée ne pourra pas être considérée comme globalement équivalente à la forme enregistrée de ladite marque. En effet, plus une marque est simple, moins elle est susceptible d’avoir un caractère distinctif et plus une modification apportée à cette marque est susceptible d’affecter une de ses caractéristiques essentielles et d’altérer ainsi la perception de ladite marque par le public pertinent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, points 33 et 52 et jurisprudence citée).

73      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant en compte le caractère extrêmement simple de la marque en cause.

2)      Sur les conséquences de l’inversion du schéma de couleurs

74      La chambre de recours a précisé que, bien que la marque en cause consistât en trois bandes noires sur un fond blanc, il pouvait néanmoins être admis qu’elle équivalait, en substance, à « trois bandes colorées sur un fond plus clair » (point 38 de la décision attaquée). En revanche, la chambre de recours a estimé qu’il convenait d’écarter, notamment, les éléments de preuve dans lesquels le schéma de couleurs était inversé, à savoir ceux montrant des bandes blanches (ou claires) sur un fond noir (ou sombre) (points 38 et 42 de la décision attaquée).

75      La requérante, soutenue par l’association intervenante, estime que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, l’usage de la marque en cause sous la forme d’un schéma de couleurs inversé n’altère pas le caractère distinctif de cette marque. En effet, la marque en cause aurait été enregistrée en noir et blanc et sans revendication de couleur particulière. Il s’ensuivrait que l’usage de cette marque dans différentes combinaisons de couleurs respectant le contraste initial entre les trois bandes et le fond constituerait un usage de cette marque au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

76      À cet égard, il convient de constater que la marque en cause est une marque figurative ne comportant aucun élément verbal et présentant peu de caractéristiques (point 36 ci-dessus). L’une de ces caractéristiques est l’utilisation de trois bandes noires sur un fond blanc. Cette caractéristique est à l’origine d’un contraste spécifique entre, d’une part, les trois bandes noires et, d’autre part, le fond blanc ainsi que les espaces blancs séparant ces bandes.

77      Dans ces conditions, eu égard notamment à l’extrême simplicité de la marque en cause et à l’importance de la caractéristique décrite au point 76 ci-dessus, le fait d’inverser le schéma de couleurs, même en conservant un fort contraste entre les trois bandes et le fond, ne peut être qualifié de variation négligeable par rapport à la forme enregistrée de la marque en cause.

78      Il s’ensuit que la chambre de recours était fondée à écarter les éléments de preuve montrant non la marque en cause, mais d’autres signes consistant en trois bandes blanches (ou claires) sur un fond noir (ou foncé).

79      Cette conclusion, qui concerne notamment toutes les images reproduites au point 68 ci-dessus, à l’exception de deux images montrant trois bandes parallèles de couleur noire étroitement associées à un logo constitué du mot « adidas », ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante et de l’association intervenante.

80      Premièrement, la requérante soutient que l’approche de la chambre de recours contredit celle adoptée par certaines juridictions nationales, en particulier par deux juridictions allemandes et par une juridiction française. Ces juridictions n’auraient tiré aucune conséquence de l’inversion du schéma de couleurs.

81      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 65). Par conséquent, la marque en cause ne doit être appréciée que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente et les décisions rendues par des juridictions nationales ne sauraient en toute hypothèse remettre en cause la légalité de la décision attaquée [ordonnance du 22 octobre 2014, Repsol YPF/OHMI, C‑466/13 P, non publiée, EU:C:2014:2331, point 90 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge), T‑270/06, EU:T:2008:483, point 91].

82      Deuxièmement, la requérante prétend que l’approche retenue par la chambre de recours la place dans une « situation impossible » en raison de la solution retenue par la deuxième chambre de recours dans une décision du 28 novembre 2013 (adidas/Shoe Branding Europe BBVA, affaire R 1208/2012‑2, point 78). Dans cette décision, la deuxième chambre de recours aurait estimé qu’une autre marque de la requérante, représentant des bandes blanches sur un fond noir, devrait être appliquée telle quelle sur le produit, à savoir sous la forme d’un rectangle noir contenant des bandes blanches. Selon la requérante, il résulterait de la combinaison de ladite décision et de la décision attaquée qu’elle ne pourrait en pratique se prévaloir ni des formes d’usage consistant en trois bandes noires sur un fond blanc ni de celles consistant en trois bandes blanches sur un fond noir.

83      À cet égard, il y a lieu de répondre que, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande en nullité doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne demeurent enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77). Il s’ensuit que, dans le présent litige, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des conséquences que pourrait avoir pour elle une décision distincte de l’EUIPO relative à un signe autre que la marque en cause. Au surplus, il y a lieu de rappeler que la décision du 28 novembre 2013, à supposer qu’elle ait eu la portée et les conséquences que la requérante lui prête, a été annulée par l’arrêt du 21 mai 2015, adidas/OHMI – Shoe Branding Europe (Deux bandes parallèles sur une chaussure) (T‑145/14, non publié, EU:T:2015:303).

84      Troisièmement, la requérante se prévaut de plusieurs arrêts par lesquels le Tribunal a jugé que l’usage de certaines marques dans différentes combinaisons de couleurs, y compris un schéma de couleurs inversé, n’altérait pas le caractère distinctif de ces marques. Or, s’agissant de solutions d’espèce et eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 83 ci-dessus, un tel argument ne saurait prospérer dans le cadre du présent litige. A fortiori, s’agissant d’une question distincte, la requérante ne peut pas davantage invoquer d’autres arrêts par lesquels le Tribunal a jugé que l’inversion du schéma de couleurs ne s’opposait pas, dans certaines situations, à ce que deux marques en conflit soient considérées comme étant similaires aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

85      Quatrièmement, la requérante et l’association intervenante font valoir que l’approche de la chambre de recours consistant à prendre en compte le degré de simplicité ou de complexité de la marque et à constater l’absence d’équivalence du signe utilisé lorsque le schéma de couleurs est inversé méconnaît le principe, énoncé à l’article 4 du règlement no 207/2009, selon lequel tous les signes susceptibles d’une représentation graphique peuvent, en principe, constituer des marques de l’Union européenne. Selon elles, cette approche aurait pour conséquence que certains signes, tels que ceux consistant en un motif ou ceux enregistrés en noir et blanc puis utilisés sous différentes formes et dans diverses couleurs, seraient automatiquement exclus de la protection dont bénéficient les marques de l’Union européenne.

86      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes mêmes de l’article 4 du règlement no 207/2009, les signes mentionnés par cette disposition ne peuvent constituer des marques de l’Union européenne qu’à condition d’être propres à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. De plus, l’approche de la chambre de recours consistant à vérifier, en tenant compte des caractéristiques propres à la marque en cause, si cette dernière a acquis un caractère distinctif par l’usage ne fait pas, par principe, obstacle à l’enregistrement de certaines catégories de signes en tant que marques de l’Union européenne. Il s’ensuit que cette approche ne méconnaît pas l’article 4 du règlement no 207/2009.

87      Cinquièmement, la requérante et l’association intervenante invoquent les conséquences excessives que l’approche de la chambre de recours pourrait avoir pour les titulaires de marques. Elles expliquent que, si cette approche était confirmée, les titulaires de marques éprouveraient des difficultés à démontrer que leurs marques, notamment celles apposées sur des vêtements, avaient acquis un caractère distinctif par l’usage, de telle sorte qu’ils seraient en pratique contraints d’enregistrer, de façon systématique, toutes leurs marques dans des schémas de couleurs inversés ainsi que dans différentes combinaisons de couleurs.

88      Toutefois, d’une part, il y a lieu de rappeler, que les chambres de recours sont tenues d’appliquer les dispositions du règlement no 207/2009 et, en particulier, de refuser ou d’annuler l’enregistrement des marques dépourvues de tout caractère distinctif, et ce indépendamment des inconvénients qui en résulteraient pour les titulaires de marques. D’autre part, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 reflète un but d’intérêt général, lequel se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (arrêts du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 27, et du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, point 56). Eu égard à ce but d’intérêt général, les conséquences pour les titulaires de marques de l’application des dispositions du règlement no 207/2009 ne sauraient être qualifiées d’excessives. Partant, l’approche retenue par la chambre de recours n’était pas incompatible avec le principe de proportionnalité.

3)      Sur les images montrant deux bandes noires sur un fond blanc

89      La chambre de recours a relevé que certaines des images produites par la requérante montraient des signes comportant en réalité non trois, mais seulement deux bandes parallèles noires (ou sombres) contrastant avec un fond blanc (ou clair) (points 39, 41 et 42 de la décision attaquée). Ce constat concerne notamment les neuf premières images reproduites au point 68 ci-dessus.

90      La requérante conteste cette affirmation de la chambre de recours. En effet, d’une part, la chambre de recours se serait contredite en ne tirant cette conclusion que pour une partie seulement des images produites. D’autre part, les images en cause montreraient des signes comportant non deux bandes noires (ou foncées) sur un fond blanc (ou clair), mais trois bandes blanches (ou claires) sur un fond noir (ou foncé).

91      À cet égard, il y a lieu d’observer que, même en admettant, comme le soutient la requérante, que les images en cause montrent en réalité des signes consistant en trois bandes blanches (ou claires) sur un fond noir (ou foncé), il y a alors lieu de considérer que ces images montrent des usages de la marque en cause sous des formes pour lesquelles le schéma de couleurs est inversé. Dans ces conditions, ces pièces doivent, en tout état de cause, être écartées pour les raisons mentionnées aux points 77 et 78 ci-dessus.

92      Par conséquent, la circonstance que la chambre de recours ait indiqué, à tort, que certaines images montraient des signes consistant en deux bandes noires (ou foncées) sur un fond blanc (ou clair) est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

4)      Sur les images montrant des bandes inclinées

93      S’agissant de la dixième image reproduite au point 68 ci-dessus, la chambre de recours a relevé que, si cette image montrait une athlète portant un vêtement revêtu d’une marque à trois bandes, les bandes étaient néanmoins inclinées selon un angle qui différait de celui caractérisant la marque en cause sous sa forme enregistrée (point 41 de la décision attaquée). Elle a estimé que, dans cette situation, les « dimensions » de la marque en cause n’étaient plus respectées (point 42 de la décision attaquée).

94      La requérante conteste la possibilité d’écarter des images au seul motif que les bandes représentées seraient inclinées. Elle fait valoir que les bandes sont apposées sur des produits portés par des athlètes et que, par suite, leur inclinaison et leur direction dépendent du mouvement de ces athlètes ainsi que du pliage et de la présentation des produits. Pour illustrer son argumentation, elle reproduit dans sa requête quatre images montrant des athlètes en mouvement portant des vêtements revêtus d’une marque constituée de trois bandes parallèles, lesquelles n’apparaissent pas verticales mais inclinées.

95      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que l’image mentionnée au point 93 ci-dessus et écartée par la chambre de recours montre un signe dont le schéma de couleurs est inversé. Il en va de même des quatre images mentionnées au point 94 ci-dessus et invoquées par la requérante. Dans ces conditions, ces cinq images doivent, en tout état de cause, être écartées pour les raisons mentionnées aux points 77 et 78 ci-dessus.

96      D’autre part, la requérante n’identifie aucune image montrant une marque à trois bandes respectant le schéma de couleurs et qui aurait néanmoins été écartée ou ignorée par la chambre de recours au seul motif que les bandes représentées étaient inclinées.

97      Par conséquent, la requérante ne peut utilement reprocher à la chambre de recours d’avoir constaté que, sur certaines images, les bandes représentées étaient inclinées.

5)      Conclusion sur l’application de la « loi des variantes autorisées »

98      La requérante ne formule aucune autre critique à l’encontre de l’analyse par la chambre de recours des différentes images produites par la requérante, notamment celles reproduites au point 68 ci-dessus.

99      En particulier, d’une part, la requérante ne remet pas en cause le rejet par la chambre de recours des quatre dernières images reproduites au point 68 ci-dessus. Ces images montrent des signes complexes constitués à la fois d’un logo composé à partir du nom « adidas » et d’un élément figuratif comportant trois bandes au sein d’un triangle, d’un trèfle à trois feuilles ou d’une forme ronde. D’ailleurs, lors de l’audience, la requérante a explicitement admis le caractère non pertinent de ces images.

100    D’autre part, la requérante ne conteste pas le fait que certaines images consistent en des photographies de chaussures sur lesquelles est apposé un signe constitué de trois bandes parallèles de couleur claire, nettement plus épaisses et plus courtes que celles constituant la marque en cause sous sa forme enregistrée et coupées de façon oblique. Il en va notamment ainsi des trois images de chaussures reproduites au point 68 ci-dessus et écartées aux points 41 et 42 de la décision attaquée. Or, outre le fait que, dans cette situation, le schéma de couleurs n’est pas respecté, la modification simultanée de l’épaisseur et de la longueur des bandes ainsi que de la façon dont celles-ci sont coupées affecte de façon significative plusieurs des caractéristiques de la marque en cause décrites au point 36 ci-dessus.

101    Ainsi, les images mentionnées aux points 99 et 100 ci-dessus sont relatives à des formes d’usage qui diffèrent de la forme sous laquelle la marque en cause a été enregistrée. Les différences constatées constituent des variations non négligeables, de telle sorte que les formes d’usage en cause ne peuvent être considérées comme globalement équivalentes à la forme enregistrée de la marque en cause.

102    Par ailleurs, si la requérante s’est prévalue, notamment lors de l’audience, de la possibilité d’utiliser la marque en cause sous des formes ne respectant pas le rapport d’environ 5 à 1 mentionné aux points 36 et 37 ci-dessus, il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée que la chambre de recours aurait écarté des formes d’usage de la marque en cause au seul motif qu’elles n’avaient pas respecté ce rapport.

103    Dans ces conditions, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes apparaissant dans la grande majorité des images produites différaient significativement de la forme enregistrée de la marque en cause n’apparaît pas erronée. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a écarté ces images au motif que celles-ci étaient relatives à des signes autres que la marque en cause. Par conséquent, la requérante n’est pas fondée à invoquer une violation de la « loi des variantes autorisées ».

104    Partant, le second grief et, par voie de conséquence, la première branche du moyen unique dans son ensemble doivent être écartés.

C.      Sur la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation quant à l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage

105    Dans le cadre de la seconde branche du moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant qu’elle n’avait pas démontré que la marque en cause avait acquis un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en avait été fait dans l’Union.

106    La requérante fait valoir qu’elle a produit de très nombreux éléments de preuve qui doivent être appréciés globalement et indépendamment de la couleur, de la longueur et de l’inclinaison des bandes représentées. Ces éléments de preuve établiraient l’utilisation intensive de la « marque aux trois bandes parallèles équidistantes » ainsi que la reconnaissance de cette marque par le public pertinent et le fait qu’il la percevra comme désignant les produits de la requérante. Cette preuve serait apportée au regard de l’ensemble du territoire de l’Union, et ce même au vu des seules pièces montrant la marque en cause sous sa forme enregistrée.

107    Il convient, d’emblée, de relever que, pour démontrer que la marque en cause a acquis un caractère distinctif, la requérante ne saurait se prévaloir de tous les éléments de preuve montrant une marque composée de trois bandes parallèles équidistantes. En effet, il résulte de la réponse apportée à la première branche du moyen que les éléments de preuve pertinents sont uniquement ceux qui montrent la marque en cause sous sa forme enregistrée ou, à défaut, sous des formes globalement équivalentes, ce qui exclut les formes d’usage caractérisées par une inversion du schéma de couleurs ou par le non-respect d’autres caractéristiques essentielles de la marque en cause.

108    Dans ces conditions, dans un premier temps, il y a lieu de déterminer si la chambre de recours a correctement apprécié la pertinence des différents éléments de preuve produits devant elle par la requérante aux fins d’établir que la marque en cause avait été utilisée et qu’elle avait acquis un caractère distinctif. Dans un second temps, il conviendra d’examiner, au vu de l’ensemble des éléments produits, si c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que cette preuve n’avait pas été apportée au regard du territoire géographiquement pertinent, à savoir celui de l’Union.

1.      Sur le caractère pertinent des éléments de preuve produits

109    Il est de jurisprudence constante que, aux fins de l’appréciation de l’acquisition par une marque d’un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en a été fait, peuvent être prises en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 51, et du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, EU:C:2002:377, point 60).

110    La part de marché détenue par la marque, de même que la part du volume publicitaire pour le marché des produits en cause que représentent les investissements publicitaires engagés pour promouvoir une marque, peuvent donc être des indications pertinentes aux fins d’apprécier si cette marque a acquis un caractère distinctif par l’usage (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, points 76 et 77).

111    Les éléments mentionnés aux points 109 et 110 ci-dessus doivent être appréciés globalement (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 49, et du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 31).

112    Si, sur la base de tels éléments, les milieux intéressés ou, à tout le moins, une fraction significative de ceux-ci identifient grâce à la marque le produit comme provenant d’une entreprise déterminée, il convient d’en conclure que la condition exigée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 est remplie (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 52).

113    En l’espèce, les éléments de preuve produits par la requérante peuvent être regroupés en plusieurs catégories, à savoir, premièrement, les images déjà évoquées lors de l’examen de la première branche du moyen, deuxièmement, des données relatives au chiffre d’affaires et aux dépenses de marketing et de publicité, troisièmement, des études de marché et, quatrièmement, les autres éléments de preuve.

a)      Sur les images

114    L’analyse des images produites par la requérante remet largement en cause la pertinence de ces pièces.

115    En effet, premièrement, il résulte de l’examen de la première branche du moyen que la chambre de recours a, à juste titre, écarté la grande majorité des images produites devant l’EUIPO par la requérante au motif que ces images, et notamment celles reproduites dans la décision attaquée, étaient relatives à des signes qui n’étaient pas globalement équivalents à la forme enregistrée de la marque en cause.

116    Il est vrai que, comme cela a été annoncé au point 106 ci-dessus, la requérante soutient qu’elle a produit, notamment devant le Tribunal, de « très nombreux » éléments de preuve montrant la marque en cause « exactement » ou « à peu de choses près » dans les mêmes « dimensions » que celles de la forme enregistrée de cette marque.

117    Toutefois, il ne ressort pas des pièces produites en annexe à la requête qu’elles contiendraient un nombre significatif d’éléments de preuve représentant des signes globalement équivalents à la forme enregistrée de la marque en cause. Or, il convient de rappeler, d’une part, que la requérante a produit devant l’EUIPO près de 12 000 pages d’éléments de preuve et, d’autre part, que tant la division d’annulation que la chambre de recours lui ont reproché de ne pas avoir produit de preuves d’usage de la marque en cause elle-même. Pourtant, force est de constater que, devant le Tribunal, la requérante n’a pas identifié, parmi les images produites lors de la procédure devant l’EUIPO, celles qui permettraient d’établir l’usage de la marque demandée sous sa forme enregistrée ou sous des formes globalement équivalentes.

118    Deuxièmement, il y a lieu de relever que certaines des images écartées par la chambre de recours – dont les trois premières images reproduites au point 68 ci-dessus – montrent une marque à trois bandes apposée sur des sacs de sport, lesquels ne font pas partie des produits en cause. Ainsi, eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus, de tels éléments de preuve ne sont, en tout état de cause, pas pertinents.

119    Troisièmement, s’il est vrai que certaines images produites par la requérante correspondent à la marque en cause et sont, ainsi, susceptibles d’établir un certain usage de cette marque, ces images ne fournissent toutefois, en l’absence de tout autre élément, aucune indication sur l’importance et la durée de cet usage, non plus que sur l’impact dudit usage sur la perception de cette marque par le public pertinent. Par conséquent, lesdites images ne permettent pas de démontrer que cet usage a été suffisant pour qu’une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque en cause le produit comme provenant d’une entreprise déterminée.

b)      Sur les données relatives au chiffre d’affaires et aux dépenses de marketing et de publicité

120    La requérante a notamment produit devant l’EUIPO une déclaration sous serment présentant la « marque adidas » ou « marque aux trois bandes » et comportant, pour l’ensemble des 28 États membres de l’Union, des données en ce qui concerne le chiffre d’affaires de l’entreprise dirigée par la requérante ainsi que le montant des dépenses de marketing et de publicité engagées par cette entreprise. Il est précisé dans cette déclaration sous serment que les produits vendus par l’entreprise sont presque tous revêtus de la « marque aux trois bandes » et que la grande majorité de ses supports publicitaires montrent cette marque. Cette déclaration fournit également des indications quant aux parts de marché de la « marque adidas » dans certains États membres, à savoir l’Allemagne, la France, la Pologne et le Royaume-Uni. En outre, elle récapitule l’activité de parrainage de la requérante dans le cadre de manifestations et de compétitions sportives.

121    À l’instar de la division d’annulation, la chambre de recours a reconnu le caractère « impressionnant » des chiffres figurant dans la déclaration sous serment (point 46 de la décision attaquée). À cet égard, il ne fait aucun doute que la requérante a exploité de façon intensive et durable certaines de ses marques au sein de l’Union et consacré d’importants investissements à la promotion de ces dernières.

122    Toutefois, la chambre de recours a relevé, à juste titre, qu’il n’était pas possible d’établir un lien entre les données chiffrées fournies par la requérante et la marque en cause ainsi qu’entre ces données et les produits en cause (points 46 et 70 de la décision attaquée).

123    En effet, les données chiffrées fournies par la requérante concernent l’ensemble de l’activité de l’entreprise, tous produits et toutes marques confondus. Elles incluent donc, d’une part, la vente et la promotion de produits non pertinents, tels que les sacs de sport (voir point 118 ci-dessus), et, d’autre part, la vente et la promotion de produits revêtus uniquement de signes autres que la marque en cause.

124    Par ailleurs, la plupart des exemples de marketing sportif et de supports publicitaires invoqués par la requérante devant l’EUIPO et reproduits dans la requête ou produits en annexe à cette requête montrent des signes à trois bandes qui, du fait notamment d’une inversion du schéma de couleurs, ne sont pas globalement équivalents à la forme enregistrée de la marque en cause.

125    Dans ces conditions, les données relatives au chiffre d’affaires et aux dépenses de marketing et de publicité ne permettent pas d’établir que la marque en cause a été utilisée et qu’elle a acquis un caractère distinctif du fait de son usage.

c)      Sur les études de marché

126    La requérante a produit devant l’EUIPO 23 études de marché réalisées entre 1983 et 2011 en Allemagne, en Estonie, en Espagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Finlande, en Suède et au Royaume-Uni.

127    La chambre de recours a estimé, en substance, que, dans la mesure où nombre des études de marché produites par la requérante ne portaient pas sur la marque en cause telle qu’enregistrée, ces études n’étaient pas pertinentes aux fins d’établir que la marque en cause avait acquis un caractère distinctif à la suite de son usage dans les territoires des États membres concernés (points 48 à 50 de la décision attaquée).

128    À cet égard, il convient de distinguer deux catégories d’études de marché parmi celles produites par la requérante devant l’EUIPO.

129    En premier lieu, il importe de constater que, devant le Tribunal, la requérante mentionne explicitement et produit à nouveau cinq études de marché réalisées entre 2009 et 2011 en Allemagne, en Estonie, en Espagne, en France et en Roumanie. Ces études de marché ont été réalisées en suivant la même méthodologie et sur le fondement d’une représentation graphique identique à celle reproduite au point 2 ci-dessus. Elles ont notamment permis de déterminer, sur la base d’un questionnaire, un « degré de distinctivité » de la marque en cause, défini comme la proportion des personnes interrogées percevant cette marque comme émanant d’une seule entreprise lorsqu’elle est utilisée en relation avec des vêtements de sport ou des équipements de sport. Selon la conclusion desdites études de marché, ce degré de distinctivité s’élève, pour le grand public, à 57 % en Allemagne, à 48,3 % en Estonie, à 47,1 % en Espagne, à 52,0 % en France et à 30,6 % en Roumanie. Pour le public spécialisé qui achète ou utilise, ou qui est susceptible d’acheter ou d’utiliser, des vêtements de sport ou des équipements de sport, le degré de distinctivité est plus élevé et atteint 63,5 % en Allemagne, 52,4 % en Estonie, 62,7 % en Espagne, 62,7 % en France et 43,2 % en Roumanie.

130    Ainsi, il ressort des cinq études de marché mentionnées au point 129 ci-dessus, d’une part, qu’elles sont relatives à l’usage de la marque en cause sous sa forme enregistrée et, d’autre part, qu’elles mesurent concrètement la perception de cette marque par le public pertinent. Par ailleurs, ni la chambre de recours, ni l’EUIPO, ni l’intervenante n’ont contesté la méthodologie adoptée pour réaliser ces études de marché. Il s’ensuit que lesdites études de marché sont, en principe, des éléments pertinents aux fins d’établir que la marque en cause a acquis un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en a été fait.

131    Cependant, il y a lieu de relever que, lors de la réalisation des cinq études de marché mentionnées au point 129 ci-dessus, les participants avaient préalablement été interrogés sur la question de savoir s’ils avaient déjà été mis en présence de cette marque en relation avec des vêtements de sport ou des équipements de sport. Eu égard à l’insistance de la requérante sur l’usage de la marque en cause lors d’activités et de compétitions sportives, il ne peut être exclu que la formulation de cette question préalable ait facilité, dans l’esprit des personnes interrogées, l’association de cette marque avec une entreprise déterminée. Dans ces conditions, la pertinence, au regard des produits en cause, des études de marché mentionnées au point 129 ci-dessus doit être nuancée.

132    En second lieu, il convient d’observer que, dans ses écritures, la requérante se borne à faire allusion aux 18 autres études de marché qu’elle a produites devant l’EUIPO et à indiquer que la chambre de recours a rejeté ces études de marché de façon sommaire.

133    Or, il y a lieu de constater que ces 18 études de marché ont été réalisées à propos de signes qui ne sont pas globalement équivalents à la forme enregistrée de la marque en cause, notamment en raison de l’inversion du schéma de couleurs ou de la modification d’autres caractéristiques essentielles de la marque en cause, telles que le nombre de bandes.

134    Ainsi, certaines études, réalisées en Allemagne en 1983, en Espagne en 1986, en 1991, en 2008 et en 2009, en France en 2011, en Italie en 2009, en Finlande en 2005, en Suède en 2003 et au Royaume-Uni en 1995, sont relatives à des signes consistant en deux, trois ou quatre bandes parallèles apposées sur une chaussure. Ces bandes, de longueur, d’épaisseur et de couleur variables, sont toujours positionnées d’une façon spécifique sur la chaussure et coupées de façon oblique (voir, par exemple, les trois images reproduites au point 68 ci-dessus et mentionnées au point 100 ci-dessus).

135    D’autres études de marché, réalisées en Allemagne en 2001 et en 2004, en Espagne en 1995, en Italie en 2004 et en 2009 et aux Pays-Bas en 2004, concernent des signes consistant en deux ou trois bandes blanches apposées sur des vêtements de couleur noire. L’étude réalisée aux Pays-Bas en 2004 concerne également des marques consistant en deux bandes noires apposées sur des vêtements de couleur blanche. De plus, plusieurs de ces études sont relatives à l’existence d’un risque de confusion induit par l’utilisation des signes représentés, et non à l’acquisition par ceux-ci d’un caractère distinctif par l’usage.

136    Enfin, certaines études de marché, réalisées en 1984 en Allemagne et en 1991 en Espagne, avaient pour objet non la représentation graphique d’une marque figurative, mais uniquement les mots « trois bandes » dans les langues allemande et espagnole.

137    Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à se plaindre de ce que la chambre de recours a écarté les 18 études de marché mentionnées aux points 132 à 136 ci-dessus.

d)      Sur les autres éléments de preuve

138    La requérante a également produit de nombreux autres éléments de preuve devant l’EUIPO puis devant le Tribunal, et notamment des décisions de juridictions nationales ou encore des coupures de presse faisant état de la renommée de sa « marque aux trois bandes ».

139    Cependant, dans le cadre de la seconde branche du moyen, la requérante ne se réfère pas expressément et précisément à ces éléments de preuve. En particulier, elle n’indique pas quelles décisions de juridictions nationales et quelles coupures de presse seraient pertinentes aux fins de remettre en cause l’appréciation portée par la chambre de recours en ce qui concerne l’acquisition, par la marque en cause, d’un caractère distinctif.

140    Il est vrai que, dans le cadre de la première branche du moyen, la requérante se prévaut, d’une part, de deux décisions rendues par des juridictions allemandes et, d’autre part, d’une décision rendue par une juridiction française puis confirmée en appel. Ces décisions, déjà évoquées au point 80 ci-dessus et produites à l’annexe A.8 de la requête, auraient reconnu la renommée et, partant, le caractère distinctif des marques de la requérante ainsi que l’usage sérieux dont elles auraient fait l’objet.

141    Toutefois, il y a lieu de relever, d’une part, que les décisions des deux juridictions allemandes évoquent, de façon générale, les « marques aux trois bandes » de la requérante et, d’autre part, que la décision de la juridiction française a été rendue à propos d’une marque consistant en trois bandes blanches apposées sur une chaussure et contrastant avec un fond noir. Par conséquent, faute de porter sur des formes d’usage susceptibles d’être regardées comme équivalentes à la forme enregistrée de la marque en cause, ces décisions sont dépourvues de pertinence aux fins d’établir que cette marque a acquis un caractère distinctif par l’usage.

2.      Sur la preuve de l’usage de la marque en cause et de l’acquisition par celle-ci d’un caractère distinctif dans l’ensemble de l’Union

142    Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 1er, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la marque de l’Union européenne a un caractère unitaire et produit les mêmes effets dans l’ensemble de l’Union.

143    Il résulte du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne que, pour être admis à l’enregistrement, un signe doit posséder un caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, dans l’ensemble de l’Union (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 68).

144    Il s’ensuit que, s’agissant d’une marque dépourvue de caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble des États membres, une telle marque ne peut être enregistrée en vertu de cette disposition que s’il est démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union (voir arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 76 et jurisprudence citée).

145    Certes, même s’il est vrai que l’acquisition, par une marque, d’un caractère distinctif par l’usage doit être démontrée pour la partie de l’Union dans laquelle cette marque n’a pas un caractère distinctif intrinsèque, il serait excessif d’exiger que la preuve d’une telle acquisition soit rapportée pour chaque État membre pris individuellement (voir arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 77 et jurisprudence citée).

146    En effet, aucune disposition du règlement no 207/2009 n’impose d’établir par des preuves distinctes l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans chaque État membre pris individuellement. Il ne saurait, dès lors, être exclu que des éléments de preuve de l’acquisition, par un signe déterminé, d’un caractère distinctif par l’usage présentent une pertinence en ce qui concerne plusieurs États membres, voire l’ensemble de l’Union (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 80).

147    Notamment, il est possible que, pour certains produits ou services, les opérateurs économiques aient regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et aient traité ces États membres, en particulier du point de vue de leurs stratégies marketing, comme s’ils constituaient un seul et même marché national. Dans cette hypothèse, les éléments de preuve de l’usage d’un signe sur un tel marché transfrontalier sont susceptibles de présenter une pertinence pour tous les États membres concernés (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 81).

148    Il en va de même lorsque, en raison de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre deux États membres, le public pertinent du premier possède une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur le marché national du second (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 82).

149    Il ressort de ces considérations que, s’il n’est pas nécessaire, aux fins de l’enregistrement, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, d’une marque dépourvue de caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble des États membres de l’Union, que la preuve soit apportée, pour chaque État membre pris individuellement, de l’acquisition par cette marque d’un caractère distinctif par l’usage, les preuves apportées doivent néanmoins permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des États membres de l’Union (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 83). Il en va de même s’agissant du maintien de l’enregistrement d’une marque sur le fondement de l’article 52, paragraphe 2, du même règlement.

150    En l’espèce, il est constant que la marque en cause est dépourvue de caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble de l’Union. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a recherché si cette marque avait acquis un caractère distinctif pour le public pertinent dans l’ensemble du territoire de l’Union (voir point 22 de la décision attaquée).

151    Il y a lieu de constater que, parmi les éléments de preuve produits par la requérante et examinés aux points 114 à 141 ci-dessus, les seuls qui soient, dans une certaine mesure, pertinents sont les cinq études de marché analysées aux points 129 à 131 ci-dessus.

152    Or, ces études ont été réalisées dans cinq États membres seulement et ne couvrent donc qu’une partie du territoire de l’Union.

153    Cependant, la requérante, soutenue par l’association intervenante, invoque la jurisprudence selon laquelle il n’est nullement exigé que les mêmes types d’éléments de preuve soient apportés pour chaque État membre [arrêts du 28 octobre 2009, BCS/OHMI – Deere (Combinaison des couleurs verte et jaune), T‑137/08, EU:T:2009:417, point 39, et du 15 décembre 2016, Mondelez UK Holdings & Services/EUIPO – Société des produits Nestlé (Forme d’une tablette de chocolat), T‑112/13, non publié, EU:T:2016:735, point 126]. Elle fait valoir qu’elle a produit, pour chaque État membre, d’autres pièces relatives, notamment, à son chiffre d’affaires ainsi qu’au montant des investissements effectués aux fins de promouvoir la marque en cause. Ces pièces démontreraient que la marque en cause est utilisée d’une manière similaire dans les différents États membres et, partant, que les marchés nationaux de tous les États membres sont comparables. Dès lors, appréciés globalement, les différents éléments de preuve qu’elle a produits permettraient d’établir que la marque en cause a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union.

154    Cette argumentation ne peut être accueillie.

155    En effet, d’une part, la requérante n’identifie aucun élément de preuve pertinent à l’exception des cinq études de marché mentionnées aux points 129 et 151 ci-dessus. Par conséquent, elle n’établit pas avoir produit des éléments de preuve pertinents en ce qui concerne les 23 États membres non couverts par ces études de marché.

156    D’autre part, la seule production des données relatives à son chiffre d’affaires et à ses dépenses de marketing et de publicité, lesquelles ont été collectées État membre par État membre, ne saurait suffire à établir l’existence d’un ou de plusieurs marchés transnationaux composés de différents États membres. En particulier, la requérante ne démontre pas que, soit du fait de l’organisation des réseaux de distribution et des stratégies marketing des opérateurs économiques, soit du fait des connaissances du public pertinent, les marchés nationaux des 23 États membres non concernés par les études de marché mentionnées aux points 129 et 151 ci-dessus sont comparables aux marchés nationaux des cinq États membres dans lesquels ces études ont été réalisées. Par ailleurs, si la requérante invoque, aux fins de prouver l’usage de la marque en cause, la circonstance qu’elle parraine des compétitions sportives d’envergure européenne et internationale, elle n’allègue ni ne démontre, à l’aide de cet argument tiré de son activité de parrainage, que les marchés des différents États membres sont comparables.

157    Par conséquent, même en admettant qu’ils soient entièrement pertinents, les résultats des cinq études de marché mentionnées aux points 129 et 151 ci-dessus ne peuvent ni être extrapolés à l’ensemble des États membres ni être complétés et corroborés, dans les États membres non visés par lesdites études, par les autres éléments de preuve produits par la requérante.

158    Dans ces conditions, les différents éléments de preuve produits par la requérante, même appréciés globalement, d’une part, ne permettent pas d’établir un usage de la marque en cause dans l’ensemble du territoire de l’Union et, d’autre part, ne suffisent pas, en tout état de cause, à démontrer que, à la suite de cet usage, la marque en cause est devenue apte, dans l’ensemble de ce territoire, à identifier les produits pour lesquels elle a été enregistrée et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises.

159    Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que la requérante n’avait pas prouvé que la marque en cause avait acquis, dans l’ensemble du territoire de l’Union, un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en avait été fait.

160    Partant, la seconde branche du moyen et, par voie de conséquence, le moyen unique dans son intégralité doivent être écartés.

161    Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

IV.    Sur les dépens

162    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

163    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’EUIPO et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

164    En outre, en vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant supportera ses propres dépens. En l’espèce, l’association intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      adidas AG est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Shoe Branding Europe BVBA.

3)      Marques supportera ses propres dépens.

Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Kowalik-Bańczyk

 

       Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2019.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Considérations liminaires

B. Sur la première branche, tirée de la mise à l’écart injustifiée de certains éléments de preuve

1. Sur le premier grief, tiré de l’interprétation erronée de la marque en cause

2. Sur le second grief, tiré de l’application erronée de la « loi des variantes autorisées »

a) Sur la notion d’usage de la marque au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

b) Sur l’application de la « loi des variantes autorisées »

1) Sur la prise en compte du caractère extrêmement simple de la marque en cause

2) Sur les conséquences de l’inversion du schéma de couleurs

3) Sur les images montrant deux bandes noires sur un fond blanc

4) Sur les images montrant des bandes inclinées

5) Conclusion sur l’application de la « loi des variantes autorisées »

C. Sur la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation quant à l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage

1. Sur le caractère pertinent des éléments de preuve produits

a) Sur les images

b) Sur les données relatives au chiffre d’affaires et aux dépenses de marketing et de publicité

c) Sur les études de marché

d) Sur les autres éléments de preuve

2. Sur la preuve de l’usage de la marque en cause et de l’acquisition par celle-ci d’un caractère distinctif dans l’ensemble de l’Union

IV. Sur les dépens



*      Langue de procédure : l’anglais.